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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 10ème jour de séance, 25ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 18 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -première partie- (suite) 2

      APRÈS L'ARTICLE 14 2

      ARTICLE 15 6

      ARTICLE 16 7

      ARTICLE 17 10

      APRÈS L'ART. 17 15

      ART. 18 28

      ART. 19 29

La séance est ouverte à quinze heures.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2003.

APRÈS L'ARTICLE 14

M. Michel Bouvard - L'amendement 284 corrigé tend à résoudre le problème des habitations légères de loisirs qui échappent aux régimes ordinaires de taxation. Dans un camping, même si un propriétaire occupe ce type d'habitat plus de vingt-huit jours par an, il n'acquitte que la taxe de séjour, plafonnée à cette durée. Je propose d'étendre le régime de la taxe d'habitation à ces habitations, qui génèrent un certain nombre de dépenses des collectivités locales.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - La commission a longuement débattu de cet amendement avant de le repousser car il rendrait encore plus délicate la gestion des campings.

Il est en effet très difficile de distinguer, parmi ces habitations, celles qui relèvent de la taxe de séjour de celles qui relèveraient de la taxe d'habitation.

Une jurisprudence existe - je ne la connais pas - qui serait fondée sur la forme des roues !

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Nous voulons plus de simplicité ; votre amendement ne va pas en ce sens. Concernant le recouvrement de l'impôt, nous sommes arrivés à la limite du possible. On ne peut vérifier la durée d'occupation de telles habitations. Je vous propose de retirer votre amendement, même si je comprends votre préoccupation. A défaut, j'en demanderai le rejet.

M. Michel Bouvard - Je souhaiterais qu'une réunion de travail soit organisée entre la direction générale des collectivités locales et vos propres services, Monsieur le ministre, pour que l'on trouve une solution. Je retire mon amendement, puisque vous êtes prêt à y réfléchir.

M. Didier Migaud - L'article 13 de la loi du 13 juillet 2000, modifié par la loi du 28 décembre 2001, a prévu que le Fonds de compensation de la TVA serait payé aux collectivités locales l'année même des dépenses d'investissement correspondantes, pour celles consécutives aux intempéries de 1999. L'amendement 249 rectifié vous propose d'étendre le dispositif aux intempéries reconnues catastrophes naturelles survenues en 2002.

Nous avons débattu de la nécessité de fixer des dates. Mais le fait que les intempéries soient classées catastrophe naturelle par le Conseil des ministres lui-même, est apparu comme une garantie suffisante pour interdire tout dépassement.

M. le Rapporteur général - Au terme d'une réflexion assez longue, la commission a adopté cet amendement.

Lors de la tempête de 1999, la récupération de TVA sur les travaux consécutifs aux dégâts qu'elle avait causés, l'année même, a été datée. Au mois de juillet, j'avais demandé à M. Migaud de préciser son amendement en indiquant des dates - au risque de donner à ce dispositif un caractère arbitraire ; or, la procédure d'admission à l'état de catastrophe naturelle est tout à fait formalisée ; elle est interministérielle ; le ministère des finances et le ministère de l'intérieur participent à la commission de déclaration. Le ministère des finances est donc à même de faire connaître les implications budgétaires qui y sont afférentes.

En moyenne, chaque année, 2 000 à 3 000 communes bénéficient du classement en zone de catastrophe naturelle - c'est relativement peu. De plus, le remboursement de la TVA l'année même a été ouvert de droit à tout un ensemble d'établissements publics de coopération intercommunales.

Nous sommes donc revenus à l'idée première de M. Migaud consistant à ne pas dater.

M. le Ministre délégué - La dérogation doit rester ponctuelle.

Tel qu'il est rédigé, l'amendement de M. Migaud risquerait de faire bénéficier de cette mesure toutes les communes reconnues en état de catastrophe naturelle en 2002. Or, le Gouvernement tient à limiter ces dérogations aux collectivités locales qui connaissent des difficultés de très grande ampleur.

Conscient des difficultés que vous avez soulevées, le Gouvernement a souhaité que les collectivités locales des départements du Gard, de l'Ardèche, des Bouches-du-Rhône, de l'Hérault, de la Drôme et du Vaucluse, suite aux intempéries des 8 et 9 septembre, puissent bénéficier d'un régime dérogatoire comparable à celui de 2000. Cette disposition est en cours de formalisation ; je vous invite donc à retirer votre amendement en attendant que vous soit soumis un texte qui vous convienne dans le collectif de fin d'année.

M. Didier Migaud - Je remercie M. le rapporteur général et la commission des finances de l'ouverture dont ils ont fait preuve.

La commission a émis un avis favorable à la suite d'un long échange.

Vous êtes trop réservé, Monsieur le ministre. Je vous invite, comme le Premier ministre lui-même, à un peu d'audace. Je ne pense pas que le fait de prendre en compte toutes les communes pour lesquelles il y a eu reconnaissance officielle d'une situation de catastrophe fasse courir un grand risque aux finances publiques. Et pour les communes, il n'y a pas de « petite » catastrophe. Elles méritent toutes que les difficultés qui en résultent soient prises en considération. C'est pourquoi, au risque de vous déplaire, je maintiens mon amendement.

L'amendement 249 rectifié, mis aux voix, est adopté

M. le Ministre délégué - Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, le Gouvernement ne lève pas le gage. Je vous ai dit qu'un document était en cours d'élaboration et vous ai indiqué un cap : le collectif. Si vous préférez une autre formule, prenez vos responsabilités ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Vous ne pouvez pas à la fois forcer la main au Gouvernement et attendre ensuite de lui qu'il lève le gage. Cette manière de faire n'est pas de bonne méthode législative.

M. Philippe Auberger - Il y aura une deuxième délibération

M. Didier Migaud - Je suis un peu surpris et peiné de cette réaction du ministre, inhabituelle. L'Assemblée exprime une volonté, il ne faut pas mal le prendre. C'est la première fois que je vois un ministre ne pas lever le gage d'un amendement adopté par l'Assemblée.

J'ajoute que cet amendement pourra être corrigé au Sénat - notamment pour inclure l'Isère et la Savoie - et lors de la navette.

M. le Président - Monsieur Migaud, vous êtes un parlementaire chevronné et vous savez donc qu'il est tout à fait habituel que le Gouvernement ne lève pas le gage lorsqu'il n'est pas d'accord avec un amendement.

M. Manuel Aeschlimann - L'Etat perçoit depuis 1990 0,4 % du produit fiscal des collectivités au titre du financement de la révision des valeurs locatives. Cette révision n'ayant pas eu lieu, il convient de supprimer ce prélèvement indu. Tel est l'objet de mon amendement 162.

M. Jean-Claude Sandrier - Notre amendement 78 corrigé tire les conséquences de la non application de la révision des valeurs locatives et tend donc à supprimer la surtaxe de 0,4 % instituée pour couvrir la charge de celle-ci. C'est une proposition que nous faisons chaque année, étant entendu que le coût de la révision est désormais largement couvert. En cette période où le Gouvernement est soupçonné de vouloir transférer des charges aux collectivités locales, l'adoption de cet amendement constituerait un geste appréciable. Rappelons que c'est le Gouvernement Juppé qui a pérennisé ce prélèvement.

M. le Rapporteur général - La commission a émis un avis favorable à l'amendement 162, mais elle a repoussé le 78 corrigé. Le problème se pose chaque année depuis 1991. Un travail d'actualisation a certes été accompli mais il n'a pas débouché sur une révision réelle des valeurs et il ne reste de cette malheureuse affaire que le prélèvement de 0,4 %. Cela étant, je considère pour ma part que ces 0,4 % ont été intégrés dans le coût général de recouvrement de l'impôt et je ne suis pas favorable à l'adoption de cet amendement, qui coûterait plusieurs centaines de millions.

M. Augustin Bonrepaux - Ce sont les collectivités locales qui paient !

M. le Rapporteur général - Je comprends l'exaspération des élus mais on ne peut pas abandonner plusieurs centaines de millions d'euros.

M. Philippe Auberger - La taxe en question a été instituée en 1991 lorsqu'on a enclenché la révision et rapportait alors environ 1 milliard de francs. La révision a bien été faite mais ses conclusions n'ont pas été utilisées. Nous avons néanmoins pérennisé la ressource en 1996. Il faut dire aussi que nous ne disposons pas d'une comptabilité analytique qui nous permette d'évaluer précisément les frais d'assiette et de recouvrement. J'ajoute que si nous supprimions cette taxe, les services du ministère des finances seraient fondés à refuser les dégrèvements accordés actuellement à titre gracieux à des personnes qui ont du mal à payer leurs impôts locaux sans pour autant entrer dans une catégorie exonérée. Je suis donc contre ces deux amendements.

M. Marc Laffineur - Il y a des choix à faire. Ce gouvernement procède à des baisses d'impôts importantes mais on ne peut pas les diminuer partout. Le groupe UMP votera donc contre ces deux amendements.

M. Augustin Bonrepaux - Le Gouvernement baisse l'impôt sur le revenu, qui est pourtant le plus juste, mais laisse peser sur les collectivités locales un prélèvement indu ! Il se justifie d'autant moins aujourd'hui que M. Devedjian nous annonce une tout autre perspective que la révision des valeurs locatives. La réforme, nous dit-il, sera mise en _uvre par les collectivités locales elles-mêmes. On veut donc les faire payer deux fois !

M. le Ministre délégué - Je remercie M. Auberger d'avoir eu la loyauté de rappeler l'histoire de ce prélèvement. S'il y a aujourd'hui beaucoup de précipitation pour le supprimer, il n'y en a pas eu beaucoup au cours des cinq années précédentes... Il est exact que ce prélèvement était la contrepartie d'un service qui devait être rendu : la révision des bases, laquelle s'est ensablée, chaque partie de cet hémicycle ayant à ce sujet sa part de responsabilité. Faut-il mettre fin à ce prélèvement ? Ayons l'honnêteté de dire que c'est devenu une recette récurrente de l'Etat, dont il ne sait plus se priver, sauf à trouver la marge de man_uvre nécessaire. C'est sans doute pourquoi, en cinq années où les recettes fiscales ont pourtant abondé, cet effort n'a pas été fait.

Y a-t-il injustice, non pas envers les collectivités locales comme on l'a dit, mais envers les contribuables locaux ? Ces derniers ont bénéficié de dégrèvements et d'admissions en non-valeur de la part de l'Etat à hauteur de 10 milliards d'euros en 2001, contre 4,8 en 1992. A l'inverse, en 1992 l'Etat encaissait 1,3 milliard au titre du prélèvement dont nous parlons, contre 2,4 en 2001. Le coût de la mesure pour l'Etat est d'environ 230 millions d'euros. Je vous le dis sincèrement : je n'ai pas provisionné cette somme. Elle ne figure pas dans les marges de man_uvre du Gouvernement, non plus, je crois, que dans la marge de man_uvre implicite de votre commission des Finances. Je ne veux pas que se reproduise l'incident de tout à l'heure, et j'avertis d'avance que je ne pourrai pas lever le gage, lequel est assis sur le tabac... Nous commençons d'ailleurs à nous poser des questions sur la validité d'un gage sur le tabac, alors qu'il s'agit d'une recette de la loi de financement de la sécurité sociale...

Il faudra bien avoir un jour une attitude responsable, et dire que ce prélèvement est devenu une recette de l'Etat et qu'il faut en prendre acte. Ou bien il faut faire de sa suppression l'objet d'une mesure en loi de finances, mais en l'ayant prévue et financée : il est impossible de l'improviser en cours de débat budgétaire. Je souhaite donc le retrait de l'amendement, ou à défaut son rejet, et, je le répète, je ne pourrai lever le gage.

M. le Président - Il n'y a pas eu d'incident, Monsieur le ministre : il y a eu interprétation différente de la pratique parlementaire et gouvernementale.

M. Didier Migaud - On ne peut pas parler d'improvisation : en nous référant aux travaux du Sénat, je suis certain que nous trouverions telle ou telle proposition en ce sens adoptée par la Haute assemblée. Si le Sénat, dont on sait l'attention aux collectivités locales, a pu retenir une telle mesure, nous devons aussi savoir en tenir compte. En tant qu'ancien rapporteur général, c'est un de mes regrets de n'avoir pu faire progresser ce dossier. Je suis heureux de voir aujourd'hui la commission des finances reprendre l'idée. Celle-ci est d'autant plus actuelle qu'hier, au Comité des finances locales, le Gouvernement a annoncé qu'il abandonnait toute réforme des valeurs locatives. Le temps est donc venu de rendre au contribuable local cette somme injustement perçue par l'Etat.

Vous dites, Monsieur le ministre, que vous n'avez pas de marges de man_uvre, et de fait elles sont étroites. Mais vous les gaspillez par certaines de vos propositions. Je trouve dommage que nous en arrivions à l'examen du projet de loi de finances sans que l'Assemblée et sa commission des Finances aient la moindre marge de man_uvre sur le plan budgétaire. Nous le voyons depuis le début de la discussion, puisque très peu d'amendements ont été adoptés, portant sur quelques millions d'euros tout au plus. C'est la première fois, depuis que je suis député, que je vois l'Assemblée et sa commission aussi peu considérées. Je le regrette, car je sais combien M. Lambert, qui a été président de la commission des finances du Sénat, est attaché au rôle du Parlement ; mais je le vois agir différemment comme ministre, avec autour de lui des députés de la majorité qui cadenassent le débat en répétant : « non ! nous n'avons pas de marges de man_uvre ! ».

M. Philippe Auberger - C'est votre héritage.

M. le Président - Vous savez bien qu'on défend des thèses différentes selon qu'on est député de la majorité, député de l'opposition ou ministre...

M. Didier Migaud - Nous avions plus de marges de man_uvre, et nous avons fait voter des amendements importants. Je souhaite que le travail de la commission soit respecté, et j'appelle nos collègues à voter cet amendement.

M. Jean-Claude Sandrier - On peut en effet se demander depuis mardi à quoi sert l'Assemblée, vu le bilan des amendements adoptés. Ne sert-elle qu'à dire oui au Gouvernement ? Par ailleurs, Monsieur le ministre, il faudrait tirer les conséquences de ce que vous venez de dire, et s'interdire à l'avenir de créer des prélèvements prétendument temporaires, car ensuite l'Etat ne peut plus s'en passer. En l'espèce il n'a pas su tenir sa parole, et cela pose un problème moral. Ce matin vous avez eu de fortes paroles sur la confiance du Gouvernement envers les élus locaux. Mais, à l'inverse, quelle confiance l'élu local peut-il avoir envers l'Etat si celui-ci ne tient pas ses engagements ?

Je récuse enfin l'argument selon lequel ces sommes serviraient à des personnes en difficulté. Je refuse de croire que notre administration serait assez mesquine pour ne pas venir au secours de ceux qui en ont besoin, même si elle était privée de cette recette.

M. Jean-Yves Chamard - Qu'un gouvernement dise non à une dépense d'une telle ampleur, Monsieur Migaud, c'est une pratique constante. Ou bien la mesure a été prévue, ou on ne peut pas la prendre. A notre collègue qui s'étonne que l'Etat pérennise des mesures temporaires, je demanderai s'il n'a pas voté la prolongation du RDS... Ce n'est donc pas la première fois.

Nous allons engager une deuxième étape de la décentralisation, Monsieur le Ministre, et il faudra la financer. Il faut une péréquation qui nous assure que les régions et départements riches n'auront pas beaucoup plus que les pauvres. Pour assurer la redistribution entre personnes physiques, on a créé l'impôt, proportionnel ou progressif. Or le prélèvement dont nous parlons est un impôt sur les collectivités locales, et il est progressif. N'y a-t-il pas là, loin qu'il faille le supprimer, une piste à explorer dans la perspective d'une juste péréquation ?

M. Manuel Aeschlimann - Je prends bonne note, Monsieur le ministre, du fait que cette mesure n'était pas provisionnée dans le budget. Nous souhaitons que vous précisiez votre position, notamment sur le caractère immuable ou non de ce prélèvement. Ne pourrions-nous y réfléchir ensemble pour envisager son évolution éventuelle ? Je retire l'amendement 162.

M. Didier Migaud et M. Augustin Bonrepaux - Nous le reprenons !

L'amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 78 corrigé.

M. Jean-Louis Dumont - De mon amendement 211 on ne pourra pas dire qu'il surgit de façon imprévue : c'est au moins la troisième fois que je le présente, avec détermination. Comme l'a dit un collègue ce matin, il faut user de pédagogie, c'est-à-dire savoir répéter. Ma seule surprise cette année est de constater, alors que j'avais l'habitude de le présenter avec des collègues de divers bancs, que cette fois-ci les députés de la majorité sont restés silencieux.

Il s'agit d'alléger le poids de la fiscalité sur le foncier agricole, au bénéfice des petits propriétaires et des exploitants propriétaires. Cet allégement est d'autant plus nécessaire que l'horizon s'assombrit.

Mon amendement tend aussi à inciter les propriétaires à signer des baux à long terme avec de jeunes agriculteurs, en supprimant le prélèvement destiné aux frais de rôle. Nous offririons ainsi une occasion de retrouver le sourire dans nos campagnes. Vous connaissez, Monsieur le ministre, ces petites exploitations familiales. En France, la moyenne de la propriété foncière rurale ne dépasse sept hectares. N'ayez pas en tête ce pilote de rallye automobile d'origine nordique qui possède plusieurs centaines d'hectares. Ce sont des dizaines de milliers de petits propriétaires qui bénéficieraient de cette mesure. Pour une fois, entendez le Parlement !

M. le Rapporteur général - En dépit de votre opiniâtreté, vos amis ne vous ont pas entendu durant quatre ans. La majorité de la commission ne vous a pas entendu non plus. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - La situation financière laissée par l'ancienne majorité ne facilite pas l'audace budgétaire. Je crois assez bien connaître la question du foncier bâti et non bâti, car l'Orne ressemble à la Meuse...

M. Jean-Pierre Brard - L'Orne est plus jolie.

M. le Ministre délégué - Votre amendement conduirait à supprimer tout prélèvement au profit de l'Etat sur la taxe foncière des immeubles bâtis et non bâtis quel qu'en soit l'usage. Est-ce vraiment votre objectif ? Réfléchissez, et nous examinerons à nouveau votre amendement l'an prochain.

M. Philippe Auberger - Nous ne voterons pas l'amendement ; non pas que nous soyons hostiles à l'agriculture, mais nous souhaitons que l'agriculture rentre dans le droit commun de la fiscalité. Or exonérer totalement de tous frais d'assiette et de recouvrement de contributions qui ne sont pas simplement à vocation agricole ne profiterait en rien aux exploitations familiales agricoles.

L'amendement 211, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 230 est retiré.

M. Marc Laffineur - Mon amendement 134 rectifié tend, dans un souci de simplification, à ramener à 300 €, au lieu de 305, le seuil pour les attributions au titre du Fonds national de péréquation.

M. le Rapporteur général - Excellente simplification !

M. le Ministre délégué - Je me réjouis de cette contribution à notre démarche générale de simplification. Le Gouvernement lève le gage.

M. le Président - J'approuve tout ce qui concourt à la simplification.

L'amendement 134 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 15

M. Jean-Louis Dumont - Ce matin, j'ai qualifié l'article 14 de frileux. L'article 15, lui, me semble brumeux, et il est nécessaire de dissiper cette brume.

M. le Rapporteur général - C'est la brume de Verdun !

M. Jean-Louis Dumont - On la rencontre ailleurs. On nous parle de simplification. Comment la mettre en _uvre ?

En 1972, on a créé une taxe perçue sur les artisans et les commerçants afin de mener des actions sociales et de moderniser le commerce. L'article 15 tend à rebudgétiser le produit de cette taxe. Très bien, sauf que c'est l'ORGANIC qui continuera à la percevoir. N'est-ce pas pour que les artisans et commerçants aient toujours l'impression de payer une taxe au bénéfice d'organismes que gèrent leurs représentants, alors que l'ensemble des ressources sera désormais affecté au budget général de l'Etat ? Cette affectation laissera à l'Etat une marge bénéficiaire. Certes, dans le précédent budget l'ancienne majorité, sur proposition du gouvernement, avait opéré un prélèvement sur le solde d'opérations de plusieurs années. Mais la situation était plus claire. Ce n'est donc pas le prélèvement qui me choque. Encore que le rapport général fait planer une interrogation sur l'avenir des remontées du FISAC et sur le produit de la taxe, que la Caisse des dépôts n'aura plus à gérer. Pourtant vous allez affecter à des lignes budgétaires des crédits destinés à financer les actions de modernisation, en particulier à travers la CPDC, dont les évolutions sont inquiétantes pour le petit commerce. En effet si, à l'occasion du passage à l'euro, un distributeur de carburant souhaite moderniser ses pompes, allez donc voir comment il peut bénéficier d'une aide ! Le prélèvement sur le produit de la taxe va complètement assécher la ligne Caisse des dépôts et consignations au bénéfice d'une opération qui me paraît dangereuse pour l'avenir.

M. le Rapporteur général - Les amendements 39 et 40 sont rédactionnels. Monsieur Dumont, je partage beaucoup de vos idées. Mais l'article 15 est dans la ligne de la loi organique relative aux lois de finances. Le financement du FISAC va être garanti dans le budget de l'Etat. Cette garantie, Monsieur le ministre, est-elle bien pluriannuelle ?

M. le Ministre délégué - Monsieur Dumont, nous sommes bien dans le cadre de l'application de la loi organique. Quant à l'ORGANIC, notre démarche est totalement pragmatique. L'ORGANIC remplit sa fonction de façon satisfaisante. Pourquoi changer ? Oui, le FISAC est garanti, et sera plus efficace puisque nous allons le régionaliser. N'ayez pas d'inquiétude. Avis favorable aux deux amendements.

Les amendements 39 et 40, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 15 modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 16

M. Michel Bouvard - L'article 16 tend à modifier, une fois encore, la taxe sur l'hydro-électricité.

La taxe sur l'hydroélectricité a été instituée par la loi de 1995 sur l'aménagement du territoire, dite loi Pasqua, pour financer le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables conjointement avec la taxe autoroutière. Le texte initial prévoyait d'appliquer cette taxe à l'ensemble des ouvrages hydrauliques, mais j'avais obtenu par amendement qu'elle soit limitée aux centrales situées sur des voies d'eau navigables, c'est-à-dire aux ouvrages de la CNR, compte tenu de l'existence de ce qu'on appelait la rente de la CNR. En 1997, après l'abandon du projet de canal Rhin-Rhône, le gouvernement Jospin a relevé la taxe hydraulique, ce qui a augmenté les crédits du FITTVN qui a disparu depuis.

Il y a un an, le Gouvernement, face à l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité et à l'arrivée de Suez dans le capital de la CNR, a voulu améliorer la profitabilité de celle-ci. Il a baissé la taxe des centrales situées sur des voies d'eau navigables et l'a instaurée sur les ouvrages des voies non navigables, c'est-à-dire sur les barrages d'EDF. Nous avons donc craint un relèvement des coûts de l'énergie qui serait subi par le consommateur, notamment industriel. On nous a répondu que l'ouverture à la concurrence, avec l'apparition des crédits éligibles, réglait le problème, mais ce n'est que partiellement vrai puisque certains consommateurs industriels détiennent des droits issus de la nationalisation et font donc l'objet de la taxation.

Actuellement, la taxation ne touche plus que les barrages d'EDF. Les ouvrages de la CNR y échappent complètement. Cela crée tout d'abord une discrimination entre les producteurs d'énergie hydraulique. Ensuite, cela fait peser la taxation sur un système complètement propre et qui couvre de façon très souple les besoins des heures de grande consommation, le seul autre système à pouvoir le faire étant celui des centrales diesel, qui sont particulièrement polluantes ! A l'heure du protocole de Kyoto, taxer des producteurs qui ont des certificats ISO 14 000 est complètement à contre-courant ! Je défendrai donc deux amendements en vue de supprimer cette taxe sur les barrages et de la transférer sur les centrales nucléaires, ou sur n'importe quelle autre installation qui plairait au Gouvernement. Cela permettrait de relancer certains projets hydrauliques qui redeviendront rentables s'ils ne sont pas trop lourdement taxés.

M. Michel Vaxès - L'article 16 prétend vouloir alléger la fiscalité sur la production hydroélectrique, ce qui pourrait sembler être une conception écologique de la fiscalité. Mais il vise également à adapter la CNR à son environnement concurrentiel. La question engage la bagatelle de 176 millions d'euros.

Plutôt qu'une telle adaptation, je me demande si la CNR ne devrait pas continuer à poursuivre ses missions de service public, en matière certes de production d'électricité mais aussi d'aménagement du territoire. Or la CNR fait l'objet d'une opération de privatisation de grande envergure. La majorité du conseil général du Rhône vient de céder ses titres au groupe belge Electrabel, filiale de Suez, moyennant une plus-value de 61 millions d'euros. La SNCF envisage de faire de même, ce qui permettrait à Electrabel de prendre directement pied sur le marché français. Nous en concluons que l'article 16 n'est autre chose que la contrepartie obtenue par Electrabel pour la plus-value consentie aux cédants. Car c'est sur EDF, exploitant des installations nucléaires de base, que la hausse de la taxation pèsera. Et pourtant, chacun sait que l'énergie hydroélectrique est très peu coûteuse et que l'essentiel des investissements est aujourd'hui largement amorti ! Nous refusons que la représentation nationale accorde ce cadeau à Electrabel et vous proposons, en votant l'amendement 83, de supprimer l'article 16.

M. Jean-Louis Dumont - Mes deux collègues viennent de démontrer l'iniquité de l'article 16 qui, sous prétexte de rééquilibrage, prend des positions qui, pour le moins, anticipent largement le débat sur l'énergie promis par le Gouvernement. Or nous avons besoin de diversifier nos sources d'énergie, d'opérer des choix stratégiques, d'alléger les coûts... Nous ne pouvons prendre de telles décisions si vite. On nous explique les contraintes du Gouvernement, mais il était quand même possible d'attendre de trouver la meilleure organisation du marché et de rééquilibrer plus tard l'ensemble des taxes.

Votre dispositif bénéficie à une certaine société privée au détriment d'une entreprise publique française, qui aurait pourtant eu besoin de tous ses atouts pour se relancer sur le marché européen ouvert. Je vous propose donc, par l'amendement 208, de supprimer l'article 16.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Cet article a deux aspects. Sur le premier, la nécessité de rééquilibrer la fiscalité au bénéfice de l'hydroélectricité, tout le monde est d'accord. L'hydroélectricité supporte actuellement une charge de 3,6 € par mégawatt heure produit, contre 0,7 € pour l'énergie thermique classique et 0,4 pour le nucléaire. La différence est considérable alors que l'hydroélectricité est de loin l'énergie la plus propre, renouvelable et durable.

M. Michel Bouvard - Merci !

M. le Rapporteur général - L'article 16 ramène donc la taxe à 2,2 € pour l'hydroélectricité et la porte à 0,6 € pour le nucléaire.

Le deuxième aspect concerne la CNR. La redevance qui la lie à l'Etat va passer de 25 millions d'euros à 115 millions en 2003, alors que l'allègement de taxe se monte à 125 millions. Le gain n'est donc pour la CNR que de 10 millions.

M. Jean-Pierre Brard - Tout de même !

M. le Rapporteur général - Ce gain se justifie par le fait que la taxe représente actuellement 42 % du chiffre d'affaires de la CNR. A certains moments de la journée, le montant de la taxe est supérieur au prix de l'électricité sur le marché et la CNR produit à perte. Elle est donc obligée de déverser de l'eau plutôt que d'en faire de l'électricité. C'est du gaspillage. Il faut donc réduire cette taxe.

M. le Ministre délégué - Je voudrais rassurer M. Bouvard : l'article 16 constitue la première étape du rééquilibrage de la fiscalité de la production électrique.

La compagnie nationale du Rhône ne paiera pas davantage. La taxe qu'elle acquitte sera simplement remplacée dans sa nouvelle concession par une redevance, plus pertinente et mieux adaptée dans l'environnement concurrentiel actuel. La mesure s'appliquera également aux autres exploitants hydroélectriques mais il faut attendre le renouvellement de leurs concessions.

Pour le reste, la fiscalité de l'énergie fait l'objet de débats importants au niveau européen. Un accord vient d'être trouvé entre les ministres des finances des Quinze qui ouvre la voie à l'adoption d'une directive. Nous aurons donc à en reparler.

Soyez assuré en tout cas, Monsieur Bouvard, que le Gouvernement est décidé à mettre rapidement en chantier les réformes que vous souhaitez et qu'il y travaillera en étroite concertation avec votre commission des finances. Pour l'heure, il est défavorable aux deux amendements.

Les amendements 83 et 208, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Michel Bouvard - Je remercie le rapporteur général des précisions chiffrées qu'il a apportées. Nous serons très attentifs à l'évolution de cette taxe, d'autant que le conseil général du Rhône ayant décidé de céder -pour 61 millions d'euros- ses actions dans la CNR, les autres départements riverains peuvent légitimement craindre d'avoir à supporter de nouvelles charges.

L'amendement 305 vise à exclure les barrages de l'assiette de la taxe hydraulique au profit des installations nucléaires.

J'appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de ne pas pénaliser les exploitants hydroélectriques. A la demande de la commission de régulation de l'électricité, RTE, le réseau de transport d'énergie d'EDF, vient en effet de modifier les conditions tarifaires applicables à certains grands établissements industriels, de l'industrie lourde notamment. Pour certains, le surcoût annuel pourrait atteindre trois millions d'euros par an, ce qui pourrait les mettre en péril, alors même qu'ils emploient des milliers de salariés. Les mesures que nous prenons en ce domaine sont déterminantes pour l'emploi dans les industries grosses consommatrices d'électricité, comme celle de l'aluminium ou bien encore la chimie et la papeterie, par ailleurs soumises à une rude concurrence étrangère.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable à l'amendement.

Dois-je rappeler à notre collègue Bouvard le caractère ubuesque de l'histoire de cette taxe hydraulique ? Celle-ci a été instituée en 1995 sur les seules voies navigables avant que l'administration fiscale, s'apercevant que le rendement en était bon, ne l'étende aux barrages. Afin de ne pas pénaliser par trop le secteur hydroélectrique et empêcher la construction de nouveaux barrages, on a toutefois relevé le seuil de perception. Et voilà qu'aujourd'hui, on s'apprête à supprimer cette taxe pour les seules voies navigables alors que les barrages en resteront redevables. C'est incompréhensible. Seulement si l'on supprimait aujourd'hui cette taxe en totalité, il en coûterait 95 à 100 millions d'euros au budget de l'Etat, à moins de tripler la taxe sur les installations nucléaires, ce qui n'est pas envisageable. Mais à terme, je suis d'accord avec Michel Bouvard, il faudra la supprimer et procéder à un rééquilibrage en faveur de l'énergie hydraulique.

M. le Ministre délégué - La modernisation et la rationalisation de notre fiscalité sont en effet un immense chantier. Puis-je vous faire observer, Monsieur le rapporteur général, que ce n'est pas l'administration fiscale, mais le Parlement qui a étendu la taxe hydraulique aux barrages ? Ne perdons donc jamais de vue la nécessité de ne légiférer que « la main tremblante », comme nous y invitait déjà Montesquieu !

La suppression de cette taxe pour les voies navigables marque une première étape. Il n'était pas possible de la supprimer en totalité dès aujourd'hui mais soyez assuré que nous mènerons à bien la réforme nécessaire. Au bénéfice de cette assurance que nous en arriverons bien, progressivement et dans un délai raisonnable, à ce que vous souhaitez, je vous invite, Monsieur Bouvard, à retirer votre amendement.

L'amendement 305, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - Les amendements 179 et 180 sont défendus.

L'amendement 179, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le 180.

M. Didier Migaud - C'est dommage !

M. le Président - Mais c'est ainsi ! (Sourires)

L'article 16, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 17

M. Didier Migaud - Je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur général d'avoir établi dans son rapport que la TIPP a beaucoup moins rapporté en 2001 que l'Etat aurait pu le souhaiter, la perte de recettes résultant de la TIPP flottante instituée par le précédent gouvernement ayant représenté cette année-là, TVA incluse, 1 423 millions d'euros. Si cela aura manqué au budget de l'Etat, les automobilistes, eux, en auront profité en n'étant pas pénalisés par la hausse du prix du baril de pétrole.

Et voilà que le gouvernement Raffarin a supprimé cette TIPP flottante -on peut d'ailleurs se demander comment il a pu seul décider l'abrogation d'une mesure votée par le Parlement ! Cette décision est emblématique de sa politique fiscale : d'un côté des mesures favorables à quelques dizaines de milliers de foyers privilégiés, de l'autre, pour les financer, une mesure qui pénalisera des millions d'automobilistes. Voilà votre conception de la justice fiscale !

Et comme le prix du baril va continuer à augmenter, les recettes de TIPP vont s'accroître fortement. Je me souviens d'une époque où la droite dénonçait ici « l'enrichissement sans cause » de l'Etat du seul fait de l'augmentation du prix du pétrole. Nous avions trouvé un dispositif cohérent pour l'éviter, vous l'avez supprimé - l'Etat y ayant déjà gagné 512 millions d'euros en 2002. Le ministre a justifié sa décision en indiquant qu'elle avait été prise parce que le prix du baril était durablement descendu en dessous de 25 dollars.

Et il avait ajouté : « Je veillerai personnellement à la bonne répercussion, par les pétroliers, des mesures que nous avons prises et j'irai sur place pour vérifier qu'il en est bien ainsi ». Quel est le résultat de vos investigations ? Quelles ont été les conséquences de vos mesures en matière de TIPP ? Depuis, le prix du baril s'est envolé - en moyenne, en août et septembre, 27,5 dollars. Hier, il atteignait 28,8 $. Si on reste à ce niveau, le dispositif de la TIPP flottante pourrait être réactivé le 21 novembre. Cela permettrait de pénaliser un peu moins de très nombreuses familles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - La parole est à M. Brard - pour une fois qu'il attend que je la lui donne ! (Rires)

M. Jean-Pierre Brard - Je respecte toujours votre présidence éclairée.

M. le Président - Pour vous récompenser, voici une petite récréation, un extrait du Règlement de 1926 : « Si le Chambre devient tumultueuse et si le Président ne peut la calmer, il se couvre ; si le trouble continue, il annonce qu'il va suspendre la séance ; si le calme ne se rétablit pas, il suspend la séance pour une heure et demande à chacun des députés de se retirer dans son bureau pour réfléchir » (Rires).

M. Jean-Pierre Brard - Je ne savais pas que vous aviez aussi des talents d'archéologue !

J'ai trouvé Didier Migaud fort ingénu de penser que le Gouvernement reviendrait à de meilleurs sentiments. Par anticipation, vous avez déjà répondu tout à l'heure à sa question : vous ne disposez plus d'aucune marge de man_uvre, compte tenu de vos choix budgétaires.

M. le Ministre délégué - Avec la situation dont nous avons hérité...

M. Jean-Pierre Brard - Il faut espérer que le prix du baril de pétrole n'augmentera pas trop fortement - en partie, d'ailleurs, grâce aux positions du Président de la République. Si la guerre éclatait en Irak, le prix du baril augmenterait sans doute fortement.

Vous nous parlez sans cesse de baisse des impôts. Certes, vous baissez l'impôt sur le revenu des personnes physiques, en faveur des plus fortunés ; et vous avez pris les dispositions que l'on sait sur les emplois à domicile. Mais tout le monde paie la TVA. Vous ne voulez pas opposer les Français entre eux, mais vous réservez vos faveurs aux uns et le poids des dépenses aux autres ! Vous essayez de faire accepter aux seconds des sacrifices supplémentaires pour financer les privilèges des premiers ! 512 millions d'euros ! Qui les paie ? La masse des Français ! Les Français les plus modestes, qui prennent leur voiture pour aller travailler, seront frappés de plein fouet par la suppression de la TIPP flottante.

M. le Président - Nous arrivons aux amendements.

M. Didier Migaud - Nous évoquons des sujets importants. Le Gouvernement doit nous répondre d'abord.

M. le Président - Je pensais qu'il allait le faire à propos des amendements.

M. le Ministre délégué - En effet.

M. Jean-Pierre Brard - L'entente est parfaite entre le Président et le ministre !

M. le Président - Et avec tous les députés ! Mais je vous citerai encore, Monsieur Brard, l'article 106 du Règlement de 1926 : « Si l'orateur, rappelé deux fois à la question dans le même discours, continue à s'en écarter, le Président consulte la Chambre pour savoir si la parole ne sera pas interdite à l'orateur pendant le reste de la séance » (Rires).

M. Jean-Pierre Brard - Je propose un symposium pour évaluer ce règlement de1926 ! L'amendement 14 vise à poser une question. La fiscalité des différents types de carburants varie : le gazole, qui est le plus polluant, est le moins taxé. Les fines particules émises par les moteurs diesel pénètrent dans les alvéoles pulmonaires avec des conséquences potentiellement graves. Certes je ne connais pas de Gouvernement qui ait su résister au lobby des pétroliers, mais le discours du Président de la République, à Johannesburg, a ouvert de nouveaux horizons que nous ne soupçonnions point ! Après la fracture sociale, l'écologie ! Alors, avez-vous l'intention de supprimer l'avantage indu accordé au gazole, qui est dangereux pour la santé même s'il rapporte beaucoup aux pétroliers ?

M. le Rapporteur général - J'admire la constance et la cohérence du raisonnement fiscal de Jean-Pierre Brard : diminuer les impôts lui paraît une erreur funeste, il propose donc d'augmenter la taxe sur le gazole ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) La consommation de gazole concerne au premier chef les Français les plus modestes, et la commission a repoussé l'amendement.

M. le Ministre délégué - M. Migaud a reconnu avec loyauté qu'une disposition législative n'avait pas été appliquée par le précédent gouvernement. Il est toujours fâcheux que l'exécutif n'applique pas les lois de la République.

La loi de finances pour 2001, dont vous étiez le rapporteur général, cher Didier Migaud, comportait un dispositif qui prévoyait sa propre extinction. M. Pierret avait en effet fixé comme terme au mécanisme de stabilisation des tarifs de TIPP le retour à la moyenne des prix du brent constatée au cours du mois de janvier 2000, à savoir 25,44 dollars le baril. Lorsque ce niveau a été atteint, le dispositif s'est donc éteint. Il est curieux que vous reprochiez au Gouvernement d'avoir respecté la règle.

Le dispositif auquel vous faites référence n'étant plus applicable, peut-être devrons-nous en adopter un nouveau. Le Gouvernement prendra ses responsabilités si le prix du pétrole augmente de façon importante, mais pour le moment ce n'est pas le cas.

Le Gouvernement partage votre souci de l'environnement, Monsieur Brard, mais compte tenu du cours actuel du pétrole, il a fait le choix de différer une éventuelle reprise du plan de rattrapage des écarts de taxation entre le gazole et l'essence. Ce plan avait déjà été suspendu par le précédent gouvernement en 2001 et 2002 pour les mêmes raisons. J'ajoute que si nous nous y étions conformés, nous aurions certainement été accusés d'augmenter le prix du gazole pour des raisons avant tout budgétaires. La convergence des taux demeure un objectif valable, Monsieur Brard, mais pour l'heure je demande le retrait ou le rejet de votre amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Je me demande si ce Règlement qui date de 1926 comporte un article qui permette de rappeler à l'ordre un rapporteur général qui ne répond pas aux questions qu'on lui pose...(Sourires)

En tout cas, je note que son souci de ne pas pénaliser une consommation de masse comme celle du gazole ne vaut pas quand il s'agit du tabac. Pourtant, les deux produits sont dangereux pour la santé. Et d'ailleurs, M. Mattei nous a bien expliqué que l'augmentation des taxes sur le tabac se justifiait par des considérations sanitaires et non pas budgétaires. Ce n'est pas parce que le lobby pétrolier a des excédents de gazole à placer qu'il faut l'aider à le faire par la fiscalité !

Cela étant, je retire mon amendement, puisque c'était surtout un artifice afin de soulever le problème.

M. le Rapporteur général - L'amendement 41 rectifié est rédactionnel.

M. le Ministre délégué - Favorable.

M. Michel Bouvard - Je pensais au début que l'article 17 n'avait pour but que d'intégrer la taxe IFP à la TIPP et s'il n'avait été question que de cela , je n'aurais pas déposé d'amendement. Mais je me suis rendu compte qu'à la faveur de cette intégration, on alignait la fiscalité du fioul lourd à haute teneur en soufre - plus de 2 % - sur celle du fioul lourd à basse teneur en soufre, soit un alignement par le bas. Ce faisant, on donne une prime au fioul le plus polluant. Certes, on m'explique que la législation communautaire qui entrera en vigueur au 1er janvier 2003 conditionnera l'autorisation de la combustion de ce fioul à l'installation d'équipements spécifiques annulant les effets les plus négatifs sur l'environnement. Mais je ne suis pas convaincu, car encore faudrait-il que les personnels des DRIRE puissent vraiment contrôler ces équipements. Or ils sont tous très occupés par la directive Seveso. Il faudrait aussi être sûr que les systèmes de filtration ne tombent jamais en panne.

Quoi qu'il en soit, cette prime donnée au fioul le plus polluant va dissuader les industriels d'investir dans des systèmes plus propres. C'est l'exemple type d'une mesure anti-écologique. Elle va à l'encontre d'une démarche maintenant ancienne du Parlement en faveur d'une fiscalité plus écologique.

M. le Rapporteur général - La commission a émis un avis défavorable car à partir du 1er janvier prochain, l'utilisation du fioul lourd d'une teneur en soufre supérieure à 2 % sera réglementée. La commission a donc estimé que la vraie question était celle du contrôle des installations désormais imposées par la réglementation communautaire.

M. le Ministre délégué - L'article 17 ne fait que transcrire fiscalement les conséquences de la directive européenne dont les dispositions techniques entreront en vigueur au 1er janvier prochain. L'ancien dispositif fiscal, qui distinguait entre fioul lourd à haute teneur en soufre et fioul lourd à basse teneur en soufre, deviendra dès lors sans objet. Du moins c'est ce qu'il nous semblait...

Si d'aventure vous nous démontriez, Monsieur Bouvard, que les fiouls à teneur supérieure à 2 % existent toujours, je pourrais alors émettre un avis de sagesse sur votre amendement, à charge de vérifier d'ici la CMP que votre dispositif est bien le plus approprié. A ce stade je ne peux pas faire mieux, en vous appelant à être très sûr de votre proposition.

M. Didier Migaud - L'amendement de Michel Bouvard nous semble opportun pour favoriser une fiscalité plus écologique. J'indique à Monsieur le ministre qu'en effet le gouvernement précédent a fait le choix de ne pas supprimer le bonus sur le gazole parce qu'il n'a pas souhaité pénaliser les automobilistes plus qu'ils ne l'étaient déjà compte tenu du ralentissement économique national et mondial. Nous avons donc une conception tout à fait différente. J'accorde à Monsieur le ministre qu'il est légitime de mettre fin au mécanisme de la TIPP flottante dès lors que le baril tombe en dessous de 25,44 dollars. Mais - et là est notre divergence - ce dispositif peut à nos yeux être réactivé quand les conditions en sont réunies, c'est-à-dire si l'on dépasse 25,44 dollars plus 10 %, soit 27,98 dollars. Je ne le souhaite pas plus que vous, mais depuis quelque temps, malheureusement, ce seuil a été franchi. D'où cette question : si au 21 novembre, date où le dispositif peut être remis en place, les conditions en sont réunies, c'est-à-dire si le seuil de 27,98 dollars est dépassé, allez-vous remettre en route la TIPP flottante ? Si vous avez une autre interprétation, nous nous réservons de recourir aux moyens de droit pour la contester.

Mais en admettant même que vous ayez raison juridiquement, il faut tenir compte de la charge qui pèserait sur les automobilistes. Vous avez toujours dit qu'il n'était pas légitime que l'Etat bénéficie d'un prix du baril élevé. Proposerez-vous, soit au Sénat soit dans le collectif, une réactivation du dispositif ?

M. le Ministre délégué - Je pense que nous allons purger cette controverse. Je remercie M. Migaud de son honnêteté intellectuelle. Il est vrai qu'un dispositif législatif figurant dans la loi de finances pour 2002 n'a pas été mis en _uvre, volontairement, par le Gouvernement.

M. Didier Migaud - L'Assemblée ne siégeait pas !

M. le Ministre délégué - Ce n'est pas la conception qu'a le présent gouvernement du respect qu'il doit à l'Assemblée Nationale. C'est ce qui le conduit à être très prudent sur les nouvelles dispositions qu'il pourrait être conduit à vous proposer. Selon notre interprétation, le dispositif antérieur n'est pas réactivable. Cela supposerait donc que nous puissions vous en proposer un autre qui pourrait être mis en place quand ce sera nécessaire. Je me réserve la possibilité de le faire, mais à ce stade je ne crois pas que ce soit nécessaire.

M. Michel Bouvard - En réponse à M. le ministre, je confirme que les fiouls à plus de 2 % vont continuer à exister. Une partie sera traitée en raffinage pour la ramener en dessous de 2 %, mais une autre demeure. L'obligation que pose la directive européenne est alors d'avoir des systèmes de filtration permettant de ramener les émissions de dioxyde de soufre au niveau correspondant à un fioul lourd dont la teneur en soufre serait au maximum de 1 %. Mais, dès lors qu'on est ainsi équipé, rien n'interdit de brûler du fioul à plus de 2 %. Par conséquent, le plus sage reste de continuer à taxer les fiouls les plus polluants comme ils l'étaient auparavant en intégrant la taxe IFP, ce qui évitera des opérations de contrôle dont il n'est pas sûr qu'on puisse les faire. On incitera ainsi, soit à avoir des systèmes de raffinage plus performants, qui élimineront définitivement les fiouls lourds à plus de 2 % de teneur en soufre, soit à opter pour d'autres modes énergétiques.

L'amendement 41 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - En conséquence l'amendement 288 tombe.

M. Michel Bouvard - C'est dommage.

M. Didier Migaud - Le verrouillage continue... Nous en sommes désolés pour M. Bouvard.

M. Michel Bouvard - J'en suis surtout désolé pour les riverains des usines !

M. Didier Migaud - Par l'amendement 213 corrigé, nous manifestons notre conviction que le mécanisme de la TIPP flottante est pérenne, et peut être réactivé dès que les conditions sont réunies. Dans ce cadre, nous proposons de constituer une commission où seraient représentés les professionnels, les consommateurs et l'administration, et qui suivrait de façon indépendante l'évolution des cours du brut. Après avis de cette commission, le Gouvernement n'aurait plus qu'à constater soit que les conditions ne sont pas réunies, soit qu'elles le sont, et dans ce cas à modifier par arrêté le taux de la TIPP dans les conditions prévues à l'article 265 du code des douanes. Cet amendement pourrait vous inspirer, Monsieur le ministre, si vous décidiez de nous présenter un nouveau dispositif.

M. le Rapporteur général - La commission a émis un avis défavorable. A nos yeux la TIPP flottante instituée à l'automne 2000 n'était faite que pour jouer une seule fois, et cela ressort du compte rendu de nos travaux. J'étais moi-même dans l'hémicycle lors de ce débat, et, de bonne foi, en écoutant M. Pierret, j'avais nettement compris que le dispositif ne s'appliquait qu'à l'occasion de la flambée des prix qu'on constatait alors. L'amendement ne peut qu'être rejeté, puisqu'il modifie les modalités d'application d'un dispositif qui n'existe plus juridiquement. Quand au fond, Monsieur le ministre nous a indiqué que si, par malheur, les prix flambaient à nouveau, il était ouvert à la mise en place d'un nouveau dispositif, qui ne sera peut-être pas exactement de même nature, mais remplira la même fonction.

M. le Ministre délégué - La réponse que je vous ai faite tout à l'heure, Monsieur Migaud, aurait mieux trouvé sa place ici, en réponse à votre amendement 213. Dès lors que les prix du pétrole avaient affiché au cours des trois premiers bimestres de l'année des cours durablement inférieurs au cours de référence de janvier 2000, soit 25,40 dollars le baril, le Gouvernement a supprimé à compter du 21 juillet 2002 le dispositif de TIPP flottante : il n'a fait qu'appliquer la loi. Il a modifié en conséquence les tarifs de la taxe applicables au supercarburant, au gazole et au fioul domestique. Au vu des données aujourd'hui disponibles, malgré une hausse des prix du brut, les prix des carburants n'ont pas atteint le niveau qui avait justifié en 2000 la mise en place du dispositif. Le Gouvernement ne s'interdit pas de réagir en cas de forte hausse, selon les modalités qui lui paraîtront appropriées, mais il vous confirme que les modalités antérieures ne sont pas réactivables. Je souhaite donc le retrait de l'amendement, ou à défaut son rejet.

M. Didier Migaud - J'accepte de le retirer, dès lors que vous nous donnez un nouveau rendez-vous. Nous y comptons bien, car, si aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies, elles risquent de l'être dans les prochains jours. Il sera alors utile de faire des propositions, et j'espère pouvoir compter sur le soutien du rapporteur général pour alimenter la réflexion du Gouvernement.

L'amendement 213 corrigé est retiré.

M. Augustin Bonrepaux - Constatant que les résultats des compagnies pétrolières s'améliorent automatiquement en période de forte hausse des prix du pétrole, nous avions créé, dans la loi de finances pour 2001, un prélèvement exceptionnel sur ces compagnies. Nous proposons, par l'amendement 214, de créer une taxation analogue, au taux de 30 %, assise sur le montant de la provision pour hausse de prix constituée par les compagnies.

M. le Rapporteur général - Rejet. Il est exact que pour 2001 et 2002 avait été instituée une taxe exceptionnelle sur la provision pour hausse de prix. Elle n'a rien rapporté ou presque et il n'y a pas lieu de la ressusciter.

M. le Ministre délégué - Adopter l'amendement porterait le taux global du prélèvement à 63,33 %, supérieur à l'économie d'impôt réalisée par les entreprises lors de la constitution de provisions pour hausse de prix. Avis défavorable.

L'amendement 214, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 17 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 17

M. Jean-Claude Sandrier - Notre amendement 171 est un classique. Il tend à ramener le taux de l'avoir fiscal au niveau de celui de l'impôt sur les sociétés. Très excessif, le taux actuel est une ineptie fiscale, et favorise une financiarisation de l'économie regrettée à demi-mot par le Premier ministre.

Maintenant l'avoir fiscal à 50 % prouverait que tout ce qui contribue à orienter la fiscalité vers la création de richesses vous est interdit. Votre dogme consistant à favoriser les placements financiers a pourtant été mis à rude épreuve ces temps derniers. La réalité économique se rappelle durement à ceux qui ont favorisé l'enflure spéculative, entraînant dans leur chute des milliers de petits porteurs crédules et dépouillés.

Notre amendement tend à remobiliser les disponibilités sur les projets porteurs d'emplois et de richesses.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Nous avons eu cette discussion hier, et le ministre a annoncé une vaste réforme qui pourrait aller jusqu'à supprimer l'avoir fiscal.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 171, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Le pas prudent du ministre me paraît un peu lent. Notre amendement 9 tend à plafonner l'avantage fiscal tiré de l'autorisation de consolider au niveau mondial les résultats des exploitations directes et indirectes situées en France et à l'étranger de sociétés françaises. Ce dispositif est connu sous l'appellation de bénéfice mondial consolidé. Sans doute le nombre de sociétés concernées par l'article 209 quinquies du code général des impôts peut-il sembler faible : une douzaine. Mais le coût annuel pour l'Etat approche de 3 milliards de francs. Il s'agit pour les sociétés d'additionner les bénéfices réalisés dans le monde entier, de les amputer des pertes réelles ou supposées, de calculer l'impôt théorique au taux français et d'en soustraire les impôts déjà payés dans chaque pays par les filiales étrangères. On voit l'avantage que peuvent retirer de ce dispositif les multinationales concernées. Aussi proposons-nous de limiter cet avantage à 20 % de l'impôt normalement dû. Surtout qu'il faut ajouter l'avantage que ces sociétés s'accordent à elles-mêmes en ouvrant des comptes dans des paradis fiscaux. Il ne serait pas trop difficile à l'Etat de surveiller de plus près celles de ces sociétés dont il est présent au capital, car elles participent à la fraude ou à l'évasion fiscale à l'échelle planétaire et permettent aux paradis fiscaux de prospérer.

M. le Rapporteur général - Rejet. Votre amendement n'a rien à voir avec les paradis fiscaux. Au sein d'une économie mondialisée, apprécier le bénéfice dans le pays d'implantation sur la base des résultats des filiales existant dans différents pays est une règle appliquée dans tous les pays analogues au nôtre. Adopter votre amendement créerait une distorsion au détriment de nos entreprises alors que, chacun en convient, il faut améliorer l'attractivité de notre territoire, dans l'intérêt de l'emploi.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le Président, peut-être le Règlement de 1926 pourrait-il m'aider ? M. Carrez répond à un propos que je n'ai pas tenu.

M. le Président - Cela ne figure pas dans le Règlement de 1926 !

M. Jean-Pierre Brard - J'ai dit que ces groupes multinationaux ajoutaient souvent à l'avantage fiscal en question des locations dans les paradis fiscaux. Ce sont deux points différents, même si M. Bapt me souffle que les dispositions existantes sont déjà elles-mêmes paradisiaques...

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - La faiblesse de l'investissement des entreprises est l'une des causes du ralentissement économique. Pour les inciter à investir, nous proposons de favoriser fiscalement - vous entendez bien, Monsieur le ministre ? - les bénéfices, mais à condition qu'ils soient réinvestis. La redistribution de bénéfices ne doit pas être l'objectif prioritaire des dirigeants. Notre amendement tend donc à assujettir les bénéfices distribués à un taux majoré de 36 % au titre de l'impôt sur les sociétés.

M. le Rapporteur général - Rejet. Le taux de l'IS est suffisamment élevé, surtout assorti de la contribution sociale sur les bénéfices et de ce qui reste de la surtaxe Juppé.

M. le Ministre délégué - Je me méfie des redistributions de Monsieur Brard. Avis défavorable.

L'amendement 24 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès - Le ministre de la santé vient d'annoncer que la sécurité sociale, avec l'aide du secteur privé, devait faire plus pour l'investissement hospitaliser, pour compenser le désengagement de l'Etat depuis plusieurs années.

Ce désengagement rend encore plus inacceptable le prélèvement important de taxes sur les hôpitaux et les cliniques, alors qu'ils sont entièrement financés par la sécurité sociale.

A l'hôpital public, la taxe sur les salaires représente plus de 1,6 milliard d'euros, la TVA à peu près autant, et la surcompensation de la CNRACL environ 763 millions d'euros, soit au total 4 milliards d'euros - 10 % du budget des hôpitaux. 1,6 milliard d'euros équivalent aussi au coût des 45 000 emplois que le précédent gouvernement s'était engagé à créer, et dont nous ignorons toujours comment ils seront financés.

Notre amendement 105 tend à supprimer la taxe sur les salaires acquittée par les établissements de la fonction publique hospitalière. Pour ne pas être accusés de favoriser une distorsion de concurrence avec les cliniques privées, nous sommes prêts à étendre notre proposition à l'ensemble du secteur de la santé. La totalité des syndicats hospitaliers défend cette revendication, et nous avec eux.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Cet amendement revient chaque année. Le produit de la taxe sur les salaires hospitaliers alimente le budget général, et la supprimer sur les hôpitaux ferait perdre 1,5 milliard d'euros à celui-ci. Mais la proposition n'est pas en soi dépourvue de fondement.

M. le Ministre délégué - Lorsque j'étais sénateur, j'avais moi-même écrit au Sénat un rapport sur le sujet, dans lequel je constatais que la sphère publique contribuait pour 45 % au produit de la taxe sur les salaires. Ce n'est pas bon, mais il sera compliqué de dénouer cet écheveau. Si vous exonérez les hôpitaux de taxe sur les salaires, vous allégerez certes leurs difficultés, mais vous pèserez d'autant sur le budget général. Un travail doit être mené sur le sujet, qu'il n'était pas possible de faire aboutir en quatre mois. Je vous demande donc de retirer cet amendement en attendant.

L'amendement 105, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - Les amendements 107 et 108 sont presque identiques. La taxe sur les salaires pénalise lourdement l'emploi associatif, malgré l'abattement dont bénéficient les associations. Cet abattement est très positif, mais seulement pour les associations qui n'ont que peu de salariés. Nous proposons donc de supprimer le taux supérieur majoré de la taxe sur les salaires pour les associations dont l'action relève de l'intérêt général. Cela favoriserait l'embauche dans un secteur qui recèle de véritables gisements d'emplois, ce qui n'est pas à négliger dans le contexte actuel. Cela serait aussi l'amorce de la suppression de la taxe sur les salaires pour les associations. Enfin, il est injuste que cette taxe représente pour elles une charge parfois supérieure à la taxe professionnelle pour les entreprises.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Je suis conscient de la charge que représente cette taxe pour les associations, mais je rappelle qu'elles bénéficient d'un abattement de 5 182 € par an, ce qui équivaut à une exonération de la taxe pour les associations qui n'emploient qu'un ou deux salariés, soit la plus grande partie d'entre elles.

M. le Ministre délégué - Même avis sur les deux amendements.

L'amendement 107, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 108.

M. Didier Migaud - Cette proposition est une constante chez mes collègues, et elle présente toujours un coût budgétaire important. J'ai sous les yeux ce rapport que le ministre évoquait tout à l'heure : « La taxe sur les salaires, ou comment s'en débarrasser ». Je suis heureux qu'il puisse aujourd'hui passer aux exercices pratiques.

Je comprends, Monsieur le ministre, que vous ne soyez pas en position de consentir des efforts importants, mais vous pourrez accepter notre amendement 317 qui est beaucoup plus modeste, quoique très bénéfique : il s'agit de revaloriser l'abattement auquel les associations ont droit. Cela leur sera d'autant plus utile que certaines mesures prises par le Gouvernement, comme la suppression des emplois-jeunes, leur poseront de grandes difficultés. Nous proposons donc de porter l'abattement à 10 000 €, ce qui correspond à une exonération de taxe pour deux employés payés au SMIC. Je fais appel au sénateur Lambert, qui certes aurait trouvé cet amendement par trop modeste. C'est que je suis conscient que le Gouvernement affronte un contexte difficile. Mais le ministre Lambert devrait faire un geste en faveur des associations, car elles affrontent une situation encore plus difficile, compte tenu des mesures qu'il prend.

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement tend à prévenir le gâchis qui résulterait d'une suppression brutale du dispositif des emplois-jeunes. Il serait désastreux que ces jeunes, qui ont pu forger leur indépendance et se construire en tant qu'adultes, soient soudain ramenés à la précarité et aux petits boulots sans perspectives. La collectivité doit faire quelque chose pour eux.

Les associations ont mis en place, grâce aux emplois-jeunes, de nouvelles activités et ont amélioré le service rendu à la population. Le dispositif doit être évalué, mais on ne saurait accepter que des activités socialement utiles disparaissent sous prétexte qu'elles ne sont actuellement pas solvables. La suppression des emplois-jeunes risque de fragiliser les associations et d'augmenter les difficultés dans certains quartiers, dans un contexte de forte reprise du chômage. Il faut aider les associations, qui sont actuellement le premier employeur d'emplois-jeunes. En outre, nous appuyons la demande de la conférence permanente des coordinations associatives d'engager des négociations sur toutes les questions relatives à la sortie du dispositif emploi-jeune.

M. le Rapporteur général - La commission a émis un avis défavorable, mais je n'ose pas reprendre tous ses arguments car M. Migaud s'est montré très convaincant en citant M. le ministre. Je n'en citerai donc qu'un : le coût de cette mesure serait de 200 millions d'euros.

M. le Ministre délégué - Je remercie M. Migaud de son aide, et je regrette qu'il ne me l'ait pas proposée alors qu'il était rapporteur général et qu'il avait les moyens de mettre en _uvre des mesures qui me sont interdites aujourd'hui en raison de l'héritage que nous avons à gérer. La première chose, c'est d'éviter que la sphère publique soit redevable de cet impôt. Il faut d'abord desserrer l'écheveau, et mener un examen approfondi qu'il était totalement impossible d'effectuer à un gouvernement nommé en juin pour préparer la loi de finances en juillet. Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. Augustin Bonrepaux - Cet amendement intervient à un moment où les associations rencontrent des difficultés, notamment les associations d'insertion, celles qui ramènent des exclus au travail et qui voient les emplois-jeunes supprimés. Nous aurons d'ailleurs terminé le vote du budget sans obtenir de réponse : vous nous parlez de 80 000 contrats emploi-solidarité, on entend également parler de 240 000... Où sont-ils ? Les associations sont inquiètes et se demandent comment elles pourront poursuivre leur travail. La seule objection que le rapporteur général ait pu maintenir était financière. Vous estimez que vous ne pouvez dégager 200 millions pour les associations parce que vous ne disposez pas de la croissance attendue. Je propose donc de rectifier mon amendement et de faire passer l'abattement de 10 000 à 7 000 €. Serait-ce encore au-dessus des moyens de l'Etat ? Mais ce n'est rien de plus que l'équivalent du cadeau exorbitant que vous avez fait tout récemment à 60 000 familles pour l'emploi à domicile !

M. Jean-Pierre Brard - Les associations sont inquiètes devant les incertitudes qui planent sur l'avenir des emplois-jeunes - c'est d'ailleurs une litote puisque ceux-ci vont être progressivement supprimés - et des contrats emploi-solidarité. En refusant de prendre en compte leurs difficultés, au mépris d'ailleurs du gisement d'emplois qu'elles représentent, vous allez les contraindre à se retourner vers les collectivités. C'est habile de votre part que de vous défausser ainsi sur ces dernières, lesquelles seront critiquées par les associations si elles ne peuvent pas faire l'effort financier nécessaire ou par la population si, ayant accepté de se substituer à l'Etat, elles ont dû augmenter la fiscalité locale.

Relever l'abattement sur la taxe sur les salaires, laquelle est d'ailleurs une injustice, permettrait de desserrer un peu les contraintes qui pèsent sur les associations.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 317 rectifié.

M. Augustin Bonrepaux - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 50, est reprise à 17 heures 55, sous la présidence de M. Raoult.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

M. le Président - Je mets aux voix l'amendement 317 rectifié.

M. Didier Migaud - Nous souhaitons auparavant entendre la réponse de la commission et du Gouvernement. Si je les ai bien compris, ils jugent bonne la philosophie de cet amendement mais estiment qu'il coûterait trop cher. Deux cents millions d'euros, cela nous paraît, à nous, raisonnable dans le contexte actuel, surtout vu les mesures que vous avez prises en faveur des familles les plus aisées.

Comme nous souhaitons avant tout être constructifs, notre collègue Bonrepaux a accepté de rectifier l'amendement et de ramener l'abattement demandé à 7 000 €. Accepter notre proposition répondrait aux préoccupations du secteur associatif, d'autant plus inquiet que des mesures déjà prises ou à l'étude risquent de le pénaliser par ailleurs. Vous ne pouvez pas d'un côté louer sans cesse le travail des bénévoles et des associations, et d'un autre refuser toute mesure qui leur est favorable. En tant qu'élus locaux, nous saluons souvent le travail des associations. Nous avons ici l'occasion de leur rendre hommage en adoptant cette mesure.

M. Dominique Le Mener - Que ne l'avez-vous proposée lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. Didier Migaud - Vous n'étiez pas là mais nous avons pris plusieurs dispositions en faveur des associations.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Ce qui n'a pu être fait hier a moins de chances de l'être aujourd'hui, dans un contexte plus difficile.

Nous sommes tout à fait attentifs au monde associatif, et je voudrais évoquer particulièrement la situation des emplois-jeunes du monde associatif sportif, dont le rôle est si utile dans l'insertion. Serait-il possible d'envisager une prolongation de trois ans, qui permettrait aux associations de s'autofinancer ? Pourriez-vous, Monsieur le ministre, présenter un plan permettant de rassurer les associations sportives, sans augmenter la dépense publique globale ?

M. Gérard Bapt - Les associations sportives ne sont pas les seules concernées : il y a aussi les associations culturelles, les associations sociales. Je lis dans un quotidien de la région toulousaine que Act-up a occupé la direction du travail : en raison de la suppression des emplois-jeunes, de la diminution des aides, l'association redoute de ne pouvoir continuer à assurer sa mission, qui est d'intérêt général.

Il conviendrait de relever l'abattement de la taxe sur les salaires, ce qui pourrait être gagé par exemple sur l'amendement concernant la réduction d'impôt pour les emplois à domicile.

M. Yves Censi - Que ne l'avez-vous fait ?

M. Gérard Bapt - Nous avions commencé à agir en ce sens, dans le cadre d'un plan d'ensemble - les contrats aidés, les emplois-jeunes...

M. Yves Censi - En période de croissance !

M. Gérard Bapt - Vous abandonnez ce plan ; alors apportez des compensations !

A la majorité de 27 voix contre 14 sur 41 votants et 41 suffrages exprimés, l'amendement 317 n'est pas adopté.

M. Didier Migaud - Le mouvement associatif appréciera.

L'amendement 106, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - L'amendement 281 rectifié est défendu.

L'amendement 281 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès - A l'initiative des parlementaires de l'ancienne majorité, l'Assemblée avait adopté dans la loi de finances 2002 un dispositif prévoyant la mise en place d'une taxe sur les transactions financières, du type taxe Robin. Cependant, rien n'a été fait sur le plan européen, et la loi est restée lettre morte.

Nous proposons, par l'amendement 192, que la taxe soit fixée à 0,05 % et que la France l'applique sans attendre dès le 1er septembre 2003.

Mon ami Jean-Claude Lefort, qui ne peut être parmi nous aujourd'hui, disait ici même qu'il existe un consensus pour ne pas se limiter au cadre national et que la taxe serait véritablement efficace si elle était appliquée en Europe, d'autant que serait atteinte ainsi une masse capable d'entraîner le reste du monde.

Cette analyse ne doit pas toutefois servir de prétexte à l'inaction au niveau national. Le montant proposé, infime, ne pénaliserait guère les mouvements financiers ordinaires dans notre pays. 0,05 %, c'est 0,5 centime pour 10 €. Les attentats du 11 septembre nous ont rappelé que la misère est le terreau du terrorisme. La justice et la sécurité, en l'occurrence, ont partie liée. Je note que nos collègues socialistes ont déposé un amendement identique. Oui, la France doit lutter contre la toute-puissance des marchés financiers. C'est bien ce qu'a souhaité le Président de la République à Johannesburg.

M. Didier Migaud - Nous avions fait adopter une telle disposition contre l'avis de l'opposition de l'époque, le taux de la taxe devant être déterminé en fonction d'une décision du Conseil européen. Les récentes déclarations du Président de la République à Johannesburg sont venues nous conforter. Je cite : « trouvons de nouvelles sources de financement, par exemple, par un nécessaire prélèvement de solidarité sur les richesses considérables engendrées par la mondialisation ». Par l'amendement 226, nous voulons aider la majorité à respecter ses propres engagements. Nous proposons que cette taxe soit appliquée dès le 1er septembre. Pour ce qui est de convaincre nos partenaires européens, nous comptons sur la capacité de conviction du Président de la République, appuyée par la majorité du Parlement. La France doit avoir un rôle moteur. Bien des élus et des associations souhaitent que notre pays soit fidèle à son image. Et, en une période de difficultés budgétaires, voici de l'argent qui pourrait être bien utilisé.

M. le Rapporteur général - La commission est défavorable aux deux amendements. Monsieur Migaud, c'est la première fois que je vous vois aussi convaincu de l'intérêt de la taxe Tobin ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Monsieur Vaxès, vous avez parlé de notre collègue Jean-Claude Lefort, je me suis rendu avec lui à Porto Allègre. Nous avons beaucoup discuté de la taxe Tobin sur laquelle M. Tobin se montre désormais réservé. Il y a au moins un point de convergence : une telle taxe ne peut fonctionner que si elle est acceptée par une majorité de pays.

L'an dernier, Didier Migaud avait fait sa proposition, si je peux dire, à reculons...

M. Didier Migaud - Mais non !

M. le Rapporteur général - Votre texte fixait un taux maximum de 0,1 % et renvoyait à un décret en Conseil d'Etat, étant bien précisé qu'il ne pourrait être pris que si l'ensemble des pays de l'Union européenne acceptaient à l'unanimité la mise en place d'une telle taxe. Tel n'a pas été le cas. Il n'est donc pas possible d'adopter une telle taxe, ni a fortiori d'en fixer le taux. En donnant un avis défavorable à ces deux amendements, je me conforme à ce qui a été adopté dans la loi de finances pour 2002.

M. Didier Migaud - C'est une démission.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

M. Julien Dray - Ce débat revient depuis plusieurs années. L'an dernier, nous avions avancé puisque le Parlement français, comme le Parlement canadien, avait voté le principe de la taxe. Ce vote doit-il rester un v_u pieux ? Alors que le mouvement en faveur d'une taxe sur les flux financiers a pris une ampleur planétaire, ce gouvernement aura-t-il le courage de faire un pas supplémentaire ?

Il est un peu facile de dire qu'une telle taxe ne peut être instituée qu'à condition de l'être partout. Il faut bien que quelqu'un commence, et c'est l'honneur de la France que d'avoir su maintes fois dans l'histoire prendre l'initiative. Si elle le faisait aujourd'hui, il y aurait certainement un effet de contagion, au moins dans l'Union européenne. J'ajoute que les services de l'Assemblée avaient calculé qu'une telle taxe rapporterait plus de 80 milliards de francs. Songez un peu à cette manne !

M. Didier Migaud - Je voudrais tout de même savoir si le Gouvernement soutient ou non la proposition qu'a formulée au nom de la France le Président de la République, le 2 septembre dernier à Johannesburg. La France parle-t-elle d'une seule voix ou bien le Gouvernement est-il en décalage avec le Président de la République ?

M. le Ministre délégué - Je sais, Monsieur Migaud, que vous avez eu dans le passé beaucoup de mal à préserver l'unité de la majorité à laquelle vous apparteniez mais ce n'est pas une raison pour vous faire aujourd'hui le gardien de l'unité entre le Président de la République et le Gouvernement. Nous ne connaissons pas les mêmes problèmes que vous naguère.

Si l'Union Européenne était capable d'adopter une démarche commune en ce qui concerne les mouvements de capitaux, ce serait plus opérant qu'un amendement disant en somme que si le monde entier instaure une taxe sur les flux financiers, la France pourrait en adopter une à son tour ! C'est du journalisme législatif, cela !

M. Didier Migaud - Vous êtes sévère envers le Président de la République !

M. le Ministre délégué - Ce gouvernement a pris ses responsabilités et, compte tenu de l'état dans lequel il a trouvé les finances publiques, n'a aucune leçon à recevoir de la précédente majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

L'amendement 192 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès - Je voulais demander une suspension de séance, Monsieur le Président !

M. le Président - Le vote était déjà appelé.

L'amendement 226, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès - Je proteste.

M. le Président - Monsieur Vaxès, vous aurez toute latitude d'intervenir en présentant les amendements suivants. Ne tendons pas l'atmosphère !

M. Didier Migaud - C'est vous qui la tendez !

M. le Président - Ne soyez pas injuste et continuons le débat ! Une suspension de séance à 18 heures 25 déséquilibrerait la fin de la discussion.

M. Michel Vaxès - C'est M. Sandrier qui va défendre l'amendement 13. Je voudrais simplement dire que la France est un grand pays qui a eu le courage, tout au long de son histoire, de prendre des initiatives. En 1789, fallait-il attendre, pour faire la Révolution, que tous les pays soient d'accord ? Si cet attentisme avait prévalu, nous ne vivrions pas aujourd'hui en République !

Ouvrir en permanence le parapluie de l'Europe, c'est museler la force d'initiative de notre pays, c'est oublier sa tradition pionnière ! Le Parlement français s'honorerait d'adopter une mesure qui est de nature à réduire les inégalités dans le monde et qui en outre rejoint une proposition formulée par le Président de la République (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement 13 tend à ce que les charges versées à des entreprises implantées dans des paradis fiscaux ne soient déductibles que si elles ont été communiquées à l'administration fiscale dans le cadre d'une présentation détaillée, versement par versement, sous une forme similaire à celle des mentions expresses, et que si l'administration n'en a pas rejeté le principe dans un délai de six mois. C'est un amendement d'assainissement.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable car il existe déjà tout un ensemble de contrôles sur les transferts à l'étranger. Il a d'ailleurs été institué au sein de la direction des impôts une section spécialisée sur les grandes entreprises, qui suit avec beaucoup d'attention tous leurs mouvements de capitaux.

M. le Ministre délégué - Le droit de déduire les commissions, courtages et autres rémunérations versées à des tiers est déjà subordonné à l'obligation de les mentionner sur une déclaration spéciale. De plus, lorsque ces charges sont versées à une personne domiciliée dans un pays à fiscalité privilégiée, l'entreprise doit apporter la preuve, pour pouvoir les déduire, que ces dépenses correspondent bien à des opérations réelles. Les services fiscaux sont donc mobilisés depuis longtemps sur le contrôle de ces versements à l'étranger et déjà dotés des outils nécessaires.

M. Michel Vaxès - L'amendement 175 vient compléter nos propositions sur l'avoir fiscal. Puisque vous en proposez la réduction de 15 à 10 %, nous proposons de le réduire à 5 % pour les personnes morales non résidentes en France, en tenant compte du fait que cette modification ne peut être opérée que dans le cadre d'une convention fiscale.

M. le Rapporteur général - Défavorable. Nous avons examiné mercredi soir le même type d'amendement, et j'ai rappelé que l'avoir fiscal des personnes morales avait déjà fortement diminué ces dernières années. Une nouvelle réduction intervient en 2003, liée à la nécessité de contenir le montant des transferts opérés à ce titre, qui s'était accru. Et le ministre a annoncé pour 2003 une réflexion d'ensemble sur ce dispositif, qui devrait aboutir à sa réforme, voire à sa suppression.

M. le Ministre délégué - Même avis. Nous nous en sommes longuement expliqués mercredi.

L'amendement 175, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maurice Leroy - Les cessions de fonds de commerce et opérations assimilées sont en principe constatées par un acte qui doit être enregistré dans le mois de sa date. Conformément au principe général qui prévaut aujourd'hui, le droit d'enregistrement doit être intégralement acquitté avant l'enregistrement. Pour l'acquéreur, ce prélèvement - qui est de 4,8 % sur la fraction du prix excédant 32 000 € à compter du 1er janvier 2002 - peut être un frein à la reprise. Chaque année 30 000 entreprises artisanales périclitent faute de repreneur. D'après les informations que nous recevons des chambres professionnelles, certains repreneurs n'ont pas une trésorerie suffisante à la date requise. C'est pourquoi M. Hillmeyer propose, par l'amendement 137, de fractionner le paiement de ce droit. Un tel dispositif existe déjà pour l'acquisition d'entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, et en cas de mutation par décès. Il ne s'agit pas de réduire la recette, mais d'en étaler le recouvrement.

Si je défends volontiers l'amendement de mon collègue, c'est que nous avons des interrogations sur le projet de loi en cours d'élaboration sur l'initiative économique : d'après les chambres professionnelles, il ne prévoirait rien à ce sujet. Cet amendement a donc pour but d'alerter le Gouvernement, de faire progresser ce dossier récurrent, et en fonction de vos réponses, je pourrais le retirer.

M. le Rapporteur général - La commission l'a repoussé, mais elle a été attentive au problème général de la cession des fonds de commerce. Elle a notamment repoussé des amendements qui tendaient à relever le seuil en deçà duquel les plus-values n'étaient pas imposées, car ce problème sera explicitement traité dans le projet « Agir pour l'initiative économique » : le ministre nous l'a assuré. En revanche la commission n'a pas jugé utile de reprendre l'idée d'un paiement fractionné des droits d'enregistrement, car ces droits ont été sensiblement réduits depuis 2000 : ils sont passés de 6 % à 4,8 %. Il faut prendre le temps de mesurer les effets de cette incitation, et il serait prématuré d'établir dès maintenant un paiement fractionné.

M. le Ministre délégué - Je confirme que, depuis la réduction substantielle de ces droits, nous ne rencontrons plus vraiment de difficultés. Je souhaite donc le retrait de l'amendement.

L'amendement 137 est retiré.

M. Jean-Claude Sandrier - Notre amendement 102 tend à permettre la prise en compte des biens professionnels dans l'assiette de l'ISF. Il faut aujourd'hui moderniser cet impôt en tenant compte de la façon dont se constituent les grands patrimoines. Nous proposons donc une nouvelle logique d'imposition des grandes fortunes. Tout d'abord nous posons le principe d'un abattement assez important pour exonérer la plupart des travailleurs indépendants, des PME et des PMI. Ensuite nous proposons d'intégrer les biens professionnels à hauteur de 50 % de leur valeur, en modulant le taux d'imposition en fonction des choix de l'entreprise en matière d'emploi et de salaires. Nous intégrons les actifs financiers dans l'assiette. L'impôt serait alourdi si les bénéfices imposés résultent d'une croissance purement financière, et allégé s'ils résultent d'une croissance réelle riche en emplois qualifiés. Cela participe de notre volonté de servir l'activité économique réelle pour l'emploi.

M. le Rapporteur général - La commission a été défavorable à cet amendement complexe, qui fait varier la plus ou moins grande prise en compte des biens professionnels en fonction d'un ratio masse salariale/valeur ajoutée : la base serait donc variable d'une année sur l'autre, ce qui serait un facteur d'incertitude supplémentaire. A l'heure où nous nous interrogeons sur les risques résultant de certains mécanismes fiscaux en termes de délocalisation des emplois, il est plus sage de rejeter cet amendement.

M. Jean-Claude Sandrier - Mais cet amendement limite les risques !

M. le Ministre délégué - Défavorable.

L'amendement 102, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès - Notre amendement 6 est un classique, qui fut déjà adopté par le passé en commission et même dans l'hémicycle, et qui est toujours actuel. Il est soigneusement ciblé pour éviter tout effet pervers. Son objet est d'intégrer les _uvres d'art, ainsi que les objets d'antiquité et de collection, dans l'assiette de l'ISF. Il ne maintient l'exonération actuelle que pour les biens meubles qui sont le complément artistique des immeubles classés ou inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, les _uvres présentées au public, et celles des artistes contemporains encore en vie. Les deux premières exonérations ont pour but de permettre au public d'accéder aux _uvres des collections privées. La troisième vise à vivifier le marché de l'art en relançant l'intérêt des investisseurs pour les _uvres récentes. Elle devrait aussi faciliter les acquisitions auprès des jeunes créateurs, pour qui la politique d'acquisition publique et le mécénat d'entreprise sont loin de représenter une aide suffisante.

Pour ce qui est de la présentation des _uvres au public, nous proposons de fixer une durée minimale de trois mois par an, et de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat les modalités d'exposition.

L'amendement prévoit également que des conventions décennales pourront être conclues entre le propriétaire et les administrations culturelles et fiscales. Cette formule devrait intéresser les grandes collections privées, ainsi que les _uvres majeures détenues par des particuliers.

En ce qui concerne les modalités d'évaluation des _uvres, et dans le souci de donner une certaine souplesse, il est proposé de laisser au contribuable la possibilité de choisir entre une évaluation forfaitaire de 3 % du patrimoine taxable, et une évaluation selon la valeur vénale.

Vous le voyez, c'est un amendement peaufiné et équilibré : nous n'en attendions pas moins d'un amendement présenté par notre collègue Brard (Sourires).

M. le Rapporteur général - La commission a rejeté cet amendement, qui est en effet un grand classique, et nous nous souvenons des accents éloquents qu'avait su trouver M. Brard et que vous avez repris. Cet amendement fut adopté non seulement en commission mais ici même, et il fallut parfois des votes bloqués pour que les gouvernements s'en dégagent. Nous restons pour notre part sur la ligne historique, en émettant un avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maurice Leroy - Notre amendement 150 a pour but de mettre fin à l'hémorragie de ventes d'entreprises patrimoniales françaises. Il introduit un abattement de 50 % sur les parts et les actions que les dirigeants et les salariés de ces entreprises se sont engagés à conserver un certain nombre d'années dans le cadre d'un pacte d'entreprise.

La fiscalité rend impossible la pérennité des entreprises patrimoniales françaises depuis le doublement en 1983 des droits de succession, portés à 40 % en ligne directe, ce qui est un record mondial. Il en résulte pour la France une perte grave de ses meilleures entreprises patrimoniales, celles où les dirigeants possèdent une part significative du capital. Chacun s'accorde pourtant à reconnaître les performances de ces entreprises, dont vingt-six figurent parmi les cent premières entreprises françaises ; elles regroupent 27 % des effectifs et 28 % du chiffre d'affaires. Le coût de notre proposition est celui de la création de cinq cents emplois, alors qu'elle en sauverait plusieurs milliers. Voilà les arguments qu'aurait défendus notre collègue de Courson s'il avait pu être parmi nous.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable à l'amendement, qui est, il est vrai, directement issu d'un dispositif introduit il y a trois ans par Didier Migaud, et relatif, lui, aux droits de succession. La commission souhaite que la discussion relative aux biens professionnels rapportés à l'ISF ait lieu dans un cadre global, avec l'idée d'améliorer l'attractivité de notre territoire ; le ministre nous a assuré que cette discussion pourrait commencer dès le début de l'an prochain.

M. le Ministre délégué - La question touche à l'activité économique de notre pays, elle est d'importance.

On suggère d'adapter à l'ISF le dispositif relatif aux droits de mutation. Pourquoi pas, il s'agit de sauvegarder nos entreprises et nos emplois ? Actuellement, les actions et parts sociales des sociétés sont exonérées lorsqu'elles constituent des biens professionnels, mais ce n'est pas le cas pour des actionnaires « familiaux », qui détiennent leurs titres pour que l'entreprise reste non seulement dans la famille, mais en France. Et il peut s'agir d'entreprises très importantes.

J'ai rencontré le président d'une entreprise détenue par un groupe familial depuis 160 ans. Ils en sont à la sixième génération, de sorte que le lien familial s'est fait plus ténu. Aussi certains redevables à l'ISF sont-ils tentés de céder leurs titres. S'ils le faisaient collectivement, le contrôle même de l'entreprise serait menacé. C'est un danger pour notre pays, sachant que l'entreprise en question est leader mondial dans son secteur. La question de la localisation des activités et des emplois serait posée à terme.

Nous devons traiter ce sujet, même s'il est délicat. Nous allons l'examiner à fond en 2003. Le Gouvernement n'a disposé que d'un mois pour élaborer le présent budget. L'année 2003 sera consacrée à un travail exhaustif sur la fiscalité du patrimoine. Je m'y engage. Il se peut qu'une disposition comme celle que vous proposez trouve place dans le projet de M. Dutreil, puisqu'il porte sur l'avenir de l'entreprise en France. En tout cas, le problème sera traité dans le prochain projet de loi de finances. Dans ces conditions, je vous demande de me faire confiance et de retirer votre amendement.

M. Maurice Leroy - Bien volontiers, et je vous remercie de votre réponse substantielle.

Je souhaiterais vraiment que Charles de Courson soit associé à la réflexion ministérielle, car il a beaucoup travaillé sur le sujet.

L'amendement 150 est retiré.

M. Jean-Yves Chamard - L'amendement 59 est défendu.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable à cet amendement, qui tend à augmenter, voire à porter à 100 %, l'abattement sur la redevance principale au titre de l'ISF. De 1997 à 2002, 100 000 contribuables supplémentaires sont entrés dans le champ de l'ISF, portant leur nombre à 270 000.

Cet accroissement est dû principalement à la résidence principale, dont la valeur a augmenté fortement dans les grandes villes, et particulièrement en région parisienne. De ce fait, le seuil de 700 000 € peut être atteint assez rapidement.

Le projet « Agir pour l'initiative économique » fournira l'occasion de renforcer l'attractivité du territoire en améliorant dans ce sens la fiscalité. Mais la question de la résidence principale continuera de se poser. Il faut absolument la traiter. Notons que, de 2001 à 2002, le produit de l'ISF a diminué alors que le nombre de contribuables a augmenté. On mesure là l'effet de la résidence principale.

M. le Ministre délégué - L'impôt de détention pose un immense problème, dès lors que le bien n'est pas générateur de revenus. Certes, le fait de ne pas avoir à se loger ailleurs peut être évalué. Mais quand le bien est générateur de charges fiscales, soit son détenteur dispose de ressources personnelles lui permettant d'acquitter l'impôt, soit il doit vendre le bien. Il convient donc de concilier équité fiscale et solvabilité fiscale. Et en même temps, il ne faudra pas en venir, avec cet impôt, à ce que son assiette disparaisse. Vous mesurez la difficulté. Nous n'aurons pas trop de toutes les bonnes volontés pour la résoudre.

L'amendement 59 est retiré.

M. Michel Bouvard - L'amendement 57 est défendu.

L'amendement 57, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Gatignol - L'amendement 64 rectifié porte sur la situation de jeunes ménages conduits à déménager fréquemment en raison de la mobilité de l'emploi.

Pour ne pas favoriser la spéculation immobilière, l'exonération proposée est strictement encadrée. Les droits d'enregistrement représentent un coût appréciable. Je parle bien, Monsieur le ministre, des droits fiscaux, en les distinguant bien de la rémunération justifiée des actes notariés (Sourires).

M. le Rapporteur général - Rejet. Ce problème, grave il y a quelques années, a été en partie résolu par la baisse des droits de mutation à l'_uvre depuis 1996.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 64 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 42 rectifié tend à exonérer les satellites de diffusion de l'Internet haut débit des redevances de mise à disposition et de gestion de fréquences radioélectriques. Ces deux redevances risquent d'entraver la diffusion de l'Internet à haut débit à l'usage des particuliers. Il faut absolument encourager la diffusion de ce type de technologie.

M. le Ministre délégué - Gros utilisateur moi-même des nouvelles technologies de communication, je suis très attaché à leur développement, notamment en milieu rural où elles sont le moyen d'effacer les distances. C'est pourquoi je vous demande la faveur de me laisser jusqu'à la loi de finances rectificative pour répondre à votre préoccupation. La rédaction actuelle n'est en effet pas satisfaisante, et je m'engage à travailler, avec tous les membres de l'Assemblée qui le souhaiteront, à l'améliorer.

M. Michel Bouvard - Cette question doit être résolue si l'on veut éviter une fracture numérique qui engendrerait une France à deux vitesses. Les territoires ruraux et de montagne ont mis de grands espoirs dans l'Internet des débuts pour combler leur handicap, mais il leur faut aujourd'hui du haut débit. La solution de M. Martin-Lalande est très intéressante, mais il y a d'autres voies à explorer. De nombreux réseaux de fibres optiques sont réalisés, par exemple par les sociétés d'autoroutes, sociétés à capital majoritairement public et concessionnaires de service public. Ces réseaux ne sont pas entièrement occupés, mais ils ne sont accessibles aux collectivités locales qu'aux tarifs proposés aux opérateurs traditionnels et qui sont hors des moyens de la plupart d'entre elles. La loi permet certes qu'elles se raccordent à ces réseaux, mais encore faut-il que le coût d'accès au réseau lui-même ne soit pas prohibitif ! Il faudrait imaginer, comme cela existe dans d'autres secteurs, un volume de transit réservé aux besoins du service public, dans des conditions tarifaires abordables. Cette solution ajoutée aux mesures satellitaires pourrait assurer un maillage du territoire satisfaisant.

M. Alain Joyandet - Je voudrais d'abord souligner que cet amendement n'a aucun coût pour la collectivité, puisque la technologie n'est pas encore en place.

Ensuite, je conviens avec le ministre que la rédaction pourrait poser problème. Mais il ne faudrait pas qu'après la réflexion promise, on en reste là ! Beaucoup de territoires sont dans une situation intenable : on ne vient pas s'implanter chez eux parce que leur défaut d'installation les rend inintéressants...(M. Michel Bouvard applaudit) ...mais dès qu'une solution se profile, il y a toujours une bonne raison de la repousser ! Ceux qui ne veulent rien faire ne doivent pas empêcher les initiatives de substitution de se poursuivre. Ce sont des technologies annexes, qui ne peuvent en rien mettre en difficulté les grands groupes. Il existe par exemple une technologie qui autorise l'aller et le retour par satellite, sans qu'il n'y ait plus besoin de liaison filaire ou hertzienne. Elle doit être encouragée, au profit de tous les groupes scolaires ruraux ou des collectivités enclavées. L'accès à l'information et au développement est un droit pour tous, et l'enjeu est d'intérêt national (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre délégué - M. Joyandet, éminent ancien commissaire aux finances de la Haute assemblée, ne pourra laisser croire dans cet hémicycle que l'ancien président de sa commission utilise des man_uvres dilatoires. Si j'ai sollicité du temps, c'est bien parce que j'ai l'intention de travailler sur le sujet. Il existe tout une offre de haut débit qui n'est pas utilisée : celle des autoroutes, mais aussi de la SNCF ou d'EDF... Presque toutes les entreprises à réseau ont constitué leur infrastructure. Ce qui manque, c'est un partenaire local qui puisse organiser la distribution du haut débit, et c'est ce qu'il faudrait arriver à mettre en place.

C'est un enjeu considérable. Il n'y a pas eu de telle solution contre le désenclavement depuis les grandes infrastructures routières ou ferroviaires, et pour un coût très modéré. C'est pourquoi il n'est pas opportun de légiférer ce soir. Vous savez combien je suis attaché à la qualité de la norme : lorsque nous gravons un texte dans le marbre de la loi, il doit être achevé. Je prends sous vos yeux l'engagement d'avancer, et je sais que vous ne me lâcherez pas.

M. Michel Bouvard - Un certain nombre d'entre nous étaient présents au congrès de l'association des élus de la montagne d'il y a deux ans. M. Pierret, ministre de l'industrie, et M. Poncelet, Président du Sénat, étaient présents. On nous avait promis une loi et le ministre avait même commencé la concertation, mais nous ne voyons toujours rien venir. En attenant, la société italienne d'exploitation du tunnel du Fréjus fait ce qui est toujours interdit à son équivalent français. Il y a urgence. Je veux bien qu'un délai de réflexion supplémentaire soit nécessaire, mais n'oubliez pas que le problème n'est pas purement fiscal. Ce qui est en jeu, c'est l'attractivité des territoires enclavés mais aussi du territoire français par rapport à ses voisins. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur général - Si le ministre s'engage à ce que cette proposition soit réexaminée dès le collectif de fin d'année, je suis prêt à retirer l'amendement, sous réserve de l'accord de M. Joyandet qui a beaucoup travaillé sur ces questions.

M. Alain Joyandet - Si la réflexion n'a pour but que de peaufiner la rédaction du dispositif proposé, j'y souscris. Mais il est bien clair qu'il ne s'agit pas de remettre à plat l'ensemble d'un système très complexe où chaque opérateur a constitué son réseau. Aujourd'hui, on demande la même redevance à l'utilisateur d'une petite parabole connectée à 15 ou 20 ordinateurs et à France Télécom pour une parabole énorme qui dessert tout un territoire. Je propose simplement de faire une différence entre eux et de ne faire payer au petit utilisateur qu'une toute petite redevance, si elle ne peut être nulle.

Au bénéfice des déclarations du ministre, je retire l'amendement.

L'amendement 42 rectifié est retiré.

M. Maurice Leroy - L'amendement 148 vise à obliger les entreprises qui émettent des options de souscription d'actions à l'intention de leurs mandataires sociaux ou de leurs salariés à les passer dans leur bilan - alors qu'aujourd'hui elles n'apparaissent pas dans les comptes hors bilan. Cette provision serait constituée pour un montant représentatif de l'appauvrissement subi par les actionnaires du fait de ces émissions qui ont pour effet d'augmenter le capital de l'entreprise. L'absence de comptabilisation adaptée de ces opérations tend en effet à faire croire qu'elles n'ont aucun coût, ce qui est faux. Un nombre croissant de spécialistes préconisent de changer le mode de comptabilisation. D'ailleurs, certaines entreprises américaines procèdent déjà de la sorte.

Le groupe Enron qui a, selon une association de contribuables, accumulé 1,8 milliard de dollars de bénéfices pendant cinq ans n'a payé d'impôts qu'une année sur les cinq, réduisant de manière considérable la somme qu'il devait en distribuant pour 600 millions de dollars de stock-options.

Selon une étude de la Réserve fédérale, la croissance annuelle des profits des entreprises composant l'indice Standard and Poor's 500 serait tombée de 12 % à 9,4 % entre 1995 et 2000 si les sommes distribuées sous forme de stock-options avaient été déduites des résultats. C'est pourquoi Alan Greenspan lui-même est monté au créneau devant le Congrès pour demander une plus grande vérité des comptes.

Par cet amendement, le groupe UDF souhaite sécuriser davantage l'épargne populaire et garantir une plus grande transparence financière.

M. le Rapporteur général - Le problème soulevé est réel. En effet, les entreprises s'engagent à verser des stock-options sans pour autant provisionner dans leurs comptes les montants afférents. Plusieurs très grandes entreprises ont récemment connu des difficultés, à l'occasion desquelles on s'est aperçu qu'en dépit des audits et expertises, il y avait une défaillance en matière comptable. De même, l'attribution de « miles aériens gratuits », qui peut représenter un engagement important, n'est pas comptabilisée, non plus que des droits à retraite dans certaines entreprises -nous avons eu l'occasion d'auditionner le président d'EDF à ce sujet récemment. Une plus grande sincérité des comptes s'impose donc pour restaurer la confiance des marchés financiers et des épargnants. C'est dans cet esprit que notre collègue de Courson a déposé cet amendement et nous le comprenons parfaitement. Cela étant, cet amendement est un peu prématuré et trouverait mieux sa place dans un futur DDOEF.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 148 est retiré.

M. Gérard Bapt - L'amendement 316 vise à ce que les aides d'urgence affectées aux entreprises au titre de la solidarité, notamment après l'explosion de l'usine AZF à Toulouse ou les tragiques inondations du Sud-Est ou de l'Isère, ne soient pas fiscalisées.

Une grande solidarité s'est manifestée à Toulouse après l'explosion d'AZF. Sous l'impulsion des chambres consulaires, des fonds de solidarité ont attribué des aides aux entreprises sinistrées. Or, ces aides sont aujourd'hui considérées comme entrant dans l'actif net des entreprises, ce qui accroît leurs bases imposables au titre des divers impôts. Cette anomalie est très douloureusement ressentie par les chefs d'entreprise, notamment les PME et les artisans.

Le problème a déjà été soulevé auprès du cabinet du ministre par des représentants de l'association des entreprises sinistrées de Toulouse qui se sont déplacés à Paris.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas examiné cet amendement. Pour ma part, je suis très surpris que des aides d'urgence versées par les chambres consulaires entrent dans l'assiette de quelque impôt que ce soit. Si tel est bien le cas, c'est anormal et il conviendrait qu'une instruction fiscale, en l'espèce mieux adaptée qu'une disposition législative, affirme qu'elles sont exclues des bases imposables. Ce ne serait que justice après le désastre subi par exemple par Toulouse.

Une question aux auteurs de l'amendement : pourquoi vous être limités à demander l'exclusion des bases de la taxe professionnelle, de l'impôt sur les sociétés et des BNC, et pas des BIC ? Enfin, je comprends mal comment ces aides, par nature de flux, peuvent entrer dans l'assiette de la taxe professionnelle.

M. le Ministre délégué - Ma volonté est bien d'apporter une solution au problème soulevé par M. Bapt mais la voie législative n'est pas la meilleur pour ce faire.

Les aides d'urgence accordées aux entreprises contribuent bien à accroître leur actif et à ce titre, aux termes mêmes du code général des impôts, sont imposables dans les conditions de droit commun. Pour autant, l'application de cette règle n'est pas de nature à pénaliser les entreprises concernées puisque celles-ci peuvent concomitamment déduire des charges à même hauteur. Par ailleurs, ces aides n'entrent pas dans l'assiette de la taxe professionnelle.

Cela étant, si des entreprises rencontrent des difficultés de trésorerie, elles peuvent toujours s'adresser aux services fiscaux auxquels je demanderai de faire preuve d'une particulière bienveillance. Je vais leur adresser une instruction en ce sens. Et si des problèmes subsistaient, je vous demande de m'alerter personnellement.

Au bénéfice de ces engagements, je vous invite à retirer votre amendement. A défaut, j'y serais défavorable.

M. Gérard Bapt - Je suis sensible à la compréhension marquée par le rapporteur général et le ministre. Je transmettrai leur proposition aux chambres consulaires et à l'association des entreprises sinistrées. Je retire l'amendement.

L'amendement 316 est retiré.

M. Gérard Bapt - L'amendement 252 de mon collègue Blazy vise à instituer une taxe environnementale qui devrait permettre de mettre en avant des projets de développement durable autour des aéroports. Une plate-forme aéroportuaire est un établissement exceptionnel à double titre : juridiquement bien sûr mais aussi du fait des activités et des nuisances qu'il génère. Cet amendement permettra de réparer les dégâts occasionnés par l'existence de zones de non-droits environnementales générées par un développement aéroportuaire centré sur l'exigence économique et la sécurité. L'exigence environnementale nécessite un effort spécifique de solidarité envers des communes sinistrées et une attention particulière au développement économique, respectant en cela les préceptes du principe pollueur-payeur au service du développement durable du transport aérien.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Oui, il faut améliorer l'environnement autour des aéroports, notamment à Roissy et à Orly. Mais le transport aérien connaissant des difficultés, créer une telle taxe ne serait pas opportun.

L'amendement 252, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 18

M. Jean-Louis Dumont - Après la Deuxième Guerre mondiale, patronat et syndicats ont voulu mettre en place un fonds consacré au logement social. La collecte est devenue de plus en plus importante, comme les retours.

Ces dernières années, les gouvernements successifs ont passé des conventions avec le mouvement du 1 %. L'ensemble de la collecte est pratiquement concentré, aujourd'hui, sur l'organisation professionnelle nationale. Le 1 % ne permet plus le financement au bénéfice de nos régions - en particulier dans le milieu rural.

Dans le rapport de M. Carrez, je ne lis aucun mot sur la Foncière, nouvel opérateur du logement dans des zones définies à partir de la loi SRU ; la liste Borloo, par exemple, élimine tous les espaces ruraux, les villes moyennes.

Le 1 % est réservé à de grandes opérations, mais au détriment de la plupart des demandes.

Prenons l'exemple de l'accession sociale à la propriété : 100 000 F de prêt pour les salariés à l'époque ; aujourd'hui 6 000 €, sous conditions !

En 1996, 1997, 1998, la production de logements locatifs sociaux était très faible faute d'équilibre financier. Sans le 1 %, les plafonds de ressources, en ce qui concerne le montant des loyers, étaient dépassés.

En 2003, comment exécuter un budget du logement qui reprend les lignes budgétaires antérieures ? Dans le même temps, le Gouvernement tient un discours très offensif : le ministre du logement a ainsi indiqué qu'il fallait démolir, construire, réhabiliter. On ne peut qu'être d'accord !

Le ministre de la ville a annoncé son intention de présenter un plan quinquennal pour résorber les logements insalubres, intervenir dans les quartiers en difficulté.

La déconcentration des décisions est problématique : comment décider de démolitions si l'on n'a pas les moyens d'intervenir financièrement lorsque le bâtiment à démolir n'est pas complètement amorti et qu'il peut bénéficier d'opération PALULOS ?

L'amendement 262 est de suppression mais surtout d'appel. Une partie des sommes du budget sera-t-elle ou non affectée au logement locatif social ? Monsieur le ministre, vous devriez réaffecter environ 20 millions d'euros à la prime d'accession au prêt social. Elle a permis à des collectivités locales d'offrir un patrimoine à des familles. L'effet économique et social est bien réel.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Je rappelle que l'article 18 porte sur un prélèvement de 250 millions d'euros ; il est compatible avec la convention du 11 octobre 2001 qui a provisionné - au titre du 1 % - un montant de 457 millions d'euros chaque année - lequel servira à mettre en place la Foncière et à mener un ensemble de démolitions-constructions dans les quartiers les plus difficiles.

Le programme - 20 ou 30 000 logements par an - est très ambitieux.

Dans la loi de finances de 2002, le précédent gouvernement avait proposé un prélèvement de 427 millions d'euros sur les 457 millions pour la politique de la ville.

Les 250 millions d'euros concernés par l'article 18 s'inscrivent dans la droite ligne de la mesure déjà prise en 2002. La politique conduite au titre de l'UESL n'en sera pas handicapée. Certes, des difficultés sur des financements de 1 % peuvent surgir ici ou là, - s'agissant de l'accession. Mais nous serons tous très vigilants.

Cette année, nous pouvons prélever ces 250 millions.

L'ensemble des membres de la commission s'est montré très sensible à l'historique des prélèvements successifs sur le 1 %. Je peux vous assurer que nous ne relâcherons pas notre vigilance.

M. Jean-Louis Dumont - Très bien !

M. le Ministre délégué - Le versement total des collecteurs du « 1 % logement » au budget de l'Etat est très inférieur à ce qu'il était en 2OO2 - où il atteignait 700 millions d'euros. La réduction progressive de ce versement se poursuit donc, ce qui fait que lesdits collecteurs disposent de ressources croissantes. Par ailleurs, la convention entre l'Etat et l'UESL du 11 octobre 2001 a prévu une réorientation d'une partie des emplois du 1 % vers le renouvellement urbain, à hauteur de 457 millions par an. C'est dans le cadre de cette réorientation que le conseil d'administration de l'UESL a décidé de réduire l'enveloppe consacrée aux prêts traditionnels à l'accession. Compte tenu de la montée en puissance des opérations de renouvellement urbain, il avait décidé dans la convention du 11 octobre que l'UESL verserait 427 millions d'euros à l'Etat en 2002. Un amendement en ce sens avait donc été déposé par le précédent gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2002. L'article 18 ne fait qu'en reprendre les termes tout en réduisant le montant du versement. Les opérations de démolition progressent en effet lentement.

Une convention est en cours de finalisation pour préciser les conditions de ce versement. J'ai d'ailleurs reçu à cette fin les responsables de l'UESL. C'est pourquoi je vous suggère, Monsieur Dumont, de retirer votre amendement d'appel, pour reprendre votre expression.

Longtemps maire d'une ville qui accueille sur son territoire une cité de 6 500 personnes, laquelle a fait l'objet de tous les classements possibles depuis « Banlieues 89 », je suis profondément convaincu que la réalisation des objectifs que nous partageons tous ne passe pas seulement par des moyens accrus. Il nous faut aussi alléger le droit de l'urbanisme, car sa complexité actuelle est source de retards considérables dans le lancement des opérations. Et comme il s'agit le plus souvent d'opérations cofinancées, l'harmonisation des cofinancements retarde encore les choses. Mais croyez bien que le Gouvernement partage les objectifs qui sont les vôtres, Monsieur Dumont, en tant que responsable d'un mouvement HLM.

M. Jean-Louis Dumont - Je retire mon amendement.

L'article 18, mis aux voix, est adopté.

ART. 19

M. Jean-Claude Sandrier - Cet article, qui dispose que l'UNEDIC versera 1,2 milliard à l'Etat en 2003, va priver cet organisme d'une partie de ses ressources à un moment où le chômage repart à la hausse, où les emplois-jeunes arrivent en fin de contrat et où les plans sociaux se multiplient. Ce n'est pas très judicieux. Nous voterons donc contre cet article.

L'article 19, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 20.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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