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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 7ème jour de séance, 16ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 15 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

TERRORISME 2

EMPLOI 2

SITUATION AU LIBAN 3

MORATOIRE SUR LES LICENCIEMENTS 4

PLAN DE RÉNOVATION URBAINE 4

FINANCEMENT DES CES 5

HYPOTHÈSES DE CROISSANCE POUR 2003 6

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE 6

EXÉCUTION DES PEINES 7

SURVEILLANTS ET EMPLOIS-JEUNES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE 7

ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE 8

SÉCURITÉ DES CONVOYEURS DE FONDS 9

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI (suite) 9

EXPLICATIONS DE VOTE 10

PROJET DE LOI DE FINANCES
POUR 2003 (première partie) 14

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 28

La séance est ouverte à quinze heures.

    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

TERRORISME

M. Xavier de Roux - Monsieur le ministre des affaires étrangères, le monde entier est frappé d'épouvante face au nouvel acte de terreur commis à Bali contre des touristes qui avaient choisi la paix de l'Ile des Dieux. Ce nouvel attentat montre qu'une véritable guerre ensanglante la planète. Hier, New York, demain, peut-être, Paris.

La France se trouve, malheureusement depuis longtemps, confrontée à ces menées meurtrières. Déjà, en 1989, des terroristes libyens détruisaient un avion d'UTA, faisant 170 victimes. La Cour d'assises de Paris juge, en ce moment, les auteurs des attentats commis, au nom de l'Islam, jusque dans le métro parisien.

La traînée sanglante nous mène des camps de Bosnie à ceux d'Afghanistan, des Philippines à l'Indonésie, de la mer Rouge au Moyen-Orient. Une nouvelle guerre est-elle en train de se mener ? Quel est son vrai visage : guerre des pauvres contre les riches, ou guerre de l'intolérance contre la liberté ? Comment la combattre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - La menace est globale, diffuse. La nébuleuse terroriste, à l'instar d'Al Qaida, a mille visages. Nous avons déjà connu ce phénomène, dans les années 1980 et 1990. La menace revêt cependant, depuis les attentats du 11 septembre, une forme nouvelle : il s'agit de véritables crimes de masse. Nous l'avons vécu dans notre chair à Karachi, mais aussi en Tunisie, dans une synagogue, en mer Rouge, avec le pétrolier Limburg, à Bali, où l'attentat a frappé nombre de jeunes touristes occidentaux.

Nous devons faire face à une menace qui allie moyens archaïques et moyens sophistiqués, qui sait utiliser toutes les ressources de la mondialisation, de la libre-circulation et des Etats qui sont aujourd'hui de non-droit.

M. Arnaud Montebourg - On s'ennuie ! (Huées sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Ministre - Il faut aujourd'hui une réponse globale. Tous les moyens doivent être mis en _uvre pour combattre le terrorisme : coopération militaire - en dernier recours cependant - coopération policière, coopération judiciaire. Nous le faisons dans le cadre de l'Union européenne et des Nations unies, mais ce n'est pas suffisant. Il faut prendre la vraie mesure de ce qui nourrit le terrorisme : la faim, l'injustice, les crises.

Il faut, enfin, ne pas céder à la tentation d'un choc des cultures, d'une fracture entre civilisations, ce qui implique d'agir dans le sens de la tolérance et du respect de l'autre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EMPLOI

M. Eric Besson - Monsieur le ministre du travail, l'emploi apparaît comme la principale victime du projet de budget pour 2003. Alors que la conjoncture, fragile, nécessiterait un soutien à la croissance et à l'emploi, le budget de votre ministère est de ceux qui baissent le plus. Pour diminuer l'impôt sur le revenu de 6 %, le Gouvernement est prêt à diminuer de 6 % les crédits du ministère de l'emploi.

Il y a quinze jours, vous avez affirmé que le nombre de contrats emploi-solidarité - CES -, pour 2003, serait de 240 000, au lieu de 260 000 actuellement. Or, le projet de budget n'indique que 80 000 CES. Qu'en sera-t-il exactement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Tout d'abord, nous n'avons pas la même conception de la politique de l'emploi, c'est vrai (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Notre politique de l'emploi est tournée vers l'emploi marchand, le soutien aux entreprises et la baisse des charges (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Si vous aviez tenu compte de l'ensemble des allégements de charges supplémentaires prévus, vous constateriez que, loin de diminuer, notre budget de l'emploi augmente (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Ensuite, dans l'attente d'une réforme globale des dispositifs d'insertion qui est en préparation, seront mis en _uvre les contrats rendus nécessaires par la conjoncture.

Le Premier ministre s'est engagé à créer 20 000 contrats par mois, 80 000 seront financés sur le budget primitif, 80 000 en loi de finances rectificative 2002 et nous adapterons, au fur et à mesure, notre budget aux besoins en ce domaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; huées sur les bancs du groupe socialiste).

SITUATION AU LIBAN

M. François Rochebloine - Le Président du Parlement libanais, M. Berry, était, la semaine dernière, en visite officielle en France ; cette semaine se tient le sommet de la francophonie à Beyrouth. Monsieur le ministre des affaires étrangères, il conviendrait de prêter attention à la situation dramatique du Liban, si proche de la France. La vie politique libanaise est sous l'emprise de Damas. Les services de renseignement syriens et libanais censurent toute voix libre ; récemment encore, la principale chaîne libre de télévision, NTV, a été fermée.

La situation n'est guère meilleure sur le plan économique et financier. La dette publique avoisine les 32 milliards d'euros.

La France ne peut rester silencieuse et doit s'attacher à faire appliquer la résolution 520, votée en 1982 par le Conseil de sécurité de l'ONU, malheureusement oubliée aujourd'hui dans les déclarations officielles de la France.

La France ne devrait-elle pas _uvrer dans le sens d'un retrait de l'armée syrienne du Liban ? Cela constituerait sans doute un préalable au rétablissement de la démocratie dans ce pays, qui doit redevenir un Etat de droit, libre, indépendant et souverain (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - La France est un des partenaires privilégiés du Liban, avec lequel nous avons des intérêts communs, économiques et culturels. Nous sommes attachés à la souveraineté et à l'indépendance du Liban, d'où notre satisfaction du retrait israélien du Liban Sud, d'où notre insistance pour que le règlement de paix global au Proche-Orient intègre les volets libanais et syriens, d'où notre souhait de voir se consolider les relations entre le Liban et la Syrie avec, à terme, un retrait total des armées syriennes.

Nous sommes également attachés à la réforme et à la reconstruction du Liban, d'où notre soutien à son gouvernement.

A titre bilatéral, le Liban fait partie de la zone de solidarité prioritaire, la France est le premier investisseur étranger au Liban ; au titre de l'Union européenne, nous avons soutenu la signature de l'accord d'association dans le cadre du processus de Barcelone ; à titre multilatéral, nous appuyons les efforts du Liban auprès des institutions financières et plaidons pour la tenue d'une nouvelle conférence ad hoc à Paris.

Autant de raisons, donc, pour que le sommet de la francophonie ait lieu à Beyrouth (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MORATOIRE SUR LES LICENCIEMENTS

M. Gilbert Biessy - Monsieur le Premier ministre, la multiplication des plans sociaux en période de déclin économique appelle de votre part une réaction énergique. La liste noire des licenciements collectifs ne cesse de s'allonger...

M. François Goulard - Place du Colonel Fabien !

M. Gilbert Biessy - 1 200 emplois sont ainsi menacés chez Hewlett Packard à Grenoble...

Plusieurs députés UMP - C'est la faute aux 35 heures !

M. Gilbert Biessy - ...et des centaines de salariés sont dans l'angoisse sur plusieurs sites d'Alcatel, de Magneti Marelli ou de Whirlpool à Amiens...

Plusieurs députés socialistes - Mais que fait de Robien ?

M. Gilbert Biessy - Alors que plus de 25 000 nouveaux salariés sont concernés chaque mois par des plans de licenciements économiques, vous vous apprêtez à supprimer les garanties supplémentaires que leur offrait la loi de modernisation sociale, sans améliorer pour autant les dispositifs de reclassement. C'est pourquoi le groupe des députés communistes et républicains vous demande avec insistance de prononcer un moratoire sur les plans sociaux qui fait le lit de la misère (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP). Le Gouvernement prouvera-t-il qu'il est décidé à prendre ces problèmes à bras-le-corps en interdisant ces licenciements scandaleux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Il est vrai que le nombre de plans sociaux augmente sensiblement depuis un an et cette situation est d'abord liée au ralentissement de l'économie et à la perte d'attractivité de notre territoire... (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ...elle-même imputable à divers facteurs. Les crises conjoncturelles qui ont affecté certains secteurs - tels le textile ou l'électronique - ne sont pas étrangères à la dégradation de la situation de l'emploi.

M. Henri Emmanuelli - Vous n'irez pas loin avec de tels arguments !

M. le Ministre - Proposer un moratoire sur les licenciements, cela n'a pas de sens ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste) C'est refuser la réalité économique qui nous entoure, au moment même où la perspective d'élargissement de l'Union européenne nous rappelle l'âpreté de la concurrence internationale.

C'est pourquoi nous avons choisi une orientation radicalement opposée en assouplissant les 35 heures et en réformant la loi dite de modernisation sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Parallèlement, le Premier ministre a confié à M. Claude Viet une mission interministérielle d'étude sur les mesures à prendre pour accompagner la restructuration des bassins d'emplois les plus touchés (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

PLAN DE RÉNOVATION URBAINE

M. Pierre Cardo - Monsieur le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, vous avez fait paraître il y a quelques mois un ouvrage nourri de votre expérience de maire de Valenciennes sur les dysfonctionnements de la politique de la ville, entravée comme chacun le sait ici par les lourdeurs de l'administration. Le ministre a-t-il gardé le franc parler de l'Homme en colère ? Est-il toujours décidé à remuer des montagnes pour que les six millions de Français qui vivent dans des quartiers difficiles connaissent un meilleur sort ? Sa détermination politique va-t-elle résister à la logique budgétaire qui fait que sans son intervention et celle du Premier ministre 25 % des crédits d'intervention de son département eussent été annulés (« Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste), au grand dam des associations et de tous ceux qui _uvrent pour la rénovation urbaine ?

Pouvez-vous nous exposer les grandes lignes du plan de rénovation urbaine de 30 milliards sur cinq ans en précisant les mesures qu'il contient pour favoriser la mixité sociale et garantir un traitement à taille humaine des problèmes urbains de proximité ? Ce programme d'action est-il réellement de nature à impliquer l'ensemble des acteurs locaux, des professionnels du logement aux associations d'insertion ? (« Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine - Il est vrai que les très nombreuses associations qui effectuent dans nos quartiers un travail remarquable étaient inquiètes car il est d'usage qu'elles reçoivent leurs subventions en fin d'année. En plein accord avec les sous-préfets à la ville, nous avons décidé de transférer les subventions aux communes, à charge pour elles de les reverser aux associations, lesquelles bénéficient de ce fait d'un délai supplémentaire de neuf mois pour enrichir leurs programmes d'intervention.

Pour les six millions et demi d'habitants de nos quartiers, la situation n'a cessé de se dégrader. Cependant que le chômage était réduit de 30 % sur l'ensemble du territoire, il progressait dans la même proportion dans les quartiers et les signalements de jeunes en difficulté auprès des DDASS y connaissaient la même évolution préoccupante. La rénovation urbaine dans les quartiers constitue par conséquent une véritable cause nationale et le Premier ministre a décidé de livrer bataille contre la dégradation de la situation en lançant un plan d'action très ambitieux. Celui-ci repose sur des centaines de milliers d'opérations de démolition-reconstruction et de réhabilitations lourdes. L'écart d'activité entre la France qui va à peu près bien et celle qui souffre doit être réduit. Nous mènerons le combat avec le concours des associations, des unions HLM, des organismes collecteurs du 1 % patronal et de tous ceux qui considèrent que cette cause nationale exige une mobilisation nationale (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

FINANCEMENT DES CES

Mme Catherine Vautrin - Face à la dégradation de la situation de l'emploi dans notre pays, le Gouvernement s'est engagé dans une politique d'insertion professionnelle durable fondée sur un dispositif ambitieux d'allégement des charges sociales, notamment sur les bas salaires. Le traitement social du chômage n'est pas oublié pour autant et ce sont près de 20 000 CES qui seront créés chaque mois dès 2003 (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Des inquiétudes sont nées cependant de la diffusion d'une circulaire de la DGEFP en date du 20 septembre dernier relative au taux de prise en charge par l'Etat de ces contrats aidés. M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité peut-il indiquer à la représentation nationale le taux de participation de l'Etat qui sera effectivement appliqué ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Le Gouvernement proposera une réforme globale du dispositif d'insertion, visant notamment à transformer le RMI en revenu minimum d'activité (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP), à améliorer les CES et à instaurer un nouveau contrat : le contrat d'insertion dans la vie sociale. Comme vous avez bien voulu l'indiquer, 20 000 CES seront conclus chaque mois ; comme nous y invitent les textes, ils seront pris en charge par l'Etat à hauteur de 85 %. Bénéficieront d'une prise en charge majorée de 10 % - soit un taux final de participation de 95 % - les CES conclus par des associations d'insertion et ceux qui s'adresseront aux jeunes issus du dispositif TRACE qui rencontrent des difficultés particulières de retour vers l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

HYPOTHÈSES DE CROISSANCE POUR 2003

M. Philippe Martin - Monsieur le ministre de l'économie et des finances, au cours des derniers jours, le terme de « rigueur » a souvent été évoqué. Or le projet de loi de finances pour 2003 que notre assemblée s'apprête à examiner repose sur une hypothèse - et le terme prend en l'occurrence toute sa valeur - de croissance de 2,5 %. Plus personne n'ose prétendre aujourd'hui qu'un tel objectif sera atteint ou même approché. Au reste, votre budget ne s'adresse qu'à une minorité de Français (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et n'envoie aucun signe à ceux qui sont dans la difficulté. Dès lors, nombre de parlementaires de tous bords se demandent si une fois acquis le vote du projet de budget virtuel que vous nous présentez à grand renfort d'optimisme de façade et de méthode Coué, vous allez vous mettre au travail pour nous présenter un budget réel, fondé sur la rigueur et l'austérité de manière à pouvoir acquitter la facture de vos promesses contradictoires (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Nous aurons l'occasion dans quelques heures d'entrer dans le vif du sujet (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons retenu une hypothèse de croissance qui reste inférieure à celles de nos partenaires italien et espagnol et l'ensemble des grands instituts de conjoncture la confirment encore aujourd'hui. À l'évidence cependant, si la situation évolue au cours de 2003, du fait notamment du contexte international qu'a retracé M. de Villepin, nous saurons rectifier le tir et tenir nos objectifs, comme nous l'avons toujours fait jusqu'à présent (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

M. Xavier Bertrand - Monsieur le ministre des affaires sociales, la situation des retraites est extrêmement préoccupante. Les Français espèrent une réforme du système, promise depuis longtemps et toujours différée. Le gouvernement de Lionel Jospin s'est borné à commander des études et à faire publier des rapports. Sur le fond, il n'a rien fait.

L'heure n'est plus à la réflexion mais à la décision et à l'action ; et les Français nous attendent à ce rendez-vous. C'est dans ce contexte qu'a été annoncé, la semaine dernière, le reversement de plusieurs centaines de millions d'euros par la caisse vieillesse des salariés à d'autres régimes de retraite, annonce qui a provoqué une très vive émotion.

Nous ne réussirons pas à réformer les retraites en opposant de façon simpliste les salariés du public à ceux du privé. L'avenir des retraites est l'affaire de tous. Notre réussite dans ce domaine exigera pédagogie, transparence et équité. Pouvez-vous donc, Monsieur le ministre, nous expliquer ce qui s'est réellement passé et nous dire selon quel calendrier et quels principes vous allez agir pour assurer l'avenir des retraites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - La mesure que le Gouvernement propose dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est pas une nouveauté mais s'intègre dans le mécanisme de la compensation démographique, qui fonctionne depuis 1974 et qui aboutit à faire payer les régimes « jeunes » - celui des salariés mais aussi celui des fonctions publiques, CNRACL notamment - pour les régimes plus déséquilibrés, comme ceux des agriculteurs ou des commerçants et artisans.

Elle consiste à intégrer les chômeurs dans les effectifs de la caisse nationale d'assurance-vieillesse, étant entendu que le budget de l'Etat paie leurs cotisations retraite, ce qui incontestablement est une mesure d'équité. Il en résulte, c'est vrai, un alourdissement des charges de la compensation démographique pour le régime des salariés, et ce au profit surtout des artisans et commerçants. Mais comme le système est équilibré, la mesure a aussi pour effet de réduire le niveau de la compensation versée par la CNRACL et par le régime des fonctionnaires de l'Etat.

Cette mesure ne risque pas de déséquilibrer les comptes de la CNAV, qui seront excédentaires de plus d'1,9 milliard en 2003. Et elle n'a rien à voir avec la réforme des retraites que nous proposerons. Simplement, elle confirme la nécessité de remettre à plat l'ensemble des financements en matière de retraite. Nous suivrons ce faisant trois principes : équité entre tous les Français, liberté pour eux de choisir leur système et en particulier la date de leur départ, sécurité quant au niveau du revenu de remplacement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXÉCUTION DES PEINES

M. Michel Hunault - Un récent rapport de l'Inspection générale des services judiciaires révèle que plus d'un tiers des condamnations à des peines de prison ne sont jamais exécutées. Ce chiffre est à rapprocher du nombre de crimes et délits commis dans le pays : plus de quatre millions, pour une capacité de jugement qui n'excède pas 600 000.

Comment faire pour assurer une meilleure exécution des peines et au-delà, pour mieux prendre en compte les droits des victimes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Vous avez raison de souligner la gravité du constat établi par l'Inspection. Il y a un an déjà, l'Union syndicale des magistrats avait alerté les pouvoirs publics à ce sujet.

Nous connaissions l'incapacité de notre système pénal d'absorber tous les dossiers. C'est précisément pourquoi ce gouvernement a proposé à la représentation nationale - qui a voté en ce sens - de confier au juge de proximité une compétence pénale sur les petits délits.

Nous savions également à quoi nous en tenir en ce qui concerne l'exécution des peines. Je précise que le pourcentage de 28,5 % ne concerne pas seulement la prison mais aussi les amendes et les travaux d'intérêt général. Notre réponse ici a été la loi de programmation, qui a dégagé des moyens pour cinq ans, lesquels nous permettront de créer 11 000 places de prison ainsi que des emplois d'éducateurs et de magistrats. Il faut remercier la représentation nationale d'avoir voté une loi qui renforce à ce point les moyens de la justice.

Il nous faudra aussi simplifier ce qu'on pourrait appeler la « chaîne de commandement », c'est-à-dire le processus qui va de la décision prise par le tribunal à l'exécution effective de la peine. J'ai demandé à des responsables de terrain de me faire des propositions en ce sens. Il y a actuellement trop d'acteurs qui interviennent et les délais sont trop longs.

Être informées sur l'exécution des peines constitue l'une des revendications légitimes des victimes. Le plan d'action que j'ai proposé au Gouvernement la satisfait et cette mesure viendra s'ajouter à celles qui ont déjà été prises en faveur des victimes - accès à l'aide juridictionnelle et au concours d'un avocat dès le dépôt de la plainte.

Tout cela devrait améliorer rapidement le pourcentage que vous déplorez, Monsieur le député (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SURVEILLANTS ET EMPLOIS-JEUNES DANS L'ÉDUCATION NATIONALE

M. Patrick Roy - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous faites beaucoup de communication sur l'illettrisme mais dans le même temps, vous privez l'école des moyens de remplir sa mission en supprimant des postes de surveillants et les emplois-jeunes (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Les emplois-jeunes ont pourtant permis l'arrivée dans de nombreuses écoles d'aides-éducateurs qui ont lancé de nouvelles activités pédagogiques. Dans une école du Nord que je connais bien puisque j'y ai exercé pendant quinze ans, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ces aides éducateurs nous ont notamment permis de mettre en _uvre un soutien par demi-classe, de développer un site informatique, d'assurer une aide aux devoirs...

Comment justifier ce retour en arrière, Monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - Je vous remercie de cette question qui me permet de préciser les choses. Personne ne nie, en tout cas pas moi, que certains aides-éducateurs remplissent des missions essentielles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), je pense notamment à ceux qui participent à la scolarisation de jeunes handicapés.

Pour ce qui est des surveillants, je rappelle qu'un rapport avait été commandé en 1999 par M. Allègre sur les MISE - maîtres d'internat et surveillants d'externats. Ce rapport concluait que ledit dispositif était « calamiteux » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et qu'il fallait le remplacer par un plus efficace (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est ce que nous allons faire à la rentrée 2003.

Nous annoncerons les modalités du nouveau dispositif en février prochain, et dans cette perspective, nous allons réunir tous les partenaires sociaux et organiser avant la fin d'octobre une table ronde, qui sera présidée par le recteur de Bordeaux.

Le dispositif des emplois-jeunes a été mis en place sans que l'on réfléchisse ni à ce qui se passerait à la sortie, ni au financement des indemnités de chômage, ni même aux vrais besoins des établissements. Alors, c'est le dernier sujet sur lequel vous avez des leçons à nous donner ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE

M. François Scellier - Depuis quatre ans, les négociations sur l'élargissement de l'Union européenne se sont déroulées dans une regrettable confidentialité. Les Français découvrent maintenant que d'ici à quelques mois, l'Union comptera dix nouveaux membres et que l'Europe qui s'est bâtie depuis un demi-siècle ne sera plus la même. Alors, ils s'interrogent et doutent. Un Français sur deux serait, dit-on, défavorable à l'élargissement. Comment le Gouvernement compte-t-il répondre à cette inquiétude de nos compatriotes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Un référendum serait la bonne réponse !

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - L'élargissement est un grand projet politique européen, le plus grand de ce début de siècle. Je dirais même qu'il n'y en a pas d'autre. Treize ans après la chute du mur de Berlin, il est en effet grand temps que nos voisins d'Europe centrale et orientale, privés de démocratie pendant des décennies, nous rejoignent.

L'Europe élargie est notre chance à tous. Mais il est vrai que les Français se montrent sceptiques. Cela étant, les sondages ne constituent pas une science exacte mais offrent simplement un instantané. Par ailleurs, on peut s'étonner que certains médias découvrent aujourd'hui l'élargissement, alors que la décision a été prise en 1993, à Copenhague.

Il nous faut aujourd'hui expliquer à nos concitoyens le contenu de ce projet. Cela fera l'objet d'une campagne d'information et de communication, que je prépare en liaison avec le Premier ministre et qui sera lancée en novembre.

Elle s'appuiera essentiellement sur des initiatives locales, dans un « Tour de France de l'Europe », si je puis dire, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et s'adressera avant tout à la jeunesse.

Sur le fond, soyons clairs (Même mouvement). Non, l'élargissement ne met pas en péril l'ordre public et notre sécurité alimentaire. Au contraire, sans l'élargissement, nous aurions de très grandes difficultés à maîtriser ces risques et en particulier à contrôler la criminalité organisée et les filières d'immigration illégale (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP). L'Europe, il faut l'expliquer à nos concitoyens mais aussi apparemment à certains ici même, c'est la sécurité interne et à nos frontières. Au-delà de son coût, l'Europe est un projet politique qui nous réunit tous autour de la préservation de valeurs communes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SÉCURITÉ DES CONVOYEURS DE FONDS

M. Michel Terrot - Une fois de plus, un convoyeur de fonds a été lâchement assassiné à l'issue d'un guet-apens sanglant. L'émotion est considérable dans la profession et dans la population. Aux yeux de truands organisés de façon quasi militaire et puissamment armés, même un maigre butin vaut bien une vie, en l'occurrence celle d'un homme de 35 ans. C'est un mort de trop qui alourdit le lourd tribut payé par cette profession qui exerce une activité d'intérêt général.

Monsieur le ministre de l'Intérieur, les convoyeurs de fond attendent une véritable réponse des pouvoirs publics. Quelle est-elle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Le Gouvernement s'associe à l'émotion qu'a provoquée ce lâche assassinat et, en son nom, je veux témoigner à la famille et à l'ensemble de la profession de toute notre reconnaissance pour le travail accompli au service de tous. Que les assassins, pour qui la vie ne vaut rien, sachent qu'ils ne doivent attendre de notre part aucune indulgence (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et de nombreux bancs du groupe UMP). Ils seront poursuivis, où qu'ils se trouvent, avec la plus grande énergie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

J'ai reçu les convoyeurs de fonds les 4 juillet, 11 juillet et 24 septembre. Ils m'ont demandé de prendre un décret autorisant à embarquer dans les fourgons blindés les nouvelles technologies, seules à même de dissuader les assassins, l'objet du crime étant immédiatement détruit. Ce décret est actuellement soumis au Conseil d'Etat et il sera publié dans quinze jours. Il existait en mai un seul système agréé. J'ai délivré l'agrément pour deux autres encore en août et deux autres en septembre.

Avec les organisations syndicales, nous avons convenu qu'une mission interministérielle serait chargée de répertorier les dispositifs de sécurité qui se sont révélé efficaces dans d'autres pays et d'établir un diagnostic complet. Nous nous reverrons à la fin de l'année. Les convoyeurs de fonds doivent être protégés. C'est notre mission, et ce sera fait avant la fin de l'année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement, chacun ayant respecté son temps de parole, et ce sans même que j'aie à intervenir(Sourires).

La séance, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures.

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La première étape parlementaire de l'examen de cette loi aura été enrichissante à plus d'un titre. Plus de 230 amendements ont été examinés en séance publique.

M. Gaëtan Gorce - Et repoussés !

M. le Rapporteur - Je me félicite que ce débat n'ait pas pris la forme d'une guerre de tranchée entre les bons soldats du progrès social et les ogres capitalistes affiliés au grand patronat... Certes, on a vu quelques résurgences de combats homériques passés, mais je relève avec une petite pointe d'ironie que les principaux leaders socialistes ont reconnu honnêtement la nécessité de corriger la réduction du temps de travail décidée pendant la précédente législature - même si l'opposition a soutenu dans une belle unanimité un amendement réduisant la durée du travail à 32 heures hebdomadaires...

Le texte soumis à l'Assemblée nationale a été peu modifié sur l'essentiel car il concilie l'efficacité économique et la justice sociale. Cependant, quelques amendements ont été adoptés pour préciser le dispositif.

Tout d'abord, le régime applicable aux cadres « intégrés » a été limité aux seuls cadres dont la nature des fonctions les conduit à suivre l'horaire collectif. En ce qui concerne les astreintes, il a été précisé qu'à l'exception de la durée d'intervention, la période d'astreinte est décomptée dans les durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire. Enfin, les accords de réduction du temps de travail signés en application des lois Aubry ont été sécurisés.

Deux enseignements majeurs peuvent être tirés de ces débats.

Le premier concerne le dialogue social. Le projet est audacieux car il organise de véritables transferts de compétences au profit des partenaires sociaux.

M. Gaëtan Gorce - Dans le discours !

M. le Rapporteur - À l'inverse, les lois Aubry voulaient mettre en place un corset de règles applicables, quels que soient la taille de l'entreprise et le secteur concerné. L'opposition a persisté dans cette philosophie, notamment en soutenant un amendement visant à inscrire dans la loi le contingent d'heures supplémentaires.

Le second enseignement concerne les 35 heures. Contrairement à ce qui a pu être dit, la durée légale n'est pas remise en cause. Cependant, la réduction du temps de travail ne constitue plus l'alpha et l'oméga de la politique sociale en France. Des espaces de négociations sont ouverts là où la rigidité du précédent dispositif avait à la fois limité le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes et contrarié la compétitivité de nos entreprises, au détriment de l'emploi.

M. Gaëtan Gorce - Fantasme !

M. le Rapporteur - Le couplage d'un processus d'harmonisation des SMIC par le haut et d'un vaste programme de diminution des charges patronales met un terme à un dispositif dans lequel l'idéologie l'emportait sur les réalités.

La commission invite donc l'Assemblée à adopter le projet modifié par ses soins (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Nicolas Perruchot - Le groupe UDF votera ce projet car il va dans le sens d'un assouplissement des règles qui pèsent aujourd'hui sur le travail, notamment en permettant aux salariés qui le souhaitent de travailler plus.

Nous nous félicitons que le Gouvernement ait accepté notre amendement sur l'astreinte. Nous prenons acte de son engagement d'entamer une réflexion sur le régime du forfait jours et heures pour les cadres.

Cependant, ce projet ne va pas assez loin. Il ne marque par une rupture complète avec les lois Aubry. En outre, il risque de surenchérir le coût du travail, au moment où la préoccupation majeure des Français reste l'emploi. Enfin, nous attendons du Gouvernement une véritable réflexion sur le dialogue social, auquel le gouvernement de Lionel Jospin a préféré l'arsenal législatif et réglementaire. Nous devons repenser notre droit social, en nous inspirant des modèles de nos voisins et du droit européen. Il faut tout à la fois laisser au contrat une place prépondérante, revoir les règles de représentativité des organisations syndicales, favoriser la conclusion d'accords réellement majoritaires avec des syndicats représentatifs, améliorer les conditions du financement de la démocratie sociale, et alléger le code du travail, dont 70 % des dispositions ne seraient pas appliquées.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit « partager l'analyse du groupe UDF sur la situation du dialogue social et sur la nécessité de faire évoluer les règles qui le régissent ». Permettez-moi de vous rappeler la proposition de François Bayrou d'organiser des états généraux de la démocratie sociale pour dresser un bilan et négocier de nouvelles règles. Nous espérons que la vaste discussion avec les partenaires sociaux que vous vous êtes engagé à ouvrir début 2003 prendra cette forme (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Maxime Gremetz - Après deux semaines de débat, Monsieur le ministre, les dispositions contenues dans votre projet de loi de régression sociale n'ont pas bougé d'un pouce. Elles portent un coup au pouvoir d'achat des salariés en dévoyant les modes traditionnels de revalorisation du SMIC et en ramenant la majoration des heures supplémentaires à 10 %.

Vous enclenchez une dynamique contraire à l'emploi en autorisant un recours accru aux heures supplémentaires et en déconnectant les aides aux entreprises de la réduction du temps de travail et de la création d'emplois. On comprend pourquoi vous avez refusé de chiffrer les créations d'emplois que votre loi pourrait créer.

Vous remettez en cause la notion d'astreinte et les accords conclus dans le secteur médico-social, vous faites reculer le droit au repos compensateur, vous facilitez la flexibilité et l'annualisation du temps de travail. Vous faites ainsi le jeu du MEDEF qui veut détruire les règles fondamentales du code du travail. Cependant, malgré votre acharnement, vous n'arriverez pas à arrêter le processus historique de réduction du temps de travail.

Votre projet aura des effets négatifs sur l'emploi, des conséquences sociales inacceptables, des résultats néfastes sur l'économie, au moment où le chômage remonte et où la croissance ralentit. Vous divisez les salariés entre ceux qui sont à 35 heures et les autres qui resteront à 39 heures.

Vous avez rejeté toutes nos propositions tendant à améliorer la législation actuelle et à corriger les effets négatifs de votre texte, tout en reconnaissant leur cohérence.

Réduction du temps de travail pour tous, y compris les cadres qui le demandent : rejet !

Politique salariale consolidant la croissance par la consommation, avec une augmentation immédiate de 11,4 % du SMIC - rejet ! - et la majoration des heures supplémentaires à 25 % et 50 % afin d'encourager les créations d'emplois : rejet !

Lutte contre l'emploi précaire, qui rejoint votre volonté de créer des emplois, en limitant le recours abusif aux intérimaires, CDD et autres temps partiels imposés (« Rejet ! » sur les bancs du groupe UMP) : rejet encore !

Nos propositions sur les licenciements économiques ou la modernisation de la vie de l'entreprise par l'octroi de pouvoirs nouveaux aux salariés dans et hors de l'entreprise (« Rejet ! » sur les bancs du groupe UMP) : rejet encore !

La reconnaissance du principe majoritaire dans les accords de branche et d'entreprise, pour en finir avec une situation où une petite minorité décide pour l'ensemble des salariés (« Rejet ! » sur les bancs du groupe UMP) : rejet encore !

Nous avons défendu des pouvoirs d'opposition et de proposition des comités d'entreprise en matière de licenciements, de précarité, de sous-traitance, d'externalisation (« Rejet ! » sur les bancs du groupe UMP) : rejet toujours !

Les pleins pouvoirs du conseil d'administration doivent céder la place à une codécision. C'est un moyen de substituer des critères de gestion favorables à l'emploi, à la formation et à la satisfaction des besoins à ceux qui ne sont fondés que sur la recherche effrénée du profit.

Nous avons proposé de mettre fin à la dictature des marchés financiers : rejet, évidemment !

Enfin, nous avons proposé une alternative aux exonérations de cotisations, sans contrepartie en termes d'emploi. Notre proposition ouvrait la voie à une croissance durable, favorable à l'emploi et assurant des ressources supplémentaires pérennes à notre protection sociale, bien mieux que la hausse de 15 % des prix du tabac que vous nous infligez : rejet !

En revanche, vous accordez au MEDEF une augmentation de 6 milliards d'euros d'exonération de cotisations (Protestations sur les bancs du groupe UMP), vous lui offrez une redéfinition de la notion d'astreinte pour l'assimiler à du temps de repos, et enfin vous élargissez le forfait-jour des cadres.

Votre projet de loi va à l'encontre des aspirations des salariés, des travailleurs précaires et des chômeurs. C'est un non-sens économique, dont les répercussions seront graves pour l'emploi, le pouvoir d'achat, les salariés et notre société.

Le groupe communiste et républicain votera donc contre votre projet. Mais il poursuivra le combat avec les organisations syndicales (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), les salariés, les sans-emploi et c'est le mouvement social qui aura, comme toujours, le dernier mot ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Claude Gaillard - Le regard que nous portons sur ce projet de loi est sensiblement différent de celui de Maxime Gremetz. L'opposition n'a eu de cesse, tout au long de ce débat, de chercher à restaurer les lois Aubry et à réduire notre texte à la suppression des 35 heures.

Les Français ont pourtant dit clairement ce qu'ils pensaient de la brutalité des lois Aubry. Permettez-moi de rappeler qu'un amendement communiste sur les 32 heures a été voté par le groupe socialiste !

Ce projet de loi entend régler des problèmes en suspens, réparer des injustices et préparer l'avenir.

Les difficultés que posaient les 35 heures aux PME étaient telles que la gauche elle-même en a différé l'application de deux ans par un décret d'octobre 2001.

Face à six SMIC, nous avions perdu toute référence unique. En prévoyant le retour à un SMIC unique en 2005, la loi lui redonne tout son sens.

L'injustice la plus criante résidait dans le blocage du pouvoir d'achat des bas salaires, particulièrement insupportable en période de forte croissance. L'alignement sur le SMIC le plus élevé correspond à une augmentation de 11,4 % en euros constants. Il accroîtra l'écart entre les revenus de l'assistance et ceux du travail. C'est dire que nos conceptions sont bien différentes !

La hausse du chômage depuis avril 2001, en dépit d'une croissance de 3,8 % en 2000, nous soucie particulièrement. Il fallait donc réduire les contraintes qui pèsent sur les entreprises : charges et complexité administrative. Sur ce dernier point, le projet de loi - quelques pages et douze articles - n'a plus rien à voir avec l'usine à gaz des lois Aubry. Il fera donc date.

S'agissant des charges, il accroît les aides aux salaires compris entre 1 et 1,7 SMIC, tranche dans laquelle elles ont le plus d'effet sur l'emploi. S'y ajouteront d'autres mesures dans la loi de finances.

Il fallait enfin rompre avec la méfiance à l'égard des partenaires sociaux. Ce texte favorise la négociation collective : la loi s'applique en l'absence d'accord. Elle devrait restaurer l'attractivité de la France. Il fallait choisir une politique salariale forte en redonnant du pouvoir d'achat aux bas salaires sans surcoût pour les entreprises, donner plus de liberté aux entreprises et aux salariés, diminuer les contraintes des lois Aubry et renouer le dialogue social. C'est ce que vous faites. Face à un avenir incertain et en regrettant que la croissance n'ait servi à désendetter ni l'Etat, ni nos entreprises publiques, le groupe UMP apporte son total soutien à ce projet mobilisateur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Gaëtan Gorce - D'un trait de plume, vous revenez sur une réforme qui a permis de réduire fortement le temps de travail et de créer des emplois (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Votre texte jouera contre l'emploi. La pire des politiques de l'emploi, c'est celle qui consiste à revenir sur toute l'_uvre de ses prédécesseurs, à détruire, démolir, arracher, araser ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Pour quel résultat ?

La réduction du temps de travail a fortement contribué à la création d'emplois (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Vous consentez 15 milliards d'euros d'allégements de cotisations sans contrepartie, mais vous refusez de prendre le moindre engagement sur l'effet attendu du démantèlement des 35 heures et de ces nouveaux allégements ! C'est dire la confiance que vous placez en votre politique.

En votant contre votre texte, nous votons pour l'emploi (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et nous déplorons le coup d'arrêt porté à la dynamique de négociation engagée, qui a permis la signature de près de 100 000 accords d'entreprise, l'innovation des accords majoritaires et un progrès dans les petites entreprises. Aucune incitation à négocier dans votre texte, qui signe bien la fin des 35 heures ! Le porte-parole de l'UDF l'a rappelé : les heures supplémentaires permettront de rester à 39 heures !

Cela me désole pour les entreprises passées aux 35 heures qui vont être pénalisées. La représentation nationale doit savoir que l'entreprise qui fera des heures supplémentaires se verra consentir plus d'allégements que celle qui respectera la durée légale du travail. Et de même pour les salariés ! Plus préoccupant, votre pratique du dialogue social est bien loin de votre discours. Votre loi fait dire aux partenaires sociaux ce qu'ils n'ont pas dit : s'ils ont pu prévoir des contingents d'heures supplémentaires supérieurs au contingent légal, ils n'ont certainement pas prévu de relever le seuil du repos compensateur ! Vous faites l'économie d'une négociation que vous saviez ne pas pouvoir aboutir ! C'est un détournement de la volonté des partenaires sociaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Cette loi crée aussi une injustice sociale fondamentale entre les salariés passés aux 35 heures et ceux qui n'ont plus vocation à y passer, soit 4 millions de salariés dont 2,5 millions dans les entreprises de moins de vingt salariés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Ils travailleront 39 heures payées 39, avec 10 % de majoration sur les quatre dernières heures, et 13 jours de congé en moins ! Voilà la réalité de votre texte ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) La majorité a du mal à accepter les points de vue qui diffèrent du sien... (Mêmes mouvements)

M. le Président - Laissez M. Gorce terminer !

M. Gaëtan Gorce - En votant contre votre loi, nous voterons pour l'emploi, le dialogue social et la justice sociale que réclament nos compatriotes. C'est tout le contraire que vous leur proposez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP)

A la majorité de 373 voix contre 160, sur 533 votants, et 533 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté (Les députés UMP et UDF se lèvent et applaudissent vivement. De nombreux députés socialistes, communistes et républicains quittent l'hémicycle).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Après un débat nourri, l'Assemblée nationale vient d'approuver un projet équilibré et volontariste. Je l'en remercie.

Ce texte répond aux souhaits exprimés par les Français lors du dernier rendez-vous électoral : plus de liberté et de responsabilité, plus de justice sociale.

La gauche ne semble pas avoir entendu le même message (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Non contente d'avoir instauré trop brutalement les 35 heures, la gauche plurielle nous a proposé, par amendement, le passage aux 32 heures ! Les Français jugeront cette fuite en avant.

En adoptant ce projet, l'Assemblée a su faire preuve de volontarisme. Volontarisme dans notre choix d'harmoniser rapidement les SMIC !

Volontarisme dans notre choix d'accentuer la politique d'allégement des charges, qui a démontré son utilité en matière d'emploi. Et nous avons décidé de ne plus indexer la baisse des charges sur l'application des 35 heures.

Volontarisme, enfin, à propos de la question du temps de travail. Lorsqu'elle était aux responsabilités, la gauche a eu la partie aisée. Bénéficiant de la croissance internationale, elle a pu - seule en Europe - proposer à notre pays de diminuer ses efforts. Ce discours démotivant n'est pas le nôtre. Il n'a d'ailleurs pas su convaincre les électeurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Nous voici donc amenés à réparer les erreurs, par des infléchissements et des innovations.

Comme promis, nous assouplissons les 35 heures sans les démanteler. Comme promis, nous unifions les SMIC, permettant ainsi à l'immense majorité des salariés concernés de voir augmenter leur feuille de paie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Comme promis, nous amplifions le mouvement de baisse des charges qui provoquera son effet maximal dans les secteurs caractérisés par les bas salaires, les plus exposés à la concurrence (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Nous avons agi en concertation avec les partenaires sociaux, et ouvert des espaces de négociation au sein de la loi.

A plusieurs reprises, le débat s'est orienté sur la politique de l'emploi...

M. Gaëtan Gorce - Sans réponse de votre part !

M. le Ministre - La gauche se satisfait d'une médiocre douzième place européenne en matière de chômage (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gaëtan Gorce - C'était sous les gouvernements Juppé et Balladur !

M. le Ministre - Une question m'a été posée et répétée par l'opposition : « Combien d'emplois envisagez-vous de créer ? »... « Donnez-nous des chiffres ! ». Je n'ai pas répondu, et cela délibérément, parce que je me souvenais des promesses lancées par le passé : 750 000 emplois créés par les 35 heures, 600 000 emplois-jeunes.

Le chômage est une question grave, et il importe de ne pas tirer de plans sur la comète, mais d'agir. Je ne fais pas de démagogie (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le temps est à l'humilité et au pragmatisme, à l'innovation et au courage.

Adopté par une majorité unie et décidée, ce projet marque la première étape d'un long processus. Nous nous retrouverons pour l'amélioration de la loi de modernisation sociale, l'aménagement de l'assurance-emploi, la création du contrat d'insertion dans la vie sociale, la modernisation du dialogue social, l'amélioration des dispositifs d'insertion, et enfin la réforme des retraites.

Voilà le cap qui unit le Gouvernement et sa majorité pour rénover le socle économique et social de la France (Très vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La séance, suspendue à 16 heures 40, est reprise à 16 heures 50 sous la présidence de M. Daubresse.

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2003 (première partie)

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2003.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Il y a quelques années, le monde développé et notre pays tout particulièrement ont pu rêver à une économie où le miracle des Trente Glorieuses se renouvelait. Cette « nouvelle économie » aurait été fondée sur une croissance forte et continue, sur une productivité accélérée par la révolution technologique et une création d'emplois dynamique, et sur un ensemble de perspectives économiques brillantes. Las, avec l'éclatement de la bulle de l'Internet et de celle des télécoms, et les scandales financiers qui ont affecté nos marchés d'une fébrilité anormale, est advenu un temps de doutes et d'incertitudes. Nous en revenons aux réalités plus moroses de l'économie traditionnelle où le progrès continue à se gagner jour après jour et où il se nourrit d'efforts pour toujours mieux utiliser les facteurs de production que sont le travail des hommes, leurs capacités intellectuelles et leur épargne.

Le spectre de la récession a ainsi plané sur 2001. En 2002, la croissance a repris aux Etats-Unis, plus timidement en Europe. Pour 2003, les institutions financières internationales tablent sur une économie mondiale plus dynamique, dans laquelle la France renouerait avec une croissance proche de son potentiel. Tous les observateurs s'accordent cependant sur l'ampleur des incertitudes nées de la situation politique internationale.

Dans ce contexte, il faut donner à notre économie toutes ses chances dans la lutte pour la croissance et pour l'emploi. Le projet de budget que je vous présente aujourd'hui avec Alain Lambert traduit une conviction, une politique et une ambition. Notre conviction, c'est qu'il faut parier sur la liberté d'initiative de nos compatriotes : faisons confiance aux Français.

Mme Christine Boutin - Très bien !

M. le Ministre - Notre politique se fonde sur une stratégie économique tout entière orientée vers la croissance et donc vers l'emploi. Notre ambition, enfin, c'est de préserver les chances de nos enfants en préparant l'avenir.

Faire le pari de la liberté, c'est accepter l'idée que nous vivons dans un monde globalisé, où prime la liberté individuelle. Les acteurs économiques sont libres et cela signifie aussi qu'ils peuvent consommer d'autres produits que les nôtres ou investir à l'étranger...

M. Jean-Pierre Brard - Surtout avec un SMIC !

M. le Ministre - Il incombe au Gouvernement de créer un environnement économique optimal, en sorte que les décisions individuelles convergent vers l'intérêt collectif. La liberté des acteurs économiques est une chance pour le pays dès lors qu'elle peut être mise au service d'un idéal de solidarité. Mais elle devient dangereuse si les prélèvements sont ressentis comme dissuasifs ou anesthésiants. Il faut donc baisser les impôts et les charges pour dynamiser l'emploi, et, pour financer ces allégements, il faut maîtriser la dépense en fixant des priorités claires. La dépense publique représente aujourd'hui plus de la moitié de la richesse nationale. Ce poids peut et doit être réduit sans que la dépense soit moins efficace, au contraire !

Certains craignent que l'allégement de la dépense publique n'altère la qualité du service public. C'est faire peu de cas de la capacité de l'administration à progresser. Je crois pour ma part qu'une administration plus simple et moins coûteuse sera plus efficace. Cessons de penser qu'un bon budget est un budget qui augmente (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Brard - Il n'y a qu'à supprimer l'administration !

M. le Ministre - Des choix judicieux fondés sur des priorités claires, des dépenses maîtrisées et un service public plus performant, voilà le moyen de dynamiser l'activité économique tout en réduisant le déficit public.

M. Didier Migaud - On verra bien !

M. le Ministre - La politique des finances publiques que nous vous soumettons obéit à cette logique. Nous entendons créer les conditions d'une croissance soutenue pour créer plus d'emplois pérennes. À cette fin, nous sommes engagés dans une dynamique de baisse des impôts et des charges. Nous baissons l'impôt sur le revenu en sorte que les salariés retirent plus de leur travail sans que les entreprises supportent de surcoût. Nous aménageons la prime pour l'emploi en faveur des travailleurs à temps partiel pour les inciter à se réinsérer dans la vie économique et pour améliorer leur pouvoir d'achat. Nous instaurons les contrats jeunes en entreprise sans charges et faisons converger les SMIC afin d'abolir un système aussi inéquitable qu'économiquement inefficace. La convergence du SMIC par le haut redonne du pouvoir d'achat sans nuire à l'emploi puisqu'elle est compensée par une baisse des charges des entreprises particulièrement sensible aux niveaux voisins du salaire minimum, c'est-à-dire là où sont les véritables priorités. Nous supprimons de manière définitive la taxe professionnelle sur les salaires, afin de favoriser l'emploi, y compris dans les entreprises de moins de cinq salariés.

Enfin, le Gouvernement a annoncé il y a quelques jours tout un train de mesures tendant à faciliter la création d'entreprises et à favoriser l'innovation, gage de la croissance de demain. Au total, 4 milliards sont ainsi rendus à nos concitoyens. Plus d'un milliard vient soutenir directement le pouvoir d'achat - après plus de 2,5 milliards de baisse de l'IR en 2002. Plus de 3 milliards sont mis au service de l'emploi par la baisse des charges des entreprises. La plupart de ces mesures agissent simultanément sur le pouvoir d'achat des salariés et sur l'emploi.

M. Jean-Pierre Brard - Elles ne touchent pas ceux qui ne paient pas l'IR !

M. le Ministre - Au reste, n'opposons pas mesures de soutien à la demande et politique de l'offre.

M. Hervé de Charette - Très bien !

M. le Ministre - Sur le long terme, seules sont efficaces la libération des énergies, l'incitation à entreprendre, à investir et à produire. Mais dans la conjoncture actuelle, où la consommation est le soutien le plus ferme de la croissance, il faut aussi maintenir la confiance des ménages. Notre budget marche donc sur deux jambes, attentif aux entreprises et soucieux des consommateurs.

M. Jean-Pierre Brard - Vous finirez cul-de-jatte !

M. le Ministre - Je voudrais rassurer les uns et les autres : les baisses d'impôts et de charges ne seront pas remises en cause, car nous maîtrisons la dépense publique pour qu'il en soit ainsi.

Certes, nous accroissons les dépenses là où sont nos priorités, là où il faut restaurer dans toute son autorité l'Etat républicain : défense, sécurité, justice...

M. Alain Bocquet - Et l'école ? Et la santé ?

M. le Ministre - Mais les dépenses publiques progressent moins vite que le PIB. Et comme les impôts et charges baissent...

M. Augustin Bonrepaux - Pas pour tout le monde !

M. le Ministre - ...La situation réelle, sous-jacente, de nos finances publiques s'améliore donc.

M. Jean-Pierre Brard - Si la situation sous-jacente s'améliore, alors !...

M. le Ministre - Les finances publiques dérivaient lorsque nous avons pris les rênes de ce pays. Notre premier objectif a donc été de stopper la dérive du déficit.

En 2002, nous avons été fidèles à la promesse faite aux Français de baisser l'impôt sur le revenu de 5 % et notre régulation des dépenses nous a permis de gager le coût de cette baisse.

Lors du collectif de juillet, la représentation nationale n'a pu qu'acter les dérives constatées par l'audit : 5 milliards de dépenses sous-évaluées ou de dettes à rembourser - ce qui vous a amené à voter 5 milliards d'ouvertures de crédits -, et des prévisions fiscales gonflées - que nous avons ramenées à un niveau plus prudent.

En 2003, nous stabilisons le déficit, alors même que nous ne bénéficierons pas des ressources exceptionnelles de la précédente législature, ni des mêmes rentrées fiscales. En effet, nous prévoyons des recettes fiscales qui progressent moins vite que la croissance et nous réduisons les prélèvements sur les organismes publics.

Au final, il est toujours possible de s'interroger sur le dosage retenu entre dépenses et recettes. La question est légitime. Fallait-il aller plus loin dans l'effort pour afficher une baisse du déficit ? Assurément non, si c'était au prix d'artifices. Fallait-il différer la réalisation de nos priorités - défense, sécurité, justice ? Je réponds sans hésiter non car elles sont au c_ur du rétablissement de l'autorité de l'Etat. Fallait-il renoncer cette année à soutenir le pouvoir d'achat et à relancer l'initiative entrepreneuriale ? Je ne le crois pas non plus, car la conjoncture internationale requiert au contraire le dynamisme et la confiance des acteurs.

Les baisses d'impôts et de charges que nous vous proposons ne sont pas financées à crédit. Cela assure leur pérennité.

Sont-elles menacées par les incertitudes sur la croissance ? Sans ambiguïté, je réponds non. D'abord, notre prévision de croissance pour 2003 est raisonnable ; certes, elle est plus élevée que celle des conjoncturistes privés, mais elle est en ligne avec les chiffres avancés par les organismes internationaux. Surtout, elle est soutenue par la vigueur des gains de pouvoir d'achat : l'INSEE prévoit que celui-ci augmentera de 2,9 % sur l'année 2002, grâce notamment aux baisses d'impôts de fin d'année.

M. Jean-Pierre Brard - C'est surtout le pouvoir d'achat de M. Messier qui a augmenté !

M. le Ministre - Quand il y a du revenu, il y a de la consommation, et quand il y a de la consommation, il y a de la croissance. Celle-ci disposera donc d'un soutien solide au cours des trimestres à venir.

M. Alain Bocquet - Augmentez les salaires !

M. le Ministre - Il est vrai que la situation politique internationale constitue un aléa sérieux. Mais même si la conjoncture s'avérait moins bonne que prévu en 2003 - ce que je me refuse pour l'instant à croire - nos recettes budgétaires n'en seraient pas affectées à due concurrence car elles sont assises pour une large part sur les revenus de 2002 et, pour le reste, dépendent de la consommation des ménages, que notre politique conforte. C'est en ce sens que le chiffre de 2,5 % est pour nous, plus qu'une prévision, l'expression d'une volonté.

Je n'esquiverai pas pour autant la question : en cas de détérioration de la conjoncture, que ferions-nous ? J'y réponds simplement : nous tiendrons nos engagements. Nos engagements devant les Français d'abord : nous ne renoncerons pas aux baisses d'impôts et de charges qui ont été annoncées parce que, pour les Français, c'est une question de confiance. Nous ne renoncerons pas non plus à l'engagement européen pris dans le cadre du pacte de stabilité de ne pas avoir un déficit excédant 3 % du PIB. Pour la France, c'est une question de crédibilité.

Si donc la croissance n'était pas au rendez-vous - ce qui n'est pas l'hypothèse la plus probable - et si le budget en était affecté, nous utiliserions le dispositif de régulation de la dépense. Alain Lambert vous le présentera.

M. Jean-Pierre Brard - C'est le régime minceur !

M. le Ministre - En redonnant des forces à notre appareil productif, la baisse des impôts et des charges nous permet de construire notre avenir. C'est le troisième principe fondateur de notre budget, c'est notre ambition. Nous y parviendrons en nous fixant un objectif pluriannuel de stabilisation puis de décroissance de la dette publique rapportée à la richesse nationale.

En application de la loi organique du 1er août 2001, nous avons annexé au PLF une programmation pluriannuelle de l'ensemble des finances publiques pour les années 2004 à 2006. Notre politique s'inscrit dorénavant dans la durée et dans la globalité de la sphère publique, qui couvre à la fois l'Etat, le secteur social et la sphère locale.

Notre stratégie consiste à réduire le poids des dépenses publiques, tout en poursuivant une politique déterminée et continue de baisse des impôts et des charges.

La pierre angulaire de cette stratégie est une progression des dépenses publiques inférieure à la croissance de l'économie. Nous nous engageons pour cela à la limiter à 0,3 % en volume par an et à poursuivre la réforme de notre système de soins (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Cette maîtrise des dépenses se donne les moyens de sa réussite : la réforme de l'Etat, celle de la procédure budgétaire et la possibilité d'adopter, si nécessaire, un « collectif social » en cours d'année en sont les garants.

Ces réformes seront progressives. Réalisées en toute transparence et avec le concours de tous les agents, elles nous permettront d'améliorer les conditions dans lesquelles l'Etat exerce ses missions de service public. Elles nous permettront aussi de réduire les déficits publics, d'au moins 0,5 % du PIB par an, et donc de revenir à une situation d'équilibre en 2006-2007.

Cette stratégie de retour à l'équilibre, certains la contestent, d'autres trouvent que nous n'allons pas assez vite. Nous n'avons pas cherché à obéir à un dogme, mais à fixer un rythme pragmatique de réduction du déficit. La cible est claire : l'équilibre au plus tard en fin de législature. La trajectoire est compatible avec la poursuite des baisses d'impôt et de charges ainsi qu'avec la mise en _uvre des réformes structurelles : décentralisation, réforme de l'Etat, réforme des retraites.

La semaine dernière à Luxembourg, j'ai fait part de notre volonté de réduire le déficit de 0,5 % du PIB chaque année à partir de 2004. Notre programmation est conforme à cet engagement européen et nous le reprendrons dans le Programme de stabilité et de croissance. Nos partenaires ont également pris des engagements dans ce sens et c'est cette coordination réaliste des politiques de redressement des comptes publics qui nous permettra ensemble d'assurer une bonne articulation entre les politiques budgétaires nationales et la politique monétaire européenne.

Nous pourrons ainsi reprendre le mouvement de réduction du poids de la dette publique dans le PIB, qui s'est interrompu depuis deux ans. Même avec ces efforts, la dette en 2006 devrait atteindre le chiffre symbolique de 1 000 milliards d'euros, soit près de 17 000 € par Français ! Si nous voulons être fiers de l'héritage que nous laisserons aux jeunes générations, nous devons absolument faire reculer la dette.

Tels sont les chantiers ambitieux que nous voulons engager. Leur réalisation implique une large concertation avec l'ensemble des acteurs économiques. Réussir l'avenir de notre pays, c'est le bâtir tous ensemble.

Je vous ai parlé franchement, et clairement, je l'espère. Alain Lambert va maintenant vous présenter le projet du budget, dans la même démarche de transparence et de sincérité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Nous voulions un budget qui soutienne la dynamique économique et l'emploi. Aussi le budget qui vous est proposé est-il un budget pour la croissance (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Nous voulions un budget qui traduise les engagements politiques pris devant les Français : c'est donc un budget de rupture. Nous voulions enfin renouveler en profondeur les pratiques financières : c'est un budget de confiance.

Un budget pour la croissance, d'abord. Ni la croissance ni l'emploi ne se décrètent. Mais la politique économique peut les favoriser. Le collectif budgétaire, avec l'allégement de 5 % de l'impôt sur le revenu, a redonné de l'oxygène aux Français. Et les avis d'imposition qu'ils viennent de recevoir en sont une belle illustration, quatre mois après la formation du gouvernement. Le budget 2003 marque une nouvelle étape, parce qu'il allège à nouveau les prélèvements sur le travail et stabilise le déficit budgétaire, malgré la situation financière dégradée que nous avons trouvée.

Les mesures fiscales traduisent concrètement notre soutien à l'initiative et à l'emploi : plus d'un milliard d'euros sont consacrés à l'allégement des impôts des ménages et à l'encouragement au travail ; 2,7 milliards à l'allégement des charges et de la taxe professionnelle. Au total, hors augmentation des droits sur les tabacs, les prélèvements publics sont réduits de 3,8 milliards.

Mme Christine Boutin - Très bien !

M. le Ministre délégué - La stratégie du Gouvernement est claire : des baisses ciblées de charges pour l'emploi et la compétitivité ; une réduction générale de l'impôt sur le revenu pour stimuler la croissance et l'attractivité du territoire.

Considérant que le poids des charges sociales est le premier ennemi de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), nous avons créé le contrat jeunes sans charges, destiné aux jeunes peu qualifiés, particulièrement touchés par le chômage.

Nous voulons encourager le travail et inciter à la reprise d'un emploi en offrant un gain supplémentaire de pouvoir d'achat. Nous voulons une prime pour l'emploi plus efficace, notamment pour les millions de salariés à temps partiel. Le salarié au SMIC travaillant à mi-temps verra donc sa prime progresser de 50 %.

Oui, nous voulons faire reculer le chômage et favoriser ceux qui souhaitent travailler plus, grâce à l'aménagement des 35 heures, à la convergence par le haut des SMIC et aux baisses de charges.

Mme Christine Boutin - C'est réaliste !

M. Jean-Pierre Brard - C'est un dialogue avec Mme Boutin !

M. le Ministre délégué - Mais restaurer la compétitivité, c'est aussi réduire les prélèvements fiscaux sur l'entreprise, Monsieur Brard. Aussi finançons-nous la suppression définitive de la part salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle, d'où les investissements affectés à la recherche seront également exclus.

Le taux réduit de TVA pour les services d'aide à la personne et les travaux dans les logements sera prorogé jusqu'à la fin de 2003. Enfin, la contribution des institutions financières sera progressivement supprimée.

Stimuler la croissance, c'est aussi baisser l'impôt sur le revenu, pour rendre le travail plus attractif. La baisse de 5 % sera non seulement pérennisée mais amplifiée puisque tous les taux du barème sont réduits de 6 %. Pour la première fois depuis 1959, le taux marginal supérieur passera sous la barre des 50 %. C'est un signal fort et une incitation à l'esprit d'entreprise.

M. Jean-Pierre Brard - C'est de l'idéologie.

M. le Ministre délégué - Nous adressons aussi un signal aux familles, en amplifiant la décote et le quotient familial.

Mme Christine Boutin - Très bien.

M. le Ministre délégué - Quant au relèvement à 10 000 € du plafond des dépenses pour l'emploi d'un salarié à domicile, il sert les familles et l'emploi.

M. Jean-Pierre Brard - C'est l'allocation vison !

M. le Ministre délégué - L'abattement pour les donations entre grands-parents et petits-enfants double afin d'encourager la transmission anticipée du patrimoine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Notre objectif est clair : restituer à nos compatriotes une partie du fruit de leur travail.

M. Augustin Bonrepaux - Il n'y en a que la moitié qui travaillent ! Que faites-vous pour les autres ?

Mme Christine Boutin - La solidarité nationale, Monsieur Bonrepaux.

M. le Ministre délégué - Au total, en seulement quatre mois, nous avons réduit de 3,9 milliards les prélèvements directs sur les ménages. Mais ce Gouvernement, à la différence du précédent, n'oublie pas que les allégements d'impôts ne favorisent la croissance que si les dépenses sont maîtrisées ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) et s'ils n'aggravent pas les déficits. Or malgré les difficultés de la conjoncture budgétaire, le déficit est stabilisé. Pendant trois ans, quand le PIB croissait de 3 %, les recettes fiscales augmentaient automatiquement du double. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à la situation inverse. Le rapport serait voisin de 0,3 pour 2002, de 0,8 pour 2003, d'où l'extrême prudence de nos évaluations.

M. Jean-Pierre Brard - C'est un signe de la confiance !

M. le Ministre délégué - Le précédent gouvernement avait fortement sollicité les recettes non fiscales. Nous refusant, quant à nous, à traiter les prélèvements exceptionnels comme des recettes pérennes, nous avons réduit leur montant de 4,1 milliards par rapport à la LFI 2002.

Enfin, la charge de la dette qui n'a augmenté ces cinq dernières années que de 1,1 milliard, augmentera entre 2002 et 2003 de 1,4 milliard. Les déficits accumulés et les intérêts réduisent plus nos marges de man_uvre en une seule année que sur les cinq années antérieures.

Nous voulons aussi, disais-je, un budget de rupture (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous n'avons pu stabiliser le déficit budgétaire qu'en rompant avec les tendances antérieures, c'est-à-dire en maîtrisant la dépense publique, et en redéployant ces crédits au profit des priorités voulues par les Français.

D'abord, nous refusons tout affichage. Certains budgets baissent car ce qui compte réellement à nos yeux c'est d'agir, pas d'inscrire des crédits qui ne seront jamais consommés. (« Bien !» sur plusieurs bancs du groupe UMP). Selon les termes de la lettre de cadrage du Premier ministre, « un bon budget n'est pas nécessairement un budget qui augmente ».

De même, nous voulons mettre un terme à l'augmentation systématique de l'emploi public. Plus de 40 000 emplois civils ont été créés sous la précédente législature, sans amélioration correspondante du service rendu.

Mme Christine Boutin - C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Marc Laffineur - C'est même l'inverse !

M. le Ministre délégué - Notre budget 2003 mobilise les marges de redéploiement et de rationalisation de l'action publique qui sont grandes, en raison de l'importance des départs à la retraite prévus d'ici 2008.

Nous en profitons pour redéfinir les missions et l'organisation de nos administrations afin d'assurer le meilleur service au meilleur coût.

Mme Christine Boutin - C'est une chance historique.

M. le Ministre délégué - Absolument. Les effectifs baissent dans certains ministères pour permettre la création des postes nécessaires dans la police, la justice, la défense. Ainsi, au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 1 350 départs ne donneront pas lieu à remplacement. Le solde global est une diminution de 1 740 emplois dont 1 089 emplois budgétaires civils.

Maîtriser la dépense, c'est la réduire partout où c'est possible, et l'augmenter là où c'est nécessaire. Ce budget traduit fidèlement les lois d'orientation concernant la sécurité intérieure, la justice ainsi que la programmation militaire à venir. Au total, les grandes priorités du Gouvernement sont financées par un effort supplémentaire de 2 milliards.

Les redéploiements répondent à des objectifs mais les moyens alloués aux politiques de santé publique ont plus que doublé, notamment en faveur de la lutte contre le cancer.

Maîtriser la dépense, les élus locaux le savent, ce n'est pas sacrifier l'investissement. Au contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard - Bravo !

M. le Ministre délégué - Entre 1997 et 2002, les crédits de paiement alloués à l'investissement civil ont diminué de 200 millions. Nous les augmentons, en une seule année, de 400 millions (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Michel Pajon - Il était temps que vous arriviez !

M. Jean-Pierre Brard - C'est Merlin l'Enchanteur !

M. le Ministre délégué - Et 2003 n'est qu'une première étape.

Je m'honore aussi d'être le ministre de la réforme budgétaire, et j'entends exercer immédiatement cette fonction. En accord avec le Premier ministre, je tiendrai désormais dès janvier, avec les différents ministres, des conférences de préparation budgétaire portant sur les réformes structurelles et sur leur traduction financière. Elles nous serviront à préparer le débat d'orientation budgétaire, à l'occasion duquel nous vous présenterons les principales pistes d'économies que traduira, ensuite, le projet de loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Nous voulons aussi rompre avec le passé pour redonner confiance aux Français.

La confiance, c'est pour nous la valeur-clé. Confiance en nous-mêmes, dans les Français, dans la représentation nationale, dans la majorité qui soutient le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard - Là, vous avez tort.

M. le Ministre délégué - Nous voulons donner confiance dans la gestion quotidienne de l'Etat, grâce à la simplification ; donner confiance dans les relations entre l'Etat et les collectivités locales ; confiance, enfin, dans le processus de mise en _uvre de la loi de finances.

Simplifier la vie des Français est l'un de nos objectifs prioritaires. Nous simplifions les déclarations d'impôt et les paiements pour plus d'un million de petites entreprises et supprimons le paiement semestriel pour les petits redevables de la TVA. Nous supprimons des taxes obsolètes, au rendement très faible, comme le droit de licence sur les débits de boissons. Enfin, nous allégeons la taxe professionnelle de 2 milliards et en faisons bénéficier aussi les professionnels libéraux employant moins de 5 salariés, injustement exclus jusqu'alors.

La confiance dans le budget passe par la transparence et le souci d'efficacité. Nous proposons, à cet effet, deux réformes d'importance. La première sera de vous tenir régulièrement informés de la gestion 2003. À la fin du premier semestre, je présenterai un compte rendu d'exécution, incluant tous les résultats des premiers mois, en recettes comme en dépenses, et une prévision d'exécution sur l'ensemble de l'année. Vous saurez, alors, si les évaluations proposées aujourd'hui doivent être corrigées ou non.

La seconde a trait au « pilotage » de la dépense, par une régulation qui était, jusqu'à présent, absente des débats budgétaires. Vous voterez, cette semaine, un plafond de dépenses. Ce plafond doit être respecté, ce qui exige de mettre des crédits en réserve. La régulation est donc nécessaire. Mais elle ne doit pas être dissimulée - et les mesures de gel prises cet été ont été communiquées à votre commission des finances.

Elle ne doit pas non plus entraver l'efficacité de la dépense. Aussi, j'assume pleinement les mesures prises cet été pour limiter un déficit budgétaire qui, sinon, aurait dépassé largement l'hypothèse la plus pessimiste de l'audit.

À compter de 2003, tous les gestionnaires publics connaîtront dès le début de l'année l'essentiel de leurs crédits et donc la part mise en réserve, qui ne sera pas augmentée. Mieux vaut connaître à coup sûr les montants dont on dispose, même s'ils sont moindres.

C'est donc pour rester fidèle au message que nous ont adressé les Français que le Gouvernement vous propose un budget pour la croissance, un budget de rupture, un budget de confiance.

En l'adoptant, vous répondrez à leur appel, pour le bien de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Nous abordons aujourd'hui la troisième étape du passage de la gestion précédente à la nouvelle politique budgétaire conduite par le Gouvernement et sa majorité. Avec le projet de loi de règlement 2001, il est apparu que nombre des difficultés de 2002 étaient en germe dès l'exécution 2001. Dans le collectif budgétaire d'été, il a fallu prendre des mesures urgentes pour retrouver la réalité de l'exécution du budget 2002, tant le projet de loi de finances pour 2002 était virtuel ; s'y ajoutaient les premières concrétisations de la nouvelle politique mise en _uvre. Avec le projet de loi de finances pour 2003, le Gouvernement et sa majorité peuvent commencer à traduire pleinement leurs choix de politique budgétaire et fiscale, dans la ligne des engagements pris devant les Français.

Cependant, les incertitudes concernant l'environnement économique international se sont accrues depuis le mois de juillet. Les résultats économiques du premier semestre 2002 ont imposé de réviser le diagnostic porté, au début de l'année, sur le rythme de la reprise. Rétrospectivement, on voit à quel point le Gouvernement a eu raison de se caler sur l'hypothèse la moins favorable de l'audit.

Le point de départ de la reprise ayant été repoussé de quelques mois, les évaluations de croissance ont dû être révisées. Par rapport au mois de février, la prévision pour 2002 a été ramenée de 1,5 % à 1,2 %, - on parle même aujourd'hui de 1 % - et, par contrecoup, la prévision pour 2003 de 3 % à 2,5 %.

On s'attend à une intensification des échanges extérieurs, une consommation dynamique et une reprise de la demande en provenance des entreprises, liée à la reconstitution des stocks et à l'investissement. La France devrait donc connaître un décalage conjoncturel favorable par rapport à ses partenaires européens. En conséquence, l'emploi salarié dont le ralentissement devrait se poursuivre en 2002, devrait connaître une reprise en 2003. L'emploi total devrait croître de 50 000 postes en 2002 et de 175 000 en 2003. Contrairement aux années précédentes, cette croissance de l'emploi sera surtout le fait des entreprises.

Cependant, la réalisation de l'objectif de croissance dépend de l'aléa international.

Le Gouvernement se fonde sur la poursuite, même à un rythme modéré, de la reprise américaine, et sur la reprise progressive de la demande en Europe, liée notamment au redémarrage du commerce mondial. En ce qui concerne l'économie américaine, la récession qui a marqué l'année 2001 s'est achevée dès l'automne de cette même année. La croissance américaine est estimée à 2,3 % en 2002 et 2,7 % en 2003. Le pronostic est une accélération générale vers le niveau de croissance potentiel de l'économie américaine, accompagnée d'une reprise graduelle de l'investissement et des importations, le commerce extérieur pesant moins qu'auparavant sur la croissance du fait de la dépréciation du dollar. Mais des interrogations subsistent sur la capacité des Etats-Unis à résorber certains déséquilibres : endettement des ménages, faiblesse du taux d'épargne, détérioration des marchés financiers, ampleur du déficit courant. Il faut être très attentif aux résultats de l'économie américaine car l'idée d'une déconnexion entre les Etats-Unis et l'Europe a décidément vécu.

Bien sûr, en raison de l'intensité de ses relations commerciales et de sa spécialisation sectorielle, c'est l'économie allemande qui apparaît particulièrement sensible aux évolutions observées aux Etats-Unis. L'Allemagne a renoué avec la croissance au début de cette année grâce aux exportations, mais elle sera très sensible à tout essoufflement du commerce mondial. Au premier semestre 2002, l'investissement des entreprises a continué de chuter du fait des faibles perspectives de la demande interne. Si la consommation des ménages a crû au printemps, un essoufflement à la fin de l'année n'est pas exclu. Avec une prévision de croissance de 0,4 % en 2002 et de 1,7 % en 2003, l'Allemagne se situerait en dessous de la croissance de la zone euro.

Pour l'ensemble de cette zone, les prévisions du mois de février, qui envisageaient une reprise soutenue dès 2002, ont aussi été prises en défaut. Si l'économie française et l'économie espagnole ont connu un rebond, en Italie l'activité n'a quasiment pas progressé depuis le début de l'année ; la croissance italienne devait être proche de la croissance allemande en 2002 et se limiter à 1,9 % en 2003.

L'environnement géographique accroît les incertitudes. L'aggravation des tensions aurait une conséquence immédiate sur le prix du pétrole : le projet prévoit un cours moyen de 25 dollars par baril, mais l'apparition d'une prime de risque, voire d'une prime de guerre pourrait le porter à 28 ou 30 dollars au dernier trimestre 2002.

L'évidence de ces aléas s'impose à tous. Mais quelles conséquences faut-il en tirer sur l'architecture du budget ? Ce sera certainement le c_ur de notre débat, et nous échangerons sans doute des arguments de même nature que lors de la précédente discussion budgétaire.

Que l'enchaînement retenu par le Gouvernement témoigne d'un certain volontarisme, nul ne peut le nier. Mais est-il possible, pour un gouvernement responsable, d'adopter une autre attitude, sauf à prendre le risque de provoquer, chez les ménages et les entreprises, des anticipations de nature à aggraver la situation ?

Cela dit, toute comparaison entre le PLF 2003 et le PLF 2002 serait abusive car en 2002, non seulement la croissance a été surestimée, mais les prévisions de recettes ont été surévaluées et les dépenses artificiellement minorées - d'où un déficit réel supérieur de 50 % au déficit prévu !

La stratégie du Gouvernement est fondée sur une réelle maîtrise des dépenses. On ne le répétera jamais assez, la baisse des prélèvements obligatoires n'a de crédibilité qu'autant qu'elle se conjugue, à moyen terme, avec une maîtrise réelle de la dépense publique. Pour 2003, le Gouvernement a donc décidé de limiter la progression des dépenses de l'Etat à 0,2 % en volume, soit 1,7 % en valeur.

M. Didier Migaud - Plutôt 1,2 % et 2,7 % !

M. le Rapporteur général - À l'inverse des années précédentes, les dépenses ordinaires civiles nettes constituent la composante la moins dynamique au sein du budget général. Par rapport aux crédits initiaux « rebasés » de 2002, l'augmentation est limitée à 1,2 %.

Je vous renvoie au rapport général pour le détail des crédits, mais soulignerai ici que le recentrage des dispositifs de la politique de l'emploi vers des publics mieux ciblés et vers le secteur marchand permet de dégager des marges sur les crédits d'intervention économique. La politique de l'emploi tend à privilégier l'insertion professionnelle dans le secteur marchand, en commençant par l'emploi des jeunes.

M. Augustin Bonrepaux - En supprimant les CES !

M. le Rapporteur général - Les dépenses civiles en capital progresseront de près de 4 % (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est une vraie rupture par rapport aux années précédentes où, malgré la croissance, l'investissement n'a cessé de diminuer au profit des dépenses de fonctionnement !

M. Didier Migaud - On verra cela en loi de règlement !

M. le Rapporteur général - Les ajustements de crédits tiennent compte du volant important de crédits disponibles par voie de report. Cette opération vérité est indispensable. Elle n'empêche pas que les priorités définies pour honorer les engagements pris trouvent leur traduction budgétaire.

Le rapport général récapitule l'ampleur de la redistribution de moyens au profit des budgets prioritaires, au travers, notamment, de la révision des services votés. Dans le projet de budget, cette révision est évaluée à 1,3 milliard d'euros. Ceci permet de mettre en _uvre la loi d'orientation et de programmation sur la police. 51 millions d'euros sont consacrés au renforcement des effectifs : 900 postes en personnel actif, 770 en personnel administratif, 100 emplois scientifiques. En outre, l'augmentation des personnels effectivement en service sera assurée par une dotation de 46,8 millions d'euros destinée - c'est un comble - à racheter cinq jours supplémentaires de réduction du temps de travail. Décidément, les 35 heures nous coûtent très cher !

Ce projet de budget voit également le début de la mise en _uvre de la programmation pluriannuelle en faveur de la justice. Les créations d'emplois concernent les magistrats, les fonctionnaires administratifs, les moyens des juridictions administratives et des services pénitentiaires, ainsi que les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

Conformément aux décisions du chef de l'Etat et du Gouvernement, le redressement de l'effort de défense de la nation est engagé. Il constitue la première étape de la mise en _uvre des objectifs du projet de loi de programmation militaire 2003-2008. Le budget de la défense vise à rétablir la disponibilité des matériels, dont la dégradation s'est accélérée depuis deux ans. La progression de 11,2 % des crédits d'équipement est supérieure à celle du budget de la défense, soit 6 %. Ce dynamisme permettra de rattraper en partie l'énorme retard accumulé dans le cadre de la précédente loi de programmation.

Enfin, le Gouvernement a entrepris l'indispensable révision du volume des emplois budgétaires qui, pour la première fois depuis très longtemps évoluent à la baisse : -1 600. Il opère cette diminution à un rythme mesuré, tout en poursuivant l'effort de réduction de l'emploi précaire.

Deuxième différence fondamentale avec le budget initial 2002 : l'évaluation des recettes de l'Etat se distingue par son souci de prudence. Les évaluations de recettes de la loi de finances initiale pour 2002 se sont révélées très excessives. La forte réduction des prévisions de recettes non fiscales dans le collectif de juillet en a fait la preuve. La dégradation de la conjoncture économique au second trimestre 2001 et en 2002 avait du reste été très mal anticipée, et les modifications budgétaires nécessaires n'avaient pas été opérées.

Les recettes fiscales nettes du présent projet de budget s'établissent à près de 250 milliards d'euros, soit une progression modérée de 2,7 % par rapport au PIB. Cette prévision repose sur une hypothèse de croissance des recettes fiscales tendancielles - hors mesures nouvelles mais après indexation du barème de l'impôt sur le revenu - de 3,1 % par rapport au niveau révisé pour 2002, soit un rythme inférieur à celui de 3,9 % retenu pour la croissance de l'économie.

Vous le voyez, il ne faut pas se focaliser sur un objectif de croissance, mais prendre en compte l'évaluation des recettes, ce qui conduit à la plus grande prudence. Si la croissance n'est pas au rendez-vous, nous échapperons ainsi à la déchirante révision des recettes que nous a imposée l'audit.

Les recettes non fiscales sont évaluées à 34 milliards d'euros. C'est un autre exemple, Monsieur Migaud, puisque vous les avez augmentées de 19 % en 2000, de 11 % en 2001, et de 12 % en 2002. C'est dire à quel point elles ont été artificiellement sollicitées, l'exemple du prélèvement sur EDF restant le plus caricatural (M. Migaud s'exclame).

La croissance des prélèvements sur recettes demeure supérieure à celle de l'ensemble des ressources du budget général. L'évaluation du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes atteint 15,8 milliards d'euros, soit une augmentation de 8 % par rapport à la prévision d'exécution pour 2002.

Cette évolution s'explique d'abord par le niveau particulièrement faible d'exécution du budget européen 2001, qui a entraîné un moindre appel aux contributions nationales en 2002. L'anticipation d'un solde de 8 milliards d'euros en 2002 oblige à relever l'évaluation du prélèvement pour 2003.

En outre, l'entrée en vigueur, au 1er mars 2002, de la nouvelle décision sur les ressources propres se traduit par une hausse de 3 % du taux de contribution de la France au budget communautaire.

Quant au prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales, il atteindra 36,3 milliards d'euros, soit une progression de 4,7 % par rapport au montant révisé pour 2002, et de 7 % si l'on neutralise l'effet du retour au droit commun de la taxe professionnelle de France Télécom. 

La dotation globale de fonctionnement représente 52 % du total de ces prélèvements.

L'essentiel de la progression du prélèvement sur recettes tient à l'augmentation de la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle. Celle-ci coûtera 1,83 milliard d'euros bruts cette année, dont l'Etat récupère la moitié via la cotisation nationale, la cotisation minimale, l'impôt sur le revenu ou l'IS. On imputera par ailleurs sur la dotation part salaires de la taxe professionnelle la diminution de dotation liée à la restitution des bases de France Télécom aux communes concernées.

Le déficit s'élève donc à 44,6 milliards d'euros, en progression de 14 milliards par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, mais en baisse de 1,4 milliard par rapport au collectif de juillet. Nous n'avons pas voulu aggraver une conjoncture incertaine par une réduction trop brutale des dépenses publiques.

Les mesures fiscales du projet de loi de finances contribuent à alléger la charge des impôts. Pour les ménages, il est proposé de consolider l'allégement d'impôt de 5 % décidé par le collectif, en le reprenant dans le barème et en le portant à 6 %. L'ensemble des foyers fiscaux imposables bénéficiera de cette mesure, la progressivité de l'impôt demeurant identique puisque toutes les tranches seront abaissées dans les mêmes proportions.

M. Didier Migaud - C'est bien dommage !

M. le Rapporteur général - En outre, le quotient familial verra son efficacité doublement renforcée : la diminution des taux du barème déplafonnera l'avantage de nombreux foyers. D'autre part, le maintien à son niveau antérieur, complété par l'indexation, permettra aux foyers plafonnés de retirer un bénéfice supérieur de l'existence du quotient familial.

Parallèlement aux mesures qui affectent le barème de l'impôt sur le revenu et pour tenir compte des effets de l'inflation, il est proposé de relever les différents seuils et plafonds de la prime pour l'emploi, et de la rendre plus incitative pour les personnes travaillant à temps partiel.

Grâce à la baisse des impôts et à la consolidation et à l'amélioration de la PPE, l'ensemble des ménages bénéficiera...

M. Augustin Bonrepaux - Vous vous moquez du monde !

M. le Rapporteur général - ...d'une amélioration du pouvoir d'achat permettant de maintenir un bon niveau de consommation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Vous pouvez crier, Monsieur Bonrepaux, mais c'est une réalité !

M. Augustin Bonrepaux - La moitié des Français n'ont rien ! Vous abaissez la fonction de rapporteur général !

M. le Rapporteur général - Les entreprises vont bénéficier de l'achèvement de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, allégement compensé aux collectivités locales.

En outre, les professions libérales, exclues jusqu'à présent du bénéfice de tout allégement de taxe professionnelle sur la fraction recettes de leur base, verront celle-ci réduite progressivement, la commission des finances ayant adopté un amendement qui accélère le calendrier de l'allégement. C'est là une _uvre de justice fiscale.

Enfin, la réforme du régime fiscal des distributions, pour les personnes autres que physiques et les sociétés bénéficiant du régime des sociétés mère-filiale est la première étape d'une réforme d'ensemble dont vous tracerez, je l'espère, les lignes.

En ce qui concerne les collectivités locales, l'assouplissement du lien entre les taux des diverses taxes directes locales permettra d'augmenter le taux de la taxe professionnelle davantage que celui de la taxe d'habitation ou que le taux pondéré des trois taxes, dans un rapport d'une fois et demie.

Cet article a suscité nombre de discussions en commission. Mais, il faut faire confiance aux élus locaux, ils sont responsables.

S'agissant des relations entre le budget de l'Etat et les finances sociales, l'article 28 prévoit d'augmenter sensiblement la part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance affectée au FOREC. La commission des finances a dénoncé, à plusieurs reprises, les modifications de structure des recettes du FOREC. Elle a demandé la rebudgétisation de ce fonds et une affectation claire des recettes à la politique de l'emploi ou à celle de la santé. Vous vous êtes engagé, lors du débat sur les prélèvements obligatoires, à traiter dès 2004 la question du FOREC. Nous vous demandons de tenir cet engagement.

Ce projet de budget est, dans ses grandes lignes, un bon projet.

Il vise d'abord à conforter la confiance, ébranlée par la situation internationale. Les choix qui l'inspirent ménagent un équilibre entre les préoccupations liées à la demande et le souci de libérer l'offre en allégeant charges et contraintes, en encourageant l'initiative et en favorisant le travail.

Le pouvoir d'achat des ménages sera donc stimulé en 2003 par les baisses d'impôt, la PPE et la hausse de la plupart des SMIC en vue de leur harmonisation.

Les entreprises verront leurs charges fiscales ou sociales diminuer. Leurs marges devraient se redresser et leur capacité d'investissement se restaurer.

Vous avez choisi de ne pas aggraver en 2002 le déficit hérité de la gestion précédente et avez d'ailleurs évoqué les gels et annulations de crédits. Je rappelle que le déficit avait commencé à se dégrader dès 2001.

Votre choix de reconduire en 2003 le déficit 2002 traduit la reconnaissance réaliste de l'intérêt de la dépense dans une conjoncture incertaine. Ce budget va replacer notre pays sur le chemin de la croissance, en cohérence avec le projet de loi sur l'emploi que nous venons d'adopter, et avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La commission des finances a adopté plusieurs amendements. En particulier, elle a ouvert aux propriétaires de logements neufs la faculté de louer leurs biens à leur ascendant ou descendant sans perdre le bénéfice de l'amortissement Besson, afin de relancer le secteur de la construction.

Ensuite, elle a adopté deux amendements relevant l'abattement forfaitaire représentatif des charges pour les contribuables, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Ensuite, la commission a supprimé l'article 23 visant à fixer le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau versé à l'Etat par les agences de l'eau. La commission a relevé la consommation particulièrement faible des sommes collectées au profit du fonds de solidarité, les reports de crédits atteignant 130 millions d'euros.

Enfin, la commission a supprimé l'article 22 visant à créer une assiette forfaitaire pour la cotisation de solidarité dont sont redevables les associés de sociétés de personnes non affiliées au régime des non-salariés agricoles et percevant des revenus professionnels. Le montant prévu pour l'assiette forfaitaire était en effet trop élevé au regard du faible retour sur investissement dans l'agriculture.

Votre commission vous propose d'adopter ce projet, compte tenu des amendements qu'elle a adoptés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Brard - La révolution blanche est en marche ! (« Elle vaut mieux que la rouge ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Nous partageons les engagements du Gouvernement, encore faut-il les mettre en _uvre, et cela ne saurait aller sans difficultés...Vous avez fort bien dit qu'il convient d'en finir avec l'opposition entre politique de l'offre et politique de la demande, vous avez justement insisté sur l'urgence de rendre l'administration plus simple et plus efficace, sur la nécessité de tenir compte des choix de nos partenaires. Et enfin, Monsieur le ministre du budget, au mépris des orientations idéologiques, vous vous fondez sur un constat : le poids des charges et des dépenses publiques est le premier ennemi de l'emploi. Ainsi, le coût horaire du travail est, en France de 23 euros de l'heure contre 21 en moyenne en Europe, mais le salaire net est de 13 euros en France contre 14 en Europe, compte tenu de dépenses sociales et de dépenses publiques trop élevées.

Votre commission a retenu quatre grandes orientations.

Tout d'abord, il faut trouver le bon rythme pour contrôler la dépense publique. La rigueur, pourquoi pas, s'il s'agit de s'opposer au laxisme, de lutter contre le gaspillage, d'améliorer la productivité des services publics. Il y a 660 milliards d'euros qui peuvent être mieux utilisés.

Deuxième orientation, lutter contre les délocalisations et améliorer l'attractivité de notre territoire.

En troisième lieu, réformer l'Etat et la décentralisation.

Enfin, orienter la politique budgétaire et fiscale vers l'investissement, c'est-à-dire vers une croissance durable.

Pour 2003, aucune alternative budgétaire n'était envisageable. Le précédent gouvernement a été incapable d'économiser au temps des années fastes. Pire, il a engagé, pour 2002 et 2003, des dépenses non couvertes, par exemple les 35 heures dans les hôpitaux (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). Pire, nos entreprises publiques sont étranglées. Fallait-il alors risquer d'amoindrir encore la croissance par des prélèvements supplémentaires ? Vous avez sagement choisi d'utiliser les 4 milliards d'euros qui restaient disponibles. Vous avez agi dans un souci de justice, ménageant l'équilibre entre la baisse des charges qui doit profiter aux salaires modestes, et la baisse de l'impôt sur le revenu et de la taxe professionnelle.

À défaut de réduire le déficit en 2003, comment satisfaire l'exigence de solidarité européenne ? Vous avez prévu d'engager en 2003 les réformes de structure indispensables pour poursuivre l'assainissement budgétaire, tout en alimentant la croissance.

Je reviens sur la première priorité : mieux gérer les dépenses publiques.

Nous serons d'ailleurs amenés à proposer des économies de crédits. Il ne s'agit pas de refaire le budget, mais de montrer que le Parlement scrute réellement la dépense, et soutient le Gouvernement dans ses efforts.

Nous aurons besoin du soutien de la Cour des comptes, et des missions d'inspection, sans parler de la MEC, pour remettre en question, au cours des six premiers mois de 2003, des dépenses dont l'efficacité est contestable.

Nous n'en sommes plus au temps où un bon budget était un budget qui progressait. Nous devons faire une réforme budgétaire de grande envergure, et la commission des finances va mettre en place un groupe de travail pour y contribuer.

Il faut orienter notre action et notre fiscalité de façon à lutter contre les délocalisations d'activités, et pour l'attractivité du territoire économique...

M. Jean-Pierre Brard - C'est joliment dit.

M. le Président de la commission des finances - ... Nous pourrons nous inspirer du rapport Charzat. Sans nous livrer à une concurrence fiscale et sociale avec nos partenaires communautaires, nous devrons faire preuve de pédagogie... (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Nous pouvons améliorer la capacité d'attraction des entreprises, des cadres et des investisseurs étrangers en France.

Je vis dans une région où 40 % des actifs travaillent dans l'industrie, et de sérieux problèmes de concurrence se posent lorsqu'il s'agit de reconvertir certaines entreprises. Il faudrait aussi avoir le courage d'aborder le problème de l'ISF. Accepterons-nous longtemps de voir 93 % des 350 dirigeants de filiales françaises de groupes internationaux considérer comme le premier handicap de la France le poids global des prélèvements fiscaux et sociaux ?

M. Jean-Pierre Brard - Qui sont les 7 % de patriotes ?

M. le Président de la commission des finances - Troisième priorité : la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Le Gouvernement a bien fait de tenir ses engagements vis-à-vis des collectivités locales dans la progression de l'enveloppe globale. Mais la tentation peut être grande, pour certains élus, d'augmenter la pression fiscale, et d'en reporter la responsabilité sur l'Etat.

C'est pourquoi nous devons être prudents en matière de déliaison des taux car nous ne réussirons pas la décentralisation si elle ne répond pas à deux conditions : ne pas augmenter la pression fiscale locale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et simplifier la vie de nos compatriotes. Parallèlement aux structures existantes, il serait bon qu'un observatoire indépendant vienne éclairer le contribuable sur les conditions des transferts de compétences et sur l'évolution des finances locales.

Je souhaite que le principe de subsidiarité devienne non seulement la règle entre l'Etat et les collectivités territoriales mais aussi entre les collectivités elles-mêmes, et, en particulier, entre les structures intercommunales et les communes, lesquelles ne doivent pas être dépouillées de leurs compétences au profit des communautés dans la seule perspective d'accroître artificiellement les dotations de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), via, Messieurs les ministres, le trop fameux coefficient d'intégration fiscale que nous aborderons lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Enfin, la réforme de l'Etat passe aussi par celle de l'administration. Je renvoie sur ce point au sympathique exemple de la Suède, dont le modèle social démocrate n'a pas été remis en cause par un effort de rigueur sans précédent ou aux décisions de l'administration Clinton qui ont permis aux Etats-Unis au cours de la décennie 1990 d'économiser 136 milliards de dollars et de supprimer 16 000 pages de règlements administratifs...

M. François Goulard - Voilà l'exemple à suivre !

M. Jean-Pierre Brard - Mais cela a fait élire Bush ! (Sourires)

M. le Président de la commission des finances - Quatrième priorité, l'investissement, je n'y reviens pas à ce stade. La commission a simplement considéré qu'il ne serait pas acceptable que l'année 2003 s'ouvre avec des difficultés d'emploi dans le secteur du bâtiment - où la main d'_uvre est particulièrement difficile à trouver. À ce titre, si nous ne pouvons agir sur l'investissement industriel, nous pouvons intervenir dans le domaine de la construction. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé à une très large majorité d'adopter l'amendement concernant les conditions de l'amortissement Besson sur le logement neuf en en autorisant le bénéfice pour la location aux enfants et aux ascendants.

La France dispose de tous les atouts pour aborder l'avenir avec confiance : des ressources naturelles suffisantes, une démographie dynamique par rapport à ses partenaires européens, une main d'_uvre bien formée...

M. François Goulard - Une majorité dynamique ! (Sourires)

M. le Président de la commission des finances - Rien ne s'opposerait au retour de la confiance, si le niveau du chômage ne restait préoccupant, du fait notamment d'un taux de prélèvements obligatoires excessif. Tous les pays comparables au nôtre où le taux de chômage reste sous la barre des 5 % de la population active pratiquent une fiscalité modérée, renforcent leurs sites industriels, favorisent l'esprit d'entreprendre et valorisent la valeur travail (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Il faut encourager le Gouvernement à approfondir dans la voie qu'il s'est fixée, qui consiste à rompre avec la logique de l'assistance tout en renforçant la cohésion nationale par des mesures de justice sociale bien ciblées. C'est à ce prix que nos concitoyens se réconcilieront avec nos institutions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4 du Règlement.

M. Jean-Pierre Brard - Jamais exception d'irrecevabilité n'aura été plus justifiée...

M. Alain Bocquet - Tel que vous le soumettez à l'examen de notre Assemblée, le projet de loi de finances pour 2003 est irrecevable car il ne permettra pas de répondre aux attentes prioritaires des Français. Au reste, il ne servira pas davantage les besoins de l'économie nationale ou le rayonnement de notre pays en Europe et dans le monde.

Votre projet repose en effet, sur une appréciation trompeuse du contexte économique. C'est à croire que la croissance en chute libre n'était pas au rendez-vous de vos prévisions estivales, outrageusement optimistes. Elle risque donc d'être largement inférieure à vos estimations et probablement deux à trois fois moindre ! Cela vous conduit à faire payer une addition encore plus lourde au pays, déjà menacé par la perspective de 100 000 chômeurs supplémentaires d'ici Noël ! Pour vous, les Français ne sont là que pour régler la note !

Par ailleurs, l'investissement productif des entreprises est au point mort. Les experts s'en remettent à l'audace des décideurs, - le Premier ministre dirait « à l'action ! » - tandis que les banques durcissent l'accès au crédit et que les soubresauts boursiers rendent plus périlleux encore le recours aux marchés financiers. C'est Le Figaro qui le souligne : le produit intérieur brut a évolué encore moins rapidement au second trimestre qu'au premier, « en raison de la contraction de l'investissement productif, et du renforcement du déstockage ». Et la suite sera du même tonneau ! Comme en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, l'investissement des entreprises dans l'emploi ou dans la recherche pointe aux abonnés absents. Et lorsqu'il répond présent, il est mis au service de restructurations ou de gains forcés de productivité qui se traduisent par des suppressions d'emploi au nom de la mondialisation libérale.

À l'évidence, le grand patronat se dérobe et cela ne vous inspire aucune réaction !

En overdose de plans sociaux, la France du travail voit repartir à la hausse tous les indices du chômage et de la précarité tandis que Vivendi, France Télécom et les scandales qui les accompagnent témoignent de la faillite de tout un système. J'en veux pour preuve l'exemple dramatique de France Télécom mais elle n'est pas seule concernée par la dégradation des valeurs que les Bourses imposent aux quarante plus grandes sociétés françaises depuis le début de l'année.

Comme le note M. André Orléan dans Le Nouvel Economiste : « C'est la crise d'un système très libéralisé, dans lequel aucun frein ne vient réguler la montée ni la baisse des cours. La forme financière du capitalisme est fondamentalement instable, car elle place la Bourse en son c_ur (...) Le capitalisme financier est dangereux, car il synchronise excessivement l'ensemble des intérêts des agents économiques sur une seule valeur de référence : le cours boursier. Et le danger est amplifié par le fait que cette synchronisation s'opère internationalement ».

Les dettes de Vivendi - 35 milliards -, Suez - 28,2 milliards -, Total-Fina-Elf -9,7 milliards -, Saint-Gobain - 7,9 milliards -, Alcatel -7,7 milliards -, hypothèquent l'avenir de leurs salariés et de leurs sous-traitants. Pour avoir pendant des années comprimé leur masse salariale et restreint leurs débouchés, les entreprises paient la note d'une crise de surproduction et se voient aujourd'hui pillées par les fonds de pension et autres fonds spéculatifs.

L'ampleur des difficultés est telle qu'elle n'épargne pas le secteur bancaire et financier, lui-même menacé par l'éclatement des bombes à retardement que constituent les endettements présents dans les bilans. Ainsi, certains analystes évoquent déjà des baisses de 20 % dans les perspectives de résultats des trente-cinq premières banques européennes dès 2003. Une étude sur les défaillances d'entreprises montre que l'Allemagne passera de 39 000 défaillances en 2002 à 44 000 en 2003, cependant que la France atteindrait les 46 000 dépôts de bilan en 2003 !

Alors quand M. le ministre de l'économie, évoque après cela - comme il l'a fait récemment à New York - la volonté de « restaurer la confiance dans les mécanismes du marché », on ne peut que rétorquer que ce n'est pas en accentuant la capacité répressive de l'Autorité des marchés financiers que l'on réglera de telles dérives ! L'apurement des dettes passe par une mobilisation sans précédent de tout le système bancaire, lequel, avec le concours des banques centrales et du FMI, devrait proposer des allégements en fonction non plus de la rentabilité des titres mais des emplois, de la formation et des investissements productifs réengagés. Il faut en finir avec la ségrégation appliquée aux PME en matière de crédit, baisser sélectivement les taux en fonction de l'apport à l'emploi, pénaliser les placements financiers, contrôler l'usage des aides publiques, baisser les charges financières plutôt que les charges sociales et créer un pôle public de financement chargé de développer un service public du crédit à l'emploi et à la formation.

C'est ce à quoi devrait réfléchir la Banque centrale européenne au lieu de supputer sur d'éventuelles accélérations de la croissance pour 2002 ou de déclarer, par la voix de son président, Wim Duisenberg, qu'il est « très difficile de donner une indication précise concernant le calendrier et la force de la reprise ».

Des indications précises, l'actualité sociale en fournit, elle, tous les jours, sur la casse dont ce système porte l'entière responsabilité. Le journal L'Humanité dressait il y a quelques jours la liste noire des 42 plans sociaux qui touchent près de 20 000 emplois. Tous les secteurs sont touchés et toutes les régions françaises.

Le Grand Ouest, avec le Havre, Cherbourg, Lannion, Angers, Rennes, Etrelles, Pont de Buis, Briec, Gruiscriff, Fécamp, Deville les Rouen, Alizay et le Maine et Loire. Le centre et le Sud Ouest, avec Poitiers, Romorantin, Toulouse, la Bastide Saint-Pierre, Perpignan et l'Aude, Mérignac, Carbon Blanc, Bayonne et Thiviers... Le Sud Est et le Centre Est avec Géménos, Vénissieux, La Palisse, Lyon, Autun, Roanne, Grenoble... L'Est et le Nord avec Villers la Montagne, Belfort et l'Alsace, Biache-Saint-Vaast, Noyelles-Godault, Longuenesse, Roncq, Roubaix, Wattignies, Amiens et l'Aisne. La région Ile de France, avec des dizaines de milliers d'emplois menacés dans l'industrie métallurgique, la téléphonie, l'aéronautique, l'électronique, l'automobile.

Et ce n'est pas la nomination d'un « Monsieur plans sociaux » qui va rassurer les salariés sur leur avenir immédiat ! Ils savent bien en effet que les promesses de réindustrialisation des bassins et de reclassement des salariés demeurent souvent lettre morte.

On l'a vu pour Moulinex, dont la majorité des 3 240 licenciés est encore au chômage, un an après le dépôt de bilan. M. Mer a fait tout à l'heure l'apologie de la liberté, mais où est la liberté pour ceux de Moulinex ? Où est-elle pour les 1 122 anciens salariés du site de Cormelles le Royal, à qui rien n'a été proposé ? S'agit-il de la liberté d'être chômeurs ?

C'est ce contexte qu'a choisi le Premier ministre pour dénoncer dans la loi de modernisation sociale des « procédures qui ne font que renchérir les restructurations et qui ne protègent pas les salariés » ! Ce contexte devrait au contraire le pousser à imposer d'urgence le moratoire des licenciements que le groupe des députés communistes et républicains réclame depuis longtemps.

Il faudrait aussi tirer les enseignements de l'application de la convention d'assurance chômage imposée par le MEDEF en janvier 2001, malgré l'opposition des confédérations syndicales. Ils sont en effet éloquents : augmentation du chômage ; ruine de l'assurance chômage dont les excédents ont été dilapidés et dont le déficit est évalué à 2,4 milliards pour 2002 ; stagnation du nombre de demandeurs d'emploi en formation ; seulement 77 000 retours à l'emploi en juillet 2002, à comparer aux 421 000 inscriptions faites en ANPE ; des radiations en hausse de 109 % en douze mois. Quel bilan ! Comme on est loin de l'efficacité promise par le patronat si le PARE était adopté !

Au lieu de faire pression sur les salariés pour qu'ils acceptent des emplois déqualifiés et des bas salaires, il faudrait engager une véritable politique de retour volontaire à l'emploi et concrétiser enfin le droit à une formation de qualité pour tous. Le « oui » sans condition que répond le Gouvernement à toutes les demandes du MEDEF et du baron Seillière ne saurait tenir lieu de politique de l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) .

M. Jean-Pierre Brard - Ah, on a les amis qu'on mérite !

M. Alain Bocquet - Rien dans vos propositions budgétaires, Monsieur le ministre, ne témoigne d'une volonté de refuser les dérives de notre économie. Au contraire même, car vous aggravez les difficultés actuelles par la soumission de votre gouvernement aux injonctions européennes, à l'orthodoxie maastrichienne et aux clauses sévères d'un pacte de stabilité qui craque pourtant de toutes parts.

C'est l'exigence du retour à l'équilibre des budgets ; c'est la compression de la dépense publique ; c'est le corsetage étroit des prérogatives et des politiques budgétaires des Etats ; ce sont enfin des déréglementations à tout va.

Alors que chaque jour qui passe nous rappelle l'urgence de négocier un nouveau Traité, qui revalorise la coopération des économies, qui redéfinisse les interventions de la Banque centrale européenne et qui permette des politiques budgétaires plus volontaristes ainsi qu'une baisse ciblée des taux d'intérêt, la Commission européenne vient d'annoncer le durcissement des clauses de sauvegarde à l'encontre des futurs adhérents de l'Union. Il s'agit en effet de les mettre aux normes des marchés financiers et du rendement du capital ! Il s'agit une fois de plus de faire prévaloir les principes de la mise en concurrence, y compris celle des salariés et des peuples. Cela menace de se vérifier très vite, aussi bien pour la PAC que pour les fonds structurels.

Prise dans ses contradictions, l'Union européenne a du mal à peser en faveur du désarmement, de la paix et du règlement politique des conflits. On le voit avec le problème irakien : l'Union européenne a du mal à contraindre le président américain à tenir plus compte des opinions internationales hostiles à sa volonté guerrière à forte odeur de pétrole. On le voit aussi au Proche-Orient.

Rien dans vos orientations budgétaires, Monsieur le ministre, ne vient apporter les correctifs nécessaires. Témoignant d'une totale soumission à l'Europe des marchés, votre loi de finances ne permettra pas l'action vigoureuse qu'exige la lutte contre le chômage, la précarité, l'exclusion. Elle ne remédiera pas à l'insuffisance du pouvoir d'achat des salariés et ne répondra pas aux attentes sociales de nos concitoyens.

Mis au service de baisses d'impôts qui profitent aux revenus les plus hauts, d'allégements de cotisations patronales et d'exonérations qui profitent aux entreprises sans contrepartie, le déficit budgétaire se trouve dépourvu de toute efficacité sociale.

Certes, vous avez reporté à 2006, voire 2007, l'objectif d'équilibre, mais cela n'enlève rien à la nocivité des orientations qui vous font maintenir fermement l'économie française dans les rails de Maastricht.

La politique de privatisation, où vous conduisent tant votre projet de casse du secteur public que votre recherche d'argent frais, menace d'accélérer l'enfoncement de notre pays dans une spirale de déclin. Vous comptez tirer 8 milliards d'euros du bradage d'entreprises nationales - EDF, GDF, Snecma, Air France, France Télécom, que sais-je encore ? Mais combien cela fera-t-il de salariés jetés à la rue au nom du profit ?

« Notre route est droite, mais la pente est forte », déclarait le Premier ministre le 3 juillet dernier devant cette Assemblée. Cette route, les Français la connaissent bien. C'est celle qu'empruntèrent avant vous M. Edouard Balladur, M. Alain Juppé et les majorités à leur service. Elle conduit au pied de l'autel du profit. Et si la pente est forte, c'est à coup sûr pour tous ceux que vous entendez contraindre à s'y engager.

Les signes ne manquent pas pourtant de leur réticence à le faire. L'abstention massive lors des dernières élections, présidentielle et législatives, en est un. Le fait que le Président de la République n'ait recueilli au premier tour que 13,75 % des inscrits n'est pas un signe de bonne santé démocratique. Et cela confirme que les Français n'ont pas le moral.

M. André Schneider - Et les communistes, ils ont le moral ?

M. Alain Bocquet - Les communistes, ils viennent de réélire Janine Jambu à Bagneux, notre camarade Bargero à Champigny et de gagner les sièges de conseiller général de Dieppe et de Limay.

Tout au long de l'été, les mouvements revendicatifs ont répondu à vos décisions et à vos effets d'annonce. Le 3 octobre, la mobilisation a été forte contre la privatisation d'EDF, de GDF, d'Air France. Le Gouvernement aurait entendu le message, d'après M. Copé. En fait, aujourd'hui même Mme Fontaine a proposé que la France rentre piteusement dans les rangs européens en ouvrant à la concurrence le marché du gaz pour les clients industriels.

Enfin, dans quelques jours enseignants et parents unis dans l'action exigeront que l'école reste une priorité nationale. Avec eux nous dénonçons l'abandon du plan pluriannuel de recrutement et du plan décennal pour la recherche ; les 5600 suppressions de postes de maîtres d'internat et de surveillants ; les 20 000 suppressions de postes d'aides éducateurs, que ne compenseront pas 11 000 postes d'assistants d'éducation.

L'enseignement supérieur n'est pas mieux loti. Présidents d'universités comme enseignants et étudiants redoutent que la décentralisation comme vous la concevez signifie mise en concurrence des universités et transfert vers les collectivités locales ou les familles de l'aide aux études. Une France moderne doit privilégier l'éducation plutôt que la répression !

Les personnels des centres de soins contre la drogue spoliés de 3 millions d'euros, les personnels civils de la Défense, le monde hospitalier, celui de la Culture, locataires et bailleurs, animateurs sportifs ont aussi exprimé ces dernières semaines leurs colères et leurs insatisfactions.

Les salariés des arsenaux s'inquiètent de l'existence des établissements de Tarbes, Tulle ou Saint Etienne, des milliers de postes menacés au GIAT, des 2 500 emplois menacés en 2005 à la direction des constructions navales.

Les fonctionnaires des postes s'indignent de la fermeture de 500 à 700 bureaux à la fin de l'année et de la disparition d'un centre de tri sur deux. Fin octobre, ils seront dans l'action pour dénoncer la déréglementation de l'ensemble des services postaux en 2009 et, dans l'immédiat, la mise en concurrence de l'acheminement du courrier, alors que les exemples de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne et de la Suède en ont montré les dangers.

Les créateurs et artistes du spectacle vivant s'inquiètent de la baisse de 5 % du budget de la culture - autre preuve que la répression l'emporte sur l'émancipation. Pour notre part, nous sommes aux côtés des intermittents du spectacle dont le MEDEF veut briser le statut professionnel et social.

Quant au monde agricole, il attend les résultats de la journée de négociation avec la grande distribution du 18 octobre, obtenue après une forte mobilisation, et s'inquiète vivement de la restructuration de la PAC et de la demande de la banque mondiale d'éliminer les subventions agricoles.

Votre budget, irrecevable, ne répond en rien à ces besoins et ces attentes. M. Lambert peut bien rêver d'un « budget de confiance ». La réalité ne va pas tarder à vous rattraper, la vérité à éclater. Par exemple sur le pouvoir d'achat. J'ai réclamé un débat, des mesures immédiates, je n'ai toujours pas eu de réponse. Mais l'harmonisation du SMIC qui risque de diminuer le pouvoir d'achat de centaines de milliers de salariés illustre le caractère trompeur de votre discours. Selon le Premier ministre, la dynamique de la consommation serait une originalité de la France. N'empêche que 63 % des Français s'inquiètent pour leur pouvoir d'achat et avec ce budget la consommation - principal moteur de la croissance - risque de se réduire comme peau de chagrin. Nous sommes loin de l'affirmation du Président de la République selon laquelle « la feuille de paye n'est pas l'ennemie de l'emploi ».

Au premier rang des victimes figurent les retraités. Aussi faudrait-il revaloriser de 11 % les pensions les plus basses, indexer de nouveau les retraites sur les salaires et garantir la retraite pleine à 75 % du salaire moyen des dix meilleures années. Il faut aussi augmenter le taux de la réversion. Dans le secteur privé, la retraite à 60 ans doit être acquise avec 37,5 annuités et ceux qui, à moins de 60 ans, ont cotisé 40 annuités doivent pouvoir la toucher à taux plein. Les sidérurgistes du Valenciennois, usés jusqu'à la corde après 42 ou 43 ans de service le mériteraient bien, Monsieur le ministre (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste).

Oui, il est possible de conforter la retraite par répartition et de maintenir les régimes spéciaux. Mais votre gouvernement préfère essayer de diviser salariés du public et du privé et ne renonce pas à imposer les fonds de pension. Après avoir ponctionné la CNRACL de 25 milliards en quelques années, vous prélevez 830 millions sur les régimes des travailleurs du privé pour financer celui des fonctionnaires. Or moduler la cotisation patronale en fonction de la masse salariale rapportée à la valeur ajoutée globale - c'est-à-dire avec les produits financiers - et mettre à contribution les revenus financiers au même taux que les salaires dégagerait des ressources suffisantes.

Nous dénonçons ces man_uvres sans gloire d'un Etat qui fait les poches des retraités pour financer des baisses d'impôt inégalitaires et qui refuse de financer l'allocation personnalisée d'autonomie. Les conseils généraux doivent la prendre en charge alors que le simple maintien du taux des deux plus hautes tranches d'impôt sur le revenu y suffirait.

La vérité doit se faire aussi sur les cadeaux fiscaux aux plus hauts revenus tandis que la fiscalité indirecte est un véritable racket sur les plus pauvres. Mais vous refusez de baisser la TVA tout en augmentant les tarifs du gaz, des transports, des carburants. Les associations de consommateurs ont aussi relevé certaines hausses de 10 % sur les produits alimentaires.

D'autre part, vous voulez faire peser la responsabilité de la pression fiscale sur les collectivités territoriales. Les élus savent le danger que représente la diminution des compensations de l'Etat. Nous n'acceptons pas qu'il reprenne aux communes ce qu'il fait semblant d'accorder aux communautés d'agglomération. Nous contestons aussi que la DGF augmente moins que le niveau d'inflation annoncé à 1,5 %.

Il est intolérable de voir l'Etat se prévaloir d'une baisse d'impôt alors que dans le même temps il transfère des charges aux collectivités locales. Le phénomène menace de s'accentuer avec des transferts de compétence dont tout fait craindre qu'ils ne soient pas accompagnés par un transfert des moyens correspondants dans le cadre de la décentralisation. Nous ne laisserons pas ponctionner ainsi les communes ni ruiner l'intercommunalité.

Les collectivités locales doivent, dés cette année, bénéficier d'au moins 50 % des fruits de la croissance. Le produit de la taxe professionnelle de France Télécom doit leur revenir en appliquant la péréquation, principe qui devrait présider aussi à la distribution des ressources nouvelles qu'apporterait une taxation modeste des actifs financiers des entreprises.

Au demeurant, l'octroi de nouvelles compétences aux collectivités locales ne saurait signifier le recentrage de l'Etat sur ses missions régaliennes de défense et de sécurité : la décentralisation doit se conjuguer avec la réaffirmation de la responsabilité publique nationale dans des domaines aussi décisifs que l'emploi, l'aménagement du territoire, la formation, la recherche, le logement, la santé ou la culture.

Les Français ont aussi besoin d'entendre la vérité sur les baisses de cotisations patronales. Jamais la démonstration n'a été faite qu'elles pouvaient être utiles à l'emploi. Cela rend plus scandaleuse encore votre décision de casser les 35 heures qui, malgré les conditions très contestables de leur mise en _uvre, ont permis de créer plus de 300 000 emplois.

Non seulement vous allez empêcher 7 millions de salariés de ce pays d'accéder aux 35 heures, mais vous vous apprêtez à renvoyer devant l'ANPE des dizaines de milliers de jeunes qui ont bénéficié du programme emplois-jeunes, dont chacun a pu mesurer l'utilité sociale. Quel gâchis ! Il faut aller bien au-delà des mesures transitoires d'aide aux associations que vous avez annoncées. Il est urgent, par exemple, de réduire la taxe sur les salaires supportée par les associations, en attendant de la supprimer purement et simplement. Non, vraiment, votre budget n'est pas un budget pour l'emploi.

Vérité, aussi, sur les privatisations : les manifestants qui battaient le pavé parisien le 3 octobre vous l'ont réclamée. Est-il décent de la part du Gouvernement d'avoir salué ces manifestations comme un « appui bienvenu » pour, le lendemain à Luxembourg, s'affirmer prêt à débattre d'une libéralisation totale du marché du gaz et de l'électricité, y compris pour les particuliers ? Les Français ne vous suivront pas sur ce terrain ! Même s'ils demeurent largement sous-informés de vos projets, un sondage récent a montré qu'à 71 % ils étaient prêts à s'engager personnellement dans les mois qui viennent pour défendre les services publics. Les députés communistes et républicains ne manqueront pas de rappeler au cours de ce débat l'utilité du secteur public.

L'exemple de l'eau, secteur contrôlé à 80 % par des sociétés privées, est éloquent : en dix ans, le prix du m3 a augmenté de 60 %. La mise en place d'un grand service public national de l'eau demeure un objectif d'une grande actualité.

Au total, vos choix budgétaires préparent une véritable hécatombe. Les budgets sécuritaires monopolisent 60 % de l'augmentation de la dépense, tandis que l'éducation, la culture, la recherche et l'aménagement du territoire en reçoivent ensemble qu'à peine 2 % des mesures nouvelles...

Votre projet montre aussi les limites de votre intérêt pour la décentralisation. Sur ce sujet, il est indispensable d'organiser la consultation de l'ensemble des conseils municipaux, et de préparer celle des Français par voie de référendum.

Non seulement les dépenses prévues dans ce projet de budget sont mal réparties, mais elles sont globalement insuffisantes, ce qui contribuera à déprimer la demande des ménages et des entreprises. L'absence de mobilisation en faveur de la croissance provoquera des milliers de suppressions d'emplois, s'ajoutant à celles que vous avez décidées pour les fonctionnaires.

La mauvaise répartition de la charge fiscale amplifie les dérives ; il serait donc indispensable de réformer notre fiscalité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Il n'est ni socialement juste ni économiquement efficace de ne pas intégrer les actifs financiers des entreprises dans l'assiette de la taxe professionnelle. Il faudrait moduler l'impôt sur les sociétés en fonction de l'origine des profits - placements financiers ou activité de l'entreprise - qui ne voit enfin la nécessité de rétablir la progressivité de l'impôt, en réformant le barème, en soumettant à imposition les revenus financiers et en redéfinissant l'ISF ?

Dans une interview à un grand quotidien de province, Eric Pichet, auteur d'un « Guide pratique de l'ISF 2002 », explique que celui-ci ne saurait constituer l'indice de la richesse intérieure de la France, car il ne prend pas en compte les biens professionnels.

Un député UMP - Faites-le et ce sont 100 000 entreprises qui partent !

M. Alain Bocquet - L'essentiel du patrimoine des 200 plus grosses fortunes françaises - supérieures au milliard de francs - n'est donc pas imposé. C'est pourquoi l'on dit que cet impôt frappe les millionnaires et exonère les milliardaires.

Des perspectives de rendement existent encore pour cet impôt qui n'en handicape pas moins, selon certains membres de votre majorité, l'attractivité du territoire...

M. Michel Bouvard - Charzat !

M. Alain Bocquet - A l'heure de son hypothétique réforme, il n'est donc pas exclu que vous cédiez à la tentation de le supprimer. J'ai entendu le président de la commission des finances, il y a eu des précédents, et je redoute une proposition de la majorité. Les dix Français classés dans les 300 plus grandes fortunes mondiales, de Mme Bettencourt (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) avec 15 milliards de dollars à Martin Bouygues avec 1,7 milliard, ne vous le reprocheraient pas !

Il est pourtant possible de mieux mobiliser l'ISF au profit de la solidarité et de l'emploi, en tenant compte de la constitution actuelle des plus grands patrimoines. En réitérant votre volonté de diminuer de 30 % l'impôt sur le revenu sur la législature, vous persistez dans une double imposture. Ce choix exclut du bénéfice de la mesure 50 % de Français par ailleurs frappés de plein fouet par les impôts indirects.

La première baisse que vous avez mise en _uvre est tombée dans l'escarcelle des plus nantis, qui réalisent des placements pendant que la consommation des ménages continue de stagner. Moins de recettes, c'est aussi moins de dépenses, donc moins de services à la population. Je pense par exemple au logement social. Le nombre de demandeurs en attente atteint 100 000 pour la seule ville de Paris, sans compter les familles et les personnes sans papiers. L'écart est considérable entre les besoins annuels de construction et les financements prévus pour 2003 : vous prévoyez 54 000 constructions de logements quand il en faudrait 100 000. Encore le programme risque-t-il de passer à la trappe.

Le récent congrès des HLM a dénoncé le blocage dans les préfectures des crédits PALULOS, l'accélération des expulsions à l'approche de l'hiver, l'absence de revalorisation des aides, la déréglementation générale du marché de l'immobilier.

Comment pourrions-nous accepter une proposition de loi de finances qui intègre une baisse du budget du logement de quelque 300 millions d'euros ? Ces baisses, précisent les associations de locataires, « concernent le Fonds de solidarité logement, la résorption de l'habitat insalubre, les associations de réinsertion par le logement et les aides à la construction et à l'amélioration de l'habitat. Au nom de la défense du service public et du droit au logement pour tous, celui-ci doit redevenir une priorité ».

La hiérarchisation des réponses que traduit votre budget n'est pas innocente : votre gouvernement place, loin devant le logement social, l'accession à la propriété et le locatif privé.

Cet enjeu du logement est d'autant plus crucial qu'il constitue pour les ménages un poste de dépense de plus en plus lourd, ce qui milite pour une revalorisation du pouvoir d'achat.

Les Centres communaux d'action sociale sont quotidiennement confrontés à des foyers en surendettement, incapables de faire face aux dépenses courantes, du loyer à l'électricité, au téléphone, ou à l'essence. Il n'est pas rare de voir des familles de trois personnes disposant d'à peine plus de 900 euros, c'est-à-dire le SMIC, pour arriver à la fin du mois après avoir bien sacrifié purement et simplement l'habillement, l'essence, les services, les loisirs, les vacances, les frais de scolarité... (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Venez donc dans les quartiers populaires, sortez de vos beaux quartiers ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. François Grosdidier - C'est dans les HLM que vous êtes battus !

M. Jean-Pierre Brard - Prenez garde, Monsieur Grosdidier : il y a parfois des retours de flamme !

M. Alain Bocquet - Nombre de familles, y compris dans les couches moyennes, vivent avec le poids constant d'un crédit à la consommation sur les épaules. Il ne reste rien, par exemple, à un couple avec deux enfants et 2 500 euros de revenus, au moment d'assumer les dépenses de chaque mois. Services, habillement, loisirs et vacances en font alors les frais.

Voilà qui renforce le caractère prioritaire des dépenses sociales de l'Etat, dont la protection sociale et la santé, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous permettra d'aborder.

Son interaction avec la loi de finances est pleine et entière. Et l'on verra comment vous entendez réduire le périmètre de l'assurance maladie, système de garantie collective, solidaire et universelle, pour individualiser la protection sociale, à l'instar des retraites, avec la généralisation des fonds de pensions !

Votre choix de recettes, qui exclut le recours à de nouvelles sources de financement, rend votre démarche irrecevable : elle ne sera d'aucun secours au moment, par exemple, de régler les problèmes budgétaires des centres hospitaliers.

Vous condamnez en effet les hôpitaux à vivre à découvert. Selon la Conférence des directeurs de centre hospitalo-universitaire, le déficit de ces établissements, s'élèvera à 300 millions d'euros pour 2002, ce qui engloutit la rallonge du même montant annoncée en juillet.

Pour les hôpitaux publics, la même conférence table sur un déficit de 1,5 milliard d'euros fin 2002.

La Fédération hospitalière de France dénonce pour sa part la progression insuffisante de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie fixée à 5,3 % pour 2003, alors que 6,1 % serait un minimum.

Les budgets peinent à assumer le coût des médicaments, des technologies de santé, des matériels et des soins de plus en plus performants.

La décision de dérembourser plus de 650 médicaments, le projet du ministre de la santé « d'accompagner la recomposition de l'offre hospitalière », la sous-estimation de la progression de l'ONDAM, le refus d'envisager tout « rebasage » des budgets hospitaliers, en disent long sur la volonté de « tourner la page » de la « maîtrise comptable » des dépenses de santé de votre gouvernement.

C'est pourquoi nous demandons que vos propositions intègrent la suppression de la taxe sur les salaires versée par les hôpitaux, qui permettrait la création dès cette année de 50 000 emplois, et un taux réduit de TVA pour les travaux d'entretien et d'amélioration des établissements.

Nous saluons également comme il se doit le succès des associations contestant le déremboursement de la Colimycine, qui intervient dans le traitement de la mucoviscidose, qui montre que la vigilance et la détermination peuvent mettre en échec les excès d'une politique uniquement soucieuse de culpabiliser les usagers de la santé, sous couvert - la démarche n'est pas nouvelle - de les responsabiliser.

Nous n'avons jamais manqué de dénoncer les limites et les dérives des lois de financement de la sécurité sociale, que nous n'avons pas votées parce qu'elles refusaient de faire du droit à la santé et à la protection sociale pour tous une priorité.

Nous sommes donc déterminés à faire échec au budget de la santé et au projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui ne feront qu'accroître les pires travers des politiques engagées.

Le Premier ministre en appelait, le 3 juillet, à l' « unité nationale ». Mais celle-ci est inconcevable dans les termes où prétendent l'établir votre politique et cette loi de finances.

Vous proposez d'accroître les inégalités, les exclusions (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), les antagonismes, les désespérances... (Mêmes mouvements) Allez en parler aux salariés menacés par les plans sociaux, ou à ceux de Moulinex, d'Alcatel... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Nous en reparlerons dans quelques mois ! (Mêmes mouvements)

M. le Président - Poursuivez, Monsieur Bocquet.

M. Alain Bocquet - On me barre la route (Rires). Vous proposez d'accroître les ranc_urs facteurs de violences sociales, de saper les réseaux de solidarité que tisse le service public dans la vie quotidienne des Français et l'aménagement du territoire, du plus petit village à la plus grande agglomération - et ainsi asservir et décourager le monde du travail et celui de la création.

Un des projets dont nous aurons prochainement à débattre illustre vos intentions : il s'agit de celui qui s'élabore place Beauvau, sur la sécurité, et qui déjà soulève les protestations de la magistrature, des associations de défense des droits de l'homme, et d'une partie des forces de police.

M. François Grosdidier - Vous oubliez les élections !

M. Alain Bocquet - Pour conclure (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), l'appréciation qu'en a donnée la Ligue des droits de l'homme peut tout aussi bien s'appliquer à votre projet de loi de finances pour 2003, qui déclare « la guerre aux pauvres » et justifie ainsi la motion d'irrecevabilité que je soumets au vote, en demandant un scrutin public (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Selon l'article 91, alinéa 4, du Règlement de l'Assemblée nationale, l'exception d'irrecevabilité vise à démontrer que le texte en discussion est contraire à la Constitution. Monsieur Bocquet, vous n'avez pas abusé des motifs d'inconstitutionnalité... (Sourires) Vous vous êtes en revanche livré à une critique générale de la politique du Gouvernement, ce que je pourrais trouver rassurant. Vous vous opposez par exemple à la construction européenne, dans laquelle nous voyons une chance.

M. François Grosdidier - M. Emmanuelli n'est pas d'accord !

M. le Ministre délégué - Vous craignez une baisse des crédits de la Culture, notamment pour les spectacles vivants, alors qu'ils ont été augmentés.

Vous critiquez les prélèvements sur la CNAV. Savez-vous que les retraites du secteur privé ne seront pas ponctionnées d'un seul euro ? Nos mesures visent simplement à améliorer l'équité du système de compensation. L'Etat aide les régimes en moins bonne santé démographique.

Souvenez-vous des transferts que l'ancienne majorité a opérés, de la CRNACL vers le régime général d'assurance maladie.

Vous avez évoqué le pouvoir d'achat : il est renforcé, grâce à la convergence des SMIC, grâce à la baisse de l'impôt sur le revenu...

M. Jacques Desallangre - Pour quels Français ?

M. le Ministre délégué - ...et laissez moi insister sur la liberté rendue à tous ceux qui veulent travailler ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Grosdidier - Mais vous êtes allergiques aux mots « liberté » et « travail » ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre délégué - Je propose donc le rejet de cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public. Celui-ci est annoncé dans le palais.

M. François Goulard - M. Bocquet, qui n'est pas un nouveau député, sait ce qu'est une exception d'irrecevabilité. Pourtant, il n'a pas avancé le moindre argument juridique portant sur l'anticonstitutionnalité du projet. Il s'est contenté de défendre la ligne traditionnelle du parti communiste : tout est mal.

Ce budget est pourtant le meilleur que l'on pouvait construire en de telles circonstances (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Pour assurer la compétitivité de la France, et la croissance, il faut réduire les prélèvements publics, et donc les dépenses publiques, mais pas de façon brutale, et ce difficile équilibre a été respecté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Ce projet de budget soutient la croissance, il assure les dépenses publiques nécessaires, il prépare les reformes indispensables. Nous allons donc repousser cette exception d'irrecevabilité qui n'a d'ailleurs pas été vraiment défendue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Augustin Bonrepaux - Nous voterons cette exception d'irrecevabilité. D'abord, ce budget n'est pas sincère : vous refusez d'admettre que vous aggravez le déficit de 9 milliards et vous n'apportez aucune réponse claire à nos interrogations sur les prévisions de croissance (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Quelles mesures pour l'emploi avez-vous prises ? Vous n'êtes même pas capables d'évaluer le nombre de CES !

M. François Grosdidier - Les Français aspirent à autre chose !

M. Augustin Bonrepaux - Monsieur le ministre, vous affirmez dans votre rapport ne pas croire à l'influence de la baisse d'impôts sur la consommation. Alors, comment en persuaderez-vous les Français ? Il faut de l'audace (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF) pour affirmer ici qu'une revalorisation de la prime pour l'emploi de 280 millions est une revalorisation du pouvoir d'achat de 8 millions de travailleurs (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Enfin, comment comptez-vous, en diminuant les recettes, continuer à assurer les services publics ?

M. Philippe Briand - En gérant !

M. Augustin Bonrepaux - Vous organisez un territoire à deux vitesses, mais vous devrez en rendre compte ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Laissez M. Bonrepaux s'exprimer !

M. Augustin Bonrepaux - Je terminerai (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) sur les collectivités locales. Le budget remet en cause la péréquation et opère des transferts de charge sur les collectivités locales. Cela entraînera une hausse des impôts locaux, qui sont injustes, à l'inverse de l'impôt sur le revenu. Nous avons donc beaucoup de raisons d'être inquiets ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Brard - Il y aurait place dans l'édition française pour un dictionnaire de l'homme de droite, affectant à chaque terme le sens dévié que lui attribuent des hommes tels que M. Goulard...

M. Georges Tron - Merci de rendre hommage à son talent !

M. Jean-Pierre Brard - Quant à ceux qui ont reproché à l'argumentaire de M. Bocquet d'être dépourvu de portée juridique, qu'ils considèrent qu'il y a, au-dessus du juridisme étroit, la justice et la morale dont, manifestement, ils n'ont cure (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Rappelons-nous ce qu'a déclaré M. Mer lors de son audition par notre commission après l'adoption du PLF pour 2003 en Conseil des ministres : « Ces prévisions sont aussi sincères que possibles... » Bel accès de sincérité et véritable aveu qui mérite notre reconnaissance ! Las, le Gouvernement a bien vite rangé au rayon des accessoires toute velléité de dire la vérité... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mieux, M. Raffarin a recruté une grande prêtresse de la communication, experte, sans doute, en endormissement et en embobinage... (Mêmes mouvements)

Rien ne sert dans ces conditions d'invoquer à l'envi la liberté des citoyens et des consommateurs ! De quelle liberté jouissent ceux qui n'ont pas assez pour manger à leur faim ou pour mettre de l'essence dans la voiture pour aller chercher du travail ? (« C'est l'héritage ! » sur les bancs du groupe UMP)

Quelle liberté pour celui qui déambule dans les supermarchés sans pouvoir satisfaire sa convoitise ? Mais M. Mer a raison de parler de la liberté de l'entrepreneur, libre, en effet, de jeter le salarié une fois le citron pressé, comme dans une grande entreprise d'Alençon que connaît bien M. Lambert...

M. Philippe Briand - C'est le résultat de votre gestion !

M. Jean-Pierre Brard - Nous l'avons démontré ; baisser les impôts et les charges, c'est porter atteinte au service public car la perte de recettes qui en découle ne peut qu'affecter les régimes sociaux et des budgets aussi essentiels que ceux de l'éducation nationale, de la culture, de l'emploi, de la recherche ou du logement.

M. Francis Mer n'a pas eu besoin d'une piqûre au sérum de vérité pour admettre que sa prévision de croissance de 2,5 % n'était pas tenable. Il nous l'a dit à cette tribune « si la réalité n'est pas conforme à nos prévisions, nous rectifierons le tir ». Autrement dit, le budget n'est pas sincère et dès que vous l'aurez voté, je sors mes ciseaux... (« Fabius ! » sur les bancs du groupe UMP)

Prenez garde, car les Français ne dorment pas. Ils n'ont pas validé vos choix le 5 mai dernier en faisant barrage à l'extrême droite (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) et ils ne se laisseront pas berner éternellement par vos man_uvres.

C'est bien sûr d'enthousiasme que nous voterons l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et quelques bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Folliot - Notre collègue Bocquet nous ayant infligé un très long exposé, le plus souvent hors sujet, et M. Brard ayant des capacités à travestir le réel que je ne partage nullement, je ne leur répondrai pas sur le fond. Rien ne la justifiant, le groupe UDF et apparentés ne votera pas l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

A la majorité de 158 voix contre 46 sur 204 votants et 204 suffrages exprimés, l'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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