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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 15ème jour de séance, 37ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 28 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2003 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 18

La séance est ouverte à dix heures.

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2003

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - J'ai le plaisir de vous présenter pour la première fois, avec mes collègues François Fillon, Christian Jacob et Marie-Thérèse Boisseau, le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est le premier de ce gouvernement. S'il ouvre la voie aux réformes, il demeure toutefois marqué par les choix antérieurs.

Les réformes exigent un vrai dialogue, ce qui prend du temps. N'ayant pas voulu confondre vitesse et précipitation, nous vous présentons un texte de transition.

La sécurité sociale assure nos concitoyens contre les principaux aléas de l'existence. Elle contribue au dynamisme de notre économie en soutenant l'activité et en permettant aux Français de créer davantage de richesses dans la sécurité. Mais elle consomme de ce fait une part importante des richesses créées : les prélèvements qu'elle opère représentent plus d'un cinquième de celles-ci. Les objectifs de recettes et de dépenses sont supérieurs à 300 milliards d'euros, ce qui est plus que le budget de l'Etat.

La santé constitue un des principaux postes de consommation des Français : 200 € par personne et par an, dont les trois quarts sont financés par la sécurité sociale. Nous dépensons plus pour nous soigner que pour nous nourrir...

Nos concitoyens sont en droit d'exiger une sécurité sociale de qualité, une vraie transparence, une bonne utilisation des recettes et, par conséquent, la disparition des gaspillages.

Mais le système est à bout de souffle. La sécurité sociale souffre de conflits de compétences au plan administratif. Le départ du Medef remet en cause le vieux principe du paritarisme. L'enchevêtrement des circuits financiers a rendu incompréhensible le financement de la sécurité sociale. Je sais que ce constat est partagé par tous.

Les médecins traversent une crise morale profonde. Les établissements de santé sont découragés par les contraintes administratives. La réduction du temps de travail enfin, dont la mise en _uvre et le financement ont été faits en dépit du bon sens, constitue une ultime épreuve. Elle met à mal l'ensemble du système, et son coût est supérieur à l'ensemble des besoins d'investissement.

La loi de financement, qui était une bonne idée, a perdu de sa crédibilité au fil du temps. Les objectifs, notamment l'ONDAM, sont considérés comme arbitraires et irréalistes. Ils sont devenus des variables d'ajustement, alors qu'ils devaient être l'expression des choix politiques faits par le Parlement.

Enfin, la situation financière est grave. Alors que les régimes de retraite sont encore en bonne santé, pour peu d'années d'ailleurs, le déficit du régime général dépassera 3 milliards d'euros en 2002 et atteindra 4 milliards en 2003. Sans réforme, les besoins de financement vont croître considérablement dans quatre ans, avec le « papy-boom ».

Une réforme véritable est indispensable. Nous ne devons plus attendre, si nous souhaitons préserver notre système de sécurité sociale. Cela suppose d'engager un véritable dialogue, fondé sur la confiance, afin de construire un véritable partenariat. Ce ne sont pas que des mots. L'accord du 5 juin avec les généralistes l'illustre : les caisses d'assurance-maladie et les professionnels se sont engagés ensemble et les premiers résultats sont prometteurs, comme le montre l'envolée des prescriptions de génériques.

Pour redonner un sens à nos lois de financement, il faut les fonder sur la vérité. Le premier signe de vérité est un ONDAM fixé à 5,3 %. Depuis 1997, l'objectif d'assurance-maladie a été constamment dépassé, les dépassements cumulés atteignant plus de 9 milliards d'euros. Pour 2003, le Gouvernement propose de choisir un ONDAM réaliste. On ne peut occulter le caractère structurel de la croissance des dépenses de santé. Depuis plusieurs années, leur taux de croissance est supérieur à 5 % en France, comme dans presque tous les pays de l'OCDE, quel que soit le système de santé.

L'ONDAM doit tenir compte des besoins de santé. C'est pourquoi je propose de le faire reposer sur une analyse de l'évolution des soins, au regard des besoins de santé. Une première version d'un futur document annexé au projet de loi vous a été distribuée. Elle est très imparfaite. Un groupe de travail présidé par M. Alain Coulomb travaille à l'améliorer, en liaison avec la commission des comptes de la sécurité sociale.

L'ONDAM, enfin, doit être calculé en intégrant les économies réalisées grâce à l'amélioration du fonctionnement du système de soins. Les gaspillages doivent être réduits, afin de rendre l'évolution des dépenses supportable pour nos concitoyens. Le taux de croissance de 5,3 % retenue par le Gouvernement répond à ces exigences.

Le deuxième signe de vérité est la proposition d'un « collectif sanitaire et social ». Les prévisions économiques et financières sur lesquelles le Gouvernement se fonde pour préparer un projet peuvent changer. Or, pour la sécurité sociale, un dixième de point de chômage en plus, c'est 150 millions d'euros de recettes en moins ! Ainsi, le Gouvernement s'engage à présenter au printemps un projet de loi de financement rectificatif en cas d'écart significatif avec les objectifs. Il faut toujours garder le contact avec la réalité et se fonder sur la vérité, même si elle est parfois désagréable.

Le troisième signe de vérité est la clarification des comptes. Les circuits financiers entre l'Etat et la sécurité sociale sont complexes. La sécurité sociale a trop longtemps financé des politiques éloignées de son objet, comme la réduction du temps de travail. Cela est encore dénoncé dans le dernier rapport de la Cour des comptes. Le financement de la sécurité sociale n'est donc pas intelligible.

Une révision de l'ensemble des circuits financiers, avec la remise en question de l'existence de différents fonds, est nécessaire. Mais la multiplicité des circuits et les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques rendent cette opération impossible à réaliser en un an. Cette nécessaire clarification ne pourra être que progressive.

C'est pourquoi une suppression pure et simple du FOREC a été écartée dans l'immédiat. Cependant le Gouvernement souhaite réaliser dès 2003 une première étape de clarification. En premier lieu, l'Etat s'engage à compenser intégralement les nouveaux allégements de charges, soit 1,3 milliard d'euros en 2003. Ensuite, une partie des recettes utilisées pour le financement du FOREC va être rendue à l'assurance-maladie, par une modification de la répartition du produit des droits sur le tabac ; l'assurance-maladie y gagnera 700 millions. Enfin, la CADES remboursera au régime général la moitié de la dette liée à l'insuffisance de la compensation des allégements de charges en 2000, sans augmenter les prélèvements.

M. Jean-Marie Le Guen - Pour combien de temps ?

M. le Ministre de la santé - Du côté des dépenses, l'assurance-maladie reprendra à sa charge le financement des centres de soins aux toxicomanes et les interruptions volontaires de grossesse : il s'agit en effet d'actes médicaux. Par ailleurs, elle financera désormais les remplacements dans les hôpitaux prévus dans le cadre des protocoles Aubry 2000 ; ce sont des actes de gestion courante. L'Etat, en revanche, financera les stages extra-hospitaliers des internes en médecine : ce sont en effet des dépenses de formation initiale.

En conséquence, le déficit du régime général devrait être un peu inférieur à quatre milliards en 2003, et celui de la branche maladie dépasser sept milliards, soit malgré tout une amélioration sensible de la situation. Sans action du Gouvernement, le déficit de l'assurance-maladie aurait dépassé les dix milliards l'année prochaine.

Le redressement devra se poursuivre au cours des prochaines années. Il ne s'agit pas de fanfaronner, mais de rester modeste. D'autres que moi n'ont pas réussi à corriger durablement les dérives. C'est pourtant un défi qu'il faut relever.

La réforme que le Gouvernement propose est fondée sur la confiance et sur la responsabilité partagée entre les acteurs du système. C'est un pari indispensable, puisque toutes les autres tentatives ont échoué.

L'ensemble des partenaires est concerné à commencer par l'Etat dont la première responsabilité est d'organiser le financement et la gestion de la politique de santé. C'est le sens de ce projet de loi, et celui des réformes que le Gouvernement souhaite mener.

La responsabilité de l'Etat se mesure aussi, à la priorité accordée à la santé publique. À quoi sert un système de soins curatifs performant si nous ne développons pas une véritable prévention ? Le nôtre est l'un des meilleurs du monde, mais la mortalité précoce demeure trop élevée. La santé publique sera donc mon objectif premier. La prévention est moins coûteuse, en argent comme en souffrances et en vies humaines. Aussi, le Gouvernement, dans le projet de loi quinquennale en santé publique, qu'il déposera en 2003, la mettra-t-il au c_ur du système de soins. Dans le projet de loi de financement, la hausse des droits sur le tabac à hauteur d'un milliard contribue à cet objectif. Elle devrait permettre de diminuer sensiblement la consommation de tabac en France.

Les gestionnaires de l'assurance-maladie, qui sont notre deuxième partenaire, se plaignent de l'enchevêtrement des compétences et des responsabilités. Il convient donc de clarifier les missions de chacun. Un groupe de travail est chargé d'établir un état des lieux partagé. Sur cette base, chacun sera invité à faire des propositions à partir desquelles le Gouvernement élaborera un projet de réforme, présenté en 2003.

Il convient aussi de modifier les modes de gestion courante. Il faut abandonner les contrôles tatillons et infantilisants pour privilégier un dialogue responsable. La suppression de la maîtrise comptable et des CMR va dans ce sens. En outre, l'évolution des missions du service médical des caisses marque la priorité donnée au dialogue. Un avenant à la convention d'objectifs et de gestion qui lie l'Etat et la CNAM est en cours de négociation.

Pour donner une plus grande responsabilité aux hôpitaux - notre troisième partenaire -, il est indispensable de rénover les établissements et leurs modes de gestion. Pour qu'ils disposent de moyens financiers suffisants, leur dotation globale évoluera de 5 % en 2003, et l'OQN de 4 %. La différence tient compte du coût des 35 heures pour les hôpitaux publics, mais aussi du nécessaire rattrapage salarial des établissements privés.

Le chantier « Hôpital 2007 » sera lancé en 2003 pour assouplir la gestion et responsabiliser davantage les acteurs hospitaliers. Dès l'an prochain, l'investissement à l'hôpital sera relancé, à hauteur d'un milliard, afin de moderniser les établissements et d'accompagner la nécessaire recomposition de l'offre hospitalière. De plus, les établissements hospitaliers vont passer à la tarification à l'activité. Tout le monde en parle depuis quinze ans, mais rien n'a été fait. Des expérimentations seront donc réalisées dans des établissements volontaires en 2003, et je souhaite que ce mode de financement soit généralisé en 2004. Enfin, je veux aider les établissements à améliorer leurs modes de gestion. Une mission permanente d'expertise élaborera des référentiels de bonnes pratiques et de bonne gestion.

La médecine de ville doit, elle aussi, être rénovée. Ce secteur constitue le poste de dépenses le plus important. En 2003, son enveloppe augmentera de 5,6 %.

Les professionnels libéraux sont les premiers à faire face aux exigences croissantes des patients, dont la principale est la qualité. Les professionnels doivent s'engager dans les processus de formation médicale continue, d'évaluation des bonnes pratiques et de coordination des soins. La promotion de l'évaluation passe par le financement des actions d'évaluation proposée par les URML. Quant à la démographie médicale, le MICA sera supprimé plus tôt que prévu, et au contraire, la reprise d'une activité complémentaire sera facilitée pour les médecins et les infirmières ayant cessé d'exercer.

Les prescriptions représentant plus de la moitié des dépenses de soins de ville, le Gouvernement souhaite mettre en _uvre une politique du médicament qui favorise l'innovation, ce qui n'est toutefois possible que si l'on réexamine l'ensemble des médicaments afin de s'assurer que toutes les dépenses sont bien justifiées.

Cette nouvelle politique repose, d'abord, sur un partenariat étroit entre l'Etat et l'industrie pharmaceutique qui se traduira dans un nouvel accord sectoriel. Ensuite, le projet de loi tend à accroître de 200 millions les moyens des établissements hospitaliers pour l'achat des médicaments innovants. En outre, une procédure permettant un accès accéléré des médicaments les plus utiles au remboursement en ville est instaurée.

En ce qui concerne le générique, deux médicaments identiques, quelle que soit leur marque, seront désormais remboursés sur la même base. Le gouvernement précédent avait décidé de faire réévaluer le service médical rendu par les médicaments. La mise en _uvre de cette décision, entourée de toutes les garanties, sera échelonnée sur trois ans, afin de permettre aux patients, aux médecins de modifier leurs comportements et aux industriels de s'adapter.

Les patients, notre quatrième partenaire, ont déjà été sollicités avec l'accord conventionnel sur les visites. Ils assument le coût supplémentaire d'une visite non médicalement justifiée. Ils seront également sollicités avec l'instauration du forfait de remboursement des médicaments appartenant à des groupes génériques. S'ils refusent un générique et souhaitent à efficacité équivalente acquérir un produit princeps, ils devront en assumer la charge. Cette mesure se généralise dans tous les pays analogues au nôtre (M. Maxime Gremetz proteste). Demain, d'autres mesures de responsabilisation devront être instaurées, telles que le dossier médical partagé, prévu par la loi du 4 mars 2002.

Les établissements du secteur médico-social méritent une attention particulière. C'est toute la responsabilité de Marie-Thérèse Boisseau, et tout commence par la création de places supplémentaires dans les établissements. Vous connaissez tous la détresse des personnes handicapées et de leur famille, lorsqu'on leur annonce qu'aucune place n'est disponible. L'augmentation de 6 % de l'enveloppe « adultes handicapés et enfance inadaptée » permettra de doubler les créations de places dans les établissements et de renforcer l'aide à ceux qui souhaitent rester vivre à domicile.

La médicalisation des établissements pour personnes âgées dépendantes, placés sous la responsabilité de Hubert Falco, sera poursuivie. Mais les difficultés d'application de cette réforme conduisent à allonger le calendrier jusqu'en 2006.

Enfin, le Gouvernement a décidé de réorienter la politique familiale. La conférence de la famille sera l'occasion de proposer des mesures nouvelles ambitieuses, notamment la création d'une prestation unique de garde des jeunes enfants. La préparation de cette conférence fait l'objet d'une large concertation ; Christian Jacob vient d'installer les groupes de travail (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Il a par ailleurs décidé, avec l'accord du Gouvernement, de mettre en place en 2003 une mesure ciblée sur les familles nombreuses ayant de grands enfants, visant à atténuer le caractère brutal des pertes d'allocations familiales : une somme sera versée pendant un an à compter du 1er juillet 2003, à celles dont l'aîné atteint vingt ans. L'avantage pour les 145 000 familles concernées sera de 840 €.

La réforme est engagée. Ce projet de loi n'en constitue qu'une toute première étape. Elle sera donc poursuivie au cours de l'année 2003 et des années ultérieures. Mon collègue François Fillon, ministre des affaires sociales, va vous présenter ses orientations pour les autres branches de la sécurité sociale.

Nous sommes tous, parce qu'il s'agit plus de notre culture que d'idéologie, attachés à notre système de sécurité sociale.

M. Maxime Gremetz - Vous avez pourtant dit qu'il avait fait son temps !

M. le Ministre de la santé - Monsieur Gremetz, il faut toujours que vous anticipiez sur votre temps de parole... Vous savez que j'ai du respect pour vous, mais je voudrais que vous acceptiez ce que je suis en train de vous dire.

Je vois que l'étatisation de la santé en Grande-Bretagne ne réussit pas ; que la libéralisation à l'extrême du système de santé aux Etats-Unis ne réussit pas, c'est le moins qu'on puisse dire ; et après avoir voyagé et rencontré mes homologues de l'Union européenne, je considère que notre système est original parce que juste et solidaire, et qu'il faut tout faire pour le sauver. Est-ce que cela vous gêne, Monsieur Gremetz, que nous soyons d'accord sur l'objectif ? Certes, nous pouvons avoir des divergences sur la stratégie pour y parvenir mais, compte tenu des échecs passés, il faudra m'expliquer ce que vous proposez d'original pour sortir de l'ornière !

J'entame ce dialogue avec modestie, mais avec la volonté de réussir. Je tente une voie qui n'a jamais été tentée : c'est un pari. Faites-moi au moins le crédit de la bonne foi pour aller jusqu'au bout de la démarche, comme le souhaite cette majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les enjeux sont graves : les Français voient bien que leur système de retraite et leur système de santé sont en difficulté. C'est notre responsabilité d'essayer de préserver ces deux sécurités fondamentales. Pourquoi, sur de tels sujets, ne pourrions-nous pas nous retrouver ? J'ai connu les bancs de l'opposition assez longtemps pour me rappeler que nous avons su voter avec vous des textes que vous nous proposiez et qui nous paraissaient aller dans le bon sens. J'espère que nous saurons, ensemble, faire avancer notre système de santé dans la voie de la réforme car c'est notre devoir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daubresse remplace M. Le Garrec au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - En préambule de cette intervention, je voudrais vous dire mon souhait d'agir dans un domaine qui, je le sais, vous tient particulièrement à c_ur : la simplification des procédures et formalités incombant aux entreprises dans le domaine de la protection sociale.

Je suis convaincu qu'en facilitant l'acquittement des obligations sociales, on améliore l'emploi. C'est pourquoi je souhaite rendre possible, dès le début de 2003, la déclaration par Internet, en une seule fois, des salaires donnant lieu à cotisations sociales. Des services seront proposés aux associations pour simplifier leur tâche. Concernant les travailleurs indépendants, une offre de service commune aux diverses caisses de protection sociale permettra aux artisans et commerçants de recevoir une information globale sur leurs droits, de disposer d'une estimation et d'un échéancier unique de leurs charges sociales annuelles, et enfin de bénéficier d'un traitement concerté de leurs difficultés.

J'en viens à la situation des branches accidents du travail et assurance-vieillesse.

Tout le monde en sera d'accord : la législation qui régit la branche accidents du travail et maladies professionnelles mérite un réexamen approfondi, compte tenu du développement de systèmes de réparation de « droit commun » et de l'évolution de la jurisprudence. Pour autant, nous ne souhaitons pas nous engager vers une réparation intégrale sans avoir examiné toutes ses conséquences juridiques, financières et structurelles. Le Gouvernement a donc souhaité qu'un comité de pilotage soit chargé d'approfondir l'expertise. Il sera ensuite fondé à mener une large concertation pouvant éventuellement déboucher sur une mise à plat des mécanismes actuels.

Dans cette attente, une mesure urgente, réclamée tant par la Cour des comptes que par la commission accidents du travail et maladies professionnelles, s'imposait : l'adoption d'une convention d'objectifs et de gestion propre à la branche. La mise en place d'un conseil de surveillance, chargé comme pour les autres branches de veiller à la mise en _uvre de la convention, nous a conduits également à revoir le mode de désignation des membres de la commission, chargée de sa gestion.

Enfin, le Gouvernement a souhaité que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, ne reste pas virtuel. Dès cet été, des premiers acomptes ont pu être versés aux victimes. Le FIVA pourrait être prochainement en mesure d'adopter un barème définitif.

S'agissant de l'assurance-vieillesse, ce PLFSS ne comprend qu'une seule mesure de nature législative relative à la revalorisation des pensions. Celle-ci, fixée à 1,5 %, assure aux retraités le maintien de leur pouvoir d'achat. Tout effort supplémentaire présumerait de l'équilibre actuel et futur de la branche. En ce qui concerne la CNRACL, compte tenu de l'urgence de la situation, le Gouvernement a décidé d'arrêter un plan pluriannuel de rééquilibrage qui contraste avec les précédentes mesures de replâtrage. Il comprend tout d'abord une économie par la modification des transferts de compensation acquise dès 2003 ; ensuite, une économie des transferts de « surcompensation » : le taux de surcompensation passera en trois ans de 30 à 21 %. Au-delà, la suppression de la surcompensation doit désormais être clairement envisagée ; enfin, une augmentation modérée et régulière des taux de cotisation, de 0,4 point par an entre 2003 et 2005. Cet effort concerne tant les collectivités locales que les hôpitaux. L'ensemble de ces mesures permettra à la CNRACL d'assurer le financement des pensions de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers jusqu'en 2007. Bien entendu, comme pour les autres régimes de retraite, des mesures structurelles devront être prises afin d'assurer son équilibre à plus long terme.

La modification du mode de calcul des transferts de compensation généralisée est une mesure légitime. La controverse du début du mois a eu le mérite d'apprendre ou de rappeler à l'opinion publique l'existence de ces transferts, qui obéissent à une mécanique complexe et qu'il faudra, au cours de la législature, clarifier et simplifier.

La compensation généralisée, destinée à assurer la solidarité entre les régimes de retraite, a été créée en 1974. Les régimes « jeunes » financent par ce biais ceux dont l'équilibre démographique n'est plus assuré : la CNAV, l'Etat et la CNRACL participent donc au financement du régime des exploitants agricoles, des commerçants et des artisans.

Le régime général bénéficie depuis 1994, date de création du FSV, de transferts, puisque ce fonds prend en charge les cotisations de retraite des chômeurs. Son rapport démographique et sa capacité contributive - et donc ses charges de compensation - ont été dégradés de manière quelque peu artificielle.

En tenant compte de l'existence du FSV, la modification consiste à être le plus proche possible de la situation démographique et financière réelle des régimes. Elle conduit à alourdir les charges de compensation de la CNAV de 825 millions d'euros, à augmenter les transferts de compensation au bénéfice des régimes des non-salariés non agricoles - ORGANIC et CANCAVA - dont les règles sont « alignées » sur le régime général, et qui sont les véritables « bénéficiaires ». La modification tend également à diminuer les charges de compensation des régimes de fonctionnaires et des professions libérales, puisque le nombre relatif de leurs ressortissants diminue mécaniquement ; mais ils continuent à contribuer à la compensation.

Cette réforme est compatible avec l'équilibre financier de la CNAV. L'excédent sera de 1,9 milliard d'euros en 2003, soit un montant supérieur à celui attendu pour 2002 : 1,6 milliard. Il sera versé au fonds de réserve. La modification du mode de calcul des transferts de compensation devrait faire l'objet d'un décret dans le courant de l'année 2003. Le premier acompte de compensation sera naturellement calculé sur la base de l'ancienne réglementation.

Les partenaires sociaux ont regretté sur ce dossier, l'exiguïté de la concertation, conséquence de l'urgence. Pour autant, ils étaient informés de la possibilité d'une telle mesure, qui était régulièrement évoquée.

Enfin, une échéance proche nous attend : la réforme des retraites (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le temps des rapports et des reports, expression chère à M. Jacquat, est révolu. L'avenir des retraites doit faire l'objet de décisions.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l'équilibre général - Il était temps !

M. le Ministre des affaires sociales - Il en va de notre pacte social. Je souhaite que cette question fasse l'objet d'un consensus national, qui transcende les clivages partisans ou catégoriels. Nous aurons le souci d'écouter, sans dogmatisme, tous ceux qui seront animés d'une volonté sincère et responsable.

Ce projet vaut mieux que quelques dispositions prises à la hâte.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'assurance-vieillesse - C'est vrai !

M. le Ministre des affaires sociales - Il ne va pas sans un véritable dialogue social et, au-delà, un large débat démocratique.

Le Premier ministre a indiqué les grands principes de la réforme : sûreté, liberté et équité. Sûreté car il faut assurer le financement des retraites et l'avenir du système de la répartition. Liberté parce qu'il faut apporter de la souplesse à ce système qui en manque, tout en garantissant le départ à soixante ans pour tous ceux qui ont les annuités nécessaires. Équité, enfin, parce qu'au sein des multiples régimes de retraite qui résultent de notre histoire sociale, le régime général ne doit pas être seul à évoluer.

Le fonds de réserve, qui disposera de 16,6 milliards fin 2003, contribuera à cette réforme, mais nous devrons préciser son financement car le rythme d'abondement actuel est insuffisant pour tenir l'objectif de 152 milliards annoncé pour 2020 (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP). Le plan de financement lancé en mars 2000 n'a pu, compte tenu des 35 heures et de l'allocation personnalisée d'autonomie, être respecté.

M. Bernard Accoyer - Et des licences UMTS ?

M. le Ministre - Mais le fonds ne financera la réforme qu'à une faible hauteur.

Les principes de la réforme seront précisés dès le début de février, et des négociations s'engageront tout de suite. M. Delevoye conduira celles qui auront lieu avec les syndicats du secteur public, et moi celles du régime général. Ces négociations devraient prendre fin en juin 2003, mais la réforme elle-même sera un processus de longue haleine et il faudra plusieurs étapes pour assurer le financement des retraites à l'horizon 2040.

Le rôle du Parlement sera essentiel, car il permettra de donner à la réforme tout son sens et toute sa légitimité : celle de la souveraineté nationale agissant sur la base des principes de solidarité, d'égalité et de responsabilité qui font la cohésion de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l'équilibre général - Au commencement de ce débat sur le financement de la sécurité sociale, le premier de la législature, nous mesurons toute notre responsabilité. Nous entendons l'assumer avec détermination, mais aussi avec la modestie qu'inspirent les échecs et les difficultés du passé.

C'est devenu une banalité de dire que notre système de sécurité sociale est en crise. Les Français attendent de notre majorité qu'elle ait l'audace et la volonté de réformer une protection sociale exsangue en dépit de la croissance exceptionnelle qu'a connue notre pays.

Nous héritons en effet d'une situation particulièrement délabrée. D'abord, les finances sociales sont dans le rouge. Malgré les affirmations péremptoires de vos prédécesseurs, l'excédent de 1,1 milliard qu'ils revendiquaient l'an dernier comme une preuve définitive de leur talent s'est transformé en un déficit de 3,3 milliards.

L'essentiel de cette dérive est imputable à un dépassement de l'ONDAM de près de 4 milliards. L'excédent conjoncturel que la seule sécurité sociale a connu de 1999 à 2001 a été balayé par la seule année 2002. Faute de réformes structurelles pour clarifier et les financements et les responsabilités, l'écart entre le taux de croissance des dépenses de santé et celui du PIB en valeur est passé de 0,4 point en 1998 à 4,3 points en 2002. Mais les dépenses de santé ne pourront pas croître indéfiniment, sans qu'il y ait un financement en contrepartie.

La situation sociale est tout aussi chaotique. Malgré les 32 milliards d'euros supplémentaires qui ont été dépensés pour la santé depuis 1997, tout le monde semble inquiet ou mécontent ! La médecine de ville a traversé sa pire crise de confiance et le dossier de l'hôpital reste explosif. La mise en _uvre d'une réduction du temps de travail que personne n'attendait a profondément troublé les esprits dans le monde de la santé. Dès lors, nous devons nous demander comment mieux dépenser les sommes considérables que nous consacrons à la santé.

Les réformes structurelles ont été laissées en friche par une majorité plurielle incapable de s'entendre sur les objectifs et les moyens.

M. Bernard Accoyer - C'est vrai !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général  - Le système conventionnel ressemble plutôt à un cimetière conventionnel. Vous avez commencé, Monsieur le ministre, à rétablir des liens de confiance. La sécurité sociale a été trop longtemps dominée par un Etat impérial, méprisant les partenaires sociaux et usant sans vergogne de ses ressources pour financer ses projets politiques. Le pilotage du système de soins reste confus, faute d'avoir poursuivi les réformes courageuses et utiles engagées par le gouvernement d'Alain Juppé. Les atermoiements électoralistes de M. Jospin ont fait prendre cinq ans de retard à la réforme qui doit sauver notre système par répartition.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance-vieillesse - Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général - L'excédent du régime vieillesse ne doit pas faire illusion : après le « papy-boom » de 2005, il se transformera en un déficit croissant.

Le temps des choix est venu. Nous ne pouvons plus laisser dériver notre protection sociale vers l'impasse financière.

M. Bernard Accoyer - Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général  - Comment maîtriser l'évolution des finances sociales ? Pour cela, ce sont la clarté et la transparence qui nous paraissent d'abord indispensables.

Le Gouvernement s'est déjà engagé dans la clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, dans un contexte budgétaire pourtant tendu. Le coût de la politique des trente-cinq heures est, pour les finances sociales, de l'ordre d'un demi-point de PIB. Nous souhaitons la suppression du FOREC, mais nous mesurons bien que ce chantier exigera du temps. L'Etat s'est également engagé à compenser intégralement les nouveaux allégements de charges, ce qui représente un milliard d'euros en 2003 et six milliards d'ici 2006. Par ailleurs, une partie des recettes qui avaient été détournées pour le financement du FOREC seront réaffectées à la sécurité sociale. Les droits sur les tabacs reçus par la CNAM redeviendront ce qu'ils étaient avant la création du FOREC. La moitié de la dette 2000 au titre des allégements de charges non compensés par le FOREC, soit 1,2 milliard, sera remboursée par la CADES au régime général, sans augmenter ni la durée de vie de la CADES, ni le niveau de la CRDS.

Le maintien du FOREC peut apparaître à titre provisoire comme la moins mauvaise des solutions.

M. Maxime Gremetz - Ah !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général - Mais le supprimer permettrait de simplifier les flux de financement de la sécurité sociale. Cela nécessite de solder la dette de 2,4 milliards, mais aussi de réaffecter directement les ressources du FOREC à la sécurité sociale, c'est-à-dire de demander à l'Etat de contribuer pour 4,5 milliards. Je proposerai donc la création d'un comité des finances sociales (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), qui sera un outil de clarification. En définissant un financement pérenne, le Gouvernement pourra en appeler à la responsabilité de chacun pour contenir les dépenses de santé.

En effet, nous ne pourrons pas éternellement imposer de nouveaux prélèvements obligatoires sans affaiblir durablement la cohésion sociale et la compétitivité de notre pays. Le Gouvernement parle le langage de la vérité : les Français doivent comprendre que derrière chaque dépense, il y a un coût pour le pays !

Monsieur le ministre, nous sommes donc à vos côtés quand vous déculpabilisez les professionnels de santé tout en leur demandant d'assumer une pratique du juste soin, quand vous souhaitez donner davantage de responsabilités aux hôpitaux pour une gestion plus efficace, quand vous prônez la régionalisation des politiques de santé publique et quand vous refusez de laisser croire à nos concitoyens que le médecin est un prestataire de santé quasiment gratuit.

De même, nous serons à vos côtés...

M. Maxime Gremetz - Pas moi ! Vous devez parler au nom de toute la commission !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général - Nous serons aux côtés du Gouvernement quand il engagera enfin l'indispensable réforme pour sauver notre système de retraite sans alourdir les prélèvements obligatoires, avec le souci de l'équité qui est le gage de la cohésion nationale.

Parce qu'avec ce projet, on nous propose enfin le chemin de la clarté, de la transparence et de la responsabilité, nous serons à vos côtés pour bâtir une protection sociale moderne et plus solidaire (Acclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) .

M. Jean Bardet, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance-maladie et les accidents du travail - Ce projet est un projet de rupture et de continuité à la fois ; c'est un budget de transition, qui fixe néanmoins les objectifs pour les cinq prochaines années.

Il tourne le dos à la maîtrise comptable des dépenses de santé qui a fait la preuve de son inefficacité, tant les dépenses n'ont cessé d'augmenter depuis cinq ans : pour 2002, un écart de plus de 3,2 points est prévu entre l'ONDAM voté et l'ONDAM réalisé. En fixant l'ONDAM à 123,5 milliards d'euros - une augmentation de 5,3 % par rapport à l'ONDAM révisé de 2002 -, le Gouvernement fait un pari à la fois réalise et modeste : il ne prétend pas dominer la conjoncture nationale et internationale, mais prévoit, le cas échéant, un projet de loi de financement rectificative tenant compte des données économiques réellement observées.

Aucune réforme n'est possible sans responsabilisation des différents acteurs de la santé, - au premier rang desquels les malades et les médecins. L'accord du 5 juin 2002 entre les médecins et les caisses est historique, en ce qu'il permet le réajustement des prix de la visite médicale, en contrepartie de l'engagement de prescrire au moins 30 % de médicaments génériques, tandis que les malades, de leur côté, sont incités à ne pas abuser des visites à domicile : la majoration - non remboursée - en cas de visite pour convenance personnelle contribue à les responsabiliser.

Ce PLFSS est un budget de transition, car la médicalisation de l'ONDAM n'a pu être totalement menée, et le chiffre de 5,3 % d'augmentation repose encore sur des bases subjectives. L'annexe - que nous discuterons avant les articles, comme nous ne cessions de le demander lorsque nous étions dans l'opposition - devra, à l'avenir, être chiffrée.

Il ne suffit pas de donner les priorités du Gouvernement ; il faut dire aussi combien elles coûtent. Ce n'est que lorsque ce chiffre sera connu que l'ONDAM pourra réellement être médicalisé, même si tous les besoins ne peuvent être satisfaits en même temps. L'article 2 va dans ce sens.

Le Gouvernement a mis en place un plan ambitieux sur cinq ans - « Hôpital 2007 » -, pour moderniser nos services hospitaliers. Les articles 11 à 13 du PLFSS constitueront le support législatif nécessaire à son bon accomplissement. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 avait créé un fonds de modernisation des établissements de santé. L'article 11 dispose que ce fonds financera une mission d'expertise et d'audit hospitalière. Quant à l'article 13, il tend à fusionner le fonds de modernisation des cliniques privées et le fonds de modernisation des établissements de santé, dotés de 450 millions d'euros en 2003. Enfin, l'article 12 vise à supprimer la dualité du mode de financement des établissements publics et privés, en instituant une tarification selon l'activité, préparée grâce à la création, en 1995, du programme médicalisé des systèmes d'information ; tout en approuvant ce dispositif, je regrette que le recueil des données soit très inégal d'un établissement à l'autre. Souvent, les établissements publics ne se sont pas donnés les moyens matériels d'optimiser le système ; ils risquent d'être ainsi pénalisés par rapport à certains établissements privés, qui ont vite compris tout le bénéfice qu'ils pourront en tirer.

Il conviendra aussi de réétudier le statut et le traitement des différents personnels, ainsi que les missions des établissements. L'application des trente-cinq heures a créé dans les hôpitaux des problèmes insolubles, et le recrutement de 3 500 médecins et de 45 000 autres emplois prendra du temps.

Les dispositions relatives à la médecine de ville traduisent la confiance renouée avec les médecins. La suppression des lettres-clés flottantes par l'article 15 en est le symbole le plus net, avec la renonciation à toute sanction collective qui, à juste titre, avait heurté le monde médical. Ce même article supprime les comités médicaux régionaux.

L'article 16 élargit les missions du conseil de surveillance de la caisse nationale d'assurance-maladie en disposant qu'il « veille à la cohérence » de conventions. Ce terme de « cohérence » me paraît vague, et c'est pourquoi j'ai déposé des amendements de précision. L'abandon des lettres-clés flottantes et des CMR a pour corollaire une meilleure promotion de la qualité des soins et des bonnes pratiques médicales. Ce rôle d'information est dévolu aux praticiens-conseils par l'article 18.

S'il est nécessaire d'abroger des dispositions inapplicables, il est toutefois indispensable de doter le système de moyens de régulation ; c'est ce que prévoit l'article 19.

Les dispositions ayant trait aux médicaments ont été le plus médiatisées. Rappelons que le déremboursement de ceux dont le service médical rendu est insuffisant n'est pas du domaine législatif, mais réglementaire, et que si ces médicaments sont toujours remboursés, c'est parce que le précédent gouvernement n'a pas eu le courage de les dérembourser. L'AFSSAPS, qui a la charge de réviser les AMM tous les cinq ans, n'en a pas les moyens matériels. Je souhaite donc qu'à l'avenir ils lui soient donnés, afin d'éviter les déremboursements massifs qui poseraient des problèmes économiques aux industries pharmaceutiques. Le Gouvernement a utilement souligné que déremboursement ne signifie pas décommercialisation ; en outre, ces déremboursements seront échelonnés sur trois ans et après étude contradictoire des dossiers cas par cas.

Les articles 17 et 27 traitent du même problème, mais certains termes prêtent peut-être à confusion. Aussi ai-je déposé des amendements tendant à abroger l'article 17 et à préciser l'article 27. Peut-être, d'ailleurs, faudrait-il réserver la discussion du premier jusqu'après celle du second ? L'article 27 est un article capital qui vient appuyer l'accord du 5 juin 2002, et en prévoyant que, dans certains cas, la base de remboursement pourra être limitée à un tarif forfaitaire de responsabilité. J'ai déposé un certain nombre d'amendements pour mieux expliciter ce dispositif.

L'article 20 a pour but d'accélérer la mise à disposition du public des molécules innovantes. Je souhaite que ce mécanisme puisse être étendu à d'autres dispositifs médicaux, et j'ai déposé des amendements dans ce sens.

Enfin, la branche accidents du travail fait l'objet de deux articles importants, qui visent à mieux indemniser les victimes de l'amiante et à accroître l'autonomie de la branche.

Je vous invite à l'adoption du projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles pour la famille - La famille, de nos jours, est bien différente de ce qu'elle était il y a encore vingt ou trente ans. La pluralité des formes de vie familiale et, souvent, leur succession au cours d'une même vie, posent des questions inédites à la représentation nationale, qui se doit de mieux comprendre le sens de ces mutations et, par conséquent, les orientations qui en découlent pour l'Etat.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 aurait pu être un acte fort en direction des familles. Ce n'est malheureusement pas le cas...

M. Bernard Accoyer - Mais si !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille - ...alors que leur rôle est essentiel à la cohésion sociale et à la construction de repères pour l'enfant. De 1998 à 2002, les axes de la politique familiale ont été définis en concertation avec le mouvement familial, concertation concrétisée par le rendez-vous annuel de la conférence de la famille.

M. Bernard Accoyer - Ce n'est pas l'avis général !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille - Ce rendez-vous n'a pas eu lieu cette année, et le projet qui nous est présenté manque d'inspiration ; vous n'avez pas entendu l'ensemble des acteurs du mouvement familial, et celui-ci risque de s'en trouver déconsidéré.

Le précédent gouvernement a profondément rénové la politique familiale en restaurant les marges de man_uvre permettant de mener une politique globale au service des familles. La branche famille est ainsi redevenue excédentaire alors qu'elle accusait en 1997 un déficit de 14 milliards de francs. L'actuelle majorité hérite donc d'une situation saine, mais à quoi seront utilisés les excédents ? Seuls 2 % sont consacrés à des mesures nouvelles ; la seule mesure en direction des familles - seulement à partir de juillet 2003 -, consiste en une allocation forfaitaire de 70 € par mois pour les familles de 3 enfants dont l'aîné atteint vingt ans.

L'autre mesure, - qui consiste à accélérer le transfert du financement des majorations pour enfants du FSV vers la branche famille - se voit non seulement poursuivie, mais augmentée à hauteur de 60 % ; autant d'argent qui ne servira pas à financer des actions nouvelles, ce qu'on ne peut que déplorer. Ce budget est une occasion perdue d'améliorer la situation des familles.

La faiblesse du contenu du projet met en évidence l'ampleur des actions conduites ces cinq dernières années en faveur des familles. La politique familiale autour de la recherche d'une plus grande solidarité et d'une plus grande égalité entre les pères et les mères - aides aux familles en difficulté, rééquilibrage et développement des aides à la garde des jeunes enfants, création d'un véritable congé de paternité. Cette politique, qui reçoit un accueil très positif, pourrait être utilement prolongée par le versement d'une aide au logement spécifique, au parent qui n'a pas la garde habituelle de ses enfants, afin qu'il puisse les accueillir lorsqu'il exerce son droit de garde.

Mais la famille demeurant le premier lieu d'éducation et de citoyenneté, la politique familiale ne peut se résumer à des aides, aussi importantes soient-elles. L'éducation, le sport, les associations, la culture, la politique de l'emploi - notamment en direction des jeunes -, la formation professionnelle, le logement, la justice, la sécurité, la santé, la réforme du droit de la famille : tout cela concourt à une politique familiale ambitieuse et globale. Cette vision d'ensemble fait malheureusement défaut au gouvernement actuel.

Certains parents ont besoin de soutien. Il est facile et injuste de mettre en doute leur capacité éducative au point de les culpabiliser, de les condamner ou d'envisager des représailles sous forme de suppression de prestations familiales, quand tout n'a pas été tenté pour les aider à assumer leurs obligations. Il convient avant tout de réaffirmer le bien-fondé de l'autorité parentale, quelles que soient les formes de la vie familiale.

Les mesures autoritaires ne résoudront rien si les liens familiaux se délitent et conduisent à l'incivilité, à la violence et à l'intolérance. Il est impératif de ne pas déqualifier les parents.

Etre parent, c'est aussi avoir du temps à consacrer à ses enfants. Votre rapporteur craint donc les conséquences de la remise en cause de la réduction du temps de travail.

L'embellie des naissances se poursuit. Pourtant, le projet ne prévoit pas de coup de pouce pour les prestations familiales, malgré l'attente des familles.

On peut donc regretter les choix timides qui ont été faits, ou plutôt les choix catégoriels qui favorisent les familles aisées, comme c'est le cas du relèvement de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile et de la baisse uniforme de l'impôt sur le revenu.

En matière d'accueil de la petite enfance, des efforts ont été faits ces cinq dernières années. La croissance de ce poste au sein des dépenses de la CNAF montre que la demande est réelle. Il serait donc utile de poursuivre le développement des places d'accueil en structures collectives, par une dotation d'investissement exceptionnelle du fonds national d'action sociale, afin de ne pas interrompre l'effort exceptionnel engagé en 2000 et 2001. Mais vous ne le prévoyez pas. Quant aux assistantes familiales, qui accomplissent un travail formidable, leur statut mérite vraiment d'être amélioré.

« Accompagner les jeunes vers l'autonomie » tel était le thème principal de la dernière conférence de la famille. Comment faire ? Les aider à accéder à un premier logement par des aides simplifiées et améliorées, leur permettre de mieux se soigner, se déplacer, connaître leurs droits et les exercer. Mais c'est surtout créer des emplois, en proposant des formations. En supprimant les emplois-jeunes, le Gouvernement ne va pas en ce sens. Non seulement, ce faisant, on éloigne les jeunes du marché du travail dans une période pourtant peu propice, mais de plus, on entrave le travail du milieu associatif, pourtant si nécessaire, en matière de prévention notamment.

J'espère que nos débats permettront d'améliorer le texte. J'ai déposé certains amendements, et j'espère que vous en accepterez quelques-uns, dans l'intérêt des familles, Monsieur le ministre. Il s'agit en particulier de ne plus placer sous condition de ressources l'APJE dite « courte ». Il s'agit aussi de moduler le montant de l'allocation de rentrée scolaire pour les jeunes lycéens. Il s'agit encore, je l'ai dit, de prévoir une dotation exceptionnelle pour développer les structures d'accueil de la petite enfance.

Monsieur le ministre, les familles seront déçues du peu de mesures contenues dans votre projet.

Vous avez l'intention, nous dites-vous, de proposer l'année prochaine une nouvelle allocation dite « de libre choix » qui remplacerait plusieurs prestations actuelles.

Permettez-moi de vous dire mon inquiétude. Les différents dispositifs d'aide aux familles paraissent parfois complexes ; limiter les incohérences est, certes, un objectif à atteindre, mais ne nous laissons pas aller au penchant de la simplification excessive. La multiplicité des dispositifs répond à la diversité de situations, dans un souci constant d'adaptation et d'équité.

Veillons donc à ce que toutes les familles s'y retrouvent et que soient garantis les principes d'efficacité, certes, mais aussi de solidarité et de justice sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'assurance-vieillesse - Je suis très heureux d'endosser à nouveau mes habits de rapporteur de la branche vieillesse pour cette première loi de financement de la sécurité sociale de la douzième législature. Je devrais également me réjouir, puisque cette branche affiche un solde positif. Mais je ne le puis car cette situation favorable n'est que temporaire. Il y a tout lieu de s'inquiéter des effets de l'inéluctable « papy-boom ». Il est en conséquence, urgent de ne plus attendre. Je me félicite donc de la perspective de mise en _uvre, dès la fin du prochain semestre, de la réforme tant espérée de notre système de retraite, que M. Fillon vient de confirmer.

Un vaste chantier nous attend car c'est une gestion à courte vue qui a prévalu jusqu'à présent. Ainsi du fonds de réserve des retraites alimenté par des financements « d'appoint » tels que l'UMTS, dont on sait les nombreux avatars, ou du fonds de solidarité vieillesse, si malmené ces dernières années qu'il accuse un lourd déficit. Pour mémoire, une majorité de parlementaires et de partenaires sociaux, avaient réclamé une gestion paritaire de ce fonds, sans être entendus par l'exécutif d'alors.

Ils n'ont pas été davantage entendus s'agissant des nombreux ménages qui perçoivent des pensions de retraite classées parmi les minima sociaux. Et le montant des retraites agricoles, qui correspond, au mieux, au minimum vieillesse, reste extrêmement faible. L'idée de leur revalorisation à un niveau équivalent à 75 % du SMIC conserve toute sa pertinence.

Par ailleurs, seules les retraites agricoles continuent d'être versées trimestriellement alors même que la retraite complémentaire agricole est versée chaque mois. Il est donc temps de mensualiser la retraite agricole de base.

L'an passé, j'avais déjà abordé la question du minimum contributif, dont la revalorisation annuelle est, depuis le 1er janvier 1984, strictement identique à celle des pensions contributives mais qui, de par l'indexation des salaires sur les prix, a subi un décrochage par rapport au SMIC. Je rappelle mon attachement à la revalorisation du minimum contributif.

Concernant la réversion, question dont je traite sans relâche depuis 1997, je souhaite revenir sur le cumul entre droits personnels et pensions de réversion d'une part, le montant de la pension de réversion d'autre part.

Pour mémoire, la Cour de cassation a, par deux fois, donné une interprétation qui conduit, dans de nombreux cas, à l'application de règles plus favorables aux pensionnés dans l'application des règles de cumul. Ces décisions allant dans le sens de l'équité, je souhaite ardemment que la réglementation soit mise en harmonie avec la jurisprudence, et que le plafond de cumul soit relevé.

Quant aux taux de la pension de réversion, il demeure anormalement bas, puisqu'il est fixé à 54 %, dans le régime général, depuis le 1er janvier 2022. La promesse a été faite, en 1993, de le porter progressivement à 60 %. Elle doit être tenue.

Pour les pluripensionnés, la législation crée des disparités entre les personnes qui ont effectué toute leur carrière sous un seul régime de base et les autres. Il paraîtrait juste que deux personnes ayant effectué des carrières identiques, l'une dans un seul régime, l'autre sous plusieurs, soient traitées de la même manière.

En tout état de cause, la réforme de notre système de retraite devra privilégier une approche globale sans réduire le débat relatif à son financement à une alternative caricaturale entre répartition et capitalisation.

Ardent défenseur de la retraite par répartition, je tiens à rappeler que 25 % du revenu des ménages français retraités proviennent du patrimoine et que, par ailleurs, les agents de la fonction publique ont la possibilité de se constituer un complément de retraite par capitalisation par le truchement de la Préfon ou de la Cref. Ces deux éléments devraient tempérer des oppositions théoriques, d'autant qu'un accord général existe, en France, pour maintenir la répartition comme élément de base du système des retraites.

Il nous appartiendra également de colmater les brèches dues à l'entrée en vigueur de l'APA. La réforme de la prestation spécifique dépendance était indispensable, et elle a permis des progrès réels. Toutefois, en dépit des fortes réserves manifestées par l'opposition de l'époque, son financement, d'une part, a été sous estimé et, d'autre part, n'a pas été assuré au-delà de 2003. Dans ces conditions, comment pérenniser cette nouvelle prestation ?

De surcroît, face à un afflux de demandes beaucoup plus élevé que prévu, certains départements sont contraints de procéder, dès cette année, à une augmentation de la fiscalité pouvant aller jusqu'à 30 %.

Si l'APA est, en quelque sorte victime de son succès, celui-ci est également révélateur des besoins, ce qui impose de la sauvegarder. Pour ma part, je redis mon attachement à la création d'un cinquième risque, bénéficiant d'une cotisation spécifique au sein de notre système de sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer - Oh non ! Pas une nouvelle cotisation !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance-vieillesse - Par ailleurs, nous devons remédier au fait que de nombreuses personnes se voient obligées de faire face à une participation financière supérieure à celle qu'elles acquittaient lorsqu'elles bénéficiaient de la PSD, en raison de la conjugaison de la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes avec la mise en place de l'APA.

De même, une attention particulière doit être portée à la situation des associations d'aide et de maintien à domicile, aggravée par la mise en _uvre concomitante de la réduction du temps de travail et de l'APA. Si l'on souhaite avoir des professionnels de qualité, il faut aider les services prestataires à mieux rémunérer leur personnel.

En outre, il serait opportun d'améliorer la formation, l'évolution de l'unique diplôme existant, le CAFAD ayant été négligée par vos prédécesseurs.

La médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées n'a pas été mieux conçue, si bien que l'échéance prévue a dû être reportée, étant donné l'irréalisme de l'objectif retenu. Pour autant, certaines fédérations et associations souhaitent que cette échéance ne soit pas repoussée au-delà de 2004 et une concertation approfondie me paraît indispensable. J'approuve d'ailleurs l'amendement adopté en commission. La mission sur la dépendance qui avait, la première, posé le problème de l'autonomie des personnes âgées avait dégagé deux principes : la solvabilisation des familles et l'augmentation de l'encadrement médical. Ces deux objectifs sont toujours d'actualité, alors qu'ils ont été définis en 1986.

S'agissant de la réforme de notre système de retraite, une lourde tâche nous attend. Il faudra en particulier mettre à plat les mécanismes de compensations et de surcompensations entre les différents régimes. Il serait également opportun que l'institution d'une « retraite à la carte », en remplacement de la « retraite-guillotine », soit inscrite au rang des priorités.

Je sais pouvoir compter sur votre souci de clarification pour que cette réforme cesse de ressembler à l'Arlésienne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Goulard, rapporteur pour avis de la commission des finances - Chacun en a conscience, votre tâche est redoutable, Madame et Messieurs les ministres. S'il fallait mettre une formule en épigraphe à votre action, je choisirais : Ad augusta per angusta (Sourires sur les bancs du groupe UMP).

Pendant la législature précédente, des dossiers importants ont été laissés en déshérence.

M. Bernard Accoyer - C'est sûr !

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Je pense au problème du financement des retraites, mais aussi à l'assurance-maladie : on a maintenu la fiction de mécanismes régulateurs qui ont fonctionné de manière insensée et aucune réforme n'a été engagée. Les trente-cinq heures ont perturbé l'ensemble du financement de la sécurité sociale. On a sciemment rendu illisibles les lois de financement et l'ONDAM a systématiquement été dépassé (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Nous sommes donc heureux de saluer le redressement opéré cette année. Fixer l'ONDAM à 5,3 % est une mesure de sincérité, tout comme l'annonce d'un collectif de printemps. Autre progrès : la prise en charge par la caisse d'amortissement de la dette sociale de la moitié des dettes de l'Etat à l'égard du FOREC.

Il faut que vous le sachiez : le ministre des finances et le ministre de l'emploi du précédent gouvernement ont osé enjoindre aux agents comptables de l'ACOSS et des caisses de provisionner l'ensemble des créances que ces organismes détenaient sur l'Etat depuis l'année 2000. Au moment où les malversations comptables, dans le privé, sont de plus en plus souvent punies pénalement, on peut s'interroger sur de telles pratiques.

Malgré les efforts du Gouvernement, la clarification des comptes ne sera pas totale. Il ne serait pas réaliste de vouloir traiter tous les problèmes d'un coup mais nous ne pouvons nous satisfaire de la présentation actuelle de nos comptes sociaux. Vous êtes contraints de colmater des brèches, comme l'avait très mal fait le précédent gouvernement.

Il faut introduire dans nos comptes sociaux les règles qui prévalent en matière de finances publiques : je pense tout particulièrement aux principes d'unité et d'universalité budgétaires.

Pour appliquer le principe d'universalité aux finances sociales, il faudrait réformer la loi organique. Mais il est anormal que la CADES ne soit pas dans le champ de la loi de financement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Evin - Ce sont vos amis sénateurs qui l'ont refusé.

M. le Rapporteur pour avis - Quant au principe d'unité budgétaire, il devra s'appliquer par branche, et non à l'échelle de la sécurité sociale tout entière. La lisibilité des comptes est un impératif pour le contrôle parlementaire, mais plus généralement une exigence de démocratie.

Nous sommes inquiets pour l'équilibre de nos finances sociales. Nous allons payer le coût des trente-cinq heures pendant des années, parce qu'une économie qui travaille moins, produit moins, et aussi parce que vous serez contraints d'alléger les charges des entreprises.

Mme Muguette Jacquaint - Il faudra aussi payer les conséquences des plans sociaux !

M. le Rapporteur pour avis - Nous sommes en outre préoccupés par ce qu'on ne peut éviter d'appeler « le dérapage de l'assurance-maladie ». Il représente, en tendance, 8 milliards d'euros. Vous avez pris des mesures fondées et courageuses. J'approuve tout ce que vous avez fait s'agissant du médicament. Il est normal qu'on cesse de rembourser des produits dont l'efficacité n'est pas prouvée et qu'on encourage les génériques. Nous attendons beaucoup de la réforme de la tarification hospitalière.

S'agissant de la médecine de ville, vous avez su rétablir la confiance, ce qui était un préalable. Mais l'envolée des indemnités journalières s'explique par le comportement critiquable de certains médecins. Je n'ai pas peur de le dire. Nous connaissons tous, dans nos villes, les médecins dont on sait qu'ils délivrent avec complaisance les certificats d'arrêt de travail.

Nous devons enfin trouver, avec les partenaires sociaux, les moyens de sauver nos régimes de retraite. Il faudra pour cela un certain courage politique. Nous savons que vous en avez et la majorité vous soutiendra activement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La politique familiale indique les choix sociaux faits par une collectivité. Elle est à la fois une adaptation et une orientation.

L'heure est aujourd'hui au financement et à la promotion du lien. En matière familiale, les transferts de l'Etat aident nos concitoyens lorsqu'ils se retrouvent isolés. C'est très bien ainsi, mais nous ne pouvons pas nous contenter de financer les conséquences des séparations (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). La responsabilité du législateur est aussi d'agir en amont, d'aider les familles à remplir leur fonction de solidarité, de les conforter dans cette vocation. L'amélioration des allocations familiales pour les « grands enfants », l'encouragement des donations entre grands-parents et petits-enfants, ou le réajustement mécanique du quotient familial par la baisse de l'impôt sur le revenu montrent bien qu'il y a une volonté nouvelle de promouvoir, malgré un contexte budgétaire tendu, la solidarité familiale.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille - Pas pour toutes les familles !

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Madame Clergeau, depuis dix ans, des sociologues et des juristes de gauche produisent des réflexions inattendues sur la question de la famille. Pour ces observateurs, l'ère du « Famille, je vous hais » est bel et bien révolue. Dans les années 1960, il était certes justifié de vouloir sortir d'un siècle de morale répressive et pesante. Les revendications d'autonomie, de liberté, le souci de dénoncer un certain conformisme participaient incontestablement d'un discours de progrès. L'autonomie fut érigée en valeur, contre la servitude des liens familiaux. Dès lors, il ne fut plus question de parler de famille, au risque d'être traité de réactionnaire.

Aujourd'hui, la question familiale est redevenue centrale en raison de l'affaissement démographique mais surtout des déchirures familiales, de la flambée de délinquance des mineurs, du développement des phénomènes d'exclusion... Si l'autonomie demeure une valeur essentielle, elle condamne à une solitude qui, dans certaines occasions, devient lourde à porter. Les malades, les personnes âgées, les SDF ne savourent plus cette autonomie. Oui, la famille est revenue au c_ur du débat public (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Ce qui apparaît en premier c'est que, dans le domaine familial, rien n'est satisfaisant. La génération du baby-boom découvre, comme les précédentes, que les relations entre les êtres humains constituent un objet obscur auquel chacun se frotte personnellement sans trouver la solution miracle.

Il apparaît aussi que la légitimité de la famille se fonde désormais sur une solidarité très profonde entre grands-parents, parents et enfants. A l'heure du chômage des fils, on a moins envie de parler de « la mort du père », que proclamaient les jeunes de 1968, la bouche pleine (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

La politique familiale ne peut plus être conçue uniquement sur une opposition dialectique entre les générations, et entre les sexes. Entre l'individualisme forcené et la priorité donnée à la cohésion sociale, un juste milieu est à trouver. Jamais la famille ne forfait complètement à sa mission. Elle transmet ses principes, si affaiblis soient-ils, elle sème l'amour même quand elle le bafoue, elle est le groupe et que l'on quitte et que l'on fonde. Pour Jean-Claude Guillebaud, l'impératif est aujourd'hui de « refaire famille », car celle-ci demeure « la meilleure instance de sauvegarde, de solidarité, mais aussi de résistance ».

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille - C'est ce que j'ai dit !

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Nous nous rejoignons donc sur certains points ! Les pouvoirs publics doivent construire un environnement propice à des engagements qui ne tournent pas à l'oppression, et propice aussi à une autonomie qui ne refuse pas les responsabilités. Renforcer l'individu, c'est le relier et non pas l'isoler.

L'opposition ne nous aide guère, tant elle demeure bloquée sur des idées anciennes. Pascal Brückner parle d'une « génération restée rivée à ses chimères », et, pour Bernard Préel, une autre référence de gauche, « le rendez-vous décisif avec l'histoire est pris au temps des amours ». Arrivée à 20 ans, une génération forge définitivement son système de pensée. Voilà pourquoi la gauche institutionnelle, usée par le pouvoir, a pris un temps de retard. Il s'ensuit que notre société est devenue de plus en plus injuste pour les jeunes femmes conçues sur les barricades (Rires). C'est la vérité ! Que faisiez-vous en 1968, Monsieur Le Garrec ? (Exclamations et rires) Le plus d'égalité péniblement obtenu dans leur vie publique, ces femmes l'ont payée d'un gros moins dans leur vie privée, au cri de « la femme oui ! La famille non ! ». Oubliant que les enfants étaient l'un des sous-produits habituels de la sexualité, la gauche a tardé à prendre en compte les difficultés des mères au travail.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille - C'est incroyable !

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Pierre Bourdieu ayant enseigné que la famille organise la transmission des privilèges, la gauche s'est méfiée des flux financiers entre générations. De même, croyant s'en prendre aux riches, elle s'est attaquée aux 20 % de mères ayant deux enfants au moins en tentant de placer les allocations familiales sous conditions de ressources, et en diminuant les avantages liés aux emplois familiaux.

Considérant que tout est oppressif dans la coutume et tout libérateur dans l'innovation, la gauche a préféré réformer les règles du nom patronymique, à l'heure où tout le monde s'alarme de la disparition des pères.

Dans le débat sur l'IVG des jeunes filles, la famille, supposée gênante, a été remplacée par un tiers. Ainsi, on prône un retour à l'autorité parentale tout en la vidant de son contenu. Peut-être y a-t-il pourtant des abcès qu'il vaut mieux inciser plutôt que de les traîner dans le silence au risque d'une septicémie généralisée des rapports familiaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance-vieillesse - Très juste !

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Catherine Labrusse-Rioux estime que la gauche contemporaine a valorisé le paternalisme d'Etat contre les familles. Dans la ligne d'André Laignel, pour qui « l'Etat est là pour protéger l'enfant contre ses parents », Elisabeth Guigou défend l'allocation d'autonomie des jeunes au détriment des allocations familiales. Ainsi l'évolution d'un enfant vers l'âge adulte est-elle encore conçue comme une longue marche de l'esclavage vers la libération totale. Rien n'a changé dans le discours de la gauche institutionnelle depuis trente ans. La relation entre enfant et parent, entre femme et homme, est considérée comme un rapport dominé-dominant.

Mme Muguette Jacquaint - C'est parfois le cas.

M. le Président de la commission des affaires culturelles- Les réflexes de la gauche ne correspondent plus à aucune réalité. Mais la moindre critique vaut à son auteur le qualificatif insultant de « vichyste » (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous pouvez dire de nous ce que vous voulez, nous ne sommes pas des Pétain, des Salazar ou des Franco !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille - Je n'ai rien dit !

M. le Président de la commission des affaires culturelles- Pascal Brückner livre la clé de votre attitude : « Maintenant qu'ont disparu les grands boucs émissaires, il est tentant de les ressusciter. Faute d'ennemis réels, on s'en forge d'imaginaires ».

Le risque d'une telle attitude, pour cet intellectuel de gauche, est de faire naître chez les jeunes les plus fragiles une crispation, de les transformer en « une classe d'anxieux, de désemparés, tentés par le conservatisme ». N'est-ce pas ce que l'on constate dans l'électorat d'extrême-droite, ou dans la violence machiste qui sévit dans les quartiers ? En outre, ces discours de « vieux galopins nostalgiques » étouffent la voix des vrais déshérités.

M. Jean Le Garrec - Suis-je un vieux galopin ? J'aimerais bien !

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Sans doute les socialistes avaient-ils besoin de leurres idéologiques pour faire oublier leurs reniements.

Aujourd'hui, cessons de construire la politique familiale sur le modèle de la guerre de sécession entre femmes et hommes, entre enfants et parents, au risque de déresponsabiliser les uns envers les autres.

La conférence de la famille que vous annoncez devra réaliser un véritable audit de la politique familiale. Nous ne pouvons plus dépenser sans réfléchir. Si les individus ne se prennent plus en charge à titre privé, si les familles ne sont pas soutenues, nous obtiendrons ce que souhaitait Napoléon : « Il faut que la société soit faite en grains de sable, et moi je fais le tas de sable ». C'est la définition d'une société totalitaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialise une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91-4 du Règlement.

M. Claude Evin - Voilà six mois que vous êtes aux affaires, ce qui nous permet de commencer à apprécier votre action.

Vous parlez, Monsieur le ministre, d'humanité, de responsabilité, de confiance...

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Et il en parle bien !

M. Claude Evin - Je ne vois là qu'effet d'annonce, vacuité, et, plus grave, danger pour l'avenir de notre solidarité nationale. Sans doute est-il quelques mesures que j'approuve, puisqu'elles ont été amorcées par la majorité précédente : financement du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des trente-cinq heures dans les hôpitaux... Il en va de même du débat pluriannuel sur les objectifs de santé publique que vous avez annoncé, et qui figurait dans la loi du 4 mars 2002. Vous vous inscrivez ainsi dans la suite de la loi du 6 mars dernier, relative au mécanisme conventionnel entre les caisses de sécurité sociale et les médecins libéraux. Je me réjouis naturellement de cette continuité, savoureuse quand on se souvient de vos critiques passées. Mais pour l'essentiel votre projet ne comporte rien qui puisse améliorer la protection sociale de nos concitoyens. Surtout, il n'assure pas le financement de votre sécurité sociale pour 2003. En fait, il est critiquable autant pour ce qu'il ne contient pas que pour ce qu'il contient.

Vous avez parlé de « responsabilisation » ; fort bien. Mais en affirmant que jamais cette démarche n'a été tentée avant vous, vous faites injure à Jacques Barrot ou à Simone Veil pour ne rien dire d'autres ministres qui n'étaient pas de votre camp.

Aussi bien ne suffit-il pas d'affirmer. Vous prenez le contre-pied, en fait, d'une démarche rationnelle, puisque vous vous appuyez davantage sur la responsabilité du profane que sur celle du professionnel. C'est bien sur les seuls assurés sociaux que vous faites reposer la responsabilité de réduire l'augmentation des dépenses de santé. Je suis partisan de la responsabilisation des personnes, parce que je crois en l'Homme. Mais quelle est la responsabilité de la personne malade face à un prescripteur de soins ?

Les professionnels ont bénéficié, pour certains d'entre eux, d'une revalorisation de revenu d'un niveau moyen d'un SMIC par mois en juin dernier. Ce n'est quand même pas rien ! Ils seraient bien ingrats s'ils ne vous remerciaient pas... Mais la responsabilisation des médecins généralistes nécessiterait surtout une redéfinition de leur rôle et de leur mode d'exercice.

Quant aux assurés sociaux, leur responsabilité consiste pour vous à les faire payer davantage, afin qu'ils comprennent bien que leurs soins sont coûteux. C'est ce qui avait justifié l'institution du ticket modérateur dès 1928, dans les lois créant les premières assurances sociales ; mais on a compris depuis que le ticket modérateur pénalise les plus pauvres sans réduire les dépenses de santé !

Vous prévoyez, donc, de rembourser les médicaments sur la base du prix du générique. De même, pour les visites, vous avez inventé une distinction : le patient paie 30 €, mais il est remboursé sur la base de 20 ou 30 selon que la visite est considérée comme injustifiée ou justifiée. L'objectif affiché par la CNAMTS est que, demain, 70 % des visites soient considérées comme injustifiées.

Croyez-vous vraiment que nos concitoyens s'amusent à faire déplacer leur médecin sans nécessité ? Le nombre des visites baisse régulièrement depuis vingt ans ; pourquoi n'avoir pas laissé ce mouvement se poursuivre naturellement ? Il était déjà possible, pour un médecin victime d'un patient irresponsable, de demander un dépassement d'honoraires pour exigence exceptionnelle.

Votre article 27 sur le forfait de remboursement au sein des groupes génériques est fondé sur l'idée qu'il est anormal de rembourser différemment deux médicaments quasiment identiques. Mais faut-il rappeler que les prix des produits pharmaceutiques ne sont pas libres ? Si le comité économique des produits de santé a attribué à des médicaments du même groupe générique des prix différents, sans doute avait-il des raisons pour cela. La seule manière de ne pas pénaliser les assurés serait d'aligner le prix des princips sur celui des forfaits : est-ce ce que vous souhaitez ?

Autre recul de la solidarité en perspective : vous avez utilisé à Ramatuelle puis dans une récente interview la notion d' «espaces de liberté » pour les tarifs des médecins. Il est vrai que vous êtes confronté à de multiples revendications, que vous avez du reste attisées en reprenant dans tous vos discours le thème de la « crise morale et matérielle profonde des professionnels de la santé ». Je vous avoue que la notion de crise matérielle ne me fait pas spontanément penser aux radiologues, aux pharmacies ou aux dentistes, surtout quand je vois le nombre de chômeurs augmenter...

Vous vous gardez bien d'invoquer le secteur II, le secteur à honoraires libres, mais c'est pourtant de cela qu'il s'agit. Je m'enorgueillis d'avoir stoppé au début des années 1990 la dérive vers ce secteur, qui était telle qu'à Paris on ne trouvait plus un seul gynécologue respectant les tarifs de la sécurité sociale ; je crains fort que derrière les mots « espaces de liberté » se cache le retour du secteur II...

La hausse du C à 20 € avait pour contrepartie l'engagement des médecins de prescrire des génériques. Où est la confiance que vous disiez faire aux médecins quand vous balayez ce contrat - alors même que les prescriptions de génériques ont augmenté - pour lui substituer la loi imposant le forfait générique ? Alors que le marché des génériques était en train de décoller, les professionnels disent que vous allez le tuer en déclenchant une guerre des prix.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général - Intox !

M. Claude Evin - Enfin, vous prétendez faire preuve de réalisme et de sincérité. Est-ce si sûr ?

Vous nous proposez pour l'ONDAM une progression de 5,3 %. C'est moins que la progression réelle des dépenses d'assurance-maladie au cours des trois dernières années - 5,6 % en 2000 et en 2001, 7,10 % en 2002 - ; et si les 2,6 % votés pour 1999 ou les 3,8 % votés pour 2002 ont été dépassés de plus de trois points, qu'en sera-t-il pour 2003 ?

Le législateur de 1996 a voulu fixer un objectif, non une enveloppe fermée. Si cet objectif n'est pas tenu, c'est parce qu'il n'y a pas de contrôle financier préalable à l'engagement de dépenses, ce que d'ailleurs personne ne souhaite, mais on sait donc très bien que l'objectif sera toujours dépassé. En retenant 5,3 %, vous prenez le risque que la progression des dépenses atteigne plutôt 8,5 ou 9 %, d'autant que vous ne prenez aucune mesure pour maîtriser les dépenses.

Comment ferez-vous pour tenir l'objectif de 5,3 % ? Auriez-vous l'intention de donner moins à l'hôpital ? Vos propos semblent indiquer le contraire. Serez-vous plus rigoureux avec les professionnels de santé en 2003 qu'en 2002 ? J'en doute, au moment où s'ouvrent des négociations avec toutes les professions. Bref, ce PLFSS n'est pas sincère. Où est donc la sincérité quand le Gouvernement annonce par ailleurs, dans le document de programmation transmis à Bruxelles, une hausse des dépenses maladie de 4 % en valeur par an sur la période 2004-2006 ?

Qu'en est-il encore de la sincérité et du réalisme quand vous prenez des mesures qui n'apportent rien, seulement pour leurs effets d'affichage ?

Je pense à votre annonce de la généralisation effective de la tarification à l'activité pour 2004. La loi du 27 juillet 1999 fournissait déjà la base législative nécessaire pour démarrer des expérimentations. Une mission a travaillé à la définition de cette nouvelle forme de tarification, mais, il est évident que l'objectif que vous affichez est irréaliste. Je ne peux être accusé de ne pas vouloir cette forme de tarification, puisqu'elle était déjà inscrite dans la loi hospitalière de juillet 1991 que j'avais présentée. Mais, malheureusement, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Au CHU de Marseille, le point ISA se situe à 14,68 en 2001. Au centre hospitalier de Saint-Nazaire à 12,23 %, au CHU de Nantes à 12,56. L'écart entre Marseille et Nantes est donc de 17 % . Pouvez-vous me dire, Monsieur le ministre, comment vous allez le réduire ? Pensez-vous aligner le CHU de Nantes ou le centre hospitalier de Saint-Nazaire sur le CHU de Marseille ? Je sais que vous n'avez pas les moyens de cet alignement par le haut... J'aurais pu prendre l'exemple de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris, où le point ISA est à 15,59.

La généralisation de la tarification à l'activité en 2004 suppose que ces problèmes aient été résolus et que les hôpitaux se soient adaptés. Vous n'en dites rien.

Et je n'ai même pas évoqué les écarts entre le secteur privé et le secteur public.

La mission d'expertise et d'audit hospitaliers que vous voulez créer ne servira à rien. Votre administration dispose de différents moyens qu'il serait préférable d'utiliser. À moins que vous n'ayez des intentions inavouées...

M. Bernard Accoyer - Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Claude Evin - La sincérité du texte inspire également des doutes lorsque vous détournez les excédents de la CADES pour payer une dette de l'Etat à l'assurance-maladie.

M. Bernard Accoyer - Il faut être gonflé ! Quand on sait pour quoi elle a été créée !

M. Claude Evin - Cette caisse est financée par le RDS. Elle a été créée par M. Juppé pour éponger la dette de la sécurité sociale laissée par M. Balladur en 1995.

M. Bernard Accoyer - Et prolongée jusqu'en 2014, pour combler les gouffres de votre politique !

M. Claude Evin - Si la CADES a des excédents, on peut réduire la durée des remboursements de la dette ou abonder le fonds de réserve des retraites ! La CADES a été créée pour rembourser les dettes de la sécurité sociale, pas celles de l'Etat.

Oserez-vous enfin parler de sincérité quand les nouvelles dispositions concernant la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles permettent au Medef de revenir gérer ce risque sans régler la question de sa participation à la gestion de l'assurance-maladie ? Cela ne cadre guère avec votre volonté de débattre de la gouvernance de la sécurité sociale ! Je ne doute du reste pas que le Conseil constitutionnel censurera cette disposition.

Outre cet article 38, d'autres mesures sont susceptibles d'encourir la censure du Conseil. L'article 2, par exemple, traite dans une loi simple de ce qui relève de la loi organique.

D'autres articles qui n'affectent pas directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou n'améliorent en rien le contrôle du Parlement, comme l'article 16 ou l'article 18, ne relèvent pas du champ défini par la loi organique de 1996, que vous avez votée. Il en va de même de certaines dispositions, introduites en commission des affaires sociales. Je crois, personnellement, que le législateur de 1996 a trop circonscrit les lois de financement de la sécurité sociale. Elles mériteraient de comporter des mesures qui, bien que sans impact financier direct, concerneraient par exemple l'organisation de l'offre de soins. Pour modifier la loi organique, il faut un accord du Sénat. J'ai vainement essayé de l'obtenir lorsque j'étais rapporteur pour le volet assurance-maladie. Je ne sais si vous parviendrez à les convaincre de l'intérêt d'une telle évolution, mais en attendant, la loi est ce qu'elle est et vous devez la respecter.

L'un des rapporteurs qualifie ce projet de « modeste ». Vous dites vous-même que c'est un projet de transition. Vous nous incitez donc à ne pas y chercher de grandes choses, et je serai sur ce point d'accord avec vous. Ce projet est aussi critiquable pour ce qu'il ne contient pas que pour ce qu'il contient.

« Transition », ce terme que vous utilisez à l'envi, ne sert qu'à masquer les lacunes de ce PLFSS a minima.

Nos concitoyens sont en droit d'espérer d'un projet de financement de la sécurité sociale des mesures qui touchent à leur vie quotidienne. J'ai cherché en vain.

Les PLFSS des dernières années tendaient à améliorer la qualité des prestations sociales. Je rappellerai la création d'un examen bucco-dentaire obligatoire pour les enfants de six à douze ans, la dispense du tiers payant pendant un an pour les personnes sortant de la CMU, l'incitation au développement des médicaments orphelins ou l'aide à l'installation des professions libérales, sans parler des examens de dépistage ou des politiques de prévention.

De votre côté, vous refusez de garantir la pérennité des multiples plans de lutte contre les maladies chroniques mis en _uvre par le précédent gouvernement.

M. Bernard Accoyer - Affirmations creuses !

M. Claude Evin - Vous avez refusé de la même façon un amendement de l'UDF concernant la lutte contre la maladie d'Alzheimer.

M. Bernard Accoyer - Il a été adopté !

M. Claude Evin - Concernant la politique familiale, je ne rappellerai que la création du congé de paternité ou de l'allocation de présence parentale lorsqu'un enfant est hospitalisé, la mise en place d'un fonds pour la petite enfance ou le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire parmi toutes les mesures que nous avons prises.

Votre politique familiale se résume à la promesse de l'allocation unique, mais nous ne savons toujours pas ce qu'elle est réellement. J'espère que vous en savez plus que nous.

En revanche, nous savons ce que cette allocation aurait pu être. En 1995, Madame Codaccioni était arrivée avec le même slogan. Dès qu'elle a tenté de passer aux actes, on s'est aperçu que cela coûtait horriblement cher et qu'il s'agissait surtout de ramener les femmes à la maison (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général - Caricature !

M. Claude Evin - On sait ce qu'il est advenu de tout cela : le plan Juppé a emporté l'allocation unique. Il a d'ailleurs également emporté Madame Codaccioni et quelques-unes de ses collègues féminines. 1996 fut une année noire pour les familles : toutes les prestations ont été gelées.

M. Bernard Accoyer - Et ceux qui disent cela ont mis les allocations familiales sous condition de ressources et baissé le quotient familial !

M. Claude Evin - La ligne de force du gouvernement Raffarin est de ne pas faire du Juppé. Mais qu'allez-vous faire à la place, à part user de jolis mots tels que liberté ou simplicité ?

Le précédent gouvernement avait beaucoup amélioré les allocations logement, qui sont essentielles pour les familles modestes. Vous les revalorisez avec retard sur une basse de 1,2 % bien inférieure à l'évolution du loyer et des charges. Demain, la charge du logement sera plus lourde pour cette France d'en bas dont vous vous réclamez.

Que porter à votre crédit ? Une mesure laborieuse pour atténuer la baisse des ressources des familles d'au moins trois enfants dont l'aîné atteint l'âge de 20 ans. Nous aurions préféré une vraie politique pour favoriser l'autonomie de ces jeunes adultes, que vous considérez toujours comme de grands enfants.

Concernant la branche vieillesse dont M. Fillon n'est même pas resté discuter, nous avions étendu l'allocation spécifique de solidarité, augmenté l'allocation des chômeurs en fin de droits, pris en compte les périodes de service national... Nous avions donné aux retraités plus que la stricte indexation sur les prix. Aucun coup de pouce n'est prévu pour 2003, alors même que vous prévoyez une croissance de 2,5 %. Mais peut-être ne croyez-vous pas vos propres prévisions ?

Plus grave : le rapport économique, social et financier indique que les prestations sociales seront strictement indexées sur les prix entre 2004 et 2006. Est-il donc dans vos intentions, pour les quatre années à venir, de ne faire aucun effort en faveur des retraites, ou doit-on considérer que vous n'avez pas l'intention de tenir les engagements que vous prenez à Bruxelles ? Les retraités seront naturellement très attentifs à votre réponse.

Concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles, la gauche a pris de multiples mesures en faveur des victimes de l'amiante, a levé la prescription des maladies professionnelles et s'est engagée dans la voie de la réparation intégrale. Aujourd'hui, dans le rapport annexé à la loi, il n'est plus question que d'un « éventuel » passage à la réparation intégrale.

Votre projet ne contient rien non plus en faveur des personnes handicapées, après les importantes réformes que nous avions réalisées.

Mais ce qui est le plus contestable, c'est que votre projet ne contient aucune mesure pour maîtriser structurellement l'évolution des dépenses de santé. La sécurité sociale en 2003 ne sera pas financée.

La commission des comptes de la sécurité sociale a évalué en septembre le déficit des régimes de base pour 2002 à 3,3 milliards. Vous espérez le contenir à 3,9 milliards en 2003, mais vous avez recours à des artifices. Vous prenez en effet 1,2 milliard dans la CADES. Vous faites bénéficier l'assurance-maladie d'une augmentation importante des taxes sur le tabac. Je ne conteste naturellement pas l'intérêt d'une telle augmentation en termes de santé publique, mais une telle mesure ne pourra servir tous les ans pour réduire le déficit. Or celui de la seule assurance-maladie pourrait atteindre 7, voire 10 milliards fin 2003 ! Une sécurité sociale en déficit, c'est un risque pour la solidarité.

Vous endormez les esprits, mais les réveils ne seront que plus difficiles.

Vous critiquiez, à juste titre souvent, les « tuyaux » du précédent gouvernement.

Mais jamais il n'avait ainsi recouru à des mesures de court terme pour se donner un bol d'air momentané et cacher le vrai problème. Le dispositif précédent était trop compliqué, et vous allez d'ailleurs encore aggraver les choses, mais le vôtre ne contient que des tuyaux percés.

Vous invoquerez naturellement l'héritage. Il est vrai que le déficit de 2002 ne vous est pas totalement imputable, mais vous avez contribué à l'aggraver. La commission des comptes de la sécurité sociale évaluait en juillet le déficit pour 2002 à 2,4 milliards. En septembre, elle l'évaluait déjà à 3,3 milliards ! Ce sont les mesures que vous avez prises en juin qui font la différence.

Mais allons au bout du débat. En 1997, le précédent gouvernement héritait d'un déficit de 4,5 milliards d'euros. Il a pris, dès son arrivée, des mesures rigoureuses. Le déficit a été réduit dès 1998 et l'équilibre retrouvé en 1999. Ce fut difficile. Rappelez-vous les débats de 1997. En 2002, vous héritez d'un déficit bien moindre, mais vous n'entreprenez aucun effort pour le réduire.

Vous répugnez à évoquer la maîtrise comptable. J'ai moi-même très souvent dit combien c'était un faux débat que de vouloir l'opposer à la maîtrise médicalisée. Mais il faut bien compter, et si le ministre ne le fait pas, les Français les plus pauvres le feront.

Vous avez voulu avoir dans votre champ de compétence ministériel les comptes de la sécurité sociale. Je vous comprends. Je les avais aussi. Peu de ministres chargés de la santé ont eu en même temps la responsabilité de la sécurité sociale. Mais il faut que vous l'assumiez jusqu'au bout. Je sais combien elle peut être impopulaire auprès des professionnels de santé. Mais vous serez obligé de choisir. Le Gouvernement ne pourra attendre que la Commission européenne vienne lui faire la leçon ou que les autres pays de l'Union nous montrent du doigt.

Je constate que les objectifs de recettes que vous annoncez ne pourront être tenus. Pour 2002, vous espérez une croissance du PIB de 1,2 %, l'INSEE l'a déjà estimée à 1 %. Pour 2003, le ministre des finances a reconnu que votre prévision de 2,5 % relevait du pur volontarisme. Vous retenez une croissance de la masse salariale de 4,1 %. En réalité, elle se situera entre 3 et 3,5 %. La perte de recettes qui en résultera sera d'au moins 900 millions d'euros pour le régime général.

Que cache votre refus de traiter le déficit de la sécurité sociale ?

Quelles sont vos intentions réelles concernant le financement et l'avenir de notre système de santé ? Laisser dériver les dépenses peut conduire à des mesures radicales. Vous êtes l'un des seuls, à droite, à avoir formulé un projet de rupture avec le mode d'organisation actuel de notre système de santé.

M. Bernard Accoyer - Un fantasme !

M. Claude Evin - J'ai relu le discours que vous aviez prononcé le 27 octobre 1999.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - Avec plus d'éloquence !

M. Claude Evin - Vous disiez alors : « Il y a désormais une profonde antinomie entre le prétendu statut des professions libérales et les contraintes de l'Etat. C'est pourquoi je plaide pour un changement de stratégie. Il faut leur donner le choix. Il n'est pas sain qu'ils soient prisonniers d'un monopole qui impose des règles d'exercice à...

M. Jean Le Garrec - Nous sommes au c_ur du débat !

M. Claude Evin - « ...Il faut qu'ils puissent choisir eux-mêmes les modalités d'installation, d'accréditation et de formation, en contrepartie de quoi ils choisiront eux-mêmes les caisses ou les organismes parapublics ou privés dont ils accepteront les contraintes. Quant aux usagers, ils ont des droits garantis par l'Etat, mais ils ont aussi des responsabilités. Il leur appartient de les assumer en choisissant librement leur organisme de couverture, c'est-à-dire celui qui les prend en charge le mieux... Voilà une véritable alternative, une véritable réforme qui a le mérite de tenir compte des changements majeurs ».

Pour conforter vos propositions, vous appeliez à la rescousse des expériences étrangères : la Suisse, qui a mis en place le libre choix de sa compagnie d'assurance, ou les Pays-Bas qui sont allés dans le même sens.

Je n'ai jamais pensé que vous envisagiez de privatiser l'assurance-maladie. Le consensus est trop fort pour une remise en cause. Mais il existe une manière insidieuse de se diriger vers un autre type de sécurité sociale : les dépenses dérivent, expliquons aux Français que l'on ne peut plus la financer. Déremboursement des prestations assurées jusqu'alors par les régimes obligatoires, absence de mesures structurelles pour maîtriser l'évolution des dépenses, la boucle est bouclée pour que le Gouvernement aille progressivement vers un autre système de couverture maladie tout en affirmant le contraire.

Une exception d'irrecevabilité tend à montrer que le projet de loi en débat n'est pas conforme à la Constitution. Plusieurs articles, s'ils étaient maintenus, ne passeraient par la censure du Conseil. Je ne peux que rappeler ici le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 intégré dans la Constitution de 1958 : la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé... ». L'ensemble de la population est en droit d'attendre de la communauté nationale un égal accès aux soins.

Le Préambule de 1946 affirme le principe d'universalité de la protection sociale. A plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel s'est appuyé sur ce onzième alinéa pour confirmer des dispositions relatives à la définition du caractère de mission de service public que remplit la sécurité sociale - mais aussi concernant des politiques menées pour garantir l'accès aux soins et pour maîtriser l'évolution des dépenses de santé.

Ce projet de loi ne garantit pas les principes de solidarité nationale affirmés dans nos textes fondamentaux ; je vous demande donc de voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Monsieur Evin, j'ai écouté votre intervention attentivement, j'ai relevé point par point vos critiques. Si vous en êtes d'accord, je vous répondrai globalement, après la discussion générale et les interventions de Mme Jacquaint et de M. Le Guen.

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Je suis surpris par votre intervention, Monsieur Evin. Vous feignez d'oublier la réalité d'un système de soins dont les malades constatent les premiers la dégradation. Vous employez des formules telles que « recul de la solidarité », ou « méconnaissance de la réalité du monde de la santé », qui relèvent de la langue de bois, voire du procès d'intention. Cependant, lorsque vous évoquez les revenus des radiologues, vous omettez de mentionner la prolétarisation de la médecine générale, et de bien d'autres spécialités dont se détournent les étudiants.

Vous évoquez la pérennité de plus de lutte en matière de santé publique. Je concède au précèdent ministre de la santé l'élaboration d'une série de documents..., mais où sont les financements ! M. Mattei annonce, lui, une grande loi de programmation. Je salue le courage politique de ce PLFSS. L'ONDAM est réaliste ; la politique du médicament courageuse, comme la taxe sur le tabac.

M. Maxime Gremetz - Et la taxe sur la bière ! C'est très courageux !

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Les professionnels de la santé ont retrouvé la confiance avec le retour du dialogue et de l'espoir - suppression des sanctions, des lettres-clés flottantes -, et pour la médecine de ville, et pour l'hôpital.

Vous feriez mieux de ne pas oublier que les professions de santé sont des relais d'opinion...

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.

M. Bernard Accoyer - L'exception d'irrecevabilité présentée par M. Evin m'a attristé. Qui oserait prétendre que ce PLFSS puisse être taxé d'inconstitutionnalité quand c'est la réforme constitutionnelle de 1996 qui a permis au Parlement de se saisir de la protection sociale ?

M. Evin, nous avait habitués à plus de mesure.

Vous êtes mal placé pour critiquer un PLFSS exemplaire qui rompt avec vos pratiques délétères, faisant fi du Parlement et des réalités sociales.

Pendant cinq ans, concernant la branche maladie, aucune réforme n'a été faite, on s'est moqué des partenaires sociaux, on a laissé mourir la politique conventionnelle et l'on a tué le paritarisme.

Et puis, si l'équilibre est si difficile à trouver, c'est bien à cause du poids des mesures que vous n'avez pas financées, qu'il s'agisse de la CMU ou de l'APA, dont le financement n'est même pas ébauché. Et encore m'abstiendrai-je de rappeler le plan Biotox, que le précédent gouvernement souhaitait, si étonnamment, faire financer par la sécurité sociale !

Quant à votre politique familiale, elle s'est caractérisée par la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, par la réduction de l'AGED et par la baisse de la réduction d'impôt liée à la garde d'enfants à domicile !

S'agissant des retraites, on peut parler du plus grand renoncement du gouvernement Jospin, ce gouvernement qui, pendant cinq ans, s'est refusé à rétablir l'équité entre les Français, dont les droits ne sont plus les mêmes au terme d'une vie de labeur.

Quelle audace, enfin, de parler d'insincérité, alors que ce projet est d'une parfaite transparence ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Quelle audace, de la part d'un orateur qui a défendu avec force les détournements des recettes de la sécurité sociale (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) au profit d'une politique de l'emploi qui a échoué !

Mme Élisabeth Guigou - C'est faux ! Arrêtez de mentir !

M. Bernard Accoyer - En soutenant pendant cinq ans un gouvernement que les Français ont désavoué, vous avez participé au détournement des fonds qui manquent si cruellement à l'équilibre des comptes de la protection sociale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Il va sans dire que le groupe UMP ne votera pas l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Le système français de protection sociale a été institué, faut-il le rappeler, à la Libération, sous l'égide du général de Gaulle, certes, mais alors qu'un ministre communiste, Ambroise Croizat, était au gouvernement. C'est dire que, lorsque l'intérêt général le commande, les diverses sensibilités politiques peuvent agir de concert.

Vous nous dites, Messieurs de la majorité, que le système serait à bout de souffle. Non, il ne l'est pas. Notre dispositif de protection sociale est original en ce qu'il est universel et qu'il est fondé sur une solidarité intergénérationnelle constante ; mais son originalité tient aussi à ce que les cotisations sont assises sur la richesse produite.

En quoi le système serait-il « à bout de souffle » ?

Il est normal que les besoins de santé augmentent ! La question à laquelle il faut répondre est de savoir quelle part du PIB la nation est décidée à consacrer à la santé, laquelle, je le souligne, n'est pas un coût mais un investissement.

M. Jean Le Garrec - Très juste !

M. Maxime Gremetz - J'observe que qui soigne bien fait beaucoup d'économies, et j'en profite pour déplorer l'absence d'une grande politique de prévention.

Le problème n'est pas celui des dépenses, mais celui des recettes, puisque le système a fait ses preuves, chacun le sait. Or, que constate-t-on ? Qu'à une certaine époque, les cotisations patronales étaient au même niveau que les cotisations salariales, et que cet équilibre n'existe plus. Comment les recettes ne manqueraient-elles pas à la sécurité sociale quand les entreprises bénéficient de 160 milliards d'exonération ? Comment les comptes pourraient-ils être équilibrés alors que les revenus du capital, au terme d'une longue bataille, ne cotisent que pour 0,8 milliard - autant dire rien ? Quant aux revenus financiers, ils ne cotisent tout simplement pas !

M. Bernard Accoyer - Voilà quelqu'un qui a de la suite dans les idées !

M. Maxime Gremetz - Autant dire que toutes les solutions n'ont pas été recherchées, tant s'en faut. Et le Gouvernement n'a pas songé, non plus, à revenir sur les dispositions instituées par M. Balladur et qui, en portant à 40 annuités la durée de cotisation nécessaire pour avoir droit à pension, ont rompu l'égalité entre les Français.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Maxime Gremetz - J'y viens, Monsieur le Président, car vous savez bien que je ne dépasse jamais mon temps de parole (Rires).

En bref, vos propositions n'ont rien de novateur et le groupe communiste, qui a voté contre le PLFSS l'année dernière, votera l'exception d'irrecevabilité. D'autres solutions existent, il faut les rechercher (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean Marie Le Guen - Les arguments solidement étayés de notre collègue Evin sur l'inconstitutionnalité de certains articles du projet auraient mérité des réponses précises. Ils suffiraient, à eux seuls, à motiver l'exception d'irrecevabilité.

Au-delà, il était bon d'engager ainsi le débat sur l'orientation du Gouvernement en matière de protection sociale, et d'appeler l'attention de nos concitoyens sur les risques qu'il fait courir à ce dispositif, tant par ce qui figure dans le PLFSS que par ce qui n'y figure pas.

S'agissant du financement, il est toujours possible d'imputer à « l'héritage » l'important déficit prévu pour 2002 ; mais cette pratique a ses limites. En effet ; si une partie du déficit incombe à l'ancienne majorité, la majeure partie est de votre responsabilité. Plus grave encore : rien n'est dit du financement de la protection sociale en 2003 et les années suivantes ! De façon insidieuse, vous vous apprêtez à remettre, d'ici à quelques mois, les comptes de l'assurance-maladie et de la protection sociale dans son ensemble dans la situation catastrophique de 1995, ce qui vous obligera à prendre, à terme, des mesures lourdes de conséquences pour l'avenir du système.

Le groupe socialiste votera, bien sûr, l'exception d'irrecevabilité, car les questions posées doivent recevoir des réponses précises (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Le groupe UDF ne votera pas cette exception d'irrecevabilité. L'inconstitutionnalité invoquée ne nous paraît qu'un prétexte. Peut-être quelques articles seront-ils annulés par le Conseil constitutionnel : cela arrive de temps en temps (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Vous en savez quelque chose ! Mais on ne peut prétendre que le texte en lui-même soit inconstitutionnel.

Alain Juppé en 1995, par une réforme audacieuse, a permis à l'Assemblée de se prononcer sur la politique sociale de la nation. Chaque année, nous attendons avec impatience ce débat, au cours duquel le Parlement définit les objectifs de cette politique en même temps que les financements.

Or le Gouvernement est dans une situation délicate. La croissance n'est plus ce qu'elle était. Le précédent gouvernement a dilapidé la croissance des années passées au lieu d'engager la réforme des retraites. Il a restreint la politique familiale. Dans le domaine de la santé, il a laissé tous les secteurs en, crise. M. Mattei s'est donné beaucoup de mal pour renouer le dialogue avec les professionnels de santé. Il a pris des mesures en faveur des généralistes, qui étaient désabusés et malheureux. Pour préparer l'avenir, il a mis en place des groupes de travail et prévu une loi de financement rectificative, ce que le précédent gouvernement n'avait jamais voulu faire.

Nous sommes impatients de passer d'une maîtrise comptable à une maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Pour réussir ce pari, il faut s'en donner les moyens, ce qui implique en particulier le codage des pathologies et des pratiques.

Le Gouvernement s'engage dans une nouvelle politique. Nous attendons ce débat et le groupe UDF souhaite améliorer encore ce texte excellent. Nous ne voterons pas cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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