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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 4ème jour de séance, 10ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 8 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

            SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL
            ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI (suite) 2

            ART. 2 (suite) 2

            ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 9 OCTOBRE 2002 26

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

ART. 2 (suite)

Mme Martine Billard - Le II de l'article substitue le contingent d'heures supplémentaires conventionnel au contingent d'heures supplémentaires réglementaire défini par le code du travail comme référence pour le calcul du repos compensateur. Or le contingent conventionnel varie selon les branches, et dans certaines, il est supérieur au contingent réglementaire. Le repos compensateur est destiné à protéger la santé des salariés qui font des heures supplémentaires. Aujourd'hui, on passe de 130 à 180 heures supplémentaires, voire 190 heures dans certains cas, et certaines branches demandent déjà de renégocier les contingents conventionnels : il n'y a plus aucune protection alors que, si certaines conditions de travail se sont améliorées, le stress a augmenté ainsi que les accidents du travail. Nous proposons donc par notre amendement 93 de supprimer cette disposition.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La commission a rejeté cet amendement. La ligne directrice du projet est de conférer de nouvelles responsabilités aux partenaires sociaux, en l'occurrence pour fixer le contingent d'heures supplémentaires.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Effectivement nous voulons simplifier la loi et permettre aux partenaires sociaux de négocier pour adapter la loi à la diversité des situations. Défavorable à l'amendement.

M. Gaëtan Gorce - En réalité, vous ne vous contentez pas d'un renvoi à la négociation, vous modifiez le niveau à partir duquel s'applique le repos compensateur, qui était traditionnellement fixé par la loi ou le décret comme élément de l'ordre public social. Désormais, le repos compensateur pourra varier selon les branches. Nous soutenons l'amendement.

L'amendement 93 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Outre qu'il modifie le seuil d'application du repos compensateur, le texte prévoit que ce repos ne s'applique plus que dans les entreprises de plus de vingt salariés et non plus dans celles de plus de dix salariés. Relever subrepticement ce seuil sans permettre aux partenaires sociaux d'en discuter est en parfaite contradiction avec ce que prétend faire le Gouvernement. Ainsi se justifie notre amendement 159.

M. le Rapporteur - La commission l'a rejeté. Le seuil de 20 salariés a été retenu par cohérence avec la loi antérieure.

M. le Ministre - Même avis.

M. Gaëtan Gorce - Je m'attendais à cette réponse. Mais la loi du 19 janvier 2000 retenait le seuil de 20 salariés pour définir à quel rythme les entreprises allaient passer aux 35 heures. Cela n'a rien à voir avec la fixation du champ du repos compensateur. Les travailleurs concernés vont perdre plusieurs jours de repos compensateur. La réponse du Gouvernement et de la commission sur un sujet aussi sensible est un peu courte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 159 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, je prends d'abord note avec satisfaction des déclarations, approuvées par le rapporteur, que vous avez faites lors des précédentes séances, selon lesquelles les heures supplémentaires correspondent à un surcroît d'activité... (M. le ministre fait un signe de dénégation). Si, c'est bien ce que vous avez dit, ou encore qu'elles sont destinées à faire face à des à-coups de production ou à des imprévus. Vous confirmez ainsi l'ordonnance de 1982 relative au contingent d'heures supplémentaires, l'accord professionnel de 1995 ainsi qu'une jurisprudence constante. Cela signifie que les entreprises ne peuvent adopter une durée du travail structurelle supérieure à la durée légale du travail.

En revanche, ce que nous voulons corriger par notre amendement 32, ce sont des dispositions de régression sociale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Accoyer - Tout de suite les grands mots !

M. Maxime Gremetz - Si vous souhaitez que nous restions toute la nuit, pas de problème ! Nous y sommes disposés.

M. Alain Marty - Nous aussi !

M. Maxime Gremetz - En effet, vous remettez en cause les acquis existant, puisque le repos compensateur ne sera dû qu'au-delà du contingent d'heures supplémentaires conventionnel si celui-ci est plus élevé que le contingent réglementaire - et ce sera d'application immédiate. Les syndicats qui ont accepté un contingent d'heures supplémentaires élevé en comptant sur le repos compensateur se font escroquer, et le député qui votera ce texte pourra annoncer aux ouvriers boulangers de sa circonscription qu'ils ont perdu leur repos compensateur de 50 % des heures au-delà de 130 heures.

D'autre part, en fixant le contingent d'heures supplémentaires à 180 heures par décret, vous prenez 50 heures de repos aux salariés. Un dixième d'entre eux font des heures au-delà de 130 heures, et ce sont 1 500 000 salariés que vous privez de leurs droits actuels en ce domaine.

Vous privez également d'un droit d'autres salariés en portant de 10 à 20 l'effectif à partir duquel le repos compensateur s'applique à 100 %.

Il ne s'agit pas là d'assouplissement, mais de la remise en cause de droits acquis. Nous la refusons. C'est pourquoi nous présentons des amendements maintenant explicitement à 130 heures le seuil à partir duquel se déclenche le repos compensateur de 100 % dans les entreprises de plus de 10 salariés et de 50 % dans les autres.

D'ailleurs comment la suppression du droit au repos créerait-elle des emplois, comme vous le prétendez ? Au contraire, plus on fait d'heures supplémentaires, moins on embauche, cela tombe sous le sens.

Etant donné l'importance de cet amendement, nous demandons un scrutin public.

M. le Président - Les amendements 160 et 161 sont en discussion commune avec l'amendement 32.

M. Gaëtan Gorce - Je présente pour l'instant l'amendement 160. J'y insiste, on nous parle de « libérer » le contingent d'heures supplémentaires, alors que la négociation était déjà possible depuis 1982 au-delà de 130 heures. Ce qu'on veut faire, ce n'est pas  libérer la négociation, mais libérer les heures supplémentaires au-delà de 130 heures du repos compensateur. C'est introduire des différences entre branches et remettre en cause une notion qui faisait partie jusque là de l'ordre public social.

M. le Président - Je vous prie de présenter aussi votre amendement 161.

M. Gaëtan Gorce - Il est sensiblement différent... Il a pour objet d'assurer que le seuil de déclenchement du repos compensateur sera maintenu à 130 heures lorsque les accords ont été conclus sur cette base.

M. le Président - Sur l'amendement 32, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement 32, qui relève du domaine réglementaire. Le décret sur les 180 heures répond tant aux besoins de souplesse des entreprises qu'à la demande des salariés les plus modestes.

Rejet également de l'amendement 160 qui veut enlever aux partenaires sociaux la possibilité de fixer un contingent conventionnel, possibilité que la loi Aubry n'avait d'ailleurs pas remise en cause.

Rejet enfin de l'amendement 161, qui nous renvoie à un amendement que j'ai déposé après l'article 12 pour sécuriser juridiquement ces accords.

M. Gaëtan Gorce - C'est un peu court !

M. le Ministre - M. Gremetz est trop attentif à nos débats pour ne pas savoir qu'à deux reprises, j'ai rappelé la définition des heures supplémentaires donnée par l'article L.212-5 du code du travail : ce sont les heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par la loi.

L'amendement de M. Gremetz vise à inscrire dans la loi le contingent actuel d'heures supplémentaires. Le Gouvernement y est opposé car il veut que les partenaires sociaux puissent débattre de cette question et aller au-delà de 130 heures s'ils le souhaitent.

Avis défavorable également à l'amendement 160 puisqu'il va à l'encontre du double souhait du Gouvernement de simplifier la législation et d'élargir le champ de la négociation.

Avis défavorable enfin à l'amendement 161 : s'agissant des accords qui ont été déjà conclu, le Gouvernement entend respecter pleinement la volonté des partenaires sociaux, qui a été mise à mal par des dispositions complexes et changeantes, dont celles relatives au repos compensateur. Son objectif est de donner à ces accords l'effet que les parties signataires voulaient leur donner.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, je vous renvoie au compte rendu intégral : vous avez bien dit que les heures supplémentaires correspondent à un surcroît d'activité, qu'elles sont destinées à faire face à des à-coups de production ou à des imprévus.

M. le Ministre - Je veux seulement vous faire observer qu'il y a une différence entre ce que le ministre peut dire des heures supplémentaires et la définition qu'en donne le code du travail - qui est la seule que vous ayez à prendre en compte !

M. Maxime Gremetz - Je prends acte !

Mme Martine Billard - A propos de l'amendement 161, M. Gorce a bien expliqué que la référence au contingent conventionnel remet en cause les accords qui ont été passés sur la base du contingent réglementaire. Nous aimerions donc savoir ce qu'il adviendra de ces accords.

A la majorité de 68 voix contre 24 sur 92 votants et 92 suffrages exprimés, l'amendement 32 n'est pas adopté.

Les amendements 160 et 161, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 33 tend à indiquer que le repos compensateur a une durée égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires au-delà de trente-neuf heures, et non de quarante et une heures. Il répond à un souci de justice sociale et sert l'intérêt de l'emploi.

M. le Rapporteur - Par cohérence, la commission a repoussé cet amendement, qui rouvre le débat sur les 35 heures.

M. le Ministre - Cet amendement vise à annuler les effets bénéfiques de ce projet pour les entreprises. Le Gouvernement y est donc défavorable.

M. Gaëtan Gorce - Vous dites attendre de cette loi des effets bénéfiques, Monsieur le ministre, mais quitte à reposer toujours les mêmes questions, puis-je vous demander quels bienfaits pour l'emploi auront, selon vous, le démantèlement des 35 heures et les quelque 15 milliards d'euros consacrés aux allégements de charges ? J'espère obtenir enfin une réponse...

M. le Ministre - Lorsqu'on a gouverné la France pendant cinq ans, appliqué une loi aussi « révolutionnaire » et d'un coût aussi élevé que la loi sur les 35 heures, recouru à force emplois aidés pour faire baisser les chiffres du chômage, puis qu'on se retrouve au 12e rang de l'Union européenne pour ce qui est de l'efficacité des politiques de l'emploi, n'y a-t-il pas matière à s'interroger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous, nous nous sommes interrogés et, prenant en compte l'avis quasi unanime des responsables d'entreprises et des analystes, nous nous employons à donner plus de liberté à nos entreprises, afin qu'elles puissent plus facilement créer des emplois et répondre à la demande, et afin de rendre le site « France » plus attractif pour les investisseurs étrangers.

Voilà la réponse que vous sollicitiez et que je vous répéterai chaque fois que vous reposerez la même question ! (Mêmes mouvements)

M. Maxime Gremetz - Vous élargissez le propos, Monsieur le ministre, mais vous ne nous convaincrez pas (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) que ce que vous faites des heures supplémentaires revient à introduire de la souplesse. C'est bien plutôt agir contre l'emploi (Mêmes mouvements). Je connais les entreprises et ce n'est certainement pas un hasard si les deux ouvriers que compte cet hémicycle sont membres du groupe communiste. Vous, vous n'appréhendez ces réalités que du point du vue des patrons ! (Mêmes mouvements) Prenez garde, vous allez vous fatiguer rapidement, car vous n'êtes pas habitués aux trois-huit non plus qu'au travail à la chaîne !

M. Alain Marty - Vous ne connaissez, vous, que les kolkhozes !

M. Maxime Gremetz - Vous travaillez contre l'emploi, d'autant que les exonérations de cotisations patronales ne seront plus soumises aux préalables qu'étaient la réduction du temps de travail et la création d'emplois. Désormais, on donnera tout pour rien. Et voulez-vous que je vous donne la liste des profits ?

Plusieurs voix UMP - Non !

M. Maxime Gremetz - Vous la connaissez, sans doute ! Je livre tout de même un exemple à votre réflexion : M. Messier, qui n'a pas besoin de faire beaucoup d'heures supplémentaires, gagnait 5 millions de F par mois - 863 fois le SMIC ! Les salariés, eux, en sont réduits à faire des heures supplémentaires...

M. Alain Marty - C'est le résultat de cinq ans de socialisme !

M. Maxime Gremetz - Vous seriez bien en peine de dire de combien est le SMIC !

Plusieurs voix UMP - Lequel ?

M. Maxime Gremetz - Le SMIC mensuel.

Ce n'est donc pas cet amendement qui va dans le mauvais sens, Monsieur le ministre, mais bien votre gouvernement, qui fait tout le contraire de ce qu'il prétend.

M. Gaëtan Gorce - Le ministre s'est arrêté trop vite en chemin ! La France, dit-il, est douzième en Europe pour ce qui est du chômage. Mais il oublie que ce dernier a baissé chez nous plus vite que dans le reste de la zone euro et de l'Union, ce pendant cinq ans. Et poussera-t-il l'honnêteté intellectuelle jusqu'à rappeler quelle position nous occupions en 1997 ? Jusqu'à indiquer les résultats attendus des dispositions qu'il nous propose aujourd'hui ?

L'autre jour, Monsieur le ministre, vous mentionniez les travaux de chercheurs de l'INSEE, selon lesquels les allégements de cotisations avaient pu créer 400 000 emplois. Les vôtres sont incomparablement plus importants que ceux de M. Juppé : quel en sera le fruit ? Je n'y insiste pas par fétichisme des chiffres, mais parce que je suis persuadé que cette loi va jouer contre l'emploi : elle supprimera des emplois Aubry pour créer des chômeurs Raffarin !

M. Daniel Garrigue - Vous ne comprenez pas ce que vous explique le ministre, de sorte que vous vous répétez ! L'emploi dépend avant tout de la croissance, et c'est ce qui explique l'amélioration observée entre 1997 et 2001. Mais la croissance elle-même peut être freinée par des charges excessives, qui dissuadent d'embaucher. Alléger ces charges, c'est au contraire faciliter les embauches en atténuant les effets du ralentissement économique ou en accélérant la reprise.

Contrairement à ce que vous soutenez, les heures supplémentaires n'ont pas d'effets négatifs sur l'emploi. Emprisonner le travail dans des règles trop complexes suscite en revanche chez les chefs d'entreprise un réflexe d'attentisme et de méfiance, et ils n'embauchent pas. Assouplir les règles relatives aux heures supplémentaires n'entraînera pas de créations d'emplois dans un premier temps, c'est vrai, mais cela permet à ces chefs d'entreprise de voir venir (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), de s'inscrire dans une perspective plus dynamique et, lorsque la croissance reviendra, ils recruteront de nouveau.

A preuve de ce que j'avance : lorsque la croissance a commencé de ralentir, le chômage est aussitôt réapparu malgré les 35 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 33, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Sous prétexte de simplification et de cohérence, on remonte systématiquement les seuils à 20 salariés, mais la mesure ne va-t-elle pas jouer contre l'emploi ? Confronté à ce seuil pour le repos compensateur comme pour les heures supplémentaires ou pour les délégués du personnel, le chef d'entreprise sera dissuadé d'embaucher un vingt-et-unième salarié, de peur des modifications qui s'ensuivront pour lui. En rester au seuil de 10 comme y tend l'amendement 7 permettrait à un plus grand nombre de salariés d'accéder au repos compensateur et d'être mieux rémunérés pour leurs heures supplémentaires, mais aussi rendrait le palier moins redoutable pour les entreprises.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 34 tend également à maintenir la législation actuelle, aux termes de laquelle les majorations pour heures supplémentaires sont plafonnées à 10 % dans les seules entreprises de moins de 10 salariés.

Nous avions certes critiqué en son temps une dérogation au droit commun - le provisoire ne tend que trop à durer -, mais nous étions conscients que les petites entreprises appelaient une attention particulière. Et si cette dérogation se justifiait à peine pour les entreprises de moins de dix salariés, elle est encore plus discutable lorsqu'elle est étendue aux entreprises de moins de vingt salariés. Ceux qui bénéficiaient d'une majoration de 25, puis de 50 % la verront tomber à 10 %. Et vous dites qu'en faisant des heures supplémentaires, ils pourront gagner davantage ! En fait, ils y gagneront 1 %, ou même ils y perdront... Mais ce coup à leur pouvoir d'achat est aussi un cadeau en or pour le patronat !

Votre politique pourrait se résumer ainsi : augmenter les contingents. Le descriptif des contrats jeunes en entreprise ne devait au départ bénéficier qu'aux entreprises de moins de 200 salariés. Puis on est passé à 1 000 salariés pour que tout le monde en profite (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). C'est encore ce que vous faites avec les heures supplémentaires, pour faire un nouveau cadeau aux entreprises. Le ministre n'a-t-il pas expliqué qu'il allait porter à 6 milliards d'euros les exonérations de charges patronales ? Ils ne vont pas se plaindre, vos patrons !

La ristourne Juppé, qui n'a pas été supprimée par la gauche, s'applique maintenant jusqu'à 1,8 fois le SMIC. Il n'y a jamais eu autant d'exonérations patronales et on en ajoute encore. Jusqu'où va-t-on aller ?

Vous qui parlez de croissance, savez-vous à quoi seront utilisées ces exonérations ? A la spéculation financière ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

Vous ne déjugerez pas le Premier ministre, pour qui la croissance n'est plus soutenue aujourd'hui que par la consommation des ménages. Pour qu'ils consomment, encore faut-il qu'ils aient des salaires satisfaisants (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Ceux qui veulent limiter à 10 % la majoration pour les heures supplémentaires devront prendre leurs responsabilités, car mon groupe a demandé un scrutin public sur mon amendement.

M. Gaëtan Gorce - Notre amendement 163 est identique à l'amendement 34.

Puisque le ministre veut relever le seuil dans un souci de cohérence, compte-t-il faire de même pour d'autres dispositions du code du travail comme l'élection des délégués ? Par ailleurs, puisque vous attachez tant d'importance au dialogue social, pourquoi n'avoir pas présenté cette mesure aux partenaires sociaux durant la phase de consultation ? Ils le vivent assez mal, car cette disposition va priver 1,6 million de salariés de leur repos compensateur.

M. le Président - Sur le vote des amendements 34 et 163, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces trois amendements. Ce projet vise à allier efficacité et solidarité en favorisant la création de richesses.

M. le Ministre - Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements qui visent à pérenniser des dispositifs que plus rien ne justifie.

Je suis d'accord avec Mme Billard quand elle dénonce les conséquences des effets de seuil. Mais quelle est la différence, selon que le seuil est à 10 ou à 20 ?

Dans les lois Aubry, le seuil retenu pour les PME est de 20, ce qui correspond d'ailleurs à une réalité en termes de durée du travail. En simplifiant le dispositif, le Gouvernement va dans le bon sens. Il permet aux petites entreprises de prendre le temps d'ouvrir des négociations de branche, afin de rapprocher petit à petit les statuts des salariés.

Je ne peux laisser dire que la consultation n'a pas eu lieu. Mais il s'agit d'un processus dynamique. Nous avons reçu les organisations syndicales et nous avons tenu compte de leurs remarques. Ainsi, la CGPME a insisté sur la nécessité de prolonger les dispositions dérogatoires de la loi Aubry. En fin de parcours, la Commission nationale de la négociation collective a été saisie du texte.

M. Gaëtan Gorce - Ce changement de seuil aura pour conséquence de supprimer leur droit au repos compensateur à 1,5 million de salariés.

M. Bernard Accoyer - Il est professoral...

M. Gaëtan Gorce - Monsieur Accoyer, je sais que l'opposition dérange le vice-président de l'UMP que vous êtes. Je vous rappelle les propos de M. Chérèque, qui a estimé que se posait « un problème de confiance ». Je pourrais multiplier les citations : les organisations n'apprécient pas que le texte présenté en conseil des ministres ne soit pas celui qui a été soumis à la consultation. C'est un fait. Il n'est pas besoin d'épiloguer.

M. le Ministre - Nous allons tout de même épiloguer, car on ne peut accepter qu'un représentant de l'ancienne majorité prétende que le dialogue social est insuffisant quand la moitié des Français estiment qu'il est devenu une réalité : c'est deux fois plus que quand vous étiez au pouvoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Cela ne m'étonne pas, car si nous avons péché, c'est en négligeant le dialogue social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Vous n'avez aucun mérite à faire mieux, mais dans quelque temps, ce sera beaucoup moins bien (Sourires).

L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

A la majorité de 72 voix contre 28 sur 100 votants et 100 suffrages exprimés, les amendements 34 et 163 ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - Mon amendement 162 vise à apporter une garantie aux salariés en exigeant un accord majoritaire pour le dépassement du contingent d'heures supplémentaires.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement qui vise à soumettre à un référendum les contingents conventionnels. Ce sont les partenaires sociaux qui sont compétents.

M. le Ministre - M. Gorce se plaint que le débat n'avance pas parce que le Gouvernement ne lui répond pas, mais il ne tient aucun compte de mes réponses. J'ai déjà dit que la règle majoritaire ne peut fonctionner que dans l'entreprise. Jamais, dans le passé, M. Gorce n'a proposé que la règle majoritaire s'applique dans les accords de branche.

Le Gouvernement s'est engagé à négocier avec les partenaires sociaux la mise en _uvre de l'accord signé en juillet, mais ce texte n'a pas cet objet.

L'amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Mon amendement 164 vise à supprimer le 2° du II de cet article qui modifie le régime du repos compensateur. De nombreuses organisations syndicales, ainsi que de nombreux économistes ont souligné qu'une hausse du contingent d'heures supplémentaires mettrait en péril l'emploi. Relever ce contingent au moment où la croissance ralentit, c'est un mauvais choix.

J'observe que je n'ai toujours pas de réponse sur la question de l'emploi.

Il faut libérer les entreprises du carcan des charges, ai-je entendu. Combien d'emplois seront alors créés ? Nous avons cité les chiffres du ministère du travail. Ils auraient dû nous réconcilier ! Nous parlions de 300 000 emplois. Or le ministre conteste les chiffres de son administration et nous répond par des pétitions de principe. Les trente-cinq heures n'ont pas créé d'emplois ; les allégements de charge en créent. Mais il ne donne pas de précisions. Sans doute le Gouvernement ne veut-il pas prendre d'engagement qu'il ne pourrait pas tenir.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement. Je ne me répéterai pas puisque les arguments ont déjà été exposés.

M. le Ministre - Le Gouvernement est opposé à cet amendement, qui vide de son sens la réforme proposée. Les objectifs du Gouvernement ? Faire mieux que la 12e place, en Europe, en matière de chômage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

L'amendement 164, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Avec l'amendement 35, nous proposons que les heures supplémentaires au-delà du contingent ne doivent être effectuées qu'en cas d'absolue nécessité.

Mais je reviens à la citation que j'avais faite tout à l'heure des propos du ministre. Puis-je vous lire le compte rendu de la séance du jeudi 3 octobre 2002 ? :

« M. le Rapporteur - Avis défavorable. Les heures supplémentaires correspondent à un surcroît d'activité.

« M. le Ministre - Ces heures supplémentaires sont destinées à faire face aux à-coups de la production, à des imprévus. Il n'y a donc aucune raison d'accepter cet amendement ».

Vous le voyez, ma citation était exacte.

Ce que nous proposons correspond tout à fait aux déclarations de M. le rapporteur et de M. le ministre. Les heures supplémentaires ne doivent pas être encouragées. Le projet du Gouvernement ferait perdre immédiatement 50 heures de repos à des salariés qui travaillent dans une branche où le contingent est de 180 heures.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 115 s'inspire du même esprit. Nous n'avons aucune défiance à l'endroit de la négociation mais nous considérons que le repos compensateur qui relève de l'ordre social, doit être défini par les pouvoirs publics.

Même argumentation pour l'amendement 116.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces trois amendements. A M. Gremetz, je dirai que les propos qu'il a rappelés faisaient référence à une définition littéraire des heures supplémentaires.

Nous avons tenu compte du fait que nous avions une proposition de décret portant les heures supplémentaires à 180 heures.

M. le Ministre - Ces trois amendements reprennent des amendements précédemment défendus sur lesquels je me suis déjà exprimé. Nous souhaitons donner aux partenaires sociaux la possibilité de négocier le contingent d'heures supplémentaires et de revenir sur les accords précédemment signés.

M. Alain Vidalies - Ce débat est fondamental. Il peut changer notre appréciation de la portée de la loi.

Jusqu'à présent, nous considérions tous, semble-t-il, que les heures supplémentaires étaient définies dans le code du travail, mais que la jurisprudence donnait une interprétation à partir de l'accord interprofessionnel de 1995 qui fait référence au « surcroît d'activité ».

Nous avons abordé la discussion de ce projet en pensant qu'il se fondait sur le droit positif - à la fois conventionnel et législatif. Mais le Gouvernement s'en tient à une définition qui nous fait craindre une grande régression. Faut-il voir dans son absence de réponse précise une intention de remettre en cause l'accord de 1995 ? Les conséquences pour les salariés s'en trouveraient encore aggravées.

M. Maxime Gremetz - Je n'ai pas bien compris la réponse de M. le rapporteur. Il a parlé de définition « littéraire » ? Je ne savais pas que le code du travail contenait ce type de définition... C'est votre définition qui était littéraire !

Nous insistons sur les heures supplémentaires : la définition de 1995 est-elle ou non remise en cause ? Tout ce qui concerne le contingent d'heures supplémentaires ou le repos compensateur détermine s'il y a réduction du temps de travail ou non. Ou l'on crée des emplois, ou l'on donne aux employeurs la possibilité d'utiliser un contingent d'heures supplémentaires comme jamais, dans notre histoire, cela ne s'est vu. Des heures supplémentaires, en outre, payées au plus bas niveau, avec une majoration de seulement 10 %. Vous remettez ainsi en cause notre législation sociale ! Vous nous avez dit que la durée légale du temps de travail resterait à 35 heures, mais le texte propose un contingent d'heures supplémentaires élargi payé selon des accords à venir avec les partenaires sociaux. Je veux bien que l'on s'en remette pour tout à la négociation. Après tout, peut-être pourrions-nous nous dispenser de légiférer ? Mais les partenaires sociaux ne sauraient discuter comme il convient avec les représentants du patronat, car dans notre démocratie sociale, les accords majoritaires disparaissent ; qu'un syndicat qui représente 2 % des voix signe un accord et l'on considère qu'il y a eu dialogue social !

M. le Rapporteur - Une précision à l'attention de M. Gremetz. : nous avons évoqué les heures supplémentaires à partir de l'amendement 132 de M. Gorce ; c'est à ce propos que j'ai parlé de définition « littéraire ».

Je confirme que les heures supplémentaires correspondent à un surcroît d'activité ; M. le ministre avait rappelé que la définition réglementaire est celle du code du travail : « toute heure effectuée au-delà de la durée légale du temps de travail ».

Les amendements 35, 115, 116, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Défendant l'amendement 36, je reprendrai ce que j'ai déjà dit. Il arrive souvent que pour éviter de se répéter, on se contredise !

Ma proposition, j'y reviens, concerne les entreprises entre dix et vingt salariés. On nous oppose souvent l'argument des effets de seuil. De fait, fixer un chiffre provoque toujours un effet de seuil. Pour éviter cet inconvénient, le plus simple est évidemment de conserver ce qui existe !

L'abaissement du seuil de vingt à dix intéresse 1,5 million de salariés, dont sans cela les heures supplémentaires seraient payées 10 % de plus au lieu de 25 % ou 50 % (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Si la différence ne compte pas pour vous, qui avez des salaires conséquents...

M. Jean Ueberschlag - Nous avons le même salaire que vous !

M. Maxime Gremetz - Vous vous réveillez ? Il y a longtemps que je ne vous avais pas entendu (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ces salariés sont des gens qui peinent pour vivre. Ce sont ces salariés pauvres, qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Ce sont ceux qui sont bercés de promesses électorales, mais n'obtiennent jamais rien. Les profits, les grandes fortunes, Mme Bettencourt, M. Messier (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)... C'est à eux que vous voulez faire plaisir mais ce ne sont pas ceux-là que nous défendons ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies - Notre amendement 117 porte lui aussi sur la question du seuil. Le ministre prétend mettre en _uvre une harmonisation prévue dans la loi Aubry, qui distinguait entre les entreprises de plus ou de moins de vingt salariés. Ce n'est pas la réalité. La loi Aubry introduisait des délais d'application mais ne portait pas atteinte à la situation des salariés. Aujourd'hui, pour les 1,5 million de salariés concernés, non seulement vous modifiez le taux de rémunération des heures supplémentaires mais vous supprimez sept jours de repos compensateur dans l'année. Pour les salariés, le réveil sera douloureux.

Votre projet ne fait pas le consensus dans le monde des entreprises, comme le montre la lecture de certaines revues professionnelles, notamment liées à l'UPA. On s'interroge sur le statut des salariés et sur leur fidélisation. Une différenciation excessive du statut des salariés selon la taille de l'entreprise pourrait, dit-on, créer des difficultés.

Au reste, sur ce problème, vous auriez pu renvoyer à la négociation, à laquelle vous dites tenir si fort, plutôt que de mettre en cause des dispositions intéressant la vie de 1,5 million de personnes.

Les effets de votre projet sur l'emploi continuent de nous inquiéter.

M. le Rapporteur - Avis défavorable aux amendements, qui portent sur le repos compensateur et non pas sur les heures supplémentaires. Les arguments que tire M. Gremetz d'hypothétiques quartiers de noblesse prolétaires ne doivent pas le conduire à mettre en cause la légitimité des députés. La contester revient à insulter la représentation nationale et la volonté du peuple français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Avis également défavorable. Monsieur Vidalies, les lois Aubry ont remis en cause la situation de nombreux salariés. Toutes les études ont montré que le pouvoir d'achat des salariés modestes avait baissé du fait de la RTT. Ces salariés, vous devriez les écouter davantage. Ils sont nombreux à se plaindre.

Non, nous n'empêcherons nullement les entreprises de s'adapter. Rien ne les empêche, si elles constatent que le statut dérogatoire prolongé jusqu'en 2005 rend plus difficile le recrutement de salariés, de modifier les règles dans un sens plus avantageux pour ces derniers. Aux partenaires sociaux de négocier librement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Monsieur le rapporteur, Monsieur le ministre, soyez plus prudents dans vos affirmations. Ecoutez plutôt ceci, que je lis dans un journal qui vient de paraître : « Les ouvriers français de Toyota préfèrent le temps à l'argent ». S'ils doivent choisir, ils préfèrent rester aux 35 heures. Ils sont des millions dans leur cas. Mais vous allez les décourager si vous multipliez les heures supplémentaires payées 10 % de plus.

Il est vrai que la part des salaires dans le revenu national a stagné depuis 1997. Les revenus du capital se sont mieux portés et leur part est passée à 60 % contre 40 % pour les revenus du travail. Il est indispensable de renforcer le pouvoir d'achat pour alimenter la croissance économique ; il ne suffit pas de s'en remettre aux locomotives extérieures.

M. Gaëtan Gorce - Monsieur le ministre, vous instruisez en permanence le procès de la RTT, chargée par vous de tous les maux. Pourquoi alors n'allez-vous pas plus loin dans la remise en cause de la loi Aubry ?

Sur l'évolution du pouvoir d'achat, les chiffres ne sont pas ceux que vous citez. Il est vrai qu'une partie des salariés a subi une moindre augmentation, mais le gain en moyenne, pour les salariés, a été beaucoup plus élevé entre 1997 et 2002 qu'il ne l'a été entre 1993 et 1997, et qu'il ne le sera au cours des années qui viennent.

Un député UMP - C'est faux !

M. Gaëtan Gorce - L'évolution du pouvoir d'achat net moyen dans les cinq dernières années dépasse 5 % par an, celle du salaire horaire par tête s'élève à 8 % durant la période (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Que la revendication salariale n'ait pas été entièrement satisfaite, c'est l'évidence !

Mais vous, vous proposez un marché de dupes. Le taux de 10 % applicable aux heures supplémentaires le montre bien. Vous invitez le salarié aujourd'hui à 39 heures à renoncer aux treize jours de RTT auxquels il aurait droit s'il passait aux 35 heures pour bénéficier de 10 % de rémunération supplémentaire répartie sur quatre heures, soit 1 % de hausse de son salaire.

Vous voulez introduire davantage de souplesse, soit : mais ne justifiez pas votre démarche par des raisons sociales, qui n'existent pas dans votre texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Les amendements 36 et 117, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 37 prévoit que dans les branches où un accord comprend déjà un contingent d'heures supplémentaires supérieur à 130 heures, le repos compensateur s'applique dans les conditions actuelles, sauf si un nouvel accord en dispose autrement. C'est le cas dans 62 branches, avec jusqu'à 318 heures dans la boucherie et 329 heures dans la boulangerie. Les syndicats ont fait cette concession parce qu'il y avait le repos compensateur. Avec votre projet, les ouvriers de la métallurgie perdront 50 heures de repos par an et ceux de la boulangerie 199 heures. Les syndicats seront obligés de dénoncer ces accords, et on peut prévoir beaucoup de conflits, qui ne seront bons pour personne.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement 37. Il est difficilement compréhensible, puisqu'ainsi nous mettrions en place un système qui ne s'appliquerait que si un nouvel accord n'en décide pas autrement. C'est compliqué.

M. Maxime Gremetz - Il s'agit de ne pas modifier les accords existants sauf par avenant. C'est trop compliqué ?

M. le Ministre - Défavorable. J'ai déjà dit que notre intention était d'unifier les contingents et d'introduire plus de souplesse et de liberté.

Quant aux accords d'entreprise et de branche, nombreux, conclus dans le cadre des lois de 1998 et 2000, ce projet ne vise pas à les remettre en cause. Il appartient à leurs signataires de les renégocier si nécessaire. Ces amendements montrent que vous n'avez pas confiance dans les partenaires sociaux. Sur la base du projet de loi, les dispositions antérieures sont applicables sous réserve de l'accord des partenaires sociaux. Des dispositions antérieures qui trouveraient une base juridique dans le projet seront applicables sous réserve de l'accord des parties et, au niveau des branches, de leur extension.

M. Gaëtan Gorce - Monsieur le ministre, vous dites que pour les accords de branche pour lesquels les arrêtés d'extension ont fait l'objet de réserves, celles-ci ne s'appliquent plus nécessairement compte tenu des nouvelles dispositions que vous proposez. Dès lors, prendra-t-on de nouveaux arrêtés pour régulariser ces accords, et cela concernera-t-il seulement les forfaits jour ou également le seuil de déclenchement du repos compensateur ? Nous aimerions une réponse. Précisément, les accords actuels qui prévoient un contingent d'heures supplémentaires supérieur au contingent réglementaire, qu'évoquait Maxime Gremetz, donneront-ils lieu à repos compensateur au-delà des 130 heures ou faudra-t-il les renégocier ?

L'amendement 37 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Le ministre a bien dit que les accords existants ne seront pas remis en cause. S'il ne veut pas le confirmer, nous attendrons, ce sera au Journal officiel.

Notre amendement 38 précise que l'accord collectif soumis à extension doit avoir recueilli les signatures d'organisation syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections des comités d'entreprise dans la branche considérée au cours des deux années précédentes. Comment le saura-t-on, direz-vous ? Cette majorité est constatée à partir des procès-verbaux adressés à l'administration compétente qui chaque année, informe les organisations syndicales et patronales sur l `influence chiffrée de chacune d'elle.

M. Yves Bur - Quelle bureaucratie !

Un député UMP - Et s'il n'y a pas d'élections ?

M. Maxime Gremetz - L'employeur doit les organiser dans les entreprises de plus de 50 salariés, même s'il n'y a pas de syndicat, sinon il est sanctionné ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) c'est la Cour de cassation qui le dit !

Si après la signature de l'accord les syndicats signataires deviennent minoritaires, il ne continue à produire ses effets que s'il est renégocié. La règle démocratique doit s'appliquer dans le monde du travail, notamment lorsque les accords sont dérogatoires. Les salariés en ont assez des accords étendus à une branche par le bon vouloir du ministre du travail.

M. le Rapporteur - Ne voulant pas anticiper sur la réflexion lancée par les partenaires sociaux sur les voies et moyens de la négociation syndicale, la commission a rejeté cet amendement.

M. le Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Nous en avons un peu plein la tête de tous ces rejets successifs de la commission. Nous avons besoin de réfléchir. Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 23 heures 15, est reprise à 23 heures 20.

L'amendement 38, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L'amendement 118 tend à inscrire dans la loi que le contingent annuel d'heures supplémentaires est de 130 heures. Le jour où, Monsieur le ministre, vous serez confronté à une augmentation du nombre de demandeurs d'emploi - quelle qu'en soit la raison -, ne pensez-vous pas qu'on vous reprochera de laisser beaucoup de gens à la porte des entreprises, tout en permettant que d'autres effectuent beaucoup d'heures supplémentaires ? Le texte que vous nous proposez traduit une volonté de régression sociale.

M. le Rapporteur - Rejet. La fixation du contingent relève du domaine réglementaire.

M. le Ministre - Monsieur Vidalies, si la réduction du temps de travail a un effet positif sur l'emploi, comment expliquez-vous que depuis plus d'un an le chômage augmente ? Et pourquoi ne proposez-vous pas d'aller plus loin, pourquoi la réduction du temps de travail n'était-elle même pas évoquée dans le programme du candidat Jospin ?

En vérité, l'argumentation que vous développez inlassablement est fausse et elle a déjà été jugée par la majorité des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - La meilleure réponse que je puisse vous faire, c'est de citer un texte signé aujourd'hui par l'ensemble des organisations syndicales de votre ministère. Evoquant les doutes que vous avez formulés sur l'effet des 35 heures sur la création d'emploi, il rappelle que les travaux de la DARES - la direction des études du ministère -, qui fondent le rapport présenté par le Gouvernement au Parlement en septembre dernier, « font état de 300 000 créations d'emploi grâce à la RTT entre 1997 et 2001 » ; il ajoute que « ces chiffres sont établis de façon rigoureuse par des études dont la méthodologie est publique et n'a fait l'objet d'aucune critique d'ordre technique ou scientifique ».

Voilà sans doute la meilleure réponse que nous puissions vous opposer !

M. Maxime Gremetz - N'avançons, dans ce débat que des éléments avérés ! Nous venons de voir que vos services reconnaissaient la création de 300 000 emplois. Pour nous, c'était bien loin de l'objectif, fixé initialement à un million...

Plusieurs députés UMP - 700 000 !

M. Maxime Gremetz - Mais nous aurions pu parvenir au compte si nous avions eu une loi plus exigeante sur les contreparties demandées aux entreprises. Du rapport de votre ministère, il ressort en effet que le mouvement de créations a été particulièrement vigoureux entre 1997 et 1999, puis qu'il s'est ralenti sensiblement avec la deuxième loi. En ce qui nous concerne, nous avons toujours soutenu que la réduction du temps de travail était un mouvement historique que nul ne pourrait arrêter - pas même vous, Monsieur le ministre ! - et nous avons constamment demandé, non un démantèlement de la loi, mais son enrichissement, au service de l'emploi, de la formation et du temps libre.

M. le Ministre - J'ai tant de respect pour le travail des services de mon ministère que je ne résiste pas au plaisir de lire le passage de leur rapport qui suit immédiatement celui auquel M. Vidalies vient de se référer : « Il n'est sans doute pas indifférent de relever la coïncidence entre les besoins en main-d'_uvre ressentis par les entreprises au cours des dernières années, par suite de la croissance de la demande, et l'opportunité donnée par l'Etat de soutenir les embauches correspondant aux 35 heures, via les allégements de charges ». Sans commentaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - Vous oubliez de dire que les chiffres de créations livrés dans ces études le sont après correction des effets d'aubaine. Or, qu'ils viennent du Commissariat général du Plan ou de l'OFCE, ils s'établissent toujours à quelque 300 000 ou 350 000. Les contester, c'est donc livrer un combat d'arrière-garde. Mais ce qui m'intéresserait davantage, car il y va de l'avenir, ce serait que le ministre nous dise combien d'emplois il va créer, lui ! Depuis le 1er janvier, selon l'URSSAF, la réduction du temps de travail a encore permis d'en créer 25 000 : quel est son objectif ? J'attends toujours la réponse...

L'amendement 118, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 8, qui a encore trait au repos compensateur, est un amendement de cohérence.

Notre but n'est pas d'empêcher les négociations entre les partenaires sociaux, à qui nous ne ferions pas confiance. Mais, s'il s'agit de supprimer tout cadre pour laisser conclure les accords que souhaitent certaines branches du MEDEF, il ne vaut même plus la peine de fixer un contingent d'heures supplémentaires par décret !

La loi est là pour interdire des accords par trop défavorables aux salariés, ce qui pourrait être le cas si ces accords étaient signés par des syndicats minoritaires. Or vous refusez obstinément d'exiger la signature de syndicats représentatifs au niveau des branches, sous prétexte que cela ne s'est pas fait jusqu'ici. Mais justement ! Montrez que vous êtes meilleur que le gouvernement précédent et faites-le, vous. Les salariés vous en sauront gré. En commission, vous avez simplement pris l'engagement de ne pas étendre les accords signés par des syndicats « trop » minoritaires : quel sens a ce « trop » en démocratie ? On atteint les 50 % de voix ou on ne les atteint pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Votre but est-il de laisser les branches libres de fixer le contingent d'heures supplémentaires, ou votre décret fixera-t-il une limite effective ?

M. Maxime Gremetz - L'amendement 39, identique, est également de cohérence.

M. le Rapporteur - Rejet. L'article permet de fixer, par accord de branche étendu, un contingent conventionnel inférieur ou supérieur au contingent réglementaire - comme c'est d'ailleurs le cas jusqu'ici. Nous reprocherait-on de ne pas faire ce qu'on n'avait pas fait soi-même ?

M. le Ministre - Madame Billard, nous allons faire mieux que nos prédécesseurs : dès le début de 2003 va s'ouvrir la négociation sur la modernisation des conditions du dialogue social. Le sujet mérite qu'on prenne le temps d'organiser une concertation qui ne sera certes pas simple, tant ce domaine a été laissé en friche.

Si vous pensez que le décret fixera une limite supérieure, vous vous trompez : il est destiné à ne s'appliquer qu'en l'absence d'accord, notre v_u étant de laisser les partenaires sociaux libres de déterminer le niveau du contingent.

Les amendements 8 et 39, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - Il y a un grand absent dans ce débat : le décret qui doit porter à 180 heures le contingent d'heures supplémentaires. Vous nous assurez que sa validité ne sera que transitoire, en attendant que les négociations se nouent. Mais les organisations syndicales estiment, elles, qu'il n'y a plus matière à négocier : le relèvement du contingent n'est sans doute pas une priorité pour elles ; le bénéfice des allégements, déconnecté de la réduction du temps de travail, ne les concernera plus ; vont-elles alors discuter de l'abaissement des majorations pour heures supplémentaires ? Le cadre apparaît décidément bien étroit...

Mais ce qui fait surtout problème dans ce décret, c'est qu'en relevant le contingent d'heures supplémentaires, il va permettre de contourner de fait la loi sur les 35 heures, puisque l'on pourra revenir ou rester à 39 heures grâce aux quatre heures supplémentaires. Votre gouvernement sera ainsi l'un des rares de notre histoire à avoir accru la durée de travail des salariés : à côté du vôtre, on ne peut en effet citer que celui de MM. Daladier et Reynaud et celui de Louis-Napoléon Bonaparte qui, en 1851, était revenu sur la journée de 10 heures instaurée par la IIe République ! Je ne vous envie pas ces grands ancêtres ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Nous reviendrons sans trêve sur cette question du contingent, non au nom des 35 heures, mais bien de l'emploi. Contrairement à ce que vous dites, il ne s'agit pas de « libérer » les heures supplémentaires, mais de modifier le seuil à partir duquel il y a repos compensateur. C'est donc bien avant tout sur ce dernier point que vous agissez.

D'où les amendements 119 et 178 à 190.

M. le Rapporteur - Rejet. Je ne reviendrai pas sur le débat entre cadre législatif et cadre réglementaire, mais je m'étonne qu'on propose des dispositions spécifiques pour le BTP, pour l'industrie et le commerce, pour les petites entreprises du bâtiment, pour les industries nautiques, pour le commerce de détail des fruits et légumes, pour les organismes de formation, pour les industries du verre... Tout cela sort du cadre général de la loi.

M. le Ministre - Même avis.

M. Alain Vidalies - Nous n'avions pas bien compris la réponse du rapporteur, mais le ministre s'est exprimé sur le sort des accords passés sous l'empire de la loi encore en vigueur, et sa formulation nous permet d'espérer une réponse positive, ou du moins cohérente.

Quand les conditions générales fixées par la loi changent, l'engagement pris après la négociation doit être revu. En tout cas, il ne peut être opposé aux salariés.

Quand le contingent d'heures supplémentaires était limité à 130 heures, les organisations syndicales ont accepté des dépassements parce qu'il y avait la garantie du repos compensateur. Les accords passés seront-ils opposables alors que la règle générale a changé ?

Monsieur le ministre, nos amendements ne visent qu'à protéger la négociation. Pour tenir compte de la loi nouvelle, il faut au moins un avenant. Vous qui appelez de vos v_ux la négociation collective, évitez de commencer trop mal....

L'amendement 119, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 178.

M. Gaëtan Gorce - Je suis surpris par le silence du ministre. M. Vidalies a posé une question importante. Afin que le ministre prépare sa réponse, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heures 50, est reprise le mercredi 9 octobre à 0 heure.

M. le Ministre - J'ai répondu à plusieurs reprises aux questions posées par le groupe socialiste sur la validité des accords antérieurs, sujet dont nous reparlerons, du reste, à l'article 12.

Les amendements 179, 180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard - J'ai bien compris votre réponse : le contingent fixé par décret à 180 heures pourra être modifié - en plus ou en moins - par la voie conventionnelle. Or, il n'est pas bon pour la santé des salariés qu'il soit permis de dépasser 180 heures. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 9, que les contingents fixés par la voie conventionnelle ne puissent excéder cette limite.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement : il appartient aux partenaires sociaux d'en décider.

M. le Ministre - L'amendement est contraire à l'esprit même du projet, en ce qu'il refuse aux partenaires sociaux la liberté de négocier que nous entendons justement leur laisser.

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L'amendement 120 a trait aux conditions de validité des accords, ainsi qu'à la question des accords majoritaires.

Pendant la campagne, vous affirmiez que le mode d'élaboration de la norme sociale devrait être revu en laissant un espace plus important à la négociation, et envisagiez même une grande loi sur la démocratie sociale. Jacques Chirac s'engageait à « renouveler notre pacte démocratique » et à poser en principe « le dialogue social d'abord ».

Aujourd'hui, vous faites l'inverse : vous commencez par faire une loi qui videra de sa substance la négociation à venir. Les commentaires des syndicats sont éloquents : que reste-t-il à négocier dès lors que vous aurez largement modifié les règles du jeu au détriment des salariés ?

On pourrait éviter cet écueil en posant l'exigence d'un accord majoritaire, c'est-à-dire conclu soit par des organisations syndicales représentant la majorité des salariés soit par la majorité des organisations représentatives - ce qui n'est pas exactement la même chose.

L'une de ces deux propositions a d'ores et déjà été « actée », si j'ose dire, par les partenaires sociaux, dans les conclusions relatives aux « nouvelles voies de la négociation ». En l'adoptant, vous conforteriez la négociation sociale. Il serait désastreux, en revanche, que vous conserviez les anciennes règles tout en modifiant par la loi un pan entier du droit du travail qui concerne des millions de salariés.

M. le Rapporteur - Cet amendement a été rejeté par le commission et le sujet a été largement débattu.

M. le Ministre - Vous avez eu cinq ans pour faire évoluer les conditions du dialogue social ; vous avez même eu la chance de pouvoir vous appuyer sur un accord très large des partenaires sociaux, celui-là même que vous venez de citer. Que ne l'avez-vous fait ?

Nous, nous nous engageons à présenter au Parlement, moins d'un an après que le peuple français nous a donné la majorité, c'est-à-dire au début de 2003, un projet qui tirera les conséquences de négociations qui ont déjà eu lieu avec les partenaires sociaux. Je ne crois pas que l'on puisse faire plus rapide...

L'amendement 120, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L'amendement 121 reprend la formulation retenue par les organisations syndicales de salariés et d'employeurs au terme de ladite négociation. Vous dites vouloir inviter les partenaires sociaux à négocier sur la démocratie sociale. Mais ils ont déjà négocié ! Les problèmes posés au législateur demeurent : le choix, d'une part, entre l'une ou l'autre règle majoritaire ; la représentativité, d'autre part. Si vous aviez voulu avancer, vous auriez fait référence à cet accord.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement, pour les raisons déjà évoquées.

M. le Ministre - Pourquoi, si les partenaires sociaux sont parvenus à un accord, ne vous en êtes-vous pas emparés pour l'inscrire dans la loi ? Parce que la réalité est bien différente, et sans doute aviez-vous mesuré le chemin qu'il reste à parcourir pour faire de cette volonté commune, exprimée par les partenaires sociaux, une réalité se traduisant par des règles de représentativité, de validation des accords, d'organisation de l'expression des organisations syndicales. Le Gouvernement, pour sa part, ne souhaite pas que ces sujets difficiles soient tranchés à la faveur d'un amendement sur un texte qui a un autre objet.

M. Alain Vidalies - Je vous donne acte de ce raisonnement, mais on peut également l'inverser, car vous arguez déjà de l'importance que vous accordez à la négociation sociale pour faire passer un certain nombre de règles du domaine de la loi au domaine conventionnel. Il y a là un problème de logique. Dès lors que ce qui relevait de la responsabilité politique passe dans le domaine contractuel, la règle qui s'applique ici, à savoir que la majorité l'emporte sur la minorité, n'a plus cours. Recevront ainsi un pouvoir normatif des accords signés par les organisations syndicales minoritaires.

M. le Ministre - Ces accords ne peuvent être étendus que par la décision du gouvernement , qui est issu de la majorité des Français.

L'amendement 121, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - En proposant l'amendement 122, sans doute empiétons-nous sur la responsabilité du Gouvernement, puisqu'il s'agit des conditions d'extension des accords. Mais notre dispositif permettrait de nous mettre d'accord sur l'ordre dans lequel il conviendrait de procéder.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 122, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Nous pouvons entendre le Gouvernement quand il nous dit qu'il ne faut pas anticiper, même s'il a tendance à le faire puisque par décret il a déjà réglé la question de la négociation sur le contingent d'heures supplémentaires. Nous pourrions alors, plutôt que de modifier des dispositions importantes qui relèvent de l'accord entre les grandes organisations représentatives, nous appuyer sur une sorte de droit d'opposition.

Ainsi demandons-nous, par notre amendement 132, que le repos compensateur dit Stoléru, créé par la loi du 16 juillet 1976, ne puisse pas être porté à un niveau qui serait accepté uniquement par une organisation très minoritaire dans la branche concernée. Si une majorité d'organisations représentatives s'oppose à cette mesure, celle-ci ne pourrait pas s'appliquer.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - Le Gouvernement s'est déjà longuement exprimé sur ce sujet. Non, Monsieur Gorce, la question de la négociation ne sera pas tranchée par le décret. Au contraire, nous nous sommes fixé un rendez-vous dans dix-huit mois : la Commission nationale de la négociation collective et le Conseil économique et social examineront ce qui s'est passé entre les partenaires sociaux, en sorte que le Gouvernement adapte son texte à la réalité. Vous le voyez, le Gouvernement est soucieux du dialogue social.

M. Alain Vidalies - Notre question est simple. Sur les conditions d'extension, comptez-vous appliquer le droit actuel, ou vous imposer d'autres règles plus conformes à la démocratie sociale ?

L'amendement 123, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Quel sera le sort réservé aux accords signés sur le fondement de l'ancienne loi, qui s'appliquaient sous réserve d'un repos compensateur à partir de 130 heures et qui pourraient désormais s'appliquer à partir d'un seuil plus élevé ? Il me revient à l'esprit, face à votre absence de réponse, la phrase d'André Malraux : « La vérité d'un homme est d'abord ce qu'il cache ». J'ai l'impression que votre vérité gagnerait à s'exposer un peu plus, de façon à ce que nous ayons un véritable débat.

L'amendement 124 rectifié tend à ce qu'on ne puisse pas opposer à des organisations syndicales ayant signé un accord comportant un contingent inférieur à 130 heures les dispositions nouvelles relatives au seuil de déclenchement du repos compensateur.

M. le Rapporteur - Rejet. Un amendement déposé après l'article 12 tendra à sécuriser tous les accords.

M. le Ministre - Avis défavorable. Je n'ai pas l'imagination de Monsieur Gorce, et ne puis varier à l'infini les réponses aux mêmes questions. Nous aurons à l'article 12 un débat sur la question qu'il vient de poser, et à laquelle j'ai d'ailleurs déjà répondu.

L'amendement 124 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Liberti - L'amendement 40 tend à donner des droits nouveaux aux salariés et à mieux définir le régime des heures supplémentaires.

Nous souhaitons d'abord renvoyer la décision d'effectuer des heures supplémentaires à la discussion entre l'employeur et les délégués du personnel, afin de couper court au recours abusif à ce dispositif contraire à l'emploi. C'est aussi une manière de favoriser le dialogue social dont vous êtes si partisan.

D'autre part, les heures supplémentaires ne pourraient s'accomplir qu'au cas où l'entreprise ne parviendrait pas à recruter le personnel nécessaire pour faire face au surcroît d'activité.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le dispositif proposé est très lourd. Qu'en serait-il des entreprises ne possédant ni comité d'entreprise ni délégué du personnel ? Enfin, la gestion des entreprises doit pouvoir s'adapter aux réalités économiques.

M. le Ministre - Même avis. Précisons que notre projet ne revient pas sur les garanties collectives applicables aux heures supplémentaires, en particulier sur la consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

M. Maxime Gremetz - J'entends beaucoup dire : « On ne reviendra pas sur... On ne remet pas en cause... ». Mais j'ai été chercher un document sur le site de votre ministère. Voici la fiche 9 relative aux effets de la RTT sur l'emploi.

M. Richard Mallié - Elle date de janvier 2001 !

M. Maxime Gremetz - La vérité vous blesse... Les gens du ministère sont sérieux. Ils constatent que « les effets à court terme de la RTT sur l'emploi salarié auraient été de l'ordre de 300 000 emplois créés en 1996 et 2001 ». C'est bien ce que nous disions.

De deux choses l'une : ou les 35 heures ont créé 300 000 emplois pour un coût de 6 milliards d'euros, et alors reconnaissez-le ; ou ce n'est pas le cas, et les patrons ont quand même fait 3 milliards de bénéfices sans créer d'emplois. Avouez que c'est extraordinaire ! Ce sont les documents du ministère. Est-ce que vous prétendez qu'ils disent n'importe quoi ? (Rires sur les bancs du groupe UMP) Moi je crois que le ministère dit vrai !

L'amendement 40, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Notre amendement 125 vise à nous assurer que le contingent annuel de 90 heures supplémentaires par salarié dans le cadre d'un accord de modulation, prévu par la loi de janvier 2000, ne sera remis en question ni par le décret que vous préparez ni par la négociation.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement. Le contingent de 90 heures pour les salariés couverts par un accord de modulation restera inchangé dans le décret.

M. le Ministre - Effectivement, le décret ne changera rien sur ce point. En revanche, la loi permettra aux partenaires sociaux de négocier sur ce sujet comme sur les autres. Défavorable, donc.

L'amendement 125, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - En « assouplissant » les 35 heures, vous vous attaquez, ce qu'on n'avait jamais fait, à la durée légale hebdomadaire du travail. Notre amendement 2 maintient la référence à cet horaire hebdomadaire, sinon l'annualisation sera la seule référence, sans contrepartie. L'argument de la simplification, au motif que les jours de repos peuvent tomber un jour férié, est fallacieux. En fait il s'agit ici d'une régression sociale à deux titres : vous portez atteinte aux rythmes de vie et vous permettez d'augmenter le nombre d'heures travaillées. D'ailleurs, c'est l'annualisation qui a provoqué le rejet des lois Aubry dans certaines entreprises. Elle se conçoit dans certaines branches - les salariés en CDD du tourisme, par exemple, ont pu obtenir ainsi des contrats annuels et non plus saisonniers - mais sa généralisation porte atteinte aux conditions de travail et de vie des salariés.

Sur les 11 jours fériés annuels, seul le 1er mai est légalement chômé ; les autres jours le sont dans le cadre de conventions collectives. Avec la référence aux 1 600 heures par an, on risque de mauvaises surprises. Déduisons des 365 jours 104 jours de week-end, 25 jours de congés payés et 9 jours fériés comme en 2002 : restent 227 jours et 1 589 heures travaillées. S'il n'y a plus de référence hebdomadaire, le patron ne va-t-il pas réclamer 11 heures de travail supplémentaires pour arriver aux 1 600 heures ? C'est une nouvelle inconnue dans la gestion des repos pour les salariés.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement. La philosophie de ces dispositions est de permettre la flexibilité avec un volume annuel de 1 600 heures de travail, le volume réel pouvant bien entendu être inférieur à ce plafond.

M. le Ministre - J'ai déjà rassuré M. Gremetz sur le maintien de la référence aux 35 heures hebdomadaires. Elle n'est pas affectée par la disposition que vous contestez, et dont le seul effet est de supprimer la complexité dans le seul cas où il existe des accords de modulation annuelle. Alors, en effet, selon le nombre de jours fériés tombant un jour de repos hebdomadaire, la durée de travail peut varier entre 1 590 et 1 605 heures. Nous simplifions les choses en fixant une durée annuelle de 1 600 heures dans ces cas-là.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - En prenant comme référence unique les 1 600 heures annuelles, vous supprimez la notion, impérieuse à nos yeux, de durée hebdomadaire en cas de modulation et d'annualisation du temps de travail.

La fixation du temps de travail hebdomadaire à 35 heures dans ces cas précis était une réelle avancée. Par un recul sans précédent, vous offrez au MEDEF, sur un plateau doré, des salariés taillables et corvéables à merci.

Raymond Aron écrivait que « la liberté ne peut s'épanouir que dans le loisir : l'exigence première est de réduire la durée de la journée de travail ».

M. Georges Tron - Après Malraux, Aron...

M. Alain Marty - Et Staline, il disait quoi ?

M. Maxime Gremetz - Eh oui, tous les libéraux ne sont pas comme vous !

Ces propos sont vains désormais, puisque vous remettez en cause la possibilité pour les salariés d'avoir plus de temps pour soi, plus de temps pour les autres. La réduction du temps de travail répond à des besoins et à des aspirations de notre société, et permet d'aller vers un monde où le rapport au travail sera différent.

C'est pourquoi notre amendement 41 supprime ces modifications.

M. Gaëtan Gorce - Notre amendement 126 est identique. Il vient d'être remarquablement défendu par Mme Billard et M. Gremetz ( Rires sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - La commission les a rejetés. Il faut simplifier un mode de calcul complexe en fonction des jours fériés qui tombent ou non lors de jours de repos.

M. le Ministre - Selon la présentation catastrophiste de M. Gremetz, nos propositions constitueraient une véritable régression sociale. Or, comme je l'ai indiqué à Mme Billard, la durée hebdomadaire du travail n'est pas remise en cause. Nous voulons simplement que la durée du travail soit égale dans les entreprises qui ont un accord d'annualisation.

Les amendements 41 et 126, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 46 propose de remplacer les 35 heures par 32 heures (Rires sur les bancs du groupe UMP). Ne riez pas ! Nous ne sommes pas les premiers à lancer ce débat, nous l'avons eu à l'initiative de quelqu'un qui est aujourd'hui ministre : Robien, cela ne vous dit plus rien ? Mais le Gouvernement auquel il appartient fait marche arrière, et nous allons de l'avant. Vous n'arrêterez pas le processus historique de la réduction du temps de travail, et nous prenons date. Quand on sait les bénéfices que les grandes entreprises ont tiré de la RTT, on peut bien aller dans ce sens !

M. le Rapporteur - Le réalisme a évidemment conduit la commission à rejeter cet amendement.

M. le Ministre - Je veux rendre hommage à M. Gremetz pour sa cohérence : il croit aux vertus de la réduction du temps de travail pour créer des emplois, donc il propose une nouvelle réduction. Notre vision est différente.

M. Georges Tron - Je me limiterai à rappeler quelques vérités simples sur les 35 heures.

Un : le coût des 35 heures pour la collectivité publique est rédhibitoire. De l'ordre de 120 milliards de francs par an, il a mis dans le rouge le budget de l'Etat et celui de la Sécurité sociale.

Deux : le chômage a considérablement augmenté depuis un an. Suivant le raisonnement de M. Gremetz, sans doute faudrait-il passer non pas à 32, mais à 26 ou 22 heures...

Trois : plutôt que de toujours chercher à réduire le travail, mieux vaut le considérer comme une valeur humaine et reconnaître qu'il permet à beaucoup de gens de s'épanouir. C'est bien là-dessus que nous divergeons... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies - Pour revaloriser le travail, nous pensons, nous, qu'il faut revaloriser la situation des travailleurs. Or vous ne nous proposez que des mesures de régression sociale !

Quant à la réduction du temps de travail, ce n'est pas seulement sur ces bancs qu'elle a été envisagée pour lutter contre le chômage. Personne n'a dit de la loi Robien qu'elle remettait en cause la valeur travail... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Quand on travaille à la chaîne dans la zone industrielle d'Amiens en faisant les 3x8 et en habitant à 30 km de là, les 32 heures peuvent ne pas paraître un luxe...

Pour mémoire, je rappelle qu'en d'autres temps, une nuit, avait été voté un amendement présenté par un membre notoire du RPR...

M. Gaëtan Gorce - M. Chamard !

M. Maxime Gremetz - ...qu'on n'avait pas accusé de vouloir enterrer la valeur travail ! A l'époque, la semaine de quatre jours était à l'ordre du jour.

Par ailleurs, vous nous dites que la réduction du temps de travail coûter cher, mais la loi Robien coûtait bien plus cher ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Dans la loi sur les 35 heures, les allégements de cotisations avaient pour contreparties la réduction du temps de travail et la création d'emplois (Mêmes mouvements). Aujourd'hui, vous augmentez encore les allégements - qui passent de 15 à 21 milliards d'euros - sans aucune contrepartie !

L'amendement 46, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Mon amendement 43 vise, concernant les accords de modulation, à maintenir la référence à la durée moyenne hebdomadaire de 35 heures.

M. Gaëtan Gorce - Mon amendement 127 a le même objet.

La vraie différence entre vous et nous, c'est que nous avons voulu promouvoir une réduction collective et négociée du temps de travail, tandis que vous optez pour une réduction individuelle et imposée. Vous défendez le temps partiel subi, que nous nous sommes employés à faire reculer.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces amendements, qui nous ramènent à nouveau au débat sur l'annualisation. La durée légale du travail n'est pas remise en cause.

M. le Ministre - Je ne comprends pas bien d'où vient le courroux de M. Gorce au sujet du temps partiel, aucune disposition de ce projet ne visant à en modifier le régime.

Je voudrais souligner qu'il s'est produit ce soir un événement politique considérable, puisque le groupe socialiste a voté un amendement visant à réduire à 32 heures la durée hebdomadaire du travail. J'espère que l'écho en parviendra hors des murs de l'Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Vidalies - La diminution du temps de travail est un mouvement historique, lié aux gains de productivité. Si l'on en était resté aux règles sociales du début du XXe siècle, nous aurions aujourd'hui 10 millions de chômeurs... Oui, Monsieur le ministre, je vous en donne acte, nous n'avons pas renoncé à nous inscrire dans ce mouvement de l'histoire ; de même, nous prenons acte que, fidèle aux positions de toujours des conservateurs, vous êtes totalement fermé à ces évolutions sociales.

M. le Ministre - Sans doute vous échappe-t-il que nous sommes en train de construire un espace européen uni et solidaire, espace en faveur duquel beaucoup d'entre vous se sont engagés. Or notre pays est le seul de l'Union à avoir opté pour les 35 heures. Voici que vous vous prononcez pour les 32 heures ! Comment allez-vous expliquer votre position aux Français et aux autres Européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les amendements 43 et 127, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - La référence aux 1 600 heures introduite dans la loi du 19 janvier 2000 visait d'abord à revenir sur les trois systèmes de modulation inventés, non par la gauche en mal d'usines à gaz, mais par le gouvernement de M. Balladur. L'un de ces dispositifs prévoyait même des avantages en échange d'une réduction du temps de travail d'une durée non précisée, de sorte qu'une minute suffisait pour en bénéficier ! Nous avons voulu encadrer cette modulation à la fois par la négociation - par des accords majoritaires - et par la loi. Or c'est ce progrès que vous remettez en cause, considérant, semble-t-il, que toute réduction du temps de travail est à la fois dangereuse pour l'économie et moralement condamnable ! Nous ne pouvons accepter une telle position.

Un autre point appelle des précisions : dans la plupart des autres pays européens, où elle est en général fixée conventionnellement, la durée du travail tend à baisser. La moyenne hebdomadaire s'y établit à 36,1 ou 36,2 heures, contre 35,9 en France - ce qui n'est pas si loin. Evitez donc les affirmations péremptoires sur une prétendue incompatibilité avec nos partenaires de l'Union.

L'amendement 105 est ainsi défendu.

L'amendement 105, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Nicolas Perruchot - L'amendement 169 vise à laisser aux partenaires sociaux le soin de calculer la durée moyenne du travail. Il apparaît urgent en effet de privilégier une démarche conventionnelle et contractuelle, et l'UDF estime que, si certaines règles, relevant de l'ordre public social, doivent être établies par la loi - je pense à celles qui régissent la durée maximale du travail, le travail de nuit ou les temps de repos -, il ne saurait en être de même de la durée du travail.

M. le Rapporteur - Rejet. Il appartient au législateur de déterminer la durée légale du travail, et le plafond des 1 600 heures doit donc figurer dans la loi.

M. le Ministre - Nous avons le devoir de respecter nos engagements. Or la majorité de cette assemblée a promis qu'elle assouplirait la loi sur les 35 heures, non qu'elle l'abrogerait. C'est pourtant à quoi reviendrait cet amendement, qui supprime la référence faite par la loi aux 35 heures. Je vous demande donc de ne pas le voter.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 106 est défendu.

L'amendement 169, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 106, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 191 obéit à la même logique que le précédent : il autorise à fixer un plafond inférieur à 1 600 heures.

M. le Rapporteur - Rejet : la loi doit être la même pour tous les secteurs d'activité.

M. le Ministre - Je m'étonne de cette entorse à la loi dont M. Gorce s'est institué le défenseur ! Les accords collectifs signés sur le fondement de la loi du 13 juin 1998 qui prévoient une durée annuelle supérieure aux 1 600 heures ont été « sécurisés » par les articles 8-5 et 28-2 de la loi du 19 janvier 2000, y compris en tant que seuils de référence pour la détermination des heures supplémentaires : pourquoi ce qu'autorisait la loi Aubry II serait-il exclu aujourd'hui ?

L'amendement 191, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Les amendements 192 à 195 sont défendus.

Les amendements 192 à 195, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Liberti - L'amendement 53 vise à rappeler que la règle démocratique de la majorité doit s'appliquer dans le monde du travail, surtout lorsque les accords dérogent au droit commun.

L'amendement 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Liberti - Le projet maintient en l'état les règles relatives à l'annualisation et à la modulation du temps de travail alors que celles-ci visent à rendre les salariés flexibles... au point souvent de les casser ! Si l'on s'abstient ainsi de toucher à la loi Aubry II, c'est sans doute que la flexibilité des horaires permet aux employeurs d'accroître la rentabilité des travailleurs. Finis les temps morts : la modulation permet de faire coller exactement horaires et exigences du carnet de commandes. Le chef d'entreprise évite même les inconvénients d'autres variables d'ajustement, telles que le travail précaire, qui a un surcoût et expose à un risque de requalification, que les heures supplémentaires, dont le paiement est majoré, ou que le licenciement, trop risqué. Pour les salariés, la souplesse signifie intensification du travail, fatigue et stress accrus, atteintes à la vie personnelle et familiale. L'amendement 48 tend donc à limiter la modulation à des activités saisonnières, déterminées par décret. On ne peut en effet exiger une durée du travail constante dans le tourisme, l'agriculture ou les conserveries.

M. le Rapporteur - Rejet : la modulation n'est utilisée que si cela se justifie. D'autre part, comment déterminer judicieusement les entreprises autorisées ou non à moduler les horaires ?

M. le Ministre - Le Gouvernement n'entend pas revenir sur ces dispositions du droit du travail. La loi oblige à faire figurer dans les accords de modulation la justification de celle-ci et la garantie, dont le parti communiste s'est d'ailleurs contenté jusqu'ici, apparaît suffisante.

L'amendement 48, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Liberti - Les amendements 47, 49, 50, 51 corrigé et 52 corrigé sont défendus.

Les amendements 47, 49, 50, 51 corrigé et 52 corrigé, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - Le Gouvernement prétend qu'il ne veut pas préjuger des conditions dans lesquelles les accords seront signés et s'abstient donc de toucher à la question de la représentativité. On peut l'admettre, mais constatons que la même abstention ne vaut pas pour une des dispositions les plus novatrices de la loi du 19 janvier 2000 : celle qui avait trait aux accords majoritaires. Dans la plupart des entreprises, la représentativité est parfaitement mesurable grâce aux élections et, au surplus, nous avions mis en place des dispositifs de mandatement, de référendum, de signature par les délégués du personnel, qui favorisaient la négociation, y compris dans les petites entreprises. Tel ne semble plus être le souci aujourd'hui. Or nous ne pouvons accepter que la modulation soit décidée dans un cadre qui, à la différence de celui de l'accord majoritaire, n'offre aucune garantie aux salariés : ne revient-elle pas à modifier l'organisation du temps de travail sur la semaine, organisation qui remonte à 1936 mais dont on s'est affranchi depuis 1982 et depuis la loi quinquennale pour en venir à une organisation en cycles, puis sur l'année ?

La dérogation envisagée est suffisamment importante pour justifier des garanties et un encadrement conventionnel. Lorsque les salariés s'engagent, ce doit être par l'intermédiaire des organisations syndicales qui les représentent majoritairement dans l'entreprise. Tel est le sens de notre amendement 108.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Un droit d'opposition est prévu.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 108, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Liberti - Notre amendement 42 vise à supprimer le V de cet article. Il faut en rester à une référence hebdomadaire moyenne de 35 heures.

M. Gaëtan Gorce - Notre amendement 109 est identique. Supprimer la référence à une durée hebdomadaire de travail serait accepter une redoutable extension de la modulation des horaires.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Alain Vidalies - Je m'interroge sur la portée du dispositif. Si la référence hebdomadaire moyenne disparaît, ne risque-t-on pas d'avoir des difficultés à calculer les heures supplémentaires ?

M. le Rapporteur - Cela ne changera rien au calcul, n'ayez aucune inquiétude à ce sujet (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Les amendements 42 et 109, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 110 est défendu.

L'amendement 110, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 99 de la commission est de cohérence.

L'amendement 99, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Liberti - L'amendement 55 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il vise à définir comme cadres les salariés gagnant cinq fois le salaire minimum. Or cette catégorie ne peut être définie par son seul niveau de rémunération.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Alain Vidalies - Nous venons de changer de sujet, et je ne sais s'il faut aborder à 1 heure 20 les délicates questions du forfait jour et de la définition du cadre. Nous nous plierons aux décisions de la présidence, mais il serait dommage de saucissonner ce débat important.

M. le Président - Nous avons eu l'occasion d'aborder cette question en juillet. Au reste, nous sommes ici au c_ur du débat et, comme le Règlement l'autorise, je vais mettre aux voix l'amendement.

L'amendement 55, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Il s'agit bien d'un débat important. Une fois de plus, en prétendant n'introduire que des modifications légères, vous rompez l'équilibre trouvé dans la loi du 19 janvier 2000. A l'époque, les cadres étaient normalement soumis à la durée légale de travail, mais dans la pratique ils travaillaient environ 45 heures par semaine. Cette situation était d'autant plus contestable qu'elle avait pour corollaire la mise en place de forfaits juridiquement douteux qui permettaient de contourner les règles en matière d'heures supplémentaires, et les procès-verbaux des inspecteurs du travail se faisaient de plus en plus nombreux. Nous avons donc rencontré les partenaires sociaux pour trouver des solutions, la majorité des cadres souhaitant bénéficier de la réduction du temps de travail .

La loi a défini trois catégories de cadres : les cadres dirigeants, définis par leur niveau de responsabilité et de rémunération ; les cadres intégrés dans le système des heures supplémentaires ; ceux, enfin, dont les responsabilités empêchent la détermination d'un horaire, mais qui néanmoins ont besoin de garanties. Pour cette dernière catégorie a été mis au point un système de forfait horaire et de forfait-jour, strictement encadré.

Un équilibre a ainsi été trouvé. Il est aujourd'hui menacé, et les cadres s'en sont émus. C'est regrettable, d'autant que votre rédaction renvoie à la notion très vague d'autonomie, ce qui soulèvera beaucoup de contentieux.

Je souhaite que nous restions dans un cadre fixe, car les modifications que vous envisagez n'apporteraient rien aux salariés. En outre, les critères retenus dans le projet sont en contradiction avec la directive européenne sur le temps de travail .

Voilà qui justifie notre amendement 111.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. J'ai déposé plus loin un amendement pour régler le problème des cadres intégrés (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre - Avis défavorable. Le projet maintient la notion de cadre intégré en mettant l'accent sur la nature des fonctions exercées.

Mme Martine Billard - Qu'est-ce qu'un cadre ? C'est tout le problème. La notion, au demeurant inconnue chez nos voisins, et même intraduisible, ne correspond plus à grand-chose, aujourd'hui, car la majorité des cadres, en réalité n'encadrent plus rien ni personne. Bien des salariés, dans l'informatique ou la communication, ont certes un statut de cadre auquel ils sont attachés, notamment parce qu'il leur donne accès à une caisse de retraite spécifique, ainsi qu'à une agence pour l'emploi particulière, mais la seule chose qui les distingue vraiment des autres salariés, c'est que la durée de leur période d'essai est de trois mois, tout comme celle de leur préavis en cas de démission.

Toute une culture, imposée par les chefs d'entreprise, a longtemps voulu que « quand on est cadre, on n'ait pas d'horaires », et les notions de « mission » et d'« objectif » permettaient de les licencier d'autant plus facilement qu'il était toujours possible de les accuser de ne pas avoir rempli lesdites missions ou lesdits objectifs, à telle enseigne que les cadres, surtout ceux de l'informatique, ont fini par se révolter : ainsi, chez IBM, ils n'ont pas hésité à en appeler à l'inspection du travail.

Les forfaits, dans la loi Aubry, avaient déjà suscité une forte mobilisation. Or, l'extension que vous proposez remet en cause la possibilité, pour les cadres, d'accéder à la réduction du temps de travail. C'est une régression, qui ne peut conduire qu'à une nouvelle révolte.

M. Alain Vidalies - La question reste entière : quelle est la portée de la rédaction nouvelle proposée par le Gouvernement et de l'amendement que le rapporteur va nous présenter ?

Lors de la création du forfait-jours, il avait été bien précisé que cette formule, hautement dérogatoire au droit commun, devrait être strictement limitée dans son application, car les seules protections restantes sont l'écart minimum de onze heures entre deux périodes de travail et l'existence d'un repos hebdomadaire - ce qui signifie tout de même que l'on peut faire des journées de treize heures, et ce six jours sur sept, soit une semaine de soixante-dix-huit heures...

Aussi avions-nous nous-mêmes hésité à mettre en _uvre un tel système, et ne nous sommes-nous résolus que parce que des secteurs d'activité, des organisations syndicales l'envisageaient favorablement. Comme Gaëtan Gorce, je citerai Malraux : « Il faut transformer l'expérience en conscience ». Je crois, pour ma part, que l'expérience des premiers accords sur le forfait-jour incite à une grande prudence, car dans notre pays, dès lors qu'il y a dérogation, le risque de dérapage est présent. Ainsi, certains secteurs, comme la distribution, ont reconnu comme cadres des salariés dont la rémunération ne correspond pas à celle d'un cadre. J'ajouterai, pour conclure, que la compatibilité du forfait-jours avec la charte sociale européenne est pour le moins problématique.

L'amendement 111, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Gaillard - L'équilibre dont vous parlez à propos de la loi Aubry, était fort instable, et je félicite le ministre pour le travail de simplification qu'il a accompli. Mais pourquoi n'irions-nous pas plus loin ? Les partenaires sociaux ne pourraient-ils pas avoir une plus grande latitude ?

Définir ce qu'est un cadre est chose difficile, et la façon dont ils sont représentés et défendus est très différente d'une branche à l'autre. Dans le secteur bancaire, on peut penser que le rapport des forces est équilibré ; ailleurs - dans la grande distribution, par exemple - ce n'est pas toujours le cas.

Mon amendement 231 a en fait pour but d'interroger le Gouvernement : à quel niveau de détail la loi doit-elle aller pour distinguer cadres intégrés et cadres autonomes ?

M. Nicolas Perruchot - L'amendement 177 rectifié va dans le même sens. Il serait opportun de laisser aux seules conventions et accords collectifs la détermination des catégories de cadres susceptibles de bénéficier de forfaits annuels, en particulier en jours.

Le groupe UDF souhaite donc modifier l'article L. 212-15-3 pour renforcer le rôle de la négociation collective et éviter toute distinction entre les cadres dits intégrés et les cadres dits autonomes.

Cette modification, qui permettra de développer le dialogue social, va dans le sens d'une plus grande proximité avec les acteurs de terrain.

M. le Rapporteur - L'amendement 231 n'a pu être examiné en commission ; il mérite une plus ample réflexion...

Quant à l'amendement 177 rectifié, il a été repoussé, car il participe d'une logique qui manque de souplesse. Nous comprenons le souci de reconsidérer la classification des cadres, mais la suspendre à la conclusion d'accords de branche ne constitue pas la solution la plus pertinente.

M. le Ministre - Je suis d'accord avec l'esprit de ces amendements : le Gouvernement entend bien ouvrir le plus possible le champ de la négociation. Mais quelle doit être la part de l'ordre public social, et quelle doit être celle laissée à la négociation entre les partenaires sociaux ? Nous devons y réfléchir. Cela dit, j'ai de sérieuses réserves sur les deux amendements. Lorsque la loi définit les différentes catégories de cadres et le régime horaire qui leur est appliqué, elle introduit une rupture d'égalité qui doit obligatoirement être justifiée par des différences de situations, Si le Gouvernement s'en remettait purement et simplement à la négociation, il serait en contradiction avec les principes que je viens de rappeler.

Quant à la directive du 23 novembre 1993, modifiée en 2000, elle se fonde sur le critère essentiel de l'autonomie. Nous devons la transposer au droit interne ; aller au-delà serait source de difficultés majeures sur le plan constitutionnel, puisque la loi serai entaché de ce qu'il est convenu d'appeler une « incompétence négative ».

Le texte du Gouvernement tend à donner à la négociation le champ le plus large en fonction du droit applicable, en s'en tenant au seul critère opérationnel, celui de l'autonomie. L'amendement de M. Gaillard touche aux équilibres trouvés avec les partenaires sociaux. Je demande donc son retrait.

M. Maxime Gremetz - Nous sommes hostiles aux deux amendements. C'est au nom d'un prétendu modernisme que le forfait-jours a été inventé. Or compter le temps de travail en jours est ce qu'on peut faire de plus rétrograde.

C'est la situation qui prévalait dans la première moitié du XIXe siècle, lorsqu'aucune loi ne limitait la durée quotidienne du travail, et que la seule limite était la résistance physique des travailleurs.

En réalité le forfait-jours a été inventé pour cacher la vérité sur les durées de travail réellement faites et pour éviter d'avoir à payer les nombreuses heures supplémentaires effectuées. Il permet une durée de travail de 13 heures par jour, 78 heures par semaine et 2 821 heures par an !

Dans la pratique, les conditions posées par la loi ne sont pas respectées. Une majorité de cadres sont catalogués cadres dirigeants ou mis au forfait-jours. Sur plainte des syndicats, les tribunaux annulent ces accords illégaux, comme l'a fait pour l'accord Aventis la cour d'appel de Lyon. Dès lors, la plupart des accords des grandes entreprises, calqués sur le modèle Aventis, sont potentiellement annulables.

Le projet de loi ne modifie pas fondamentalement le régime en vigueur, l'adoption des amendements constituent un véritable coup de force car cela permettrait de passer tous les cadres au forfait-jours et peut-être aussi les non-cadres affiliés à une caisse de retraite des cadres. Un tel dispositif serait, en outre, contraire aux traités internationaux signés par la France et à la directive européenne fixant à 48 heures hebdomadaires la durée maximum du travail.

Je suis satisfait que le Gouvernement ait repoussé ces propositions et nous ferons de même. Sinon, 3 millions de cadres seraient privés de toute référence légale en ce qui concerne la durée du travail, qui serait portée pour tous à 78 heures.

En vertu de la Constitution, c'est à la loi qu'il revient de fixer les règles essentielles du droit social, parmi lesquelles la durée normale du travail. Au cours du débat sur le projet relatif à la RTT, nous avions eu des difficultés et il avait fallu de grandes manifestations de cadres, pour parvenir à un dispositif équilibré. Si ce dernier devait être modifié, il faudrait s'attendre à un mouvement explosif !

M. Gaëtan Gorce - Les amendements présentés vont encore au-delà de ce que le Gouvernement avait envisagé et qui était déjà très critiquable. Il faut savoir s'arrêter dans la déraison... Sous prétexte de favoriser la négociation, on ouvre la voie à des dérapages, qui sont immédiatement combattus par les organisations syndicales. La vraie réponse consiste à renforcer le rôle et les moyens de ces organisations.

M. Claude Gaillard - Grâce à moi, les groupes socialiste et communiste soutiennent le ministre ! (Sourires)

J'ai été cadre durant de nombreuses années pourtant, et je ne me reconnais pas dans le statut du cadre tel que l'a présenté l'opposition. La différence est grande entre ces conceptions théoriques et ce que j'ai vécu pendant plusieurs décennies.

Je mesure bien le caractère sensible du sujet, et la capacité très inégale de défense des cadres d'une branche à une autre. Ce qui est bon ici peut avoir là des effets pervers. Je retire donc mon amendement 231, en souhaitant que nous continuions à réfléchir à la question.

M. Nicolas Perruchot - Je rejoins M. Gaillard sur bien des points, mais je maintiens mon amendement.

M. le Président - Sur l'amendement 177 rectifié, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 57 voix contre 2 sur 59 votants et 59 suffrages exprimés, l'amendement 117 rectifié n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 9 OCTOBRE 2002

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Communication du Médiateur de la République.

3. Suite de la discussion du projet de loi (n° 190) relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

M. Pierre MORANGE, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 231)

A VINGT-ET-UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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