Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2002-2003)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 14ème jour de séance, 35ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 25 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
      SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION
      D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES 2

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      INDUSTRIE, POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS 2

      QUESTIONS 24

      ÉTAT B 30

      ARTICLE 36 30

      ÉTAT C 31

      ARTICLE 37 31

      APRÈS L'ART. 68 32

La séance est ouverte à neuf heures.

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

M. le Président - En application de l'article L.O. 185 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication de sept décisions de rejet relatives à des contestations d'opérations électorales.

Conformément à l'article 3 du Règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

INDUSTRIE, POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie concernant l'industrie, La Poste et les télécommunications.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'industrie - Si j'ai plaisir à rapporter les crédits du ministère de l'industrie, je suis convaincu qu'ils ne recouvrent qu'imparfaitement la réalité de l'environnement industriel français.

Comme l'a dit un célèbre économiste landais - je ne parle pas de M. Henri Emmanuelli, mais de M. Bastiat (Sourires) - il y a ce qui se voit et ce qui ne se voit pas.

Ce qui se voit, ce sont les crédits de votre ministère pour 2003. Ne faisons pas durer le suspense : malgré une légère baisse de 1,62 % et dans un contexte budgétaire connu - le maintien du déficit au niveau laissé par nos prédécesseurs - ce budget permettra de financer les objectifs prioritaires du ministère, en tenant compte des crédits disponibles fin 2002.

Les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement reçoivent 141 millions d'euros. Les actions menées dans le domaine de l'énergie et des matières premières, dotations aux établissements publics sous tutelle incluses, se voient consacrer 517 millions d'euros, soit 2,8 % de plus que sur l'exercice précédent, hors budgétisation de l'IFP. La commission de régulation de l'électricité - demain de l'énergie - a obtenu 16 emplois budgétaires supplémentaires dans la perspective de l'élargissement de ses missions au secteur du gaz : sa dotation augmente de 15 %. Le soutien à l'innovation et au développement industriel local bénéficie de 406 millions d'euros, en baisse de 11 %. Les écoles d'ingénieurs et la politique de promotion de la qualité et de la métrologie obtiennent 244 millions d'euros, en hausse de 0,6 %. 652 millions d'euros soit une hausse de 1 % sont prévus pour les actions de restructuration industrielle et les aides à la reconversion ainsi qu'à « l'après-mines ».

Mais ce qui ne se voit pas est peut-être le plus important. La politique industrielle à mener n'apparaît pas clairement dans ce budget.

Ce n'est pas à vous, Madame le ministre, que je le reprocherai : l'héritage était lourd ! Néanmoins la nomenclature budgétaire témoigne d'un effort de simplification budgétaire et de rationalisation, avec le regroupement de crédits destinés à accompagner l'innovation dans les petites entreprises sur le titre IV, ou le développement des PMI sur le titre VI.

A lire les documents budgétaires, je reste cependant convaincu qu'à s'épuiser à gérer de trop nombreux dispositifs juxtaposés, on néglige les questions les plus importantes, qui motivent les trois amendements que la commission des finances a adoptés sur ma proposition : l'organisation des dispositifs d'aide à la recherche, au développement et à l'innovation, la tutelle des établissements publics et l'action industrielle.

L'action que vous avez à mener peut se résumer en trois mots : simplification, innovation, évolution.

Simplifier les structures : qui ne connaît un chef d'entreprise, petite ou moyenne découragé par l'absence de soutien des pouvoirs publics à ses efforts de recherche et de développement ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - C'est vrai !

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - Le temps est venu de simplifier les procédures de soutien public, de regrouper les structures, de donner aux PME-PMI un interlocuteur public unique. Rapprochons, par exemple, les DRIRE et l'ANVAR, bref simplifions ! Pourquoi l'APRODI, association qui dépend du ministère, gère-t-elle depuis Paris une procédure de diffusion des techniques que les DRIRE ou l'ANVAR géreraient sans doute mieux, localement ? La commission des finances vous proposera donc de supprimer cette structure. Il faut ensuite innover. Nous nous réjouissons donc de l'annonce d'un projet de loi sur l'innovation au printemps prochain. La France reste en effet très éloignée de l'objectif assigné par le sommet de Lisbonne et par le Président de la République consistant à affecter 3 % du PIB à la recherche et au développement. Mais, de grâce, Madame le Ministre, pas de plan recherche ! Souvenez-vous des plans « calculs », « machines-outils », informatique pour tous et de leur succès pour le moins discret. Intéressons-nous plutôt à ce qui freine les efforts de recherche, de développement et d'innovation : l'accès des PMI aux différents mécanismes, mais surtout l'environnement fiscal, réglementaire et culturel.

Il faut enfin faire évoluer la tutelle des pouvoirs publics. L'action du ministère et des organismes déconcentrés pourrait être plus simple, plus accessible et plus efficace. Areva, le CEA, l'IFP, EDF ou l'ADEME, sont autant d'établissements stratégiques sur lesquels la tutelle exerce un pouvoir de contrôle qui s'apparente même à un devoir de contrôle. La gestion d'Areva est-elle satisfaisante ? Le CEA ne devrait-il pas choisir entre ses nombreux programmes ? L'IFP a-t-il convenablement valorisé ses participations à l'occasion de la fusion entre Technip et Coflexip ? L'ADEME ne pourrait-elle améliorer sa gestion ? La situation d'EDF est-elle maîtrisée ? Sans céder à la polémique, bon nombre des reproches qui peuvent être adressés à la direction de cette dernière sont étroitement liés à son statut. Les déboires internationaux d'EDF auraient pu être évités sans le principe de spécialité imposé à l'entreprise. Ses comptes seraient-ils aussi opaques et complexes si EDF était une entreprise comme les autres ? L'ouverture de son capital aurait levé les obstacles à sa croissance en Europe. Je me réjouis donc de la prochaine transformation de l'établissement public en société de plein exercice, et je vous remercie, Madame le Ministre, d'avoir enfin, conformément aux engagements du Président de la République et du Premier ministre, annoncé cette réforme majeure. Bien des obstacles au développement d'EDF seront ainsi levés.

Quant à l'ADEME, le devoir de la tutelle est de la ramener à une gestion plus saine. Nous entendons vous y aider : deux amendements, l'un sur les crédits de l'industrie, l'autre sur ceux de l'écologie et du développement durable, réduisent à la marge les dotations de l'ADEME pour vous soutenir dans votre mission de contrôle et y associer la représentation nationale.

J'en viens au point le plus important : quelles doivent être les priorités du ministère de l'industrie ? Qu'est-ce qu'une politique industrielle moderne ? Permettez-moi d'esquisser une réponse : une politique industrielle, ce sont les moyens humains et financiers propres à assurer aux PME-PMI et aux créateurs d'entreprise un environnement favorable à la liberté d'entreprendre, à la croissance et à l'investissement, un soutien à la recherche et à l'innovation. Une politique industrielle n'a pas vocation à faire du ministère de l'industrie un « pompier social » ou un réservoir de crédits se substituant à la politique de l'emploi, non plus qu'à soutenir artificiellement des secteurs sinistrés. Je ne dis pas qu'une politique de reconversion n'est pas justifiée, ni un traitement social nécessaire, dans les bassins d'emploi les plus durement touchés. Mais cela relève davantage du ministère des affaires sociales que de celui de l'industrie. C'est le message que la commission des finances vous adresse avec un troisième amendement qui réduit symboliquement les dotations en forte augmentation proposées pour 2003 sur certaines actions de restructuration industrielle.

Un véritable soutien à nos PMI, ne se mesure pas à l'aune de la progression des crédits du ministère mais à celle de la capacité à fournir à nos entreprises un meilleur environnement fiscal, réglementaire, social, et à soutenir l'innovation. Nous devons réfléchir au rôle du ministère de l'industrie et je sais, Madame la ministre, que vous y êtes prête.

Les prochaines années devraient nous permettre de doter notre pays d'un meilleur environnement, pour que nos entreprises industrielles puissent relever le défi de la croissance, de l'emploi et de la prospérité.

En conclusion, je vous demande de suivre la commission des finances dans le vote favorable qu'elle a émis sur les crédits de l'industrie pour 2003 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'industrie et l'énergie - Il est d'usage que les rapports pour avis sur le projet de loi de finances privilégient l'analyse des secteurs et des politiques conduites, laissant aux rapports spéciaux de la commission des finances celle du budget et de l'exécution des exercices précédents.

Je consacrerai donc l'essentiel de mon propos à la présentation des conclusions de l'étude de la situation économique et financière d'EDF.

A périmètre constant, les crédits de l'industrie et de l'énergie diminuent de 1,6 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement, cependant que les autorisations de programme sont maintenues au niveau de 2002. Ces crédits avaient connu une évolution beaucoup plus défavorable par le passé, dans des contextes pourtant beaucoup moins difficiles.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Eh oui !

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis - En effet, hors crédits affectés aux secteurs de la Poste et des télécommunications, les dotations budgétaires allouées à l'industrie avaient reculé de 4,11 % en 2002 et de 2 % en 2001. Il convient cependant de saluer les efforts exceptionnels accomplis au profit de certains postes prioritaires, en particulier la progression de 3 % des moyens alloués aux écoles des Mines. Ces remarquables établissements, voient ainsi leurs moyens d'intervention sensiblement confortés. Deux autres organismes bénéficient de moyens supplémentaires. Ainsi, les crédits de rémunérations alloués à la commission de régulation de l'électricité progressent de 14 %, afin de lui permettre de réaliser les recrutements nécessaires à l'extension de sa mission à la régulation du secteur du gaz naturel. Cette évolution permettra de garantir le bon fonctionnement des marchés libéralisés de l'énergie. A cet égard, si l'ouverture juridique de nos marchés est restée trop limitée, notamment du fait du retard pris par la précédente majorité dans la transposition de la directive « gaz », la concurrence joue réellement dans notre pays, ce qui n'est pas toujours le cas chez nos partenaires. Le projet de loi sur les marchés énergétiques que notre assemblée examinera en décembre permettra enfin d'aligner le droit sur le fait.

En second lieu, les moyens d'intervention alloués à l'ADEME sont presque triplés. Cet effort traduit l'engagement de la majorité en faveur des sources d'énergie renouvelables et de la maîtrise de l'énergie et il est complémentaire du maintien d'un soutien résolu à la recherche nucléaire - filière la plus rentable pour assurer la production d'énergie sans émission de gaz à effets de serre. Je me félicite également de l'augmentation des moyens dévolus au Commissariat à l'énergie atomique, dont les ressources civiles progressent de près de 2 %.

Dans le domaine de l'énergie, une autre évolution importante caractérise le projet de budget pour 2003 : la budgétisation des dotations de l'Institut français du pétrole consacre en effet la reconnaissance de la mission d'intérêt général de cet organisme. L'IFP est devenu un centre de recherche de niveau mondial et il s'inscrit dans la dynamique de développement durable que soutient la majorité.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Tout à fait !

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis - Au cours des prochaines années, votre rapporteur et le président de notre commission seront attentifs au respect des engagements pris dans le contrat d'objectifs 2001-2005 de l'IFP, qui garantit à l'organisme un financement public pérenne. Je souhaite, Madame la ministre, que vous nous réaffirmiez l'engagement du Gouvernement en faveur du développement de l'IFP.

Certains articles connaissent, en revanche, une évolution moins favorable, qui correspond parfois à une diminution des besoins - dans le cas notamment des aides à la construction navale - ou qui répond à un souci de gestion plus « serrée » des articles dont la sous-consommation était devenue chronique.

Des moyens importants sont dégagés pour faire face aux restructurations industrielles à venir. A ce sujet, je tiens à vous faire part, Madame la ministre, de mes inquiétudes quant à l'avenir du groupe Bull.

Ce budget est donc serré sans être sacrifié. Il dégage des priorités claires et prépare bien l'avenir en soutenant la formation et l'innovation. La commission des affaires économiques, a donc émis un avis favorable à son adoption.

Pour compléter l'analyse des crédits, j'ai choisi, cette année, d'étudier la situation économique et financière d'Electricité de France, sur laquelle la presse regorge, depuis plusieurs mois, d'informations inquiétantes. Cet état de fait est préjudiciable dans la perspective de l'ouverture du capital. Inutile du reste de rappeler que la majorité est résolue à la réaliser, conformément aux engagements du Premier ministre. Dès lors, il est indispensable de faire toute la clarté sur les comptes d'EDF. Nous le devons aux Français, dont EDF est la propriété collective et aux agents de l'entreprise qui en ont fait le grand service public que nous apprécions tous. Telle est la mission que se sont efforcées de réaliser les commissions des affaires économiques et des finances, à l'occasion notamment de deux auditions de M. François Roussely. Las, j'estime que nous n'avons pas totalement réussi. Du fait de l'absence de communication de certains documents - pourtant promis par la direction d'EDF - et en raison de la transmission d'éléments d'information partiels - et parfois contradictoires -, je n'ai pas été en mesure de dresser un tableau exact de la situation économique et financière d'EDF. Au jour, seule la situation de l'établissement public en France peut être connue avec précision sur la base des comptes publiés. Elle fait du reste apparaître une profonde dégradation des indicateurs de gestion depuis 1998, pour des raisons imputables pour une large part à la gestion de l'entreprise. Vous trouverez de nombreuses précisions à ce sujet dans mon rapport écrit. Les interrogations les plus vives persistent quant à la situation des filiales du groupe à l'étranger. Soyons clair : la diversification d'EDF en Europe et dans le monde est hautement souhaitable car elle fait pendant à la libéralisation et à l'intégration des marchés européens de l'électricité. Une stratégie visant à la constitution d'un groupe européen intégré est donc justifiée. Mais la diversification ne justifie pas l'acquisition coûteuse d'entreprises peu rentables et je ne suis toujours pas convaincu de la pertinence des prises de participation réalisées au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie. Les investissements en Amérique latine, semblent encore moins justifiés et il serait inacceptable que les usagers en supportent le coût ! Or, comme mon collègue Hervé Novelli, je suis inquiet des pertes financières constatées.

Il est de la responsabilité des rapporteurs, Madame la ministre, d'attirer votre attention sur l'importance de réunir toutes les conditions pour réussir l'ouverture du capital d'EDF. La majorité, vous le savez, est prête à vous aider en ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances pour la Poste et les télécommunications - L'ouverture à la concurrence du marché postal et de celui des télécommunications, l'attribution des licences UMTS, le dossier du haut débit : autant de sujets qui mettent en lumière l'importance du secteur de la Poste et des télécommunications. De l'aménagement du territoire aux enjeux économiques, de l'emploi dans la fonction publique à la qualité du service public, La Poste et France Télécom sont au c_ur de tous les débats sur la société de l'information.

Dans ce projet de budget, les crédits de la Poste et des télécommunications s'élèvent à 437,07 millions d'euros, soit une baisse de 0,2 % par rapport à l'exercice précédent, liée, pour l'essentiel, à la diminution des dépenses en capital. Celle-ci est justifiée par les reports de crédits massifs attendus pour l'exercice 2003. A cette réserve près, les crédits sont globalement reconduits à leur niveau de 2002 et les moyens mis à la disposition de l'Autorité de régulation des télécommunications et de l'Agence nationale des fréquences radioélectriques augmentent respectivement de 4,8 % et de 1,5 %. Enfin, l'Etat maintient son soutien au transport et à la distribution de la presse grâce à une subvention de 290 millions.

Au-delà de la présentation du budget, je tiens à m'attarder sur les bouleversements profonds que connaissent la Poste et les télécommunications. Avec un endettement de près de 70 milliards, la situation financière de France Télécom est des plus préoccupantes. L'intervention financière de l'Etat est inéluctable. Du reste, une telle situation pose le problème de la responsabilité des présidents et des administrateurs des entreprises publiques.

Le retard pris par notre pays pour assurer la couverture du territoire en téléphonie mobile ou pour l'équiper en haut débit constitue d'autres sujets d'inquiétude. En outre, l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications ne se fait pas sans heurts comme le montre la difficile mise en place du dégroupage de la boucle locale.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - C'est vrai !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial - La Poste connaît aussi de profondes mutations. Elle doit à la fois garantir la présence du service public postal et dégager des résultats positifs dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Face à de tels enjeux, seul l'Etat peut garantir l'égal accès de tous les citoyens au service universel des télécommunications et de la Poste et c'est précisément en période de turbulences qu'il doit rappeler son attachement à un service public de qualité et accessible à tous. Les autorités de régulation jouent dans ce contexte un rôle important et je salue le travail accompli par l'ART. Leur intervention ne doit cependant pas conduire à un désengagement des responsables politiques. Selon moi, le véritable enjeu futur, c'est l'aménagement du territoire. Laisser jouer la seule dynamique du marché peut en effet provoquer des inégalités très regrettables. Le développement des nouveaux services de télécommunications est devenu une composante de la compétitivité des territoires. Or, en l'absence d'une véritable politique nationale de développement des infrastructures, le déploiement territorial inégal de ces techniques amplifie les inégalités existantes. Pour les territoires fragiles, la chance offerte par le numérique s'est transformée en fracture numérique. Le développement du haut débit n'est possible que si l'Etat s'y implique. Une étude du Conseil économique et social montre que la seule dynamique du marché conduirait à une polarisation accrue des infrastructures de haut débit. A terme, 20 % à 25 % de la population n'aurait pas accès à cette nouvelle technique, pour des raisons de viabilité économique. Or, garantir l'accès au haut débit ne constitue pas simplement un avantage technologique : c'est l'accès de chaque citoyen au savoir qui est en cause. Comment le Gouvernement entend-il résoudre la fracture numérique et faire en sorte que, dès 2007, toutes nos communes soient raccordées aux réseaux de haut-débit ?

Le prochain contrat de plan entre l'Etat et La Poste sera l'occasion de débattre des différentes exigences qui s'imposent au groupe : compétitivité et garantie du service public postal. Et la prochaine révision des dispositions européennes sur le service universel des télécommunications devrait permettre de réfléchir à la pertinence du dispositif français. Il serait souhaitable, me semble-t-il, d'inclure la couverture du territoire et le haut débit dans ledit service universel. Quant à son mode de financement, il mériterait d'être revu afin de favoriser le développement d'Internet.

La prochaine transposition des directives européennes relatives aux télécommunications offrira, je l'espère, l'occasion d'un véritable débat national. L'action des pouvoirs publics dans le domaine des télécommunications mériterait en effet une clarification. Les fonctions respectives de l'Autorité de régulation des télécommunications, de l'Agence nationale des fréquences radioélectriques et du Conseil supérieur de l'audiovisuel devraient être mieux définies. Un rapprochement de la première et de la deuxième me semble souhaitable. Qu'en pensez-vous, Madame la ministre ? De même faudrait-il clarifier les compétences respectives des différentes structures ministérielles concernées - industrie, recherche, aménagement du territoire. J'avoue ne pas toujours savoir très bien à quel ministre m'adresser.

Je suis certain que le Gouvernement saura prendre la mesure du défi qui se présente à lui. En témoignent les engagements récents sur la couverture du territoire en téléphonie mobile. L'accord intervenu le 24 septembre dernier entre les trois opérateurs de téléphonie mobile me semble aussi un signal très positif.

Je sais, Madame la ministre, que vous êtes sensible à ce grand enjeu de l'équipement de nos territoires en technologies modernes de communication ; et les récentes déclarations du Premier ministre sur ce sujet mardi dernier nous confirment l'engagement du Gouvernement.

J'invite donc l'Assemblée à adopter, à l'instar de la commission des finances, le budget de la Poste et des télécommunications pour 2003.

M. Pierre Micaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour la Poste et les télécommunications - L'élaboration du budget de la Poste et des télécommunications a eu lieu dans un contexte un peu particulier, car les deux principales entreprises concernées, France Télécom et La Poste, ont été soumises à d'importants soubresauts au cours des dernières semaines.

C'est un petit budget - moins de 500 millions d'euros - mais qui a un effet de levier dans la mesure où les crédits qui le constituent permettent de financer des organismes qui eux-mêmes contrôlent les évolutions des deux secteurs des postes et télécom.

Ce schéma de contrôle indirect est la conséquence logique du fait que, depuis 1990, La Poste et France Télécom jouissent de l'autonomie de gestion et _uvrent sur des marchés ouverts à la concurrence.

Les leviers d'action sont d'abord les crédits de fonctionnement accordés à quatre organismes : la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications ; l'Autorité de régulation des télécom ; l'Agence nationale des fréquences ; le médiateur postal.

Les deux poids lourds de cette liste, à savoir l'ANF et l'ART - respectivement 28 et 17 millions d'euros - ont vu leurs moyens renforcés. Le tout récent service du médiateur postal, créé en 2002, et la C2SPT conserveront en 2003 leur petit budget soit, respectivement, 500 000 et 240 000 euros.

L'augmentation de près de 5 % des crédits de l'ART concerne aussi bien les crédits de rémunération que les crédits de fonctionnement. Cela nous permettra soit d'élargir les pouvoirs de l'ART à l'occasion de la transposition des directives européennes sur la « communication numérique » ; soit d'étendre ses compétences au domaine postal, en réponse aux pressions exercées sur ce terrain par la Commission européenne.

L'autre effet de levier budgétaire concerne les activités d'enseignement et de recherche.

Le projet de budget accroît avec un certain volontarisme les moyens du Groupe des écoles de télécom, en lui accordant un million d'euros supplémentaires, et fait bénéficier le réseau national de recherche en télécom d'un soutien de 36 millions d'euros, comme en 2002.

Outre ces mécanismes de pilotage indirect s'appuyant sur les crédits courants, le budget des P&T comporte aussi pour 2003 des opérations exceptionnelles qui ont elles aussi un effet de levier.

La première d'entre elles concerne la couverture du territoire en téléphonie mobile. L'accord du 23 septembre dernier entre Orange, SFR et Bouygues Télécom devrait permettre d'assurer l'itinérance dans les zones « blanches » larges.

L'effet de levier vient là de ce que l'Etat prendra en charge la moitié des coûts des pylônes - 44 millions d'euros, pris principalement sur les moyens d'intervention de la DATAR - les collectivités locales étant invitées à faire un effort d'investissement du même montant. J'aimerais d'ailleurs savoir quelles collectivités locales, Madame la ministre.

Autre opération exceptionnelle : le sauvetage financier de France Télécom. Je déplore que l'on en soit arrivé là, c'est-à-dire à une dette de 80 milliards d'euros et à un titre cotant moins de 8 euros à la fin de septembre, alors que l'introduction de la société en Bourse s'était faite à 28 euros. Ce désastre pour les petits actionnaires fait d'autant plus mauvaise impression qu'il va falloir trouver très vite une solution pour les retraites en France et que celle-ci passe inévitablement par les fonds de pension. Il faudra constituer des mécanismes de « gouvernance », qui, à l'avenir, évitent à nos belles entreprises de tels déboires.

Mais dans l'immédiat, le sauvetage de France Télécom doit permettre à l'entreprise de faire face à une charge de remboursement d'environ 15 milliards pour la mi-2003. Ici, le « levier » budgétaire imaginé par le ministère des finances, sous réserve des conclusions de l'audit interne de Thierry Breton, s'appuierait sur un apport en capital fourni par un établissement du secteur public, qui se financerait lui-même par emprunt.

L'intervention de l'Etat dans le domaine des P & T s'effectue aussi sous une autre forme que celle de la régulation sectorielle : l'assignation de contraintes de service public. De ce point de vue, le projet de budget laisse ouvertes certaines questions relatives au financement du « service universel ».

Or, l'analyse de la situation de La Poste montre que la non prise en compte des charges liées au service universel risque de créer à terme une situation intenable. Il faut bien voir que La Poste exerce deux missions de service public irremplaçables ; elle assure au titre du « service universel » la levée et la distribution du courrier tous les jours ouvrables ; et elle remplit de fait la fonction de « banque des pauvres », car elle ne sélectionne pas sa clientèle - 60 % des détenteurs de livret A ont un avoir inférieur à 150 € !

La Poste a préservé jusqu'à présent un certain équilibre, qui englobait, en vertu de l'accord Galmot de 1996, la charge de l'aide au transport de la presse, soit un total de 750 millions d'euros, que l'Etat ne compense qu'à hauteur de 290 millions.

Les fondements de cet équilibre sont remis en cause par le rétrécissement du « domaine réservé » à chaque nouvelle étape de la réglementation européenne : au 1er janvier 2003, ce domaine ne s'étendra plus qu'au courrier de moins de 100 grammes, et au 1er janvier 2006 qu'au courrier de moins de 50 grammes.

Par ailleurs, La Poste est pénalisée par rapport à ses concurrents privés par des dispositions sociales. Elle a ainsi appliqué très tôt les 35 heures sans bénéficier d'aucune aide ; elle a été privée du droit de recourir aux « contrats-jeunes » en août dernier ; et le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et à l'emploi l'a écartée du bénéfice des diminutions de cotisations sociales.

Cette situation crée une double série de tensions : d'un côté, La Poste est tentée par une stratégie de rentabilité à outrance ; de l'autre, elle est amenée à développer des stratégies agressives aux marges du domaine d'activité qui lui est reconnu par la loi, comme l'a illustré le succès d'AssurPost, qui a suscité l'inquiétude des professionnels de l'assurance.

Il est donc urgent de compenser, en toute transparence, les missions d'intérêt général de La Poste.

Il convient d'abord que l'Etat prenne ses responsabilités quant à l'aide à la presse, et aussi quant à la compensation des conditions très particulières imposées aux activités financières de La Poste. Cela pourrait se faire dans le prochain contrat de plan. Surtout, il faut rétablir l'égalité vis-à-vis de la concurrence : il est inadmissible que l'administration des Finances refuse d'appliquer à La Poste une mesure générale d'aide ou d'allégement de charges, sous prétexte que cela coûterait trop cher, parce que les effectifs de La Poste sont trop nombreux !

Enfin, il convient de s'interroger sur le financement du service universel postal, dans la perspective de la réduction, voire de la disparition du « domaine réservé ». L'exemple du « fonds de service universel » des télécoms montre que la solution consistant à répartir la charge entre les entreprises suscite de multiples contestations, y compris devant la justice européenne. De plus, avec cette solution, c'est de toute façon l'utilisateur final qui paye, sans le savoir. Mieux vaudrait donc revenir à la neutralité économique, en créant ouvertement une redevance affectée que les entreprises seraient chargées de collecter, via l'envoi des factures. Le droit européen serait ainsi respecté, car il permet un financement à partir d'un « fonds public ». Dans l'idéal, il faudrait même que cette redevance soit commune aux deux secteurs des postes et télécommunications.

J'ai déjà trouvé un nom pour cette taxe commune : « le denier du service universel ». Un taux de l'ordre de 0,5 % suffirait probablement. Comme le droit constitutionnel m'interdit de déposer un amendement pour créer une redevance affectée, je livre ces réflexions à la sagesse de ceux qui m'écoutent et de ceux qui liront le compte rendu des débats...

En conclusion, je propose d'approuver sans réserve les crédits destinés aux secteurs des postes et des télécommunications. Mais j'appelle votre attention sur la nécessité d'adapter le cadre juridique de ces deux secteurs durant les prochains mois. Personnellement, je veillerai à ce que ces évolutions législatives prennent aussi en compte la question de l'enfouissement des lignes téléphoniques aériennes, qui est loin d'être résolue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Christian Bataille - En prenant connaissance de votre budget, Madame la ministre déléguée, méticuleusement préparé par les services de Bercy, nous avons constaté qu'il y a des priorités, par exemple favoriser la création et le développement des petites et moyennes entreprises ; qu'il y a aussi des moyens, et même deux petites cagnottes - ici 2,4 milliards d'euros, là 184 millions.

Cela équivaut au cinquième du budget de Bercy ! Mais cet argent est-il mis au service d'une véritable politique industrielle ? Nous pensons plutôt que vous avez abandonné une telle ambition, que ce budget n'est que faux-semblant. C'est regrettable pour ce secteur, pour ses 170 000 entreprises et pour les six millions de salariés qui en dépendent, directement ou indirectement, mais aussi pour notre économie à qui cette industrie apporte une dynamique de croissance et 275 milliards d'exportations !

Ce budget est couleur de muraille : tout d'abord, il ne fait que saupoudrer. Comment espérer que ces deux « cagnottes » de 2,4 milliards et de 184 millions d'euros puissent, mises bout à bout, servir de levier à une vraie politique et orienter un secteur qui réalise chaque année 760 milliards de chiffre d'affaires et 38 milliards d'investissements ? Le compte n'y est évidemment pas !

Certes, direz-vous - comme M. Mer l'a vertement rappelé à M. Fillon -, l'industrie n'a pas besoin qu'on s'occupe d'elle ou qu'on l'aide. Malheureusement, si cette idée a été féconde à l'aube de notre industrie, elle ne l'est plus aujourd'hui. Le volontarisme qui a été celui de nos gouvernements de la monarchie jusqu'au gaullisme est maintenant derrière nous, même si ses effets se font encore sentir à travers ses grandes réussites, dans l'aéronautique, dans le secteur spatial ou dans le secteur nucléaire notamment. Pour autant, cette industrie a encore besoin de nous.

Quelle est en effet sa situation aujourd'hui ? Pour appréhender les évolutions en cours, il faut revenir un instant sur les années 1997-2002. Le groupe socialiste n'a pas l'intention d'éluder le débat sur cette période. Qu'avons-nous fait pendant ces cinq ans ? Tout d'abord, nous avons consolidé l'emploi en créant 70 000 postes. Surtout, nous avons modifié la structure même de ce secteur « secondaire » : auparavant « un et indivisé », le voici maintenant organisé en un « c_ur de métier » - l'industrie elle-même, production marchande de biens et équipements - et en « services à l'industrie », fonctions périphériques mais néanmoins essentielles : transports, expertise juridique, formation, informatique, maintenance, collecte de déchets, affacturage, conditionnement... Le potentiel d'emplois de ces services est difficile à estimer mais on considérait l'an passé que le secteur industriel effectuait là le quart de ses dépenses. Or, si le « c_ur de métier » reste structurant pour l'économie et l'emploi, il compose avec sa périphérie un ensemble fragile. C'est ce dont vous auriez dû vous préoccuper en élaborant ce budget, de manière à mieux arrimer industrie et services pour bâtir un édifice solide, cohérent et harmonieux. Or vous avez purement et simplement ignoré l'enjeu !

M. Masdeu-Arus a rédigé sur EDF un chapitre argumenté qui mériterait à lui seul un débat. Je ne m'arrêterai qu'aux développements par lui consacrés au développement international de l'entreprise. Notre rapporteur se montre sévère, mais son analyse est bien étayée et mérite donc considération. Ainsi, s'il juge que le bilan des opérations menées au Royaume-Uni et en Allemagne n'est pas bon, il n'exclut pas que puissent se développer des synergies dans l'avenir ; en revanche, il parle d'aventure sud-américaine et d'échec italien. Ce jugement ne fait que confirmer ce que je pense depuis des années, à savoir qu'EDF est d'abord un service public et que, si elle peut développer des synergies avec les pays voisins, sa vocation n'est certainement pas de mener une politique de conquêtes « aventureuse ». Même, si je devais choisir entre développement international et service public, je choisirais sans hésiter le service public. Cela dit, on ne peut pas couper des branches qui ne sont pas mortes, en dépit de l'endettement. Malheureusement, il est prévisible que, dans les mois qui viennent, cette dérive des comptes va être utilisée pour engager une privatisation par étapes, selon la technique du salami ! Nous aurons d'ailleurs bientôt l'illustration de cette politique avec votre loi « gaz », qui contribuera surtout, et de façon paradoxale, à démanteler la loi « électricité » de 2000...

Nous aurons donc à en reparler. En attendant, le groupe socialiste ne peut accepter ce budget et il votera donc contre vos crédits, Madame la ministre déléguée(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Cousin - Vous êtes, Madame, à la tête d'un secteur qui a un rôle majeur à jouer dans la difficile bataille économique, mais aussi dans l'aménagement du territoire. Un rapide état des lieux ne sera donc pas inutile. Nous n'avons pas oublié, Monsieur Bataille, la période 1997-2002 : elle laisse un secteur public industriel exsangue, la tutelle de l'Etat ayant alors péché par insuffisance. Ainsi, en 2000-2001, EDF a mené en Europe et en Amérique latine une politique d'acquisitions aventureuse : ses seules pertes d'Argentine et du Brésil s'élèvent à 1,4 milliard d'euros ! Devant la commission des finances, le 18 septembre, M. Roussely a reconnu que ces investissements à l'étranger ne seraient rentables qu'en 2004, alors qu'ils devaient l'être dès cette année. L'entreprise reste néanmoins un de nos fleurons industriels, en raison de ses ressources humaines, de son potentiel technologique et de son haut niveau en recherche-développement. Elle doit devenir une référence à l'échelle mondiale et l'ouverture du capital que vous préconisez lui donnera les moyens de relever ce défi sans dommage pour le service rendu au public.

France Télécom, dont la situation financière catastrophique fait courir un risque systémique, a vu le cours de son action tomber de 191 à moins de 11 euros entre mars 2000 et le mois dernier ! On peut donc s'interroger sur le manque de mesure et de pertinence dont a fait preuve le gouvernement Jospin dans la cession des licences UMTS, à l'origine d'un endettement record. Ne réclamait-il pas un moment 5 milliards d'euros à chaque opérateur, alors qu'on ignorait si cette technologie serait rentable à terme ?

Le même gouvernement a adopté une attitude autiste face aux échéances européennes, s'agissant d'ouvrir à la concurrence les monopoles publics. Il n'a que tardivement transposé la directive électricité et n'a pas transposé la directive gaz, ajournant l'ouverture de ces marchés lors du conseil européen de Stockholm. Nous sommes ainsi exposés à payer une astreinte de 50 millions d'euros et le développement de GDF a été compromis, faute pour l'entreprise de pouvoir accéder au réseau espagnol.

Le gouvernement Jospin, pris dans les contradictions de la majorité plurielle, a également adopté une stratégie de retardement en ce qui concerne la libéralisation du secteur postal. D'autres pans de notre industrie ont été laissés en jachère : ainsi le plan Borotra n'a été remplacé par aucune mesure probante. Lancé le 12 avril 1996, il prévoyait des allégements de charges, en échange du maintien de l'emploi, afin de sauver les 5 500 entreprises de la filière textile. Cette aide, jugée illégale parce que sectorielle par la Commission, a été arrêtée le 31 décembre 1997 et elle doit être remboursée d'avril 2000 à avril 2003 par les entreprises ayant perçu plus de 100 000 euros.

Le gouvernement Jospin a estimé suffisant le passage aux trente-cinq heures pour préserver l'emploi dans les entreprises du textile. Pourtant, le Gouvernement avait été prévenu : en novembre 1997, à cette même tribune, j'expliquais que Bruxelles souhaitait seulement que nous revenions sur l'aspect sectoriel du plan Borotra. Le principe d'un élargissement de la réduction des charges à l'ensemble des branches en fonction du pourcentage des salariés et des bas salaires avait été accepté. Les experts avaient évalué le coût de cette mesure à 7 milliards de francs contre 2 milliards pour le plan Borotra.

Mais l'idéologie l'a emporté sur le pragmatisme.

Votre budget, orienté vers la compétitivité des entreprises, poursuit trois objectifs : mener une politique énergétique indépendante et équilibrée, développer une politique active en faveur des PMI par le soutien à l'innovation et à la recherche, améliorer les mutations industrielles par une aide appropriée aux entreprises et aux régions victimes de mutations industrielles.

S'agissant de la politique en faveur des PMI, rappelons que celles gérées au plan régional recevront les dotations prévues en contrat de plan Etat-région. Par ailleurs, les dotations budgétaires permettront de financer les interventions du ministère de l'économie dans les domaines couverts par les seize réseaux de recherche et d'innovation technologique qui associent l'ensemble des acteurs publics ou privés de l'innovation.

Quant à l'aide à la reconversion et à la restructuration, elle est indispensable pour accompagner les territoires touchés par les sinistres industriels. Les salariés ne veulent pas être assistés. Toutes les conditions doivent être réunies pour réussir les reconversions industrielles.

Concernant la Poste, en particulier la réorganisation territoriale de son réseau, des problèmes subsistent, notamment en milieu rural dans l'aménagement du territoire et la qualité du service rendu aux usagers.

Le contrat de plan 2002-2005 entre l'Etat et la Poste devra résoudre la question du développement des services financiers de la Poste, de la poursuite de la libéralisation du secteur postal conformément à la directive européenne du 10 juin 2002, du statut d'exploitant public qui prive la Poste de fonds propres nécessaires à une politique d'acquisition, ou d'investissement dans les nouvelles technologies.

Enfin, les télécommunications sont un secteur sinistré. Ainsi Alcatel licencie 27 000 personnes. Lorsque ce grand groupe n'aura plus d'usines, quid de notre culture industrielle dans ce secteur ?

Le chantier est difficile, d'autant que la conjoncture internationale est défavorable. Il vous faudra une grande détermination, Madame la ministre. Nous serons à vos côtés pour vous aider à relever ce défi du développement économique. Le groupe UMP votera votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Daniel Paul - La crise se prolongeant, les annonces de restructuration se multiplient. Après avoir longtemps contourné les procédures de licenciement collectif, les entreprises élaborent des plans sociaux même si elles jugent la loi de modernisation sociale trop contraignante.

Les secteurs concernés ne sont pas seulement ceux qui furent entraînés dans la bulle Internet. Ainsi, en Haute-Normandie, la situation de l'emploi se dégrade depuis plusieurs semaines, touchant des centaines de salariés.

En particulier, 850 salariés du groupe Trouvay et Cauvin sont menacés par la liquidation judiciaire de leur entreprise. Plus de 300 suppressions d'emplois sont déjà assurées.

Et ce n'est pas l'état actuel des reprises, par le biais de ventes d'appartements aléatoires et limitées, qui rassure les personnels. N'était-ce pourtant pas aux pouvoirs publics de peser en ce sens ? L'Etat doit mettre en _uvre les moyens nécessaires.

La droite avait invoqué la « liberté d'entreprendre » pour refuser la loi de modernisation sociale. J'en appelle au « droit au travail » inscrit dans la Constitution.

Une redoutable fuite en avant est engagée. Alors que la crise a pour origine un excès de croissance financière, les licenciements massifs vont aggraver les problèmes de débouchés et accélérer la dégradation des chiffres de la croissance. La politique du Gouvernement apparaît inadaptée.

Vous minimisez la lourdeur de la crise, et donnez quitus au patronat, qui réclame un nouvel écrasement des coûts salariaux, la liberté d'entreprendre se confondant souvent avec la liberté de licencier.

M. Mer parle de doter la France d'une politique industrielle. Qu'entend-il par là ? Ne s'agirait-il pas d'affranchir les industriels de toute contrainte ? On en voit les résultats.

Votre politique industrielle consiste en fait à satisfaire les actionnaires et les dirigeants, à laisser jouer les forces du marché, et à faire preuve de compréhension à l'égard des grands groupes qui ont entrepris le dépeçage de notre économie et de celle de l'Europe.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - C'est une caricature.

M. Daniel Paul - Au moment même où vous vous apprêtez à réviser la loi de modernisation sociale, vous nommez un « Monsieur licenciement ». Vous manquez une nouvelle fois d'ambition. Pire encore, la déréglementation et la vague de privatisations accentuent la soumission du politique à la loi du marché.

Selon vous, le rôle de l'Etat, consiste à garantir le bon fonctionnement des rapports marchands et à « gommer » les obstacles nés de la mobilisation citoyenne des mouvements syndicaux. Votre maître mot pour les entreprises publiques c'est « privatisation » et non « performance » au service des usagers. Il n'est donc pas étonnant de voir les crédits de votre ministère baisser de 1,66 %. Notons au passage que 19 % des crédits du ministère sont affectés à la politique industrielle mais seulement 1 % aux PME-PMI, pourtant créatrices d'emplois.

De même, votre budget, en augmentant les moyens de la commission de régulation de l'électricité anticipe la transposition de la directive européenne relative au marché intérieur du gaz naturel, contre laquelle nous nous étions prononcés à la fin de la dernière législature.

De même encore, en décidant de lancer les procédures d'ouverture du capital de EDF-GDF, le Gouvernement livre clairement ses entreprises publiques aux marchés boursiers. Il s'agit là d'un choix politique non justifié par un projet industriel.

Il est irresponsable d'accélérer la libéralisation du secteur de l'énergie, quand il est nécessaire de soutenir la recherche nucléaire, seule à même aujourd'hui d'assurer une production d'énergie sans émission de gaz à effet de serre.

Quelle est d'ailleurs la position du Gouvernement sur la construction du prototype de réacteur de la nouvelle génération, EPR ?

Enfin, ce budget comporte aussi les crédits des postes et télécommunications. Nous sommes indignés par les perspectives de fermeture de 500 à 700 bureaux supplémentaires d'ici à la fin de l'année, de disparition en quelques années d'un centre de tri sur deux. De même, nous dénonçons la déréglementation envisagée à l'horizon 2009.

Vous vous apprêtez à négocier le contrat de plan entre l'Etat et la Poste avec la volonté de renforcer l'application des directives européennes sur la concurrence des activités postales.

La priorité devrait être donnée au débat sur les enjeux de la décentralisation, au maintien des missions de proximité de La Poste ainsi qu'au règlement d'un problème hérité du passé : celui des multiples situations du personnel de La Poste.

Comment préparer le départ en retraite de 140 000 agents d'ici à 2009 ? Comment organiser les 17 000 bureaux de La Poste ? Bref, comment assurer le service public sur l'ensemble du territoire alors que les directives européennes s'orientent vers la loi du marché ?

France Télécom est encore un exemple de la faillite de la logique financière, même s'il ne faut pas exclure les erreurs de gestion de son état-major. Les directives de l'Etat actionnaire majoritaire se sont confondues avec les orientations libérales des actionnaires privés. Les conséquences sont lourdes. Elles affectent d'abord l'emploi, comme du reste à Alcatel. Il est vrai que M. Tchuruk prône les entreprises sans salariés ! France Télécom a aussi dû vendre TDF, service public, à une holding comprenant un fonds de placements écossais...

Un député UMP - Qui était le gouvernement à l'époque ?

M. Daniel Paul - ...et dont on peut être sûr qu'elle rentabilisera l'opération sans égards excessifs pour les salariés et en démantelant l'entreprise. Un véritable gâchis !

Pour aider France Télécom, il faudrait réduire les charges financières et baisser les taux d'intérêt. Mais le Gouvernement refuse d'entendre les organisations syndicales. Il n'a que des réponses capitalistes aux problèmes créés par la logique libérale. Les recettes sont connues : faire payer les salariés et les usagers, faire supporter les pertes par le public et privatiser les futurs bénéfices en démembrant l'entreprise. Nous proposons au contraire une politique de réappropriation publique de l'entreprise, reposant sur des droits nouveaux pour les syndicats et sur des garanties statutaires collectives.

Comme l'a dit Marie-George Buffet, les infrastructures de télécommunications en France doivent appartenir au domaine public et passer sous contrôle social. Les modalités de ces nationalisations d'un nouveau type doivent être discutées par les élus, les salariés et leurs syndicats, les usagers et leurs associations. Dans cet esprit, le Gouvernement a le devoir de s'opposer à la mainmise du britannique Vodafone sur une filiale de Vivendi Universal, qui ne ferait qu'envenimer la guerre économique qui fait rage dans le secteur et affaiblit l'Europe face aux Etats-Unis.

Ce sont bien deux conceptions de l'action publique qui s'affrontent ici. Vous avez choisi de répondre à la mobilisation sans précédent du patronat qui souhaite, au bout du compte, pouvoir licencier en paix. Nous voterons donc contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean Dionis du Séjour - Cette discussion sera pour le groupe UDF l'occasion de dépasser les simples chiffres pour aborder des questions qui préoccupent tous les Français. La politique industrielle qui transparaît dans ce budget n'appelle pas de commentaire particulier de notre part. Nous soulignons simplement l'effort qui est fait en faveur de l'innovation et de la recherche. En revanche, le secteur de la Poste et des télécommunications est à une croisée des chemins et les Français attendent des réponses claires sur deux des entreprises phares du secteur public.

La Poste tout d'abord, avec la libéralisation progressive du courrier, est au seuil d'un des plus profonds bouleversements de son histoire. Or elle n'est pas prête à l'affronter. Elle a en effet été abandonnée de façon scandaleuse par le gouvernement socialiste, qui n'a même pas pris la peine de signer le contrat de plan 2003-2005. Pourtant, 300 000 employés sont concernés ! Où en sont donc les discussions sur ce contrat et quand pourrons-nous l'examiner ?

La Poste regroupe trois métiers complémentaires : le colis, le courrier et la banque. Le premier est aujourd'hui complètement concurrentiel. En revanche, l'ouverture à la concurrence du courrier portera à La Poste un coup fatal si l'Etat ne l'accompagne pas. Cette activité représente en effet 60 % de son chiffre d'affaires. La fin du monopole est prévue dès 2003 pour les courriers de plus de 100 grammes, dès 2006 pour les courriers de plus de 50 grammes et elle sera totale en 2009. La Poste va donc subir une importante perte de recettes. Déjà, les clignotants sont allumés avec des résultats négatifs pour 2001 et sans doute pour 2002. Des décisions urgentes s'imposent.

La hausse des tarifs paraît d'abord inévitable. Le Premier ministre l'a exclue pour cette année, mais il ne s'est pas encore prononcé pour 2003. Le prix du timbre n'a pas augmenté depuis 1996. Nous plaidons pour une hausse à 0,5 euro, qui permettrait à l'entreprise de moderniser son système de traitement du courrier. Ensuite, le soutien de La Poste à la distribution de la presse doit être justement rétribué par l'Etat. Les crédits inscrits au budget ne sont que de 290 millions alors que le service en coûte plus de 500. Enfin, l'appareil de distribution de La Poste doit être modernisé. Disons-le franchement, cet impératif est contradictoire avec le rôle que l'on veut faire tenir à La Poste en matière d'aménagement du territoire. Les trois quarts des bureaux ne sont pas rentables. On ne résoudra pas cette contradiction avec des compromis timorés. Les futures lois de décentralisation doivent confier aux collectivités locales la responsabilité et les moyens d'assurer dans leurs locaux les services nécessaires à la vie de leur territoire. La Poste ne doit y contribuer qu'à la hauteur de ses activités commerciales.

Les activités financières de La Poste, quant à elles, sont en progression constante. Le chiffre d'affaires est passé de 3,5 milliards en 1999 à près de 4 milliards en 2001, malgré les restrictions qui sont imposées à l'entreprise. La Poste doit pouvoir élargir ses activités, sous réserve du respect des droits et devoirs qui sont applicables au secteur.

France Télécom, ensuite, est un sujet dont la gravité n'échappe pas à nos concitoyens. Les 230 000 employés de l'entreprise et son 1,6 million d'actionnaires vont être spécialement attentifs à nos débats, et nous leur devons la plus grande clarté.

Comment France Télécom a-t-elle pu devenir, avec 70 milliards de dettes, une des entreprises les plus endettées au monde ? Qui est responsable ? La chronologie est claire : le destin de France Télécom s'est noué en mai 2000, lors de l'achat d'Orange et d'une licence UMTS britannique pour 41,5 milliards d'euros. Certes, l'entreprise a aussi subi les effets pervers de la bulle financière qui s'était créée autour des télécoms et de la réglementation aberrante des licences UMTS. Mais où était donc passé le propriétaire, le gouvernement socialiste ? Il était le plus souvent aux abonnés absents, sauf lorsqu'il s'est agi d'imposer son idéologie dramatiquement archaïque : il a imposé l'emprunt pour l'achat d'Orange, pour ne pas descendre en dessous du seuil sacro-saint des 50 % de participation de l'Etat dans l'entreprise.

M. Daniel Paul - Heureusement !

M. Jean Dionis du Séjour - Le mythe des nationalisations a la vie dure. Il a coûté très cher à la France. Une révision complète du capitalisme d'Etat s'impose.

Le gouvernement Jospin nous a donc laissé une bombe financière à retardement. Nous demandons que toute la lumière soit faite sur l'étendue réelle de la catastrophe, puisque certains évoquent une dette qui serait plus proche des 80 milliards. France Télécom est-elle à court terme menacée de cessation de paiement ? Est-elle capable de faire face à l'échéance de 15 milliards qu'elle doit assumer en mars 2003 sans une intervention massive de l'Etat ? Y aura-t-il une avance d'actionnaires ? Où en est le rééchelonnement de la dette ?

A moyen terme, quel est le contenu du plan de recapitalisation et quelles en seront les conséquences budgétaires ? Les Français ont le droit de connaître la gravité de la situation. L'Etat est décidé à assumer enfin ses responsabilités d'actionnaire majoritaire. Il a raison, car France Télécom est une entreprise stratégique pour notre pays. Alain Lambert a estimé le besoin de recapitalisation à 15 milliards, et a invité les banques à y participer. Notre débat doit lever le voile sur les modalités de l'opération. Y aura-t-il une augmentation de capital de 15 milliards, avec une part de l'Etat à 9 milliards ?

Mercredi soir, le ministre a reporté le débat devant la représentation nationale à plusieurs semaines. Nous souhaitons qu'il ait lieu au cours de la discussion budgétaire.

La situation dramatique de France Télécom offre l'occasion de repenser son statut et de réorganiser le marché des télécommunications en France. En effet, la crise de l'opérateur historique n'est pas seulement financière.

France Télécom restera sans doute le moteur du développement des télécommunications en France...

M. le Président - Il faut conclure.

M. Jean Dionis du Séjour - ...mais le poids de sa dette la pénalisera durablement. Or, certains enjeux - comme le développement du haut débit - ne peuvent attendre. A cet égard, votre décision d'augmenter les crédits de régulation du marché va dans le bon sens.

Nous vous soumettrons une proposition innovante : la vente des réseaux de desserte de France Télécom aux régions.

M. Alain Gouriou - N'importe quoi !

M. Jean Dionis du Séjour - Leur gestion serait confiée à des sociétés d'économie mixte qui les loueraient aux différents opérateurs, mettant ainsi en _uvre une véritable concurrence. Les investissements seraient assurés dans le cadre des politiques d'aménagement du territoire, et la fourniture du haut débit pourrait être incluse parmi les prestations du service universel. La régulation serait plus efficace, chaque opérateur pouvant utiliser les infrastructures haut débit rapatriées dans le giron d'un service public régional. Particulièrement exposés aujourd'hui, les secteurs dont nous débattons restent des secteurs d'avenir.

Le groupe UDF votera ce budget. Il attend néanmoins les réponses urgentes qu'exige la situation (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Alain Gouriou - Je reviens moi aussi sur la partie de l'excellent rapport de M. Micaux consacrée aux télécommunications. Réduit, ce budget est aussi inadapté à la situation. Je regrette de n'avoir pu l'évoquer avec vous, Madame la ministre, ni au sein de la commission supérieure du service public des postes et des télécommunications, ni lors des débats de la commission des affaires économiques.

La situation des télécommunications est catastrophique. Après l'embellie des années 1998-2000, qui a contribué à la croissance économique de tous les grands pays industriels, l'éclatement de la bulle spéculatrice Internet a porté un coup fatal à l'ensemble du secteur : opérateurs, équipementiers ... En outre, les conditions d'acquisition des licences UMTS ont obligé les principaux opérateurs à s'endetter - à hauteur de 70 milliards d'euros pour France Télécom. Je suggère qu'une mission d'information ou une commission d'enquête parlementaire examine le rôle joué par la Commission européenne dans cette affaire. Je n'oublie pas, Madame la ministre, les éminentes fonctions que vous avez exercées au Parlement européen. Bref, ces ventes anticipées des licences UMTS à des prix faramineux - sauf en France - avant même que les technologies soient opérationnelles ont lourdement obéré les capacités d'investissement des opérateurs européens. L'acquisition de ces licences - hors réseaux - équivaut au tiers de la dette de France Télécom ! La technologie et le contenu des téléphones de la troisième génération sont pourtant encore loin d'être au point.

L'activité a dramatiquement chuté : chaque jour, de nouveaux plans de licenciement sont annoncés. Alcatel-CIT va supprimer 1 060 emplois supplémentaires. Le groupe, qui employait 99 000 personnes fin 2001, n'en comptera plus que 60 000 fin 2003. Ses concurrents - Mitsubishi, ACT à Angers, Nortel, Ericsson, Hewlett Packard, Gemplus... - réduisent tous leurs effectifs. Des bassins d'emploi et des technopoles comme ceux du Trégor et de Sophia-Antipolis sont sinistrés. Je vous ai écrit à ce sujet en juin et espère toujours une réponse... Les sous-traitants sont fatalement touchés. Ainsi de cette start-up trégorroise qui, après avoir créé un millier d'emplois en moins de deux ans, n'en compte plus qu'une soixantaine.

Une intervention vigoureuse de l'Etat est urgente si nous voulons maintenir notre pays aux tout premiers rangs dans le secteur. Les chefs d'entreprise - M. Tchuruk en tête - comme les salariés l'attendent.

Un effort s'impose dans le domaine de la recherche, notamment sur les composants électroniques et les logiciels, actuellement délaissés. Si nous approuvons l'effort consenti par le budget en faveur du groupe des écoles de télécommunication, nous déplorons que les crédits de recherche de ce groupe n'aient pas été réactualisés, que l'enveloppe du soutien au programme de recherche-développement diminue et que celle du réseau national de recherche en télécommunication - RNRT - ne soit que maintenue.

Il faut améliorer la coordination de la recherche au niveau européen, faute de quoi l'avenir des TIC en France et en Europe serait compromis.

Dans le domaine industriel, vous prolongez la décision du CIADT de juillet 2001 d'achever la couverture du réseau GSM. Il en faudra cependant plus pour relancer l'activité des équipementiers.

L'extension à l'ensemble du territoire des équipements ADSL offrirait à chacun l'accès à haut débit. Il faut aussi encourager davantage l'utilisation des NTIC auprès des PME ou des exploitants agricoles, et accroître l'équipement des administrations. Le débat sur la décentralisation devra faire une place aux collectivités locales en la matière. D'autres pistes sont à explorer pour que les télécommunications renouent avec la croissance. Cela implique que l'Etat joue pleinement son rôle. Ce budget ne vous en donne pas les moyens. Le groupe socialiste ne peut donc l'approuver (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrice Martin-Lalande - En matière de téléphonie mobile, couvrir les zones blanches est une exigence pour leurs habitants comme pour les clients. Une couverture à 100 % nécessitait 2,6 milliards de francs, le CIADT de juillet 2001 n'en a prévu qu'1,4. Si un accord a été trouvé entre les opérateurs, l'enveloppe reste la même, donc insuffisante.

Le montage financier devrait être validé au niveau européen : l'apport de 88 millions d'euros de l'Etat et des collectivités locales est-il compatible avec la réglementation communautaire ?

L'utilisation de l'itinérance locale en dernier ressort seulement risque d'allonger les délais de couverture des zones blanches, d'autant plus que les opérateurs la soumettront à expérimentation. Il faut s'assurer que le capital d'expérience disponible sera utilisé. Des accords d'itinérance existent déjà entre les opérateurs français à l'étranger, aux Antilles ou en métropole pour les abonnés d'Orange Caraïbe ou Orange UK.

Nous avons besoin de savoir comment - selon quels critères, quelles priorités - les 200 premiers sites mutualisés seront répartis sur le territoire. Comment les analyses menées par les départements avec l'ART seront-elles prises en compte ? Ces études seront-elles considérées comme la base de référencement des zones blanches ?

S'agissant du haut débit, la France est en retard puisque seuls 11 % des internautes en bénéficient. Les délais d'installation de l'ADSL ont été allongés. France Télécom a pu en installer un million sur le territoire, créant un quasi monopole de fait qui constitue une distorsion de concurrence.

S'agissant des satellites, j'ai défendu en première partie de la loi de finances un amendement allégeant le coût d'utilisation du satellite pour la réception haut débit. Il sera repris, avec l'accord du Gouvernement, dans le collectif. Veillons à assurer l'accès de tout le territoire au haut débit.

Nous nous inquiétons également de l'avenir d'Eutelsat.

Le câble est indispensable pour ouvrir la concurrence sur le haut débit. Or, il risque d'être pénalisé sur une partie du territoire par la télévision numérique terrestre.

L'UMTS enregistre un retard considérable. Les milliards qui ont été prélevés en Europe ont abouti à stériliser des fonds au détriment des équipementiers.

Nous nous inquiétons aussi pour la couverture.

Le cahier des charges de l'ART prévoit que seulement 60 % du territoire soit couvert en 2009. N'eût-il pas été de meilleure méthode de réduire les tarifs d'accès imposés aux opérateurs - 32,5 milliards de francs - et d'élargir l'obligation de couverture ?

Le Parlement sera saisi prochainement de plusieurs textes importants, notamment de ceux visant à transposer le deuxième paquet télécom. Souhaitons que cela nous donne enfin l'occasion d'un vrai débat sur Internet et sur la société de l'informatique, qui n'a jamais eu lieu au cours de la législature précédente.

S'agissant du service universel, le calcul du coût pour les opérateurs alternatifs doit se fonder sur le chiffre d'affaires et non plus sur le volume de trafic. Je défendrai un amendement à ce sujet. En tout état de cause, il importe de diminuer le coût d'accès à l'Internet en bas débit afin que toujours plus de nos concitoyens puissent en disposer. Nous devons dès à présent réfléchir à la renégociation de 2005 tendant à élargir le service universel. Anticipons les problèmes pour nous placer en bonne position. Il faut inclure le haut débit et la téléphonie mobile dans le champ de la négociation.

Chacun l'aura compris, il reste donc beaucoup à faire pour que la France tienne son rang dans la société de l'information et rattrape les retards qu'elle a accumulés.

M. François Asensi - L'ouverture annoncée du capital d'EDF et GDF et la libéralisation progressive des marchés énergétiques font peser de lourdes menaces sur le service public. Dans la droite ligne des positions du MEDEF, le Gouvernement considère que le statut public d'EDF entrave son développement international. Aucun traité n'interdit pourtant le développement des entreprises publiques à l'étranger ; l'article 295 du traité CE dispose même que la règle européenne « ne préjuge en rien du régime de la propriété dans les Etats membres ». Autre argument avancé en faveur d'une privatisation d'EDF - et je dis bien privatisation car l'« ouverture du capital » n'est qu'un premier pas vers la privatisation -, la baisse des tarifs. Les faits démontrent qu'il n'en serait rien. En Suède, les tarifs ont augmenté de 25 % après la privatisation, cependant qu'au cours des quatre dernières années, EDF a baissé les prix de 14 % ! Notre électricité hors taxe est aujourd'hui la moins chère d'Europe. Aucun argument relevant de l'intérêt des consommateurs n'est donc recevable. Nul n'ose d'ailleurs mettre en doute la réussite d'EDF-GDF ou mettre en avant l'intérêt du personnel pour justifier la privatisation. Face à des arguments aussi fallacieux, des craintes bien réelles subsistent.

L'exemple de France Télécom montre que l'ouverture du capital transforme le but de l'entreprise en recherche effrénée de la meilleur rémunération possible des capitaux en bourse. Pour EDF, cela conduirait à mettre fin à la péréquation géographique complète et à l'égalité d'accès au service. Seraient ainsi restés dans l'oubli les formidables élans de solidarité qui ont caractérisé les salariés d'EDF après les tempêtes de décembre 1999.

M. Patrice Martin-Lalande - C'est vrai ! Ils ont vraiment bien travaillé !

M. François Asensi - Les mêmes sont aujourd'hui très inquiets pour leur statut !

Le Gouvernement doit les rassurer, notamment pour ce qui concerne l'avenir de leurs retraites. Le problème des retraites soulève d'ailleurs d'autres questions. Dans le cadre de l'ouverture du capital, si EDF doit provisionner 41,6 milliards pour les retraites, la somme à laquelle pourra prétendre l'Etat sera limitée à 23 milliards et encore s'agit-il d'une valeur toute théorique, qui ne prend en compte ni la déprime du marché ni le risque financier inhérent à l'obligation de renouveler le parc nucléaire. Les bénéfices escomptés sont donc dérisoires au regard des risques pour l'entreprise et pour le service public.

La perspective de privatisation pose aussi la question du maintien de l'indépendance de la France et de l'Europe dans leur approvisionnement et dans leur politique énergétique.

Avec la constitution de la firme EON-Rhurgas, l'Allemagne vient de se doter d'un atout fondamental pour assurer sa sécurité d'approvisionnement. Grâce à EDF-GDF, la France peut constituer un pôle public français équivalent, et enrichir ses coopérations avec la nouvelle firme allemande pour donner à l'Europe des capacités démultipliées.

La privatisation d'EDF et de GDF rendrait ce projet impossible car ce serait alors Total ou Suez - firmes privées dépendantes des fonds de pension américains - qui seraient sur les rangs pour les démanteler

La recherche de la rentabilité des capitaux à court terme conduirait en outre EDF à s'inscrire dans une stratégie limitée à l'intérêt immédiat de actionnaires, alors que la politique énergétique doit se placer dans le long terme et viser l'intérêt général. La politique énergétique doit concourir au développement durable, ce qui exige des investissements lourds.

A l'heure où l'Europe s'engage vers la privatisation et la libéralisation des marchés énergétiques, de nombreux exemples étrangers devraient nous alerter contre cette politique aventureuse. Aux Etats-Unis, on assiste ainsi, après la faillite spectaculaire d'Enron, à une remise en cause de la libéralisation. Au Royaume-Uni, Tony Blair étudie des scénarios de re-nationalisation des centrales nucléaires pour ce qui concerne leur démantèlement ou leur maintenance lourde, tout en laissant au privé les profits sur les kWh vendus. Voilà les bonnes recettes des privatisations : nationalisation des risques et des pertes, privatisation des profits !

L'énergie, l'eau, les transports sont des domaines trop sensibles pour être soumis aux aléas du marché. Ils appellent des politiques publiques fortes, que seul l'Etat peut vraiment maîtriser. Telle est notre vision d'un Etat moderne et progressiste, avant tout préoccupé par le respect des principes républicains et par le bien-être de sa population (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. François Grosdidier - Si je partage quasiment toutes les orientations de votre budget et si je me réjouis de l'augmentation exceptionnelle - 91 % - des crédits de paiement destinés à la reconversion industrielle, l'évolution des crédits de la gestion après-mines, en diminution de 32,8 %, m'inquiète vivement. A l'évidence, l'évolution des crédits est inversement proportionnelle à celle des besoins. La sous-consommation des crédits inscrits l'année dernière a pu aboutir à ce résultat mais cela ne fait qu'ajouter au scandale de la mauvaise indemnisation des victimes des dégâts miniers.

Madame la ministre, je n'incrimine pas votre gestion.

Ce dossier complexe a été véritablement « embrouillé » par votre prédécesseur. Il est temps de comprendre pourquoi les mécanismes mis en place ont abouti à des solutions d'indemnisation aussi choquantes, laissant des sinistrés dans une détresse absolue quatre ou cinq ans après les événements.

Dès que sera achevé ce travail de clarification, les crédits inscrits seront rapidement consommés et je prends le pari qu'il faudra les augmenter, dans le collectif annoncé par M. Mer.

Quelques minutes de pédagogie pour nos collègues qui ne connaissent pas le bassin minier ferrifère. Lorsqu'on a fermé les mines et interrompu le pompage des eaux d'exhaure, ces eaux ont eu deux effets : elles sont sorties du sol là où on ne les attendait pas et elles ont érodé les piles qui soutenaient les galeries, provocant des fissures dans les habitations situées au-dessus et dans les réseaux d'assainissement.

Ce problème relève de l'Etat, l'exploitation minière étant une activité concédée. L'Etat qui reste propriétaire du sous-sol, définit les prescriptions d'exploitation et en garantit le respect en assurant la police des mines. Dès lors que l'exploitant a respecté ces prescriptions et acquitté la redevance minière, il ne peut être tenu pour responsable d'événements que l'Etat n'a pas prévus. Cette vérité d'évidence, l'exploitant minier me la rappelait en 1997. Il s'appelait Francis Mer - PDG d'Usinor-Sacilor - et il avait raison ! Le régime de la responsabilité sans faute de l'Etat devrait s'appliquer. Or, l'Etat se défausse au motif qu'aux termes du code minier, il n'est responsable qu'en cas de défaillance de l'exploitant.

C'est ainsi que depuis des années, les sinistrés désemparés assistent à une partie de ping-pong entre l'Etat, l'exploitant et ses multiples assureurs. L'espoir d'une juste indemnisation s'évanouit dans la longueur des procédures judiciaires.

Si les assureurs et l'Etat ont finalement fait des propositions d'indemnisation, celles-ci sont restées scandaleusement insuffisantes.

Des ménages modestes de retraités sont expulsés de la petite maison où ils aspiraient à finir leurs jours après une vie passée dans les mines de fer ! Déracinés, ils n'ont plus de jardin car on les a relogés en immeuble collectif. Ils ont souvent perdu l'espoir de récupérer leur modeste patrimoine avant de quitter ce monde ! D'autres vivent depuis des années au-dessus d'une cave inondée, dans l'humidité et les moisissures. Dans certains cas, l'indemnisation proposée pour une maison avec jardin ne suffit même pas à payer un terrain à bâtir. A Moyeuvre-Grande, certaines propositions sont inférieures à 200 000 F pour une maison individuelle avec jardin. Est-ce tolérable ?

En France, si vous êtes inondé par l'eau d'une crue, vous êtes reconnu comme sinistré. Si vous l'êtes par l'eau d'exhaure, il n'en est rien ! Si votre maison est fissurée par un glissement de terrain, vous êtes victime d'une catastrophe naturelle et à ce titre indemnisé selon la valeur de reconstruction à neuf. Si elle l'est par un affaissement minier, vous n'avez droit qu'à la valeur vénale. Une telle injustice n'est pas supportable d'autant que le législateur a voulu autre chose, à l'unanimité de l'Assemblée nationale et du Sénat. La proposition de loi portant la dernière modification du code minier prévoyait d'indemniser selon la valeur de reconstruction à neuf, comme pour les catastrophes naturelles. Votre prédécesseur avait présenté un amendement visant à la remplacer par la valeur vénale. Le Parlement l'a expressément refusé.

Il a alors proposé un compromis, fondé sur une indemnisation permettant de retrouver dans des délais raccourcis la propriété d'un bien de confort équivalent. En toute bonne foi, la représentation nationale l'a accepté car cette formule correspondait à l'urgence du besoin. Mais la représentation nationale a été abusée puisque les décrets d'application font à nouveau référence à la valeur vénale !

Sous votre prédécesseur, l'exécutif a abusé un Parlement pourtant unanime, travesti la loi et lésé les sinistrés. C'est le scandale dans le scandale. Madame la ministre, nous ne pouvons pas en rester là. Des sinistrés attendent depuis cinq ans. Certains sont déjà partis de mort naturelle, dans le désespoir d'avoir tout perdu ! L'un s'est suicidé en exprimant son désarroi dans la lettre qu'il nous a laissée. Il y a urgence pour ceux-là, à Moyeuvre ou Roncourt, même en utilisant des moyens dérogatoires ! Et pour les prochains ! Car il y en aura avec l'ennoyage annoncé du bassin Nord. Il faut penser dès à présent à leur éviter ce calvaire.

Je compte, Madame la ministre, sur votre fermeté à l'égard de Bercy et sur votre humanité à l'égard des sinistrés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Garrigue - Véritable drame humain, la catastrophe de Toulouse a suscité une émotion bien légitime et il est compréhensible, dans ce contexte, que soit intervenue la décision de fermer certains sites ou d'appliquer avec plus de rigueur les procédures de contrôle. Attention cependant à ne pas compromettre l'avenir de notre industrie chimique.

S'agissant de la SNPE, les enquêtes n'ont abouti à aucune mise en cause et les installations industrielles du site de Toulouse ont parfaitement résisté.

Le site a néanmoins été fermé, ce qui s'est traduit par un plan social concernant 500 salariés, un redéploiement des activités au sein du groupe, des pertes commerciales et de parts de marché et même des cessations d'activités. Pourtant aucune compensation n'a été prévue à ce jour pour la SNPE. Je sais bien qu'il s'agit d'un groupe public, bénéficiant à ce titre de la garantie de l'Etat, mais c'est aussi un groupe soumis à la concurrence internationale, et qui doit honorer sa signature vis-à-vis des banques. En l'absence de toute compensation, son avenir risque d'être compromis.

Deuxième problème : les plans particuliers d'intervention. Alors que notre pays compte quelque 670 établissements classés « Seveso » et que les plans en question impliquent le recours à une tierce expertise, il n'y a en tout et pour tout que huit acteurs agréés pour mener ces expertises. Il en résulte un embouteillage très préjudiciable aux entreprises concernées, bloquées dans leurs projets et leurs investissements, ainsi qu'à toutes les activités au voisinage de ces entreprises. Il faudrait soit plus de cabinets agréés, soit développer les moyens des DRIRE, ou bien permettre l'établissement de PPI provisoires qui permettent de prendre certaines décisions en attendant que toutes les procédures aient été menées à terme.

Troisième problème : l'avenir même de notre industrie chimique. Occupant le second rang européen et le quatrième rang mondial, elle est bien sûr soumise à une très forte concurrence. Elle exporte 60 % de sa production et dépend pour moitié des investisseurs étrangers, c'est dire combien il importe que notre territoire reste attractif. Toutes les mesures récentes d'assouplissement et d'allégement des charges vont dans ce sens, mais les procédures tatillonnes auxquelles l'industrie chimique est soumise peuvent décourager des investisseurs - et ce d'autant plus que certaines DRIRE se déterminent selon une méthode non pas probabiliste, mais déterministe. Il est indispensable, Madame la Ministre, de donner aux DRIRE des directives très fermes afin qu'elles unifient leur méthodologie et tiennent davantage compte des contraintes industrielles.

L'industrie chimique représente un enjeu considérable pour l'économie et l'emploi. Je suis sûr que le Gouvernement fera le nécessaire pour qu'elle puisse se développer dans un contexte plus clair et plus favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Decool - La discussion du présent budget me donne l'occasion d'aborder un thème qui préoccupe beaucoup d'élus ruraux : l'implantation de la Poste dans nos campagnes et villages.

A l'heure où la seconde directive postale européenne doit entrer en vigueur, beaucoup de questions relatives à l'organisation de la Poste sur le territoire français restent en suspens. Le contrat de plan signé le 25 juin 1998 entre elle et l'Etat pour la période allant jusqu'à 2001 avait posé les objectifs : la Poste devait trouver un équilibre entre la satisfaction des besoins des usagers et la rentabilité financière de ses activités. Elle devait pour cela adapter son réseau, en portant une attention particulière aux zones les plus sensibles. Avec 17 000 bureaux de poste et 300 000 agents répartis sur toute la France, La Poste dispose d'un maillage territorial très dense, mais ce résultat cache une réalité inquiétante : 19 000 communes n'ont plus de présence postale. Et dans les villages, le service postal est de plus en plus inadapté. Les horaires de levée du courrier et d'ouverture des bureaux de poste ne prennent pas en considération les besoins des usagers ; 18 % des bureaux de poste ne fonctionnent pas plus de deux heures par jour, et l'été de nombreux bureaux ferment, faute de personnel, obligeant les usagers à se déplacer loin pour déposer leur courrier. Cette entreprise applique une logique de rentabilité et de profit contraire à sa mission de service public (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Elle cherche à maîtriser ses dépenses en sacrifiant son implantation locale alors que de nombreuses communes, notamment dans le Nord, ont mis à sa disposition des locaux fonctionnels et agréables pour des loyers très modestes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Or, le coût réel du maintien de La Poste en milieu rural est estimé à 600 millions sur un montant annuel de dépenses de 13,7 milliards d'euros, soit seulement 4,3 % des dépenses.

Les bureaux de poste jouent un rôle primordial dans nos campagnes. Non seulement ils assurent la distribution du courrier, mais aussi, un service bancaire minimum. Ils constituent des lieux de rencontre et de sociabilité d'autant plus indispensables que les petits commerces ont disparu. Le passage du facteur contribue au maintien d'un lien social et humain pour des personnes seules et âgées.

Il convient donc de réorganiser territorialement La Poste. Cela ne doit pas se faire, comme le disait très justement M. Delevoye, ministre de la fonction publique, par la condamnation d'un territoire, mais au contraire en ayant en vue l'aménagement du territoire, et bien sûr la qualité du service rendu (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Tous les citoyens doivent avoir accès au service de La Poste dans un périmètre raisonnable, et le service doit tenir compte de la spécificité des usagers concernés. Il appartient à l'exploitant public de combiner service de proximité et maîtrise de ses coûts. Le prochain contrat de plan entre La Poste et l'Etat pour 2002-2005 devra mettre en _uvre les moyens d'aboutir à ce résultat, et cela en concertation avec les élus locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Je remercie sincèrement les rapporteurs et les députés pour la qualité de leurs interventions. Je vais essayer de répondre précisément aux nombreuses questions qui m'ont été posées, mais j'en appelle par avance à votre indulgence si certaines ne reçoivent pas une réponse dès aujourd'hui.

Ce budget pour 2003 a une grande ambition, celle de favoriser la compétitivité des entreprises françaises. Dans un contexte ô combien difficile, les crédits d'investissement, ceux qui permettent de préparer l'avenir, ont été stabilisés. Par souci d'une gestion rigoureuse des deniers publics, les dépenses courantes diminuent de 1,1 % tout en permettant, grâce à l'utilisation des soldes disponibles, de financer des actions prioritaires. Je remercie M. Novelli de l'avoir reconnu.

M. Masdeu-Arus a eu raison de souligner que ce budget s'inscrit dans un ensemble plus vaste de réformes qui visent à refonder la politique énergétique française, le but étant que celle-ci soit indépendante, sûre et équilibrée. Dans un monde de plus en plus ouvert, la libéralisation des marchés, en particulier ceux de l'énergie, se poursuit partout dans le monde, entraînant restructurations et création de grands ensembles régionaux. Dans ce monde de plus en plus complexe, les problèmes environnementaux se posent de façon globale et deviennent un élément déterminant du dialogue Nord-Sud, comme l'a opportunément souligné le Président de la République lors du Sommet de Johannesburg. Le monde est aussi de plus en plus incertain, comme en témoignent les attentats du 11 septembre, les drames actuels du Moyen-Orient, la menace sur l'Irak. Tout cela montre bien que la sécurité de l'approvisionnement reste une exigence très actuelle.

Face à ces évolutions, le Gouvernement entend à la fois poursuivre et encadrer la libéralisation des marchés de l'énergie, avec le souci de concilier concurrence et service public - ce qui est parfaitement possible, Monsieur Bataille ! Tel est l'objet du projet relatif aux marchés énergétiques, qui vous sera soumis dans quelques semaines, et tel est l'objet des discussions en cours à Bruxelles sur le deuxième paquet de directives Gaz et Électricité. Au demeurant, comme l'a souligné M. Masdeu-Arus, notre marché est parfois plus ouvert, dans les faits, que ceux de nos partenaires - et j'ai récemment écrit à la commissaire compétente pour l'interroger à ce sujet.

M. Christian Bataille - Mais alors pourquoi ouvrir davantage ? Pourquoi vous tirer une balle dans le pied ?

Mme la Ministre déléguée - Nous voulons donner à EDF et à GDF les moyens de s'adapter à la libéralisation et de devenir deux grandes entreprises européennes, faisant référence dans le monde, selon la formule de M. Cousin. Cela passera par la transformation de leurs statuts et par l'ouverture minoritaire de leur capital, qui leur permettra de nouer des alliances et de réunir les capitaux nécessaires à leur développement en évitant un endettement aux conséquences difficilement maîtrisables. Tout cela sera mené à bien, Monsieur Asensi, sans que soient remis en cause le statut des agents et le système actuel de financement des retraites.

La France sera en outre dotée d'une loi d'orientation sur l'énergie, au terme d'un grand débat national qui se tiendra au début de l'année prochaine. Ce texte définira nos grandes options en matière d'énergie nucléaire, d'énergies renouvelables, de sécurité et d'approvisionnement. Bien évidemment, nous veillerons, Monsieur Novelli, à contrôler comme il convient les organismes intervenant dans ces secteurs. Je tiens aussi à rassurer M. Masdeu-Arus : un avenant est en cours de signature en vue de conforter le budget de l'IFP.

C'est à juste raison que M. Novelli a insisté sur l'importance de l'innovation pour assurer la compétitivité de nos entreprises. Nous entendons donc ne pas négliger ce facteur. Au cours des dernières années, la croissance dans les pays développés a été due, en effet, pour moitié aux secteurs innovants et à la diffusion de l'innovation dans les entreprises. L'innovation permet des gains de productivité, améliore la compétitivité de nos produits sur les marchés européens et mondiaux, donne naissance à de nouvelles activités et facilite la maîtrise des secteurs-clés de la science et de la technologie. Malheureusement, on n'a jusqu'ici consenti que des efforts insuffisants en sa faveur. Dès ma prise de fonctions, j'ai donc lancé un important travail de réflexion, en plein accord avec M. Mer et avec le Premier ministre, et en liaison étroite avec Mme Haigneré. Nous explorons plusieurs pistes à partir des propositions formulées par les entreprises ou par leurs instances représentatives. Notre propos n'est pas d'élaborer un nouveau plan-recherche, mais bien d'offrir aux entreprises des mécanismes efficaces. Je présenterai avant la fin de l'année une série de mesures qui sera soumise à concertation.

Regrettant seulement qu'il n'ait pas pu être plus substantiel encore, je n'insisterai pas sur l'effort consenti en faveur de la formation des ingénieurs, en particulier en faveur de l'Ecole des Mines et du groupe des écoles des télécommunications.

Les capacités d'intervention en faveur des PMI seront maintenues à un haut niveau : ce sont en effet 236 millions d'euros qui seront consacrés, pour l'essentiel, à l'ANVAR et aux actions, gérées contractuellement à l'échelon régional, pour le développement des PMI et pour la diffusion des technologies.

M. Dionis du Séjour a justement rappelé la nécessité de mener une politique dynamique en matière de reconversions et de restructurations industrielles. A ce propos, je ne puis être totalement d'accord avec M. Novelli : si la gestion des effets sociaux des crises relève incontestablement du ministère des affaires sociales, ces restructurations doivent rester du ressort du ministre de l'industrie et je n'entends pas, pour ma part, me démettre de cette responsabilité ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) C'est à mon département qu'il appartient de travailler à la sauvegarde des emplois et des activités, en étroite liaison avec le comité interministériel des restructurations industrielles et avec les collectivités. Je suis heureuse donc que les moyens de la politique d'accompagnement et de redéploiement industriel aient pu être augmentés notablement pour l'an prochain. Nous veillerons à les utiliser partout où ce sera nécessaire, en concertation avec les élus concernés.

Monsieur Garrigue, la décision difficile que nous avons prise, s'agissant de la SNPE de Toulouse, n'implique en rien un renoncement à défendre notre industrie chimique, la deuxième d'Europe. J'ai reçu à plusieurs reprises les principaux chefs d'entreprise du secteur et nous intervenons fermement en faveur de celui-ci à l'échelle de l'Union. Tout récemment encore, j'ai rappelé au commissaire compétent l'attachement de la France à cette industrie.

Je vous rassure, Monsieur Grosdidier : nous respecterons intégralement les engagements pris pour « l'après-mines ». L'évolution des crédits du volet réparation s'explique par l'échéancier des travaux engagés. Quant aux crédits du volet prévention, ils augmenteront pour garantir la surveillance des zones à risque.

L'examen de ce budget est un moment privilégié pour évoquer l'avenir de la Poste. Comme l'ont noté MM. Micaux et Joyandet, 2003 sera une année décisive à cet égard, avec la signature d'un nouveau contrat de plan. Le Gouvernement a nommé un nouveau président qui devrait soumettre des propositions en novembre, de sorte que nous pourrions aboutir au cours du deuxième trimestre de 2003.

A partir de 2003, une nouvelle étape sera franchie dans la libéralisation du courrier. Le courrier de plus de 100 grammes, au lieu de 350 grammes aujourd'hui, pourra être librement distribué. Mais la directive européenne reconnaît les missions de service universel de la Poste et c'est un grand succès obtenu par la France, avec la contribution de tous nos députés au Parlement européen. Les missions actuelles de service public s'en trouvent confortées et le Gouvernement veillera à l'amélioration constante de la distribution du courrier. Compétitivité et service public, je le répète, ne sont en rien incompatibles.

La politique tarifaire sera prévue dans le budget 2003 de la Poste, Monsieur Dionis du Séjour, et une trajectoire tarifaire sera organisée par le contrat de plan.

La loi confie deux missions de service public à la Poste : la distribution du courrier six jours sur sept, et le transport et la distribution de la presse. A cela s'ajoutent des missions d'intérêt général : contribution à l'aménagement du territoire, présence dans les zones urbaines sensibles et gestion du livret A. Ces missions sont financées conjointement par l'Etat et par la Poste. A cet égard, l'équilibre actuel ne sera pas remis en cause.

Notre Poste traite aujourd'hui le plus fort trafic de courrier en Europe, moyennant des tarifs parmi les plus faibles. Elle est devenue un acteur puissant sur les marchés des services financiers et de la distribution des colis. Tout cela témoigne d'une forte compétitivité que nous nous emploierons à renforcer. Le recours aux technologies les plus performantes fait partie de la tradition postale. Ces évolutions seront menées dans le cadre d'un dialogue social avec les organisations syndicales et les personnels concernés.

L'accroissement de la part du courrier en concurrence et les observations des autorités européennes me conduisent à m'interroger sur le dispositif le plus pertinent pour la régulation du secteur postal. Je ferai des propositions au Premier ministre et le Parlement sera, le cas échéant, amené à se prononcer.

Monsieur Gouriou, j'ai été auditionnée par la commission économique en juillet dernier, mais je n'ai pas été invitée par la commission des finances.

M. Alain Gouriou - Il s'agit ici de la commission de la production !

Mme la Ministre déléguée - Quant à la commission supérieure du service public, je souhaite échanger avec elle dès que son président sera désigné.

La renégociation des accords entre La Poste, l'Etat et la presse figure à l'agenda de l'année 2003 et l'Etat a déjà inscrit 290 millions d'euros à cet effet dans la loi de finances.

Vous avez été nombreux à intervenir sur les télécommunications. Ce secteur est confronté à de graves difficultés, mais reste essentiel dans l'économie et garde tout son potentiel de croissance. Le Gouvernement mettra tout en _uvre pour faciliter son développement. Alcatel est aujourd'hui victime d'une crise mondiale mais il reste le leader mondial des technologies d'accès à Internet haut débit. Monsieur Micaux, nous développerons ce secteur, ainsi que celui de la couverture mobile sur l'ensemble du territoire.

M. Dionis du Séjour m'a interrogée sur l'avenir de France Télécom, grande entreprise stratégique qui emploie 240 000 personnes. Le Gouvernement est conscient de ses difficultés, liées à des investissements hasardeux. M. Thierry Breton dresse un état des lieux depuis le 2 octobre et proposera les orientations d'un plan de redressement financier.

Comme l'a précisé M. Francis Mer, le renforcement des fonds propres de France Télécom est indispensable mais les modalités n'en sont pas encore fixées. Elles le seront, en tout état de cause, en liaison avec les actionnaires et les investisseurs. L'Etat soutiendra financièrement cette opération en jouant son rôle d'actionnaire dans le cadre des règles communautaires.

Monsieur Micaux, concernant les crédits de l'Etat en faveur de la couverture des zones blanches, les crédits budgétaires sont à la DATAR, donc dans le budget de M. Jean-Paul Delevoye. Nous travaillons en concertation sur le développement de la couverture mobile du territoire. Ces crédits cofinancent les investissements des collectivités locales pour les pylônes.

Enfin, Monsieur Martin-Lalande, je présenterai dès la fin janvier de l'année prochaine un projet de loi sur l'économie numérique pour renforcer la confiance dans le commerce électronique.

Ce budget a pour objectif de renforcer l'attractivité des industries françaises dans le paysage européen et mondial, par une politique industrielle moderne dont la dimension européenne est évidente. Je fonde beaucoup d'espoirs sur le nouveau conseil européen de compétitivité dont le rôle sera de faire du « site France » un pôle compétitif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

M. David Habib - Soumise à des logiques financières, à un environnement international dégradé et à une vague de licenciements, l'industrie française échappe à la conduite publique. Il est regrettable que l'Etat réponde à cette situation par le gel de la loi de modernisation sociale.

Permettez-moi d'évoquer la situation du pôle industriel de Lacq, dans les Pyrénées Atlantiques. Depuis 50 ans, ce gisement produit une matière première de qualité, assurant une partie de l'indépendance gazière de la France. Son extinction définitive n'est prévue qu'en 2010.

En mai 2000, un CIADT a confirmé les efforts déjà réalisés pour maintenir ce savoir-faire chimique en favorisant un passage de la chimie d'extraction à la chimie fine. Des mesures en matière d'infrastructures, de formation, de protection de l'environnement, de sécurité des sites Seveso, de soutien aux unités de recherche étaient adoptées.

Une décision a été également prise en 2001 en matière d'injection. Tous les premiers ministres depuis 30 ans ont compris l'importance de ce procédé, sans toutefois l'autoriser. Lionel Jospin l'a fait, en contrepartie de l'engagement des industriels à investir et créer des emplois. Or, depuis près d'un an, nous attendons toujours un signe de Total Fina Elf, qui doit tout au bassin de Lacq.

Des aides à l'investissement ou des soutiens à la reconversion seront probablement sollicitées par le Groupe Total Fina Elf : il faudra tout entreprendre pour assurer des contreparties.

De quelle manière comptez-vous contractualiser avec les grandes industries nationales qui sollicitent vos services ?

Mme la Ministre déléguée - Le ministère se sent concerné par tout ce qui permet de gérer les crises et par le cas de Lacq en particulier. Je vous ai entendu, et nous examinerons dans les meilleurs délais quelle sera l'action la plus efficace.

M. Alain Gouriou - Pourriez-vous nous informer de l'état de la négociation du nouveau contrat de plan avec La Poste  ?

Les salariés s'inquiètent des restructurations annoncées quant au maintien des bureaux et des centres de tri. La stabilisation de la charge des retraites pour La Poste est-elle confirmée dans le futur contrat ?

Quelle est la position du Gouvernement sur une éventuelle extension des services financiers de La Poste  ?

Si la situation de quelques centaines d'administrateurs qui, au sein de France Télécom, avaient choisi de garder leur statut de fonctionnaires des ex-PTT, a été réglée au printemps dernier, il n'en va pas de même pour les 6 000 autres fonctionnaires Nous convenons d'ailleurs que le gouvernement précédent n'a pas pris les mesures que nous attendions (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) . La conséquence en est le blocage de la progression de carrière des fonctionnaires.

Une nouvelle convention collective doit être signée en janvier 2003. Quelles mesures envisagez-vous de prendre afin que ces fonctionnaires soient rétablis dans leurs droits ?

Mme la Ministre déléguée - En ce qui concerne l'avenir de La Poste, je ne peux vous en dire plus que tout à l'heure. Jean-Paul Bailly travaille activement. Il mène une concertation approfondie avec l'ensemble des intéressés, dont en premier lieu bien sûr les salariés, et sera en mesure de présenter ses propositions fin novembre. Il serait tout à fait incongru que la ministre affiche des orientations personnelles à ce stade.

Je peux toutefois vous assurer que les questions des statuts et des retraites seront bien sûr appréhendées de façon rigoureuse et dans le respect des droits acquis. Nous comptons mener un dialogue social d'une toute particulière qualité avec tous ceux qui contribuent avec compétence et dévouement à assurer le service public dans l'ensemble du territoire, comme c'est le cas aussi par exemple pour EDF et GDF.

Enfin, en ce qui concerne France Télécom, le Gouvernement tiendra bien entendu le plus grand compte de la situation des actionnaires et des salariés. Les deux se recoupent d'ailleurs parfois, puisqu'un grand nombre de salariés sont actionnaires et connaissent aujourd'hui une situation très difficile. Leur avenir social passe de toute façon par un dialogue social extrêmement étroit.

M. Philippe Auberger - Le développement international d'EDF est préoccupant, et l'audition de son président François Roussely, le 18 septembre, a été loin de rassurer la commission. EDF a pris des participations importantes au Brésil et en Argentine, qui se sont révélées coûteuses et même aujourd'hui hasardeuses. Les rapporteurs ont accompli un travail remarquable sur ce sujet. L'entreprise vient d'ailleurs de prendre une nouvelle participation en Chine. Mais c'est en Europe que le développement international d'EDF se justifie surtout.

Par ailleurs, ces prises de participation sont financées par l'endettement. On a vu ce que cela pouvait entraîner avec France Télécom. Il conviendrait peut-être d'attendre l'ouverture du capital d'EDF, qui permettrait de procéder à des échanges d'actions moins coûteux et surtout moins risqués. Le Gouvernement doit, dans la perspective de cette ouverture du capital et pour améliorer les comptes de l'entreprise, revoir la politique internationale d'EDF et donner des directives strictes à son président.

Mme la Ministre déléguée - La question pourrait se poser en termes identiques pour GDF, sauf pour ce qui est de la situation particulière que vous avez décrite. Le développement de ces sociétés est nécessaire, et un effort d'investissement doit donc être poursuivi. C'est pourquoi je vous demanderai prochainement de transposer la directive européenne sur le gaz, qui va permettre à GDF d'avoir accès à des marchés qui jusqu'à présent lui étaient fermés comme celui de l'Espagne par exemple.

Pour ces entreprises, le développement international doit prioritairement viser le marché domestique, c'est-à-dire l'Europe. Cela n'exclut pas un développement plus lointain, mais qui doit rester secondaire et maîtrisé. Je ne suis pas sûre que ce soit bien le cas pour les investissements d'EDF que vous avez évoqués. Quoi qu'il en soit, nous devons faire avec. Nous sommes en concertation étroite et quasiment permanente avec le président Roussely pour élaborer une stratégie, dans le contexte de la modification du statut de l'entreprise et de l'ouverture de son capital. Des décisions devront peut-être intervenir avant l'ouverture de capital, mais vous comprendrez que je ne puisse vous en dire plus pour l'instant.

M. Yves Coussain - Je voudrais d'abord vous interroger sur la couverture des territoires ruraux par la téléphonie mobile. En juillet 2001, le CIADT de Limoges avait suscité beaucoup d'espoir, puisqu'en trois ans, l'ensemble du territoire devait être couvert. Mais depuis un an et demi, rien n'a été fait. Quel est le rythme d'investissement programmé, et selon quels critères les territoires d'expérimentation seront-ils choisis ?

Le principe d'itinérance dans les secteurs les moins peuplés sera-t-il appliqué ? Dans ces zones non rentables où les collectivités sont obligées de s'impliquer fortement, ce serait un véritable gaspillage que chaque relais ne puisse être utilisé que par un seul réseau. Comment les investissements nécessaires seront-ils répartis ?

Le haut débit, par ailleurs, a été considéré à ses débuts comme une opportunité de désenclavement. Il est devenu depuis une source d'inégalités. Les zones de faible densité avaient espéré s'en servir pour développer des services à distance et ainsi fixer des emplois et des populations, mais l'accès au haut débit ne leur est pas assuré. Que comptez-vous faire pour que la loi du marché ne les laisse pas sur le côté ?

Mme la Ministre déléguée - La couverture du territoire par la téléphonie mobile est une priorité pour le Gouvernement, qui est d'ailleurs passé aux actes. Un dispositif a été élaboré, qui contient deux innovations essentielles. La première est que les trois opérateurs du marché vont participer à la couverture du territoire. Un accord a été signé il y a quelques semaines, dont la première étape, à brève échéance, est le déploiement de 200 pylônes. Ensuite, l'itinérance sera autorisée au niveau local afin de réduire le coût des projets. Le Sénat a voté hier une proposition de loi à ce sujet, qui vous sera, je l'espère, soumise prochainement. Les préfets de région vont lancer une concertation avec les élus locaux et les opérateurs pour définir les zones de couverture prioritaires.

En ce qui concerne l'Internet à haut débit, notre objectif est d'avoir 10 millions d'abonnés d'ici cinq ans. Cet objectif est ambitieux, mais nous y travaillons résolument. Nous savons que la fiscalité actuelle pèse sur le coût d'installation d'une parabole. M. Lambert et moi nous efforçons d'y remédier

M. Philippe Auberger - Je sais que la négociation du nouveau contrat de plan est en cours à La Poste, et il est normal de laisser le temps au nouveau président d'élaborer des propositions. Mais les services financiers posent un problème général d'équilibre entre les souhaits de La Poste, qui voudrait leur élargissement, et l'équilibre financier global entre la collecte de l'épargne et le crédit.

Les services financiers de La Poste sont essentiels à son équilibre économique. D'un point de vue social, ils permettent également à certaines personnes qui n'y auraient pas accès autrement de disposer de services bancaires. Enfin, ils remplissent un rôle d'aménagement du territoire, dans la mesure où les bureaux de La Poste sont beaucoup mieux répartis que ceux des banques.

Le président Bailly a récemment fait savoir qu'un banque postale universelle n'était pas à l'étude. Les pouvoirs publics doivent néanmoins prendre position sur la question de l'élargissement des gammes de crédits offertes par La Poste et sur la diversification des produits d'assurance sans attendre les conclusions du président de La Poste.

Mme la Ministre déléguée - Ces questions seront bien sûr au c_ur du nouveau contrat de plan avec La Poste, et il ne m'appartient pas de dévoiler les orientations du Gouvernement avant toute concertation avec le nouveau président de La Poste.

La Poste est déjà un acteur de premier plan sur le marché des particuliers, grâce à une large gamme de produits et au dynamisme de sa politique commerciale. La loi du 2 juillet 1990 ne l'autorise pas cependant à distribuer du crédit sans épargne préalable, ce qui peut expliquer le vieillissement de sa clientèle.

La Poste remplit aussi des missions d'intérêt général telles que la gestion des comptes des publics les plus fragiles. Le Gouvernement veillera à ce qu'elles soient préservées. A partir des propositions du nouveau président et dans un esprit de concertation, il déterminera les conditions du développement des services financiers.

M. Yves Coussain - Soumise à la loi de l'équilibre financier, La Poste est de plus en plus exposée à la concurrence sur certains courriers. Aussi modernise-t-elle le tri et le transport et restructure-t-elle son réseau de points d'accueil. Or, la concentration des centres de tri a accru les délais d'acheminement du courrier : le J  +  1 devient presque une exception, même à l'intérieur du département. De même, les suppressions de bureaux de poste se multiplient dans les départements ruraux, les comités départementaux de concertation, n'influant guère sur la décision finale. L'Etat a pour mission d'assurer l'égalité des citoyens et des territoires devant le service public. Comment le Gouvernement garantira-t-il la présence de La Poste sur l'ensemble du territoire ? Le prochain contrat de plan intégrera-t-il cette exigence ? Donnera-t-il un vrai pouvoir de proposition aux élus locaux au sein des comités départementaux de concertation ?

Mme la Ministre déléguée - J'ai déjà insisté, et M. Coussain l'aura sûrement noté, sur la nécessaire qualité des services. Si on doit lui rendre hommage, elle est perfectible et ce sera l'un des objectifs du nouveau contrat de plan.

La présence de La Poste en zone rurale est évidemment fondamentale pour la vie économique et sociale des communes. Nous veillerons tout particulièrement à cet aspect.

M. François Asensi - Je reviens sur le régime de retraite de salariés d'EDF et de GDF. Le Gouvernement promet un dialogue social exemplaire avec les salariés et la population. Dont acte.

L'inscription du coût des retraites pour 41,6 milliards d'euros au bilan de l'entreprise dans la perspective de sa privatisation réduirait considérablement sa valeur. Mais les solutions à l'étude ne sont pas neutres pour les agents, qu'il s'agisse d'augmenter les cotisations sociales ou de réduire les prestations - ce qui serait renier purement et simplement le contrat passé avec les salariés.

L'ouverture du capital ne laisse pas d'inquiéter les personnels d'EDF et de GDF, dont chacun connaît le dévouement. Le Gouvernement se doit de soutenir l'entreprise afin qu'elle puisse maintenir le niveau des retraites sans revenir sur la parole donnée. Comment allez-vous procéder ? Comment aiderez-vous EDF et GDF à conserver un haut niveau d'engagement social ? Comment éviterez-vous que la privatisation ouvre une ère d'incertitude ?

Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage. Osons donc redire qu'EDF est un fleuron de l'industrie française.

Mme la Ministre déléguée - Nous sommes nombreux à partager l'appréciation que vous venez de porter et à être fiers d'EDF et GDF.

Comme vous le savez, M. Mer et moi-même avons invité les partenaires sociaux à engager une négociation sur la garantie du système de retraite existant. Nous avons fixé trois exigences à la réforme : garantir le système de financement des retraites, le système de gestion spécifique et le respect des droits acquis. On peut difficilement être plus clair.

M. le Président - La parole est à M. Jean-Pierre Brard, dont on connaît le goût pour les belles couleurs (Sourires).

M. Jean-Pierre Brard - Savez-vous que Goethe avait toute une théorie sur les couleurs, peut-être pour animer le ciel gris de la Thuringe... Il n'excluait d'ailleurs pas le rouge ! Comme l'a souligné le rapporteur spécial, il nous revient d'accompagner La Poste dans ses efforts pour renforcer sa présence territoriale, afin de fournir à tous un service public de qualité. Des orientations ont été définies dans le contrat d'objectifs et de progrès signé le 25 juin 1998 entre l'Etat et La Poste, pour préciser les conditions d'évolution et d'amélioration du service postal, notamment dans les quartiers en difficulté.

Dans la pure tradition juppéiste - qui avait fixé comme objectif de passer de 6 000 à 2 000 bureaux de distribution - le Gouvernement se prépare pourtant à fermer la moitié des centres de tri à l'horizon 2005, au risque de supprimer des milliers d'emplois. C'est la principale cause de la grève lancée hier dans les centres de traitement et les plates-formes colis.

Le développement hasardeux à l'international d'entreprises assurant des services publics comme Vivendi ou France Télécom est une incitation à se battre pour sauver le service public postal.

A Montreuil, chaque jour, un à deux quartiers ne sont pas desservis par la distribution du courrier, avec des pics de vingt quartiers non desservis certains samedis. S'y ajoutent de nombreux retards dans la distribution des courriers et l'abaissement de la qualification dû au changement des modalités de recrutement.

Un nouveau contrat de plan doit être signé d'ici le 1er janvier 2003. Que prévoyez-vous pour que les salariés et les usagers de La Poste n'aient pas à subir les conséquences d'une politique de démantèlement du service public entraînant une baisse des effectifs, la disparition des services postaux de proximité dans des zones déjà démunies et une remise en cause de la qualité et de la fréquence de distribution du courrier ?

M. le Président - Le rouge clignote ! Il est temps de conclure.

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes obnubilé par le rouge, Monsieur le Président. C'est tout à votre honneur ! Vous avez refusé, Madame la ministre, de « dévoiler » le contenu de vos discussions avec le président de La Poste, homme de dialogue dont le Gouvernement gagnerait à s'inspirer... Nous ne pouvons cependant concevoir que vous n'avez pas d'opinion sur le futur contrat de plan . Aussi aimerions-nous recevoir vos confidences, dans la mesure où elles engagent l'avenir de La Poste...

M. le Président - Madame la ministre, allez-vous faire à M. Brard des confidences publiques ? (Sourires)

Mme la Ministre déléguée - J'aimerais lui donner satisfaction ! Cependant, mes appréciations personnelles sur ce dossier important ne présentent aujourd'hui que peu d'intérêt.

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes trop modeste !

Mme la Ministre déléguée - Laissons la concertation se dérouler et le dossier mûrir. Vous avez du reste souligné vous-même que la qualité d'écoute et de dialogue du président actuel était de bon augure...

M. Jean-Pierre Brard - Puisse le Gouvernement ne pas rester en retrait !

Mme la Ministre déléguée - Permettez-moi aussi de dire - ma modestie dût-elle en souffrir - que personne ne peut me donner de leçons de service public. Il faudrait pour cela oublier l'énergie que j'ai mise à faire intégrer par nos partenaires européens notre conception du service public à la française.

S'agissant des centres de tri postal, la Poste présentera au Gouvernement un projet, lequel fera l'objet d'une large concertation avec les partenaires sociaux. J'indique au passage que le nombre de « points de contact de la Poste » n'a pas diminué au cours de la décennie écoulée puisqu'il y en avait 17 038 en 2000 pour 16 767 en 1990.

M. Jean-Pierre Brard - Grâce au gouvernement précédent !

Mme la Ministre déléguée - Peu importe, une telle stabilité me paraît tout à fait appropriée.

M. Jean-Pierre Brard - Nous verrons ce qu'en dira Saint-Thomas !

M. Daniel Paul - Madame la ministre, vous n'avez guère répondu aux inquiétudes dont je faisais part dans mon intervention précédente au sujet des plans sociaux, des délocalisations et des suppressions d'emplois dont on voit les ravages partout dans le pays. La gravité de la situation n'a pourtant pas pu échapper au nouveau Gouvernement. Comment justifier dès lors qu'il se contente d'installer une cellule interministérielle d'assistance aux salariés frappés par un licenciement collectif ? Il se situe aux antipodes de la loi anti-licenciements - rebaptisée « loi de modernisation sociale » - de janvier dernier, qui donnait aux institutions représentatives du personnel le droit de contester un plan de licenciement avant qu'il tombe et de faire des propositions pour l'éviter.

Las, le Gouvernement s'en remet à la vieille recette des allégements de charges, présentée comme l'arme absolue contre le chômage ! A ce sujet, voudriez-vous lire un extrait du courrier adressé par la famille Lassarat - actionnaire principal de la société Trouvay et Cauvin - à chaque salarié le 18 octobre 1996, suite à la signature d'un accord « de Robien » : « Le bénéfice de la loi de Robien nous permettra des économies de charges fortes, de protéger l'emploi et de préserver la totalité des forces de l'entreprise en assurant l'avenir ». Six ans après, TC licencie 650 salariés. Diable ! Les exonérations de charges, ça ne suffit pas !

La commission de contrôle des fonds publics doit jouer pleinement son rôle. Etes-vous en mesure de confirmer qu'elle continuera de le faire ? Entendez-vous mener une véritable politique industrielle, fondée sur une action publique forte et cohérente ? Quelles réponses concrètes et rapides ferez-vous aux salariés concernés par des plans sociaux ? Allez-vous donner suite au courrier que je vous ai adressé concernant la quinzaine de plans qui frappent mon département ? Que vous inspire la situation de Trouvay et Cauvin au Havre ?

Mme la Ministre déléguée - Normande de naissance et de c_ur, je puis vous assurer que la situation de ce fleuron de l'industrie havraise qu'est Trouvay et Cauvin ne me laisse pas indifférente. Mais le courrier que vous m'avez adressé est daté du 24 octobre. Vous ne pouvez pas m'accuser déjà d'avoir tardé à vous répondre.

M. Daniel Paul - Les licenciements, c'est mardi prochain !

Mme la Ministre déléguée - J'en suis parfaitement consciente. Je me suis rapprochée de François Fillon et nous allons tout faire pour préserver le maximum d'emplois. A ce titre, vous n'ignorez pas qu'une mission d'aide à la création de 200 emplois a été prévue pour le bassin d'emploi de Fécamp, en complément de la mission d'aide à la création de 1 200 emplois dans la région du Havre. Vous voyez que nos discours sont suivis de décisions concrètes.

Plus généralement, notre intime conviction, c'est qu'il faut renforcer la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d'attraction de notre territoire. Ce sont les entreprises qui créent les emplois, et l'urgence, c'est de créer un environnement favorable pour elles - la loi de « modernisation sociale » n'allait pas dans ce sens (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Francis Hillmeyer - Ma question porte sur l'énorme gâchis industriel que représente la fin pitoyable des Mines de potasse d'Alsace. Toutes les tentatives de reconversion annoncées parfois de manière triomphale par vos prédécesseurs, ont lamentablement échoué. Le dernier désastre économique en date concerne les anciens ateliers centraux. Depuis plusieurs années, cette filiale des Mines de potasse d'Alsace perd des sommes considérables alors qu'elle avait vocation à survivre à l'activité minière. Le démantèlement de la société commerciale des potasses et d'azote, entreprise internationale dotée de comptoirs dans le monde entier - et en particulier dans des pays émergents -, est un scandale. Il aurait suffi en effet d'un peu de volonté politique pour l'empêcher.

Au stade où on est arrivé, je doute que vous puissiez faire autre chose que constater la situation et blâmer ceux qui en sont responsables. Parallèlement, ce qui vient de se passer dans le reste de la mine ressemble à une tragi-comédie où le burlesque le dispute au sordide. Ce sont les conditions de vie et de travail de 400 personnes qui sont en jeu, qu'il s'agisse des derniers mineurs en activité ou des employés du pôle de stockage et de déchet ultime. L'idée d'utiliser les anciennes galeries pour stocker des déchets ultimes n'est pas nouvelle. Une entreprise minière et chimique allemande la pratique avec succès depuis des décennies. L'incurie des dirigeants mène à la fin peu glorieuse des MDPA, qui possédaient là une formidable occasion de voir se créer autour de ce site d'enfouissement un ensemble d'installations scientifiques de haut niveau, consacrées au recyclage des matières stockées ou à leur ennoblissement. Au lieu de cela, on a réussi à mettre à 800 mètres sous terre des tonnes de matières sensibles sur simple déclaration des déposants et sans réel contrôle. Et ce site n'était même pas surveillé en permanence ! On ne peut être sûr que l'incendie qui s'y est déclaré depuis plus d'un mois ne couve pas toujours ! Le stockage est arrêté. La justice a été saisie sur plainte des syndicats, et la mine de potasse contiguë a été arrêtée.

Avec l'annonce de la fermeture anticipée de l'exploitation minière, qui met 300 mineurs au chômage technique pour six mois, ce sont une fois de plus les salariés et leurs familles - que je représente avec mon collègue Sordi - qui sont les plus durement touchés. Les décideurs qui ont loupé l'après-mines ne risquent rien. Les vrais responsables sont à la retraite ou occupent des fonctions ailleurs. Ceux qui restent n'ont plus aucun pouvoir. D'immenses problèmes, humains et matériels, se posent, qu'il s'agisse du devenir des salariés encore en âge de retravailler ou du maintien des droits de tous. Rappelons qu'ils ne sont en rien responsables de cette fermeture prématurée. Reste à régler le problème des propriétés foncières et les conséquences à long terme de l'exploitation minière - telle la montée des eaux qui exige la poursuite des pompages et la stabilisation des sols.

Je vous suggère, Madame la Ministre, de désigner une commission d'enquête, qui viendrait sur place pour recenser les problèmes en suspens, indépendamment de toute pression locale. Il n'est que temps de mettre fin à cet énorme gaspillage de fonds publics - car je rappelle que MDPA reste à ce jour une entreprise publique.

Mme la Ministre déléguée - S'agissant de la fermeture de MDPA, je regrette infiniment la décision qui vient d'être prise. Plus exactement, je regrette que cette décision ait dû être prise par anticipation, puisque la fermeture était initialement prévue pour avril 2003. L'incendie survenu il y a un mois dans les locaux de stockage de Stocamine a conduit, pour des raisons de sécurité, à suspendre l'activité sans plus attendre. Cette décision était malheureusement inévitable. Les conditions sociales de cette fermeture devront faire l'objet d'une négociation avec les organisations syndicales afin que l'on arrête les dispositions transitoires nécessaires, sans remettre en cause le plan social exemplaire signé en 1997 par tous les syndicats.

Je retiens enfin votre suggestion - sans pouvoir m'engager formellement à lui donner une suite favorable - de venir sur le terrain pour m'entretenir avec tous ceux qui sont concernés par cette situation tout à fait dommageable.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. Les crédits de l'industrie, de la Poste et des télécommunications seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits de l'économie et des finances. Toutefois, en accord avec la commission des finances, je vais appeler les amendements 82 et 53 à 55.

ÉTAT B

ARTICLE 36

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial - Je ne sais si je vais oser présenter cet amendement 82, qui porte sur une somme tellement dérisoire par rapport au « trou » de France Télécom. Il s'agit en effet, dans un souci d'économie, de réduire de 250 000 euros les crédits de fonctionnement de l'ART, dont je salue certes le rôle éminent mais qui n'a peut-être pas besoin qu'on augmente à ce point ses moyens. Je précise que l'économie proposée par la commission des finances ne porte pas sur les dépenses de personnel.

Mme la Ministre déléguée - Je pourrais accepter cet amendement si la réduction se limitait à 100 000 euros.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial - D'accord.

L'amendement 82 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - L'amendement 53 de la commission des finances a pour objet de réduire de 2 millions d'euros la subvention accordée à l'Association pour la promotion et le développement industriel, dont peu d'entre vous ont sans doute entendu parler, mais qui est chargée de mettre en _uvre la procédure ATOUT de diffusion des technologies auprès des PMI. Cette mission pourrait incomber aux DRIRE ou à l'ANVAR, qui disposeraient pour cela, à la différence de l'APRODI, d'un bon réseau local. Cet amendement se veut un appel à une rationalisation de la politique d'aide à l'innovation, mouvement du reste déjà engagé par le présent budget.

Mme la Ministre déléguée - Votre question s'inscrit dans une réflexion plus large que nous aurons à mener très prochainement ensemble, et qui a trait à la décentralisation. Dans ces conditions, il serait prématuré d'adopter cet amendement. Mais en 2004, nous proposerons un dispositif plus conforme aux besoins des entreprises.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - Je vais retirer l'amendement mais je note que cela fait des années que cette structure est contestée. L'un de vos prédécesseurs souhaitait déjà la supprimer.

L'article 53 est retiré.

ÉTAT C

ARTICLE 37

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - L'amendement 54 de la commission des finances vise à réduire de 3 millions d'euros la dotation en crédits de paiement de l'ADEME, dont la gestion a été critiquée tant par l'Inspection générale des finances que par la Cour des comptes. On ne voit pas en effet quelle logique économique peut justifier une augmentation de 164,5 % desdits crédits, surtout dans le contexte budgétaire actuel. Une telle « récompense » se justifie d'autant moins qu'apparemment, à en juger par ses indicateurs de résultats, l'ADEME n'utilise pas très bien ses moyens (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous sommes en tout cas convaincus qu'une meilleure gestion est possible.

Mme la Ministre déléguée - En 2002, la dotation en CP de l'ADEME avait baissé de 18,3 millions d'euros. Celle pour 2003 vise simplement à lui redonner la dotation moyenne de ces dernières années et lui permettre de faire face à ses engagements. C'est pourquoi le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - Je maintiens l'amendement.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - La capacité d'engagement de l'ADEME sera déjà en 2003 inférieure de 30 % aux engagements réalisés en 2002. Il ne faut surtout pas restreindre encore cette capacité ! Ce serait d'autant moins opportun que l'ADEME doit désormais s'occuper aussi des farines animales. Enfin je ne vois pas de relation de cause à effet entre la diminution d'une dotation et l'amélioration de l'efficacité d'une structure. Nous voterons donc contre cet amendement.

M. Pierre Micaux, rapporteur pour avis - Je confirme ce qu'a dit Mme la ministre : à la suite du rapport assez critique du sénateur Adnot, les crédits de l'ADEME avaient été sensiblement réduits en 2002.

En tant que président d'un syndicat d'élimination des déchets, je trouve que ce n'est pas le moment de comprimer les dépenses de l'ADEME. Nous avons déjà tellement d'investissements qui attendent.

Je précise enfin que je représente l'Assemblée nationale au conseil d'administration de l'ADEME et que je suis preneur de tous éléments d'information permettant d'améliorer le contrôle de l'agence et de simplifier son avenir (« Très bien ! » sur de très nombreux bancs).

M. Daniel Garrigue - Il faudrait tout de même clarifier un peu les choses car apparemment les missions de l'ADEME sont très diverses - énergies nouvelles, gestion des déchets, farines animales... Cela étant, je rejoins un peu M. Micaux car je constate moi-même, en tant que président d'un syndicat de gestion des déchets, que les participations de l'ADEME diminuent fortement. Il faut maintenant cent colonnes de verre pour être subventionné, ce qui est énorme ; les aides de l'ADEME au financement des déchetteries n'ont pas été réévaluées depuis des années ; et la collecte du recyclable coûte aujourd'hui trois à quatre fois plus cher que celle du non-recyclable.

Bref, nous voulons bien voter les crédits de l'ADEME, mais en souhaitant une clarification, via peut-être une mission commune aux deux commissions parlementaires concernées.

Mme la Ministre déléguée - Il ne m'appartient certes pas d'en décider, mais la constitution d'une telle mission m'apparaîtrait en effet opportune. J'ai insisté moi-même tout à l'heure, Monsieur Novelli, sur la nécessité de contrôler rigoureusement les différentes agences, mais nous devons impérativement préserver leurs capacités d'action : songez par exemple que l'ADEME a beaucoup à faire avec les énergies renouvelables !

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Novelli, rapporteur spécial - Mon amendement 55 ne vise pas à donner un coup d'arrêt aux mesures de restructuration industrielle. Comme le précédent, qui a ouvert un débat dont je me félicite, il ne tend qu'à une clarification. Depuis des années, nous observons une décroissance des crédits de politique industrielle, dits crédits « CIRI », en raison de leur inefficacité. Mon amendement concerne, lui, les crédits « de restructurations industrielles », institués également par le précédent gouvernement et qui sont tout aussi peu utilisés, de sorte que les montants inscrits sont ou trop faibles, ou excessifs.

En 2001, leur taux de consommation a été de 58,7 % pour les autorisations de programme et de 43,3 % pour les crédits de paiement ; cette année, alors que les dotations initiales étaient respectivement de 43,5 millions et de 18,3 millions d'euros, ces proportions sont, selon les derniers éléments disponibles, de 62,5 et de 54,3 %. Or, pour 2003, on nous propose de doter ce chapitre de 34 millions en autorisations de programme et de 35 en crédits de paiement - soit, dans ce dernier cas, une augmentation de 91 % ! Par mon amendement, je propose de ramener la progression à 75 %.

Les mesures de conversion sociale doivent être gérées par le ministère des affaires sociales. Elles doivent en effet tendre à améliorer l'environnement général des entreprises plutôt que bénéficier directement à telle ou telle d'entre elles.

Mme la Ministre déléguée - Vous ne serez pas surpris que je donne un avis défavorable, mais je note tout de même avec plaisir que vous ne contestez pas que le ministère de l'industrie doive contribuer aux opérations de reconversion et de restructuration. Que les crédits aient jusqu'ici été sous-utilisés, c'est un fait et j'entends bien me pencher sur le problème, qui s'explique peut-être par la préférence donnée par le précédent gouvernement à d'autres instruments. Cependant, bien utilisé, celui-ci peut être efficace et je vous demande donc de retirer votre amendement.

L'amendement 55 est retiré.

M. le Président - Je vais maintenant appeler les lignes 27 à 32 de l'état E ainsi qu'en accord avec la commission des finances, l'amendement 94 visant à insérer un article additionnel après l'article 68.

La ligne 27, mise aux voix, est adoptée.

Les lignes 28 à 32 sont successivement adoptées.

APRÈS L'ART. 68

M. Patrice Martin-Lalande - Mon amendement 94 est cosigné par MM. Joyandet et Dionis du Séjour.

La directive « Service universel » permet aux Etats membres d'opter entre deux mécanismes de financement : le recours aux fonds publics et le financement par le secteur concerné. En France, pour financer le service universel assuré par l'opérateur historique, les autres opérateurs apportent une contribution calculée à proportion du volume de trafic, mesuré en minutes. Les fournisseurs d'accès à Internet s'en trouvent pénalisés dans la mesure où les opérateurs répercutent sur eux le montant du service universel et où le trafic Internet est facturé à un prix inférieur à celui du trafic téléphonique. Cette contribution représente jusqu'à 15 % des coûts de collecte du trafic Internet.

Comme l'a proposé à nouveau l'Autorité de régulation des télécommunications dans son rapport du 9 octobre, il conviendrait donc, afin de ne pas entraver le développement de l'Internet bas débit, de remplacer cette contribution par une autre, calculée en fonction du chiffre d'affaires hors interconnexion. Il y a urgence à le faire, sans attendre la transposition des directives du paquet « Télécommunications ». J'avais déposé un amendement similaire l'an passé et le gouvernement de l'époque s'était engagé à agir rapidement ; malheureusement, l'engagement n'a pas été tenu et, si la situation devait encore se prolonger pendant plusieurs mois, certains fournisseurs d'accès pourraient bien disparaître. Or il importe de préserver le pluralisme et la concurrence pour favoriser l'accès du plus grand nombre à l'Internet. Et, pour que ne se renouvelle pas le marché de dupes de 2001, je souhaite que le Gouvernement s'engage à ce que le nouveau mode de calcul soit applicable dès le 1er janvier 2003, pour l'ensemble de l'exercice qui vient.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial - Une petite rectification pour commencer : je ne suis pas cosignataire de l'amendement, qui a été déposé trop tardivement pour que je puisse l'examiner comme il eût convenu. Pour la même raison, la commission des finances n'a pu se prononcer et c'est donc un avis personnel que je vais livrer.

Le service universel mériterait sans doute d'être profondément réformé. La « fracture numérique » est en effet telle qu'il devrait prendre en compte, à côté du téléphone, les supports numériques. Il est indéniable aussi que son financement devrait également être révisé pour soulager les fournisseurs d'accès, mais nous manquons d'éléments pour apprécier les effets de la nouvelle règle du jeu proposée. Même si je partage au fond le souci de M. Martin-Lalande, je me demande donc si le vote de l'amendement serait bien opportun aujourd'hui. D'autre part, lorsqu'on demande aux opérateurs de téléphonie mobile de faire un effort pour couvrir l'ensemble du territoire, est-ce bien le moment de les taxer plus fortement ?

M. Alain Gouriou - Très bien !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial - Plus généralement, s'impose-t-il de les mettre à contribution pour compenser ce qu'on perdra en demandant moins aux fournisseurs d'accès à l'Internet bas débit ? Tout cela mériterait à tout le moins réflexion, mais je m'en remettrai à l'avis du Gouvernement.

Quant à la gauche, qui prétend monopoliser la défense du service public, elle devrait bien s'interroger aussi sur les raisons pour lesquelles nous en sommes encore à nous demander comment financer le service universel ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Bataille - Nous le défendons mieux que vous !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial - Au cours des cinq années passées, vos gouvernements se sont tout de même assez peu employés à réduire la fracture numérique et ils ont été bien absents au conseil d'administration de France Télécom !

M. Pierre Micaux, rapporteur pour avis - J'appuie totalement M. Joyandet : mieux vaut attendre un peu. Mais je souhaite aussi qu'on tienne le même raisonnement pour les télécommunications et pour la Poste.

Mme la Ministre déléguée - Je partage les préoccupations de M. Martin-Lalande, mais je fais également miennes les réserves de M. Joyandet, d'autant que cet amendement pourrait bien être considéré comme un cavalier par le Conseil constitutionnel. Je souhaite par conséquent le retrait de cette proposition, étant entendu que le ministère étudiera les suites à donner au v_u de ses auteurs, éventuellement par voie de décret.

M. Patrice Martin-Lalande - J'ai bien entendu les arguments de mes collègues, notamment sur les difficultés à évaluer les conséquences de cette réforme sur la concurrence. Cependant, l'ART dont le rôle est justement de mettre en _uvre les conditions favorables au jeu de la concurrence sur le marché des télécommunications, est elle-même à l'origine de cette modification.

Le financement du service universel n'existe pas pour le haut débit, alors qu'il y a un prélèvement pour le bas débit, ce qui pénalise l'accès à Internet de la majorité des Français, l'accès bas débit étant le plus répandu. Il conviendrait de corriger ce déséquilibre, avant la fin de l'année. Mais je reconnais la fragilité juridique de l'amendement et m'en remettrais volontiers à un décret.

L'amendement 94 est retiré.

M. Jean Dionis du Séjour - Encore un mot ! Je suis cosignataire de l'amendement !

M. le Président - L'amendement a été retiré.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie concernant l'industrie, la Poste et les télécommunications.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


© Assemblée nationale