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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 8ème jour de séance, 18ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 16 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 (suite) 2

La séance est ouverte à neuf heures.

LOI DE FINANCES POUR 2003 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003.

M. Jean-Pierre Balligand - Au nom du groupe socialiste, je m'interroge, Monsieur le ministre, sur votre budget. Comme vous avez siégé à la Caisse des dépôts et consignations lorsque j'en étais le président, vous comprendrez que j'aie été surpris par les analyses qui sous-tendent les hypothèses macro-économiques de ce budget et par la parole portée par le ministre de l'économie et des finances.

Une seule question se pose : le budget 2003 répond-il à la gravité de la situation économique mondiale et à la situation économique de notre pays ?

Je ne vous impute certes pas la responsabilité de la conjoncture mondiale, mais votre parole nous inquiète, et m'inquiète particulièrement. Vous cachez la réalité économique : nous ne pouvons pas compter sur une croissance de 2,5 %. Je comprends bien que les ministres de l'économie et des finances, hier comme aujourd'hui, se gardent d'annoncer aux acteurs économiques la récession. Mais les banquiers du G7 qui se sont réunis à Washington il y a quelques jours sont dans l'affolement le plus total. Ils se demandent comment ils vont pouvoir provisionner - pour perte - 200 milliards de dollars, correspondant uniquement aux acquisitions pour croissance externe de ces entreprises pendant les cinq ans écoulés. Personne ne sait comment faire.

En France, les banques provisionnent également pour perte. L'ensemble du secteur industriel connaît de graves difficultés. J'ai rencontré des patrons de PME, des dirigeants de grandes entreprises : eux aussi sont dans l'affolement le plus total. Je suis étonné que l'on n'en parle pas. Un exemple : l'union des industries électriques - Alstom, Nexance, Philips-France. Les banquiers leur disent : pas de stocks, pas d'investissements - vous êtes trop endettées. Les banques sont elles-mêmes égorgées. Personne ne parle non plus des compagnies d'assurance. Le CAC 40 est à un niveau qui exige de changer les règles de provisionnement ! Vous ne le faites pas, sans doute pour éviter un affolement encore plus grave.

Quant aux PME, leurs marges sont restreintes, et quand on s'attaque à la sous-traitance, elles sont particulièrement touchées. Le nombre d'entreprises sinistrées augmente de façon exponentielle dans notre pays.

Il sera nécessaire de diminuer les frais fixes des entreprises. Des vagues de licenciements vont donc se produire ; cela a commencé.

Vous n'avez pas beaucoup de chance, je le reconnais. Vous prévoyez un coefficient d'élasticité de 0,8 - quel réalisme ! -, mais en terme de recettes, nous serons très en deçà de vos hypothèses basses.

Le capitalisme, et ses dogmes, - les sociétés étatiques sont opaques, les sociétés privées transparentes, ainsi que le marché et la Bourse - connaissent une crise de confiance. M. Douste-Blazy ne nous a pas fait son grand numéro sur les fonds de pension ! En ce moment, sur ce sujet, c'est motus et bouche cousue ! Et pour cause ! Il suffit de voir ce dont disposent, pour leur retraite, les salariés américains. Et je ne parle pas de l'écroulement à venir de la consommation, rançon de deux ans et demi de catastrophe économique sur le plan des cotations boursières.

Pourquoi ne pas mettre rapidement en place des autorités de régulation, d'autant que le texte CMF - préparé par le précédent gouvernement est prêt ? L interventionnisme économique, heureusement, n'a pas totalement disparu en France, malgré quelques fous furieux du libéralisme comme M. Goulard. Pensez-vous qu'une libéralisation générale soit opportune - cession d'actifs, par exemple, par de grandes entreprises publiques qui ont un rôle régulateur ?

Enfin, je m'offusque, en constatant combien vos principes varient - alors que je suis resté fidèle aux miens, même quand il fallait résister à MM. Strauss-Kahn ou Fabius, en tant que représentant de cette assemblée à la Caisse des dépôts. Les ratios établis par mon collègue Delalande - d'une autre majorité - ont alors toujours été respectés. Vous venez quant à vous de procéder au hold-up sur les fonds des intérêts compensateurs de la Caisse des dépôts. Vous cachez cela, à l'article 08-14 : « prélèvements sur les autres fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts ». Vous prélevez 2,3 milliards d'euros sur les 2,6 de ce fonds, qui est un fonds de deuxième niveau au point de vue du risque. Nous avions établi la règle d'un prélèvement étalé sur sept ans. L'effet de ciseau attendu sur les fonds d'épargne en 2003 et 2004 autorisait à prélever environ 600 millions de francs par an. Mais vous opérez l'intégralité du prélèvement !

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Balligand - Ne mettez pas en danger l'épargne des Français ! Vous ne touchez pas au fonds de premier niveau. Mais si l'année 2003 est mauvaise, vous ne disposerez plus de fonds de réserve de deuxième niveau. Ne modifions pas les règles prudentielles de la Caisse des dépôts. Si elle est gérée depuis 1816 par des parlementaires et non par Bercy, c'est pour éviter toute dérive napoléonienne. Que votre alliance avec les bonapartistes ne conduise pas à la spoliation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Goulard - Nous avons failli terminer sur le coup d'Etat permanent... A entendre l'opposition, on peine à imaginer qu'elle était au pouvoir il y a encore quelques mois...

M. Didier Migaud - Jamais nous n'avons agi ainsi !

M. François Goulard - ...et qu'elle a adopté la loi de finances en cours. Si les prévisions de recettes sont par nature aléatoires, la mauvaise foi était patente en matière de recettes : vous les aviez sous-estimées de manière inacceptable ! La politique budgétaire que vous avez menée pendant cinq ans - des rentrées fiscales abondantes grâce à la croissance, aucune véritable baisse de l'impôt, une hausse de l'endettement et presque 30 milliards de déficit - est désastreuse alors que la plupart des pays européens ont atteint l'équilibre sur la même période. Vous nous avez laissé des bombes à retardement et nombre de dépenses mal financées ou non financées. Les 35 heures en sont le pire exemple : elles plomberont durablement nos finances publiques et sociales et restreignent considérablement nos marges de man_uvre. Vous-mêmes avez dû en compenser le surcoût pour les entreprises par un allégement de charges à hauteur de 10 milliards d'euros par an. Le cadeau empoisonné des SMIC multiples nous oblige à consentir 6 milliards d'allégements de charges supplémentaires. Il ne s'agit pourtant que de corriger les effets négatifs d'une politique. On s'en souviendra longtemps !

La croissance décline depuis un an et demi, et les espoirs de reprise sont faibles. Nous ne pouvons donc diminuer brutalement la dépense publique. La gauche se réfère non au keynésianisme, mais à une vulgate keynésienne qui offre aux gouvernements un oreiller de paresse ou, pire, un excellent prétexte à la démagogie : la dépense publique est bonne et le déficit public est bon !

M. Didier Migaud - Caricature !

M. François Goulard - Les théories keynésiennes conservent en revanche toute leur valeur dans la conjoncture actuelle, où il serait irresponsable de réduire massivement la dépense publique. Notre pays souffre pourtant d'un excès de prélèvements publics et de dépenses publiques. Je n'ai pas voulu demander la parole pour attaque personnelle lorsque M. Balligand a parlé de « fou furieux de l'hyperlibéralisme », mais je rappelle que les autres pays européens, qu'ils soient gouvernés par la droite ou par la gauche, ont pour la plupart réduit dépenses publiques et prélèvements obligatoires et voient aujourd'hui décroître le chômage.

Il y a un équilibre délicat à trouver entre ces préoccupations. Votre projet de loi de finances, Monsieur le ministre, y réussit. Il faudra dans les prochaines années accentuer l'effort de réduction de la dépense publique, sans compromettre les services rendus aux Français.

M. Bonrepaux a prétendu hier soir qu'avec 700 emplois de moins au ministère de l'équipement, le déneigement des routes serait menacé. Je ne pense pas que tous les fonctionnaires de la DDE soient affectés à cette tâche ! Je connais bien l'administration de l'Equipement : elle n'a pas tiré, en termes d'effectifs, toutes les conséquences de la décentralisation et des transferts de compétences.

M. Marc Laffineur - Tout à fait !

M. François Goulard - La qualité du service souffrirait d'autant moins d'une réduction des effectifs que l'administration produit de nombreuses normes abusives et exerce parfois des contrôles contre-productifs, en matière d'urbanisme par exemple.

J'en viens aux entreprises publiques. La gestion malheureuse de France Télécom rendra peut-être inévitable une contribution de l'Etat. Cela est navrant. Des entreprises comme France Télécom ou EDF sont obligées de prendre des risques et d'investir sur le plan international dans un contexte concurrentiel. Mais la collectivité publique doit-elle supporter ce risque majeur ? Je suis convaincu que non. Ces entreprises ne doivent pas demeurer des entreprises publiques dépendantes de l'apport financier de la collectivité. Ce qui s'est passé pour France Télécom ne doit pas se reproduire pour EDF par exemple !

Quant aux entreprises publiques non soumises à la concurrence, elles doivent être mieux gérées. L'exemple le plus triste est celui de la SNCF, qui a inutilement embauché, sous l'égide d'un ministre communiste, 8 000 agents par an alors même que les autres entreprises publiques européennes de chemin de fer réduisaient leurs effectifs. Sans remettre en cause le service et la sécurité voilà un exemple flagrant de la gestion irresponsable avec laquelle nous devons rompre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La réforme que nous engagez permettra de poursuivre les baisses d'impôts et de restaurer l'attractivité du territoire français, qu'il s'agisse d'améliorer le droit du travail ou la fiscalité.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. François Goulard - La leçon à tirer du cataclysme des dernières élections, c'est que les Français ne sont pas dupes des politiques de distribution systématique d'aménités sociales. J'émets le v_u que la politique sérieuse et courageuse que reflète votre budget reçoive leur assentiment (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Rodet - En écoutant certains intervenants de la majorité, on voit que les lampions électoraux sont bien éteints et qu'il est temps, pour vous, de vous affranchir des promesses qui ont fleuri au printemps et de revenir au principe de réalité.

Dans la vie politique comme ailleurs les commentaires sont libres, mais les faits sont têtus. Les Cassandre de service qu'on entendait les années précédentes lors de la discussion budgétaire sont victimes de leur propre piège. A preuve les contorsions de langage auxquelles se livre le rapporteur général à propos du cadrage économique de la loi de finances : on fait appel à tous les conjoncturistes de Natexis, de Goldman Sachs, etc. Mais le conjoncturiste le plus sollicité, c'est l'institut Coué ! (Sourires)

Quand vous reconnaissez, Monsieur Carrez, que les mécanismes qui portaient la croissance depuis 1997 sont désormais essoufflés, on peut y voir un réexamen de vos positions. Le président de la commission vous a donné d'utiles conseils d'humilité et de modération...

Difficile, en effet, de tenir pour dérisoire le bilan du gouvernement Jospin, dont les choix budgétaires ont permis la création de 400 000 emplois.

Or ce qui frappe dans ce budget, c'est l'absence de stratégie, l'ambivalence des choix. Même votre décision de rouvrir le grand chantier de la décentralisation doit être accueilli avec circonspection : ne serait-ce pas une man_uvre pour transférer des charges vers les finances locales ?

Sans doute certains diront-ils que l'Etat est en France le premier contribuable local puisqu'il paie 40 % de la taxe professionnelle et 30 % de la taxe d'habitation. Mais en réalité notre pays est l'un de ceux où la part de la fiscalité locale dans les ressources des collectivités territoriales est la plus élevée, alors même que celle-ci réalise les trois quarts des investissements civils. Aux Pays-Bas, par exemple, l'Etat perçoit 92 % de la fiscalité et répartit ensuite les crédits entre les provinces.

Aussi sommes-nous inquiets de voir qu'à l'article 14 vous autorisez la déconnexion des taux de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation. En d'autres temps, cette mesure aurait provoqué l'ire de vos troupes !

Par ailleurs, ce qui nous préoccupe, c'est votre tendance obsessionnelle, quasi maladive, à faire le procès de l'Etat : « Etat parasite, Etat frein à l'initiative »... Prenez garde. Les fonctions de régulation et de solidarité de l'Etat méritent, dans les temps que nous traversons, d'être mieux respectées. En jouant les apprentis sorciers de l'ultralibéralisme, vous prenez le risque d'accroître la récession qui menace - c'est le prix à payer quand pour éradiquer le gui on abat le chêne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hervé Mariton - Ce projet de budget a subi certaines critiques, à gauche, mais aussi dans d'autres cercles économiques. Elles me paraissent injustes.

Le Figaro a ainsi titré « Bon cap, petite vitesse ». Cette définition, perçue par certains comme une critique, me paraît plutôt flatteuse. D'abord parce qu'il vaut mieux aller à petite vitesse vers le bon cap qu'à grande vitesse vers un mauvais cap ! (Rires) Ensuite parce que l'action publique est faite de pédagogie. Connaître le cap est rassurant, la vitesse peut se discuter et se juge dans la durée.

Il paraît que M. Mer aurait dit un gros mot en parlant de « rigueur ». Si ce terme a été mal perçu, c'est sans doute parce que dans le passé la rigueur a souvent signifié augmentation des impôts sans maîtrise des dépenses, ou, deuxième variante des plans de rigueur, augmentation de l'impôt accompagné d'un petit effort pour maîtriser la dépense. Là, pour une fois, la rigueur consiste à la fois à maîtriser les dépenses et à diminuer l'impôt.

Troisième point de discussion, abordé notamment dans l'ouvrage de Jean-Paul Fitoussi, le débat sur la règle et le choix. Quelle est, dans le projet de loi de finances, la part de respect de la règle et la part d'expression d'un choix ?

La règle, c'est d'abord la discipline européenne notamment, le pacte de stabilité. Mais je suis frappé de voir qu'on nous demande de plus en plus souvent de renoncer à un amendement parce qu'il gênerait le gouvernement français dans les négociations communautaires. Il ne faudrait pas que cette conception du respect de la règle aboutisse à trop réduire le rôle du Parlement. D'ailleurs, vous avez démontré, par l'assouplissement du pacte de stabilité, par la négociation sur les taux de TVA, qu'il peut y avoir choix. Je rappellerai la parole de la Mère supérieure dans le Dialogue des Carmélites : « Ce n'est pas la Règle qui nous garde, c'est nous qui la gardons ». Nous faisons le choix de la règle.

Les objectifs de ce projet sont ambitieux. Le premier est de tenir les engagements pris. Comme nos collègues de gauche ont l'habitude de ne pas le faire, cela leur paraît surprenant.

Tenir nos engagements, c'est commencer la réforme de l'Etat et maîtriser la dépense publique. Les dépenses de fonctionnement, mais aussi les investissements : les investissements sont importants mais tous ne sont pas judicieux. A cet égard, l'audit lancé par le Gouvernement sur les projets d'infrastructures me paraît indispensable pour définir les bons choix.

Sur la réforme de la décentralisation, votre majorité vous accompagnera, en insistant sur la vigilance nécessaire sur l'aspect fiscal. Il ne faudrait pas que nos concitoyens aient le sentiment que l'Etat baisse ses impôts et que les collectivités locales les augmentent, comme n'a cessé de le répéter la gauche hier. Si par malheur la réforme était perçue ainsi, nous aurions échoué. Ne tombons pas dans ce piège.

Cela implique que les structures de la décentralisation incitent à ne pas augmenter l'impôt. Un certain intercommunalisme volontariste a conduit à de fortes augmentations d'impôts. La gauche peut prêcher cela, nous non. Il faudra que les lois de décentralisation soient claires à cet égard. Pour l'instant, je n'en suis pas sûr et j'aimerais que vous nous donniez des assurances.

Rupture, confiance, croissance, c'est la voie que vous nous avez tracée. Nous vous suivons. Au travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Deniaud - Pendant 5 ans, nous avons subi les sarcasmes sur l'héritage de 1997. J'ai donc bien envie de me permettre à mon tour quelques commentaires sur le passé.

M. Georges Tron - Allez-y.

M. Yves Deniaud - Pour notre part, nous n'avons pas l'intention de rabâcher cela pendant 5 ans, mais les Français nous ont reproché de ne pas les avoir informés suffisamment sur la situation que nous avions trouvée en reprenant les commandes de l'Etat. En outre, le mensonge budgétaire a pris des proportions inédites depuis 1993, quand le déficit annoncé à 186 milliards de francs a finalement été de 345 milliards. Cette fois, jusqu'aux élections récentes, on nous a juré que le déficit de 2002 serait de 30 milliards d'euros ; en réalité, en exécution il était de 45 à 46 milliards. Et qu'on ne vienne pas dire que la loi de finances rectificative l'a accentué. Nos priorités, sécurité et baisse d'impôt, ont été financés par redéploiement. On peut féliciter le Gouvernement de les avoir mises en _uvre sans accroître le déficit, ce qui ne fut pas toujours le cas. Ce mensonge sur 15 milliards d'euros correspond aux budgets cumulés des Affaires étrangères, de l'Agriculture et de la Justice. Excusez du peu !

Face à cette situation, réduire le déficit à marches forcées alors que la croissance est faible conduirait à l'échec. Le FMI lui-même, souvent tenté d'imposer ce remède de cheval, en est en parti revenu. Contenir d'abord le déficit pour être en état de profiter d'une période plus favorable afin d'assainir la situation en profondeur, comme l'ont fait certains voisins européens, c'est la méthode que vous proposez avec ce budget 2003. C'est la bonne et nous y adhérons totalement.

Ce budget répond aux engagements du Président de la République et de notre majorité, validés par le peuple français. C'est à cette constance qu'on doit être jugé en démocratie. Quant aux doutes sur les prévisions, de 1994 à 1997 les lois de finances ont été exécutées au milliard de francs près par rapport au déficit annoncé, tandis qu'on sait ce qu'il advint par la suite.

Sans revenir sur les chiffres, j'émettrai quelques souhaits pour l'avenir.

Pour ce qui est de la sincérité budgétaire, nous savons pouvoir compter sur vous, Monsieur le ministre. Si les rentrées étaient meilleures que prévu, ne répétons pas le ridicule épisode de la « cagnotte » de 2001. Une fois tous les engagements de l'Etat honorés avec rigueur, toute recette supplémentaire doit servir à réduire le déficit. Il serait utile d'en prendre dès maintenant l'engagement.

La maîtrise des dépenses publiques, souvent annoncée, a été peu pratiquée. Vous vous engagez dans cette voie avec une hausse de 0,2 % seulement. Pour qu'elle soit durable, la réforme de l'Etat doit être menée avec vigueur.

Le Gouvernement affiche sa détermination. Mais l'on sait combien les exigences du quotidien, les requêtes argumentées des usagers et des services sont difficiles à affronter pour l'exécutif. C'est pourquoi le Parlement de son côté, comme le Président de la République l'y a invité, doit faire des efforts supplémentaires de contrôle de l'évolution des dépenses et d'évaluation des moyens. Nous sommes à vos côtés dans cette tâche difficile, faites-nous confiance.

En particulier, dans la décentralisation annoncée, les transferts de charges doivent être correctement financés - le désastreux exemple de l'APA nous le rappelle - et il faut définir clairement quelles sont les ressources affectées à chaque échelon territorial. Chacun prendra ainsi ses responsabilités, dans la liberté que vous créez déjà avec la déliaison des taux des quatre taxes locales. C'est un petit pas et nous aurions souhaité d'emblée plus d'audace. Cette liberté est en effet la plus sûre garantie de la sagesse pour les collectivités, à condition que le citoyen voie clairement qui prélève quel impôt.

Un autre objectif ambitieux est la réduction des prélèvements obligatoires. Dans ce domaine, c'est à un grand nettoyage qu'il faut procéder. Sauf erreur, il existe 170 prélèvements, dont un dixième ont été créés dans les cinq dernières années ! A chacune de ces taxes correspond une collecte, un traitement, des contentieux. Je proposerai donc une méthode à l'américaine : aux Etats-Unis, on décide de procéder à une réduction de 20 % à 30 % dans un délai impératif. La méthode est brutale, mais oblige ensuite à un examen sans pitié pour choisir ce qui va disparaître. Nos taxes sur la céramique fine, le ski de fond ou les rhums sont à coup sûr très justifiées. Mais avec un peu de recul, ne pourrait-on quand même s'en dispenser ?

Baisser les prélèvements, c'est d'abord agir sur l'impôt sur le revenu et les charges sociales, vrais leviers de la croissance et de l'emploi. Mais il faut aussi supprimer des taxes résiduelles au coût de collecte élevé, comme la vignette qui subsiste, la taxe sur le foncier non bâti et la redevance télévision.

M. Marc Le Fur - Très bien !

M. Yves Deniaud - On allégera ainsi non seulement les charges, mais la paperasserie.

Enfin, je salue la véritable rupture que vous opérez en faveur de l'investissement, naguère réduit à un niveau presque honteux. La France a besoin d'infrastructures, elle a besoin d'une politique forte d'aménagement du territoire. Le relèvement est engagé avec de budget ; il faut le poursuivre. Pour parvenir à cet objectif, comme aux autres que vous avez fixés, vous pouvez compter sur notre soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Tron - Après l'audit, la loi de règlement et le débat sur les prélèvements obligatoires, la discussion budgétaire nous permet pour la quatrième fois en trois mois de faire le point sur la situation économique et financière. J'aurais bien envie, moi aussi, de revenir sur la façon dont nos prédécesseurs ont mené cet exercice pendant cinq ans : ils commençaient systématiquement par ce qu'ils appelaient « le rappel du bilan ». En 1997, il aurait été catastrophique. L'audit de 2002 montre qu'il supporte très bien la comparaison , et que finalement nous pouvions en être fiers.

Notre situation est un peu paradoxale. Alors que la croissance fléchit, nous sommes obligés de consentir des efforts pour remettre notre pays dans le bon chemin, celui d'une gestion saine des finances et d'une maîtrise de la dépenses publique. C'est sur ce point que je centrerai mon propos.

De ce point de vue, 2002 a été une année exemplaire. En loi de finances initiale, la dépense publique avait été fixée à 52,3 % du PIB ; selon les prévisions elle sera de 53,8 %. L'augmentation des dépenses de l'Etat, fixée à 2 % en valeur sera de 3,6 %. Pour l'assurance maladie, cette augmentation fixée à 3,8 % sera sans doute de 7 %. Le déficit prévu à 1,4 % sera de 2,6 %, et le poids de la dette, annoncé à 56, 3 % sera d'environ 58,4 %.

La leçon est claire : quand les dépenses publiques dérapent, la dette et le déficit dérapent aussi. Et l'incapacité de la précédente majorité de contrôler la dépense publique explique la situation actuelle.

Le nouveau gouvernement a, lui, fixé l'évolution des dépenses à 1,4 %, dont 0,3 % pour l'Etat. Sur cette base, le poids des dépenses publiques se réduisait, avec une croissance du PIB de 2,5 % en valeur, de deux points entre 2003 et 2006, ce qui permettrait à la fois de réduire le déficit et de baisser les impôts. Nous nous retrouvons bien entendu totalement dans cet objectif, mais je me demande si nous avons vraiment les moyens, compte tenu de la structure de la dépense publique, de maîtriser celle-ci puis de la réduire. Vos prédécesseurs socialises, Monsieur le ministre, ne manquaient jamais en effet de nous rappeler à quel point la diminution de la dépense publique était chose ardue. Qu'on en juge d'après ces chiffres : le niveau de la dette publique est passé de 35,1 % du PIB en 1990 à 57,3 % en 2001, ce qui fait que la charge de la dette représentera en 2003 14 % du budget général. Quant aux dépenses en personnel des administrations publiques, elles représentaient 13,6 % du PIB en 2000.

En fait, sur les 4,6 milliards de hausse qu'enregistre le budget pour 2003 par rapport à 2002, 3,3 milliards sont consacrés à la fonction publique et à la dette. Il ne reste donc que 1,3 milliard pour financer toutes les autres mesures. Autrement dit, la charge de la dette et les dépenses de personnel absorbent d'emblée 60 % du budget général. C'est dire combien il est, en effet, difficile de réduire la dépense de l'Etat dans ce pays.

Seule une réforme courageuse de l'Etat nous permettra de faire des économies et de rétablir nos finances publiques. Dans tous les pays qui nous entourent, les réformes de ce type ont été lancées dans un relatif consensus et n'ont pas été remises en cause par l'alternance politique. En France, deux chantiers ont été ouverts par la précédente majorité : celui de la loi organique relative aux lois de finances, et celui de gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Deux chantiers qu'il nous appartiendra de conduire courageusement très loin. Votée à l'unanimité par l'Assemblée, la LOLF a notamment pour objet de nous faire passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Elle doit être un des leviers de la réforme de l'Etat. S'agissant des ressources humaines, il faut se servir de l'outil que constitue l'Observatoire de l'emploi public, mis en place en septembre 2000, mais contredit dans ses objectifs dès son installation, en particulier par Jack Lang qui annonçait le jour même qu'il demandait 20 000 emplois supplémentaires ! Quoi qu'il en soit, les outils existent, reste à les mettre au service de la réforme de l'Etat.

Si la France s'alignait sur le niveau des dépenses publiques de l'Allemagne, qui n'est pourtant pas un parangon de vertu, elle économiserait déjà 120 milliards d'euros, soit deux fois le poids du déficit. Mais la maîtrise du déficit et des dépenses n'est pas la seule finalité de ces réformes administratives. Il s'agit aussi d'améliorer le service rendu à l'usager et rendre l'action de l'administration plus transparente.

En général, la réforme de l'Etat s'est accompagnée, dans la plupart des pays comparables, d'un processus de décentralisation. Cela étant, la décentralisation n'est pas en elle-même synonyme d'économies : depuis vingt ans, les collectivités territoriales ont plus fortement augmenté leur personnel que l'Etat. Il faut une décentralisation bien maîtrisée.

Dans la plupart des pays, la réforme de l'Etat s'est accompagnée de mesures budgétaires tendant à accroître la responsabilité des ministres gestionnaires et des fonctionnaires concernés. Il semblerait qu'au Canada, Monsieur le ministre délégué, les ministres soient rémunérés en fonction des résultats qu'ils obtiennent par rapport aux objectifs qu'ils se sont fixés. Mais ce n'est pas une suggestion de ma part (Sourires). Nous avons en tout cas besoin de plus de souplesse dans les recrutements de la fonction publique, d'une plus forte mobilité, y compris avec le privé, de plus de formation.

Nous devons avoir la ferme volonté de mener parallèlement la réforme de l'Etat et la maîtrise des dépenses publiques. La première n'est pas l'instrument de la seconde. Et s'il n'y a pas une volonté de maîtriser la dépense, la réforme de l'Etat sera inopérante. Il nous appartient de suivre en même temps les deux voies. Nous serons derrière vous, Monsieur le ministre, pour vous soutenir dans la grande réforme que la France attend depuis tant d'années (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Vannson - Après cinq ans de gestion aléatoire, caractérisée par une augmentation sans précédent de la dépense publique, je me réjouis du changement que marque le présent projet de loi de finances. Le gouvernement de M. Jospin nous a laissé un lourd passif. Alors, quand j'entends certains collègues de l'opposition ironiser sur les prévisions de croissance du Gouvernement et oser se poser en garants de l'orthodoxie budgétaire, je ne peux que les renvoyer à l'audit de MM. Bonnet et Nasse. La loi de finances 2002, adoptée par la précédente majorité, annonçait un déficit de 30,4 milliards ; l'audit a révélé qu'il atteignait 45 milliards, soit un surplus de 15 milliards ou, si l'on préfère, une marge d'erreur de 50 %. C'est tout de même beaucoup.

La précédente majorité a laissé filer les déficits. Elle a créé des emplois-jeunes, qui ne sont que des emplois publics précaires : s'ils étaient aussi indispensables que les socialistes le prétendent, pourquoi n'avoir pas prévu des contrats de plus de cinq ans ?

En baissant les impôts, en diminuant les charges sociales et patronales et en assouplissant les règles de création d'entreprises, le gouvernement actuel agit dans le bon sens et mène une politique propice à la croissance et conforme au désir de changement qu'ont exprimé les Français lors des élections.

Je me félicite que le Gouvernement ait lancé une politique de redéploiement dans la fonction publique et se soit engagé à recentrer l'Etat sur ses fonctions régaliennes. Le budget du ministère de l'intérieur et celui de la justice - qui augmente de 95 % en AP et de 58,3 % en CP - illustrent cet engagement, de même que la hausse du budget de la défense, corollaire de l'ambitieuse politique de défense lancée par le chef de l'Etat. L'attentat de Bali confirme la nécessité pour la France de se doter de réponses adaptées aux nouvelles menaces, et notamment de disposer de services de renseignement efficaces.

Je voudrais maintenant parler de la montagne. On le sait, le relief est en lui-même un handicap pour certaines activités économiques telles que l'agriculture. L'agriculture de montagne exige des investissements lourds et a une rentabilité moins élevée que celle de plaine. Il est donc indispensable d'encourager un développement économique pérenne, à la fois par des investissements massifs de l'Etat en faveur du désenclavement de ces régions et par des mesures fiscales favorisant l'investissement privé. J'attends aussi beaucoup à cet égard de la prochaine loi de décentralisation. Cette question d'aménagement et de rééquilibrage du territoire est fondamentale pour l'ensemble des citoyens de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Guillaume - Plusieurs membres de l'UMP ont déjà salué votre volonté de rétablir les grands équilibres budgétaires perturbés par la multiplication des dépenses non financées par nos prédécesseurs, une volonté méritoire dans un contexte économique aussi morose. L'équation aurait été bien plus facile si le gouvernement précédent, au lieu d'établir des chèques sans provision sur l'avenir, avait tiré parti comme nos partenaires européens de quatre années de forte croissance pour engranger les réserves nécessaires aux interventions contracycliques.

Nul ne peut vous reprocher d'être dans une impasse budgétaire : elle est la traduction des erreurs passées. Mais vous avez entrepris un redressement de longue haleine en resserrant le train de vie de l'Etat, en libérant les énergies productrices et en soutenant la consommation par des réductions d'impôts et l'abondement de la prime pour l'emploi. Vous avez hérité d'une dette publique qui a atteint la limite autorisée par le traité de Maastricht, 60 % du PIB, et qui est une dette de fonctionnement et non d'investissement. Elle ne produit rien et requiert un strict remboursement. Faussement indolore, elle coûte une quarantaine de milliards d'euros d'intérêts en 2003 : 15 % du budget qui ne bénéficient à aucun ministère. Pour stopper l'effet boule de neige de l'endettement, vous stabilisez les déficits budgétaires, et proposez de les réduire de 0,5 % du PIB chaque année à partir de 2004, voire plus si la conjoncture est favorable. Cet engagement est réaliste. Il mériterait d'être complété par un effort de remboursement du principal de la dette, pour soulager les générations à venir.

Vos prédécesseurs auraient pu alléger ce fardeau s'ils avaient, comme nous fûmes quelques-uns à le conseiller, profité de la flambée boursière pour privatiser certaines entreprises de l'Etat, dont la nationalisation en 1981 avait nourri la dette publique. Un cinquième de la dette aurait été épongé, soit une économie de près de 10 milliards d'intérêts par an ! Mais pour des raisons d'affichage idéologique, la gauche a préféré s'abstenir, quitte à se livrer à quelques délestages subreptices pour boucler ses budgets. Pourtant, chacun sait que la tutelle de l'Etat n'est pas bénéfique aux entreprises : la débâcle du Crédit lyonnais et de France Télécom en est la désolante illustration. Depuis l'euphorie de naguère, le tas d'or a fondu. La Bourse a chuté de 60 %, et les actifs de l'Etat sont dévalorisés. Mais quelques privatisations restent envisageables : France 2 par exemple. A-t-on vraiment besoin de deux chaînes de télévision publiques, qui ne se soucient de leur tutelle que pour réclamer des moyens supplémentaires ? France 3, la chaîne de la France d'en bas, suffirait pour assurer le rôle de témoin initialement dévolu au secteur public. Cette privatisation permettrait également de supprimer la redevance, qui finalement coûte plus cher à l'Etat qu'elle ne lui rapporte.

Une autre piste à creuser est l'ouverture du capital de certaines entreprises publiques, à la fois pour répondre aux exigences de Bruxelles et pour leur donner les moyens de se développer dans le monde sans que leur monopole en France leur soit reproché.

En ce qui concerne les baisses d'impôt, qui doivent libérer du pouvoir d'achat et favoriser l'investissement, l'opposition qui vous critique a tort. Notre pression fiscale est une des plus élevée, et notre taux de chômage aussi. Ce parallélisme n'est pas fortuit. La baisse de l'impôt est d'ailleurs considérée partout ailleurs dans le monde occidental comme un des facteurs de la relance de l'activité. M. Charzat, député socialiste mandaté par le gouvernement précédent, a lui-même confirmé que la surcharge fiscale des particuliers et des entreprises est une des raisons de la fuite des talents. Depuis 1990, 250 000 Français se sont établis à Londres et 40 000 aux Etats-Unis. L'impôt sur le capital, dont le taux moyen est très élevé, l'ISF, dont le coût de recouvrement sera bientôt supérieur au produit, l'impôt sur les sociétés, pousse à délocaliser l'emploi de l'autre côté de nos frontières. C'est ainsi qu'en Lorraine, 70 % des frontaliers vont travailler au Luxembourg ou en Belgique. Des friches industrielles vont encore être transformées au Luxembourg en un vaste complexe industriel et universitaire, alors que tout à côté, les nôtres restent en complète déshérence. Au début des années 1980, après le démantèlement du site sidérurgique de Longwy, un pôle européen de développement de 400 hectares avait été créé à cheval sur les trois pays. Aujourd'hui, le Luxembourg et la Belgique ont fait le plein, et nous en sommes loin. Vous avez décidé d'apporter une vraie réponse au désintérêt des investisseurs. Le problème appelle une solution courageuse, après les discours démagogiques qui ont aveuglé les Français trop longtemps, et nous attendons avec impatience le projet que vous avez annoncé à ce sujet.

Ce projet de budget est le meilleur compromis pour remédier aux erreurs de vos prédécesseurs et tracer les perspectives du redressement budgétaire. Il respecte les engagements du Président de la République et assure le soutien de l'économie dans une conjoncture particulièrement difficile. C'est pourquoi nous le soutiendrons avec détermination et conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Xavier Bertrand - Le vote du budget est un acte majeur de toute assemblée élective. Il traduit une volonté politique et le premier qui nous est présenté dans cette législature est à cet égard un premier pas volontariste, conforme à nos engagements, tourné vers les besoins des acteurs et vers une nouvelle approche budgétaire.

Le constat est simple : la France est engagée dans la compétition internationale, et elle ressemble à un coureur qui prendrait le départ avec deux boulets aux pieds. Avec le poids de la fiscalité et celui des dépenses publiques, comment rivaliser ? C'est pourquoi le projet de budget mise sur la baisse des impôts et des charges pour revitaliser l'emploi et l'initiative. Il met en place des mesures pragmatiques afin de créer richesses et emplois, telles que la baisse des charges pour les emplois peu qualifiés, la suppression définitive de la part salariale de la taxe professionnelle, l'extension de la prime pour l'emploi au travail à temps partiel ou les contrats jeunes destinés aux moins diplômés. La baisse de l'impôt sur le revenu restaure l'attractivité de notre territoire, que nos concitoyens les plus entreprenants ont quitté.

Nous faisons également le choix d'augmenter le pouvoir d'achat du plus grand nombre de Français, ainsi que le montre l'harmonisation des SMIC par le haut. L'objectif est double : que les ménages consomment et que les entrepreneurs investissent, car ce sont là les vrais moteurs de la croissance.

Le Gouvernement a choisi de baisser la fiscalité, et j'attire l'attention de chacun sur le fait que ce choix ne concerne pas le seul Parlement. Il ne faut pas faire apparaître les élus comme des Janus qui prôneraient les baisses d'impôts dans l'hémicycle et laisseraient déraper la fiscalité locale. Nos concitoyens ne seraient pas dupes, car quel que soit l'impôt, c'est toujours le même contribuable qui paye - et le contribuable sait compter. Les lois de décentralisation apporteront la clarification des compétences qui s'impose. Mais d'ici là, soyons prudents !

L'article 14 qui concerne la déliaison des taux introduit plus de souplesse. Expérimentons-le avant d'aller plus loin, car il ne faut pas aller trop vite en besogne. Nous devons rassurer les acteurs économiques pour créer les conditions de la confiance. Et ce qui est vrai sur le plan national l'est tout autant sur le plan local. Trop d'impôt tue l'impôt : cette remarque de bon sens guide notre action.

Réduire la fiscalité est une condition nécessaire mais non suffisante de notre réussite. Dégager de nouvelles marges de man_uvre budgétaires implique de nous libérer du deuxième boulet qui entrave le dynamisme français : le poids de la dépense publique. Avec ce premier budget, nous montrons que nous pouvons répondre aux préoccupations de nos compatriotes - retraite, justice - sans perdre de vue cet objectif. Le projet de loi de finances pour 2003 va dans la bonne direction puisque le titre IV est mieux maîtrisé, passant de 78 à 75,8 milliards d'euros. Le Gouvernement propose une nouvelle baisse des prélèvements obligatoires de plus de 4 milliards d'euros en 2003. Une majorité de nos concitoyens appelle de ses v_ux un changement de mentalité et de pratique, qui implique une réorganisation plus efficace des services publics. Nous devons réformer en nous gardant de trois écueils : céder à la facilité en nous contentant de timides efforts ; de ne rien faire et laisser filer la dépense publique ; trancher sans discernement, en oubliant notre objectif qui est de maintenir un service public de qualité.

Sachez que vous pouvez compter sur notre détermination et notre soutien, d'autant que si certaines dépenses sont difficilement compressibles, d'autres peuvent l'être.

Ce projet de loi de finances modifie l'approche de la procédure budgétaire, et c'est heureux. Car au déficit des finances publiques s'était ajouté un déficit de communication et de confiance : par rapport à cette pratique, l'affaire de la cagnotte a été un point d'orgue. Vous avez raison de casser la spirale de la défiance.

Les actes parlent aussi : les baisses d'impôts et de charges sont ici financées - et non par de sombres ponctions sur les entreprises publiques ou des recettes aléatoires.

La confiance passe également par un meilleur suivi de l'exécution budgétaire, tant pour les recettes que pour les dépenses. Nous partageons votre souci de transparence, de sincérité et de pédagogie.

Le vote d'un budget donne souvent l'occasion d'observer des postures politiques voire politiciennes. Nous avons pu le faire hier. Nous n'irions pas dans la bonne direction ? Ceux qui nous donnent des leçons ont été renvoyés à leurs chères études par les Français ! D'autres voudraient aller plus loin et plus vite. Mais une législature dure cinq ans, non cinq mois.

Tenir nos engagements devant les Français, tel est notre choix et notre honneur.

Vous pourrez compter sur notre soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Éric Woerth - Un bon budget exprime des choix politiques clairs ; financièrement, il n'insulte pas l'avenir ; il entraîne une spirale de croissance. En ce sens, votre budget est très bon.

La majorité plurielle a gâché la croissance et laisse un héritage désastreux dont nous payons les droits de succession. La conjoncture mondiale est troublée : ralentissement économique, terrorisme, risque de conflit en Irak compliquant toute prévision économique.

Le Gouvernement a raison, dans cet océan d'incertitudes, d'afficher une perspective ambitieuse de croissance. S'il ne le faisait pas, nous aurions beau jeu de critiquer un pessimisme démobilisateur. La polémique entretenue par la gauche sur les hypothèses de croissance est stérile : soyons pragmatiques. Si le taux de croissance est inférieur à 2,5 %, nous nous adapterons.

Ce budget est vertueux et efficace ; vertueux parce qu'il restaure la transparence des comptes. Un ministre serait bon parce que son budget augmente ? Non. Un ministre est bon parce qu'il sait redéployer ses crédits, parce qu'il fait mieux avec moins.

Encore faut-il que les crédits affectés soient utilisés. Le ministère de l'environnement l'an dernier n'a ainsi consommé que 42 % de ses crédits.

Ce budget symbolise le passage d'une économie d'assistance à une économie de travail. Il rompt avec une vision socialisée à outrance, où la société d'assistance tue la société d'initiative, où l'espoir se paie à crédit. Nous mettons un terme à cet inexorable appauvrissement de la société française.

Ce budget met en avant la maîtrise des dépenses de fonctionnement et l'accélération spectaculaire des dépenses d'investissement.

Pour la première fois depuis cinq ans, les dépenses d'investissement de l'Etat augmenteront de près de 2 milliards d'euros.

La vertu n'empêche ni l'efficacité, ni le courage. Le budget donne des signes forts aux entreprises dans le droit fil des engagements pris par le Président de la République, avec notamment la réduction des prélèvements obligatoires grâce à la poursuite de la baisse de l'impôt sur le revenu et à l'allégement des charges. Ces mesures doperont la consommation et l'investissement.

Efficacité économique et efficacité sociale sont étroitement liées. Je pense à la prime pour l'emploi et à la substitution progressive de vrais emplois aux emplois aidés.

Le chemin choisi est le bon ; il sera long et difficile. Il n'y aura pas de réussite sans confiance. Nous devons la rétablir entre les Français et la France, entre les Français et l'Etat.

La clé d'un budget, c'est la réforme de l'Etat. Le budget 2003 est la première pierre d'un édifice que cette majorité est fière de construire avec vous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Chamard - Je ne reviendrai pas sur la présentation générale du budget. Bien des orateurs ont exprimé le point de vue de l'UMP. Néanmoins, une remarque : sur tous les bancs, je constate un vrai consensus. Notre choix d'une démarche en deux temps - 2003, on stoppe l'évolution du déficit, 2004, on commence à le diminuer - est approuvé, de façon générale, hors les exercices obligés de l'opposition. J'ai lu l'article de M. Strauss-Kahn dans Le Monde : cette stratégie, qui nous a valu quelques déboires sur le plan européen, est comprise par tous les Français.

La grande erreur de nos prédécesseurs fut de ne pas profiter des années de croissance pour réduire le déficit et donner les marges de man_uvre dont nous avons besoin aujourd'hui.

Je tiens à vous faire part de ce qu'un « bleu » de la commission des finances a constaté en commençant à travailler. Nous baignons tous dans la culture de la dépense. Dans les rapports budgétaires, tous les jugements positifs s'adressent à l'augmentation des dépenses. Quand elles baissent, on en parle le moins possible. Pour juger des évolutions, nous avons besoin d'outils de comparaison ; or nous ne pouvons guère nous référer qu'aux crédits inscrits l'année précédente.

J'ai l'expérience de la « France d'en bas », chère à notre Premier ministre. Depuis vingt ans, je préside la commission des finances du conseil général de la Vienne. Les dépenses moyennes par ménage, lorsque nous sommes arrivés avec René Monory, étaient dans la moyenne nationale ; aujourd'hui, la Vienne est de tous les départements français celui qui fait payer le moins à ses habitants - 500 F contre 800 F de moyenne nationale.

Pour juger de la qualité d'une dépense, il faut définir des agrégats simples : combien coûte, par an, la formation d'un élève, la détention d'un prisonnier, etc.... Alors, on peut juger de l'évolution de ce coût au fil des ans et le comparer avec celui de nos partenaires.

Comparons ce que coûte la formation d'un élève, en France, avec le coût moyen dans les pays de l'OCDE selon les statistiques de 1999. Pour l'enseignement primaire, nous sommes dans la moyenne. Dans le secondaire, le coût, en France, n'est pas le plus élevé, mais nous nous situons au troisième rang, derrière les Etats-Unis et le Danemark. Nous consacrons chaque année à la formation d'un élève du secondaire 33 % de plus que la moyenne de l'OCDE. Pourquoi ? Avons-nous trop de surveillants ? Certes non. En revanche, la France est le pays du monde, Italie exceptée, où le nombre des élèves par enseignant est le plus bas dans le secondaire. Mais de nombreux enseignants n'officient pas devant les élèves et surtout, aucun pays au monde ne propose, comme nous, plus de 350 options aux élèves ! En a-t-on débattu, a-t-on demandé l'avis des contribuables ? Jamais ! C'est ce que l'on appelle un choix implicite.

M. le Rapporteur général - Très bonne démonstration !

M. Jean-Yves Chamard - Ayons au moins ce débat pour que le choix devienne explicite ou laisse place à d'autres priorités ! Nous avons besoin sur chaque sujet d'indicateurs comparatifs pour justifier les redéploiements, diminutions ou augmentations de crédits. Cela suppose de disposer d'outils statistiques, donc de travailler avec l'OCDE, nos partenaires européens, les ministères, la Cour des comptes et... l'Assemblée nationale. Il ne s'agit pas d'augmenter notre budget, car nous devons montrer l'exemple, réfléchir par exemple sur la nécessité que certains services restent ouverts jusqu'à 3 heures du matin sous prétexte que nous siégeons. Nous participerions ainsi à l'indispensable effort de maîtrise de la dépense publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur général - Excellent !

M. Jean-Pierre Decool - Ce premier projet de loi de finances, de la nouvelle législature, s'inscrit dans un contexte international difficile : la perspective d'une intervention en Irak et le terrorisme ont un impact sur la situation financière mondiale, et les grandes places boursières ont connu des krachs inquiétants. C'est dans cette conjoncture difficile, et après des années de croissance, que le Gouvernement a bâti un budget fondé sur une hypothèse de croissance de 2,5 % qui est autant un objectif qu'une prévision. Pour atteindre cet objectif, il faut relancer l'emploi - abattement de charges pour les entreprises, contrats-jeunes - et la consommation - allégements des impôts - sans oublier les dispositions à prendre en faveur de la sécurité intérieure, de la justice et de la défense.

Le budget doit devenir transparent, sincère et simple. Le Gouvernement s'y est engagé, et je ne puis que l'encourager dans cette voie. La sincérité des comptes publics, à laquelle concourra la loi organique du 1er août 2001, est l'un des fondements de la confiance qui nous a été accordée.

Le budget doit être aisément compréhensible par les Français. La simplification des déclarations fiscales et de l'impôt doit être la première étape de la simplification de la vie de l'administré et du contribuable.

Pour aider les entreprises, il faut faciliter le plus possible leurs démarches administratives, afin qu'elles consacrent toute leur énergie à l'emploi, à l'investissement et à la créativité. Les mesures de simplification de la taxe professionnelle sont à cet égard encourageantes.

Ce projet consent d'autre part un effort important en faveur de l'agriculture.

Afin d'assurer la solvabilité de la protection sociale agricole, l'Etat consent un effort non négligeable en faveur du budget annexe des prestations sociales agricoles. Le montant de la solidarité interprofessionnelle, via la contribution sociale de solidarité, est fixé à 650 millions d'euros, auxquels s'ajoute l'affectation de taxes au titre de la solidarité nationale. La subvention d'équilibre de l'Etat passe de 326 à 574 millions d'euros, sans compter un prélèvement de 31 millions d'euros sur les caisses de mutualité sociale agricole, qui doit faire l'objet d'une concertation, car le dialogue avec tous les partenaires est une nécessité pour le secteur agricole.

Le projet de budget prévoit enfin le financement de la réforme des retraites agricoles, en particulier du régime de retraite complémentaire obligatoire, dont le financement n'avait pas été prévu. L'Etat participe dont à hauteur de 28 millions d'euros. La réforme doit cependant être étendue à l'ensemble des actifs agricoles, conjoints ou aides familiaux.

Monsieur le ministre, nous soutenons votre projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Jacques Descamps - Notre situation, après de trop nombreuses années de politique socialiste, au mieux sociale-démocrate, et quelques trop rares années de politique libérale, se révèle catastrophique.

La place de la France dans la lutte contre le chômage, en matière de déficit budgétaire, de création d'entreprises ou de compétitivité, régresse. Les lourdeurs administratives et le poids insupportable des prélèvements obligatoires découragent les entrepreneurs. Malheureusement, les traditionnelles pesanteurs conservatrices sont largement encouragées par des syndicats irresponsables et une gauche qui, ayant perdu le pouvoir dans les urnes, aimerait le retrouver dans la rue.

Un déficit public beaucoup plus élevé que prévu et le retournement de la conjoncture internationale, conjugués à une culture des droits acquis, rendent difficile la tâche que les électeurs nous ont assignée : faire de la France un pays plus entreprenant, plus compétitif, où l'on travaille pour gagner sa vie sans avoir besoin d'être assisté, mais aussi un pays plus sûr et plus influent dans le monde. Vous avez préparé ce budget en quelques semaines et dans une conjoncture incertaine. Il reste donc marqué par les errements du passé : ses priorités sont trop nombreuses pour être toutes satisfaites.

Vos choix sont judicieux : vous avez su poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu, encourager l'aide à domicile des familles, améliorer la prime pour l'emploi, sans sacrifier les investissements - en particulier militaires - et en redéployant les effectifs au profit de la police, de la gendarmerie et de la justice, tout ceci sans augmenter le déficit.

Ce premier budget, qui rompt avec le passé, est donc bon. Nous aurions certes préféré y voir des signes plus tangibles de la volonté de l'Etat de se réformer et de simplifier la fiscalité. Nous aurions aimé que disparaissent plus vite quelques freins à l'attractivité de notre pays pour les capitaux comme pour les cerveaux.

Je comprends que vous ne souhaitiez pas, malgré la pression du Parlement, toucher au fragile équilibre de ce budget de remise à niveau. Vous voulez vous donner un peu plus de temps pour élaborer des réformes de fond.

Nous espérons beaucoup de votre expérience en matière de réforme des grandes organisations, de votre volonté de développer la culture d'entreprise mais aussi de votre rigueur de gestion des deniers publics.

Vous et votre majorité avez cinq ans pour agir, pour combattre les conservatismes et pour faire comprendre à nos concitoyens que leur avenir et leur sécurité dépendent davantage de la liberté et de l'initiative individuelle que d'une protection abusive de l'Etat.

Je voterai donc votre budget avec conviction et détermination. Je défendrai néanmoins quelques amendements sur la redevance audiovisuelle, les économies dans les services publics et la responsabilisation des élus locaux afin de vous entendre nous confirmer vos ambitions de réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Louis Giscard d'Estaing - S'il reflète la volonté du Gouvernement et de la nouvelle majorité, le budget 2003 porte aussi la marque des hypothèses retenues par le gouvernement Jospin pour la confection du budget 2002 et de la dégradation de nos finances publiques. Comme le disait ce matin Alain Rodet, les faits sont têtus. Le Gouvernement doit assumer les conséquences d'une gestion irresponsable.

Alors que M. Fabius s'est évertué pendant tout l'automne 2001 à minorer les dépenses et à surévaluer les recettes, l'audit a révélé la pertinence de nos mises en garde : le déficit excède les prévisions de 14 milliards d'euros.

Comme l'a dit Pierre Méhaignerie, les socialistes doivent aujourd'hui rendre compte de leurs mensonges d'Etat. En effet, nombre de décisions du gouvernement Jospin n'étaient pas financées : la loi Aubry 2, l'APA, les CTE, les retraites agricoles - le déficit du BAPSA en 2002 sera de 746 millions d'euros ! -, sans parler du non-financement des casernes de gendarmerie et des arriérés de loyers.

Dans les contrats de plan, la consommation des crédits d'Etat est en recul, ce qui se traduit par des retards de réalisation des projets.

Où sont passés les responsables de ce bilan ? La démocratie exigerait un débat ici, avec eux. Certes l'ancien Premier ministre s'est retiré de la vie publique et certains de ses anciens ministres n'ont pas été réélus. Mais d'autres sont toujours membres de notre assemblée - je pense à M. Fabius et à M. Glavany. Pourtant l'ancien ministre des finances n'est pas venu siéger à la commission et ne semble pas s'être inscrit dans ce débat. Etrange conception de la défense d'un bilan prétendument excellent !

Monsieur le ministre, votre projet de budget est sincère et réaliste, il engage l'assainissement des finances publiques. Nous le soutenons avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Estrosi - Nous devons faire face à une situation économique et budgétaire très dégradée, en dépit d'une conjoncture internationale exceptionnellement favorable pendant les cinq dernières années. L'économie française n'a pas réussi à retrouver sa compétitivité, le déficit du budget de l'Etat s'élève à 40 milliards d'euros et les prélèvements obligatoires ont atteint en 1999 le niveau record de 45,6 % du PIB.

Nos entreprises sont entravées par une fiscalité lourde et des charges sociales inadéquates.

Nous avançons sur un terrain miné par les bombes à retardement laissées par le gouvernement Jospin : 35 heures, emplois-jeunes, CMU, APA, etc. Cinq ans de socialisme ont fait de notre pays le maillon faible de l'économie européenne.

Le récent audit des finances publiques a permis aux Français de juger ce bilan et au nouveau gouvernement d'en tirer les conséquences. Parce que la pression fiscale devient insupportable pour un grand nombre de nos concitoyens, nous avons voté une baisse de l'impôt sur le revenu de 5 % dès la première loi de finances rectificative et nous continuons avec cette loi de finances pour 2003. C'est un effort sans précédent en faveur de tous les ménages français. Mais nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour respecter nos engagements. La baisse des impôts doit demeurer un objectif permanent et irrévocable et les parlementaires peuvent vous y aider.

S'il appartient à l'Etat de dépenser pour ses missions régaliennes et pour aider les plus démunis, il doit aussi rendre aux Français un peu de l'effort qu'ils ont consenti ces dernières années, ce qui favorisera la croissance.

C'est ainsi que vous avez entrepris de négocier avec les institutions européennes, notamment sur la baisse de la TVA dans la restauration. Où en sont ces négociations et dans quel délai espérez-vous aboutir ?

Ce budget est ambitieux car il concourt à relancer notre économie et à satisfaire les attentes des Français. Mais parmi celles-ci figure aussi la volonté de voir l'Etat réformé. Le poids de l'Etat, ces dernières années, a conduit à l'immobilisme et à la paralysie. La réforme de l'Etat permettra de diminuer les dépenses publiques. Mais dépenser moins et mieux, c'est veiller à ce que les collectivités locales, dont le rôle va augmenter, ne soient pas contraintes à accroître leur fiscalité, ce qui anéantirait les bénéfices de la réforme.

L'exemple scandaleux de l'APA, financée sur le dos des conseils généraux, en est la preuve. Quand, au moment où l'Etat engage la baisse de l'impôt sur le revenu, les conseils généraux sont obligés d'augmenter la fiscalité locale de 4 % en moyenne pour financer une mesure du gouvernement précédent, quel message perçoivent nos concitoyens ? Il faut donc éviter une décentralisation non accompagnée des moyens correspondants.

Par ailleurs, on constate que la décentralisation n'a pas conduit l'Etat à faire le ménage chez lui. Quand la gestion des collèges et lycées a été confiée aux collectivités locales, qui ont recruté en conséquence, les rectorats n'ont pas pour autant réduit leurs effectifs. Avec la loi Voynet et la loi Chevènement, des communautés d'agglomération ou de communes se créent tous les jours et pourtant les communes ne dégraissent pas leur personnel. Vous envisagez de réduire la fonction publique d'Etat de 1 500 postes en 2003, mais si dans le même temps nous créons 3 000 ou 4 000 postes de plus dans la fonction publique territoriale, on se moque des Français ! Il faut donc une approche globale, une simplification de la gestion publique se traduisant par une baisse des effectifs totaux.

Un mot de la réforme de la sécurité et de la justice. Ce projet prend en compte les grandes orientations définies lors de notre session extraordinaire de juillet dernier. Toutes les mesures votées sont financées, ce qui est une grande nouveauté par rapport à la précédente législature. Je rends hommage au Gouvernement de cet effort sans précédent pour répondre à une première préoccupation des Français, qui vivent très mal la montée de la délinquance. Votre projet de budget répond donc en partie aux attentes légitimes des Français. Mais il ne peut être qu'une étape pour redonner à notre pays toute sa vigueur. Le Parlement peut vous aider à aller plus vite et plus loin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Remiller - C'est dans un climat économique et international particulièrement difficile que nous examinons ce projet de budget. Comme toujours, nous héritons de caisses vides et d'une conjoncture défavorable pour y faire face. En outre, nous devons assumer toutes les mesures prises par la gauche plurielle et non financées pour certaines. L'exercice n'est pas aisé.

Pourtant l'ensemble des engagements du Gouvernement sera tenu. Vous limitez la progression de la dépense publique en deçà de la croissance de 2003, ce qui permettra de baisser les impôts et les charges et de réduire le déficit. En cela, vous rompez incontestablement avec les habitudes de vos prédécesseurs.

Le mérite de ce projet est donc de répondre aux attentes des Français et de financer les priorités du Gouvernement. Les grands textes votés en juillet dernier sont financés, ce qui n'était pas le cas sous l'ancienne législature.

Du reste hier, des « emplois-jeunes » occupaient l'ANPE de Belleville, car, disaient-ils, ce qui les attend, c'est le chômage : preuve que ces emplois n'étaient pas financés au-delà de 5 ans.

Enfin, vous engagez le redressement des comptes publics, nécessaire pour mener de profondes réformes.

Je salue la baisse de l`impôt sur le revenu, la revalorisation de la réduction d'impôt pour emploi à domicile, la baisse des charges des entreprises. Mais le problème de la redevance audiovisuelle, obsolète et impopulaire, subsiste. Cet été on a même pu craindre qu'elle n'augmente. Il faut vraiment engager une réflexion de fond sur cette réforme incontournable, et je souhaite que le Parlement y soit associé. Des amendements ont été déposés à ce sujet. La redevance est l'impôt dont l'assiette est la plus incertaine, d'où la fraude ; les exonérations sont d'une rare complexité, le coût de la collecte très élevé. Surtout, comment accepter de financer ainsi l'audiovisuel public alors que ses programmes sont de faible qualité et guère différents de ceux des chaînes privées ?

C'est pourquoi j'ai cosigné la proposition de loi visant à supprimer la redevance. Certes le ministre de la culture ne souhaite pas aller dans cette voie. Néanmoins il faudra bien tenir compte dans la réflexion sur le financement de l'audiovisuel public de ces critiques et du décalage grandissant entre le recours à une taxe et l'évolution réelle du secteur.

Nous soutenons votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Xavier de Roux - La principale critique portée à ce budget vise le taux de croissance retenu. Mais on le sait, l'économie n'est pas une science exacte. Entre le produit matériel brut marxiste sur lequel reposait le Gosplan et l'anarchie du marché, retenir un taux de croissance n'est qu'une hypothèse.

En revanche, la direction générale dans laquelle vous vous engagez répond bien aux souhaits des Français, c'est-à-dire l'allégement de charges. On en parlait depuis des années, on ne le faisait jamais. Mais nous faisons l'Europe. A l'époque de la libre circulation des personnes des capitaux et des biens, conserver des prélèvements trop différents conduirait à des délocalisations. Déjà de grandes entreprises françaises ont leur siège à Bruxelles ou aux Pays-Bas.

Cependant, baisser les charges, signifie aussi diminuer les dépenses, ce qui nécessite une réforme profonde de l'Etat. Jusqu'à présent, on s'est contenté de transférer aux collectivités locales des dépenses comme l'APA, le coût des 35 heures ou celui du service de lutte contre l'incendie, ce qui a provoqué une augmentation considérable de la fiscalité locale.

Il faut donc, et je sais que vous allez le faire, réformer en même temps profondément le financement des collectivités locales pour accompagner ce transfert de charges. Cette réforme est difficile, mais c'est elle qui permettra de libérer les énergies et de rendre notre pays attrayant pour les investisseurs. C'est la solution de nos maux, notamment du chômage. Avec ce budget, vous ouvrez ce chantier. Il faut aller plus loin, il faut aller vite, et commencer dès maintenant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Anne Montchamp - Ce projet traduit un réel souci de sincérité et de transparence, et l'idéologie y fait place au pragmatisme. Dépenses et recettes ont été évaluées de façon à ce que l'exécution soit la plus proche possible de la prévision avec une volonté louable d'efficacité.

Je me félicite de même que vous mettiez un terme à la dérive des déficits en stabilisant le déficit budgétaire au niveau relevé par l'audit pour 2002, soit une diminution en pourcentage de la richesse nationale.

Le Gouvernement veut renforcer notre capacité de production, inciter au travail, stimuler l'emploi pour améliorer nos équilibres financiers, renforcer le dynamisme social et engager la réforme.

Les mesures annoncées en faveur des petites entreprises vont dans ce sens. Je regrette cependant que leur application soit différée jusqu'au budget pour 2004.

En effet, les PME sont les premiers employeurs de France et, du fait de leur organisation souple, les plus aptes à embaucher. Alléger la fiscalité sur la petite entreprise, c'est à la fois augmenter la capacité d'entreprendre mais aussi le pouvoir d'achat ! De même l'allégement des impôts sur les ménages a deux vertus : rendre le territoire plus attrayant et libérer les initiatives économiques

M. Jean-Pierre Brard - Ne faites pas de la perversité une vertu.

Mme Marie-Anne Montchamp - Aujourd'hui, en effet, en Ile-de-France 30 % des créateurs d'entreprise sont des cadres supérieurs et 35 % de ces créateurs investissent plus de 15 000 euros, 12 % plus de 76 000 euros. Disons-le, l'argent ainsi employé à créer des activités et des emplois marchands sert autant l'intérêt du pays que l'argent prélevé par l'impôt.

Il est donc indispensable d'instituer des incitations fiscales efficaces pour que les capitaux disponibles s'investissent chez nous. Concilier l'efficacité et la possibilité pour le plus grand nombre de prendre des initiatives économiques, c'est réconcilier la République et l'entreprise, l'intérêt général et l'économie de marché, c'est offrir aux Français de nouvelles perspectives d'avenir.

Pour ce faire, les solutions existent. Le gouvernement en met en _uvre un certain nombre et annonce d'autres mesures pour diminuer et rationaliser la fiscalité des PME. Je l'en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Edouard Landrain - Je voudrais vous dire mon amertume de constater que les plus belles années de croissance n'aient pas été utilisées au mieux, mais aussi l'espoir, chez beaucoup de Français, que ce gouvernement va remettre les choses en place.

M. Jean-Pierre Brard - C'est vous qui serez remis en place.

M. Edouard Landrain - Il va falloir assainir la situation financière, recadrer beaucoup de choses - y compris les interventions de M. Brard, peut-être- et agir pour ne pas léguer à nos enfants une dette insupportable.

Les obstacles sur la route du Gouvernement étaient majeurs : 35 heures, emplois-jeunes, APA, SDIS... Il a su y faire face et ses premières mesures - réduction des dépenses, budget sérieux et sincère, priorité donnée à la justice, la sécurité et la défense - vont dans le bon sens.

Je voudrais évoquer un budget qui me tient à c_ur : celui des sports, le plus petit de tous. 401 millions d'euros, c'est peu par rapport aux 25 millions de pratiquants et aux 14 millions de licenciés. Sans les collectivités territoriales, le sport serait en grande difficulté.

Ce budget est alimenté par le FNDS, qui tire sa richesse d'un prélèvement de 2,9 % sur la Française des jeux. Mais ce mode de financement pose quelques problèmes au regard de la loi organique votée en août 2001. Il va falloir trouver un système qui y soit plus conforme, peut-être une fondation. Mais en l'état actuel des choses, le FNDS est absolument indispensable au soutien sportif. Pouvez-vous donc, Monsieur le ministre délégué, nous rassurer sur son avenir et nous promettre qu'un jour le budget du sport aura une part plus importante de celui de la Nation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous avons terminé d'entendre les orateurs dont l'intervention était prévue pour la séance de ce matin.

Conformément à la décision de la Conférence des présidents, les porte-parole des groupes interviendront cet après-midi, après les questions au Gouvernement.

En conséquence, prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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