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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 8ème jour de séance, 19ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 16 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

ÉDUCATION NATIONALE 2

LOGEMENTS SOCIAUX 3

IRAK 3

DÉCENTRALISATION 4

ISLAM 5

INQUIÉTUDES DES MÉDECINS SPÉCIALISTES 5

REDÉPLOIEMENTS DANS LA POLICE ET LA GENDARMERIE 6

SIMPLIFICATIONS ADMINISTRATIVES 7

ABATTAGE DES BOVINS EN CAS D'ESB 8

DÉCENTRALISATION ET SOLIDARITÉ 8

EXPLOITATION OFFSHORE
DANS L'ATLANTIQUE NORD 9

CRISE DU MONDE SPORTIF 10

LOI DE FINANCES POUR 2003 (suite) 10

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 27

ERRATUM 33

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

ÉDUCATION NATIONALE

M. Manuel Valls - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, les enseignants, les agents d'entretien, les chefs d'établissement, les parents d'élèves et les étudiants descendront demain dans la rue pour manifester leur profonde inquiétude face à la diminution du budget de l'Education nationale. C'est là un fait sans précédent qui traduit une profonde angoisse.

Les députés socialistes sont pleinement solidaires de ce mouvement, ayant la volonté de défendre l'école républicaine (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le précédent gouvernement avait fait de l'éducation nationale une grande priorité, vous n'avez pas poursuivi sur cette voie : 31 700 emplois ne seront pas au rendez-vous de la rentrée prochaine, dont 20 000 contrats d'aides-éducateurs et 5 600 surveillants.

Jack Lang (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) avait décidé de créer, dans le cadre d'un plan pluriannuel, 5 000 postes de professeurs dans le secondaire. Ils ne verront pas le jour, ce qui veut dire que la parole de l'Etat ne sera pas respectée. On ne peut décemment affirmer vouloir lutter contre la violence et l'échec scolaire, et amputer lourdement les crédits pédagogiques et sabrer dans les postes (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Vos choix pour l'Université, ainsi que ceux du Gouvernement dans le domaine de la recherche, confirment que vous ne prévoyez pas l'avenir.

Vous vous attribuez la paternité de réformes engagées par vos prédécesseurs, auxquelles vous avez parfois contribué, il est vrai, je pense notamment à la lutte contre l'illéttrisme (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Laissez M. Valls poser sa question.

M. Manuel Valls - Qu'allez-vous répondre aux manifestants de demain qui doutent de votre volonté de mettre en _uvre tous les moyens nécessaires au succès d'une mission essentielle pour le pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Je vous réponds oui : l'école reste la priorité de la nation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Vous ne pouvez pas dire que notre budget est un budget d'abandon. L'an prochain, le budget de l'Education nationale augmentera de 2,2 %, 1 000 postes seront créés dans le premier degré, alors que vous n'en aviez prévu que 800, 133 millions d'euros seront débloqués pour améliorer les conditions du personnel, ce qui représente une hausse de 40 % par rapport au budget précédent. Quatorze millions d'euros seront affectés au dispositif-relai pour lutter contre la violence scolaire, un problème que vous avez laissé en l'état (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Regardons les chiffres. Depuis dix ans, le recrutement du personnel ne cesse de croître, alors que le nombre d'élèves diminue. Et les résultats stagnent. A une logique d'affichage de moyens, nous préférons une logique d'objectifs et de résultats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Alors que la gauche a commencé par culpabiliser et agresser les professeurs, nous allons faire, avec eux, un audit des besoins réels. Cela vaut mieux que les effets de manche et l'agitation politicienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

LOGEMENTS SOCIAUX

M. Gilles Artigues - Monsieur le ministre du logement, l'article 55 de la loi Solidarité et renouvellement urbain, impose aux communes la réalisation de 20 % de logements sociaux (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

L'idée de mixité sociale est certes généreuse, mais le système, dévoyé par la gauche, connaît de graves dysfonctionnements (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). De nombreux maires, de tous bords, sont inquiets. Que comptez-vous faire pour modifier ce dispositif ? Allez-vous, contrairement à votre prédécesseur, faire davantage confiance aux élus locaux ?

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Cet article 55 a suscité de longs débats, voire des polémiques. Il énonce un principe simple, un principe républicain approuvé, je le sais, sur tous les bancs, celui de la mixité sociale. Mais la mise en _uvre n'a pas produit les résultats escomptés, parce que l'on a fait le choix de la coercition. C'est pourquoi vous sera présenté d'ici la fin de l'année un texte d'origine parlementaire, qui pose le principe de la contractualisation des communes avec l'Etat. Les communes qui accepteront de contracter se verront accorder les moyens financiers nécessaires à la construction des logements, les autres restant dans le cadre de l'article 55. En un mot, à la contrainte, nous préférons le contrat, à la coercition, l'incitation. Enfin, j'y insiste, nous faisons pleinement confiance aux élus locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

IRAK

M. le Président - La parole est à M. Maxime Gremetz (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Maxime Gremetz - Monsieur le Premier ministre, après la guerre du Golfe et onze ans d'embargo, l'Irak est le théâtre d'une tragédie humaine. Un million d'Irakiens, dont 50 000 enfants, y ont déjà perdu la vie. Or, malgré les appels de la communauté internationale, le Président américain, avec l'assentiment du Congrès, prépare son pays à ce qu'il qualifie sans vergogne de guerre préventive. Le bruit de bottes devient assourdissant.

Quelles sont les réelles motivations ? Est-il besoin de rappeler que l'Irak est le deuxième pays producteur de pétrole de la région et que les Etats-Unis cherchent à se libérer de leur dépendance énergétique vis-à-vis de l'Arabie Saoudite ? Sans nul doute, cette guerre servirait les intérêts économiques et géopolitiques américains.

Autrement dit, nous avons affaire à une stratégie impérialiste, fondée sur la démonstration de force et l'unilatéralisme. En acceptant la coopération avec l'ONU, l'Irak a montré qu'il y a une alternative à la guerre. La France doit se montrer digne de sa stature internationale et refuser de se soumettre, au sein du Conseil de sécurité, à l'administration américaine dont les objectifs sont contraires à la paix (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Ma question est simple (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) : en cas de proposition de résolution des Etats-Unis, tendant à leur reconnaître un mandat international légitimant une intervention militaire en Irak, la France utilisera-t-elle son droit de vote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères - Notre objectif est le désarmement de l'Irak, conformément à la résolution du Conseil de sécurité. Cela passe par le retour des inspecteurs de l'ONU, que l'Irak a accepté. Dans ce contexte, une nouvelle résolution du Conseil de sécurité n'est pas nécessaire juridiquement, mais elle pourrait adresser un signal politique fort à l'Irak. De nouvelles résolutions pourraient aussi renforcer l'efficacité des inspections. La France fait confiance au président de la commission de contrôle et de vérification de l'ONU, et au directeur exécutif de l'AEIA.

En cas de manquement grave de l'Irak à ses obligations, il appartient au Conseil de sécurité de prendre des mesures. Nous n'excluons aucune option (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

La France rejette toute idée d'action préventive, ou d'automatisme, dans le déclenchement du recours à la force armée. Au-delà du cas de l'Irak, la France, attachée au respect de la primauté du droit et du multilatéralisme, s'opposera, au Conseil de sécurité, à des positions qui iraient en sens contraire.

La France mise sur le consensus, ce qui exclut qu'elle se lie les mains en brandissant d'ores et déjà le recours au veto. La France décidera de son attitude au vu du résultat des négociations. Aujourd'hui, il serait prématuré d'en dire plus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

DÉCENTRALISATION

M. Robert Lecou - Monsieur le Premier ministre, proximité et simplification sont pour vous des maîtres-mots. Ce matin même, vous présentiez en Conseil des ministres un ambitieux projet de décentralisation, allant dans ce sens.

Nos institutions publiques, si présentes dans la vie de nos concitoyens, leur semblent pourtant très éloignées. Leur empilement, de la commune à l'Europe, rend difficile de cerner les compétences de chacune. L'ensemble des acteurs a du mal à s'y retrouver, les citoyens aussi ! Pouvez-vous, Monsieur le Premier ministre, préciser à la représentation nationale quelles nouvelles relations votre projet entend établir entre l'Etat et les différences collectivités ? (« Il le peut ! » sur les bancs du groupe socialiste) Qu'en sera-t-il de la répartition des compétences, de l'attribution de ressources propres à chaque collectivité, mais aussi du renforcement des contrôles locaux ? Quel équilibre visez-vous entre l'approfondissement de la démocratie locale, les exigences de l'unité nationale et la nécessaire avancée de l'Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Au début des années quatre-vingts, les lois Defferre et Mauroy ont donné un nouvel élan territorial à la France (Interruptions et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Ne soyez pas surpris quand vous entendez des adversaires du sectarisme ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Mais depuis, les lourdeurs et les lenteurs nées du centralisme et de la bureaucratie ont bridé les énergies et les initiatives des territoires. Et cette France centralisée a été particulièrement inéquitable pour ses territoires et illisible pour ses citoyens. C'est elle dont l'impuissance a été contestée en mai dernier. Nous avons entendu l'appel lancé alors et nous sommes sans retard engagés dans une démarche de modernisation de nos institutions républicaines qu'il faut absolument rapprocher des citoyens.

Cela passe par un projet de loi constitutionnelle, dont vous débattrez prochainement. Celui-ci reposera sur cinq piliers : subsidiarité avec des transferts de compétences à tous les échelons, droit à l'expérimentation pour les collectivités, devoir de péréquation pour l'Etat, respect de l'autonomie financière des collectivités, appel aux citoyens eux-mêmes, notamment par le référendum, de façon à les placer au c_ur même de la décentralisation.

Au-delà de ce projet de loi, nous engagerons un large débat à travers tout le pays avec notamment des assises régionales des libertés locales, afin de faire remonter du terrain les initiatives et les projets. Viendra ensuite, dès le printemps 2003, une loi organique définissant les transferts de compétences et les premières expérimentations.

Voilà comment nous entendons faire vivre la République des proximités, lui donner à la fois plus de chaleur et d'efficacité pour nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

ISLAM

M. Jacques Myard - L'islam est aujourd'hui la deuxième religion de France puisque selon certaines statistiques, on dénombrerait quatre à cinq millions de musulmans dans notre pays. C'est bien sûr le résultat des vagues successives d'immigration depuis quarante ans, et même antérieurement. Nos concitoyens s'interrogent cependant sur la place de l'islam dans notre République et notre société. Et leurs interrogations sont légitimes. Ils constatent en effet que, malheureusement, l'intégrisme l'emporte souvent sur la tolérance dans cette religion. Ils se demandent aussi si celle-ci est compatible avec le principe de laïcité qui fonde notre République. Ils craignent enfin que des puissances étrangères ne manipulent parfois certains groupes de musulmans.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez pris des initiatives pour tenter d'organiser la communauté de ces fidèles en France. Quels sont les principes qui guident votre action ? Quels objectifs poursuivez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Oui, l'islam est la deuxième religion de France et il n'est guère aujourd'hui d'enjeu plus important que de travailler à l'intégration de la communauté musulmane de France dans notre République. Comme mes prédécesseurs à ce poste, j'essaie de donner à cette religion une représentation nationale lui permettant de s'exprimer et de trouver place à la table de la République. Mais il doit s'agir d'un islam de France, et non d'un islam en France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Comment y parvenir ? La communauté musulmane de France doit pouvoir désigner librement ses représentants. C'est pourquoi nous n'avons pas remis en question le principe de l'élection mais afin que la communauté soit représentée dans toute sa diversité, il faut que tous ses membres, je pense notamment aux femmes, trouvent leur place dans l'organisation. C'est pourquoi je suis revenu sur ce qui avait été promis, l'élection à elle seule ne garantissant pas la représentation de la communauté dans toute sa diversité. Enfin, aucune puissance étrangère, fut-elle amie de la France, ne doit s'occuper de l'organisation de la communauté musulmane de France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste). S'agissant de la laïcité, question très importante, ce n'est pas pour nous la négation du fait religieux mais la reconnaissance du droit pour chacun de nos compatriotes de vivre sa foi et de la transmettre à ses enfants, dans des conditions parfaites d'égalité entre toutes les religions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste).

INQUIÉTUDES DES MÉDECINS SPÉCIALISTES

M. Philippe Vitel - Les cabinets des médecins spécialistes resteront fermés aujourd'hui. Cette grève traduit l'exaspération et le découragement de ces professionnels de santé qui demandent depuis fort longtemps à être écoutés et compris. Les causes de leur malaise sont multiples : non-revalorisation des actes médicaux depuis sept ans, absence de négociations conventionnelles depuis cinq ans, augmentation permanente des charges et des taxations, maintien d'un statut social et fiscal des plus empiriques pour les praticiens libéraux, problèmes démographiques liés à la réduction du nombre de spécialistes en formation, judiciarisation croissante de l'exercice professionnel, désengagement des compagnies assurant les praticiens en responsabilité professionnelle, rapports difficiles avec les caisses d'assurance maladie. Cela fait beaucoup ! Tout cela est préjudiciable à la qualité des soins et remet en question l'existence même de plateaux techniques libéraux performants et de proximité.

Les premières mesures que vous avez prises, Monsieur le ministre de la santé, comme la médicalisation de l'ONDAM, la suppression des lettres-clés flottantes et la suppression des comités médicaux régionaux, véritables tribunaux d'exception de la maîtrise comptable des dépenses de santé, vont dans le bon sens. De même, la reprise de négociations conventionnelles et l'augmentation, certes encore timide, du numerus clausus sont des signes encourageants pour le corps médical. La balle est dans votre camp...

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Philippe Vitel - La profession attend beaucoup de vous. Quelles mesures envisagez-vous pour répondre aux inquiétudes des médecins spécialistes ?

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Oui, les spécialistes sont exaspérés et désemparés, et je les comprends. Il est normal qu'ils souhaitent être mieux reconnus, ne plus subir les mêmes cadences qu'aujourd'hui, bénéficier d'une meilleure qualité de vie. En quelques mois seulement, nous avons revalorisé l'acte médical pour les pédiatres, rétabli les avantages sociaux des spécialistes qui n'étaient plus conventionnés - ce qui représente 70 millions d'euros -, et d'une manière générale rétabli le dialogue avec la profession. Dans les jours qui viennent, le Gouvernement proposera une solution pour l'assurance des praticiens en responsabilité civile médicale. Enfin, nous avons augmenté de 400 places le numerus clausus, ce qui paraît raisonnable car il faut bannir les coups d'accordéon. Par ailleurs, j'attends pour la fin novembre les conclusions d'une mission sur la démographie médicale.

Le temps du dialogue est revenu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Il appartient aux professionnels et aux caisses d'élaborer une nouvelle convention avant le 1er janvier 2003. Celle-ci devrait être bâtie sur le modèle de l'accord du 5 juin dans lequel chaque partenaire s'est engagé de manière équitable. Notre système de santé a besoin de confiance, de dialogue, de responsabilité partagée. Telle est la voie que nous avons choisie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

REDÉPLOIEMENTS DANS LA POLICE ET LA GENDARMERIE

M. Marcel Dehoux - Ma question s'adresse au ministre de la défense ou au ministre de l'intérieur puisqu'ils ont cosigné la circulaire du 26 septembre décidant un redéploiement des forces de police et de gendarmerie, c'est-à-dire des suppressions de commissariats et de casernes de gendarmerie. Si l'on peut envisager une évolution de la répartition des zones de compétence entre police et gendarmerie, on ne peut accepter la méthode autoritaire que vous avez choisie, sans aucune concertation avec les élus locaux.

En 1998, à la suite du rapport Carraz-Hyest, qui avait suscité l'indignation des élus, le gouvernement avait compris qu'il faudrait convaincre et non pas contraindre (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Mais voilà qu'aujourd'hui les élus locaux vont être « informés des propositions arrêtées par les préfets ». Ainsi apprendront-ils que dans le Nord, six commissariats vont être rayés de la carte sans qu'aucune concertation n'ait eu lieu. La méthode est aux antipodes de celle prônée par le Premier ministre. Allez-vous continuer à ignorer les élus locaux, ou revenir à une concertation en amont des décisions ? Dans le premier cas vous porterez la triste et entière responsabilité d'être, en cet automne 2002, à l'origine de la fermeture unilatérale des commissariats et des gendarmeries de province (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Je fais mien l'excellent objectif de Lionel Jospin en 1998, qui fut le premier à enclencher une réflexion sur le redéploiement. Mais je veux m'éloigner en tout point de la méthode retenue, qui a conduit à un échec complet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le déploiement et la répartition entre la police et la gendarmerie remontent à 1941. Qui ici pourrait prétendre que la répartition de la délinquance n'a pas changé depuis ? Vous avez échoué parce que M. Jospin, imprudemment, avait retenu la formule d'un schéma national, un de ces schémas rédigés dans un bureau parisien par ces gens qui savent tout (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Non, il n'y a pas et il n'y aura pas de schéma national. Notre méthode est aux antipodes de la précédente. Le 15 novembre, après consultation dans chaque département, je rencontrerai tous les élus locaux. De plus, vous avez échoué en 1998 parce que vous avez menti aux Français, en leur présentant une réforme uniquement destinée à masquer la réduction des effectifs dans la gendarmerie (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). La réforme que je propose est accompagnée de 13 000 créations d'emplois.

J'ai le plus grand respect pour les organisations syndicales, si utiles au dialogue social. Mais voici mon information : désormais il n'y a plus de cogestion au ministère l'intérieur. Ce n'est pas une organisation syndicale engagée dans la défense d'intérêts corporatistes respectables qui décidera, tant que je serai ministre de l'intérieur, de l'affectation des forces de police et de gendarmerie. Nous en discuterons avec les élus, pas avec les organisations syndicales (Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SIMPLIFICATIONS ADMINISTRATIVES

M. Eric Woerth - Les Français en ont assez des complications administratives (Bruits). Une administration compliquée, c'est un Etat qui s'éloigne et qui contrôle plutôt qu'il n'administre et impulse.

C'est pour rétablir la confiance entre l'Etat et les Français que le Président de la République et le Premier ministre ont donné priorité à la réforme de l'Etat, dont la simplification administrative est un élément fondamental. Les Français la souhaitent. Il faut alléger les contraintes de toutes sortes qui pèsent quotidiennement sur eux. Jean-Paul Delevoye et vous-même, Monsieur le secrétaire d'Etat, m'avez ainsi envoyé, comme à tous mes collègues, un courrier nous demandant de signaler les dysfonctionnements et les lenteurs de l'administration, et nous invitant à faire des propositions de simplification. L'initiative est excellente, car la réforme, pour réussir, requiert de consulter tous les acteurs concernés. Pour ma part, et comme dans la majorité nous sommes des personnes de dialogue (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), j'ai transmis votre courrier aux quatre-vingts maires de ma circonscription dans l'Oise, et nous en parlerons.

Que ferez-vous du flot d'informations que vous recevrez ? Comment aborder l'immense chantier de la simplification administrative, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat - Oui, la simplification doit être au c_ur de la réforme de l'Etat. Nous souffrons en France de trop de lois, de règlements et de contrôles. Sont aujourd'hui en vigueur près de 8 000 lois et de 40 000 décrets et règlements. C'est une perte considérable d'énergie et de moyens pour l'Etat, c'est un affaiblissement de l'autorité de la loi, c'est un emprisonnement quotidien pour nos concitoyens (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le Premier ministre l'a justement souligné, la vie des Français est devenue beaucoup trop compliquée et l'Etat y est pour beaucoup. Le mal ne cesse de s'aggraver. Au cours de la législature précédente, le nombre de textes publiés a augmenté d'un tiers chaque année. Le Premier ministre a donc demandé à l'ensemble du Gouvernement d'entamer une simplification radicale.

M. Jean-Pierre Brard - Radicale de droite !

M. le Secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat - D'abord, il faut éviter d'aggraver le mal. M. Raffarin a donc donné pour instruction de vous présenter des lois claires et réellement applicables.

Il faut aussi simplifier et alléger. Pour cela, avec Jean-Paul Delevoye, nous avons écrit à tous les parlementaires pour leur demander leur concours. Les élus sont en effet les meilleurs représentants des usagers, ils sont les avocats du bon sens. Le Premier ministre fera la synthèse des contributions reçues et dès le début de l'an prochain, un projet de loi d'habilitation sera présenté pour simplifier par ordonnances (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

ABATTAGE DES BOVINS EN CAS D'ESB

M. Dominique Richard - Le 28 septembre 1998, la France a instauré l'abattage systématique des troupeaux au sein desquels un cas d'ESB a été constaté. Depuis lors, 689 cas ont été établis et l'abattage total aura coûté plus de 100 millions d'euros par an. Le 21 septembre 2000, le comité scientifique directeur de l'Union européenne, puis le 19 juin 2001 le conseil des ministres de l'agriculture recommandait de limiter l'abattage aux cohortes de naissance des bêtes malades. La plupart de nos voisins appliquent depuis lors cette directive, et leurs viandes se trouvent désormais sur nos marchés. Après un premier avis favorable de l'AFSSA, le Gouvernement, en février, décidait l'abattage sélectif préservant les animaux nés après le 1er janvier 2002. Vendredi dernier, l'AFSSA concluait à la possibilité de pratiquer « l'abattage des seules cohortes du cas sans diminuer la sécurité du consommateur ». Aussitôt vous avez engagé une consultation. Le Gouvernement va-t-il rapidement limiter l'abattage aux seules cohortes des bêtes touchées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Voilà quelques années, l'abattage systématique a été instauré. Depuis, des progrès ont été réalisés, avec en particulier la généralisation des tests de dépistage. L'abattage systématique désespère les paysans et trouble les citoyens. Mais en matière de sécurité alimentaire, la santé publique doit être la mesure de toutes choses. C'est pourquoi nous procédons en trois étapes. La première est celle de l'expertise indépendante : l'AFSSA a conclu la semaine dernière à la possibilité de passer à l'abattage de la cohorte. Le deuxième moment est celui de la concertation ; elle vient d'avoir lieu. Vient enfin le temps de la décision ; je signerai très bientôt l'arrêté permettant de passer à l'abattage de la cohorte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

DÉCENTRALISATION ET SOLIDARITÉ

M. Victorin Lurel - Le Premier ministre vient d'affirmer sa volonté de conduire un projet paraît-il ambitieux de décentralisation. Pourtant, vous commencez bien mal. Le budget 2003 sera très dur pour les collectivités locales. La DGF augmente moins vite que l'inflation, le fonds de péréquation baisse dramatiquement de 18 %, la DSU ne demeure stable que par des tours de passe-passe budgétaire (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), la dotation d'intercommunalité subit une baisse importante pour de nombreuses communautés, la DCTP diminue de 5,16 %. S'y ajoute, sans concertation, l'augmentation pour trois ans des cotisations patronales des collectivités territoriales à la CNRACL. La suppression des CES est dramatique pour les jeunes, particulièrement outre-mer. Jacques Chirac, à Troyes, a affirmé : « La solidarité nationale devra continuer de s'exercer entre les territoires, à travers une équation financière entre les collectivités locales ». De quelle équation s'agit-il ? Celle qui tire les territoires vers le bas en les laissant assumer seuls les compétences dont l'Etat se déleste ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Celle qui préfère baisser les impôts pour les plus riches et provoque une hausse spectaculaire des impôts locaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) L'équation financière qui est ainsi proposée signifie en fait la baisse des ressources, des charges nouvelles, l'accroissement des inégalités, la hausse des impôts locaux et la décentralisation des déficits (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Comment comptez-vous faire pour que l'Etat assume ses missions et assure l'égalité entre les citoyens et les territoires, pour que la décentralisation soit républicaine et solidaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales - Je vous le dis sans passion (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), vos chiffres sont inexacts. La dotation globale de fonctionnement augmente de 2,3 %, tandis que l'inflation sera comprise entre 1,2 et 1,5 %.

La dotation du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle ne diminue pas de 18 %. La tuyauterie des finances locales est si complexe (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que vous avez dû confondre avec la dotation de majoration du fonds (Mêmes mouvements). En réalité, même celle-ci ne baissera pas : elle avait été exceptionnellement abondée par le gouvernement Jospin l'an dernier (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), et votre commission des finances a proposé de reconduire cette mesure.

Il en est de même pour les dotations de solidarité urbaine et de solidarité rurale : le Gouvernement reconduit les décisions de son prédécesseur. La vérité de M. Jospin ne devient pas une erreur chez M. Raffarin !

S'agissant de la CNRACL, le Gouvernement recherche un équilibre entre les employeurs - les collectivités territoriales - et l'Etat. Or, nous héritons d'un déficit qu'il faut bien combler ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

La décentralisation est une affaire trop sérieuse pour mériter de vaines polémiques. Le Premier ministre a reconnu avec beaucoup de loyauté tout à l'heure que la décentralisation initiée par Gaston Defferre avait été une bonne chose...

Plusieurs députés socialistes - Vous avez voté contre !

M. le Ministre délégué aux libertés locales - Nous avons eu tort ! Mais vous, vous avez eu tort de voter contre celle proposée par le Général de Gaulle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXPLOITATION OFFSHORE DANS L'ATLANTIQUE NORD

M. Gérard Grignon - Ma question s'adresse aux ministres des affaires étrangères, de l'outre-mer et de l'industrie. Les sociétés pétrolières nord-américaines exploitent depuis 1987 le gisement Hibernia dans l'Atlantique nord, et, depuis 2000, le gisement gazier de l'île des Sables à l'entrée du golfe du Saint-Laurent. Les ressources du premier représentent plus de 50 % des ressources exploitables. Plusieurs autres plates-formes suivront : à terme, quinze sites seront exploitables. Saint-Pierre-et-Miquelon est au c_ur de la zone et Exxon Mobil possède un permis de recherche exclusive en zone économique française. Les gisements sont transfrontaliers, ce qui exige la signature de traités sur les délimitations, les modalités d'exploitation et les retombées économiques et financières sur les deux pays. La France et le Canada mènent depuis deux ans sans résultat des discussions bilatérales. Le dossier semble bloqué depuis le début de l'année.

Pendant ce temps, le Canada avance et les sociétés pétrolières nord-américaines se servent. La France ne s'est pas investie dans ce domaine si particulier de l'exploitation des hydrocarbures offshore. Elle ne négocie donc pas sur un pied d'égalité avec les Canadiens. Pouvez-vous faire le point sur ce dossier ? Le Gouvernement est-il conscient des enjeux et prêt à mettre des moyens au service d'une véritable stratégie pour la défense des intérêts français dans cette partie du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - Ce dossier est d'une grande importance pour l'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon. Je vous rassure : nous sommes pleinement conscients des enjeux pour notre pays dans l'Atlantique nord. Nous avons de sérieuses perspectives d'exploitation d'hydrocarbures dans la zone économique de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est enclavée dans les eaux canadiennes. Nous devons donc négocier avec le Canada la répartition des retombées économiques de cette future exploitation et l'organisation de l'avitaillement des futures plates-formes. Nous sommes déterminés à ne pas aborder cette négociation en position d'infériorité et à refuser tout compromis contraire aux intérêts de l'archipel. Nous ne renouvellerons pas l'erreur de 1992 qui a débouché sur une délimitation regrettable de la frontière maritime entre la France et le Canada.

Je mettrai toute mon énergie à régler ce dossier comme nous avons réglé en 1994, avec Dominique Perben, le conflit de la pêche avec le Canada, vieux de vingt ans. Dès le mois de décembre, nous négocierons avec le Canada. Je profiterai de ma venue à Saint-Pierre-et-Miquelon fin novembre pour organiser une concertation avec les élus sur la stratégie à adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CRISE DU MONDE SPORTIF

M. Sébastien Huyghe - Monsieur le ministre des sports, le modèle français d'organisation du monde sportif est en crise. L'unité entre amateurs et professionnels est remise en cause par des acteurs majeurs du sport. Telle est la situation que vous avez trouvée en prenant vos fonctions. Dans le domaine sportif aussi, les cinq dernières années ont été marquées par une absence de dialogue (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

L'arsenal législatif s'est considérablement développé, mais en dehors de toute concertation avec les responsables sportifs. Des tensions se sont donc fait jour, notamment dans le monde du football et du rugby : amateurs et professionnels s'opposent. Le vote du budget de la Fédération française de football a permis de désamorcer la crise sans toutefois la résoudre. Comment analysez-vous cette situation qui menace un modèle qui a permis à notre pays de se distinguer dans de nombreuses disciplines, comme le handball ce week-end ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-François Lamour, ministre des sports - Notre situation est paradoxale : alors que l'équipe de France de volley vient de remporter une médaille de bronze en Argentine, que la finale de la coupe Davis nous attend à Bercy dans quelques semaines et que 14 millions de pratiquants évoluent dans les clubs sportifs, les fédérations peinent à organiser le sport, à cause d'un environnement plus complexe et du relâchement des liens entre amateurs et sport professionnel.

Ces dernières années ont été adoptées les lois sur le sport, contre le dopage, sur le sport professionnel. Mais cela ne suffit pas. Il est temps de renouer le dialogue (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

C'est dans cet esprit que j'ai mis en place avec le mouvement sportif, selon le v_u du Président de la République et du Premier ministre, les états généraux du sport qui permettront à l'ensemble des partenaires de réfléchir ensemble pendant trois mois et de définir des dispositions immédiatement applicables, par exemple en matière de formation. En effet, ce sont 50 000 diplômés homologués fédéraux qui ne pourront plus exercer en janvier si rien n'est fait. De même, le Fonds national de développement du sport risque de disparaître fin 2004. Il faut enfin promouvoir de nouvelles relations entre les collectivités locales, le mouvement sportif et l'Etat. Mon principal objectif reste de préserver un modèle original qui repose sur le partenariat et les fédérations. C'est en leur sein que nous pourrons rappeler l'unité et la solidarité du mouvement sportif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 10 sous la présidence de M. Le Garrec.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2003 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2003.

M. Jean-Pierre Brard - Permettez-moi d'abord d'observer que dans l'hémicycle la gauche semble majoritaire...

M. Michel Bouvard - Mais non !

M. Jean-Pierre Brard - C'est dire si la majorité se sent concernée par ce débat.

Cette discussion budgétaire devait initialement se tenir dans la perspective de la croissance retrouvée, que le Président de la République avait invoquée le 14 juillet dernier comme pour se placer sous une bonne étoile. Il annonçait alors « la poursuite de l'allégement de l'impôt sur le revenu et des charges », présentée non comme un choix politique ou idéologique mais comme une mesure de survie, faute de quoi « nous continuerons à nous enfoncer par rapport à nos voisins et donc à augmenter notre chômage et notre pauvreté ». Interrogé par un journaliste sur un éventuel retour à la rigueur en 2004, il précisait encore que, compte tenu des perspectives de croissance, ce n'était pas du tout à l'ordre du jour.

Aujourd'hui, trois mois plus tard, les déclarations optimistes ont fait place à un certain flottement quant aux orientations de la politique budgétaire et économique. Le Président a certes reparlé, lundi dernier, de réduction des impôts mais M. le ministre du budget s'est empressé de préciser que cette annonce était conditionnée à une croissance de 3 %, que nous ne sommes pas près de revoir, comme vous le savez...

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Ne vous réjouissez pas trop vite !

M. Jean-Pierre Brard - Je me réjouis d'autant moins que c'est l'intérêt du pays qui est en jeu. Simplement, je note les contradictions du Gouvernement. Le journal Le Parisien, pourtant peu suspect d'avoir le c_ur qui bat à gauche, nous en livre une sorte de florilège. D'un côté, M. Mer nous dit qu'à partir de 2004, nous continuerons à aller dans la voie de la discipline et de la rigueur, de l'autre, le Président de la République nous assure que la baisse des impôts et des charges sera méthodiquement poursuivie au cours des prochaines années. M. Lambert quant à lui pose une condition, une croissance de 3 %, et explique dans Les Echos que le taux de croissance n'a finalement pas tant d'importance que cela pour les recettes fiscales. Il est vrai que, quand on a peur d'avoir de la température, le plus simple est souvent de casser le thermomètre.

M. Mer disait hier que la cible était claire : « l'équilibre budgétaire au plus tard en fin de législature ». Je ne sais pas si les choses sont vraiment claires pour le Gouvernement, mais je doute qu'elles le soient pour nos concitoyens.

Les promesses du Président de la République sont donc à éclipses. N'est-ce pas lui d'ailleurs qui disait qu'elles n'engagent que ceux qui les écoutent ?

M. Jean-Yves Chamard - Non, ce n'est pas lui. 

M. Marc Laffineur - N'est-ce pas plutôt Mitterrand ?

M. Jean-Pierre Brard - Non. D'ores et déjà, les budgets de la recherche, de la culture, de l'éducation et de l'emploi sont ponctionnés, le terme de rigueur a fait sa réapparition et les contribuables comme les consommateurs peuvent légitimement s'inquiéter de cette cacophonie gouvernementale. Notons au passage qu'il n'est jamais question des impôts indirects quand ce gouvernement parle de réduction fiscale. M. Messier ne paie pas plus de TVA sur sa baguette que Mme Dupont, qui est au RMI.

Le « tournant de la rigueur » de triste mémoire se présente donc à nouveau devant les Français. Pour le justifier, le Gouvernement invoque la situation économique difficile. Mais ses choix politiques ne font qu'aggraver celle-ci. La baisse de l'impôt sur le revenu profitera aux contribuables les plus riches, ce qui ne favorisera pas la consommation mais nourrira au contraire ce que vous appelez pudiquement l'épargne, comme s'il s'agissait du livret A et non de placements spéculatifs. Une baisse de la TVA aurait au contraire soutenu la consommation, le seul moteur de la croissance qui tienne encore un peu.

On ne peut également que déplorer les cadeaux fiscaux que vous consentez aux entreprises sans la moindre contrepartie et ce alors que les marges dégagées par les grands groupes ces dernières années ont principalement servi à financer des acquisitions hasardeuses voire ruineuses et en tout cas meurtrières pour l'emploi. Dois-je citer M. Bon ou M. Messier ?

M. Michel Bouvard - Et Roussely ?

M. Jean-Pierre Brard - Vous avez peut-être l'ambition de le remplacer mais, que je sache, EDF n'a pas une dette comparable à celle de France Télécom et ses dirigeants ne se sont pas livrés à des man_uvres douteuses telles que le transfert d'endettement opéré par Jean-Marie Messier au détriment de Vivendi Environnement. Je pense que dans la vallée de la Maurienne aussi il y a des victimes de ce siphonnage.

Les nouveaux avantages fiscaux aux entreprises contenus dans ce projet - 3 milliards d'euros - ne vont pas relancer la croissance, car ce dont ont besoin les entreprises pour se développer, ce sont avant tout de clients et de commandes. Il ne sert à rien de prendre des dizaines de mesures pour faciliter la création d'entreprises si d'un autre côté on ampute le pouvoir d'achat de leurs clients potentiels. En ciblant les allégements fiscaux sur les ménages aisés, vous ne stimulez pas la consommation, car les besoins de ces ménages sont déjà largement satisfaits. C'est vers les foyers modestes qu'il faudrait orienter l'allégement de la fiscalité, car eux ont des besoins de consommation non satisfaits. Savez-vous ce qu'ils font quand ils disposent d'un peu plus d'argent? Croyez-le ou non, ils ne boursicotent pas mais mettent leur famille un peu plus à l'aise et donc, par ricochet, font tourner les entreprises.

En vous obstinant à avantager financièrement les ménages aisés et à consentir des cadeaux sans contrepartie aux entreprises, vous allez freiner une croissance déjà fort poussive. Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'impulsion budgétaire découlant du programme pluriannuel des finances publiques serait négative sur la période 2004-2006, amputant l'activité de 0,5 point de PIB par an. Après maintes tergiversations, vous passez donc sous les fourches caudines d'une Commission de Bruxelles accrochée au pacte de stabilité et au dogme de l'équilibre budgétaire, alors que la conjoncture dégradée appelle, à l'évidence, une grande souplesse en matière de déficits publics.

Dans la perspective du retour à la rigueur, les collectivités locales ont de quoi se méfier des réformes décentralisatrices annoncées par le Gouvernement. Des transferts de compétences non accompagnés des ressources correspondantes constitueraient un subterfuge intolérable qui décrédibiliserait dramatiquement la nouvelle étape décentralisatrice dont le pays a besoin aujourd'hui.

Dans son intervention du 14 juillet, le Président de la République s'était fait le chantre de la baisse des prélèvements obligatoires, qui seraient la cause de tous nos maux. De fait, après la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu décidée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2002, le budget pour 2003 comporte dans le même esprit une nouvelle baisse de 1 %, l'augmentation de la réduction d'impôt pour les salariés à domicile et le doublement de l'abattement sur les donations entre grands-parents et petits-enfants, en plus des 3 milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux entreprises.

Mais la semaine dernière, à l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires dans cet hémicycle, votre zèle à les baisser, Monsieur le ministre, a semblé un peu moins vif. C'est que vous êtes confronté à la quadrature du cercle en prétendant à la fois réduire les impôts et les cotisations sociales, stabiliser les déficits publics et augmenter les budgets que vous jugez prioritaires - défense, police et construction de nouvelles prisons. Pour tenter d'en sortir, vous avez mis fin, cet été, à la TIPP flottante et augmenté ainsi le prélèvement fiscal sur les automobilistes et maintenant vous allez taxer énergiquement les fumeurs. Cela ne résoudra rien.

Il est un thème qui vous obsède : améliorer l'attractivité de la France pour les grands investisseurs et les hauts revenus. Pour satisfaire cette marotte, vous êtes prêts à tous les dumpings fiscaux et d'abord à liquider l'impôt de solidarité sur la fortune, qui est pour vous comme pour le MEDEF un véritable cauchemar. Il est vrai que la recherche effrénée de la rentabilité maximale l'emporte sur l'intérêt général et le patriotisme économique chez les gros possédants et les golden boys.

Il est pourtant des Français qui ne partagent pas cette mentalité de coblençards sans vergogne et qui sont fiers de poursuivre leur activité en France tout en contribuant à la solidarité nationale. Ce sont des hommes et des femmes qui ont du talent mais qui n'oublient pas ce qu'ils doivent à la société qui leur a dispensé, dans le cadre du service public, l'instruction, les soins médicaux, l'accès à la culture et aux études supérieures.

Ce sont aujourd'hui ces services publics essentiels pour l'avenir de la jeunesse qui sont frappés dans le budget 2003, alors que dans le même temps, vous multipliez les dépenses d'armement et de sécurité dans le cadre de coûteuses lois de programmation, qui obèrent l'avenir.

Les effets d'annonce et les mesures choc dans le domaine de la répression épuiseront vite le potentiel d'illusion de nos concitoyens. Pourtant, il y a des gisements, des filons que vous n'exploitez pas, non seulement dans la poche des possédants mais surtout dans celle de ceux qui volent et fraudent. Votre budget ne comporte cependant aucune mesure contre ceux qui sont l'objet d'instructions judiciaires et je ne parle pas seulement des dirigeants de la Société générale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Marc Laffineur - Le budget, qui rompt avec le passé, traduit une conception différente de l'Homme et de l'Etat...

M. Jean-Pierre Brard - C'est l'Homme à genoux !

M. Marc Laffineur - ...L'Etat doit créer un environnement propice à l'épanouissement de l'Homme.

La tâche était ardue : peu de temps, un contexte économique difficile, marqué par une conjoncture internationale incertaine, hier Internet et télécom, aujourd'hui la perspective d'un conflit avec l'Irak, et que dire de l'héritage laissé par le gouvernement Jospin : malgré une croissance de 2,8 % en moyenne, il laisse une dette accrue de 3 000 euros par habitant, et un déficit de 44,78 milliards en août 2002 - au lieu de 37 milliards en août 2001 et 41 milliards en 1997 - qui fait de la France le mauvais élève de l'Europe.

Le taux des prélèvements obligatoires reste élevé : puisqu'il est passé de 43,7 % en 1997, à 45 % en 2001. On observe une tendance générale à la hausse, notamment entre 1981 et 1985, pour deux raisons majeures : d'une part, les retraites, problème qu'il faudra aborder, d'autre part, les dépenses de santé publique, qui sont passées de 4,7 % du PIB en 1981 à plus de 5 % en 2001. Et pour quel résultat !

La décentralisation a aussi contribué à la hausse des prélèvements. La réforme engagée par le Premier ministre permettra aux collectivités locales d'assumer leurs nouvelles compétences.

M. Didier Migaud - Nous verrons cela !

M. Marc Laffineur - La baisse de l'impôt sur le revenu en 2002 devrait conduire à une baisse du taux des prélèvements obligatoires, qui devrait se poursuivre en 2003.

Malgré tout, toujours plus de prélèvements, plus de dépenses, plus de déficit, et une croissance forte, la majorité précédente n'a pas su remplir les missions régaliennes de l'Etat : l'insécurité est plus forte que jamais, les moyens alloués à la défense ont été négligés, ce qui nous oblige à augmenter les crédits sur ces postes. Nous devons aussi assumer les mesures précédemment prises sans être financées, comme les 35 heures, ou celles qui ont accru les charges fiscales des collectivités locales, comme l'aide personnalisée à l'autonomie.

Ce budget parvient cependant à tenir les promesses du Président de la République et à baisser les dépenses publiques.

Je le répète, c'est un budget de rupture. Le dernier budget du gouvernement Jospin était fondé sur des objectifs de déficit qui ont été dépassés de 50 %. Il faut rompre avec cette politique d'affichage, et mettre un terme à l'opacité des comptes publics. Les Français doivent savoir ce que nous faisons de leur argent.

Rupture aussi dans la gestion des grands équilibres. Il est temps de présenter aux Français des comptes publics transparents, un budget en faveur des ménages, sans négliger les entreprises et l'emploi, et de simplifier les procédures administratives, ce qui serait une source d'économie considérable pour l'Etat et pour les collectivités locales. Les grandes dépenses sont destinées à financer les priorités du Gouvernement, à redonner du sens à la valeur du travail, à préparer l'avenir pour la reprise des investissements, dans le respect des engagements européens, et en confiance avec les Français.

M. Didier Migaud - C'est la méthode Coué !

M. Marc Laffineur - S'agissant des recettes, afin de soutenir les familles, le projet de loi de finances pérennise la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu, en intégrant l'allégement dans le barème de l'impôt, ce qui porte la baisse générale à 6 %.

D'autre part, le Gouvernement a décidé d'augmenter la prime pour l'emploi afin d'aider les ménages les plus modestes. Outre l'actualisation de ses seuils, le barème est valorisé pour les salariés à temps partiel.

Cette mesure représente 180 millions d'euros et concerne 2 700 000 personnes. L'avenir du travail n'est cependant pas dans le versement d'allocation, mais dans l'augmentation des salaires.

M. Jean-Pierre Brard - Voilà bien la première idée sensée que l'on entend !

M. Marc Laffineur - Cette mesure s'accompagne de la revalorisation du SMIC en trois ans, avec une hausse de 15 % pour le plus bas, d'une augmentation de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, dont le plafond est porté à 10 000 euros, ce qui encouragera l'embauche de salariés pour la garde d'enfants, et favorisera le maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées, tout en remédiant aux effets pervers de l'APA qui grève lourdement les finances des conseils généraux.

D'autre part, le budget porte à 30 000 euros tous les dix ans le plafond de l'abattement sur les donations consenties par les grand-parents à leurs petits-enfants.

Enfin, le plafond du quotient familial est maintenu à son niveau actuel.

Afin de renforcer l'attractivité du territoire, le Gouvernement a fait des choix significatifs, mais d'autres mesures devraient être prises : 93 % des dirigeants des grandes entreprises considèrent les prélèvements obligatoires comme le principal handicap de la France, 84 % jugent l'environnement juridique et social trop complexe et opaque.

Il n'est pas insignifiant de voir le numéro un mondial du travail temporaire installer son siège social en Suisse, tandis que son principal actionnaire vit à Londres. La question de l'impôt sur la fortune devra, à ce titre, être abordée, tout comme il faudra envisager l'allégement de la taxe professionnelle, en vue d'encourager l'esprit d'entreprise et la responsabilisation des dirigeants.

Enfin, l'exonération de cotisation patronale, associée aux nouveaux contrats jeunes en entreprise contribuera aussi à soutenir l'emploi. Ce sont au total 1 milliard d'euros d'allégements de charges, qui bénéficient en priorité aux PME.

Pour ce qui est des dépenses, la priorité est donnée à la sécurité intérieure. Les moyens accordés à la police nationale progressent de 5,7 %, ceux du ministère de la défense et de la sécurité civile de 28,5 %.

En outre, 1 200 postes de gendarmes seront créés et une enveloppe de 300 millions d'euros permettra de régler les arriérés de loyers de la gendarmerie.

Toutes les dotations du budget de la justice augmentent également, en sus des moyens prévus dans la loi de programmation pour la période 2002-2007. Ainsi relève-t-on 1,75 milliard d'euros d'autorisations de programme et 3,65 milliards d'euros pour les dépenses ordinaires et les crédits d'équipement. Les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, de l'aide aux victimes, entre autres, augmentent fortement.

Le budget de la défense est lui aussi en hausse par rapport à l'an passé. C'était plus que nécessaire étant donné la vétusté des matériels de nos armées. C'est notamment une excellente initiative que d'avoir décidé de construire un deuxième porte-avions.

Le Gouvernement a décidé de renforcer l'autonomie financière des collectivités locales, ce dont, en tant que maire, je ne peux que me réjouir. Ce budget s'inscrit en effet résolument dans une logique décentralisatrice, favorisant en particulier la constitution d'EPCI à fiscalité propre. Rapporteur du budget des collectivités locales au sein du budget de l'intérieur, je ferai lors de son examen des propositions pour aller plus loin dans la simplification de la fiscalité locale. L'assouplissement du lien entre le taux de la taxe professionnelle et celui des autres taxes locales est une bonne chose : celle-ci pourra désormais augmenter, ou bien sûr diminuer, plus fortement que les autres. Il est enfin prévu que le Parlement évalue annuellement l'efficacité de toutes ces mesures : nous ne souhaitons pas aller plus loin.

Le projet de budget prévoit aussi de faire rentrer France Télécom dans le droit commun en matière de taxe foncière et de taxe professionnelle, comme le préconisaient d'ailleurs depuis longtemps les élus locaux.

Il traduit également la volonté de simplifier le système d'imposition et les relations des contribuables avec l'administration fiscale. Le million de petites entreprises, qui aujourd'hui souffrent du poids et de la complexité de la fiscalité, en seront les premières bénéficiaires et devraient ainsi trouver un nouveau souffle.

Il marque la volonté du Gouvernement de donner toute leur place à la préservation de l'environnement et au développement durable. Je prendrai comme seul exemple la prorogation des crédits d'impôts accordés pour l'achat de véhicules non polluants.

Enfin, il redonne une priorité à l'aide publique au développement, laquelle avait considérablement diminué depuis cinq ans, ce qui était une grave erreur.

M. Michel Bouvard - Exact.

M. Marc Laffineur - On ne peut donc que se réjouir de l'augmentation de 24 % des crédits du ministère des affaires étrangères à ce titre et de l'inscription de 996 millions d'euros au budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à ce titre également. Plusieurs programmes de solidarité prioritaires pourront ainsi être financés. Des mesures bilatérales d'allégement de la dette de certains pays sont également prévues, dont il faut se féliciter. Le gouvernement précédent avait commis une lourde faute en abandonnant ainsi les pays en développement, notamment d'Afrique, continent avec lequel nous avons tissé des liens étroits. Nous n'avons donc aujourd'hui aucune leçon à recevoir.

M. Didier Migaud - N'en donnez pas non plus !

M. Marc Laffineur - Pour diminuer les dépenses publiques, il faut commencer par en finir avec la culture de la dépense. Un bon budget n'est pas nécessairement un budget en augmentation. Soyez assuré, Monsieur le ministre, que le soutien des députés de l'UMP ne vous fera jamais défaut lorsqu'ils pourront vous aider à réduire les dépenses publiques.

Ce budget pour 2003 est un bon budget en ce qu'il engage la maîtrise de ces dépenses, prépare la prochaine réforme de la décentralisation - laquelle devra, elle aussi, viser à la maîtrise des dépenses - comme celle des retraites - laquelle devra être engagée sans retard -, et ouvre de grands chantiers comme celui de la simplification administrative, ou bien encore de la santé. Il tient les promesses faites puisqu'il va dynamiser l'emploi...

M. Augustin Bonrepaux - Alors çà !

M. Marc Laffineur - ...freiner la dépense publique et porter un coup d'arrêt aux déficits. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Didier Migaud - Le projet de loi de finances pour 2003 est socialement injuste, économiquement inefficace et dangereusement virtuel.

Socialement injuste car les nouvelles mesures fiscales sont toutes ciblées sur quelques dizaines de milliers de foyers qui vont pour beaucoup devenir non imposables du fait du relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile.

Economiquement inefficace car rien n'est fait pour soutenir la croissance et l'emploi. Le pouvoir d'achat des ménages modestes est au contraire amputé par les hausses des tarifs publics, des prix des carburants et du fioul domestique. Les interventions en faveur de l'emploi ne sont plus prioritaires, de même que les dépenses d'avenir en matière de recherche, d'éducation ou d'infrastructures. La consommation, moteur de la croissance, risque donc de se gripper.

Dangereusement virtuel enfin car bâti sur des prévisions de croissance irréalistes qu'au fond de vous-mêmes, Messieurs les ministres, vous ne pouvez pas considérer comme crédibles.

Cette copie, qui de surcroît ne respecte pas les engagements européens en matière de réduction du déficit, risque assurément d'être mal notée, non seulement par nos partenaires européens mais surtout par nos concitoyens à qui l'on promet déjà la rigueur.

Je veux avant tout ici tordre le cou à certaines de contrevérités que vous assénez depuis quelques mois. Nous contestons tout d'abord votre présentation partiale de « l'héritage ».

Non seulement vous noircissez la situation dont vous héritez mais vous avez en outre aggravé de 0,4 point de PIB le déficit budgétaire avec les mesures prises cet été. En effet le jeu des stabilisateurs automatiques devait conduire à un déficit de 2,2 %, vous l'aurez creusé à 2,6 %. Je l'ai démontré la semaine dernière à l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires. Nous voyons bien votre intérêt à agir ainsi mais celui-ci ne se confond pas avec celui de la France et des Français.

Nous contestons vigoureusement votre appréciation partiale des performances économiques de la France entre 1997 et 2002. Ce que vous dites n'est pas nouveau mais un mensonge répété ne devient pas pour autant vérité.

Certains d'entre vous ont l'air sincère. S'ils sont de bonne foi, ils ne seront pas insensibles aux rappels objectifs que je vais faire maintenant.

Vous prétendez qu'au cours des dernières années la France a bénéficié d'une croissance mondiale exceptionnelle et que le gouvernement Jospin n'a pas su en tirer parti. Vous ajoutez que la France est passée au douzième rang pour la richesse par habitant en Europe. C'est une contrevérité ! Car la croissance mondiale a été plus porteuse sous les gouvernements Balladur et Juppé que sous le gouvernement Jospin : 3,2 % par an entre 1993 et 1997 contre seulement 2,7 % entre 1997 et 2002. La demande mondiale également a été plus dynamique : plus 8,3 % par an de 1993 à 1997 contre seulement plus 5,9 % par an de 1997 à 2002.

Dans le même temps, la croissance française a été deux fois plus forte sous le gouvernement Jospin et nettement supérieure à celle de la zone euro, effaçant pour partie le décrochage des années Balladur et Juppé. De 1993 à 1997, la croissance de la zone euro a été de 2,1 % et celle de la France de 1,5 %. A l'inverse, entre 1997 et 2002 la croissance française a été de 3 %, contre 2,4 % pour la zone euro.

Ces chiffres, qui proviennent de l'INSEE ou de l'OCDE, sont incontestables et prennent encore plus de relief lorsqu'on sait qu'aucun de nos voisins européens n'a connu d'accélération de la croissance entre 1997 et 2002.

S'agissant de la richesse par habitant, vous citez une étude d'Eurostat qui fait apparaître que la France est passée de la quatrième à la douzième place en Europe, mais sans jamais montrer le graphique qui l'illustre. Or, celui-ci atteste que le décrochage s'est produit sous les gouvernements Balladur et Juppé.

Pour ce qui est de la compétitivité et de l'attractivité de la France, quel est l'intérêt pour le pays de noircir la situation ? Certes, telle ou telle de vos mesures pourrait apparaître comme améliorant l'attractivité de notre territoire. Mais la vérité est de reconnaître que la compétitivité de la France s'est améliorée entre 1997 et 2002, et que les flux d'investissements étrangers en France ont augmenté trois fois plus vite sous le gouvernement Jospin que sous les gouvernements Balladur et Juppé.

Un récent article paru dans le périodique Le Revenu, qui n'est pas spécialement complaisant pour la gauche, fait apparaître que la France, classée au septième rang dans le monde en 2000 pour l'accueil des investissements étrangers, est passée à la quatrième place en 2001. Ainsi les contrevérités que vous proférez sont contredites par la vérité des chiffres. Je pourrais appliquer ma démonstration à l'évolution du pouvoir d'achat, de la consommation, de l'investissement, de l'emploi, avec 900 000 chômeurs de moins en cinq ans, ainsi de l'endettement : j'ai là un graphique accablant pour la droite, montrant que la dette a augmenté de quinze points sous les gouvernements Juppé et Balladur, et commencé à diminuer sous celui de Lionel Jospin (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Non, un mensonge répété ne fait pas une vérité !

La situation, il est vrai, est aujourd'hui délicate mais, au lieu de soutenir la croissance, vos décisions aggravent les difficultés.

Vous nous présentez un budget virtuel, injuste et inefficace.

Il est virtuel, car les prévisions qui le fondent sont totalement déconnectées de la réalité économique. Pas un conjoncturiste ne se risque à prévoir une croissance aussi forte l'an prochain. Le MEDEF s'estimerait heureux avec 2 %, et nombre d'experts dissimulent à peine leur pessimisme. Vous jugez vous-mêmes, Messieurs les ministres, votre prévision de croissance irréaliste, et les responsables des commissions des finances ont eux aussi émis des doutes. Aussi bien, Monsieur Lambert, avez-vous annoncé dès hier un plan de régulation, en sorte que l'autorisation parlementaire que vous sollicitez sera dénaturée dès janvier prochain, et fera place à un plan de rigueur. Ce procédé est choquant au plan de la transparence, pour laquelle nous avons beaucoup travaillé ensemble. La représentation nationale a le droit et le devoir de savoir dès maintenant quelle sera l'ampleur de votre plan de régulation. On voit bien le budget qui sera exécuté l'an prochain n'est pas celui qui nous est soumis, puisque hier, interpellés ici même, MM. Fillon puis Ferry ont annoncé des collectifs destinés à ouvrir des dépenses nouvelles, et voilà qu'une heure plus tard, M. Lambert vient contredire ses collègues. Où est la cohérence ?

Virtuel, ce budget est également injuste. Les baisses d'impôts sont ciblées sur quelques dizaines de milliers de foyers aisés, dont certains seront purement et simplement dispensés du paiement de l'impôt sur le revenu grâce au relèvement du plafond de réduction d'impôt pour emploi à domicile. Au contraire, des millions de ménages subiront une amputation de leur pouvoir d'achat du fait de la hausse des tarifs publics et des carburants. Les contribuables les plus modestes vont payer plus d'impôt sur le revenu que si notre plan de réduction avait continué de s'appliquer. En outre, alors que le montant de leur prime pour l'emploi aurait dû augmenter de 50 % en 2003, elle n'évoluera pas. Ainsi en a décidé M. Raffarin, qui préfère consacrer cette somme à sa baisse d'impôt en faveur des plus aisés.

Cette injustice, doublée d'inefficacité car la consommation n'en sera pas confortée, est bien mise en lumière par la mesure phare de votre projet : le relèvement à 10 000 euros du plafond de la réduction d'impôt sur le revenu pour emploi à domicile, qui concerne environ 70 000 foyers aisés. Nous aimerions bien connaître le chiffre exact, que n'ont indiqué ni le Gouvernement, ni le rapporteur général, ce qui indique de leur part une certaine gêne. Nous savons en revanche que la mesure laisse de côté les 600 000 foyers qui emploient un salarié à domicile mais ne sont pas imposables. Surtout, étant rétroactive, elle constitue un pur effet d'aubaine. En 1994, quand Nicolas Sarkozy, ministre du budget, avait porté la réduction de 22 500 F à 45 000 F, il n'avait pas osé lui donner un effet rétroactif. « Si nous acceptons d'anticiper l'entrée en vigueur de la mesure, nous créerons un effet d'aubaine monumental, parce que les emplois concernés ont déjà été créés ». Ce n'est pas moi qui le dis, c'était M. Sarkozy.

La mesure est également injuste parce qu'elle revient à diminuer fortement les taux du barème, et même à annuler parfois la cotisation, faisant ainsi échec au président de la commission des finances, qui déclare que chaque citoyen doit contribuer au financement des charges communes. Le dispositif est habile, car il vous dispense de diminuer plus fortement les taux élevés du barème. « On ne peut plus dire que le taux marginal pèsera de la même façon, puisque les familles pourront déduire 50 % d'une somme plafonnée », répondait M. Sarkozy à un amendement de M. Gantier tendant à diminuer le taux de la tranche supérieure. M. Gantier a été si bien convaincu qu'il a retiré son amendement !

Votre budget, enfin, est inefficace, car, loin de soutenir la consommation, il sacrifie les dépenses d'avenir comme la recherche, l'éducation et les infrastructures. Sans doute un bon budget n'est pas un budget qui augmente. Vous appliquerez ce principe, je pense, au budget de la défense...

Non, nous ne pouvons pas voter un budget injuste, inefficace et virtuel, qui va conduire la France dans le mur. L'aveuglement de la droite est pathétique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ses députés adopteront-ils ce projet en toute conviction, ou bien sont-ils contraints par la discipline rigoureuse de l'UMP ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Rarement la commission des finances a adopté si peu d'amendements, comme si tout était verrouillé d'en haut.

La crédibilité du Gouvernement est désormais, hélas, sérieusement entamée au-dedans et au-dehors. Quant aux promesses mirobolantes du candidat Chirac, seuls ceux qui déposent leurs souliers devant la cheminée le 24 décembre y croient encore !

Nous vous donnons rendez-vous en 2003 et en 2004 : il sera intéressant alors de relire vos propos d'aujourd'hui et de les confronter avec la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Charles de Courson - Du fait notamment du lourd héritage légué par nos prédécesseurs, la majorité affronte aujourd'hui une dure réalité.

Il nous faut donc revenir aux grands principes du droit budgétaire : unité, universalité, non-contraction des recettes et des dépenses. Pour certains observateurs de la vie parlementaire, le vote du budget est devenu un exercice virtuel. M. Migaud s'en est imprudemment fait l'écho. Dois-je lui rappeler qu'il annonçait il y a un an une croissance de 2,5 % pour 2002 ? Néanmoins, l'assertion n'est pas fausse : nous votons chaque année des autorisations de dépenses et des prévisions de recettes qui sont toujours démenties par la loi de règlement. En outre, nous nous fondons sur une hypothèse de croissance par nature aléatoire. Notre « constitution financière » n'est pas toujours appliquée. Aussi nous revient-il de veiller au respect des grands principes budgétaires, dont nous nous sommes éloignés.

Nos prédécesseurs ont régulièrement bafoué le principe d'unité en multipliant les débudgétisations : la palme revient au FOREC, avec 16,6 milliards d'euros en 2003. J'avais par ailleurs dénoncé l'inscription de 50 % de recettes non fiscales supplémentaires au compte d'affectation des produits des cessions de titres, parts et droits des sociétés en plein marasme économique - ceci pour alimenter des dotations en capital dissimulant des subventions d'exploitation. Si les charges du FOREC augmentent légèrement, le ministre du budget s'est engagé, à la différence de ses prédécesseurs, à le supprimer en 2004, pour le rebudgétiser mettant enfin un terme à la situation ubuesque qu'ont créée Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn en cherchant à dissimuler le coût des 35 heures. Je vous félicite donc d'avoir pris cette initiative (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mais il nous reste beaucoup à faire. Quid de la CADES, des variations erratiques des recettes non fiscales ? Celles du compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits des sociétés passeront de 5,4 milliards à 8 milliards d'euros en 2003. Comment justifiez-vous cette hausse ? J'ai déposé un amendement tendant à rebudgétiser les 1,735 milliard d'euros de la prime pour l'emploi, qui n'ont pas à figurer en dégrèvements fiscaux, puisque celle-ci concerne surtout des personnes non imposables. Je m'étonne que la gauche ait appuyé cette analyse qu'elle avait traitée par le mépris l'an dernier.

Je me félicite cependant de voir M. Migaud revenir dans le droit chemin !

J'encourage nos ministres à accélérer la réforme de nos pratiques comptables, d'autant que la rebudgétisation de la PPE n'a aucune incidence sur le solde du budget.

Comment les principes d'universalité et de non-contraction des dépenses pourraient-ils avoir un sens quand notre présentation budgétaire multiplie les contradictions ? Les prélèvements sur recettes concernant les collectivités locales passent de 34,7 milliards à 36,4 milliards d'euros en 2003. La Cour des comptes l'a dit : il faut faire apparaître ces dépenses comme telles. Il en va de même pour le prélèvement au profit de l'Union européenne.

On nous oppose le refus de restreindre la liberté d'amendement des parlementaires. Mieux vaut reconnaître explicitement cette liberté que contourner les règles fondamentales de démocratie budgétaire.

Le principe d'universalité est également mis à mal par les dégrèvements et remboursements au profit de personnes autres que l'Etat, qui s'élèvent à 10,1 milliards d'euros et qui devraient figurer en dépenses.

Quant au principe d'annualité, il est bafoué par des reports trop importants. Toutefois, les 6,4 milliards d'euros de reports annoncés cet été et décriés par la gauche sont inférieurs à ceux des années précédentes. Mais nous devons réfléchir à un meilleur suivi des crédits votés.

S'agissant du principe de sincérité, j'ai déjà évoqué les multiples structures d'endettement créées depuis des années pour dissimuler des dettes : EPFR - 8 milliards -, CDR, RFF - 24 milliards -, Charbonnages de France - plus de 3 milliards. Il en est de même du besoin de recapitalisation de France Télécom, estimé à 15 milliards dont 9 à la charge de l'Etat. Un bilan de toutes ces dettes doit être dressé au plus vite. De même, le débat sur les retraites devra être l'occasion de récapituler les engagements de l'Etat en la matière.

Je me suis livré à un calcul pour mesurer l'impact du non-respect des grands principes budgétaires.

Dans le budget, les dépenses augmentent officiellement de 1,7 % en valeur : elles passent de 268,9 milliards à 273,7 milliards. Mais il faut partir non de la loi de finances pour 2002 corrigée, mais de la loi de finances initiale - soit 266 milliards. Ajoutons-y les dégrèvements relatifs aux collectivités locales, les prélèvements sur recettes - dont la croissance est forte -, la baisse du prélèvement communautaire et la hausse du FOREC : la progression totale est de 12,2 milliards d'euros, soit 3,4 % ! Quant aux recettes, elles diminuent officiellement - en valeur - de 1,1 %, mais baissent de 0,2 % seulement après rebudgétisation.

Pour sensibiliser les Français à la réalité de la situation de nos finances publiques, il faut donc renouer avec les grands principes budgétaires. Plus encore que les années précédentes, les hypothèses économiques sont incertaines. Le projet de budget doit pouvoir être adapté afin de respecter le pacte européen de croissance et de stabilité. Je ne critiquerai pas l'hypothèse de croissance qui a été retenue. C'est celle qui vous paraissait la plus réaliste. Mais vous vous êtes engagé à nous informer continûment de la situation économique et à réguler les dépenses en conséquence. Je vous en félicite : nos prédécesseurs n'ont pas eu tant d'égards pour la représentation nationale et pour les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

L'UDF a demandé un budget ajustable. Le Gouvernement doit nous indiquer quelles mesures de régulation il entend prendre en cas d'infléchissement de la conjoncture. Je dirai comme Platon que je sais que je ne sais pas, mais aussi, avec Aristote, qu'est prudent celui qui anticipe de quoi demain sera fait (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Brard - Platon Aristote de Courson !

M. Charles de Courson - Je suis sûr, Messieurs les ministres, que vous y avez déjà réfléchi. Je ne le dis pas par amour de la rigueur budgétaire, n'étant pas « l'ayatollah budgétaire » que certains se plaisent à dépeindre, mais parce que je suis persuadé que le déficit budgétaire, l'excès de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques et la progression de la dette sont les pires prédateurs de l'emploi et de la justice sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Je n'appelle pas à l'austérité, mais à la responsabilité. Etre responsable, c'est reconnaître que le déficit ne diminuera pas en 2003 et que le retour à l'équilibre en 2004 suppose de le réduire de 0,7 % par an, ce qui représente 10 milliards d'euros d'économies. Quoique impossible, c'est très difficile. Le groupe UDF mesure le courage qu'il nous faudra. Conformément à son engagement européen, il souhaite tout faire pour éviter que la France devienne le mauvais élève de la classe européenne, ce qui ne manquerait pas d'arriver si la croissance n'était que de 1,5 %.

Le projet de loi de finances doit mieux prendre en compte les inquiétudes de certaines catégories sociales.

Octroyer une certaine liberté aux collectivités locales pour fixer le taux des impôts locaux est une mesure qui va dans le bon sens. Toutefois, les collectivités ayant des taux de taxe professionnelle très bas et des taux de taxe d'habitation très élevés ne pourront pas procéder à un réajustement. La solution consisterait à leur accorder une totale liberté de fixation des taux, sous le contrôle des contribuables-électeurs.

Liberté et responsabilité sont les deux fondements d'une politique sérieuse à l'égard des collectivités territoriales. Si vous ne nous concédez pas la liberté aujourd'hui, j'espère que vous le ferez à l'occasion de la loi constitutionnelle sur la décentralisation.

Il faut aussi se préoccuper des épargnants qui ont vu la valeur de leur patrimoine diminuer, ce que le projet de budget ne fait pas. La commission des finances a adopté un amendement de l'UDF qui vise à permettre la déduction des moins-values des sociétés ayant déposé le bilan dès la date du dépôt et non à celle de la liquidation ou du règlement définitif.

On sécuriserait aussi l'épargne à long terme par une mesure sur l'assurance vie, avec une forte composante en actions préparant les futurs fonds de pension.

En troisième lieu, dès le vote du collectif, le groupe UDF défendait l'idée qu'il fallait consacrer autant d'argent aux couches supérieures et moyennes par la baisse de l'impôt sur le revenu qu'aux salariés modestes en améliorant la PPE et en relevant les bas salaires avec baisse des cotisations sociales. Le Gouvernement nous a entendus, puisqu'il a consacré 3,3 milliards d'euros au premier volet et 3 milliards au second entre le collectif et la LFI.

Plusieurs mesures vont dans le bon sens pour encourager les familles, notamment le relèvement à 10 000 euros du plafond de déduction pour emploi familial - qui serait à 14 000 euros sans la réduction opérée par la gauche. S'agissant du logement, le groupe UDF soutient l'amendement de Pierre Méhaignerie concernant l'élargissement du dispositif Besson, mais il faudrait relancer la politique du logement car la pénurie est de plus en plus sensible.

Enfin, la maîtrise des dépenses publiques impose quatre grandes réformes sans lesquelles, on l'a vu avec la gauche, leur dérive est inévitable.

La première grande réforme est celle des retraites. Même en ne les revalorisant que du montant de l'inflation, soit 1,5 %, la masse de retraites des régimes de base s'accroîtra de 3,6 % en 2003, 2,1 % provenant de la détérioration du rapport entre actifs et inactifs. Dès que la croissance est inférieure à 2,1 %, les retraites pèsent donc plus lourd dans le PIB. A partir de 2005, leur poids va s'accroître encore avec le passage à la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre. Cette réforme urgente, le Gouvernement va l'engager en ouvrant la concertation avec les partenaires sociaux en février 2003 et en présentant un projet de loi en juin 2003. L'UDF souhaite que cette réforme s'articule autour de quatre idées. D'abord, il faut assurer l'égalité entre salariés du public et du privé.

M. Hervé Morin - Très bien !

M. Charles de Courson - Notre peuple est très attaché à cette idée d'égalité. Ensuite, il faut tenir compte de la durée de vie professionnelle et du caractère pénible du travail. L'espérance de vie d'un man_uvre est inférieure de 7 ans à celle d'un cadre supérieur ou d'un instituteur. Il faut aussi compléter les régimes par répartition grâce à des fonds de pension à la française, en reprenant la loi Thomas et d'autres propositions de la majorité. Il n'y a aucune raison que seul le secteur public en profite. Enfin, il faut donner plus de liberté dans le choix de la date de départ en retraite, en modulant celle-ci en fonction de la durée de la carrière.

La seconde grande réforme est celle de l'assurance maladie. On ne peut accepter que l'écart ne cesse de se creuser entre l'augmentation prévue de l'ONDAM et celle constatée. Le Gouvernement veut expérimenter une tarification de l'activité et des pathologies. Mettre en place une régulation prendra plusieurs années. Il faut aussi rendre patients et professionnels de santé plus responsables. Encourager le développement de l'assurance complémentaire collective et individuelle par un crédit d'impôt irait dans le bon sens, de même que la régionalisation des enveloppes financières.

La troisième grande réforme est la décentralisation. Nous vous félicitons de l'engager. mais il faut transférer aux assemblées locales un impôt moderne stable, dont elles fixeront le taux. Selon le comité des finances publiques, la seule possibilité est de fixer un taux additionnel sur l'assiette de la CSG. C'est ainsi qu'on garantira l'autonomie fiscale des collectivités locales - assortie d'une péréquation importante - et qu'on renforcera la démocratie locale.

Enfin, il faut entreprendre la réforme de l'Etat, autour de quelques idées force. Il s'agirait d'augmenter la productivité des administrations par le recours à l'informatique ; de réduire la taille des administrations centrales, de mieux répartir les moyens et de déconcentrer les pouvoirs de l'Etat ; d'intéresser les fonctionnaires, par l'avancement et les primes, à l'amélioration des services publics. Enfin la nouvelle loi organique devrait fournir des indicateurs de performance permettant de mesurer l'efficacité de l'action publique.

Le travail à réaliser est donc considérable. J'en rappelle les grands axes : respecter, dans les documents, le droit budgétaire ; adapter la gestion à la conjoncture en respectant nos engagements européens ; porter une attention soutenue aux familles, aux salariés modestes, aux épargnants, aux collectivités locales ; engager quatre grandes réformes sur les retraites, la décentralisation, l'assurance maladie et l'Etat.

C'est dans ce cadre que le groupe UDF soutiendra le projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - M. de Courson vient de brosser un programme de travail tout à fait conforme à nos intentions. Au-delà du budget, voté chaque année, il faut regarder l'avenir en tenant compte du passé et en essayant de créer les conditions propices à l'environnement économique et au niveau de vie.

M. Jean-Pierre Brard - Très dialectique !

M. le Ministre - Le débat a été riche. J'ai appris beaucoup de choses, n'ayant pas l'expérience de nombre d'entre vous. L'opposition était dans son rôle en nous critiquant - insincérité, injustice, inefficacité marqueraient ce budget. Mais j'ai été déçu de ne pas l'entendre faire des propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Il est vrai que les visions sont contradictoires : M. Bonrepaux nous reproche d'affaiblir la France en Europe en ne résorbant pas assez vite le déficit ; a contrario, M. Dray ou M. Brard nous reprochent de nous plier au dogme libéral du pacte de stabilité. Sommes-nous donc trop rigoureux, ou pas assez ? J'en conclus que nous sommes dans le juste milieu.

M. Jean-Pierre Brard - Banal.

M. le Ministre - Quant à la rigueur, je n'emploie pas ce terme dans le sens où vous l'entendez. Pour ma part, j'entends être rigoureux - responsable, selon le mot que vient d'employer M. de Courson - dans un environnement incertain. L'ambition de ce gouvernement est d'être responsable.

M. Hervé Morin - Très bien !

M. le Ministre - M. Méhaignerie ne disait pas autre chose en se déclarant contre tout laxisme. Ce n'est pas par le déficit que nous bâtions l'avenir.

J'ai été étonné de la place faite aux hypothèses de croissance, comme si le budget de notre pays dépendait de ce seul chiffre. D'abord, les hypothèses que nous avons retenues, nous y croyons.

M. Jean-Pierre Brard - C'est rassurant.

M. le Ministre - Tout à fait. Elles ne sont du reste pas très différentes de celles de certains grands instituts internationaux et même inférieures à celles retenues par d'autres pays européens.

Cela dit, l'essentiel est le rapport entre ces hypothèses de croissance et les recettes budgétaires. La croissance est fonction des investissements, des exportations, de la consommation, et chacun de ces éléments pèse de façon différente sur les recettes : l'augmentation de la consommation nous apporte de la TVA, celle des exportations a peu de conséquences sur les recettes fiscales. On s'est donc trop excité sur la croissance de 2003 sans tenir compte de ces relations.

Surtout, si nous avons maintenu ces hypothèses initiales, c'est que nous avons une grande confiance dans la consommation des ménages. Nous avions fait l'hypothèse que le pouvoir d'achat des ménages augmenterait de 2,1 % en 2002. Heureuse surprise, l'INSEE nous dit que ce sera 2,9 %. Dès lors, il nous faut créer les conditions pour que les consommateurs dépensent ce supplément, ce qui procurera des recettes de TVA et de TIPP, plutôt que de l'épargner. Pour cela, il faut leur donner confiance dans la politique du Gouvernement, et nous nous y employons.

Par ailleurs, personne ne peut exclure, dans les semaines que nous vivons, qu'un choc externe important survienne. Ce n'est pas sous notre contrôle...

M. Jean-Pierre Brard - Si. Que la France use de son droit de veto !

M. le Ministre - ...mais nous prendrions alors les mesures nécessaires.

Je remercie chaleureusement la majorité pour son soutien et pour les pistes qu'elle a offertes à notre réflexion.

M. Jean-Pierre Brard - Quelle flagornerie !

M. le Ministre - Chacun sait la situation que nous avons trouvée : le déficit, la multiplicité des SMIC - nous avons eu le courage d'en sortir par le haut, il me semble difficile de nous taxer à ce sujet d'injustice (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) -, toutes les mesures non financées, qu'il s'agisse des 35 heures, des emplois jeunes ou de l'APA, la hausse continue des effectifs de la fonction publique, la baisse des investissements. Tout cela, nous allons l'assumer bien que nous n'en portions pas la responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je remercie M. Carrez d'avoir souligné que nous ne prétendons nullement raser gratis. Nous avons au contraire joué la sincérité et la prudence, notamment en retenant dans la plupart des cas un taux d'élasticité inférieur à 1 pour les recettes, contrairement à ce qui fut pratiqué dans le passé.

La plupart des orateurs ont jugé que ce budget dosait bien ces deux nécessités que sont l'encouragement de l'offre et le soutien de la demande. De fait, nous essayons à la fois de réduire les impôts et les charges...

M. Alain Néri - Toujours pour les mêmes !

M. le Ministre - ...afin de rétablir la confiance, de financer nos priorités et de nous engager dans une maîtrise de la dépense de l'Etat. Nous ne faisons que commencer et nous avons devant nous toute une législature, mais le cap est le bon et nous avons la ferme intention de le tenir.

Pour être efficaces, les baisses d'impôts doivent s'inscrire dans la durée. C'est à cette condition qu'elles induiront un changement de comportements.

M. Alain Néri - M. Lambert est d'accord avec vous ?

M. le Ministre - Certains craignent qu'elles ne s'accompagnent de hausses symétriques sur le plan local. Je suis convaincu pour ma part que la décentralisation et la réforme de l'Etat permettront de rapprocher l'administration de l'usager et d'améliorer le service qui lui est rendu, pour un coût plus faible qu'actuellement. Comme tout système collectif, l'Etat et les collectivités locales peuvent améliorer leurs performances et être « managées » dans cette perspective.

Nombre d'entre vous souhaitent une meilleure gestion des entreprises publiques. Pour les raisons que vous imaginez,...

M. Jean-Pierre Brard - Trop bien !

M. le Ministre - ...je n'ai aucune difficulté à reconnaître qu'il y a des problèmes et je suis tout à fait d'accord pour venir présenter devant les commissions compétentes la situation économique et financière desdites entreprises. Et lorsque la réflexion sur l'Etat actionnaire aura été menée à terme, je viendrai également expliquer comment l'Etat essaiera de faire mieux que par le passé.

Dans ce budget, nous essayons aussi de penser aux autres, en particulier au Sud, et nous augmentons donc notre effort d'aide au développement. Cet effort de générosité devra se poursuivre. C'est seulement ainsi que notre pays peut prétendre garder une influence dans le monde et faire partager ses valeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Au total, nous avons beaucoup de travail devant nous, qu'il s'agisse des retraites, de la décentralisation ou de la santé. Mais nous avons aussi de la méthode, ce qui nous permettra de résoudre progressivement tous les problèmes. Les budgets constituent un outil qui permette de trouver en temps réel - c'est-à-dire l'année - le moins mauvais compromis possible entre les différentes contraintes, et ce en toute transparence. Nous bâtirons donc, budget après budget, le devenir de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - On me faisait remarquer tout à l'heure que je comptais sur mes doigts...

M. Jean-Pierre Brard - Normal pour un ministre du budget !

M. le Ministre délégué - Je comptais qu'il s'agit là du onzième débat budgétaire auquel j'ai la chance de participer. C'est aussi sans doute celui où j'ai le plus appris. Je l'ai trouvé en effet d'une grande qualité et d'une grande richesse. Et jamais je n'ai autant entendu insister sur la nécessité de maîtriser puis de réduire la dépense publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Albertini - C'est le plus difficile.

M. le Ministre délégué - En effet, mais c'est la clé de tout. Il est politiquement facile de dire que l'on va réduire les prélèvements et le déficit, mais réduire la dépense exige du courage et un sens aigu des responsabilités. Je les ai constatés ici.

Maîtriser la dépense est le seul moyen de faire face à la situation que nous avons trouvée, car comme l'a justement souligné le rapporteur général, la gestion 2001 portait en germe toutes les difficultés de 2002 et de 2003 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons eu raison de nous caler sur l'hypothèse la moins optimiste de l'audit pour faire le collectif de juillet, les rentrées fiscales de ces derniers mois nous le confirment. Autant en 2002 les dépenses ont été systématiquement sous-évaluées et les recettes systématiquement surévaluées, autant les estimations de recettes et de dépenses sont marquées dans le budget pour 2003 par un souci de sincérité.

De nombreux orateurs ont à juste titre souligné les dérives imputables au précédent gouvernement. Les 35 heures nous ont privés de 10 milliards de recettes fiscales, la création d'emplois publics a rigidifié les dépenses au point que la dette et la fonction publique représentent 58 % des dépenses de L'Etat. Il faut aussi évoquer la hausse non financée de diverses prestations sociales : aide médicale d'Etat, CMU, APA, BAPSA...

Nous n'avons donc pas d'autre choix que de nous engager dans une maîtrise de la dépense. C'est le gage d'une baisse durable des prélèvements. Cette baisse, les Français la demandent car ils ne veulent pas être les contribuables les plus maltraités d'Europe, et nous avons pris devant eux l'engagement de la réaliser. C'est également le moyen de financer nos priorités : la sécurité, première préoccupation des Français, la justice, la défense.

M. Augustin Bonrepaux - Et l'emploi ?

M. le Ministre délégué - Cette réduction de la dépense publique est en outre indispensable pour parvenir, à la fin de la législature, à l'équilibre budgétaire. Je fais mienne une formule de M. Méhaignerie : « contrôler la dépense, c'est s'opposer au laxisme ». Contrôler la dépense, c'est aussi s'assurer une plus grande marge de man_uvre pour les dépenses à venir, et notamment les investissements. MM. Folliot et Bouvard ont insisté sur ces points.

Vous avez été nombreux à ouvrir des pistes en faveur de la maîtrise des dépenses, usant pour ce faire de formules à retenir. Hervé de Charrette : « il faut gagner la bataille de la dépense publique » ; François Goulard : « il faut se garder du keynesianisme de paresse » (Interruptions sur divers bancs).

Que Philippe Auberger ne s'inquiète pas de l'équilibre des finances publiques lors des opérations de financement des entreprises publiques : le Gouvernement veillera à ce qu'elles aient un caractère strictement patrimonial.

Le Gouvernement partage l'analyse de M. Guillaume sur les difficultés du secteur public ; le niveau de la dette est tel qu'il obère fortement les chances de la France.

M. Jean-Pierre Brard - Pourtant, M. Guillaume approuve les subventions publiques à l'agriculture !

M. le Ministre délégué - Philippe Folliot nous a invités à la maîtrise des dépenses de fonction publique par l'application de la LOLF. Nous comptons associer les parlementaires à la mise en _uvre de la loi organique.

Jean-Yves Chamard, fort de son expérience sur le terrain et de son expérience de rapporteur spécial des crédits de l'éducation, a développé une analyse pertinente sur les indicateurs de contrôle de la dépense publique.

Marc Laffineur insiste à juste titre sur les nécessités de rompre avec les pratiques d'affichage et d'opacité.

Georges Tron a proposé de nombreuses pistes pour améliorer la gestion des ressources humaines, en s'inspirant, par exemple, de nos voisins européens.

J'en viens à la question de la dépense publique qui sépare les députés de la majorité et ceux de l'opposition. Aussi bien est-ce à mes yeux une noblesse de la politique de faire clairement apparaître des positions différentes.

M. Jean-Pierre Brard - Nous sommes au moins d'accord sur ce point.

M. le Ministre délégué - J'ai écouté très attentivement les députés socialistes et communistes.

Julien Dray, par exemple, refuse de voir dans la baisse des déficits une priorité et, Eric Besson considère que le Gouvernement détruit l'emploi public.

Comme d'habitude, tous les budgets qui baissent ont été montrés du doigt. Mais le déficit, c'est l'impôt de demain, et c'est aujourd'hui une entrave à la dépense utile, notamment la dépense d'investissement.

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi ne le réduisez-vous pas ?

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement préfère l'emploi pérenne en entreprise à l'emploi public temporaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) .

Comme certains d'entre vous l'ont dit, un bon budget n'est pas un budget qui augmente.

M. Balligand s'est montré particulièrement pessimiste : le budget ne répondait pas à la gravité de la situation mondiale. Mais n'est-il pas dangereux de trop inciter à l'inquiétude ? Par ailleurs, pour ce qui est de la Caisse des dépôts, nous prélèverons 550 millions d'euros de moins en 2003 qu'en 2002.

M. Jean-Pierre Balligand - C'était sur les résultats !

M. le Ministre délégué - Nous ne prélevons que sur la réserve d'intérêts compensateurs, qui est acquise à l'Etat, et le Gouvernement vient de nommer une mission sur l'épargne réglementée.

Enfin, selon M. Rodet, l'institut le plus sollicité serait l'institut Coué. Rassurez-vous : cet institut a fermé ses portes en mai 2002 ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Le débat sur la dépense publique est aussi celui du pilotage de cette dépense. Monsieur Migaud, la régulation budgétaire a été abondamment pratiquée par le précédent gouvernement, et nous y recourrons nous aussi, mais contrairement à nos prédécesseurs, nous le disons dès maintenant, et nous le ferons le plus tôt possible dans l'année, afin de ne pas perturber les gestionnaires.

Ce qui importe dans un budget, c'est le montant global des dépenses, et nous souhaitons préserver ce chiffre.

Je remercie d'ailleurs les députés qui ont qualifié notre budget de sincère et crédible.

Enfin, vous avez été nombreux à craindre que le vaste mouvement de décentralisation entraîne une hausse des impôts locaux. Le Gouvernement sera attentif à ce que des transferts de ressources suffisantes accompagnent cette deuxième vague de décentralisation (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Malgré la conjoncture budgétaire difficile, le contrat de croissance et de solidarité avec les collectivités locales est maintenu et renouvelé.

L'autonomie fiscale des collectivités locales n'est pas un slogan, elle est inscrite dans les actes du Gouvernement. Aussi vous sera-t-il proposé d'assouplir le lien entre les taux des quatre taxes locales. C'est une vraie révolution. J'ai bien entendu l'appel de M. de Courson. C'est un sujet qui va être largement débattu. Le Gouvernement procède par étape pour éviter que certains n'abusent de cette liberté toute neuve. Le texte correspond à un équilibre auquel nous sommes très attachés.

S'agissant de la fiscalité locale, celle de France Télécom est enfin banalisée. Au-delà, le Gouvernement prendra à bras le corps deux problèmes essentiels : faire en sorte que décentralisation et réforme de l'Etat aillent de pair et éviter de créer aux collectivités des obligations qui les empêcheraient de se gérer de façon autonome. Cela répond aux préoccupations exprimées notamment par MM. Estrosi et Landrain. En approfondissant la décentralisation, il faudra être vigilant en matière de dépenses et d'impôts.

J'en viens aux questions fiscales. Baisser les prélèvements obligatoires comme nous avons choisi de le faire n'a d'autre objectif que de créer les conditions d'une croissance forte et durable et de restaurer l'attractivité de notre territoire pour que s'y créent des emplois et s'y développe l'initiative. A ce choix, plusieurs raisons. D'une part, le niveau des prélèvements en France était trop élevé par rapport à la moyenne de nos voisins et concurrents européens. D'autre part, les incertitudes actuelles sur la conjoncture économique rendent encore plus nécessaire d'alléger les charges pesant sur les ménages et les entreprises. C'est ainsi, en accordant plus de liberté aux entreprises et en améliorant le pouvoir d'achat des ménages, que nous placerons le mieux la France en ordre de bataille. Enfin, nous avions le devoir de restituer aux Français les fruits de leur travail, qui leur avait été en partie confisquée ces cinq dernières années.

Certains considèrent la baisse de 6 % de l'impôt sur le revenu comme inéquitable. Appréhender la question de cet impôt sous le seul angle du montant acquitté, c'est méconnaître sa très forte concentration dans notre pays, notamment par rapport aux pays voisins. J'observe d'ailleurs que les auteurs de cette critique se sont bien gardés de toute comparaison internationale. Nous n'avons pas modifié la progressivité de l'impôt sur le revenu - que le précédent gouvernement avait renforcée - mais avons abaissé de 6 % tous les taux du barème. Nous avons en cela répondu au souhait des Français qui ont clairement tranché au printemps dernier, en faveur de l'emploi, de la croissance et de l'initiative.

Plusieurs orateurs ont regretté la faible augmentation de la prime pour l'emploi. Nous avons tout de même maintenu cet instrument qui, en dépit de ses multiples défauts, présente l'avantage d'inciter au travail et d'améliorer le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes. Nous avons cette année concentré notre effort sur les travailleurs à temps partiel...

M. Augustin Bonrepaux - Et rien pour les autres !

M. le Ministre délégué - Nous ne renonçons pas pour autant au projet de réformer ce dispositif complexe, et à ce sujet, j'ai bien entendu les souhaits de M. Auberger quant à la suppression du décalage entre la reprise d'un emploi et le versement de la prime.

Certains voient dans l'augmentation proposée de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile un « cadeau » aux familles les plus aisées, lequel, disent-ils, suscitera de surcroît un effet d'aubaine. Savent-ils que 2 150 000 foyers fiscaux bénéficient d'une réduction d'impôt à ce titre et que sont concernés près de 600 000 emplois ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Nous ne faisons aucune hiérarchie entre les emplois, selon qu'ils seraient créés par les entreprises ou par les particuliers (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Occuper un emploi créé par un particulier est toujours mieux que de vivre de l'assistance.

Mme Christine Boutin - Très bien !

M. le Ministre délégué - Serait-il normal que les entreprises bénéficient d'allégements de charges pour leurs créations d'emplois et que les particuliers, eux, en supportent le coût intégral ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et républicain ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Migaud a cité tout à l'heure les décisions prises en 1995. L'avantage à l'époque avait été multiplié par 3,4. La logique n'est pas la même aujourd'hui où nous ne faisons que rétablir, partiellement, une réduction d'impôt que le précédent gouvernement avait, lui, divisée par deux en 1997. Nous corrigeons une mesure qui avait été très défavorable aux familles.

M. Augustin Bonrepaux - Lesquelles ?

M. Jean-Pierre Brard - Défavorable aux bourgeois !

Mme Christine Boutin - Les familles remercient le Gouvernement

M. le Ministre délégué - J'en viens à l'impôt sur la fortune. Nos choix en ce domaine ont été dictés par les marges de man_uvre très limitées, pour ne pas dire nulles, dont nous disposions. Nous avons choisi de donner cette année la priorité à l'allègement des charges pesant sur le travail de façon à favoriser la croissance et l'emploi. Pour autant, à écouter plusieurs d'entre vous, le Gouvernement a bien perçu l'importance d'une réforme de la fiscalité sur le patrimoine.

M. Jean-Pierre Brard - Nous y voilà !

M. le Ministre délégué - Nous nous y attacherons dans le cadre du futur projet de loi relatif à la création d'entreprises, que présentera Renaud Dutreil, et nous lancerons début 2003 une large concertation à laquelle sera bien entendu associée au premier chef votre commission des finances (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous mettrons notamment à profit les conclusions du rapport Charzat, dont vous avez certainement entendu parler...

J'en viens à la simplification des prélèvements, sur laquelle a particulièrement insisté M. Deniaud. Nos concitoyens trouvent en effet les prélèvements non seulement trop lourds mais aussi trop compliqués. Cette complexité, et l'insécurité juridique qui en découle, nuisent d'ailleurs à l'attractivité du territoire national. Il faut à la fois alléger l'impôt et en simplifier les formalités, de déclaration comme de paiement. Simplifier la vie quotidienne de nos concitoyens, notamment leurs démarches administratives, sera l'un des axes majeurs de la réforme de l'Etat. Ce projet de budget comporte d'ores et déjà plusieurs mesures en ce sens.

Un mot à M. Migaud. Nous n'avons pas aggravé le déficit cet été, nous en avons seulement pris acte dans le collectif. Ce qui est certain est que de 1993 à 1997, le gouvernement Juppé l'a divisé par deux, le faisant passer de 6 % à 3 % du PIB, quand de 1997 à 2002, alors même que la croissance était de retour, le gouvernement Jospin ne l'a réduit que de 0,6 %.

Enfin, je confirme à M. de Courson que notre détermination à supprimer le FOREC est totale (M. de Courson applaudit). Pour ce qui est des recettes fiscales dont il est ici un expert incontesté, il ne lui aura pas échappé que nous les avons diminuées de quatre milliards d'euros. S'agissant de la prime pour l'emploi, je le supplie : ne rendons pas encore plus complexe un dispositif qui l'est déjà beaucoup ! Si nous transformions cette prime en dépense, ce serait encore plus compliqué.

Si j'ai été long dans cette réponse, ce dont je vous prie de m'excuser, c'est aussi par respect pour tous les orateurs qui se sont exprimés depuis hier. Une journée consacrée à la discussion générale sur le budget de la nation, ce n'est finalement pas beaucoup quand il s'agit de la dépense publique, c'est-à-dire de l'usage qui sera fait du fruit du travail des hommes. La représentation nationale, et le Gouvernement à ses côtés, s'honorent de respecter au plus haut point le fruit de ce travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je demande aux membres de la commission des finances de bien vouloir se réunir immédiatement après le vote sur la motion de renvoi en commission. Etant donné le grand nombre d'amendements à examiner, j'exprime également le souhait que la séance ne reprenne ce soir qu'à 21 heures 30.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Michel Vaxès - De nombreuses raisons justifient un examen plus approfondi

Ainsi de la crédibilité d'une croissance de 2,5 points. Cette question a déjà été évoquée largement, en particulier par mes amis Sandrier et Brard. Pas plus qu'eux, je ne suis convaincu par les réponses des ministres. Comment concevoir l'examen d'un projet de budget fondé sur des hypothèses auxquelles plus personne ne croit ? Si, en 2003, comme l'annonce l'INSEE, la croissance n'était pas au rendez-vous de vos espoirs, alors non seulement la question du financement des baisses d'impôts et des allégements de charges deviendrait incontournable, mais notre débat actuel perdrait beaucoup de son sens au vu des mesures correctrices devenues inévitables.

Pour éluder cette question, vous voudriez nous faire croire que l'ambition proclamée de votre projet soutiendrait vos hypothèses de croissance. Cet argument ne résistera pas longtemps à l'épreuve des faits.

En effet, une relance par une politique de l'offre basée uniquement sur la baisse des prélèvements et des coûts est très aléatoire et même dangereuse. Cette baisse, vous projetez de la financer par une diminution des dépenses publiques, même si François Goulard, ce matin, s'en défendait en apparence. Pourtant la dépense publique participe efficacement au dynamisme de l'activité économique ; mais vous ne voulez pas utiliser ce levier.

Les cadeaux fiscaux accordés aux hauts revenus n'auront guère d'effets sur la consommation. Ils gonflent plutôt l'épargne et l'accumulation financière, comme le suggère le rapport annexé du projet de budget. Pour que la croissance en profite, la réduction d'impôts devrait s'appliquer de façon uniforme à l'ensemble des ménages, et non pas, comme vous l'avez voulu, aux revenus les plus élevés. Ce faisant, vous choisissez l'injustice fiscale tout en vous condamnant à l'inefficacité économique.

Vos orientations budgétaires ne permettront pas d'assurer une bonne gestion des biens et des services publics, qu'il s'agisse des missions régaliennes de sécurité et de défense, ou de ce qui prépare l'avenir, comme l'éducation, la culture et la recherche. Elles ne favoriseront pas davantage la redistribution des richesses qui devrait concourir à la réduction des inégalités, pas plus qu'elles ne permettront de réguler l'activité économique pour soutenir la croissance.

La bonne gestion des services publics ne peut pas être assurée par des intérêts privés ; les privatisations que vous préparez seront contre-productives. Les Français l'ont bien compris puisque, dans un sondage paru le mois dernier, ils plébiscitaient à 65 % leurs services publics, plaçant en tête EDF que le Gouvernement veut brader aux appétits des milieux financiers. Ils apprécient aussi à 82 % le travail des agents des services publics, dont on voudrait pourtant nous faire croire qu'ils ne sont qu'attachés à leur statut de privilégiés, quand ils manifestent pour défendre notre patrimoine national.

La loi de l'argent et du profit a un coût environnemental et social. Les grands groupes privés refusent de le prendre en compte, mais il finit toujours par être payé par les populations. Que valent les milliers d'emplois et le développement d'un territoire face à un objectif de rentabilité financière ? Que valent la sécurité des biens et la santé des personnes face aux objectifs du profit à court terme ? Quand les difficultés économiques et le chômage s'accélèrent, qu'un ralentissement mondial se produit, qu'une crise financière sévit, que se profile la menace d'une nouvelle guerre contre l'Irak, quand l'horizon s'assombrit à ce point, la préservation et l'application renforcée du principe de solidarité est le seul vrai choix de survie pour la nation. Les actes de violence se nourrissent partout de la précarité, de l'injustice, de l'impossibilité de se construire un avenir pour une partie grandissante de la jeunesse. Des services publics de qualité et accessibles à tous sont alors plus que jamais indispensables. Victor Hugo offrait déjà d'ouvrir des écoles pour fermer des prisons. Vous restez sourds à cet appel, mettant en péril notre pacte républicain et compromettant l'avenir de notre modèle de société. Votre budget multipliera les situations d'exclusion en aggravant la précarité et les difficultés des ménages les plus modestes. Vous nourrissez ainsi l'insécurité que vous voulez par ailleurs combattre par la seule répression.

Oui, les services publics sont la seule garantie de l'égalité, de la sécurité, de la santé, de trains ponctuels, bref de l'intérêt général. A l'inverse, le financement de cadeaux fiscaux aux plus aisés, le financement, par tous les Français, des baisses de charges, autrement dit la moindre contribution des entreprises à la solidarité nationale, conduiront à réduire les moyens des services publics, au détriment des usagers les plus modestes. On le voit déjà avec 3 412 postes de moins pour l'enseignement scolaire, 1 361 pour l'économie, 31,6 milliards de moins pour les affaires sociales, 2,4 milliards pour la culture. Le pire reste à venir, avec le retour du déficit de la sécurité sociale qui vous conduit à envisager de réduire les services rendus, voir d'augmenter les cotisations. On sait qui en seront les victimes. Vous le niez, mais la vie tranchera.

Les conséquences de vos choix sont faciles à prévoir : privatisation des entreprises publiques et aussi des régimes sociaux avec des fonds de pension, dont on parle moins mais auxquels vous n'avez pas renoncé, aggravation de la précarité. Voilà de quoi renforcer le désespoir de ceux qui n'ont plus rien à perdre. Votre budget nous fait avancer dans l'histoire à reculons.

Le Président de la République a présenté la baisse des prélèvements obligatoires comme « un choix de survie pour la nation ». Cette affirmation est très éloignée des préoccupations des Français, non seulement les plus modestes qui n'ont même pas de quoi être redevables de l'impôt, mais aussi les moyens contribuables, qui apprécient les avantages procurés par la solidarité nationale. Un examen plus sérieux des comparaisons internationales aurait conduit le Chef de l'Etat à des conclusions différentes. Il a déclaré le 14 juillet : « Nous avons en France le triste record des charges et des impôts, qui sont plus élevés que partout en Europe ». Ce n'est pas exact. La Suède, par exemple, nous dépassait de six points en 1999. De plus, dans une comparaison qui associe l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le taux de prélèvement français est de trois points en pourcentage de PIB inférieur à la moyenne européenne et de deux points à celle des pays de l'OCDE. De plus, la part de ces impôts dans les prélèvements obligatoires est inférieure de dix points à la part moyenne de l'Union et de douze points à celle des pays de l'OCDE. Pourtant, ces prélèvements sont les principaux facteurs de la justice sociale et de la croissance économique. Leur réduction transfère la charge contributive sur les ménages les plus modestes. Adossée à une croissance plus faible que prévu, la baisse du revenu disponible accentuera les inégalités.

Mais rien n'y fait, et c'est toujours à ceux qui ont le moins de besoin que le Gouvernement destine l'essentiel de ses faveurs fiscales, au détriment du service rendu au public et c'est aux catégories modestes qui en ont le plus besoin qu'il réserve la diminution des services publics rendus.

En effet, qui, pour l'essentiel, place ses enfants à la crèche, doit recourir aux structures publiques pour prendre en charge des parents dépendants, n'a recours qu'à l'école publique laïque et ne peut s'adresser qu'à l'hôpital public pour être soigné, sinon les plus modestes ? Ce sont eux qui paieront la lourde facture de vos choix budgétaires. Le principe constitutionnel qui veut que chacun contribue à raison de ses facultés, aurait pourtant dû vous conduire à développer la fonction citoyenne de l'entreprise, comme nous le proposerons par nos amendements. Vous ne vous êtes pas risqué, cette fois, à augmenter la TVA, mais la baisse uniforme de l'impôt aura les mêmes effets sur la redistribution. Alors que la TVA grève de 1 % le budget des smicards et de un pour mille celui des milliardaires, la baisse de l'impôt sur le revenu augmente de 0 % le budget des smicards et de 5 % la ristourne aux plus hauts revenus. Les deux tiers de la réduction de l'impôt sur le revenu bénéficieront à 10 % de la population, et le taux supérieur a été ramené sous la barre des 50 %, contre 58 % au début des années 1990. En outre, les inégalités s'amplifieront avec le temps, les catégories les plus aisées étant celles qui épargnent le plus. De même, la baisse des prélèvements sur le travail se fera en faveur des revenus du capital et au détriment des revenus du travail, c'est-à-dire de la grande majorité des foyers qui en vivent essentiellement.

Les mesures relatives aux entreprises - allégements de charges sur les bas salaires, exonérations des contrats jeunes sans encouragement à la formation - tireront vers le bas les qualifications et les salaires, et augmenteront en réalité, sans contrepartie, la rémunération du capital.

Plus pour les riches et moins pour les pauvres, tel est le sens du projet de budget que vous nous proposez en ignorant superbement vos devoirs envers la nation tout entière.

M. Patrice Martin-Lalande - Caricature !

M. Michel Vaxès - Encore n'ai-je pas évoqué vos projets de suppression de l'ISF, verrue fiscale insupportable pour les privilégiés, dont les nouvelles 200 familles françaises sont pourtant largement préservées par l'exonération du patrimoine professionnel.

Enfin, la régulation économique qui devrait soutenir la croissance est compromise par une politique de l'offre fondée sur la baisse des prélèvements et des coûts. Le transfert des charges collectives sur des impôts non progressifs assis sur la consommation - pour la TVA -, la production - pour la taxe professionnelle - ou les revenus du travail - pour les cotisations sociales -, aura des effets négatifs sur le pouvoir d'achat et la croissance. Non, vos mesures ne vont ni dans le sens de la justice sociale, ni dans celui de l'amélioration du pouvoir d'achat.

L'efficacité économique des mesures d'équité sociale est pourtant clairement démontrée. La consommation est le facteur dominant de la croissance ; les plus modestes y consacrent l'essentiel de leurs revenus disponibles, tandis que les catégories aisées reportent sur l'épargne et l'accumulation financière tout accroissement de leur richesse, d'autant plus que rien n'est fait pour corriger la sous-imposition des revenus financiers.

Le pari que prend le Gouvernement me paraît fort risqué au regard du prix à payer. Les effets positifs d'une réduction des prélèvements et des coûts sont encore plus improbables dans un contexte économique incertain où la consommation est compromise par la baisse du pouvoir d'achat et la montée de la précarité.

Comme aux Etats-Unis, où la proportion des personnes en dessous du seuil de pauvreté est passée de 12 à 15 % entre 1979 et 1992, vos mesures vont créer une nouvelle catégorie de travailleurs pauvres sous-payés, sous-qualifiés, sous-formés et sous-employés. Les entreprises, si désireuses soient-elles d'améliorer leur rentabilité, conserveront les mêmes impératifs économiques, sinon purement financiers. Elles ne créeront d'emplois que si leur rentabilité est assurée grâce à l'existence de débouchés pour leurs produits.

Les besoins des populations ne pourront donc être durablement ignorés : ils sont au c_ur de la dynamique économique.

La privatisation des services publics sur laquelle vous comptez pour financer vos choix politiques est aujourd'hui compromise par la chute des indices boursiers, sauf à brader le patrimoine national. Il fut bien question naguère de céder Thomson pour un franc symbolique !

Au lieu de vous engager dans une politique contracyclique de relance par la demande et de dépenser pour les hommes, vous allez faillir à votre mission de régulation économique, en opérant délibérément des choix qui rendront inéluctables des corrections ultérieures - pour parler clair, la rigueur budgétaire. Le ministre de l'économie et des finances a lui-même lâché le mot dans un moment d'inattention. Comme il est difficile de cacher ce que l'on pense vraiment !

Les mesures unilatérales de réduction des coûts sont à l'économie ce que les mesures répressives sont à la déviance des comportements : très dangereuses à terme. Leurs effets seront l'aggravation de la précarité, la baisse de la fiscalité redistributive, les bas salaires, les emplois peu qualifiés, le temps partiel. Ainsi hypothéquerez-vous durablement la dynamique économique.

A l'évidence, votre projet de loi de finances n'assurera aucune des fonctions budgétaires essentielles. Non seulement la baisse du taux de prélèvement attendue repose sur des hypothèses contestées, qui laissent présager des hausses ultérieures et des coupes drastiques dans les dépenses publiques, mais la réduction sélective de la fiscalité accroîtra les inégalités et la précarité en privilégiant la rémunération du capital, au détriment des besoins des hommes, donc de la croissance.

En conséquence, j'invite l'Assemblée à voter cette motion de renvoi en commission, afin de répondre aux vraies attentes de la majorité de la population française, qui sont pour l'instant ignorées (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre délégué - Je respecte le point de vue de M. Vaxès. Je ne reviendrai pas sur nos désaccords, qui m'amènent à vous demander de rejeter cette motion de renvoi en commission.

Mme Marie-Anne Montchamp - Le projet de loi de finances occupe le Gouvernement depuis le mois de juillet. La commission des finances s'est pour sa part penchée, dès la publication de l'audit de MM. Bonnet et Nasse, sur les artifices budgétaires qui masquaient le déficit des comptes publics. Elle a ensuite examiné quelque 150 amendements et auditionné plusieurs ministres.

Le Gouvernement nous présente un budget rénové, réaliste et loyal. A une pratique d'affichage se substitue une exigence de sincérité et de résultat. Nous nous félicitons que la procédure budgétaire s'inscrive désormais dans une perspective pluriannuelle, notamment avec le compte rendu d'exécution qui nous sera présenté à la fin du premier semestre. Avec le coup d'arrêt porté à la dérive du déficit, le pragmatisme prend le pas sur l'idéologie. Enfin, ce budget est transparent et traduit les priorités du Gouvernement : restauration de l'autorité de l'Etat, meilleure efficacité de la dépense publique, soutien à l'emploi par l'abaissement du coût du travail.

Le groupe UMP ne votera donc pas cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Nous avons l'habitude, Monsieur le ministre, de débattre courtoisement. Mais ne cherchez pas à travestir la vérité en noircissant la situation du pays et le bilan du gouvernement précédent.

Vous dites que vous avez ramené le déficit de 6 à 3 %. Ce n'est pas tout à fait vrai : le Président de la République a dissous l'Assemblée nationale précisément parce qu'il estimait que l'objectif de 3 % était insoutenable. Je vous renvoie sur ce point à certaine lettre de M. Juppé qui en témoigne.

Ayez aussi l'honnêteté de préciser que les 3 % étaient approchés en partie grâce à la soulte de France Télécom, et que le gouvernement précédent a lui aussi consenti un effort de réduction du déficit, tout en respectant ses priorités et d'abord l'emploi. Il est parvenu à 1,4 %. Nous avions donc nous aussi réduit les déficits de moitié fin 2000 et début 2001. Quant à la conjoncture internationale, ses conséquences sont moindres en France que dans d'autres pays.

Vous avez aggravé le déficit. Il pouvait être de 2,2 %, mais, de façon volontariste, vous avez réduit l'impôt sur le revenu, pour 0,2 % de PIB, et vous avez ouvert pour le même montant des dépenses supplémentaires.

M. François Goulard - Bien nécessaires !

M. Didier Migaud - Non, car vous les avez gelées onze jours après. Vous pouviez faire ces corrections à budget constant. Ce sont donc 0,4 % de déficit qui vous sont directement et objectivement imputables.

Ce projet est si virtuel que vous devriez accepter de retourner en commission. Cela permettrait de réviser votre copie. La majorité tient des propos bien optimistes sur ce budget, mais je suis persuadé que, malheureusement, en 2004 son exécution s'éloignera sensiblement du projet annoncé. Retournons donc au travail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Charles de Courson - Cette motion a l'intérêt de souligner l'incohérence totale entre socialistes et communistes et dans les rangs socialistes.

M. Jean-Pierre Brard - C'est le pluralisme.

M. Charles de Courson - Pour les communistes, anti-européens, plus on dépense, mieux c'est, et il faut taxer tout le monde. Telle est la logique d'un parti qui a épuisé son utilité historique et finira dans les poubelles de l'histoire.

Plus grave est l'attitude des socialistes. Fin 2001, M. Fabius annonçait pour 2002 un déficit de 1,4 % ; il sera finalement de 2,6 %. Vous mettez en avant les 0,2 % du PIB consommés par la réduction de l'impôt sur le revenu. Dont acte. Reste 2,4 % qui sont de votre fait et 1 % de dérive, ce qui est énorme. Quant aux 0,2 % d'ouvertures de crédits que vous mentionnez, nous y avons recouru parce que vous aviez sous-doté les postes budgétaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

La situation économique internationale s'impose à tous les gouvernements. Il n'y a plus que la gauche pour croire qu'on va fixer le taux de croissance. Respectez un peu mieux les réalités et répondez donc à cette question : qu'auriez-vous fait si, pour le malheur de notre pays, notre peuple vous avait renouvelé sa confiance ? Vous êtes bien incapable de répondre ! Vous ne pouvez pas dire que vous auriez augmenté les recettes, ni que vous auriez diminué les dépenses. En fait le parti socialiste est déchiré entre son aile gauche qui retombe dans la maladie infantile du communisme, (Rires sur de nombreux bancs) le gauchisme, et son aile modérée qui n'arrive pas à se faire entendre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. le Président - A vous, Monsieur Brard, mais ne vous croyez pas obligé de répondre à M. de Courson (Rires sur divers bancs).

M. Jean-Pierre Brard - M. de Courson a dans les gènes l'élégance des aristocrates quand il s'adresse aux roturiers. On ne le changera pas, Monsieur Charles-Amédée de Courson, qui a raccourci son nom comme nos ancêtres ont raccourci certains aristocrates (Rires sur de nombreux bancs et exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Monsieur le ministre, ne faites pas dire aux Français ce qu'ils n'ont pas dit. En mai, ils ont voté contre Le Pen, ils ne vous en pas donné un blanc seing. La plupart de ceux qui sont ici sont montés dans les fourgons du Président de la République en se gardant bien de dire pour quoi ils se faisaient élire. Regardez les élections partielles, les Français ne sont pas anesthésiés. Evidemment, que M. Sarkozy, M. Goasguen ou M. Gantier défendent ouvertement les privilégiés, c'est normal ; s'ils ne le faisaient pas, ils seraient battus. Mais M. Bouvard, M. Gest, M. Méhaignerie, M. Carrez, M. de Courson vont-ils dire aux smicards de leur circonscription que les gens de Neuilly qui ont du personnel de maison pourront se faire rembourser une partie des frais grâce à la TVA acquitté par les pauvres ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Ils n'oseront pas.

M. François Goulard - 2,5 millions de foyers sont concernés.

M. Jean-Pierre Brard - Vraiment, Monsieur le ministre, vous videz les mots de leur sens comme le dentiste procède à une dévitalisation ; en apparence la dent existe toujours, mais elle est morte à l'intérieur.

Plusieurs députés UMP - Comme le parti communiste ! (Rires sur de nombreux bancs)

M. Jean-Pierre Brard - C'est ce que vous faites avec les valeurs de la République.

Il y a bien lieu de retourner en commission. En effet, M. de Courson, par une conversion récente, vient de se prononcer pour l'augmentation des bas salaires et le budget ne contient rien à ce sujet. L'an dernier, vous nous seriniez que l'important, c'était le taux de croissance. M. Mer vient de nous dire que l'on ne savait pas grand-chose et que les hypothèses valent ce qu'elles valent. Il y a donc matière à travailler.

Et puis, vous nous parlez sans cesse des « ménages ». Sous ce terme, vous amalgamez pauvres et riches pour attirer les vraies couches moyennes : elles vont gagner quelques dizaines, voire quelques centaines d'euros d'impôt sur le revenu, mais comme vous allez tailler dans les services publics, elles devront payer plus pour l'éducation, la santé, les retraites. C'est un marché de dupes.

Enfin, M. Mer nous a annoncé à la tribune que le budget était équilibré, alors qu'il est en déficit. Pour éclaircir un tel mystère, il y a lieu de retourner en commission. Quant à M. Lambert, il a cité M. Chamard selon lequel « il y a des marges de progression sur le budget de l'Education nationale ». Décodons ce langage crypté : vous allez tailler dans ce budget et les enseignants ont raison de descendre dans la rue.

Pour terminer, je me permets de recommander au ministre de parler dans la langue vulgaire, celle des roturiers, et je le renvoie à l'excellent ouvrage de M. Piketty qui démontre à quel point la progressivité de l'impôt, qui est une des bases de notre République, a été altérée (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 15

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 1ère séance du mardi 15 octobre :

Page 20 :

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprise a répondu à la question de M. Michel Heinrich sur la situation de l'industrie textile vosgienne.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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