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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 12ème jour de séance, 29ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 23 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      VILLE ET RÉNOVATION URBAINE 2

      QUESTIONS 20

      ÉTAT B - TITRE IV 28

La séance est ouverte à neuf heures.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

VILLE ET RÉNOVATION URBAINE

M. François Grosdidier, rapporteur spécial de la commission des finances - La politique de la ville est d'une grande continuité dans sa réalité, et n'a fait l'objet de rupture que dans ses affichages. Souvenez-vous des mises en scène de Bernard Tapie. Les espoirs déçus ont enfermé les populations dans le scepticisme et la désespérance.

La politique de la ville a tout de même connu quelques tournants réels, notamment avec le pacte de relance pour la ville mis en place par Eric Raoult ou avec la politique de restructuration urbaine relancée par Claude Bartolone.

Monsieur le ministre, nous vous savons gré de n'avoir pas cherché à réinventer, mais tout simplement à améliorer, et ce afin d'atteindre sur le terrain les objectifs proclamés. C'était la seule révolution à faire.

Soyons clairs : la situation s'est détériorée dans nos quartiers depuis cinq, dix, vingt ans. Les actions menées, sans être inutiles, n'ont pas suffi à renverser la tendance. Moins que l'échec de la politique de la ville, c'est l'échec global de notre société qu'il faut analyser.

Le budget du ministère, le « bleu », ne représente qu'un quinzième du « jaune » qui concentre l'ensemble des efforts accomplis en matière de politique de la ville. Les crédits affichés se situent dans le même étiage que l'année précédente : légère baisse dira l'opposition...

M. Michel Delebarre - Elle n'a encore rien dit !

M. le Rapporteur spécial - ...pour laisser penser que tous nos efforts vont vers la répression. En réalité, nous affichons moins, mais dépensons plus et mieux. Dans l'effort global retracé dans le « jaune », les crédits affichés sont de 5,7 milliards d'euros, en légère baisse car le Gouvernement a mis fin aux artifices de présentation : il a ainsi sorti la dotation de solidarité urbaine - DSU - versée aux communes n'appartenant pas à la géographie prioritaire de la politique de la ville.

M. Michel Delebarre - Elles sont minoritaires !

M. le Rapporteur spécial - De même, est retiré le fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France, fonds de péréquation entre collectivités locales, abusivement récupéré par l'Etat comme participant à son effort financier alors qu'il ne grève en rien son budget.

En revanche, ne figure dans le « jaune » actuel qu'une partie de l'effort de prévention de la délinquance et non l'effort de sanction engagé par le Gouvernement, qui est pourtant une condition sine qua non de la réussite de la politique de la ville. L'insertion et l'intégration sont possibles dans l'ordre républicain, pas dans le non-droit.

M. Lionnel Luca - Très bien !

M. le Rapporteur spécial - Quant au budget propre du ministère, il est en légère hausse : 371 millions d'euros en 2003 contre 368 en 2002.

Les dépenses de fonctionnement sont en recul et ce ministère participe à l'effort général de maîtrise des dépenses publiques, sans préjudice pour les populations dans le besoin. Dans le même esprit, la commission des finances a approuvé l'amendement de Marc Laffineur supprimant des crédits de l'institut des villes dont la valeur ajoutée pour la population reste à démontrer. Il serait peut-être judicieux de réorienter ces moyens vers le terrain, au bénéfice des populations en souffrance, plutôt que de nourrir les structures d'en haut, déjà suffisamment dotées avec la délégation interministérielle à la ville et le conseil national des villes.

Les crédits d'intervention sont recentrés sur les dispositifs les plus performants, notamment le programme de renouvellement urbain.

Ainsi une mesure nouvelle de 20 millions d'euros renforcera le soutien aux communes en difficulté engagées dans une procédure de renouvellement urbain.

L'effort essentiel porte sur l'investissement, qui bénéficie directement aux populations dans le besoin.

Le montant des autorisations de programme progresse de 5 %, passant de 228 à 240 millions d'euros. Une dotation supplémentaire de 15 millions d'euros est accordée à la réhabilitation d'établissements scolaires et une mesure nouvelle de 36 millions d'euros fait monter en puissance le programme de renouvellement urbain des 53 GPV et des 70 ORU.

Surtout, les crédits de paiement s'élèvent à près de 97 millions d'euros, soit une hausse de 54 % par rapport à 2002.

La politique de restructuration urbaine n'est plus un thème de discours, mais va devenir une réalité dans les quartiers sensibles.

Le budget est finalement marqué d'une année sur l'autre par un transfert de dépenses de fonctionnement vers l'investissement effectif.

Le fonctionnement va souvent au système institutionnel et associatif, l'investissement aux populations. Les crédits d'investissement du ministère de la ville ont de plus un effet de levier, sur ceux du logement, des collectivités locales, des bailleurs sociaux et parfois de l'Europe.

Les anciens « jaunes » récupéraient abusivement, au profit de la politique de la Ville, des dépenses qui lui étaient étrangères. Mais la représentation nationale était surtout abusée par un affichage de crédits que les procédures trop longues et complexes rendaient impossible à dépenser intégralement.

En 2001, seulement 73 % des crédits votés ont été consommés. Depuis quelques années, l'importance des reports de crédits successifs finissent par ôter toute lisibilité au budget de la ville.

Un premier travail a été engagé dans ce domaine. Il conditionne le succès de votre politique.

De la déconcentration, on attendait la proximité. On n'a souvent que plus de complexité.

La politique de la ville est transverse et votre administration, la DIV, est interministérielle dans son intitulé, sa composition et sa culture. La priorité aujourd'hui étant à la restructuration urbaine, nous nous réjouissons de ce que le ministre de la ville et de la rénovation urbaine dispose, en plus de la DIV, de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, partie intégrante du ministère de l'équipement.

Au-delà de l'articulation institutionnelle, la politique du logement et de l'habitat doit être pensée au regard des exigences de la restructuration urbaine.

Depuis 20 ans, la mixité sociale est un v_u pieux. On démolit des logements délabrés pour reconstruire à nouveau des HLM, certes beaux mais dans des quartiers dont la réputation ne peut s'inverser en quelques années.

La mixité sociale ne peut se faire qu'en développant, à côté du parc locatif, l'accession sociale à la propriété, ce qui implique de combiner une mesure générale, tel le prêt à taux zéro, et une mesure territoriale, soit des « zones franches immobilières », avec un financement de l'Etat qui abaisse le coût du foncier dans ces zones. La commission des finances vous propose d'y réfléchir rapidement, avant la deuxième phase de nos GPV et de nos ORU.

S'il faut alléger les procédures et faciliter l'accès aux financements, il importe d'exercer plus de vigilance pour empêcher le dévoiement de ces financements.

Trop souvent, les contrats de ville sont perçus comme des guichets de financement sous réserve d'un habillage pour des projets qui n'ont pas obtenu de subvention de droit commun.

Dans chaque contrat, les objectifs prioritaires pour l'intégration et l'insertion des populations en souffrance doivent être réaffirmés : insertion par l'économique, prévention des conduites à risque...

Il convient alors d'analyser les demandes de financement au regard de ces objectifs, et, si les initiatives manquent, de lancer des appels à projets sur ces priorités plutôt que de saupoudrer sur des actions ne contribuant que marginalement à la résolution des problèmes identifiés.

Il faut enfin évaluer autrement que par des données déclaratives. Les actions sur des publics fragilisés sont certes difficiles à évaluer, mais ce n'est pas une raison pour nous exonérer de toute obligation de résultat.

Le rapport de la Cour des comptes ne doit pas rester lettre morte. Travaillons cependant sur des outils d'évaluation spécifiques à la politique de la ville.

Vous nous proposez aujourd'hui un budget dynamique, qui privilégie l'investissement plutôt que le fonctionnement et les populations en difficulté plutôt que les superstructures de la politique de la ville, un budget qui ambitionne moins de révolutionner que d'infléchir notre action pour la recentrer sur la revitalisation et l'humanisation de nos quartiers. Nous ne pouvons que l'approuver (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme la Présidente - Je demande à tous les intervenants de bien vouloir respecter strictement leur temps de parole, faute de quoi nous ne pourrons achever notre discussion ce matin.

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Je suis très heureux d'être le rapporteur du premier budget « ville et rénovation urbaine » de cette législature.

La politique de la ville doit être ambitieuse. Elle est une grande cause nationale au même titre que la lutte contre le cancer : comme le cancer ronge le corps humain, le mal-vivre des banlieues ronge notre corps social, aujourd'hui métastasé de zones de non-droit.

De nombreuses dérives et absurdités ont été observées ces dernières années, au-delà du seul bilan du gouvernement socialiste, et la Cour des comptes ne s'y est pas trompée.

Comme vous l'avez rappelé lors de votre audition devant la commission, Monsieur le ministre, près de 250 quartiers sont au bord de l'insurrection. Le bilan de la politique de la ville est désastreux, les événements de Strasbourg en témoignent tristement. Vous voulez replacer la ville au centre des dispositifs d'intégration et de développement. Très bien ! Là est la différence avec vos prédécesseurs.

M. Michel Delebarre - Le ministre dit le contraire !

M. le Rapporteur pour avis - Vous voulez traiter le sujet dans sa globalité. Ce budget, qui s'inscrit dans la future loi de programmation que vous avez obtenue, financera des actions transversales : la ville est bien le point de jonction de la politique de sécurité et de justice et des politiques éducative, urbanistique, économique, sportive, sociale et culturelle.

Si cette démarche avait été entreprise plus tôt, on aurait su, comme le clament depuis longtemps les élus locaux, que l'insécurité était le premier souci des quartiers difficiles. Le Gouvernement l'a compris, et la situation s'améliore déjà sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy. Mais que de temps perdu par aveuglement idéologique !

Vos moyens financiers augmentent avec 371 millions d'euros. Vous avez revu à la baisse des dépenses de fonctionnement sous-employées et accru les dépenses d'investissement : les autorisations de programme sont portées à 240 millions d'euros et les crédits de paiement à 97 millions d'euros.

Vous érigez la question du logement social en enjeu majeur. Elle touche en effet au cadre de vie et à l'environnement social. Aussi prévoyez-vous 200 000 réhabilitations lourdes, 200 000 opérations de démolition-reconstruction et 80 000 constructions de logements sur cinq ans. Je parle ici du fabuleux programme de 30 milliards d'euros que vous avez annoncé au dernier congrès HLM.

Voilà le symbole d'une nouvelle politique de la ville. Nous commençons enfin à voir dans la ville le reflet de notre projet de société. Ce budget ouvre quelques pistes de réflexion.

La politique de la ville que nous voulons se fonde sur trois axes : la proximité, le pragmatisme et la responsabilité. La proximité à laquelle nous invite Jean-Pierre Raffarin, c'est la capacité de repenser la ville non comme une construction abstraite, mais pour ceux qui y vivent. Cessons de nous gargariser de verbiage technocratique - les POS, les PLU, les ORU, les SCOT, les GPV, les GPU, les DSQ, les PALULOS... Rendons le discours accessible, remettons l'homme au c_ur de la ville. Ce sera un premier signe de rupture.

La proximité, c'est aussi le bonheur de vivre dans du beau. Chaque habitant a le droit de retrouver le plaisir de vivre dans sa cité. Arrêtons de faire du logement social un champ d'expérimentation pour architectes illuminés (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) face à des populations en recherche de repères et d'harmonie. Les constructions parfois délirantes de ces trente dernières années ont créé de véritables ghettos qui offrent un terrain à la délinquance. Il faut définitivement tourner le dos à ce type de construction hérité des années 60. Pourquoi ne pas faire passer l'architecture du ministère de la culture à celui de la ville ? Nos prédécesseurs ont fabriqué le mal-vivre. Offrons aujourd'hui à chacun le beau qu'il est en droit d'attendre.

A cet égard, le programme que vous nous présentez révèle un effort considérable en faveur des projets de destruction-reconstruction et répond aux attentes des élus locaux qui ne supportent plus de voir ces « barres » et ces tours défigurer nos villes.

Chaque habitant, quels que soient ses revenus, a le droit de vivre dans de beaux logements qui ne coûtent pas plus cher à réaliser, mais incitent au respect de l'environnement et du cadre de vie.

M. Pierre Cardo - Cela ne suffira pas !

M. le Rapporteur pour avis - La proximité, c'est aussi la restauration de la mixité sociale et urbaine.

La loi de solidarité et de renouvellement urbains visait à renforcer la mixité sociale et à rééquilibrer l'offre de logements. Ses insuffisances doivent conduire à développer une politique plus ambitieuse fondée non sur la contrainte mais sur la contractualisation et l'incitation. Il faut envisager une vraie politique de mixité sociale positive et cesser de construire du logement social dans les villes qui en abritent déjà un fort pourcentage.

Renforçons la mixité urbaine en rompant avec la division fonctionnelle des territoires héritée de la charte d'Athènes de Le Corbusier : zones résidentielles, quartier HLM, centres commerciaux... La ville doit être redessinée autour d'un centre et d'un habitat diversifié, avec des liaisons par transport public. Les habitants doivent réinvestir tous les quartiers de leur ville. Sachons reconstruire la ville sur la ville. La densité n'est pas en soi une source de mal-vivre.

Le pragmatisme doit conduire avant tout à revoir le mode d'attribution des logements sociaux.

Arrêtons de détruire l'équilibre fragile de certaines cages d'escalier par des attributions malencontreuses. La politique sociale doit être conduite au plus près des citoyens, dans les immeubles et les quartiers.

Le maire doit retrouver toute sa place dans le contrôle de l'attribution des logements sociaux : bien plus au fait des problèmes de sa commune, il est aussi le garant de la paix sociale. Je sais votre détermination à lui donner les moyens de conduire la rénovation des quartiers. Tous les élus locaux y seront sensibles.

Il faut impérativement transférer le contingent préfectoral au maire. A cet égard, on ne peut que se réjouir des expérimentations en cours.

Le pragmatisme exige aussi de restructurer et de simplifier les interventions de l'Etat.

Les systèmes d'interventions et d'aides sont trop complexes.

Les dispositifs de l'Etat ont trop souvent tendance à se superposer sans s'harmoniser, comme les grands projets urbains et les contrats de ville. Aussi nous félicitons-nous de votre idée d'un guichet unique et d'une unité de commandement.

La gestion locale des crédits aux associations est également une excellente initiative. En 2002, la contribution financière des collectivités locales à la politique de la ville s'élève à 1,1 milliard d'euros. Les collectivités possèdent donc un savoir-faire suffisant. Il faut à ce propos saluer l'action de certains départements urbains comme celui des Hauts-de-Seine, pionnier en la matière.

Nous devrons simplifier aussi les instances nationales, véritables nébuleuses trop souvent dogmatiques. A cet égard, la réforme de la décentralisation que le Gouvernement prépare ouvre des horizons passionnants.

Le pragmatisme n'exige-t-il pas enfin de transférer le logement au ministère de la ville ?

Quant à la responsabilité, elle conduit avant tout à rendre les habitants des quartiers responsables de leur cadre de vie.

Il faut à cette fin encourager la politique d'accession à la propriété des logements sociaux. C'est une priorité si l'on veut combattre le déracinement et retrouver le respect de l'environnement commun. L'homme est ainsi fait qu'il est plus respectueux de son propre bien que de celui d'autrui. Offrir cette possibilité c'est donner un objectif et un repère à ceux qui en manquent.

Une partie du produit de ces ventes servira à améliorer le parc existant, l'autre la démolition-reconstruction de nouveaux logements.

Les associations servent non seulement de relais, mais aussi d'observatoire de proximité. Il convient de les responsabiliser, sous réserve de transparence, et de prendre en compte la réalité de leur coût de fonctionnement.

Je ne doute pas que vous serez sensible, Monsieur le ministre, à ces réflexions. Les ambitions que vous affichez semblent s'inscrire dans ces perspectives et les moyens que vous mettez en place semblent les favoriser.

J'émets donc naturellement un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2003 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Monsieur le ministre, vous avez annoncé au dernier congrès de l'Union des HLM que vous engagiez une nouvelle « bataille de la France » sur le terrain de la politique de la ville.

Nous savons que vous mesurez la nature et l'importance des problèmes, mais nous estimons que votre budget ne vous donne pas les moyens de votre ambition. Il est en effet marqué par un recul et un déséquilibre.

Le recul est manifeste au vu du montant des crédits. L'effort public global en faveur de la politique de la ville diminue. Alors que le précédent gouvernement lui consacrait 3 571 millions d'euros, ce sont à peine 3 494 millions d'euros qui sont inscrits cette année. Ce désengagement de 77 millions d'euros représente 20 % de votre budget.

Celui-ci enregistre une infime progression de 0,6 % inférieure à celle de l'inflation. Il s'agit donc bien d'une régression.

Cette baisse en volume de votre budget paraîtra négligeable à certains. Aux yeux des acteurs de la politique de la ville, elle est très symbolique : vous serez le premier des ministres de la ville à entrer en fonction avec des crédits en diminution.

La hausse des crédits de paiement sur laquelle vous insistez renvoie pour l'essentiel à des engagements antérieurs.

La dynamique engagée par le précédent gouvernement est enrayée. Entre 1998 et 2002, les crédits du ministère de la ville avaient considérablement augmenté, pour tripler en cinq ans.

Votre Gouvernement a choisi de porter un coup d'arrêt à cette politique qui n'était pas seulement volontariste - vous l'êtes - mais qui s'était donné des moyens considérés comme prioritaires.

Vous justifiiez ce recul en alléguant qu'une proportion importante de ces crédits n'était pas consommée en raison notamment de procédures longues et complexes (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP), mais des efforts ont été faits pour raccourcir celles-ci et ils commençaient à avoir des effets : le taux de consommation de crédits est passé de 68 % à 2000 à 73 % en 2001, il fallait poursuivre dans cette voie.

Cette année, des gels massifs de crédits ont été opérés en juin, diminuant les concours de l'Etat déjà négociés avec ses partenaires.

Enfin il ne faut pas confondre les problèmes. La non-consommation des crédits ne s'explique pas par l'absence de besoins, mais souvent par l'effort trop important demandé aux partenaires de l'Etat dans les collectivités les plus en difficulté. La question n'est donc pas d'économiser les fonds, mais de surmonter les obstacles à leur utilisation.

Ce budget est également marqué par un déséquilibre de ses orientations. Le rapporteur spécial a souligné qu'il traduit une « redéfinition des priorités ».

De fait, le titre VI affiche une réelle augmentation des crédits d'investissement. L'on pourrait s'en réjouir si elle n'était pas orientée au profit quasi exclusif du renouvellement urbain. Certes, il est nécessaire d'améliorer le cadre de vie dans les quartiers en difficulté. La réhabilitation des bâtiments dégradés, la démolition des plus insalubres fut d'ailleurs l'un des grands objectifs du précédent gouvernement : 1 291 logements démolis en 1995, 6 800 en 2001.

Mais la politique de la ville n'est plus seulement de la rénovation urbaine, elle inclut le développement économique des quartiers. Le fonds de revitalisation économique instauré en 2001 favorisait l'installation d'entreprises, la réalisation d'investissement de production, les actions d'animation économique, le montage de projets.

M. Pierre Cardo - C'était d'une complexité épouvantable !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Or les crédits de fonctionnement de ce fonds passent de 37 millions d'euros à 20 millions et les crédits d'investissement sont purement et simplement supprimés en 2003.

Invoquer les difficultés de mise en _uvre pour justifier cette diminution drastique est inacceptable. Comment imaginer que le FRE pouvait être pleinement opérationnel dès la première année ?

Vous procédez également à des coupes claires sur le fonds d'intervention de la ville, ramenant ses crédits de fonctionnement de 179 à 145 millions d'euros. Vous compromettez ainsi une démarche sur le terrain qui associait les partenaires des contrats-villes et les acteurs de proximité.

Cette réduction des engagements de votre ministère n'est en aucune manière compensée par les interventions des autres puisqu'on constate une baisse symbolique de la contribution à la politique de la ville des budgets de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et une baisse importante de celle des affaires sociales, en raison de la décroissance du dispositif des emplois-jeunes.

M. Michel Delebarre - C'est ça qui est grave !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ainsi la dimension sociale et économique de la politique de la ville est ramenée à l'accessoire d'une restructuration urbaine et d'une démarche sécuritaire qui porte en elle les germes de l'échec.

M. Lionnel Luca - C'est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Comment ne pas rapprocher ce constat des velléités exprimées, ces derniers temps, de remettre en cause les moyens de la mixité sociale ?

Comment ne pas s'inquiéter de la remise en cause de la loi SRU qui, pour la première fois, en assurait une véritable expression au plan territorial ?

M. Michel Delebarre - Il a raison !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Pour compenser ce décrochage budgétaire, vous avez annoncé une loi de programmation pour le logement social.

Il va s'agir de démolir beaucoup, de construire beaucoup et il est impératif de construire avant de démolir (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe UMP). Pour cela vous allez solliciter le 1 %, les bailleurs sociaux - ce qui revient à faire payer les locataires -, bref vous annoncez une grande mobilisation pour un coût de plus de 30 milliards d'euros. Mais votre budget ne comprend pas le moindre crédit pour cet ambitieux projet.

Comment allez-vous les obtenir demain d'un gouvernement qui ne vous a concédé aucune marge pour la politique de la ville ?

Monsieur le ministre, nous connaissons tous les enjeux politiques, économiques, sociaux, territoriaux et surtout humains qui sont au c_ur de la politique de la ville.

Ces dernières années, elle a de mieux en mieux répondu à la double exigence de rénovation urbaine et de développement économique, social et culturel. Ces deux exigences sont indissociables.

Or vous nous proposez un budget qui va menacer des chantiers en cours, faire renoncer à des projets multiples, déstabiliser des associations, interrompre des initiatives, des engagements bénévoles.

Tous les prétextes - non-consommation des crédits, lourdeur des procédures - tous les artifices - gel des crédits - tous les effets d'annonce - loi de programmation - ne parviendront pas à dissimuler le fait que le Gouvernement a renoncé à maintenir la priorité pour la politique de la ville.

Monsieur le ministre, ce budget n'est pas celui que votre inspiration justifiait (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Nicolas Perruchot - « Je suis surpris que les conservateurs, de droite comme de gauche veuillent nous faire croire que toucher à l'organisation de notre pays reviendrait à remettre en cause les valeurs de notre République », avez-vous écrit, Monsieur le ministre, dans votre livre, Un homme en colère, anticipant sur la décentralisation des pouvoirs en France.

Le budget du ministère de la ville, avec ses 371 millions d'euros est une goutte d'eau dans le budget de l'Etat et ne représente que 6,65 % des efforts publics en faveur de la ville. On dira qu'il baisse ou qu'il augmente, selon l'intention partisane du lecteur. Ce qui importe vraiment au groupe UDF, c'est le rôle que votre ministère entend jouer dans la réorganisation en profondeur de la politique de la ville en France.

La vérité n'est donc pas dans les lignes du « bleu » budgétaire, elle est dans une philosophie et dans une attitude. Votre philosophie, c'est la confiance dans les missions des élus locaux, qu'ils soient de gauche ou de droite. Pourquoi ? Parce que ce sont des femmes et des hommes responsables, qui ont été désignés pour essayer de régler les problèmes concrets de leurs concitoyens et qui ont de plus en plus de mal à le faire. Cette confiance, vous la tirez de votre expérience de maire de l'une des villes les plus durement frappées par les crises économiques et par le désespoir.

Votre attitude, c'est la colère face à l'addition de nos impuissances, c'est le refus de tout ce qui paralyse les volontés les plus déterminées : procédures complexes, interlocuteurs multiples, blocages administratifs, inerties et lenteurs des circuits de financement...

C'est en tant que maire d'une des villes où les logements en ZUP sont parmi les moins chers que je voudrais vous faire quelques suggestions pour la réforme de la politique de la ville.

Le premier sujet concerne la mixité sociale. Une chose est de démolir des logements insalubres, une autre est d'éviter de reconstituer des ghettos concentrant toutes les populations défavorisées. Il faut restaurer dans ces quartiers une mixité sociale qui jouera un rôle d'intégration, notamment des populations immigrées. Les 87 nationalités qui cohabitent dans les quartiers nord de Blois constituent une chance pour notre pays, mais il serait irresponsable de les couper de tout contact avec les « Français de souche ». Il est donc essentiel que le nombre de reconstructions puisse être inférieur à celui des démolitions dans certaines zones, sous peine de reconstruire des tours criminogènes et génératrices de malaise social.

Par ailleurs, les loyers des logements reconstruits ne doivent pas augmenter, mais rester accessibles aux populations défavorisées, sinon nous ne ferons que délocaliser l'exclusion.

Deuxième point que je voudrais soulever, le devenir des zones franches. Le 14 octobre dernier, le Président de la République confirmait, à Troyes, son souhait de leur donner une impulsion nouvelle, car cette politique peut conduire à d'excellents résultats quand elle s'accompagne d'une mobilisation de tous les acteurs.

Vous-même, Monsieur le ministre, lors du conseil national des villes, en juin, vous avez annoncé la création d'une quarantaine de zones franches urbaines, et la reconduction d'une vingtaine sur les 44 de la génération précédente. Avec mon collègue Francis Vercamer, élu d'une agglomération qui comprend la plus grande zone franche de France, je me réjouis de cette perspective. Mais en attendant le nouveau dispositif, nous souhaiterions quelques éclaircissements sur les sorties de zones franches. Vous souhaitez qu'elle s'effectue sur cinq ans au lieu des trois prévus. Mais dans quels délais et avec quelle dégressivité cette nouvelle mesure va-t-elle être appliquée en matière fiscale ou sociale ? Le périmètre des zones franches, qui présente des incohérences manifestes, pourra-t-il être révisé ?

Les exonérations liées aux zones franches ont parfois été exploitées abusivement : quelles dispositions comptez-vous prendre pour corriger ces abus et poursuivre l'effort de moralisation déjà entrepris ?

Ces questions sont celles que posent les élus de terrain, inquiets, tel M. Vercamer, des conséquences qu'aura la disparition de ce dispositif.

D'autre part, nous sommes nombreux à utiliser une partie des fonds de nos GPV pour financer les actions d'associations, mais nous sommes nombreux également à constater que certaines de ces actions ne concourent guère aux politiques que nous souhaitons mener dans les zones sensibles. Ne pourrions-nous imaginer une boîte à outils qui nous permettrait de discerner les projets utiles et les autres, afin de rationaliser l'utilisation des fonds publics ?

M. Michel Delebarre - Il a raison !

M. Nicolas Perruchot - Elus et Etat, nous pourrions concevoir ensemble, pour ces associations, un cahier des charges soumis à évaluation régulière, ce qui permettrait de déterminer les montants à allouer à chacune, en fonction de ses besoins, de ses objectifs et surtout de ses résultats. Il ne s'agit pas de créer une procédure supplémentaire, mais de donner aux maires un outil qui leur manque actuellement pour rendre plus efficace cette contribution indispensable du milieu associatif. Ainsi, en tant que maire, je préférerais donner 100 000 euros à cent associations qui font du bon travail, plutôt que 300 000 euros à trois cents qui ne serviraient qu'à donner l'illusion d'une lutte contre l'exclusion...

Appelant en conclusion chaque maire à devenir une sorte de ministre de la ville, j'espère ne pas vous choquer, Monsieur le Ministre délégué, mais bien plutôt vous soutenir quand, à la fin de votre livre, vous souhaitez convaincre votre famille politique de « prendre ce chantier à bras-le-corps ». Le groupe UDF, en tout cas, a entendu ce souhait et votera sans hésitation votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Pierre Cardo - Les rapporteurs ayant souligné les aspects positifs de ce budget, je n'y reviendrai pas, sinon pour noter que vous voulez non accroître les moyens alloués à la politique de la ville, mais en améliorer l'attribution et l'utilisation.

Il y a quelques mois, la Cour des comptes a donné un avis assez négatif sur l'action de votre ministère, mais cette analyse mérite d'être approfondie afin de mieux cerner vos choix et de mieux définir les exigences pour demain. Une des premières explications de ce bilan contestable tient aux multiples changements de cap et réformettes décidés par les précédents gouvernements. Une deuxième réside dans l'aspect faussement expérimental de la politique de la ville : pendant vingt ans, on aura mené dans les quartiers un nombre considérable d'expériences sans qu'au niveau supérieur de l'Etat, on en tire des conclusions en vue d'une stratégie cohérente. En définitive, faute de passer à une réelle expérimentation, au lieu de servir à moderniser et à adapter les services publics, à traiter les maux de nos banlieues, les initiatives des opérateurs publics et associatifs n'ont fait que compenser l'insuffisance ou le retrait des institutions de la République. Comment, dans ces conditions, évaluer la politique de la ville, sachant que cette évaluation devrait porter non seulement sur les financements, mais sur l'ensemble des interventions dans chaque site ?

M. Michel Delebarre - Très bien !

M. Pierre Cardo - On constaterait alors un effet de vases communicants : ces sites en difficulté ont obtenu au mieux autant et parfois moins que les autres ! Les acteurs institutionnels se retirent, se bornant à gérer des dispositifs, et laissent la place aux associations : d'où une césure entre ces deux groupes d'acteurs, et une fracture de plus en plus nette entre les institutions de la République et les habitants.

Afin d'en finir avec la complexité des procédures et d'abréger les délais de notification des subventions, vous autorisez les villes ayant passé une convention avec l'Etat à percevoir directement sur leur budget, en début d'année, les sommes leur permettant d'organiser elles-mêmes le partenariat avec les associations. Soyez-en remercié ! En revanche, si elle peut se justifier pour ce qui est des crédits d'investissement en raison du niveau des reports, la réduction notable des crédits du FIV m'inquiète pour ce qui relève du fonctionnement : ne faisons pas payer aux acteurs de cette politique le prix des lourdeurs de procédures en obligeant les maires à gérer la rigueur !

M. Michel Delebarre - Très bien !

M. Pierre Cardo - Certes, en contrepartie, vous envisagez d'aider davantage les communes en difficulté financière, mais la réforme de la DSU qui permettrait de ne pas réserver les GPV aux villes aisées n'a pas encore eu lieu et, pour l'instant, l'essentiel des financements vient du FIV.

Votre plan de rénovation urbaine va enfin garantir une action cohérente sur la durée. Vous souhaitez ainsi accélérer le rythme des démolitions. Cependant, la loi SRU va amener des communes attractives à construire des logements sociaux. Si les villes qui réduisent le nombre de leurs logements sociaux ne mettent pas rapidement au point un itinéraire résidentiel qui offre aux habitants des logements adaptés et très divers, nous assisterons à un effet d'écrémage, les familles les mieux loties se déplaçant vers les communes plus aisées. Il convient donc d'accroître les moyens alloués à la gestion urbaine de proximité : la propreté et l'entretien font beaucoup pour la réputation des quartiers. En second lieu, il convient d'aider financièrement les communes qui reconstruisent, de manière à réduire le coût du foncier mais aussi à favoriser la construction de logements sociaux sur de petites emprises foncières. Enfin, il faut aussi accorder une grande attention au choix des emplacements sur lesquels on va reconstruire les écoles démolies. Ce point pourrait entrer dans le champ des conventions que vous passerez avec l'Education nationale - dont on peut se demander pourquoi elle a supprimé tant d'internats.

Restons-en à l'éducation : ne pourrait-on créer des petits ensembles d'appartements pour regrouper des familles, primo-arrivantes ou connaissant des problèmes de comportement social, à qui l'on donnerait les bases leur permettant de s'intégrer dans notre société ?

Le chômage a augmenté dans les quartiers alors qu'il baissait ailleurs, dit-on. La proposition est cependant à nuancer : dans ma commune, il a diminué. Nous le devons au travail intercommunal autour d'un PLI et d'équipes motivées, ainsi qu'à une utilisation intelligente des dispositifs existants. Tout irait donc bien à condition que l'on prévoit d'accorder un financement aux communes et associations qui ont surtout recruté des jeunes de niveau 6 et 5 bis, offrant ainsi à des gamins qui n'ont aucun accès au travail une activité d'utilité sociale. Il ne serait pas moral qu'au bout de cinq ans, l'Etat qui a poussé à cela renonce en sachant qu'il n'existe pas de solution autre !

M. Michel Delebarre - Très bien, encore !

M. Pierre Cardo - Je souhaiterais de même que le dispositif adultes-relais, que le précédent gouvernement avait omis de financer, soit revu et amplifié, afin de développer l'animation et la médiation en revalorisant l'image de l'adulte.

Les structures de garde d'enfants sont inadaptées aux besoins des parents qui travaillent : songez qu'à Chanteloup, ce n'est que cette année qu'a pu ouvrir un centre fonctionnant sept jours sur sept et 24 heures sur 24 ! Il ne faudrait pas que notre commune demeure la seule à disposer d'un tel équipement...

Mon groupe et moi-même, convaincus que le Ministre délégué est à notre écoute et que ce budget ne marque que la première étape d'une reconstruction, nous voterons ces crédits en sorte que l'espoir renaisse dans nos villes de connaître enfin une liberté, une égalité et une fraternité réelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Patrick Braouezec - Que l'on accepte l'analyse des Echos, qui parlent d'une baisse de 0,26 %, ou que l'on préfère celle du ministère, qui annonce une hausse de 0,61 %, il est clair que ces crédits sont en stagnation et qu'il y a donc rupture avec les ambitions affichées depuis 1998. Le rapport pour avis évoque un budget de « consolidation dans un contexte de rigueur », mais cette rigueur ne concerne pas tout le monde : le budget pour 2003 favorise la police, les prisons et l'armée, mais non la politique de la ville !

La mise en _uvre de cette dernière se heurte en outre à bien des difficultés. Cela s'explique par les nécessités d'un partenariat entre Etat, collectivités et associations et nous souhaitons à cet égard que vous réussissiez là où beaucoup de vos prédécesseurs ont échoué. Votre proposition de simplifier l'utilisation des crédits déconcentrés, soit 95 % du total, est de bon principe. Cependant, il ne faut pas se borner à accorder des facilités aux communes et aux associations : l'Etat, garant de l'intérêt général, doit accomplir ses missions vite et bien. Cela suppose de renforcer les services des préfectures, actuellement trop éloignés des réalités du terrain.

Ainsi depuis dix ans, l'arrondissement de Saint-Denis attend la construction de sa sous-préfecture. Chaque année la moitié des associations qui sont parties prenantes des contrats de ville ne reçoivent pas leurs subventions avant décembre, d'où des frais financiers, des retards dans l'action, un gâchis d'énergie considérable. Il faut généraliser le conventionnement pluriannuel et les expériences de mutualisation de la formation et des moyens des associations. Elles revendiquent, enfin, la gratuité des loyers.

Les collectivités ont également des difficultés. Tous les crédits de l'Etat ne sont pas consommés car des communes sont trop pauvres pour financer la part qui leur revient. La DSU est en recul et ne représente que 2 % des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Les écarts de richesse - de un à trente-six dans une même région - sont énormes et le Gouvernement a choisi de ne pas les compenser.

Investir dans la réhabilitation d'écoles et d'équipements est une bonne chose, mais les collectivités modestes qui n'ont pas les crédits de fonctionnement pour en assurer l'entretien ne suivent pas. Les grands projets de ville sont un réel progrès, mais il est regrettable que les crédits de fonctionnement ne soient ouverts qu'à proportion des investissements réalisés. Il faudrait répartir ces crédits de façon égale sur les cinq années du contrat et consentir dès la première année des crédits de fonctionnement, qui risquent d'être trop abondants en fin de projet.

Vous recentrez ce budget sur la rénovation urbaine. De ce fait, les subventions de fonctionnement allouées au FIV, outil essentiel des contrats de ville, baissent, ainsi que celles du fonds de revitalisation économique dont, de plus, les subventions d'investissement sont supprimées. Les contrats emploi-jeunes et adultes relais ne sont plus des priorités.

Sur le fond, nous refusons votre expression de « crise urbaine ». Il s'agit d'une crise sociale et d'une crise de l'Etat, défaillant dans ses missions.

M. Pierre Cardo - Après cinq ans de gouvernement de gauche !

M. Patrick Braouezec - Ce ne sont pas les murs qui créent la crise urbaine, ce n'est pas en les rénovant qu'on résoudra tous les maux de la société. Faire du renouvellement urbain la grande priorité, c'est risquer d'oublier les habitants, voire de les stigmatiser, c'est camoufler la question sociale derrière la question urbaine en s'adressant surtout à ceux qui, devant leur télévision, ne voient que les problèmes issus de la dégradation de l'urbanisme. Discutez-en avec les habitants de Saint-Denis ou de Valenciennes : ils vous parleront plutôt du logement, de l'emploi, des inégalités et des discriminations, de la régularisation du voisin sans papiers...

M. Pierre Cardo - Certains prennent leurs désirs pour des réalités !

M. Patrick Braouezec - ...des carences des transports, de la police, de la justice.

En l'absence de ministère du logement - alors qu'il y a un secrétariat d'Etat à la construction des prisons -, l'élargissement de vos attributions en ce qui concerne le logement social risque de vous transformer en ministre du bâti, alors que vous devriez être l'animateur de la politique d'ensemble de lutte contre les ségrégations, car plus que tout autre, le budget de la ville est interministériel.

Il souffre donc des mesures gouvernementales qui remettent en cause le renforcement de la cohésion sociale, l'insertion et la lutte contre le chômage, comme la fin des emplois-jeunes, du programme Trace, de la loi de 1948, ou la baisse du nombre de surveillants.

Aussi la politique de la ville que vous menez est-elle condamnée à l'échec. Pire, elle alimente le préjugé contre certaines « zones » qui seraient à l'origine de tous les maux alors que leurs habitants voudraient légitimement accéder à des droits fondamentaux comme l'emploi, le logement, l'éducation, les soins et la formation.

Enfin, ce budget traduit l'idéologie du libéralisme sécuritaire qui veut que l'Etat joue un rôle minimal pour les services publics, la protection sociale et la régulation du marché du travail, mais accroisse la répression pour masquer son désengagement. Nous ne vous faisons pas de faux procès, Monsieur le ministre. Vous n'êtes pas de ceux qui stigmatisent les quartiers populaires, la jeunesse ou les gens du voyage. Dans ce gouvernement, vous êtes le « bon flic », tandis que M. Sarkozy est « le sale flic » qui va pacifier les zones de non-droit ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) ... Même s'il ne marque pas vos propos, le climat de ségrégation pèse sur nos débats.

M. Max Roustan - Venez le dire dans les quartiers !

M. Patrick Braouezec - A Saint-Denis, je tiens ce discours.

Que penser d'un rapporteur pour avis, maire du Plessis-Robinson, qui qualifie de « petit livre rouge » la loi de solidarité urbaine et de « vision dirigiste » l'obligation de 20 % de logements sociaux dans chaque commune ? Allez-vous remettre en cause la loi SRU et ce minimum ?

M. Max Roustan et M. Jean-Marc Roubaud - Oui !

M. Patrick Braouezec - Le même rapporteur estime que « 215 quartiers sont au bord de l'insurrection », que le Gouvernement a enfin compris le sentiment d'insécurité, et dénonce « le temps perdu par aveuglement idéologique ». Pour ma part, je préfère le pluralisme des idéologies au populisme outrancier, paravent d'un égoïsme municipal qui oublie l'intérêt général (Protestations de MM. Roustan et Roubaud).

Le groupe communiste votera contre ce budget de stagnation, qui concentre l'effort sur la rénovation urbaine et oublie les habitants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Annick Lepetit - Ce budget m'inquiète car il oublie la dimension sociale de la politique de la ville pour se concentrer sur la rénovation urbaine. Or l'objectif est d'abord que les habitants vivent mieux dans leur quartier.

Les subventions au FIV, en augmentation ces dernières années, diminuent de 34 millions d'euros, au détriment des associations auxquelles il accordait les deux tiers de ses crédits. Dans son rapport de juin 2001, Jean-Claude Sandrier soulignait pourtant le rôle des associations, et vous-même avez lancé un questionnaire à leur intention en juin 2002. Pénaliser ainsi les partenaires de l'Etat, c'est remettre en cause des années de travail.

Les associations jouent un rôle social indispensable, notamment envers les familles et les jeunes, et elles développent la démocratie participative, donc l'esprit civique. Il faut poursuivre l'effort pour les soutenir. Les délaisser, c'est délaisser les habitants.

Dans un contexte économique difficile, beaucoup d'entre elles ont engagé des emplois-jeunes : si ces derniers disparaissent, comment vont-elles poursuivre leur mission ? Les collectivités locales le savent bien et craignent un accroissement de leurs charges, que certaines ne pourront assumer. Que leur répondez-vous quand elles demandent qui va pallier les insuffisances de l'Etat ?

Vous justifiez la baisse des crédits du FIV par une consommation insuffisante - dans des proportions moindres que ce que vous dites, d'ailleurs. Mais c'est surtout que les communes sont trop pauvres pour compléter l'apport de l'Etat. Avec ce raisonnement, vous finirez par supprimer complètement les crédits du FIV.

M. Max Roustan - Mais c'est la complexité des règlements qui nous empêche de consommer les crédits !

M. Gilbert Meyer - Votre raisonnement est plus que simpliste !

Mme Annick Lepetit - La progression du chômage va accentuer la détresse sociale. Or les associations remplissent des missions de service public relevant de la solidarité nationale. Qu'allez-vous dire aux élus locaux qui s'inquiètent de la façon dont on va gérer les quartiers, alors que l'Etat se désengage et fuit ses responsabilités ?

M. Gilbert Meyer - Vous n'aviez qu'à agir !

Mme Annick Lepetit - Au lieu de s'impliquer dans la politique de la ville, le Gouvernement fait le contraire, je le crains. Vous voulez faire des économies, pourquoi pas ? Mais pas celles-là ! La politique de la ville ne se réduit pas à la rénovation urbaine et la politique dans les quartiers ne doit pas être laissée au seul M. Sarkozy. C'est à vous, Monsieur le ministre, de prendre vos responsabilités.

Pour ces raisons, vous ne serez pas surpris que le groupe socialiste vote contre votre projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Albertini - C'est à travers un budget qu'on mesure le mieux l'action publique, mais le volume des crédits compte moins que le contenu des projets, d'autant que le taux de consommation est chaque année loin d'atteindre 100 %. 371 millions d'euros : pour quoi faire, avec quels objectifs ?

Devant la commission des affaires économiques, Monsieur le ministre, vous avez souligné que depuis ses débuts, notre politique de la ville a davantage financé des procédures que des projets. Le jugement porté par la Cour des comptes est très critique : « La crise des zones urbaines défavorisées a tendance à s'étendre à de nouveaux sites et à s'aggraver » ; « face à cette crise, la politique de la ville a jusqu'à présent été marquée par l'imprécision de ses objectifs comme de sa stratégie et par une volonté d'affichage qui conduit à la mise en _uvre périodique de nouveaux dispositifs » ; « l'utilisation des crédits spécifiques du ministère de la ville et le développement de procédures qui lui sont propres mobilisent l'activité des services au détriment de leur rôle d'animation, d'innovation et de coordination ». Le mal est donc au c_ur de l'action.

Au niveau national, il nous faut faire des efforts pour coordonner les politiques de droit commun, en mobilisant tous les ministères qui ont à voir avec la vie sociale des quartiers. Un exemple : le parc social. On nous a dit à juste titre qu'il fallait dans certains cas démolir, le plus souvent réhabiliter, mais aussi construire. Or dans beaucoup de quartiers périphériques, il ne s'est rien passé depuis trente ans. La solution passe par la fongibilité des enveloppes et la souplesse dans le mécanisme de plafonnement des taux. Il faudra d'ailleurs un jour faire sauter ces verrous, qui ne tiennent pas compte de la spécificité des actions locales : dans certains cas, le plafonnement des aides à 20 % est absurde (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF).

Au niveau local, la réussite passe par un pilotage par les maires.

Mme la Présidente - Vous avez dépassé votre temps da parole.

M. Pierre Albertini - Je vais conclure. Une étude réalisée par des universitaires sur Rouen et Haarlem montre bien qu'aux Pays-Bas, à la différence de la France, le pilotage local est assuré par les autorités élues. Le maire est incontestablement le mieux placé pour fixer les objectifs et évaluer les résultats de l'action (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Denis Jacquat - A travers ce projet de budget, le Gouvernement s'attache à recentrer la politique de la ville sur ses missions prioritaires et à remédier aux errements soulignés par la Cour des comptes dans son rapport de février 2002. Il montre, et je m'en félicite, sa volonté d'intensifier la rénovation de nos quartiers sensibles.

Son ambition de soutenir la revitalisation économique de ces territoires, notamment par la relance du dispositif des zones franches urbaines, doit de même être saluée.

Il paraît opportun d'accompagner ces actions d'initiatives en direction des jeunes habitant ces quartiers car pour être inséré socialement, il faut l'être économiquement. La plupart des jeunes au chômage, quel que soit leur niveau d'études, ne sont pas inscrits à l'ANPE ; un accompagnement particulier est nécessaire pour favoriser leur accès à l'emploi, en particulier lorsqu'ils n'ont aucune qualification. La durée des contrats CES et Trace se révèle nettement insuffisante ; il faudrait un minimum de deux ans. La décision du Gouvernement de rétablir le taux de participation de l'Etat aux CES à son niveau antérieur - 90 à 95 % - est la bienvenue, mais pourrait-on mieux préciser qui aura droit à 95 % ?

Dans la même optique, il est souhaitable que le dispositif issu de la loi du 29 août 2002 portant création des « contrats-jeunes » soit étendu aux offices publics d'aménagement et de construction.

Par ailleurs, le programme « ateliers jeunes », qui consiste à proposer aux jeunes de 15 à 21 ans de participer durant les vacances scolaires à des travaux d'intérêt collectif en contrepartie de bourses réinvesties dans un projet collectif ou individuel, et qui connaît un franc succès en Moselle, gagnerait à être développé.

Pour conclure, je voudrais évoquer le projet de transformation du RMI en RMA, mesure que j'ai toujours défendue, car la vocation première de cette allocation est l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires.

Monsieur le ministre, nous croyons en vous. Vous avez montré l'exemple dans votre ville de Valenciennes. Ne l'oublions pas : unis on gagne, désunis on perd (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Rodolphe Thomas - Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour la détermination dont vous faites preuve dans l'utilisation de vos prérogatives.

Je suis élu d'une commune de 25 000 habitants et d'une circonscription qui compte nombre de quartiers en grande difficulté. Quarante ans après le lancement des villes nouvelles, et malgré les procédures mises en place depuis 1977, le constat est là : logements insalubres, centres commerciaux abandonnés, concentration des difficultés sociales, exode des classes moyennes, taux de délinquance supérieur à la moyenne nationale...

Le dispositif du contrat de ville a pour but de lutter contre toutes les formes de discrimination, pour l'accès aux droits fondamentaux et à l'emploi, pour l'amélioration du cadre de vie. Les opérations de renouvellement urbain nécessitent des moyens lourds et en synergie ; l'intervention de l'Etat, mais également des conseils régionaux et généraux doit être volontariste. Prenons ces sujets à bras-le-corps afin que la politique de la ville ne soit plus une utopie.

A cette fin, rapprochons-nous du terrain.

Votre projet de guichet unique est satisfaisant à ce titre. Mais que de lourdeur dans les procédures ! Signature d'une première convention-cadre avec les partenaires, portant sur la définition des objectifs du grand projet de ville. Deuxième convention, à l'échelle communale : le programme d'action territorialisé. Troisième convention-intercommunale de gestion urbaine de proximité. Et l'on évoque une quatrième convention, le programme de renouvellement urbain, dressé quartier par quartier... Pendant ce temps, l'image des quartiers se dégrade. Et aujourd'hui, l'Etat annonce qu'il ne financera pas l'intégralité des programmes annoncés et acceptés.

Il faut réagir face aux difficultés rencontrées par les quartiers en difficulté. Le guichet unique et la simplification des procédures pour l'octroi des fonds européens sont une première étape. Mais il faut aller plus loin et inscrire la décentralisation de certains fonds. A l'échec des Fonds de revitalisation économique, nous pourrions répondre par une gestion communale de ces crédits. Face à la lourdeur administrative des procédures demandées, nous pouvons allouer des dotations aux collectivités maîtres d'ouvrage, à charge pour elles de rendre compte de leurs affectations au regard des objectifs annoncés par l'Etat.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à faire confiance aux élus en favorisant cette décentralisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Cornut-Gentille - Il s'avère aujourd'hui nécessaire d'ouvrir une nouvelle étape dans la politique de la ville pour maintenir la cohésion de la nation. Votre budget en pose les bases.

La politique de la ville s'inscrit dans la durée, et vous avez su résister à la facilité des effets d'annonce. La rénovation de nos quartiers ne se fait pas en un jour. Coûteuse en moyens humains et financiers, elle exige une approche pragmatique et non doctrinaire, notamment en raison de la diversité du paysage urbain. Celle-ci a été trop souvent oubliée, entraînant de mauvaises orientations politiques et budgétaires. Or, le gaspillage et la dispersion ne peuvent que nuire à la légitimité de l'intervention publique.

Votre expérience de maire a dû vous inspirer dans cette approche pragmatique.

Il est essentiel de poursuivre dans cet esprit : réorienter les dépenses autour de priorités claires et simplifier les procédures liées aux crédits d'état.

Vous avez su remettre la restructuration urbaine au c_ur de votre projet, et mobiliser des moyens considérables pour la requalification des quartiers défavorisés.

Mais aujourd'hui, cet élan en faveur du renouvellement urbain est encore freiné par les rigidités administratives et budgétaires. Les élus locaux attendent beaucoup de la mise en place du guichet unique et de la simplification des procédures administratives.

Enfin, venons-en, au nécessaire développement économique des quartiers défavorisés. Votre projet de budget réserve 31 millions d'euros à la revitalisation économique...

M. Michel Delebarre - En baisse !

M. François Cornut-Gentille - ...mais ces moyens seraient inefficaces, dans certaines communes, sans une prolongation des exonérations fiscales des zones franches urbaines.

La sortie progressive du dispositif a aujourd'hui un effet dissuasif pour l'implantation de nouvelles entreprises.

M. Michel Delebarre - Très juste.

M. François Cornut-Gentille - Le développement économique de ces quartiers nécessite beaucoup plus de temps qu'ailleurs.

Avoir dans un quartier une zone franche n'est pas un avantage : c'est la reconnaissance d'un handicap de départ. Mais une fois la dynamique économique engagée, évitons de la briser par un retour brutal à la normalité fiscale.

Pour conclure, le budget pose la première base d'une politique ambitieuse de rénovation...

M. Michel Delebarre - Pas sûr !

M. François Cornut-Gentille - ...mais il faudrait la prolonger par une véritable loi de programmation sur la politique de la ville (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Marie-José Roig - Saluons tout d'abord la dynamique instaurée par le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine depuis juin dernier, nécessaire au vu des critiques formulées par la Cour des comptes sur les résultats de la politique du précédent gouvernement, qui a coûté 6,2 milliards d'euros au budget de l'Etat en 2002.

En effet, les crédits affectés au budget de la ville ont fait l'objet, depuis cinq ans, d'une sous-consommation chronique, transformant ainsi les promesses du gouvernement de Lionel Jospin en de simples intentions déclaratoires.

M. Michel Delebarre - A qui la faute ?

Mme Marie-José Roig - Votre budget, au contraire, est sincère, centré sur les missions prioritaires de la politique de la ville et propre à améliorer sa mise en _uvre ; ainsi la procédure d'octroi de subventions aux associations a été améliorée.

M. Michel Delebarre - Allégement des crédits aussi !

Mme Marie-José Roig - Par ailleurs, les orientations de ce budget traduisent la volonté du Président de la République, rappelée dernièrement à Troyes, d'une mobilisation plus forte en faveur de la politique de la ville.

Enfin j'attire l'attention de M. le ministre sur la situation particulière des centres sociaux installés, notamment, à Avignon. Depuis leur création, ces centres ont eu pour objectif de faire participer les habitants à l'amélioration de leurs conditions de vie, au développement de l'éducation et de l'expression culturelle et au renforcement des solidarités. Ils ont correctement rempli ces missions, en leur temps.

Mais, aujourd'hui, ils ne correspondent plus aux besoins des habitants, les quartiers ayant changé du fait des évolutions démographiques et des modifications de l'urbanisme.

Concrètement, Avignon hérite de structures financièrement lourdes, et il n'y a plus assez de place pour le financement d'actions en faveur des habitants. Aussi la municipalité a-t-elle décidé de proposer à ceux-ci une offre plus cohérente.

Il s'agit d'une véritable commande publique orientant les projets d'actions à mener, afin d'apporter une réponse plus appropriée aux attentes de la population.

Une telle évolution concernant les centres sociaux ne doit pas se faire sans l'aide des animateurs.

Il me semble important, Monsieur le ministre, que vous indiquiez les orientations de votre politique dans ce domaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gérard Léonard - Nous avons, dans notre pays comme dans beaucoup de pays occidentaux, à relever un grand défi : celui de la cohésion sociale.

Les manifestations de cette crise sont connues : replis identitaires, exclusions d'ordre économique, social ou culturel, précarité, illettrisme, insécurité. Tous ces phénomènes sont les signes d'une société qui se fissure. Les pouvoirs publics doivent apporter des réponses à la hauteur de la gravité de la situation, sans tomber dans deux travers : l'aveuglement idéologique et la techno-bureaucratie.

Beaucoup de nos villes concentrent sur un même espace tous les handicaps. Ainsi la politique de la ville est au c_ur d'une _uvre de « reconquête républicaine ».

Cet après-midi, je présenterai au nom de la commission des lois, dans le cadre de l'examen par notre assemblée du budget du ministère de l'intérieur, un rapport sur le budget de la police nationale. Je me réjouirai de moyens d'une ampleur sans précédent mobilisés pour la police nationale, la gendarmerie, et la justice. Je m'indignerai du faux procès instruit par une gauche décalée à l'encontre du projet de loi sur la sécurité intérieure adopté ce matin en Conseil des ministres et dirai que non seulement le dispositif projeté ne peut s'analyser comme une « guerre contre les pauvres », mais qu'il vise au contraire à instaurer la sécurité pour tous, notamment pour les plus démunis, qui se sentent abandonnés au point d'être tentés de se réfugier dans un vote extrémiste.

Mais je garderai à l'esprit, que cette politique de sécurité ne pourra porter ses fruits que si l'on s'attaque aux racines du mal : l'éducation défaillante, l'urbanisme concentrationnaire et délabré, les marginalisations de populations de plus en plus nombreuses.

C'est pourquoi, votre budget, Monsieur le ministre, revêt une importance majeure au regard du devoir républicain d'assurer la sécurité de toutes celles et ceux qui vivent sur notre territoire.

Vos réponses nous conviennent, car elles tirent les leçons des échecs passés et tracent des orientations encourageantes. En effet, la politique du précédent gouvernement a largement échoué. La situation des 6 millions de personnes vivant dans les « quartiers difficiles » n'a cessé de se dégrader, et l'insécurité de progresser, le taux de chômage a augmenté de plus d'un tiers, l'habitat s'est détérioré. Le taux d'absentéisme scolaire est effrayant : ce phénomène touche plus de la moitié des enfants.

La bonne volonté du gouvernement précédent n'est pas en cause : les efforts budgétaires ont été importants, mais les résultats plus que médiocres. La Cour des comptes a bien mis en évidence les dysfonctionnements d'un système coûteux et peu efficace, le manque de coordination, la complexité des financements et l'absence d'évaluation n'étant pas les moindres de ses défauts.

Votre budget est à même de répondre durablement à cette situation.

L'amélioration du cadre de vie, l'accélération du renouvellement urbain, le soutien des acteurs publics et privés, le renforcement des actions de solidarité exigent un nouvel effort de la puissance publique.

Si l'objectif de construire 25 000 logements par an paraît ambitieux, il est vital qu'il soit atteint.

Permettez-moi enfin deux réflexions.

La première concerne la sécurité. L'article 11 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 oblige à procéder à des études de sécurité avant la réalisation de tout projet d'aménagement d'équipements collectifs et de programmes de construction. Or, le décret d'application n'a jamais été publié. La LOPSI du 29 août 2002 comporte l'engagement de combler cette lacune. Il est urgent que cet engagement soit tenu pour éviter que les graves erreurs du passé ne se reproduisent.

Ma deuxième réflexion concerne la mixité sociale.

Mme la Présidente - Veuillez conclure.

M. Gérard Léonard - Je partage votre opinion, Monsieur le ministre, sur le caractère dogmatique de l'approche de la précédente majorité. Mais cette mixité doit rester un objectif majeur de la politique de la ville. Encore faudrait-il ne pas laisser perdurer un système d'aide au logement dont le mécanisme de seuil est si restrictif qu'il va à l'encontre de cette mixité.

Les priorités ainsi redéfinies avec les moyens appropriés ne suffiront cependant pas à assurer le succès de cette politique si les méthodes d'intervention ne sont pas profondément modifiées par une réelle déconcentration et une souplesse accrue. Dans des domaines bien ciblés, des expériences de décentralisation pourraient ainsi être tentées.

Mme la Présidente - Il faut conclure.

M. Gérard Léonard - J'ai d'ailleurs cru comprendre, Monsieur le ministre, que cette idée vous avait traversé l'esprit.

Au conseil régional de Lorraine, nous avons engagé une action dans cet esprit en créant un Fonds régional de cohésion sociale, qui est un véritable succès. Pourquoi ne pas s'en inspirer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine - Je crois que nous nous accordons tous sur le constat d'un échec collectif de la République et de ses partenaires et le sentiment que se joue, avec la politique de la ville et de la rénovation urbaine, l'avenir de notre pacte républicain.

Nous ne jetons pas d'anathème sur telle ou telle action du passé. Mais en sillonnant la France, je constate que la situation se dégrade et que nous n'avons toujours pas trouvé les moyens d'y remédier.

Tandis que je rencontrais avant-hier dans une école de Bron ces enfants de sept ans dont un tiers ne parlaient pas le français, il m'apparaissait pleinement que nous avons dans notre pays de vraies cités internationales, mais aussi des sites qui cumulent les handicaps. Contrairement à M. Braouezec, je suis convaincu que c'est la détérioration de l'habitat qui a créé un appel d'air pour les populations défavorisées. Le vrai problème, c'est le cumul d'une pauvreté individuelle avec une pauvreté collective - celle des villes - et des difficultés d'intégration. Il faut donc lutter contre cette spirale d'échec.

Les énergies dépensées sont considérables. Hommage doit être rendu, en particulier, aux élus des villes et des quartiers en difficulté qui, à Chanteloup-les-Vignes, Clichy-sous-Bois ou Montfermeil, se battent sans moyens, à la limite de la désespérance. Ils sont, avec les chargés de mission ville et les sous-préfets à la ville, de vrais héros de la République.

Nous devons donc concentrer notre effort sur l'habitat, le logement et la rénovation urbaine. Songez que le chômage a progressé d'un tiers en cinq ans dans certains quartiers pendant qu'il diminuait dans la même proportion partout ailleurs ! La pauvreté attire la pauvreté, elle est territorialisée. C'est contre cette ségrégation territoriale que nous devons lutter.

Deux mots sur le budget. Il augmente de 0,6 %. Les crédits du Fonds de revitalisation économique sont réduits en investissement - l'Etat ne sait pas les gérer - mais maintenus à 20 millions d'euros en fonctionnement. Puisque les crédits reportés sont à peine consommés, autant les réaffecter aux collectivités qui en ont un besoin urgent. Voilà la principale innovation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Nous allons aussi rouvrir la procédure des zones franches urbaines. Son bilan est connu : la moitié des zones existantes ont réellement créé de l'activité et redynamisé les quartiers, un quart n'ont connu qu'un demi-succès et pour le deuxième quart, l'expérience s'est soldée par un échec. Nous négocions aujourd'hui avec Bruxelles, dont la position est moins hostile qu'il n'y paraît. Nous devrions parvenir à rouvrir les zones qui n'ont pas été totalement utilisées et à ouvrir au moins 30 nouvelles zones de développement économique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le Gouvernement réfléchit aussi à des zones franches foncières et immobilières.

S'agissant du fonds d'intervention pour la ville la vraie question est celle du paiement. Selon l'enquête que nous avons menée, 66 % des crédits ne sont alloués aux associations qu'en novembre ou en décembre de l'année d'exécution. Oui, Monsieur Thomas, nous allons faire confiance aux élus : les enveloppes générales seront négociées dès la fin de l'année avec le sous-préfet à la ville, et les villes se verront directement transférer les crédits dès le début de l'année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le sous-préfet à la ville retrouvera ainsi la plénitude de sa mission de stratège et pourra se concentrer sur les problèmes urbains (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

J'en viens à la méthode. Au cours des 117 réunions que j'ai tenues, j'ai constaté qu'il manquait toujours 100 francs au bon endroit... En matière de rénovation urbaine et d'habitat, les crédits s'éparpillent entre les procédures et les départements, si bien qu'ils n'ont aucune chance d'aboutir là où il faut quand il le faut.

Nous devons pourtant tourner le dos à ces cités de la honte, à Marseille, à Toulon - où un parking brûlé depuis dix ans continue de défigurer le paysage - ou à la Seyne - où l'office HLM et la ville perdent des millions tandis que le tiers des tours d'un quartier sont vides et squattées.

Ce sont les offices pauvres qui sont dans les quartiers les plus pauvres des villes pauvres, il faut changer de méthode. La République s'est mise en marche. Les partenaires sociaux du 1 % ont accepté de ne plus se considérer comme les gestionnaires de leurs seuls réservataires et sont prêts à intervenir sur ces sujets. Le monde HLM a accepté la solidarité entre les offices riches et pauvres et donc la fongibilité des fonds propres. C'est grâce à ces partenariats que va être monté un guichet unique de toutes les procédures d'Etat, du 1 %, des HLM et cela va simplifier la vie des offices, des maires, des régions. Le projet va être présenté en conseil des ministres et vous pourrez connaître à tout moment, sur Internet, le total de nos capacités qui devrait être de l'ordre de 800 millions d'euros par an ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Tout le monde dresse le même bilan : 200 000 logements insalubres où vivent, dans des conditions terribles, des familles dont le mode de vie n'est pas toujours adapté à ces logements, 200 000 autres logements nécessitent une réhabilitation lourde. Et l'ensemble du parc doit être remis à niveau. L'entretien ne doit plus être la variable d'ajustement des comptes d'exploitation des HLM. Et si les offices n'en ont pas la capacité financière, fusionnons-les, restructurons-les. A Evry, 47 organismes sont compétents pour la rénovation urbaine, ça ne peut plus durer. La représentation nationale doit aider à ces restructurations, qui ne peuvent se faire par la coercition.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué l'importance de la DSU et de l'action interministérielle.

Dans certains domaines, le ministère de la ville n'a pas le leadership, mais il doit attirer l'attention de ses collègues de la santé, de la culture, de l'éducation nationale. On ne peut plus accepter que les moyens de l'éducation nationale soient répartis de façon si peu sélective. Nous allons proposer de créer autour des écoles des quartiers difficiles un cordon de soutien global, et ce dès l'entrée en maternelle.

Oui, la DSU devra être réformée pour être plus discriminante et ne plus servir de simple rustine aux quartiers en difficulté.

Oui, Monsieur le Bouillonnec, il est indispensable que les constructions soient plus belles dans les quartiers difficiles. Le beau est un facteur d'intégration.

Monsieur Perruchot, je vous ai déjà partiellement répondu sur la mixité sociale. Le guichet unique permettra de financer non plus des procédures - des PALULOS, etc. - mais des projets. Notre système actuel est absurde : quels que soient le quartier et le prix du terrain, on finance au même taux pour tout le monde. Ces procédures dites égalitaires enlèvent tout pouvoir d'appréciation aux responsables politiques. Désormais, ce sera ville par ville, organisme par organisme, projet par projet que nous accorderons l'aide à la pierre (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Monsieur Cardo, je vous ai rassuré sur le FIV. Monsieur Le Bouillonnec, le gel des crédits est une pratique républicaine ; il a été intégralement levé pour les crédits de la politique de la ville.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Pas du tout ! J'en ai les preuves et je vous les apporterai !

M. le Ministre délégué - Vous auriez dû le faire avant la séance ! Il n'y a pas et il n'y aura pas de gel des crédits de la politique de la ville. Si vous vous heurtez à une difficulté, n'hésitez pas à nous appeler, nous chercherons où est l'obstacle.

Madame Roig, le transfert de ces crédits aux collectivités répondra à vos préoccupations concernant les centres sociaux. Quant à M. Cornut-Gentille, qu'il soit rassuré en ce qui concerne la zone franche de Saint-Dizier, les opérations vont pouvoir redémarrer.

La loi d'orientation comprendra trois éléments. D'abord une programmation financière dans la durée : l'Etat et ses partenaires signeront le mois prochain une convention garantissant les concours de l'Etat car il n'est pas acceptable qu'en fin d'année il récupère 500 ou 600 millions d'euros du budget de l'habitat...

M. Nicolas Perruchot - Il faut le dire à Bercy !

M. le Ministre délégué - Il faut « sanctuariser » ces crédits car les opérations sont très longues.

Deuxième objectif de la loi, remédier aux difficultés foncières dues au téléscopage de trois lois. On ne peut plus attendre que les PLU soient mis en place pour dégager les terrains nécessaires à la rénovation urbaine. Nous allons proposer la possibilité d'anticiper sur les PLU dans ces zones dès lors que le maire et le préfet seront d'accord.

Par ailleurs, pour les copropriétés très dégradées, nous proposerons une procédure d'expropriation fondée sur la situation d'urgence et de péril pour les populations.

Ce budget, vous le savez, n'est pas l'instrument majeur de la politique de la ville. L'enjeu est beaucoup plus large. Evitons les polémiques stériles sur ce sujet car la situation est très grave dans les quartiers et impose une action urgente de tous les partenaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

QUESTIONS

M. Manuel Valls - Monsieur le ministre, nous partageons votre constat : d'importants efforts financiers ont été faits et pourtant la dégradation sociale se poursuit et remet en cause les fondements de la République.

Pour l'habitat, le partage du rôle entre M. de Robien et vous-même, l'écart entre votre volonté affichée et les annonces de démolition-reconstruction faites par votre collègue posent question.

Vous avez évoqué le cas de ma ville, Evry.

Comment faciliter le regroupement des bailleurs pour réduire le nombre des interlocuteurs dans chaque quartier ? Comment intensifier, dans le cadre d'orientations que nous partageons, la rénovation urbaine si l'on ne construit pas de nouveaux logements ? En effet, comme l'a souligné M. Le Bouillonnec, il faut reloger avant de détruire ! Quel type d'habitat prévoyez-vous pour favoriser la mixité urbaine, conformément à la loi SRU ? Quel est, à ce propos, votre sentiment sur l'article 55 de ce texte ? Quelle sera l'aide de l'Etat ?

Votre position n'est pas facile car vous n'avez pas d'interlocuteurs pleinement actifs et disposant de moyens importants pour le logement. Le Gouvernement étudie-t-il des dispositions en vue d'accroître ces moyens ?

Enfin, de quelle manière les copropriétés dégradées seront-elles touchées par ce travail de renouvellement urbain ? A Evry, sur une centaine, on en compte un tiers en très grande difficulté ; or, la mise en _uvre des plans de sauvegarde exige beaucoup de temps. Quelles solutions urgentes allez-vous apporter à cette question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - Les difficultés ne résident pas dans les relations entre le ministre de l'équipement, du transport et du logement et moi-même, mais dans le fait que nous finançons des procédures, dont le nombre augmentera d'ailleurs cette année de 15 000, sans disposer encore d'un guichet unique. Lorsque celui-ci deviendra réalité en cours d'année, et même s'il faut compter avec un temps de latence, les choses s'amélioreront. En attendant, le Gouvernement souhaite s'appuyer sur une loi quelque peu exceptionnelle et dérogatoire, trop de dossiers étant bloqués dans les zones de rénovation urbaine notamment.

Une deuxième difficulté apparaît lorsque, aux grands ensembles, on préfère les maisons de ville. Cela étant, le choix relève de la responsabilité des collectivités locales : il ne m'appartient pas, par exemple, de contester celui qu'a fait le maire de Lyon à la Duchère, en faveur d'immeubles R + 4, même si, comme tout le monde, je préférerais qu'on opte comme à Vénissieux pour des ensembles qui s'apparentent à de grosses maisons de ville, R + 3.

D'autre part, les transports urbains sont un élément majeur de la politique de la ville : il est clair qu'on ne peut plus tolérer que les Hauts de Rouen, par exemple, restent aussi mal desservis. Or les quartiers en difficultés se trouvent souvent sur des hauteurs...

Pour résumer, je dirai qu'avec des capacités de financement en augmentation et avec la réalisation, dans deux ou trois mois, du guichet unique, nous devrions être en mesure de construire 70 000 à 75 000 logements de ville « sympathiques », ce qui correspond aux besoins.

Quant à la loi SRU, comme l'a toujours exposé clairement M. de Robien, le principe n'en est pas remis en cause. Simplement, il est absurde de demander au département qui compte le plus de logements sociaux en France - la Seine-Saint-Denis - d'en construire de nouveaux.

M. David Habib - M. Bartolone, votre prédécesseur, avait à juste titre considéré que la démolition-reconstruction, si indispensable soit-elle, ne pouvait à elle seule assurer la reconquête urbaine, et il avait donc entrepris un effort en vue de rendre les quartiers et communes concernés plus attrayants. Or, le budget pour 2003 rompt avec cette orientation, supprimant pour 38 millions d'euros de crédits d'investissement inscrits au titre du fonds de revitalisation économique. Bien des initiatives sont ainsi menacées alors que nous aurions grand besoin de favoriser l'implantation d'entreprises ou de commerces dans ces zones. En rognant sur ce point, vous obligerez les collectivités à prendre sur leurs propres deniers et vous fragiliserez l'indispensable partenariat entre la ville, actrice du développement, et l'Etat, garant de la solidarité entre les territoires. Ne pourriez-vous donc revoir le montant des crédits alloués à ce Fonds de revitalisation ? Après tout, comme le rappelle M. Grosdidier dans son rapport, ce dispositif est trop récent pour qu'on puisse déjà porter une appréciation sur la consommation des crédits.

Réduction du nombre de CES et de CEC, suppression des emplois-jeunes, amputation du fonds de revitalisation : quelle est donc votre politique de la ville ? Le groupe socialiste ne s'oppose pas à vos analyses, s'agissant de la mixité sociale et de l'application de l'article 55, mais il serait à souhaiter que votre majorité aussi vous entende et prenne conscience de la nécessité de passer à l'acte ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - Ne pouvez-vous admettre qu'il est légitime de s'interroger sur l'utilisation d'un fonds lorsqu'en deux ans, sur les 78 millions dont il était doté, 65 sont restés inutilisés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il n'est pas exclu que ce dispositif puisse être efficace sur certains points et c'est pourquoi nous avons inscrit 20 millions d'euros et maintenu intégralement la partie fonctionnement. Mais, pour l'investissement, je vous défie bien d'expliquer les procédures tant elles sont complexes. La non-consommation des crédits n'est certes pas l'unique critère décisif, en particulier lorsqu'il s'agit d'investissements lourds, mais lorsque nous sommes en face d'un dispositif conçu pour être simple et léger, il en va autrement.

Cela étant, la politique de la ville exige une multiplicité d'éléments et de concours. Tous ne sont sans doute pas parfaits mais il existe dans ce gouvernement une solidarité à laquelle je suis attaché (Rires sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Abelin - Vous entendez mener une politique dynamique du renouvellement urbain, simplifier les procédures, réfléchir projet par projet. De tout cela, nous vous savons gré. Cependant, il reste des quartiers en difficulté importante qui ne bénéficient ni des GPV ni des ORU : ainsi celui de la Plaine d'Ozon, à Châtellerault. Classé zone urbaine sensible et zone de revitalisation, il compte quelque 2 000 logements sociaux mais n'a pas été retenu au titre des deux premières vagues d'ORU. Il concentre plus de la moitié des logements vacants du département, avec un taux de vacance dépassant 13 %. Quant au taux de chômage, il est triple du taux moyen dans le département et l'image de ce quartier se dégrade petit à petit.

La ville et les deux bailleurs sociaux souhaitent redessiner ce quartier, pour l'ouvrir, grâce à un projet qui comporte la démolition de 200 logements, des réhabilitations, des reconstructions, la refonte des services publics... Cependant, la démolition de logements qui n'ont pas encore été amortis et la restructuration des services publics entraînent des dépenses que collectivité et bailleurs ne peuvent assumer seuls. Pouvons-nous espérer une nouvelle vague d'opérations de rénovation urbaine, Monsieur le Ministre délégué ? Quels crédits budgétaires ou extra-budgétaires peuvent être mobilisés à cet effet ?

Quelle que soit votre réponse, nous serions très heureux de vous accueillir à Châtellerault pour examiner ensemble les moyens de mener à bien ce projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Il suffit de prendre date !

Actuellement, nous ne disposons en tout et pour tout que des procédures GPV et ORU, mais le principe du guichet unique a vocation à s'appliquer à tout le territoire, DOM et TOM compris. Ne remettons donc pas en cause les procédures existantes et n'en ajoutons pas de nouvelles : ce guichet unique est là pour financer des opérations qui ne peuvent l'être par des crédits de droit commun, notamment en raison des surcoûts.

M. Gilles Artigues - Acteurs indispensables de la politique de la ville, les professionnels du développement social urbain, chefs de projet, remplissent des missions de service public à la demande des collectivités. Contractuels, ils sont rémunérés à la fois par l'Etat et par la ville intéressée. Or, la loi sur la résorption de l'emploi précaire leur a donné la possibilité de se faire titulariser. Dans ce cas, le financement par l'Etat disparaît. Les collectivités éprouvent alors des difficultés à rémunérer ces professionnels, qui risquent de partir, au détriment de la continuité dans l'action. Qu'envisagez-vous pour y remédier ?

Les emplois-jeunes ont permis d'améliorer la sécurité dans nos quartiers - je pense en particulier à la contribution de ceux qu'on appelle « agents d'ambiance » ou « agents de médiation sociale ». Comptez-vous pérenniser cette contribution ?

Nous partageons la volonté du Gouvernement de mettre fin à ce dispositif, pour une meilleure intégration des jeunes dans le secteur marchand. Mais, s'agissant du cas précis de la politique de la ville, ne pourrait-on envisager de nouvelles procédures, par exemple dans le cadre des contrats locaux de sécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et certains bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Sur le premier point, l'interruption du cofinancement en raison de l'intégration de personnels à la fonction publique territoriale peut causer des difficultés, c'est vrai. C'est pour cela que, au cas par cas, j'ai donné des instructions pour augmenter la participation financière du ministère de la ville aux projets concernés, ce qui offrira une compensation aux communes.

Sur le second point, les quartiers fragiles ne peuvent effectivement se passer des fonctions exercées aujourd'hui par les emplois-jeunes. Mais il s'agit de métiers, difficiles, qui méritent mieux que la précarité. Nous travaillons donc, avec François Fillon, à instituer un dispositif enrichi pour le premier trimestre de l'an prochain. C'est indispensable, mais il faut réfléchir de façon plus large à ce que j'appellerai « les métiers de l'humain », notamment dans le cadre des projets de territoire avec les conseils généraux et d'autres collectivités. Il faut regrouper un peu ces tâches, pour que les familles ne voient pas se succéder les équipes sans plus comprendre ce qui se passe, et au détriment de l'efficacité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Christophe Lagarde - D'abord, je pense comme vous qu'il ne sert à rien de donner des moyens de fonctionnement pour des quartiers où la vie est désormais indigne, qui attirent la pauvreté et font fuir ceux qui s'en sortaient mieux, au détriment de la mixité sociale. Vous avez donc raison en ce qui concerne les opérations de démolition-reconstruction.

Mais les élus locaux ont parfois des problèmes car les préfectures exigent que l'on reconstruise autant de logements. L'objectif est souhaitable, mais irréaliste. Va-t-on reconstruire les quatre pièces des années 1950 avec une pièce centrale de 9 mètres carrés ? Il faudrait une marge de 10 % à 15 % pour débloquer des situations - j'ai des cas à l'esprit en Seine-Saint-Denis - car reconstruire des logements neufs inadaptés serait absurde.

Vous avez abordé la lutte contre le logement indigne dans les grands ensembles et dans les copropriétés privées. Mais, dans ma commune en particulier, il y a aussi des zones pavillonnaires qui se dégradent et où les marchands de sommeil achètent d'anciens pavillons ouvriers. Il faudrait donner plus de moyens au maire pour interdire de les remettre en location et aussi pour aider les propriétaires à les réhabiliter quand ils le souhaitent. Sinon, les grands ensembles que nous rénovons risquent d'être entourés de pavillons dégradés.

M. le Ministre délégué - En ce qui concerne la reconstruction, il n'est plus question de s'en tenir à des taux et à des procédures : nous nous inscrivons dans une logique de projet. Chaque cas, comme celui de Drancy, sera donc considéré sans a priori - évidemment dans les rares cas où les communes ne veulent pas reconstruire, l'Etat interviendra. Mais si vous nous montrez que le bon taux est de 60 %, nous devrions parvenir à un accord. Il n'y aura plus de position de principe des préfectures ou des DDE.

S'agissant des zones pavillonnaires, il existe des procédures relatives à l'insalubrité ou à l'abandon manifeste qui sont peu utilisées. Elles sont assez lourdes, c'est vrai et je reconnais que nous n'avons pas encore travaillé à leur amélioration, car nous le faisions pour les autres catégories. Mais nous pouvons y travailler ensemble, éventuellement dans le cadre d'une mission, si vous en êtes d'accord (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Nicolas Perruchot - Les élus locaux doivent s'impliquer dans la politique de la ville, mais ils ont parfois des difficultés en ce qui concerne le relogement des habitants de logements insalubres. L'article 341-1 du code de l'urbanisme leur en fait obligation, et les circulaires préfectorales qui définissent les conditions requises pour obtenir une déclaration d'utilité publique pour une ZAC le rappellent systématiquement.

Paradoxalement, une ville qui peut prendre l'initiative d'opérations d'aménagement comprenant des logements sociaux ne dispose pas des droits d'attribution pour opérer les relogements nécessaires afin de libérer les terrains sur lesquels engager ces opérations. Ainsi à Issy-les-Moulineaux, ce sont 279 relogements qu'il faut réaliser pour appliquer les procédures.

Une solution ne serait-elle pas de confier au maire le contingent préfectoral d'attribution de logements sociaux, dans le cadre d'opérations bien définies menées en partenariat avec l'Etat ? S'ajoutant aux 10 % à 20 % de droits d'attribution que les maires possèdent déjà, ce transfert résoudrait le problème (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. le Ministre délégué - Ne confondons pas deux sujets. Le contingent préfectoral n'est pas fait pour attribuer des logements sociaux, mais pour gérer l'extrême urgence. Bien entendu, quand l'urgence n'est pas traitée, les problèmes s'accumulent. Nous sommes en train d'étudier un dispositif selon lequel toute ville qui mettrait en place une résidence sociale, afin de permettre de gérer l'urgence au plan national - selon des quotas à apprécier avec Mme Versini - la gérerait directement, en échange de quoi le contingent préfectoral diminuerait, voire disparaîtrait. Dans les conditions actuelles, seul le préfet pouvait traiter de l'urgence ; à nous de faire que ce soit possible pour les communes. Mais répondre à l'urgence est un préalable aux opérations de rééquilibrage (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et quelques bancs du groupe UMP).

M. Patrick Braouezec - Je ne partage pas complètement votre appréciation sur l'échec de la politique de la ville. Il est dû, selon moi, au manque de réponses d'autres ministères, et sans doute à l'absence d'un vrai projet politique porteur d'espoir pour les populations les plus en difficulté. Mais les politiques de la ville ont empêché que la situation ne soit pire que ce qu'elle est aujourd'hui.

S'agissant des opérations de démolition, vous venez de dire qu'il n'y aurait plus de position de principe concernant le nombre de logements à reconstruire. On peut craindre le pire. Pour ma part, j'avais déjà indiqué mes réserves au gouvernement précédent sur les démolitions. Celles de grands ensembles dégradés ou d'immeubles vétustes n'est pas en cause, ce qui l'est c'est l'utilisation médiatique qu'on en fait pour envoyer un message non à ceux qui habitent les grands ensembles, mais à ceux qui n'y habitent pas.

Au quotidien, un maire n'a pas à se soucier de manifestations pour détruire un immeuble, mais plutôt de la longue liste d'attente des demandeurs de logements - 6000 à Saint-Denis, 50 000 à Paris -, du logement insalubre, de la recrudescence des expulsions - plus de 1000 en cours à Saint Denis - et des squats, autant de signes de la pénurie de logements sociaux, notamment en Ile-de-France. Aussi il faut construire plus qu'on ne démolit, sinon la ségrégation risque de s'accroître. En effet on peut craindre que votre Gouvernement ne soit plus porté à financer la démolition de logements sociaux là où il y en aurait « trop » qu'à financer la construction là où le manque est flagrant, et que le plancher de 20 % de logements sociaux ne devienne un plafond. La mixité sociale et la rénovation urbaine ne doivent pas servir d'alibis à l'abandon d'une politique ambitieuse du logement social. D'ailleurs, la mixité sociale ne se décrète pas ; elle ne peut provenir que d'une politique globale concernant l'emploi, le logement, l'éducation, le service public. Détruire les logements sociaux déplace les habitants - vers où ? - mais n'en attire pas forcément de nouveaux. Sans doute faut-il parfois détruire, mais il faut surtout construire car le besoin de logements sociaux est criant et il faut construire non pour répartir la pauvreté entre les villes, mais pour aller vers une vraie liberté de choix de sa résidence, un vrai parcours résidentiel.

Je vous le demande donc : les opérations de reconstruction précéderont-elles les démolitions, ou, pour le moins, les deux seront-elles obligatoirement liées ?

M. le Ministre délégué - Pourquoi faut-il donc toujours opposer des choix théoriques ? La question n'est pas de faire plus ou moins de démolitions. Simplement, quand des élus considèrent qu'après une troisième réhabilitation en dix ans, avec des PALULOS à près de 200 000 francs, la situation ne s'est pas améliorée et qu'il faut donc tout changer, on dit oui, on accélère les procédures et on agit. C'est l'indécision qui est coûteuse. Je n'ai pas de position de principe pour qu'on démolisse plus ou moins, mais pour qu'on le fasse vite.

Pour le reste, il faut évidemment agir au cas par cas. La réalité de votre ville n'est pas celle de Saint-Dizier ou de Toulon. Mon ambition est de remettre à niveau l'ensemble du parc français. Nous nous donnons les moyens d'augmenter de 30 000 par an le nombre de mises à disposition : ce n'est pas rien ! Tous ensemble, réussissons ce projet.

Enfin, la mixité, c'est la vie. Moi, je souhaite à tous nos concitoyens, y compris ceux qui sont en difficulté, d'avoir de chouettes maisons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Patrick Delnatte - Le Président de la République a plaidé à Troyes pour le développement des zones franches urbaines. Ce dispositif a montré son efficacité, je puis en témoigner pour Roubaix et Tourcoing.

Cependant il faut veiller à éviter les distorsions de concurrence. Par ailleurs, le zonage peut avoir parfois un caractère un peu arbitraire.

Pouvez-vous nous dire, Monsieur le ministre, comment vous envisagez la relance de ce dispositif ?

M. le Ministre délégué - Vous étiez à la pointe du combat pour les zones franches à l'époque de Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult. Une limite ayant toujours quelque chose d'artificiel, nous ne pourrons éviter les difficultés, mais nous pouvons tirer les leçons de l'expérience. Premièrement, nous ferons attention aux quelques métiers facilement déplaçables - ambulanciers par exemple. Deuxièmement, nous allons probablement augmenter le taux d'emploi sur le quartier - en le portant aux alentours de 30 % - mais élargir l'assiette au-delà de la zone.

M. Jean-Claude Mignon - Monsieur le ministre, vous rompez fort heureusement avec la dilution des objectifs et l'empilement des dispositifs qui caractérisaient jusqu'à présent la politique de la ville. Votre projet de budget est axé sur le renouvellement urbain et l'amélioration du cadre de vie des habitants.

Dans la ville de Dammarie-les-Lys, dont je suis maire, et qui compte 52 % de logements sociaux, 460 logements sociaux situés en centre-ville ont pu bénéficier d'une réhabilitation, mais il en restait encore 195, très dégradés, pour lesquels aucune solution ne pouvait être trouvée, faute de financement. Grâce à votre politique, nous pouvons aujourd'hui envisager un projet de démolition et de constructions neuves.

Pouvons-nous espérer une aide supplémentaire pour qu'il devienne réalité le plus rapidement possible ?

Par ailleurs, la commune est souvent seule à porter le poids de l'avance de TVA ; est-il envisageable qu'elle soit remboursée dans l'année ?

M. le Ministre délégué - Le soutien au projet de Dammarie-les-Lys est acquis. Nous regarderons aussi les problèmes de TVA : des avances de la Caisse des dépôts ont déjà été expérimentées ; s'il est nécessaire d'agir ainsi, nous le ferons.

M. Yves Jego - Je me réjouis de la relance du dispositif des zones franches urbaines. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, nous apporter quelques précisions sur les modalités de choix des zones et sur le calendrier, ainsi que sur les perspectives de création de zones franches immobilières ?

M. le Ministre délégué - En ce qui concerne les zones franches urbaines, on nous avait prédit les pires obstacles avec Bruxelles, qui finalement, au vu des résultats, considère que c'est une procédure pertinente, qui pourrait éventuellement être étendue à d'autres pays. C'est d'autant plus important qu'une réflexion est aujourd'hui en cours sur l'investissement de fonds structurels lourds pour résoudre la crise urbaine.

J'ai évoqué tout à l'heure les modifications que nous pourrions apporter au système, en tirant les leçons de l'expérience ; vous participerez à leur mise au point au sein de l'association qui s'est constituée entre les villes concernées.

Quant aux zones franches immobilières, c'est une piste de réflexion, sur laquelle il faudra un double arbitrage gouvernemental et européen. Nous vous associerons à cette réflexion, ainsi que l'AMF et les associations d'agglomérations et de communautés urbaines.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - La réussite de la politique de la ville passe par le soutien du tissu associatif. Sur ce point, votre budget n'est pas à la hauteur puisque les subventions de fonctionnement du fonds d'intervention pour la ville et du fonds de revitalisation économique sont en forte baisse.

Comment nos quartiers vont-ils évoluer en l'absence de reconduction des emplois-jeunes et d'augmentation des postes d'adultes relais, des CES et des CEC ? Dans mon département, les Hautes-Pyrénées, la direction du travail n'accorde plus un seul CES depuis juillet, dans le souci de reporter les crédits sur 2003... Comment les associations qui _uvrent pour établir des parcours d'insertion peuvent-elles faire ?

S'agissant de la consommation des crédits, je puis, en tant que présidente d'un GIP vous rassurer : tous nos crédits sont consommés, et je vous en redemande...

Comment parviendrez-vous à développer l'emploi dans nos quartiers avec ces dotations budgétaires en diminution ?

M. le Ministre délégué - Ayant déjà eu l'occasion de répondre deux fois, je serai bref. Il n'y a pas réduction des crédits de fonctionnement. Simplement, nous allons payer directement les communes en février-mars plutôt qu'en novembre-décembre...

Même pour le financement des associations contractualisées, 20 millions d'euros n'ont pas été consommés l'an dernier à cause de l'embolisation des circuits de l'Etat. Il y aura donc autant de crédits que l'année dernière sur le fonctionnement. Les métiers de l'humain, cruciaux, méritent mieux que la précarité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Patrick Delnatte - Depuis juin dernier, une expérience pilote est menée dans le Valenciennois, avec la création d'un service d'aide aux victimes d'urgence, un SAVU. Si la personne mise en cause dans le cadre d'une infraction pénale peut bénéficier des services d'un avocat, dès la première heure de garde à vue, la victime reste souvent démunie : le SAVU, composé de psychologues et de personnel administratif, lui apporte alors un soutien psychologique, et peut l'accompagner dans ses démarches administratives. Parce qu'elle est associée aux services de police et de gendarmerie, cette structure peut agir dans l'urgence.

Après cinq mois d'existence, le SAVU de Valenciennes a prouvé son efficacité. Pourriez-vous dresser le bilan de cette expérience et nous indiquer quelles sources de financement pourraient être utilisées afin de développer de telles initiatives ?

M. le Ministre délégué - Messieurs Perben et Sarkozy ont décidé de soutenir plus activement l'aide aux victimes. Des dispositifs d'intervention d'urgence manquaient. Nous expérimentons dans six villes un système simple : une voiture, deux passagers, un psychologue et un administratif. Concernant Valenciennes, le résultat est excellent, de nombreux problèmes posés aux victimes ou à leurs proches ont ainsi pu être résolus. En cinq mois, on a dénombré 475 interventions pour 595 victimes. Nous attendons dans les six mois le bilan des six expériences en cours. Le coût de l'opération s'élève à un million d'euros par semestre pour le bassin judiciaire concerné.

Si l'expérimentation se révèle pertinente, nous négocierons avec les partenaires et l'Etat la pérennisation de ce dispositif.

M. Gilbert Meyer - L'aménagement du territoire passe par la maîtrise du logement public, ce qui suppose la disponibilité des moyens financiers nécessaires, qui doivent permettre des réhabilitations lourdes en secteur urbain, comme la construction de petits ensembles, dans les zones rurales.

Or, les crédits délégués à certaines régions ne permettent pas de mener à bien cette stratégie.

La Commission européenne a alors souhaité apporter des moyens supplémentaires, sous la forme des fonds structurels.

Les fonds affectés aux opérations visées intègrent la préparation et la mise en _uvre d'actions de renouvellement urbain.

Certaines communes ont souhaité obtenir ces fonds. Nombreux sont cependant les territoires qui ne sont pas éligibles aux fonds structurels européens des objectifs 1 et 2. Ainsi, certaines villes attendent toujours des aides habituelles de l'Etat sans même pouvoir compter sur les crédits européens.

Une solution consisterait à faire obtenir d'une part et à consommer d'autre part, les crédits européens pour les régions éligibles. Cela vous permettrait de mieux doter les régions qui ne le sont pas par la voie normale des crédits « PALULOS ».

Maire d'une ville non éligible, totalisant plus de 34 % de logements publics, je suis sensible à ce problème. Monsieur le ministre, pourrez-vous faire en sorte que ces villes disposent des moyens nécessaires ?

M. le Ministre délégué - Tout d'abord, s'agissant du financement des fonds structurels, nous avons un problème d'utilisation des crédits en années n, n1, n2. Dans les anciennes programmations, les lignes de requalification urbaine étaient relativement faibles. Aujourd'hui, ces territoires ont leur propre dynamique économique d'infrastructure. J'ai donc demandé que l'on augmente les lignes de requalification urbaine au sens large pour les quartiers des zones d'objectifs 1 et 2. On disposera ainsi de fonds européens supplémentaires pour la politique de la ville.

M. Yves Jego - Vous souhaitez améliorer et simplifier les procédures. Le guichet unique en est une illustration. Il conviendrait d'étendre cette politique à l'action sociale. Entre l'aide sociale des départements, celle des communes, ou encore celle de l'éducation nationale, la coordination fait cruellement défaut et les familles passent de guichet en guichet sans comprendre le fonctionnement de ces services. Il s'avère nécessaire d'organiser de manière cohérente l'action sociale et d'étendre à ce domaine la notion de guichet unique.

M. Pierre Cardo - Très bien !

M. le Ministre délégué - Le sujet est crucial. Après la mutualisation des moyens du logement, de l'habitat et de la rénovation des quartiers, il va falloir agir de même dans le domaine social. Des expérimentations sont en cours dans dix-neuf départements, sur la base d'un accord conclu entre le ministère de la ville et l'association des départements, mais il faudra aller plus loin et plus vite. Dans ma ville, 800 travailleurs sociaux dépendent de douze structures différentes, dont certaines sont à plus de cent kilomètres du lieu de travail. Ne pas prêter suffisamment attention à la mutualisation de nos moyens vient en quelque sorte à mépriser nos concitoyens.

Mme la Présidente - Nous en avons terminé avec les questions.

M. Maxime Gremetz - Je n'ai pas posé la mienne !

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz, cela fait environ une heure que j'ai appelé les questions. Vous ne pourrez donc poser la vôtre qu'à condition que M. le ministre accepte d'y répondre.

M. le Ministre délégué - J'y consens bien volontiers.

M. Maxime Gremetz - Vous avez été plus vite que prévu puisque le débat devait durer 3 heures 55. Cela dit, je n'étais pas en train de dormir : j'étais au conseil de la FNACA, car je m'occupe aussi des anciens combattants.

Monsieur le ministre, la crise du logement sévit à Amiens, où elle s'accompagne d'un taux de chômage considérable - 16 % - auquel s'ajoute la multiplication des plans sociaux.

Selon la communauté d'agglomération, il y aurait 6 500 demandes de logements en attente dont 2 000 à satisfaire en urgence. De nombreuses familles en sont ainsi réduites à s'entasser dans des logements exigus, à la limite de l'insalubrité. La multiplication des destructions de logements sociaux, sous prétexte de rénovation urbaine, accentue ce phénomène.

Ainsi, plus de 600 logements sociaux, ont été démolis alors que les constructions et les projets de reconstructions sur sites sont rares.

Le nombre de logements à loyer modéré ne cesse donc de diminuer.

Dans les mois à venir ce phénomène s'aggravera, puisque de nouvelles démolitions sont programmées.

N'y aurait-il pas là un détournement de la loi de solidarité et de renouvellement urbain dans le but inavoué de modifier la composition sociale de la ville ?

En effet, la loi votée par la précédente majorité n'impose-t-elle pas le principe qu'à une démolition doit se substituer une reconstruction ?

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz, posez votre question.

M. Maxime Gremetz - Mais vous êtes insupportable !

Vos interruptions nous font perdre du temps.

Bref, Monsieur le ministre, comment entendez-vous rappeler l'obligation de construire avant de démolir ? Quels moyens financiers allez-vous accorder à l'agglomération amiénoise ?

M. le Ministre délégué - Permettez-moi d'évoquer à cette occasion les centres d'appel, réussite amiénoise qui est aussi celle des zones franches urbaines instituées par le pacte de relance de la ville de Jean-Claude Gaudin.

Le logement est un problème global. Il est en panne depuis quatre ans, avec 30 % de constructions en moins durant les trois dernières années. Nous espérons, grâce au guichet unique, au partenariat et aux financements directs, faire 30 % de plus durant les prochaines années. Notre seul problème est celui de la libération du foncier. La loi de programmation et d'orientation devrait précisément permettre de libérer des terrains qui sont aujourd'hui gelés sans attendre le déroulement de procédures classiques.

S'agissant de la mixité sociale, enfin, l'agglomération amiénoise est à n'en pas douter un exemple à suivre.

Le vote démocratique l'a bien montré dans quatre municipalités (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme la Présidente - J'appelle les crédits inscrits à la ligne Travail, santé et solidarité, titre III : ville et rénovation urbaine.

Les crédits de l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés.

ÉTAT B - TITRE IV

M. le Rapporteur spécial - La commission des finances a adopté l'amendement 56 rectifié de M. Laffineur, qui tend à supprimer les crédits affectés au fonctionnement de l'Institut des villes. Cet organisme, dédié à la réflexion sur des thèmes plutôt abstraits - « le temps de la ville » ou « la ville et vieillir » - se superpose à la DIV, au conseil national des villes, voire au comité des finances locales.

Nous apprécierions que le Gouvernement nous propose de réaffecter les crédits correspondants au profit d'actions de terrain, dans le cadre du FIV, des ORU ou des GPV, c'est-à-dire au bénéfice non de la superstructure, mais des populations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Ministre délégué - L'institut des villes, qui devait favoriser la concertation entre grandes associations, n'a pas trouvé son rythme de croisière. Seuls ses locaux - au coin de l'avenue Foch et de la rue de la Faisanderie (Sourires) - ont été refaits. L'idée n'était pas mauvaise, mais c'est l'action sur le terrain qui doit primer. Je me plie donc à la farouche volonté démocratique de la commission des finances et vous propose de réaffecter la somme correspondante au chapitre 46-60, article 40, pour l'aide directe aux opérations de renouvellement des communes en grande difficulté. C'est l'objet de l'amendement 85 du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Cet amendement et l'empressement du Gouvernement à réabonder une ligne excessivement mal dotée par rapport au budget précédent ne laissent pas d'étonner le groupe socialiste. L'institut des villes a été créé en janvier 2001. Il est donc trop tôt pour dresser un bilan de son action. Quel dommage de ne pas laisser les projets aller à leur terme !

La mission de l'institut consistait à diffuser les travaux de recherche et les savoir-faire. C'est actuellement le seul organisme qui permet aux associations d'élus de débattre directement avec le ministère et surtout avec la Caisse des dépôts, acteur majeur en matière de logement et de rénovation urbaine. Je pense que nous le regretterons. C'est pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement, qui trahit une approche un peu doctrinaire de l'action du précédent gouvernement.

M. Pierre Cardo - Nous avons là une structure de plus dédiée à la réflexion, qui s'ajoute au conseil national des villes, où siègent la Caisse des dépôts et des associations d'élus et dont je suis les travaux depuis une douzaine d'années. Les vingt ans de politique de la ville qui sont derrière nous démontrent que c'est plutôt au niveau des territoires que les échanges de savoir-faire et la concertation doivent être menés. De nombreuses structures existent déjà. En créer une nouvelle - qui coûte un million d'euros - ne servait pas à grand-chose. Au moment où Monsieur le ministre place le maire en première ligne pour la mise en _uvre de sa politique, je ne vois nul sectarisme ou idéologie à réaffecter cet argent à l'action de terrain.

M. Marc Laffineur - Notre pays est le champion des instituts, commissions et autres organismes dont l'utilité n'est pas prouvée. Cet amendement n'avait qu'un seul but : supprimer un Institut des villes qui ne faisait que se superposer aux autres organismes existants.

Notre collègue Le Bouillonnec peinait à convaincre et, du reste, le groupe socialiste ne s'est pas opposé à l'amendement en commission. Pour ma part, j'y suis très favorable, comme à celui du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - La commission des finances est décidée à lutter contre le mal français, cet empilement des structures qui nuit à la lisibilité des politiques et fait de nous un pays sur-administré mais sous-organisé. Ne voyez là qu'un début !

Si l'on veut absolument échanger les savoirs, les villes peuvent cotiser entre elles : nul besoin d'en appeler sans cesse à l'Etat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

L'amendement 56, rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre délégué - J'ai déjà présenté l'amendement 85.

M. le Rapporteur spécial - La commission ne l'a pas examiné, mais j'y suis personnellement très favorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ces fonds proviennent de la suppression de l'Institut des villes : nous ne pouvons accepter un abondement opéré dans de telles conditions.

M. Pierre Cardo - C'est regrettable, compte tenu de l'affectation de ces sommes à des communes en difficulté.

L'amendement 85, mis aux voix, est adopté.

Les crédits de l'état B, titre IV, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits de l'état C, titre V, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits de l'état C, titre VI, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Ministre délégué - Je précise qu'il n'a pas été décidé de supprimer l'Institut des villes, mais de réaffecter ses crédits. Ce n'est pas une filiale de l'Etat, si d'autres partenaires souhaitent s'associer à son financement, c'est une autre question.

Je souhaiterais que le ministère de la ville puisse s'appuyer, pour la réforme des procédures, sur l'expertise de la mission d'évaluation de la commission des finances. Nous serons très heureux de l'accueillir pour y travailler ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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