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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 18ème jour de séance, 47ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 5 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA (suite) 2

      QUESTIONS 15

      ART. 60 35

      APRÈS L'ARTICLE 60 35

      BUDGET ANNEXE DES PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES 36

      ART. 41 36

      APRÈS L'ART. 61 36

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 6 NOVEMBRE 2002 38

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

AGRICULTURE ET PÊCHE, BAPSA (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

M. le Président - Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales concernant l'agriculture et la pêche ainsi que l'examen du budget annexe des prestations sociales agricoles.

M. Hervé Mariton - Ce budget est un budget de remise à niveau et de respect des engagements, ceux qu'a pris l'Etat au fil du temps, ceux qu'ont pris vos prédécesseurs, de façon parfois inconsidérée, ceux que vous-même avez pris, Monsieur le ministre. De cela, nous vous félicitons.

C'est aussi, compte tenu du calendrier et des difficultés de la matière, un budget de transition pour que, demain, vive l'entreprise agricole, pour que l'Etat respecte plus encore l'agriculture, pour que l'Europe redevienne pour elle une chance.

Je me réjouis que vous mettiez vraiment en place le fonds de communication que vos prédécesseurs avaient promis mais oublié de mettre en place. Vous poursuivez aussi une politique d'installation indispensable mais difficile. Depuis dix ans, les efforts en la matière n'ont pas vraiment eu de résultats miraculeux. Mais chacun sait que cette politique, comme celle qui vise à renforcer la compétitivité de notre agriculture, suppose surtout qu'on encourage l'investissement, qu'on maîtrise le foncier, qu'on favorise les transmissions et les successions. Cela passe par d'importantes mesures fiscales dont la dernière loi d'orientation était singulièrement dépourvue.

Lors de l'examen de la première partie de cette loi de finances, en réponse à plusieurs de nos amendements, M. Lambert a insisté sur l'importance de l'évolution de la fiscalité agricole mais nous a renvoyés à la future loi Dutreil sur la compétitivité et l'attractivité de nos entreprises, que nous examinerons au début de l'an prochain. Je souhaite que des mesures soient effectivement prises car il y a urgence, d'autant que ni notre agriculture ni notre secteur agro-alimentaire ne sont aussi forts qu'on le croit souvent, il n'est qu'à voir le recul des exportations en 2001, pour s'en convaincre.

Pour que vive l'entreprise agricole, il faut aussi améliorer les relations entre producteurs et distributeurs. C'est difficile, d'autant que la multiplication des textes en la matière est souvent vaine. La police des factures et des prix est difficile à organiser et les secteurs économiques s'emploient à surmonter, si ce n'est à contourner, les règles.

La seule vraie question, c'est la concentration de la distribution. Certains pays ont su s'y attaquer ; il y faut une forte volonté politique.

Le dernier projet de loi d'orientation était riche en dispositions qui n'ont jamais été appliquées. Je pense en particulier à l'assurance récolte qui répond pourtant à une vision moderne de l'agriculture et à l'attente de nombreux agriculteurs, pour des productions diverses. Faute de dotation pour le fonds des calamités, il est à craindre que cette mesure ne devienne pas effective.

Le respect que l'Etat doit à l'agriculture se manifeste d'abord dans l'enseignement agricole, dont il faut préserver les spécificités, notamment l'accès dès la 4ème. Evitons aussi que sa particularité se dilue dans des disciplines assez éloignées de sa mission première, comme l'environnement, d'autant que de telles orientations n'offrent pas plus de débouchés aux élèves.

Une autre marque de ce respect serait la simplification des structures et l'allégement des procédures. Si la multiplication des offices se teinte d'un style IIIe République, il ne faudrait pas que la réduction de leurs crédits, qui me paraît sage, handicape leurs actions.

Le respect, c'est aussi le refus de ce qu'un de vos prédécesseurs avait appelé « l'agriculture de préfecture », en parlant des contrats territoriaux d'exploitation. Je m'étonne qu'après que ces contrats ont essuyé tant de critiques justifiées, certains souhaitent encore qu'ils s'appliquent jusqu'à la fin des temps. Pour ma part, je me réjouis que vous ayez courageusement décidé de les interrompre.

En ce qui concerne la politique de qualité, il faut distinguer mythes et réalités. Si le choix par certains de produire bio est légitime, est-il normal que cette production soit reconnue en tant que telle comme signe de qualité ? Il s'agit d'une méthode, non d'une certification de résultat.

Nous sommes tous à la recherche de modalités pratiques pour encourager le développement rural. Au plan européen, 9 milliards d'euros ont été alloués à la France au titre du « premier pilier » et 600 millions au titre du « deuxième pilier ». Ces crédits n'ont été consommés qu'à moitié, ce qui a fait encourir des pénalités à notre pays.

J'ai découvert, dans le dossier de presse constitué par votre ministère, une formulation étonnante : ce budget serait bâti sur une priorité, mettre fin à la sous-consommation des crédits destinés à la France afin de bénéficier pleinement d'un effet de levier pour construire une agriculture forte. Certes, l'objectif est louable, mais faut-il vraiment construire le budget de l'agriculture en fonction des crédits communautaires ?

On parle souvent du « deuxième pilier », mais nous avons du mal à concevoir ce que cela veut dire.

Nous sommes nombreux à attendre votre projet de loi sur le monde rural pour nous éclairer. Notre politique rurale est à refonder. La presse agricole vient de rapporter que le nitrate est bien moins dangereux qu'on ne l'avait dit. Pensons aux millions dépensés pour rien !

Afin que l'Europe redevienne une chance pour l'agriculture, vous bataillez ferme, mais quelles seront les conséquences du plafonnement annoncé après 2007 ? Ne risque-t-on pas de passer du premier au deuxième pilier ?

Il faut solliciter la régionalisation de la politique agricole. Dans certains pays d'Europe, les aides sont versées par les collectivités territoriales.

M. le Président - Il faut conclure.

M. Hervé Mariton - Faudra-t-il, après 2007, renationaliser une partie de la PAC ? La question se pose.

Je veux enfin vous remercier, Monsieur le ministre, de renforcer notre position au sein de l'Union européenne pour négocier auprès de l'OMC (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous avons devant nous au moins quatre heures de débat. Je demande aux orateurs de respecter leur temps de parole.

M. Jean Dionis du Séjour - Je veux saluer, comme l'a fait François Sauvadet, le travail du Gouvernement. Financement du BAPSA et des retraites complémentaires, refonte de la politique des contrats territoriaux, diplomatie agricole active et efficace : le chemin parcouru est déjà considérable, d'autant que vous avez hérité d'un ministère sinistré. On sait que l'agriculture a rarement été une priorité des socialistes.

Elu du Lot-et-Garonne, terre de diversité syndicale, je peux témoigner du crédit dont vous jouissez dans les milieux agricoles.

Je souhaite vous faire entendre une demande pressante des producteurs de fruits et légumes. Il s'agit d'un secteur à forte valeur ajoutée, qui connaît pourtant de grandes difficultés en raison de la hausse des coûts de production et de la baisse des prix de vente, celle-ci étant due à une forte concentration de la demande. Les producteurs ont fait des efforts d'organisation. Ils ont mis en place des signes de qualité. Mais l'impact de ces mesures reste limité. Le coût de la main-d'_uvre représente plus de 50 % du prix de revient. La filière est menacée. Il faut faire preuve d'imagination pour encadrer les pratiques commerciales de la grande distribution et des industries de transformation. Ce ne sera pas facile, car il faudra que les solutions proposées soient acceptées par les gardiens du temple à Paris et à Bruxelles, mais on ne peut laisser mourir cette filière. En trente ans, les vergers qu'étaient nos vallées se sont transformés en champs de céréales.

Contrairement à M. Mariton, je crois que la concentration dans le monde de la grande distribution est un fait et qu'il sera difficile de revenir en arrière. Certains syndicats agricoles préconisent l'instauration d'un coefficient multiplicateur en temps de crise et notre collègue Ferrand a déposé une proposition de loi en ce sens. Si la distribution veut dégager des marges comptables, elle devra payer correctement les produits. Le mécanisme proposé améliorerait le partage de la marge en temps de crise.

Nous comptons sur vous pour mettre en chantier les réformes de structure attendues par nos agriculteurs et nos arboriculteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. François Guillaume - Monsieur le ministre, comme tous vos collègues, vous avez dû assumer l'héritage laissé par le gouvernement précédent. Or, celui-ci pèsera non seulement sur le budget pour 2003, mais aussi sur les années suivantes. Je pense tout particulièrement aux retraites complémentaires agricoles.

Solidaire d'un gouvernement qui souhaite réduire le déficit, vous proposez de redéployer les crédits pour remettre en ordre la politique agricole de la France, dont on peut se demander si les socialistes ne lui ont pas assigné une mission purement environnementale, au détriment de sa fonction économique naturelle. Il serait aussi erroné d'opposer ces deux aspects que de vouloir financer la protection de la nature alors qu'elle peut être assurée par la production elle-même, comme cela a toujours été. « L'agriculture raisonnée » est une redondance. Ne serait-ce que par souci d'économie, les agriculteurs sont entourés de professionnels qui travaillent avec l'INRA. Nous avons tous les outils nécessaires pour protéger l'environnement et, s'il y a des abus, la législation en vigueur permet de les sanctionner.

Vous avez annoncé la suspension des CTE, dont le coût plombe votre budget. Nous avons cru comprendre que vous alliez réformer ce dispositif qui a créé une administration pléthorique et coûteuse et ne profite qu'aux agriculteurs les mieux informés. Contrairement à ce qu'affirmait la gauche, peu de petits agriculteurs ont risqué ces contrats. Enfin, l'effet du dispositif est dérisoire compte tenu des enjeux environnementaux. Il faut revenir aux principes simples sur lesquels nous avions fondé, en 1972, notre politique en faveur de l'agriculture de montagne. Au lieu d'accorder une aide au revenu démotivante, nous avions rétabli par un certain nombre de correctifs les conditions de la concurrence avec les zones de plaine. En outre, un appui au développement d'activités complémentaires, par exemple touristiques, était offert aux exploitants ne disposant que d'une petite superficie agricole.

Il faut renouer avec l'esprit de cette politique et mettre fin aux gaspillages de vos prédécesseurs, aveuglés par leur dogmatisme.

Vous avez fait un premier pas avec la nouvelle prime à l'herbe, dont il faut cependant revoir les modalités. Certaines régions en effet, contraintes de diversifier leur production, sont injustement écartées du dispositif.

Il faut aussi permettre aux agriculteurs qui le souhaitent d'avoir un complément de revenu. Rien ne vaut la relation de proximité entre l'agriculteur demandeur et le maire qui, avec son conseil municipal, contrôlera le respect des engagements pris.

Un mot enfin sur la PAC. La France ne doit pas nourrir de complexes sur les avantages qu'elle en retire. Il est d'ailleurs paradoxal que les partisans d'une Europe intégrée soient ceux qui réclament une comptabilisation séparée des aides, qui serait un premier pas vers la renationalisation de la politique agricole. L'aide à l'hectare est plus élevée en Allemagne qu'en France. Le Président de la République a fait valoir ces arguments auprès du chancelier allemand. Je salue également sa déclaration sur le chèque britannique, bienveillante dérogation à laquelle il faut mettre fin. Rappelez à ces Britanniques qu'ils peuvent réduire leur contribution au budget communautaire en commerçant davantage avec leurs partenaires européens, ce qui leur évitera de reverser à Bruxelles les droits de douane liés à leurs achats extérieurs. Cela s'appelle mieux respecter la préférence communautaire.

Monsieur le ministre, vous ne manquez ni d'arguments ni d'atouts ni d'appuis. Sur la PAC vous n'êtes plus tout à fait isolé au conseil des ministres de l'agriculture. Si vous l'êtes encore sur l'OMC face aux rudes Américains dont la mauvaise foi est érigée en tactique de négociation, tenez bon : la victoire n'en sera que plus belle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Lassalle - J'exprime ce que ressentent ceux qui m'ont fait confiance : l'impression profonde que nos campagnes sont abandonnées. L'agriculture ne se sent plus reconnue. Il est temps de réhabiliter les paysans de France. Nous sommes noyés dans un magma de textes aussi variés que confus. Plus personne n'y comprend rien. Nous avons besoin d'un élan national. La cause de nos campagnes doit transcender les courants de nos assemblées. Chacun essaie, depuis des années, de faire de son mieux ; en vain. Nos paysans continuent à disparaître, nos villages s'éteignent, et nous nous faisons ainsi beaucoup de mal à nous-mêmes. La politique de la ville restera un tonneau des Danaïdes tant que l'on continuera à entasser pêle-mêle tous ceux qui auraient tant et tant à faire ailleurs, qui donneraient à notre France, le troisième territoire d'Europe, la capacité de réconcilier les hommes. Si la paysannerie allait mieux, c'est toute la France, puis l'Europe, qui irait mieux.

Moi aussi, j'ai apprécié vos premières mesures. Je ne le dis pas souvent, car j'ai fréquemment eu maille à partir avec les ministres, quelle que soit leur appartenance. J'apprécie votre style direct et clair. Essayez de l'insuffler à vos DDA, qui sont devenues très compliquées et se sont laissé damer le pion par les DIREN (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP), dont les responsables sont trop intelligents pour nous. Si la paysannerie va, la France ira (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jacques Le Nay - Votre budget est marqué par la volonté du Gouvernement de soutenir une agriculture forte et dynamique, dans un contexte budgétaire pourtant difficile. Vos choix et vos orientations sont clairs : développer une agriculture écologiquement responsable et économiquement forte. La part du budget communautaire, à savoir 34 % des dépenses dans le secteur, est décisive pour permettre à notre agriculture de tenir toute sa place dans un marché très dur. Continuez donc à défendre avec fermeté, à Bruxelles, nos intérêts agricoles.

Nous approuvons votre décision de consentir un effort budgétaire important afin de trouver des contreparties aux crédits communautaires du deuxième pilier de la PAC, crédits dont la consommation insuffisante entraînait des pénalités.

Vous avez annoncé un plan d'adaptation pour les filières en crise. Il est très attendu. Nous espérons qu'il permettra de régler au cas par cas des situations difficiles et de rendre confiance aux éleveurs en proie au doute, en particulier au sein de la filière avicole. La relative surproduction dont souffre cette dernière est principalement causée par la forte concurrence des pays tiers, qui n'hésitent pas à approvisionner le marché européen de produits « saumurés », et donc artificiellement transformés. Vous êtes intervenu énergiquement à Bruxelles sur ce sujet. Nous devons accorder toute notre vigilance à la traçabilité et à l'étiquetage. L'exercice n'est pas facile. Comment déterminer avec précision si les émincés de volaille se trouvant dans un plat cuisiné proviennent de France, du Brésil ou de Taiwan ?

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Jacques Le Nay - Pourtant, identifier l'origine des produits est primordial.

Vous avez également décidé d'aider les entreprises à chercher à valoriser leurs sous-produits. De fait les populations concernées sont préoccupées par l'accumulation de stocks de farines animales et opposées à l'installation d'unités d'incinération. Pourtant l'élimination demeure un problème, dont les éleveurs ne devraient pas avoir à supporter le coût.

Depuis une dizaine d'années, les retraites agricoles font ici l'objet de longs débats et les gouvernements ont pris conscience de ce problème de solidarité et de justice sociale, et amélioré le régime de retraite des agriculteurs. A la fin de la précédente législature, l'Assemblée avait voté à l'unanimité, dans un élan de générosité, un régime de retraite complémentaire obligatoire, mais le gouvernement d'alors avait remis à plus tard son financement.

Vous avez inscrit 28 millions au budget de l'Etat pour commencer d'appliquer le dispositif dès 2003 sans peser trop lourdement sur la contribution des actifs de l'agriculture, dont le nombre diminue chaque année.

Je vous félicite d'avoir défendu si efficacement ce dossier et je souhaite que la prochaine étape soit celle de la mensualisation des pensions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Martial Saddier - Un proverbe affirme : « Nulle montagne sans vallée » ; j'ajoute, en tant qu'élu de Haute-Savoie, nulle montagne sans agriculture.

Je me réjouis de votre volonté de développer une politique globale de la montagne, et des mesures que vous avez prises en faveur des exploitants agricoles de montagne et de leur maintien. C'est là une marque de reconnaissance des efforts fournis par les producteurs de ces zones naturellement handicapées. Merci pour cet élan ! La politique de développement de la montagne ne peut exister que par la volonté conjointe des organisations socioprofessionnelles, de l'Etat et des élus montagnards. La protection de ces exploitations participe également au développement d'activités complémentaires, comme le tourisme, à l'aménagement du territoire et au développement rural,... bref d'un véritable cercle vertueux.

Les dotations budgétaires, attribuées aux contrats territoriaux d'exploitation, augmentent de 163 %, ce qui est considérable. Ces contrats, dans les zones de montagne, ont contribué à améliorer le dialogue entre le monde agricole et les autres acteurs du milieu rural.

La création d'un fonds de financement des CTE et surtout la mise en place d'un nouveau dispositif plus efficace et moins coûteux, permettront aux agriculteurs de bénéficier des avantages des CTE en évitant l'explosion de leur coût. Ces contrats permettent aussi de mieux accompagner une agriculture jusque là bien peu soutenue : fruits, légumes, vigne, horticulture...

Votre volonté de développer une agriculture plus respectueuse de l'environnement au service de la qualité est également illustrée par une hausse de 50 % des dotations en faveur des mesures agro-environnementales, avec la création de la prime herbagère agro-environnementale qui profitera particulièrement aux zones de montagne.

L'ouverture du bénéfice de l'indemnité compensatoire de handicap naturel à certaines productions fruitières comme les poires, les pommes, les pêches en haute montagne et montagne sèche est également un signe fort. Malgré tout, une majorité de cultures, dites spéciales, ne sont pas encore éligibles à ces ICHN. Il serait nécessaire d'élaborer un cadastre fruitier à l'échelle de l'Union. Je rappelle que deux tiers de la main-d'_uvre agricole européenne est concentrée sur les exploitations horticoles, viticoles, fruitières et maraîchères.

L'ICHN ne doit pas contribuer à « vider » la montagne de ses petits exploitants en provoquant une augmentation de la surface moyenne des exploitations. Aussi conviendrait-il de revaloriser les aides accordées au titre des 25 premiers hectares.

Avec le même souci de conforter le statut des producteurs de montagne, la France a, dans son décret du 5 décembre 2000, énoncé les droits et devoirs de ceux qui sont autorisés à utiliser le label « montagne », mais ce dispositif comporte une grave lacune dans la mesure où il ne comporte aucune contrainte qualitative spécifique. D'autre part, si une charte de qualité est élaborée, qu'en sera-t-il au niveau européen pour les autres produits de montagne ?

De façon moins spécifique, j'appelle de mes v_ux une simplification des démarches exigées pour obtenir les aides agricoles. La déconcentration, facteur de plus grande proximité et propice à un meilleur suivi, caractérise l'action du Premier ministre, mais c'est aussi une nécessité pour tous les citoyens, notamment pour les agriculteurs.

Confronté à des contraintes européennes et internationales complexes et dans un contexte financier difficile, vous avez élaboré un budget transparent et volontaire, que je voterai donc avec conviction en vous remerciant de l'attention que vous portez à chacun des agriculteurs de ce pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Il y a quelques mois, entendu pour la première fois par la commission de la production, j'avais dit vouloir inscrire mon action sous le triple signe du pragmatisme, de l'humilité et de l'ambition.

Pragmatisme : nous n'avons pas, nous, une vision idéologique des choses et nous ne cherchons pas à faire s'entrebattre les paysans, petits contre grands, agriculteurs de montagne contre agriculteurs de plaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Nous souhaitons défendre et promouvoir toutes les agricultures françaises - car, en l'occurrence, le pluriel s'impose.

Humilité : elle est de mise à la tête d'un ministère aux compétences variées, puisqu'il s'occupe aussi bien des productions, de la politique agricole européenne, de l'aide alimentaire, d'enseignement et de pêche que de questions sociales ou de la forêt. Elle est de mise aussi devant l'ampleur des crises que traversent la plupart des filières et qui plongent nos paysans dans une inquiétude compréhensible.

Ambition, enfin : M. Lassalle, en mots vrais, a bien résumé l'état d'esprit d'une grande partie des paysans de France et je me bornerai donc à dire que nous voulons, pour l'Europe et pour la France, une ambition qui n'a de chances de se réaliser que grâce à un contrat de confiance, autour d'une agriculture respectueuse de l'environnement comme du consommateur, d'une agriculture aux productions de qualité, au sein d'un monde rural dynamique.

En juillet, vous avez adopté un certain nombre de mesures dans le cadre du collectif. Le présent projet de budget nous donne l'occasion d'approfondir cette démarche. Les cinq rapporteurs ont excellemment résumé les enjeux et replacé ces crédits en perspective : je ne reviendrai donc que brièvement sur les chiffres, notamment pour redresser les appréciations portées par MM. Gaubert et Chassaigne, conformément à la loi d'un tel débat.

Ce budget, qui s'établit à 5,1 milliards d'euros, est en croissance de 0,9 %. Quelles que puissent être les mesures de régulation ou les lois de finances rectificatives, nous avons là les moyens de mener une politique ambitieuse, d'autant qu'il ne s'agit pas de la totalité des crédits consacrés à l'agriculture française. Ceux-ci se montent en effet à quelque 30 milliards d'euros : la moitié à peu près vont au BAPSA et, sur les 15 milliards restants, dix proviennent de Bruxelles et un peu plus de cinq, donc, du budget de l'Etat. Sur ces 5,1 milliards, 1,2 sont destinés à l'enseignement et à la recherche, les quelque 4 milliards restants représentant le budget de l'agriculture proprement dite.

Ce budget a une autre caractéristique : il doit donner à l'Etat les moyens de répondre aux situations de crise affrontées par les agriculteurs. Mais, si l'on fait abstraction de ces crédits, nous disposerons tout de même en 2003 de 200 millions de crédits d'intervention de plus que pendant les cinq dernières années, en moyenne. Ce budget ne sera donc pas seulement celui du pompier chargé d'éteindre l'incendie : il permettra aussi de préparer l'avenir par des mesures structurantes.

Les échéances internationales - Union européenne et OMC - nous occuperont beaucoup. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, on nous a répété que, la révision à mi-parcours de la PAC se conjuguant avec l'élargissement, nous ne parviendrions jamais à tirer la France de son isolement et que c'en était donc fini de la PAC. Or l'accord conclu à l'initiative de la France et de l'Allemagne va rendre à cette politique de la lisibilité. Le Président de la République a en effet obtenu que l'élargissement ne bute pas sur les égoïsmes budgétaires, mais aussi que la politique agricole commune et les agriculteurs ne lui soient pas sacrifiés. Nous avons su convaincre nos partenaires d'octroyer les aides directes aux futurs Etats membres, le principe étant mis progressivement en _uvre jusqu'en 2013. Chaque pays de l'Union disposera ainsi des mêmes droits et des mêmes devoirs.

D'autre part, le calendrier adopté à Berlin en 1999 sera respecté. Le premier pilier de la PAC est ainsi conforté et les moyens consacrés à cette politique sont garantis jusqu'en 2013, ce qui n'est pas le cas des autres politiques communautaires, dont le financement sera soumis à débat en 2004.

Il est évidemment un peu tôt pour prévoir dans quelle mesure l'accord affectera le débat sur la revue de mi-parcours, mais la France n'a jamais refusé que la PAC évolue. J'ai d'ailleurs remis en juin, au conseil des ministres de l'agriculture, un mémorandum présentant nos priorités et nos propositions. Pour résumer, nous voulons une véritable revue, mais nous nous refusons à tout chambouler sur un coup de tête. Nous entendons réformer les organisations communes de marché qui fonctionnent mal et nous souhaitons que la préférence communautaire soit à nouveau respectée, en particulier dans le secteur des céréales, confronté à l'invasion du blé russe et ukrainien.

S'agissant du deuxième pilier, nous attendons une simplification des dispositifs de développement rural, car ce serait un euphémisme que de dire que le système actuel ne fonctionne pas très bien. Je souhaite que notre pays sache mieux mobiliser les crédits que l'Union européenne consacre aux actions du second pilier, et qui font l'objet d'une regrettable sous-consommation : en 2001 la Commission a même infligé une pénalité de 21 millions d'euros, dont nous nous serions bien passés... Un mot à ce sujet sur la modulation. On nous dit que c'est très bien, que c'est Robin des bois : on prend aux riches pour donner aux pauvres. Malheureusement, les riches, il n'y en a pas tant que cela, donc on prend aux moyens : ce sont les régions et les exploitations à revenu intermédiaire qui ont été les plus pénalisées... On nous dit aussi que le produit de la modulation sert à financer les CTE, qui profitent aux moins riches. Ce propos contient deux inexactitudes. D'abord les CTE ont profité aux grandes exploitations plutôt qu'aux petites.

M. Alain Néri - Venez voir dans le Puy-de-Dôme !

M. le Ministre - Ensuite le produit de la modulation est gelé dans un compte au FEOGA : 215 millions d'euros, ce n'est pas rien ! M. Marleix m'a demandé, comme M. Herth, ce qu'allait devenir cette somme actuellement gelée, et qui appartient aux paysans français. Nous négocions avec la Commission pour qu'elle soit débloquée, et, si c'est le cas, elle ira bien sûr abonder le financement d'actions du deuxième pilier (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Enfin, sur le deuxième pilier comme sur le reste de la PAC, nous devons absolument simplifier les choses. Nous devons réduire le niveau de cofinancement national. Et il faut obtenir un élargissement des actions finançables au titre du deuxième pilier. Je pense notamment que, compte tenu du prurit réglementaire bruxellois, il serait normal que les mêmes fonds européens permettent de financer les conséquences de cette activité normative et réglementaire...

Pour ce qui concerne enfin les discussions devant l'OMC, je ferai deux remarques. La première, qui répond au propos de M. Christian Paul, concerne les liens entre la politique agricole commune et le développement du tiers-monde, notamment de l'Afrique. J'ai un peu le sentiment que ce sont les pays dits du groupe de Cairns qui se cachent derrière le Mali et le Burkina Faso pour attaquer la PAC... Or il faut voir les choses en face. Qui donne le plus - même si ce n'est pas assez - pour l'aide au développement ? C'est l'Europe. Quels sont les pays dont les marchés sont les plus ouverts aux produits agricoles du tiers-monde ? Ce sont les pays d'Europe, et non ceux du groupe de Cairns. Si d'autre part l'on évoque le système des bourses de matières premières, notamment pour le cacao et le café, il me semble que c'est la Bourse de Londres, et qu'elle n'a rien à voir avec Bruxelles ni avec la politique agricole commune... J'ajoute enfin que le mythe du prix mondial, avec les céréales à bas prix qui inondent les pays du tiers-monde, détruisent les cultures vivrières, provoquent l'exode rural et gonflent les bidonvilles autour des mégalopoles africaines - tout ceci, ce n'est pas la politique agricole commune ! Qu'il faille prendre en mains le développement agricole de l'Afrique et du tiers-monde, c'est évident ; mais cessons de nous laisser tyranniser par le « politiquement correct » qui fait de la PAC la cause des problèmes de développement de l'Afrique : ce n'est pas vrai ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Deuxième remarque concernant l'OMC : il y a quelques mois, la Commission européenne nous a dit qu'elle avait trouvé le remède miracle qui permettrait à la fois de faire une merveilleuse politique commune à l'intérieur de l'Europe et d'être imparables devant l'OMC. Cette formule magique, c'est le découplage.

Or j'observe tout d'abord que le découplage n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact... Aucune étude de ses conséquences économiques, sociales, sur l'emploi, sur la propriété foncière. Ensuite, je n'ai jamais vu une négociation où on désarme avant de négocier, et je trouve cela très bizarre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) : au moment même où les Américains réarment avec le Farm bill, nous désarmons, nous voulons être gentils... Ce n'est pas ainsi que se font les négociations (Mêmes mouvements).

Troisième remarque : ce n'est pas parce qu'on passera - pour parler le jargon de l'OMC - de la « boîte bleue » à la « boîte verte » que la PAC sera moins attaquée. Nous devons avoir une ambition. Il faut « faire mouvement », a dit François Sauvadet, et je pense en effet que nous devons faire des propositions, notamment en direction des pays en développement. Avant même les négociations devant l'OMC, nous aurons en juin un G8 à Evian ; les initiatives ne manqueront pas, et nous avons une feuille de route bien remplie sur ces questions d'aide au développement. Ne parlons pas du recours abusif des Etats-Unis à l'aide alimentaire, et de l'indispensable encadrement des marketing loans. Nous avons beaucoup à faire pour avancer sur ce sujet, et je ne doute pas que, si nous en avons la volonté politique, nous remonterons le courant d'une pensée unique, qui depuis dix ans, il est vrai, est toujours allée dans le même sens...

J'en viens maintenant au budget lui-même. Les buts que nous visons à travers lui sont de rendre à l'agriculture toute sa place, de soutenir les filières, et de contribuer à la maîtrise des finances publiques et à la réforme de l'Etat. En 2003, les crédits inscrits au budget nous permettront de promouvoir une agriculture écologiquement responsable et économiquement forte, au service de la qualité des produits ; de renforcer son attractivité dans la société ; et d'initier une nouvelle politique de l'espace rural.

L'objectif d'une agriculture écologiquement responsable et économiquement forte inspire plusieurs mesures. La première est la PHAE, la prime herbagère agri-environnementale, et c'est une priorité majeure de mon action. La prime à l'herbe vient à échéance à la fin de cette année, et la Commission n'a pas accepté sa reconduction à l'identique. Sans vouloir polémiquer, je note que le gouvernement précédent n'avait pas prévu de mesure de substitution autre qu'un recours obligé aux CTE. Pour ma part, j'ai décidé d'autoriser l'accès à cette mesure indépendamment des CTE. Les éleveurs pourront désormais souscrire une mesure agri-environnementale figurant dans des cahiers des charges régionaux validés par la Commission. A cette occasion, le montant de la prime sera revalorisé de 70 % en moyenne, ce qui constitue la plus importante augmentation depuis de nombreuses années. L'enveloppe qui lui est consacrée est ainsi portée à 132 millions d'euros. Plus de 60 000 exploitants devraient en bénéficier, et 10 000 ont déjà choisi de s'inscrire dans une procédure CTE. Compatible avec nos engagements communautaires, ce nouveau dispositif devrait favoriser un mode de production herbager respectueux de l'environnement.

M. Marleix m'a interrogé à son sujet. Quant au financement de la prime, je confirme que les moyens nécessaires sont inscrits, en loi de finances initiale et rectificative. Quant aux critères, nous conserverons 1,4 UGB à l'hectare et un taux de spécialisation d'herbe d'au moins 75 %. Nous négocions encore avec Bruxelles sur l'économie globale du dispositif ; cela fait, dès le 12 novembre, j'ouvrirai la concertation avec les organisations professionnelles.

S'agissant de la PMTVA, le complément extensification avait été accordé en 2001 par la Commission, par dérogation compte tenu de la situation particulière de la filière. En 2002, la Commission ne l'a pas autorisé, au vu de la moins forte rétention de stockage des animaux.

Dans le même esprit, une deuxième mesure est l'indemnité compensatoire de handicap naturel - qui est, comme le rappelait François Guillaume, une des conquêtes de la politique de la montagne depuis 1972. Ici encore, mon antéprédécesseur avait annoncé son augmentation, mais rien n'avait été prévu pour la financer. Vous avez ouvert les crédits nécessaires dans le collectif de l'été dernier, et ils sont reconduits dans le présent projet. Quant à l'augmentation des vingt-cinq premiers hectares, j'ai annoncé à Clermont-Ferrand que progressivement, sur la durée de la législature, nous tenterions de mettre en _uvre cette mesure, compte tenu de nos contraintes budgétaires.

Des contrats territoriaux d'exploitation, enfin, on a beaucoup parlé. François Guillaume en a bien pointé les défauts ; MM. Chassaigne et Gaubert s'en sont faits les avocats, et M. Garrigue a formulé des remarques pertinentes. Je dirai pour ma part : « ni cet excès d'honneur, ni cette indignité ». Certains ont vu dans les CTE le fil à couper le beurre qui résout tous les problèmes, le vecteur unique de la politique agricole (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ; d'autres ont diabolisé cet instrument. A mes yeux, les démarches contractuelles qui intègrent l'environnement procèdent d'une bonne intention. Elles n'ont d'ailleurs pas commencé avec les CTE : rappelons-nous les OGAF et les mesures article 21. J'indique aussi à M. Paul que je n'ai pas changé de discours sur les CTE depuis ma prise de fonctions.

Les crédits des CTE pour 2003 sont en forte hausse, trois fois plus élevés que dans le budget pour 2002. Nous avons décidé de recaler le dispositif. Pourquoi ? D'abord parce que beaucoup de paysans m'ont dit que le dispositif actuel leur semblait effroyablement compliqué...

M. Gilles Cocquempot - Vous en connaissez vraiment ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Ensuite, parce que l'outil avait dérivé par rapport à ses objectifs initiaux. Enfin, parce qu'il constitue sans doute la bombe budgétaire la plus sophistiquée jamais inventée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Aux 76 millions inscrits en loi de finances initiale, il a fallu que vous rajoutiez 24 millions en juillet 2002, en loi de finances rectificative ; nous en sommes à 100 millions de plus en loi de finances initiale pour 2003. Et ce n'est pas terminé...

Pour avoir une idée de la menace budgétaire que cela représentait quand l'instrument n'était pas plafonné, il suffit de multiplier le montant moyen du CTE - qui était de 44 000 €, alors que mon « antéprédécesseur » avait parlé de 22 000 - par le nombre de paysans en France.

Je voudrais aussi signaler qu'il y a eu une réunion interministérielle sur le sujet le 20 mars dernier, qui prévoyait le plafonnement, mais comme par hasard, le relevé de décision n'a été publié qu'entre les deux tours de l'élection présidentielle.

Cela dit, les CTE signés seront bien évidemment honorés, y compris ceux d'entre eux qui ont des montants scandaleusement élevés. Les CTE passés en CDOA mais pas encore signés, ainsi que ceux qui étaient prêts à l'instruction mais pas encore passés en CDOA, seront signés dans les tout prochains jours, après un examen au cas par cas, et avec un plafonnement situé autour d'une moyenne départementale de 27 000 €. Enfin, lorsque j'aurai terminé la concertation avec les organisations syndicales, j'annoncerai dans les semaines qui viennent la création d'un nouvel instrument, simplifié, plafonné et resserré sur les mesures agro-environnementales utiles.

Les crédits consacrés à la sécurité sanitaire progressent de 2,3 % pour s'établir à près de 400 millions d'euros. Les effectifs des services vétérinaires diminuent légèrement, mais cette baisse est plus que compensée par l'augmentation des effectifs consacrés à la sécurité phytosanitaire.

Dans le cadre de la lutte contre l'ESB et la tremblante ovine et caprine, les actions de maîtrise sanitaire des animaux et de leurs produits sont désormais dotées de 109 millions d'euros, soit une augmentation de 3 % par rapport au montant prévu par la loi de finances pour 2002. Les crédits destinés à l'identification des espèces ovines et caprines augmentent de 11 %.

La sécurité phytosanitaire sera fortement soutenue. Les actions de prévention contre l'introduction d'organismes nuisibles, les actions d'élimination des végétaux contaminés et les contrôles sur l'emploi des pesticides seront renforcés.

L'AFSSA bénéficiera d'un maintien de ses subventions d'investissement et d'une augmentation de ses subventions de fonctionnement.

Plusieurs orateurs m'ont interrogé sur les farines animales. En ce qui concerne les farines à risque, le dispositif de soutien de l'Etat ne change pas. Pour ce qui est de farines qui ne comportent pas de risque, il avait été dit dès l'origine que le régime serait transitoire. Et comme il est à certains égards non « eurocompatible », il faudra de toute façon régler certains points avec la Commission européenne. Enfin, nous aurons à corriger certains effets pervers mis en lumière par différents contrôles des chambres régionales des comptes, qui montrent éloquemment la nécessité de moraliser le système. Il ne faudra pas pour autant que cela se fasse à la charge de la filière de production. M. Dutreil et moi-même travaillons donc à un nouveau dispositif.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Ministre - Deuxième acte de ce budget : renforcer l'attractivité de l'agriculture.

L'installation aidée a beaucoup baissé ces dernières années : 10 405 installations en 1987, 8 465 en 1993, 8 904 en 1997, 5 974 en 2001 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Que faire pour inverser la tendance ? Si la solution était simple, cela se saurait et je crois qu'il faut aborder le sujet avec humilité. La première cause de cette baisse, c'est l'absence de visibilité économique. Je crois donc que la consolidation de la PAC jusqu'à l'horizon 2013 est à cet égard une bonne chose : les agriculteurs savent que l'on ne va pas changer les règles du jeu tous les trois ou quatre ans.

La deuxième cause, ni vous ni moi n'y pouvons rien... Dans une société où le non-travail est devenu une valeur, allez expliquer à quelqu'un, même très motivé, qu'il lui faudra travailler dans son exploitation sept jours sur sept pour un revenu de misère ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) C'est la réalité que nous décrivent les paysans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les crédits pour les aides à l'installation progresseront donc et un fonds dit d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture - le FICIA - sera créé, ainsi qu'un fonds de communication.

Troisième axe : engager une politique nouvelle de l'espace rural et de la forêt.

La forêt française a été fragilisée à la fois par les conséquences économiques de la tempête de 1999 et par la crise des feuillus. Les chablis de décembre1999 ont, en effet, limité la ressource à moyen terme et créé un engorgement du marché. Les marchés des bois d'_uvre et des essences feuillues sont très mal orientés, du fait notamment de la fermeture du marché chinois. Le secteur de la première transformation rencontre de sévères difficultés.

C'est pourquoi le budget qui vous est proposé maintient à un haut niveau les efforts de reconstitution de la forêt. Malgré la situation budgétaire tendue, j'ai veillé à ce que les dotations budgétaires concernées soient abondées en 2003. Les crédits destinés à l'aménagement rural et à la forêt augmentent cette année de 13,7 % Un accent particulier est mis sur les opérations à long terme et les investissements, qui progressent de 36,2 %. La dotation des prêts bonifiés pour le déblaiement et la restauration des parcelles augmente de 8 % et celle des replantations de 63,5 %, la plupart de ces crédits étant contractualisés dans le cadre des contrats de plan Etat-région.

Les dotations de l'Office national des forêts sont mises à niveau dans le cadre du nouveau contrat d'objectifs, étant entendu que du fait de la mauvaise orientation du marché du bois et de la forte baisse de ses recettes en forêt domaniale, l'établissement devrait connaître un déficit prévisionnel de l'ordre de 75 millions d'euros en 2002. Une première subvention d'équilibre de 35 millions d'euros lui a déjà été versée dans le cadre de la loi de finances rectificative. Une dotation supplémentaire exceptionnelle de 25 millions d'euros viendra compenser la baisse des produits de vente. Par ailleurs, la dotation destinée à compenser les frais de gestion des forêts des collectivités par l'ONF est reconduite à 145 millions d'euros.

Beaucoup d'entre vous m'ont questionné au sujet du budget des offices. La dotation qui leur est destinée en 2003 s'élève à 395 millions d'euros, ce qui participe de l'effort de maîtrise raisonnée des finances publiques. Les interventions nationales pourront être complétées par des interventions prises en charge par le budget communautaire. J'ajoute que certaines dotations n'avaient pas vocation à être pérennisées.

Les moyens constituent le socle initial des ressources budgétaires des offices. Il est clair qu'en cas de crise, des abondements seraient possibles, par voie de collectif ou autre. Prenons l'exemple du fonds national pour les calamités agricoles : sa trésorerie s'élève à 173 millions d'euros fin 2002 et restera en 2003 de 111 millions d'euros, après toutes les dépenses que nous savons nécessaires.

Il est vrai que, bien que cela soit prévu par le texte de 1964, l'Etat n'a plus contribué depuis des années au fonds national des calamités. Mais, en cas de besoin, les crédits seraient bien sûr mobilisés.

Les crédits nationaux attribués aux offices constituent une part relativement faible des crédits d'intervention qu'ils distribuent. Les financements communautaires sont largement prépondérants et ils ont d'ailleurs fortement progressé ces dix dernières années, passant de 6,6 milliards en 1991 à 8,1 milliards en 2001.

Dans ce contexte, nos interventions doivent être davantage concentrées sur quelques objectifs. Cette évolution ne traduit en aucune manière un désengagement de l'Etat qui, même dans cette période difficile, continuera à exercer ses responsabilités dans l'accompagnement structurel des filières, notamment celles qui connaissent des difficultés.

Vous avez été nombreux à évoquer des filières en crise. Après concertation, je présenterai prochainement, Monsieur Le Nay, un plan d'adaptation de la filière avicole. La concertation est aussi engagée, Monsieur Garrigue, en ce qui concerne le secteur viti-vinicole. Des propositions me seront faites avant la fin de l'année et j'annoncerai, là aussi, un certain nombre de mesures. Enfin, vous avez raison, Monsieur Dionis du Séjour, la question des fruits et légumes est extrêmement préoccupante. C'est une filière très éclatée, très liée aux aléas climatiques, et qui entretient des relations difficiles avec la grande distribution.

M. Jean-Paul Charié - Eh oui !

M. le Ministre - Sur ce sujet comme sur plusieurs autres, dont le coefficient multiplicateur qu'ont évoqué MM. Ferrand et Charié, nous travaillons, avec M. Dutreil, pour apporter des réponses vraiment efficaces (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Au-delà de l'urgence immédiate, ce budget a été guidé par le souci du long terme et la préparation de l'avenir.

Cela passe, bien sûr, d'abord par l'encouragement à l'enseignement et à la recherche agricoles. Nous sommes fiers de nos 859 établissements d'enseignement secondaire et de nos 26 établissements d'enseignement supérieur, qui assurent la formation de plus de 185 000 élèves et étudiants, de 29 000 apprentis et de 130 000 stagiaires. Enseignement, formation et recherche représentent ensemble 23 % des crédits et 49 % des personnels du ministère. Dans ce budget, où ces dépenses s'élèvent à 1,2 milliard, les crédits destinés à l'enseignement technique augmentent de 1,5 %, tandis que ceux consacrés à l'enseignement supérieur demeurent stables.

Il n'est pas question d'opposer ici public et privé, ni de privilégier l'un ou l'autre. J'entends simplement apaiser le contentieux qui s'est développé entre l'Etat et l'enseignement privé, lequel accueille 60 % des élèves de l'enseignement technique agricole. Le précédent gouvernement avait laissé se développer un grave déséquilibre entre public et privé : les modalités de calcul des subventions aux établissements privés d'enseignement technique à plein temps n'avaient pas été révisées depuis 1997 et les règles posées par la loi Rocard n'étaient plus respectées. De même, les crédits consacrés aux maisons familiales rurales n'avaient pas été revalorisées ces deux dernières années.

Conformément aux engagements que j'ai pris vis-à-vis de leurs responsables, les dotations de ces établissements sont cette année revalorisées de 3,6 %. Le financement global de l'enseignement privé à temps plein avoisine désormais 300 millions et celui des maisons familiales 150 millions. Ainsi pourrons-nous non seulement faire face aux montants actualisés des dépenses, mais également opérer certains rattrapages. Je souhaite que l'écart constaté sur l'exercice 2002 soit intégralement compensé afin de sortir de ce contentieux.

Les crédits de l'enseignement supérieur privé sont, quant à eux, en hausse de 1,7 %. C'est ainsi une subvention de 5 000 € que la puissance publique accorde à chaque étudiant, ce qui est absolument indispensable. Une modification du décret du 31 octobre 1986 est en préparation pour asseoir juridiquement cette évolution du contrat entre l'Etat et ces établissements.

Je souhaite que nous puissions, dans les mois qui viennent, travailler selon la même démarche avec les responsables de l'enseignement technique privé, afin de définir clairement les droits et les devoirs de l'administration et des établissements. Le nouveau décret pourra alors lever toute difficulté quant à la détermination du montant des subventions aux établissements privés.

S'agissant de l'enseignement agricole public...

M. Alain Néri - Enfin !

M. le Ministre - ... je veux saluer le travail de nos 15 000 enseignants et chercheurs. Au-delà des missions qu'il remplit déjà en matière de formation initiale et continue, je souhaite qu'il renforce son action dans le développement rural, la coopération internationale et l'insertion sociale et professionnelle. J'aurai bientôt l'occasion de m'exprimer plus longuement sur ces orientations à l'occasion de la concertation en vue du quatrième schéma national prévisionnel des formations.

Cette année, l'enseignement agricole technique et supérieur participera de façon limitée à la politique gouvernementale de réduction de l'emploi public. Il présentera un solde très légèrement négatif de 48 emplois dans l'enseignement technique et de 8 emplois dans l'enseignement supérieur, résultant du non-remplacements de départs à la retraite. Parallèlement, la résorption de l'emploi précaire sera poursuivie ; 150 agents devraient pouvoir en bénéficier.

Je souhaite moderniser la pédagogie et le fonctionnement de l'enseignement supérieur, de façon à favoriser l'insertion professionnelle de nos étudiants et à diversifier leurs débouchés. Les établissements d'enseignement supérieur devront ainsi s'engager dans l'espace européen de l'enseignement supérieur afin de renforcer l'attrait de nos formations auprès des étudiants et d'assurer leur reconnaissance à l'étranger. Pour cela, les établissements devront travailler de façon plus étroite, entre eux et avec la direction générale de mon ministère.

Le budget civil de recherche et développement de mon ministère s'élève à 24 millions, en augmentation de 1,1 %. J'ai souhaité plus particulièrement renforcer les crédits de soutien aux programmes de formation par la recherche et reconduire ceux affectés à la recherche appliquée. Par ailleurs, 45 agents supplémentaires seront mis à la disposition du CEMAGREF.

Parler d'avenir, c'est aussi évoquer la solidarité et la protection sociale. Le BAPSA sera de 14 625 millions d'euros, en hausse de 2,6 %.

J'entends ainsi, en particulier, créer un régime de retraite complémentaire obligatoire car la loi qui avait été votée à cet effet n'avait tout simplement pas été financée, comme plusieurs d'entre vous l'ont rappelé (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Cette retraite complémentaire sera donc effective dès le 1er avril prochain avec, pour la première fois, aux côtés de la MSA, une participation de l'Etat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

MM. Alain Néri et Germinal Peiro - Mais c'est la loi !

M. le Ministre - Cela n'avait encore été fait pour aucune autre profession.

Quant à la mensualisation, qu'a évoquée M. Censi, en suggérant quelques pistes, elle est onéreuse, mais nous devrions trouver avec la MSA les moyens de l'appliquer au plus vite.

Plus largement, j'entends garantir la solvabilité de la protection sociale agricole et favoriser un équilibre raisonné entre les dépenses et les sources de financement.

Le budget de l'Etat, par l'affectation de taxes et d'une subvention d'équilibre, et les autres régimes, sous forme de compensation démographique, concourent à hauteur de 82,5 % au financement du régime agricole. Lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2002, en raison des reports de charges, le Gouvernement a dû trouver 746 millions d'euros pour couvrir le financement du BAPSA. Il n'était pas question de courir un tel risque cette année. Les dépenses ont donc fait l'objet d'une estimation sincère et objective. Peu d'incertitude pèse sur les branches famille et retraite. Quant aux dépenses de la branche maladie, elles sont cohérentes avec l'ONDAM. La structure générale des recettes demeure stable : elles progressent, hors subvention de l'Etat et contribution spécifique de solidarité des sociétés au rythme raisonnable de 1,82 %.

J'ai bien noté la proposition de M. de Courson à propos de la contribution sociale de solidarité. C'est une demande récurrente et il faudra que nous avancions sur ce dossier dans les années qui viennent.

Compte tenu des prévisions, la subvention nécessaire pour équilibrer le BAPSA en 2003 s'élève à 574 millions d'euros si l'on inclut l'allocation d'adulte handicapé et la participation de l'Etat au financement de la retraite complémentaire.

Le Gouvernement est disposé à abonder de 10 millions le dispositif AGRIDIF.

M. Lucien Degauchy - Très bien !

M. le Ministre - Oui, le BAPSA va disparaître, mais pas la spécificité mutualiste du régime agricole. Nous travaillons avec la MSA à la pérenniser.

Je veux enfin parler du secteur de la pêche, au moment où s'engage la réforme de la politique commune des pêches.

Le montant des crédits alloués au secteur de la pêche et de l'aquaculture s'élève à 27,8 millions d'euros, en hausse de 2,7 % par rapport à 2002.

Les crédits destinés aux entreprises de pêche et d'aquaculture progressent pour leur part, de plus de 10 points. Les crédits d'intervention en faveur des caisses de garanties chômage, intempéries et avaries augmentent également de 1,5 million d'euros.

Le montant des crédits d'intervention, quasi inchangé par rapport à l'année 2002, s'élève à 23,7 millions d'euros. Ces crédits permettront d'adapter la capacité de capture à l'état de la ressource, de soutenir la campagne de sécurité à bord des navires, d'abonder les montants alloués aux caisses chômage-intempéries et de financer les actions inscrites aux contrats de plan Etat-région. Ils permettront aussi de financer l'OFIMER pour l'amélioration de la connaissance et du fonctionnement du marché, la modernisation des outils de commercialisation et la valorisation de la production halieutique et aquacole française.

Enfin, comme d'autres établissements publics, l'IFREMER bénéficie d'une forte augmentation de ses moyens, qui servira à renforcer ses activités d'analyse et de surveillance sanitaire.

Les crédits d'investissement sont reconduits à l'identique afin de financer la modernisation et le renouvellement de notre flotte de pêche et, dans le cadre des contrats de plan Etat-région, la modernisation des équipements à terre et le développement de l'aquaculture.

Pour répondre à M. Kerguéris, les crédits de l'OFIMER permettront de poursuivre toutes les actions engagées, car il existe un certain nombre de reports qui pourront être immobilisés en 2003.

S'agissant du contrôle, je plaide avec insistance à Bruxelles pour l'amélioration de la police des mers. Il faut tout mettre en _uvre pour protéger la bande côtière, qui est riche en ressources halieutiques mais particulièrement sensible.

Quant au décret de 1983 qui définit le régime d'exploitation des cultures marines sur le domaine public maritime, je vous confirme que sa refonte est en cours. Notre objectif est de renouveler la population des conchyliculteurs et nous y travaillons en étroite concertation avec les professionnels.

Louis Guédon a évoqué plusieurs points de ma compétence, mais la formation aux métiers de la mer relève de mon collègue Dominique Bussereau. Nous travaillons ensemble à la rénover.

M. Kucheida a insisté sur la réforme de la politique commune des pêches. C'est notre horizon immédiat. Le conseil des ministres européens qui se tiendra en décembre devrait être conclusif.

Le débat porte sur deux points : la gestion de la ressource et la modernisation de la flotte. Sur le premier point, on entend des discours caricaturaux, comme si les pêcheurs voulaient vider les mers et les océans ! Nous demandons seulement le maintien des taux de capture autorisés et des quotas. Quand une espèce est réellement menacée, des plans de restauration pourront être mis en _uvre, mais il ne faut pas ajouter de dispositif supplémentaire, sauf en Méditerranée où il n'y a pas de zones écologiques exclusives. Enfin, une collaboration étroite entre les pêcheurs et les scientifiques nous paraît nécessaire.

Sur la modernisation de la flotte, un malentendu doit être dissipé. La capacité des flottes de pêche est limitée par les plans d'orientation pluriannuels. La Commission européenne semble considérer que la modernisation de la flotte induit des captures supplémentaires. Il n'en est rien. Nous nous battons pour que soient maintenus les crédits de modernisation de la pêche, et nous avons prévu des contre-propositions. C'est un combat difficile, car souvent dogmatique, idéologique, et nous nous heurtons à beaucoup d'idées reçues. Les prochains mois seront décisifs. Nous seront vigilants et combatifs, vous pouvez compter sur notre détermination !

Certaines considérations qui ne sont ni communautaires ni budgétaires ont une grande importance. MM. Sauvadet et Mariton ont évoqué l'économie du secteur agricole, la fiscalité, le statut de l'entreprise agricole. Il s'agit de questions majeures pour l'avenir de notre agriculture, et j'y travaille en liaison avec le ministre de l'économie et des finances. Vous examinerez au début de l'année prochaine un projet sur les entreprises, ainsi que le projet relatif aux affaires rurales.

Il faut aussi rétablir des relations commerciales loyales entre les producteurs et la grande distribution. Nous savons qu'il y a captation de marge, puisque les prix à la consommation ne baissent pas alors que les prix à la production baissent continûment. Un certain nombre de tables rondes ont déjà eu lieu sous l'égide du secrétaire d'Etat en charge de la consommation, et mon ministère y participe. Des solutions peuvent et doivent être trouvées pour rééquilibrer les rapports commerciaux.

Je conclurai en remerciant tous les orateurs, même les plus critiques. Nous devons avoir pour l'agriculture française, qui restera dynamique et moderne, une ambition sereine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

QUESTIONS

M. Philippe Auberger - Monsieur le ministre, j'ai beaucoup apprécié ce que vous avez dit sur la modulation. Dans mon département, le prélèvement total s'est élevé à 40 millions de francs pour mille exploitations ! J'avais vivement contesté cette mesure au moment de son adoption, et sa mise en _uvre s'est révélée complexe, car reposant sur trois critères : le montant total de l'aide, l'emploi, la marge brute. Qui plus est, le produit de ce prélèvement est bloqué au sein du FEOGA, si bien que le nombre de CTE financés a été nettement inférieur au nombre attendu et qu'à peine un quart des montants prélevés a été restitué aux agriculteurs. Il s'est bel et bien agi de leur faire supporter un impôt supplémentaire.

La suspension de la modulation, que vous avez décidée en 2002, sera-t-elle reconduite en 2003 ? Quand la discussion reprendra à Bruxelles, vous opposerez-vous au commissaire européen à l'agriculture, qui veut étendre la modulation à tous les pays de l'Union ? Enfin, le réexamen de la PAC en 2006 fera-t-il revenir dans le débat le problème de la modulation ?

M. le Ministre - La suspension de la modulation sera reconduite en 2003. En 2000 et en 2001. Ce sont 228 millions d'euros qui ont été « modulés » dont 215 millions demeurent inutilisés sur un compte du FEOFA. De ce fait, prétendre que la modulation finançait les CTE, et que la suspension de celle-là a entraîné celle de ceux-ci ne tient pas. Tant que la situation ne sera pas débloquée, nous n'aurons pas de modulation en 2003.

En second lieu, quand Agenda 2000 a été négocié, une modulation communautaire a été envisagée. Aujourd'hui, je ne peux pas préjuger les résultats de la revue à mi-parcours, mais une faible modulation, au profit du deuxième pilier, n'est pas à exclure.

M. Jean Auclair - En arrivant rue de Varenne, vous avez découvert les effets pervers de la loi d'orientation. Vous en avez gommé les plus graves erreurs, mais beaucoup reste à faire.

Ainsi les CDOA disposent de pouvoirs exagérés, et sont devenus de véritables tribunaux révolutionnaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Les commissions pléthoriques comptent de nombreuses personnes qui n'ont rien à y faire, puisqu'elles ne connaissent rien à l'agriculture, dont elles ont souvent une vision purement bucolique (Mêmes mouvements). D'autres membres défendent uniquement la ligne syndicale, sans chercher à étudier les dossiers ; bref les gens raisonnables sont souvent minoritaires.

Les pouvoirs de ces commissions portent en fait atteinte aux droits de posséder et d'exploiter la terre. En cas de dissolution d'un GAEC, le fils d'un exploitant est obligé de passer un CDOA pour être autorisé à exploiter la terre familiale. C'est scandaleux ! (Approbations sur les bancs du groupe UMP)

Les commissions départementales d'installation sont elles aussi composées de jeunes pas toujours représentatifs de la profession et souvent intransigeants, si bien qu'il est très difficile d'obtenir une dérogation à l'obligation des stages de six mois. Ces stages sont une entrave à l'installation aidée. Les agriculteurs en ont ras-le-bol de toutes ces contraintes ! Le temps est venu d'oser libérer l'agriculture du carcan dans lequel la gauche l'a enfermée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Ministre - Vous dressez certains constats avec le sens de la nuance qui vous caractérise... (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Oui, la politique des structures rencontre des difficultés. Aussi ai-je décidé qu'elle serait traitée dans le cadre du projet de loi sur les affaires rurales dont vous serez prochainement saisis.

Le stage de six mois ne fonctionne pas bien. Nous examinons avec les jeunes agriculteurs les modifications à y apporter.

M. Jacques Bobe - La viticulture charentaise subit une crise structurelle profonde, due davantage à une surproduction chronique qu'aux ventes de Cognac, même si elles ont sensiblement baissé à la suite de la crise asiatique. Une reprise des exportations, notamment aux Etats-Unis, contribue de façon substantielle à l'excédent de notre balance commerciale. Pour développer cette capacité de vente, une restructuration du vignoble charentais s'impose. En effet la surproduction de vin conduit à des contingents de distillation à l'hectare insuffisants pour permettre aux viticulteurs de vivre décemment.

Le plan d'adaptation viticole du gouvernement précédent, tendant à reconvertir une partie du vignoble en production de vins de table, a pour l'essentiel échoué. Un arrachage volontaire par les producteurs âgés et sans successeur, avec une prime à l'hectare suffisante, serait une bonne solution.

M. le Président - Posez votre question.

M. Jacques Bobe - Un premier pas a été franchi avec l'octroi de primes d'un montant adapté, mais pour 1 000 hectares seulement en 2002. Ce sont en fait 15 000 hectares sur 80 000 qu'il faudrait arracher en cinq ans.

Que comptez-vous faire en 2003, sachant que 3 000 hectares arrachés permettraient déjà de redonner espoir à une viticulture régionale découragée ?

Obtiendrez-vous de Bruxelles que les surfaces arrachées et consacrées à d'autres productions bénéficient des aides de droit commun dans le cadre de la PAC ?

M. le Ministre - La viticulture charentaise est plongée dans une crise durable, bien qu'elle participe à notre excédent commercial pour un montant de 1,25 milliard. Le plan d'adaptation élaboré en concertation avec les professionnels et les élus locaux pour la période 2001-2006 a fait l'objet d'un avenant au contrat de plan. Il a été ainsi décidé d'encourager la reconversion de 5 000 hectares en vin de pays charentais et d'inciter les viticulteurs à abandonner définitivement 5 000 autres hectares. Les sommes allouées dans le cadre d'un contrat de plan s'élèvent à 21,3 millions, dont 9,9 millions pour la prime nationale à l'arrachage. Le champ des bénéficiaires de ces mesures sera élargi. Des aides à l'aval de la filière sont également prévues. Enfin une réflexion d'ensemble sur l'avenir du vignoble charentais est en cours. M. l'ingénieur général Zonta a été chargé d'une mission sur ce sujet, y compris dans le cadre communautaire, puisque l'OCM dispose que, pour les vignobles à cépage double fin, les volumes produits, au-delà d'une quantité normale vinifiée, sont obligatoirement portés à la distillation. Pour la campagne 2002-2003, nous devons tirer le meilleur parti possible de ce régime, tout en préparant la suite. Nous avons déjà évoqué la question à Bruxelles.

M. le Président - Je vous conjure de ne pas dépasser les deux minutes qui vous sont imparties. Pour ma part, je ferai impitoyablement respecter la règle (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Maxime Bono - Comment ne pas se réjouir lorsque, dans un contexte de stabilité budgétaire, les crédits de la pêche et de l'aquaculture augmentent de plus de 10 % ? Les professionnels attendent que les aides à la flotte soient maintenues, que la possibilité leur soit donnée de moderniser leurs bateaux et de garantir leur sécurité, que le dispositif des Sofipêche soit garanti et élargi à la conchyliculture, et que soient étendues à la pêche les déductions pour aléas accordées en 2001 aux agriculteurs et des ostréiculteurs. Il ne devrait donc pas être difficile d'employer ces crédits supplémentaires...

Cependant, si le dossier de presse accompagnant votre projet précise qu'ils serviront à financer les caisses de garanties-dommages, intempéries et avaries, il indique aussi qu'ils devraient aussi permettre à la France d'adapter, conformément à ses engagements, ses capacités de pêche à la ressource ! Voilà qui est de nature à tempérer mon optimisme initial et qui, en tout cas, exigerait quelque éclaircissement. Quelles mesures d'adaptation de notre capacité prévoyez-vous de financer ? Envisageriez-vous une réduction drastique de notre capacité de capture ? Ou bien pouvez-vous nous assurer que cette augmentation de crédits ne servira pas pour l'essentiel au financement de nouvelles sorties de flotte ?

M. le Président - Je vous remercie d'avoir respecté votre temps de parole.

M. le Ministre - Il ne s'agit en aucun cas d'anticiper sur une négociation qui est loin d'être terminée. J'ai toujours considéré que le nombre des bâtiments était un résultat et non un objectif, ce qui revient à contester la démarche adoptée à Bruxelles. La priorité est donc de parvenir à une gestion raisonnée et durable de la ressource, grâce à un dialogue sincère entre pêcheurs et scientifiques, et de préserver notre capacité de moderniser notre flotte en recourant aussi bien aux crédits communautaires qu'à ce budget. N'interprétez donc pas à tort une phrase, peut-être elliptique, du dossier de presse !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Les éleveurs du bassin allaitant pratiquent depuis toujours un élevage extensif, respectueux de l'environnement, et ils produisent des animaux de qualité, conformes aux attentes des consommateurs. La pérennité de cet élevage exige un accompagnement spécifique et, si j'ai noté votre autosatisfaction à propos de la création de la prime herbagère agro-environnementale, je ne puis partager votre optimisme. En effet, si cette mesure apporte une simplification bienvenue, elle ne compensera à l'évidence pas la disparition du dispositif CTE-PMSEE. Ne reprenant que les contrats existants de la PMSEE, elle aggravera des carences maintes fois soulignées dans la mesure où seulement moins de la moitié de la SAU serait éligible. Par quels moyens envisagez-vous donc de soutenir ces éleveurs, déjà durement éprouvés par la crise de l'ESB et aujourd'hui légitimement inquiets de ce manque à gagner, intervenant au moment même où nos frontières s'ouvrent aux viandes britanniques ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Quelques semaines seulement après mon arrivée rue de Varenne, je me suis rendu dans le bassin allaitant pour discuter avec ces éleveurs meurtris et inquiets. J'ai revu beaucoup d'entre eux à Clermont-Ferrand, au sommet de l'élevage, où je leur ai annoncé l'augmentation de 70 % de la prime à l'herbe et je n'ai pas eu le sentiment qu'ils en étaient mécontents...

Bien évidemment, cette mesure ne saurait suffire. Nous devons ouvrir des perspectives pour nos races à viande, sachant qu'en Europe, nous ne pouvons faire cause commune qu'avec l'Irlande. L'été dernier, nous avons soutenu les dégagements décidés par la filière, mais cela non plus ne saurait régler durablement les problèmes structurels. Nous avons ensuite relevé substantiellement la prime à l'herbe. Aujourd'hui, avec l'interprofession, nous travaillons à un plan à moyen terme pour la promotion de ces races à viande. Il apparaît notamment qu'il y a beaucoup à faire du côté de la restauration collective et en matière d'étiquetage sur l'origine. J'ai bon espoir d'aboutir dans les toutes prochaines semaines.

M. Louis-Joseph Manscour - J'associe à ma question mon collègue Lurel, de la Guadeloupe.

Je vous ai écouté attentivement, Monsieur le ministre : vous n'avez pas dit un mot de l'agriculture et de la pêche dans les DOM ! La lecture du projet de budget ne peut qu'aggraver mon inquiétude, les spécificités et les problèmes de notre agriculture y étant ignorés. Ainsi les crédits destinés à soutenir la production de sucre dans nos départements tombent de 58 à 56 millions d'euros et la subvention au fonds d'orientation et de soutien agricole accuse une baisse de 15 %. Plus grave, ce projet ne contient aucune mesure d'importance pour remédier à la crise de la banane. Or ce secteur court au précipice. Le diktat de certaines firmes américaines, cautionné par l'OMC, joint à la chute des cours et aux caprices de la météorologie, rend indispensable un plan d'aide. Quelles mesures d'urgence comptez-vous prendre pour maintenir la préférence communautaire en faveur de la banane des Antilles ? Quelles mesures durables envisagez-vous pour maintenir le revenu de nos producteurs et pour garantir la cohésion économique et sociale dans les DOM ?

M. le Ministre - Le ministère de l'agriculture ne fait preuve d'aucune désinvolture à l'égard de l'outre-mer et, ayant moi-même travaillé pendant près d'un an au développement rural à Mayotte, croyez bien que je suis très attaché au développement de cette agriculture en effet spécifique.

Le dossier de la banane est d'un dossier d'actualité puisque des négociations sont en cours à Bruxelles. Le Gouvernement attend de l'Union qu'elle maintienne les mesures qu'appelle la situation ultra-périphérique des DOM. Nous entendons donc que soient préservés les acquis de l'OCM, avec les seules adaptations conformes aux intérêts de nos producteurs - qu'il s'agisse du rythme de versement de l'aide compensatoire, de la prise en considération des cyclones ou des aides compensatrices des handicaps naturels. Dès septembre, nous avons soutenu fermement la demande d'avance sur l'aide compensatoire présentée par les producteurs et la décision sera connue avant la fin de la semaine. En attendant, Mme Girardin et moi-même avons proposé la transformation en subvention d'une partie des prêts consentis en 1997 par l'ODEADOM aux six organisations de producteurs antillais. La décision devrait, là aussi, intervenir cette semaine.

S'agissant du sucre, la campagne a été difficile, la canne étant particulièrement pauvre en matière. Nous avons demandé à des experts de proposer des mesures. En Guadeloupe, nous avons procédé au réexamen du fonds de secours et de la convention de soutien à l'usine Gardel et, en Martinique, les discussions sur l'avenir de l'usine du Galion sont en cours ; lorsque les collectivités se seront prononcées, nous reprendrons immédiatement les négociations sur la convention.

M. Charles de Courson - Avec les professions libérales, les exploitants agricoles sont les derniers travailleurs dont les retraites ne soient pas mensualisées. Longtemps, la direction du budget a soutenu que cette mesure était impossible, parce qu'elle entraînerait un surcoût de 7, 8 ou 9 milliards de francs. J'ai toujours soutenu, et M. Censi a repris l'idée, qu'il existait une solution simple : c'est d'autoriser l'endettement de la CCMSA à hauteur du montant, et de payer les intérêts, qui seraient d'environ 45 ou 50 millions d'euros par an. Ma question est donc simple, Monsieur le ministre. Cette mesure ne figure pas dans le BAPSA 2003 : envisagez-vous de la mettre en place progressivement dans le budget 2004 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. le Ministre - Cet été, quand nous avons préparé le budget, nous l'avons fait en étroite concertation avec la caisse centrale de la MSA et les organisations professionnelles. Deux sujets étaient posés : la retraite complémentaire et la mensualisation. D'un commun accord, étant donné qu'il était budgétairement difficile de faire les deux à la fois, il a été décidé de donner, pour 2003, la priorité à la première ; ce que je souhaite c'est qu'à compter de 2004 nous puissions trouver le moyen de mettre en _uvre la seconde.

Nous avons exploré, au cours de ce riche débat parlementaire, un certain nombre de pistes, et M. Censi a fait des propositions, à la suite de contacts supplémentaires qu'il a eus avec les professionnels. Je souhaite travailler sur cette base, pour parvenir à cette mensualisation si attendue - et bien légitime (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Philippe Folliot - Si certaines de nos campagnes doutent, celles du sud du Massif central - est du Tarn, sud de l'Aveyron, Lozère - se désespèrent. S'il y a un secteur de notre agriculture qui a montré, dans une région très défavorisée, une forte volonté d'organisation de la part des producteurs, c'est bien celui-ci : dès 1931, apparaissaient une première mondiale, avec l'organisation d'une interprofession - 50 % producteurs, 50 % industriels - dans la « confédération Roquefort ».

Or, en quelques années, deux coups terribles ont été portés à cette filière. Ce fut d'abord, en 1999, la décision inique du gouvernement américain, qui a taxé à 100 % des importations de Roquefort aux Etats-Unis ; c'est la décision récente de la Commission européenne de réserver l'appellation « feta » à la seule Grèce. Or le terme « feta » est générique : la feta est produite dans tout le bassin méditerranéen, en Grèce certes, mais aussi en Turquie, dans le sud de la France et dans une partie de l'Italie. Les enjeux sont importants : la production de la Grèce ne couvre que sa consommation intérieure. Il y a des marchés à l'exportation, notamment en Allemagne, qui ont été développés par les producteurs de lait de brebis et la confédération de Roquefort.

La décision de la Commission ne sera pas sans conséquences, puisqu'elle concerne 11 500 tonnes de fromage et 25 % de la production de lait de brebis de la zone Roquefort. Le Gouvernement va-t-il engager un recours, afin que l'appellation « feta » puisse être étendue à tous les petits ruminants du bassin méditerranéen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Vous avez bien résumé le problème. En juillet, à Bruxelles, un conseil des ministres a abordé le sujet et abouti à ce qu'on appelle en jargon communautaire une « absence d'avis », ce qui signifie qu'il n'y avait ni majorité qualifiée, ni minorité de blocage. Je le rappelle, parce qu'on a écrit à tort que la France, par son abstention, avait permis que la procédure se poursuive. C'est faux : quelle qu'ait été la position française, nous étions dans le cadre de l'absence d'avis ; dans ce cas, la décision passe à la Commission, qui a tranché comme vous le déplorez pour les producteurs de votre région - avec qui j'ai longuement examiné ce dossier en septembre en Aveyron.

Que faire maintenant ? Je veux d'abord rappeler que la France a toujours été dans le camp des défenseurs des appellations d'origine contrôlée. Il est de l'intérêt de notre pays et de toutes ses productions de rester fermes sur la pertinence du principe même des AOC - dont le roquefort fut la première, je crois, en matière fromagère -, car ce principe, vous le savez, est attaqué devant l'OMC.

Cela étant, se pose la question du recours. Le Danemark et l'Allemagne vont très certainement en introduire un... parce qu'ils font de la « feta » à partir du lait de vache et non de brebis. Nous ne pouvons donc pas mêler notre voix à ce recours-là. Devons-nous faire un recours autonome ? Nous étudions la question avec nos services juridiques ; dès que nous aurons leurs conclusions, je prendrai une décision que je vous communiquerai aussitôt.

M. François Rochebloine - Ma question concerne les formations dispensées par l'enseignement agricole privé, et particulièrement les formations en alternance. Le moins qu'on puisse dire est que ce secteur n'a pas été bien traité sous la précédente législature. A une politique financière restrictive s'ajoutait une méconnaissance volontaire des projets et des difficultés des établissements privés. Du reste, cette attitude négative n'a guère profité à l'enseignement agricole public, que la volonté d'intégration dans l'éducation nationale affichée par votre prédécesseur a laissé sans projet et sans perspectives de développement. Aujourd'hui, familles, enseignants et responsables des organismes d'enseignement privé attendent de vous une impulsion nouvelle. Vous connaissez le contentieux financier qu'on a volontairement laissé s'accumuler ces dernières années entre le ministère et les établissements privés. Par quelles dispositions prévoyez-vous d'assurer le rattrapage des arriérés et assurer pour l'avenir la mise au niveau - requise par la loi Rocard - des concours financiers de l'Etat ? Par quelles actions entendez-vous permettre aux établissements pratiquant la formation en alternance de proposer à leurs élèves des filières adaptées aux besoins réels ? Enfin, comment comptez-vous reprendre le dialogue interrompu depuis cinq ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. le Ministre - L'enseignement agricole représente près du quart du budget de l'agriculture et la moitié des effectifs enseignants et techniques ; c'est donc, sous toutes ses formes, publique et privée, une priorité à nos yeux. Le premier champ d'action consiste à régler les problèmes trouvés en arrivant : dans l'enseignement public, c'étaient les contractuels qui n'étaient pas payés depuis plusieurs mois ; dans le privé, c'était la non-application de la loi Rocard. Sur ce second point, les moyens nécessaires figurent dans le budget pour 2003, avec un début de rattrapage de ce qui n'a pas été versé au cours des années précédentes. Nous sommes donc en dialogue avec les responsables, qui avaient déposé un recours devant le Conseil d'Etat pour non-application de la loi.

Cela, c'est l'urgence. Au-delà, il faut avoir une ambition pour l'enseignement agricole, public et privé. Nous y travaillons. Au début de l'année prochaine, après avoir achevé les consultations nécessaires, j'aurai l'occasion d'annoncer une politique, que j'espère ambitieuse, pour cet enseignement dont chacun reconnaît l'excellence, la polyvalence et l'adaptabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. François Liberti - Loin de se résumer à des aspects conjoncturels, les crises successives qui ont touché le Midi viticole appellent des réponses structurelles et politiques : la réorganisation de l'OMC afin de moraliser et de réglementer le marché mondial du vin, le contrôle et la limitation des droits de plantation dans le Nouveau Monde, la réglementation des productions à mettre à l'ordre du jour d'un sommet de la viticulture française et européenne, sont quelques-unes de nos propositions.

La viticulture méridionale, et particulièrement la coopération, revendiquent à juste titre une mission stratégique, un rôle moteur dans le développement du Languedoc-Roussillon. Encore faut-il que les choix politiques de la France et les mesures d'accompagnement le permettent.

J'évoquerai à ce propos le problème que rencontrent depuis dix-huit mois les distilleries coopératives viticoles, du fait des retards de paiement tant pour les distillations de crise que pour la distillation d'alcools de bouche, de la part de l'ONIVIN qui ne respecte pas les délais fixés par la réglementation communautaire, alors que les distilleries coopératives doivent, elles, respecter un délai de trois mois pour payer les producteurs de vin. Malgré la mise en place d'avances sur fonds nationaux qui ont partiellement compensé ces retards, les sommes dues aux distilleries coopératives atteignaient 14 millions d'euros en janvier 2002, 28 en septembre et 30 environ pour la distillation d'alcools de bouche. Ces retards entraînent des coûts financiers pour les distilleries coopératives qui souhaitent connaître les raisons de ces retards répétés et importants, les moyens qui seront mis en _uvre pour éviter qu'ils se reproduisent, et les dispositions prévues pour prendre en charge les intérêts de retard dus par l'ONIVIN.

M. le Ministre - Vous avez évoqué trois questions importantes. La première concerne la nécessité pour l'ensemble de la filière viti-vinicole française, d'avoir une politique dynamique et ambitieuse, notamment à l'exportation. Un rapport commandé par mon antéprédécesseur m'a été remis en juillet, et est actuellement en discussion avec les professionnels. Les conclusions et recommandations me seront remises dans quelques semaines et des mesures seront décidées en conséquence.

Votre seconde question porte sur la nécessaire évolution de l'organisation commune de marché. Dès juin, j'ai déposé à Bruxelles un mémorandum à ce sujet ; nous devons obtenir des avancées, notamment sur les mesures de gestion structurelle et durable. Nous sommes en négociation, et j'ai bon espoir de pouvoir sous peu annoncer aux viticulteurs le dispositif qu'ils attendent.

Troisième aspect de votre question : les délais de paiement de l'ONIVIN. Comme vous le savez, des procédures nombreuses et complexes ont été instaurées depuis dix-huit mois pour faire face aux excédents constatés. La faute n'en incombe d'ailleurs pas à ce gouvernement, ni au précédent, puisqu'il s'agissait de contraintes communautaires. Quoi qu'il en soit, à ce jour, 95 % des sommes dues aux distilleries coopératives sont payées. Il reste moins de 3 millions à verser, sur les 60 dus au titre de la distillation de crise du printemps 2002.

En ce qui concerne la distillation des alcools de bouche, pour la campagne 2001-2002, la plus grande partie des paiements n'est pas encore effectuée mais le sera dans le courant du mois de novembre. Nous faisons le maximum pour accélérer les choses.

M. Jacques Desallangre - Le budget que vous nous présentez marque clairement la volonté du Gouvernement de suspendre la politique de revalorisation des plus faibles retraites menée depuis cinq ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

En 1997, la retraite moyenne des exploitants agricoles s'élevait à 2 380 F par mois à comparer à la moyenne - 8 469 F - des pensions du régime général. Confrontés à cette injustice, nous avons, en cinq ans, revalorisé les pensions annuelles minimales de 30 % pour les chefs d'exploitation, de 35 % pour les veuves, de 80 % pour les conjoints et aides familiaux. Ces améliorations notables ne font pas pour autant des retraités agricoles des nantis, tant s'en faut. Il faut donc poursuivre le mouvement. Or vous ne procédez qu'à une revalorisation de 2 % des pensions minimales, soit autant que l'inflation. Il n'y a donc pas augmentation mais bien stagnation.

Par ailleurs, aucune réponse n'est apportée à la légitime revendication de mensualisation des pensions. Celle-ci ne coûterait pourtant pas très cher. Allez-vous enfin accorder aux retraités agricoles ce qu'ils demandent ?

M. le Ministre - L'effort de revalorisation des pensions a été lancé en 1994, sous le gouvernement de M. Balladur, avec notamment la mise en place de la réversion pour les veuves ; il a été poursuivi sous celui de M. Juppé, puis sous celui de M. Jospin.

Il faut se féliciter que cet effort ait été continu pendant huit ans, au-delà des clivages politiques partisans, et donc le poursuivre, car les retraités agricoles ont encore - comme d'ailleurs d'autres catégories de la population - des pensions particulièrement basses et ils en souffrent.

Pour ce qui est de la mensualisation, nous sommes très ouverts aux propositions, et celles de votre rapporteur spécial sont très intéressantes. Pour 2003, il a été décidé que la priorité serait la mise en place de la retraite complémentaire - qui est, elle, mensualisée. Il nous reste donc à travailler sur la mensualisation des retraites de base. J'espère que nous pourrons rapidement aboutir à un accord à ce sujet.

M. François Liberti - Votre budget pour la pêche, stable après plusieurs années de progression, manque d'ambition, Monsieur le ministre, et, s'agissant de la PCP, j'observe que la raréfaction de la ressource sert à nouveau de prétexte à une nouvelle réduction de la flotte et des emplois. C'est tout sauf une politique scientifique de gestion de la ressource !

Si l'on veut vraiment protéger la ressource, commençons par remettre en cause la dévastatrice pêche minotière pratiquée par les flottes des pays nordiques. Or, curieusement, cette pêche-là est épargnée par la nouvelle PCP... Et l'on voit se développer des élevages où les poissons sont nourris avec la farine de poissons provenant de cette pêche.

Une nouvelle réduction de la flotte et des emplois n'est pas acceptable. Le transfert des compétences des conseils vers la Commission de Bruxelles non plus, car la politique des pêches relève de choix politiques.

La spécificité des façades maritimes, notamment celle de la Méditerranée, doit être reconnue, étant entendu qu'elle ne s'arrête pas à la nature des eaux ni aux stocks chevauchants partagés, mais suppose aussi l'existence d'une flotte polyvalente...

M. le Président - Posez votre question !

M. François Liberti - ... et celle de lagunes. Il est par ailleurs temps que l'on définisse clairement ce que l'on appelle la pêche artisanale.

M. le Président - Posez votre question, je vous prie.

M. François Liberti - Il faut aussi définir des zones élargies de protection en posant des équivalences entre le plan d'eau, le ou les stocks halieutiques, l'effort de pêche et l'unité de gestion à mettre en place avec les professionnels concernés. Qu'en pensez-vous, Monsieur le ministre ?

M. le Ministre - Vous avez raison de souligner que la pêche minotière constitue la grande absente de la réforme de la politique commune des pêches. C'est une hypocrisie car nous savons bien que des flottes armées par certains Etats membres se livrent à cette pêche que l'on ne peut que juger scandaleuse quand on sait qu'il faut 8 kilos de farine de poissons pêchés pour « faire » un kilo de poissons d'élevage !

M. Aimé Kerguéris, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la pêche - C'est un sujet tabou depuis longtemps !

M. François Liberti - Pas pour nous !

M. le Ministre - Croyez bien que nous dénonçons ces pratiques irresponsables !

En ce qui concerne la gestion des ressources, il faut absolument que les professionnels et les scientifiques mènent ensemble un travail loyal et serein et que la décision reste aux politiques. La Commission voulait un lien direct entre elle et les comités régionaux de pêche réorganisés dans le sens que vous imaginez, mais il a été clairement dit, lors du dernier conseil des ministres de la pêche que l'on en restait au système actuel, où la décision continue d'appartenir au conseil des ministres.

En Méditerranée, nous n'avons pas de zone économique exclusive mais un système très original, celui des prud'homies, qu'il faut préserver. Je dois dire que les propositions spécifiques que fait la Commission sur la Méditerranée vont plutôt dans le bons sens, me semble-t-il.

Enfin, je crois qu'il faut absolument se battre pour maintenir les crédits destinés à la modernisation de la flotte. La vétusté des bateaux a en effet causé trente accidents l'an dernier. Ces crédits sont d'ailleurs peu élevés mais ils sont symboliques. C'est justement pourquoi ils sont attaqués par ceux qui font semblant de croire que la modernisation implique plus de capture de poissons, ce qui est évidemment faux.

M. Michel Bouvard - Lors du dernier congrès de l'association nationale des élus de la montagne, nous nous sommes inquiétés, comme chaque année, des moyens alloués au service de restauration des terrains en montagne, qui accomplit un travail dont un récent rapport sénatorial a souligné la qualité.

Ce service, qui existe depuis 1880 emploie 96 personnes, hébergées par l'ONF. Or les moyens prévus dans la convention avec l'ONF ont diminué, au budget 2002, d'un montant qui représenterait environ sept emplois, et il semble qu'une nouvelle réduction - l'équivalent de 15 emplois - soit prévue dans le budget 2003. Nous sommes donc inquiets. Pouvez-vous nous rassurer, Monsieur le ministre ?

M. le Ministre - Je rends hommage au travail qu'accomplit depuis plus d'un siècle le service de restauration des terrains en montagne, naguère appelé service de reboisement. Il se trouve que j'ai dans mon canton, sous le col de la Madeleine, un véritable musée des réalisations effectuées par lui, sous plusieurs générations.

Pour pérenniser les actions qu'il conduit au sein de l'ONF, le contrat d'objectifs entre l'Etat et l'office prévoit que les missions du service - qui revêtent à l'évidence un caractère d'intérêt général - font l'objet d'un financement spécifique. Ce contrat indique quelles missions sont assumées pour le compte du ministère de l'agriculture et quels autres ministères peuvent recourir aux services de cet organisme. Mon ministère a toujours strictement respecté les termes de ce contrat et engagé les financements nécessaires. La difficulté tient donc à la quote-part des autres ministères, qui représente l'équivalent de 17 emplois à temps plein.

Je puis toutefois vous assurer qu'aucune réduction d'effectifs n'est envisagée et que les crédits précédemment gelés ont été dégelés.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Dominique Caillaud - C'est sans doute la densité de l'agriculture vendéenne qui m'a amené, depuis plusieurs années, à m'intéresser plus particulièrement aux problèmes des retraites.

En ce qui concerne la retraite de base, si les motifs de satisfaction sont réels, ne conviendrait-il pas de fixer des objectifs à la négociation pluriannuelle, notamment celui d'aller maintenant vers 100 % du SMIC ?

Pour les retraites complémentaires, la difficulté tient surtout au cas des agriculteurs qui ont cotisé entre 17 et 37 années. Est-il envisagé d'améliorer le prorata temporis ?

Enfin, sur la mensualisation, tout a été dit. J'espère que nous avons abordé cette question pour la dernière fois cette année.

M. le Ministre - Un certain nombre d'évolutions favorables ont été enregistrées depuis huit ans, même s'il reste beaucoup à faire.

Le grand débat de l'année prochaine sur l'avenir des retraites nous donnera bien sûr l'occasion de revenir sur les retraites agricoles et d'avoir ainsi une meilleure visibilité des progrès possibles à moyen terme. Enfin, je répète que nous espérons parvenir au plus vite, en ce qui concerne la mensualisation, à une solution conforme à vos souhaits à tous.

M. Yves Simon - Grâce à votre action, Monsieur le ministre, nos agriculteurs retrouvent dignité et espoir. Mais vous avez hérité d'une situation délicate car les contrats territoriaux d'exploitation n'apportent pas de revenu durable et les pertes d'exploitation ne seront plus compensées au-delà de cinq années du contrat. Ne risque-t-on pas de revenir à la case départ ?

Les éleveurs se félicitent de votre décision de majorer la prime à l'herbe. Crise après crise, les revenus des éleveurs de bovins à viande se sont réduits. Le consommateur a subi une véritable désinformation.

Vivre du prix de vente de ses produits est une revendication légitime mais le consommateur doit le savoir et la grande distribution doit le comprendre. Quelles démarches avez-vous entreprises en ce qui concerne la restauration scolaire ? L'alimentation humaine à trop bon marché n'a que trop duré !

M. le Ministre - S'il faut adapter le dispositif des CTE, nous devons, pour éviter toute difficulté en cas de contrôle communautaire, honorer les contrats qui ont déjà été signés.

Pour les produits de qualité et les races à viande, vous avez raison. Des mesures très importantes ont été prises avec la prime herbagère agro-environnementale, mais aussi dans le domaine non budgétaire, avec le soutien à l'organisation de la profession et de l'interprofession, l'étiquetage, la traçabilité.

Il n'y a aucune raison que nos produits de qualité se vendent depuis des années au même prix que des produits de très mauvaise qualité. Nous travaillons, avec tous les secteurs de la restauration collective, à la promotion de la viande française.

M. Philippe Tourtelier - La production des biocarburants semble bien oubliée dans le débat sur la PAC d'après 2006. On pourrait pourtant fournir 25 % de la consommation automobile nationale en cultivant 5 à 6 millions d'hectares. Si les coûts de production restent plus élevés que ceux du pétrole, toute crise d'approvisionnement renforce l'avantage des biocarburants. Ainsi en mai 2001, leur coût de production est momentanément passé en dessous de celui des hydrocarbures.

Ces cultures spécialisées peuvent contribuer au développement des énergies renouvelables et à notre indépendance énergétique, mais aussi élargir les fonctions économiques de l'agriculture et améliorer son image.

Je souhaite donc savoir quel soutien budgétaire leur sera accordé en 2003. Entendez-vous favoriser l'augmentation sensible des surfaces qui y sont consacrées ?

Par ailleurs, le soutien au biocarburants doit être interministériel. Comment comptez-vous le concrétiser ?

Enfin des actions déterminées pour renforcer le potentiel énergétique de notre agriculture sont-elles envisageables dans le cadre de la future PAC ?

M. le Ministre - Ces questions sont extrêmement importantes. Il y a maintenant dix ans qu'une politique active est menée en faveur des biocarburants, qui mobilisent maintenant près de 300 000 hectares. Sept usines participent à la production, qui permet un taux d'incorporation dans les carburants de 0,9 %. Le coût du dispositif fiscal d'incitation dépasse 180 millions.

Bien sûr, on peut et on doit faire beaucoup mieux, dans le cadre communautaire fixé par la décision du conseil énergie et transports du 25 mars dernier, qui a permis de sécuriser notre système fiscal de dérogations pour lequel nous nous faisions quelque souci... Nous pourrons ainsi fixer, pour 2003, le niveau ad hoc de défiscalisation pour les deux filières techniques.

Au plan communautaire, l'adoption des propositions de directive que la Commission a présentées en 2001 et qui visent à harmoniser le cadre fiscal et à ouvrir le marché, est un enjeu majeur.

En liaison avec les autres ministères concernés, nous soutenons sans réserve le projet de directive fiscale ainsi que la proposition de fixer à 2 % en 2005 et à 5,75 % en 2006 l'objectif d'incorporation de biocarburants. Un accord politique est intervenu au conseil Ecofin du 20 juin dernier. Nous en sommes désormais à la phase de conciliation entre les institutions communautaires.

Nous sommes résolus à aller de l'avant sur un sujet qui a été trop délaissé, notamment dans le cadre de la PAC. Il faut que nous en parlions davantage dans les conseils agriculture et que nous proposions des évolutions à l'occasion de la révision de la PAC à mi-parcours.

M. François Brottes - J'espère que l'engagement que vous avez pris pour le RTM vaut pour tout le Gouvernement, ce que le Premier ministre confirmera sans doute lorsqu'il installera le nouveau Conseil national de la montagne.

Je sais votre application à publier les décrets de la loi sur la forêt, mais je souhaite vous interroger sur quatre aspects de ce texte.

Tout d'abord, où en est l'application de l'article 17 relatif aux dérogations pour transport de grumes. M. de Robien m'a dit que la loi n'était pas légale.

M. Michel Bouvard - Oh !

M. François Brottes - Deuxième point, il faut que la filière s'organise. Où en est l'interprofession ?

Troisième point, on connaît la dureté du métier de bûcheron. C'est dans cette profession qu'on compte le plus d'accidents du travail mortels. La loi d'orientation agricole avait fixé au 1er janvier 2003 l'abaissement de l'âge de la retraite à 55 ans. Où en est la négociation ?

Enfin, nous avions lancé les chartes forestières du territoire. Les acteurs de la filière aimeraient savoir si elles seront financées.

M. le Ministre - Le décret relatif au transport des grumes est en cours d'examen au Conseil d'Etat. Il sera publié le plus rapidement possible.

S'agissant de l'interprofession, il n'appartient pas au ministre de décider. La négociation ne se passe pas mal, car il y a eu beaucoup de travaux préparatoires pour identifier les actions à mener les plus pertinentes. Le soutien du ministère est acquis et j'espère voir naître cette interprofession au cours de l'année 2003.

Les conditions de travail des bûcherons sont en effet très pénibles. Mon prédécesseur avait commandé un rapport quelques semaines avant les élections. Il devrait m'être rendu rapidement et je l'utiliserai. Le problème ne se limite pas aux retraites : c'est le statut qui est à revoir. Dans ce domaine, on peut et on doit aller vite.

Il y a eu une première salve de vingt chartes forestières du territoire, à titre expérimental. Dix-huit nouveaux projets m'ont été présentés. Ils seront soutenus au démarrage. On assiste donc à une montée en puissance du dispositif. J'ai l'intention d'organiser une table ronde en 2003 pour avoir un retour d'expérience qui sera profitable à tous.

M. Kléber Mesquida - La viticulture occupe une place importante dans notre économie. Avec 57 millions d'hectolitres, la France est en tête des pays producteurs. Le vin est aussi notre premier produit agricole à l'exportation : nos ventes à l'étranger représentent l'équivalent de 103 Airbus ou de 500 TGV. Mais ce secteur va mal. Nos exportations ont reculé de 2,8 % et la consommation intérieure se ralentit, alors qu'elle progresse dans les pays du Nord de l'Europe et dans le monde anglo-saxon.

Il faut adapter la production à la demande. Nous devons en outre modifier le régime des aides. Le plan Patriat ne suffira pas. La restructuration du vignoble doit se poursuivre.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé cet été, au cours d'une visite dans l'Hérault, que des mesures de soutien seraient prises après les vendanges. Elles seront les bienvenues, mais il faut aussi définir une stratégie de reconquête. La dotation de l'ONIVIN étant réduite de 30 %, comment comptez-vous procéder ?

M. le Ministre - J'étais dans votre région le 8 août et j'y suis retourné en septembre, après les inondations.

Je suis en contact avec les professionnels de la filière. Il faut distinguer la problématique générale de la viticulture du cas particulier qu'est la région Languedoc-Roussillon.

Sur la viticulture, M. Bertomo m'a remis son rapport en juillet, rapport que j'ai soumis aux professionnels. Des orientations stratégiques doivent être arrêtées pour défendre nos exportations. C'est une question délicate. Notre logique des appellations par terroir se heurte à celle des marques, qui prévaut dans les pays anglo-saxons. Or nos vins sont de plus en plus concurrencés par des produits du Nouveau Monde. Il faut réagir.

Pour le Languedoc, j'ai obtenu de Bruxelles l'autorisation de procéder à des distillations de crise, mais il s'agit là de mesures de court terme qui ne suffiront pas. Il faut envisager une reconversion qualitative différée.

Nous sommes en négociation avec Bruxelles pour réformer l'OCM Vins. Vous savez que cette réforme n'aura pas lieu avant la fin de l'année. Mais nous ne pouvons pas attendre pour prendre les mesures qui s'imposent. Nous consultons les autorités européennes et les organisations professionnelles et j'ai bon espoir de pouvoir annoncer bientôt les mesures attendues par les viticulteurs de votre région. Je réunirai à cette occasion les parlementaires du Languedoc-Roussillon.

M. Jean-François Chossy - Je veux à mon tour dénoncer certaines pratiques de la grande distribution. Les producteurs doivent passer sous les fourches caudines des centrales d'achat. Dans mon département, l'écart entre les prix à la production et les prix à la consommation ne cesse de se creuser. Il faut rendre plus transparente la répartition de la valeur ajoutée. La situation actuelle est préjudiciable à tout le monde. Les grandes surfaces sont devenues des pièges à producteurs et des pièges à consommateurs.

Comment améliorer les relations commerciales dans la filière agro-alimentaire ?

Par ailleurs, quelles initiatives comptez-vous prendre pour simplifier les démarches administratives ? La chambre d'agriculture de mon département est disponible pour toute expérience dans ce domaine.

M. le Ministre - La simplification administrative est un chantier majeur. Un comité de simplification a été constitué au sein du ministère. Il existe en outre un groupe de réflexion au sein de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture. Je suis décidé à aller vite et je souhaite parvenir à une déclaration unique pour l'ensemble des aides. Mais n'oublions pas que le mieux peut être l'ennemi du bien : la complexité administrative est parfois le produit de beaucoup de bonnes intentions.

Les pratiques commerciales de la grande distribution ont déjà été encadrées par la loi Galland de 1997, la loi d'orientation agricole de 1999 et la loi sur les nouvelles régulations économiques de 2001. La crispation est de plus en plus forte depuis quelques mois. Il y a présomption de captation de marge. Mon collègue Dutreil a organisé plusieurs tables rondes qui ont débouché sur la création d'un groupe de travail associant les producteurs, les distributeurs et la direction générale de la concurrence. La commission d'examen des pratiques commerciales est installée et sa composition va être étendue aux producteurs agricoles. En outre, plusieurs groupes de travail étudient les principaux points de friction. Il faut absolument rééquilibrer les relations commerciales.

M. Georges Colombier - Je souhaite aborder le problème de la retraite complémentaire obligatoire des exploitants agricoles. Cette mesure, votée à l'unanimité à la fin de la mandature précédente et qui constituait la fin d'une injustice régulièrement dénoncée par les associations, avait suscité quelques réserves de la part de l'opposition de l'époque, concernant l'apport initial de l'Etat et la date d'entrée en vigueur.

Il semble que la participation de l'Etat prenne effet le 1er avril 2003, tandis que les cotisations commenceraient à être prélevées dès le 1er janvier. Ce décalage n'est guère apprécié par les principaux intéressés, d'autant que la participation de l'Etat est relativement faible.

Par ailleurs, les dispositions concernant la date de prise d'effet de la retraite de base des exploitants créent deux catégories de retraités : ceux dont la retraite de base a pris effet avant le 1er janvier 1997, qui doivent justifier de 32 années et demie de travail non salarié, et les autres, qui doivent avoir cotisé 37 années et demie tous régimes confondus. Il serait souhaitable de permettre aux intéressés de choisir entre l'une ou l'autre de ces exigences.

Enfin, la loi ne comporte pas de réelles dispositions sur les conjoints. La réversion au profit du conjoint survivant ne sera possible que pour ceux dont la retraite de base sera liquidée après le 1er janvier 2003. Il ne faut pas laisser sur le bord du chemin les actuels conjoints survivants ni tous les actuels retraités qui ne bénéficieront pas de la réversion. La conjoncture ne permettra pas d'appliquer facilement la loi. Mais la retraite complémentaire obligatoire met fin à une injustice. Quelles seront les modalités d'application de la loi ?

M. le Ministre - Cette retraite complémentaire a été votée sans être financée et le ministre de l'époque n'avait pas su nous répondre ni sur le taux de cotisation ni sur la contribution de l'Etat. Nous avons trouvé ce dossier dans le cadre d'un budget annexe en plein marasme, si bien que nous avons dû injecter 490 millions en collectif, en juillet, et inscrire dans le budget 576 millions au titre de la contribution de l'Etat. Nous devons tout faire, mais nous ne pouvons faire que ce qui est possible. La retraite complémentaire sera mise en place le 1er avril, avec des droits courant à partir du 1er janvier et une contribution de l'Etat permettant de boucler le plan de financement. C'est la première fois que l'Etat finance une retraite complémentaire.

Nous sommes parvenus à élaborer dans la meilleure concertation possible un dispositif indispensable.

M. Yannick Favennec - J'attire votre attention sur les conséquences morales et matérielles que peuvent entraîner les mesures de séquestre d'un troupeau, au nom du principe de précaution, lorsque les analyses vétérinaires se révèlent négatives. Dans le nord de la Mayenne, il est apparu que cinq exploitations avaient reçu des aliments néerlandais destinés aux bovins et susceptibles d'être contaminés. Les contrôles effectués par la DSV de la Mayenne n'ont révélé la présence d'aucune des substances soupçonnées. Les services vétérinaires avaient exigé à juste titre la mise sous séquestre des différents troupeaux dans l'attente des résultats des analyses. Si je ne conteste pas les mesures draconiennes prises en vertu du principe de précaution, ne serait-il pas légitime que les exploitants soient indemnisés pour les préjudices subis lorsque les analyses se sont révélées négatives ? Les méthodes parfois brutales employées par les services vétérinaires et leurs conséquences matérielles et morales provoquent un réel traumatisme.

Que pensez-vous d'une prise en charge par l'Etat des conséquences financières du préjudice subi lorsque l'exploitant est lavé de tout soupçon ?

M. le Ministre - Quand les services de l'Etat sont informés d'un risque grave et immédiat pour la santé humaine, ils doivent agir sans délai, sans toujours disposer d'une évaluation complète des risques. Dans le cas que vous évoquez, il fallait absolument s'assurer que les denrées animales commercialisées ne présentaient aucun risque. Aussi a-t-on dû séquestrer pendant quelques semaines certains élevages, non seulement en Mayenne, mais au total dans 17 départements, pour 48 exploitations. Dès que les résultats ont été connus, les séquestres ont été immédiatement levés. Le code rural ne prévoit pas d'indemniser ce type de préjudice. Il faudra regarder au cas par cas. Je connais des éleveurs se trouvant dans la situation que vous décrivez. Pour eux, c'est vrai, le traumatisme est grand.

M. Jean-Claude Leroy - Le 17 octobre dernier, les organisations syndicales appelaient à dénoncer la diminution des moyens alloués à l'enseignement agricole public. En effet, après avoir augmenté l'an dernier de 3 %, les moyens régressent dans le budget pour 2003. 48 emplois d'enseignants sont supprimés dans le technique, et 8 dans le supérieur. Ces décisions vont porter un coup d'arrêt à la politique de résorption de la précarité engagée par le protocole Sapin, et hypothéquer le renouvellement des générations.

Comment comptez-vous honorer la signature de l'Etat qui devrait poursuivre l'application du plan de rattrapage contenu dans le protocole Sapin, signé par six fédérations de fonctionnaires ? Est-il opportun de diminuer les moyens d'un enseignement qui s'est ouvert à des débouchés dépassant le seul métier d'agriculteur et qui affiche un taux de chômage très faible à la sortie des études ? La forte augmentation du nombre d'élèves n'a pas été suivie d'un recrutement suffisant d'enseignants alors que le gouvernement précédent avait créé, pour la seule année 2002, 120 emplois d'enseignants.

Le lycée agricole devient le lycée du monde rural. Si l'on veut accompagner cette mutation, ne faut-il pas donner à l'enseignement agricole les moyens d'accomplir sa mission au service du territoire ?

M. le Ministre - Vous dressez un tableau du passé quelque peu idyllique. A mon arrivée, on a commencé par me demander de payer les vacataires de l'enseignement public agricole, qui n'avaient rien touché depuis janvier. Dire qu'avant tout était merveilleux, et que depuis c'est la catastrophe, me paraît bien réducteur.

Dans le budget, les crédits destinés à l'enseignement technique agricole augmentent de 1,5 %, alors que les effectifs sont stabilisés. Si l'enseignement agricole public participe à la politique gouvernementale de maîtrise de l'emploi public, les crédits permettant l'accueil d'enseignants et d'ingénieurs stagiaires s'accroissent. Nous n'avons pas l'intention de cesser la politique de résorption de la précarité engagée dans l'enseignement technique, puisque 450 agents pourront en bénéficier dans le cadre des examens professionnels et des concours internes en 2003. Pour renouveler les générations, les concours de 2003 offriront un nombre de postes supérieur à celui de 2002.

L'enseignement agricole, en particulier public, joue un rôle très important. On ne sait pas assez combien il est adaptable, ni quel rôle important il joue en matière sociale. Je souhaite, au premier semestre 2003, annoncer pour lui une ambition réelle sur une base pluriannuelle.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - La loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, adoptée à l'unanimité il y a cinq ans, a défini à l'article 40 la conchyliculture comme une activité agricole. Néanmoins, les conchyliculteurs qui peuvent bénéficier de la MSA s'ils ne sont pas embarqués, relèvent de l'ENIM s'ils sont à bord. Cette mixité justifie leur appellation, chez nous, de « paysans de la mer ». Ces jeunes conchyliculteurs ne comprennent pas que leur statut de marin les empêche d'accéder aux exonérations destinées à aider à l'installation. Ils souhaitent donc que l'on rende applicables aux cotisations ENIM les exonérations prévues à l'article L. 731-13. Allez-vous leur donner satisfaction ?

M. le Ministre - Encore une illustration du mal français ! Qu'il existe une disparité selon l'affiliation à la MSA ou à l'ENIM est étonnant et scandaleux. Reste qu'une modification législative ou réglementaire est nécessaire pour parvenir à une identité de statut. En concertation avec M. Bussereau, je compte faire disparaître cette disparité injustifiable.

Mme Hélène Tanguy - Les marins-pêcheurs apprécient votre détermination. La perspective de casser à nouveau des bateaux et de supprimer des milliers d'emplois fait trembler ma circonscription qui représente 20 % du chiffre d'affaires de la pêche française.

A puissance de capture constante et sur la base de quotas pluriannuels par espèces, il faut continuer à aider la construction de navires de pêche. Dans le quartier du Guilvinec, la moyenne d'âge des bateaux dépasse vingt ans.

Dans ce dessein, il semblerait que l'extension des GIE fiscaux soit en cours de validation afin de soutenir les armements industriels tout en permettant aux armements de pêche hauturière, voire côtière, d'y accéder. Pouvez-vous le confirmer ?

D'autre part, le secteur doit beaucoup aux performances de la pêche artisanale. Ne pourrait-on faire évoluer les Sofipêche, conçues pour favoriser l'accession à la propriété des jeunes patrons pêcheurs, en portant à 45 ans l'âge limite pour en bénéficier et de 5 à 10 ans la durée des dégrèvements fiscaux ? Cela impliquerait de modifier l'article 238 HP du code général des impôts en précisant que cette aide fiscale ira au patron, seul ou conjointement avec un armement agréé, en vue d'une accession à la propriété et dans un délai qui ne peut excéder dix ans. Puis-je connaître votre position sur cette suggestion, sachant qu'elle ne peut aboutir que si nos souhaits les plus optimistes se réalisent ?

M. le Ministre - Sur la politique commune de la pêche et sur la modernisation et le renouvellement de notre flotte, vous connaissez notre position constante, ne serait-ce que pour m'avoir entendu la répéter au Guilvinec. S'agissant des GIE fiscaux, je suis convaincu que c'est un dispositif adapté au financement des navires les plus grands et nous avons donc lancé des discussions avec le ministère des finances en vue de le pérenniser et de l'élargir. Nous mettons beaucoup d'ardeur à la tâche et nous devrions donc aboutir.

Quant au dispositif des Sofipêche, il a amplement démontré son intérêt pour une première accession à la propriété des jeunes patrons artisans. L'effort doit par conséquent être amplifié et diversifié. Votre suggestion va dans le bon sens, dans la mesure où nous devons ouvrir ce dispositif à de nouveaux bénéficiaires et l'étendre à des structures de copropriété. Nous devrions donc pouvoir avancer rapidement.

M. Alain Suguenot - La dotation consacrée au programme agro-environnemental augmente de 50 %, soit de 44,5 millions d'euros, au bénéfice essentiellement de la prime à l'herbe. Ce dispositif, qui arrivera à terme en avril prochain, profite actuellement à 74 000 éleveurs ayant au moins 75 % de leur SAU en herbe. La prime se monte à 45,7 € par hectare, jusqu'à 100 hectares. Cependant, les agriculteurs redoutent que l'augmentation de près de 70 % de la nouvelle prime, baptisée prime herbagère agri-environnementale, ne s'accompagne d'un abaissement de ce plafond : de moins en moins nombreux, ils doivent en effet exploiter des surfaces de plus en plus importantes. Pouvez-vous les rassurer ?

M. le Ministre - Qu'ils n'aient aucune inquiétude : nous avons dégagé les crédits nécessaires à une revalorisation substantielle et nous souhaitons que les taux de chargement et d'herbe ainsi que le plafonnement restent inchangés lorsqu'on passera de l'ancienne à la nouvelle prime. Cependant, nous devons négocier avec la Commission un certain nombre d'adaptations car, depuis l'adoption du règlement de 1999, la prime à l'herbe avait cessé d'être conforme aux règles européennes. Une fois cette concertation avec Bruxelles achevée, nous en entamerons une autre avec les professionnels et je serai assez vite en mesure d'apaiser des craintes qui apparaissent d'ailleurs paradoxales, compte tenu de l'effort déjà consenti.

M. Philippe Martin (Marne) - Les exonérations de droits de mutation sur les parts ou actions de sociétés ayant une activité agricole ne concernent que les transmissions consécutives à un décès. A l'évidence, pour permettre de préparer dans les meilleures conditions une transmission, il conviendrait d'étendre ces mesures aux transmissions entre vifs. D'autre part, l'obligation de conserver l'ensemble des biens affectés à l'exploitation pendant au moins six ans rendent la disposition inopérante, car ils obligent l'entreprise à conserver des biens obsolètes. De même, l'obligation de poursuivre pendant cinq ans l'exploitation sous forme d'entreprise individuelle écarte du dispositif tout héritier, donataire ou légataire qui souhaiterait poursuivre l'exploitation en l'apportant à une société.

Il conviendrait aussi de favoriser la transmission à titre gratuit, qui permet de sauvegarder le caractère familial de l'exploitation. Or, actuellement, les transmissions sont frappées à la fois de droits de mutation et d'une imposition sur les plus-values et bénéfices. Dans la mesure où les biens quittant le patrimoine du donateur ou du défunt supportent des droits de mutation assis sur la valeur vénale, l'exonération de l'imposition sur les plus-values semble s'imposer, sous réserve que ces biens soient conservés pendant au moins dix ans. Comptez-vous agir en ce sens ?

M. le Ministre - Notre législation fiscale est en effet souvent aberrante ! Vos questions s'adresseraient sans doute davantage au ministre des finances qu'à moi-même, mais vous aurez bientôt à discuter d'un projet de loi « Agir pour l'initiative économique » qui prévoit la possibilité d'étendre les droits de mutation par décès aux donations entre vifs. Vous aurez donc satisfaction sur ce point.

Pour ce qui est de favoriser la transmission à titre gratuit, on ne peut concevoir une mesure limitée au seul secteur agricole, mais vous aurez tout loisir de déposer des amendements sur le même projet.

Qu'il s'agisse de l'agriculture ou de la pêche, on sous-estime trop souvent l'importance des questions économiques et fiscales. Or elles sont souvent aussi décisives que les aides et dispositifs publics de toutes espèces.

M. Jean-Marc Nesme - En 1999, à Berlin, les Quinze, abaissant de 20 % les prix garantis de la viande bovine, ont décidé de faire baisser dans la même proportion le cours moyen de cette viande sur le marché européen, pour le rapprocher du cours mondial. Cette décision pénalise en premier lieu les éleveurs de races à viande. En créant la prime herbagère agri-environnementale - ce dont tous les éleveurs se félicitent -, vous affirmez votre volonté de favoriser un élevage extensif, synonyme de qualité, mais cette mesure n'atteindra pas pleinement l'objectif fixé tant que l'élevage français continuera de supporter un impôt archaïque, injuste, anti-économique et dont le poids croît comme la pratique extensive : je veux parler de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, qui peut atteindre jusqu'à 150 € par hectare ! Il y a là une source de distorsion de concurrence au sein de l'Union européenne et une atteinte à la compétitivité de l'élevage français. Je souhaite donc la suppression de cette taxe pour les exploitations d'élevage extensif à dominante herbagère et je déposerai prochainement une proposition de loi en ce sens, proposition prévoyant pour les collectivités une compensation sous forme d'un relèvement de la DGF. L'initiative ne pouvant aboutir qu'avec l'aval du Gouvernement, je souhaiterais connaître votre avis sur une telle proposition.

M. le Ministre - A Charolles, en juillet, j'ai pu prendre la mesure des difficultés des éleveurs de races à viande et ce sont mes entretiens avec ceux-ci qui m'ont conduit à proposer un relèvement substantiel de la prime herbagère agri-environnementale. Nous ne pouvons cependant nous en tenir là : il faut aussi clarifier les transactions, conforter la confiance des consommateurs par un étiquetage de la viande servie dans la restauration, encourager les bonnes pratiques et mieux organiser la production en fonction des débouchés.

Quant à la question de la taxe sur le foncier non bâti, elle se pose dans l'ensemble du secteur agricole, mais en termes bien compliqués, et elle ne concerne pas le seul ministre de l'agriculture. Il est clair aussi que les collectivités exigeront une compensation. La fiscalité locale est sans doute archaïque, mais si la réformer était une entreprise simple, cela se saurait, comme on dit ! Cela étant, nous avons déjà consenti en 1993 une exonération de la part régionale pour certaines surfaces et, en 1996, une exonération totale de la part départementale. En outre, les jeunes agriculteurs peuvent, sous certaines conditions, obtenir un dégrèvement de 50 % pendant les cinq années suivant leur installation.

Nous avons donc déjà un certain nombre de dispositifs avantageux. Faut-il aller plus loin ? Sans doute. Vous le dites pour la filière allaitante ; on me le dit aussi beaucoup pour la viticulture. C'est donc un problème horizontal, qui porte sur le principe même du foncier non bâti, lequel, il est vrai, n'a pas d'équivalent en Europe. Mais je m'élèverais au-dessus de ma condition, pour ainsi dire, si je vous faisais ce soir une annonce que je ne suis pas habilité à faire. C'est un sujet qu'il faudra sans doute examiner dans le cadre du grand chantier de la réforme de la fiscalité locale.

M. Serge Poignant - Ma question porte sur le fonds de communication qui figure à votre budget. La volonté du Gouvernement d'une agriculture économiquement forte exige une forte présence des hommes sur les territoires. Différentes mesures, et je m'en félicite, viendront favoriser l'installation des jeunes et la transmission des exploitations. Vous avez annoncé la création du FICIA, doté de 10 millions d'euros. La relance de l'esprit d'entreprise que doit permettre, l'an prochain, la future loi sur le développement rural favorisera également l'installation. Mais nous devons aussi penser aux salariés, nécessaires pour faire vivre les exploitations. Je songe particulièrement aux cultures maraîchères, qui ont besoin en saison d'une main-d'_uvre abondante, dont la pénurie créé de gros problèmes.

Le fonds de communication contribuera au rétablissement d'un courant de confiance entre les Français et le monde agricole. Mais je souhaite qu'il serve aussi à la valorisation des métiers de la terre, qu'il s'agisse des chefs d'exploitation ou des salariés agricoles.

M. le Ministre - L'ambition de notre politique agricole, nationale et communautaire, est de tracer des perspectives, pour donner aux acteurs économiques de la visibilité. Une fois ces perspectives tracées, nous pourrons redonner de l'attractivité à tous les métiers des agricultures françaises. Cela passe par des mesures économiques et fiscales, mais aussi par une meilleure communication. La communication, bien sûr, ce n'est rien en soi ; mais on constate que, pour des raisons diverses et depuis des années, les agriculteurs sont montrés du doigt, et que les métiers de l'agriculture semblent peu attractifs. L'objectif du fonds de communication est de redonner du sens et de l'attrait à ces métiers, et, comme vous le souhaitez, à tous les métiers de l'agriculture. Nous aurons un comité d'orientation associant tous les professionnels, et nous souhaitons que le fonds produise un effet de levier, suscitant d'autres contributions propres à promouvoir durablement ces métiers.

M. Jean Proriol - Au congrès des jeunes agriculteurs, en juillet à Périgueux, vous avez fait, Monsieur le ministre, un bilan sans concession de l'agriculture de montagne. Vous avez rappelé que certaines de ses productions dégagent une valeur ajoutée supérieure à celles de la plaine, et que pourtant les revenus agricoles y sont souvent inférieurs. Mais les agriculteurs de montagne sont aussi victimes d'une autre inégalité, objet de ma question. Comment comptez-vous remédier aux manquements des dispositifs d'aide à la mise aux normes des exploitations en zone de montagne ? Nombre d'exploitations ne bénéficient pas du PMPOA.

Aux questions des parlementaires à ce sujet, on répond souvent en rappelant simplement les critères d'éligibilité : les zones les plus vulnérables sont prioritaires, et, ailleurs, ce sont les élevages de plus de 90 UGB. Mais nos zones de montagne n'ont pas toutes des exploitations de cette taille. Ce sont souvent, pourtant, des régions entières qui s'étaient mobilisées en 1994, lors du lancement du PMPOA, et qui se retrouvent mises à l'écart du programme environnemental. Or les contraintes n'ont jamais été aussi fortes, ni les dispositifs aussi complexes, au point de freiner souvent la consommation des crédits - pour ne rien dire des doutes, parfois, sur la volonté réelle des agences de bassin de mobiliser leurs crédits. Comment comptez-vous remédier à cette situation ?

M. le Ministre - Le premier PMPOA, ou programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, a été mis en place en 1993-94, en concertation entre les ministères de l'agriculture et de l'environnement et les professionnels. Ce premier programme était une nouveauté. A partir de juin 1997, des rapports ont été demandés, ce fut un déchaînement médiatique, puis des questions de la Commission, qui conduisirent à l'abandon de ce premier programme. On a donc engagé un deuxième PMPOA, qui a plutôt compliqué les choses par ses règles contraignantes. Il affectait 80 % des crédits aux zones prioritaires au regard de la pollution par les nitrates et de l'eutrophisation, ce qui ne concerne guère les « têtes de bassin », c'est-à-dire les montagnes. Mais celles-ci connaissait d'autres problèmes, notamment bactériologiques. C'est pourquoi, en accord avec Roselyne Bachelot, j'ai souhaité relancer les opérations coordonnées dans les secteurs où elles constitueraient le volet élevage de contrats de milieu qui prendraient en compte toutes les formes de pollution : on ne voit pas pourquoi imposer à l'agriculture des contraintes auxquelles d'autres activités, fussent-elles domestiques, prétendraient échapper.

En montagne, les crédits disponibles devraient permettre d'aider environ 2 500 bâtiments d'élevage hors PMPOA. Dans le cadre du PMPOA, je rappelle que les éleveurs qui souhaitent bénéficier des crédits avant 2006 doivent manifester leur intention de s'engager dans le programme avant le 31 décembre 2002. Nous le savons bien, l'impact économique et psychologique du dernier PMPOA crée une certaine retenue - c'est un euphémisme - face à l'engagement dans cette démarche. C'est pourquoi, en liaison avec Roselyne Bachelot, nous voulons obtenir une simplification, gage d'efficacité. Il y a dix ans on a imaginé un système assez simple, qui commençait à bien fonctionner ; puis on a voulu tout compliquer, et on a abouti à la situation actuelle...

M. Michel Raison - S'ils façonnent toujours le paysage, comme ils l'ont fait depuis de siècles, les agriculteurs ne sont plus, comme autrefois, les actifs majoritaires du monde rural. Leur nombre diminue de façon accélérée, et, comme vous l'avez rappelé, Monsieur le ministre, aucun gouvernement n'a pu enrayer ce phénomène. C'est sans doute ce qui vous a conduit à créer une nouvelle compétence dans votre ministère, celle des « affaires rurales ». Quelles sont les grandes lignes de ce que vous pensez devoir être votre action dans ce domaine ? D'autre part, nous n'avons pas un très bon souvenir de la loi d'orientation, qui était assez vide (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). C'était surtout une loi de communication, et, dirais-je, de communication très étatique... Vous avez l'intention de proposer une loi sur le développement rural : quand a-t-elle chance d'aboutir ? Quels en seront les principaux thèmes et objectifs ?

M. le Ministre - A nos yeux il faut conduire une politique globale de l'agriculture et des affaires rurales. La préparation de notre projet de loi sur les affaires rurales sera scandée par une série de rendez-vous. Le 20 novembre, je ferai une communication à ce sujet en conseil des ministres. A la mi-décembre, le Premier ministre présidera un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, et l'un des points de son ordre du jour sera l'inventaire des études sur l'espace rural et les grandes lignes de la future loi. Enfin le projet de loi devrait être déposé au printemps et adopté avant la fin de l'année prochaine.

Même s'il est piloté par le ministère de l'agriculture, ce projet sera interministériel, impliquant l'aménagement du territoire, l'économie et les finances, l'urbanisme et le logement, et sans doute le tourisme. Nous voulons une loi globale portant sur tous les dispositifs concernant le monde rural : le développement économique, les questions agricoles, et notamment la politique des structures, l'enseignement agricole, s'il est besoin de modifier certaines dispositions législatives... C'est un travail qui commence, et nous souhaitons que le Parlement y soit étroitement associé.

Mme Juliana Rimana - L'agriculture et la pêche sont très importantes pour l'économie guyanaise. Or, nos pêcheurs sont confrontés à une accumulation exceptionnelle de difficultés : pillage de la ressource par des flottilles étrangères, application laxiste des réglementations, coûts de production élevés, vieillissement des armements, absence de structuration de la filière tant pour la production que pour la commercialisation, enfin faiblesse du soutien communautaire. La profession souhaiterait donc que soit rapidement diligentée une mission d'investigation sur ce sujet, afin que des solutions soient rapidement proposées.

La riziculture est quant à elle confrontée à des difficultés de trésorerie récurrentes et à l'avancée inexorable de l'océan sur les polders.

Quels moyens comptez-vous mobiliser pour soutenir ces deux secteurs et assurer leur pérennité ?

M. le Ministre - L'Etat soutient un plan de développement durable de l'agriculture guyanaise pour la période 2002-2006. Il apportera un financement de 33 millions d'euros, la région assurant les 8 millions restants. La préparation de ce plan a été l'occasion d'une grande consultation agricole, dont il est ressorti que la régularisation foncière, la mise en place d'un fonds de garantie, l'appui aux filières et le traitement de l'ouest guyanais sont les premières actions à mettre en _uvre. Le protocole régissant l'application de ce plan est désormais opérationnel et une mission d'experts est prévue pour accompagner celle-ci.

Mais bien sûr, ce plan ne résoudra pas toutes les difficultés. La régularisation du foncier est en effet plus lente qu'espéré. Il faudra que l'EPAG et le CNASEA travaillent en commun.

Pour ce qui est de la pêche, et notamment de la crevette, le rapport que j'ai reçu de l'IFREMER permettra d'engager rapidement une action concertée entre les professionnels et l'administration. J'ai aussi reçu avec intérêt les propositions des pêcheurs du port de Saint-Laurent, qui sont en train de préparer, en partenariat avec le port de Lorient, une filière de poisson frais.

Nous sommes donc très mobilisés sur toutes ces questions relatives à la pêche.

S'agissant de la riziculture, nous avons mis en place un comité qui pilotera les travaux imposés par l'envahissement du polder de Mana. Nous veillons aussi à ce que la spécificité de la Guyane soit bien prise en compte dans la réforme de l'organisation communautaire de marchés.

Enfin, j'ai remis à Mme Girardin, il y a quelques semaines, une contribution à la future loi de programme pour l'outre-mer et j'espère que nous continuerons ensemble, avec les élus guyanais, à conforter une ambition agricole durable pour ce département.

M. Francis Saint-Léger - Le soutien à l'agriculture de montagne constitue pour vous, Monsieur le ministre, une priorité et je vous en félicite. Le remplacement de la prime à l'herbe par une prime herbagère agro-environnementale, plus avantageuse, en témoigne, de même que la révision à la hausse de l'indemnité compensatoire du handicap naturel.

Les agriculteurs de montagne attendent maintenant une nouvelle politique, qui passe entre autres par un aménagement de l'ICHN valorisant les 25 premiers hectares, par une vraie compensation des surcoûts, par une adaptation raisonnable des règlements et du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, par un encouragement énergique à l'installation des jeunes, par une simplification administrative et par l'établissement d'un calendrier des primes. De nombreuses autres pistes existent. Êtes-vous prêt à vous y engager ?

M. le Ministre - Nous fêtons cette année le trentième anniversaire de la politique de montagne et nous étions donc réunis le 3 octobre dernier à Clermont-Ferrand pour évoquer notamment la mémoire de certains grands anciens qui l'ont lancée.

Il y a eu en 1972 la loi sur l'élevage et en 1985 la loi montagne. L'année 2002 a, quant à elle, été proclamée année internationale des montagnes, ce qui nous amènera à nous réunir à nouveau à Clermont-Ferrand, en décembre.

La montagne a évidemment besoin d'une compensation du handicap naturel et l'on sait bien que son agriculture ne peut se maintenir qu'avec des productions de qualité et des systèmes extensifs. C'est pourquoi nous avons augmenté la prime herbagère agro-environnementale et confirmé l'augmentation de l'ICHN - qui n'était pas financée. C'est aussi pourquoi nous souhaitons augmenter dans les années qui viennent, en fonction des disponibilités budgétaires, la valorisation des 25 premiers hectares.

Au niveau communautaire, il faut que nous obtenions une reconnaissance de la spécificité montagnarde dans les politiques régionales. Il faut aussi ouvrir des possibilités de financer, hors PMPOA, la mise aux normes des bâtiments d'élevage. Il y a également beaucoup à faire en faveur de l'installation et de la pluriactivité.

Vous pouvez compter sur mon énergie pour qu'on avance sur tous ces dossiers. On m'a remis fin juillet un excellent rapport sur le pastoralisme et une commission d'enquête du Sénat m'a également remis tout récemment un rapport très intéressant. Bref, tout converge en cette année 2002 pour que nous tracions ensemble des perspectives nouvelles à la politique de montagne.

Mme Henriette Martinez - En 2002, les règles d'attribution de l'ICHN ont changé, et cela après le dépôt des dossiers par les agriculteurs, qui ont ainsi appris au mois de juillet l'écrêtement auquel ils allaient être soumis.

Cette modification sans concertation des règles vient fausser les annonces que vous avez faites concernant l'ICHN. En effet, de nombreux agriculteurs de mon département l'ont vu baisser, alors que vous annonciez une hausse de l'enveloppe globale. Quelle réponse faut-il leur apporter et peuvent-ils espérer retrouver le taux normal d'ICHN qu'ils connaissaient précédemment ?

Par ailleurs, les jeunes agriculteurs m'ont saisie du problème de l'installation en montagne. Alors que le PDRN prévoit la participation des collectivités aux politiques agricoles, notamment à l'installation des jeunes, les plafonds imposés par la Communauté empêchent de fait ces jeunes de percevoir la « DJA majorée montagne ». Ne faudrait-il pas un plafond spécifique à la DJA montagne ? Les jeunes qui s'installent pourraient ainsi bénéficier de toutes les aides prévues pour les zones de montagne.

M. le Ministre - La plafond communautaire de la dotation en capital pour une installation classique est de 25 000 €. En zone de montagne, ce plafond est dépassé puisque le taux moyen est fixé à 26 200 € et le taux maximum à 35 900. La partie excédant les 25 000 € n'est pas cofinancée par le FEOGA garantie, mais les collectivités peuvent apporter un complément de financement dans la limite du taux au maximum de 35 900. Si elles souhaitent aller au-delà, elles peuvent le faire à condition d'avoir au préalable notifié ce complément à la Commission.

Le problème que vous citez se pose pour les exploitations qui ont gardé la même structure de 2000 à 2002, avec un montant de l'ICHN plafonné à 120 % du montant 2000. Celles qui ont modifié leur structure ne subissent pas cet écrêtement.

En 2001, ont été considérées comme exploitations à structures identiques celles dont la surface fourragère en 2001 avait un écart inférieur à 5 % par rapport à celle de 2000. Ce taux est passé à 10 % en 2002 pour éviter les effets d'aubaine par changement minime de structure. Je sais que dans votre département, certaines exploitations sont pénalisées par l'application de ces règles.

Nous verrons au cas par cas ce qu'il est possible de faire.

Votre question portait aussi sur l'installation et le PDRN. Cela fait partie du chantier que nous devons mener avec les jeunes agriculteurs. Nous aurons l'occasion de faire le point sur l'ensemble de ces questions à Clermont-Ferrand.

M. Jean-Charles Taugourdeau - Alors que le secteur privé assure la majorité de l'enseignement agricole et scolarise de nombreux jeunes, il a été laissé pour compte par le précédent gouvernement. Les règles posées par la loi Rocard de 1984 n'ont jamais été suivies d'effets. Pourtant, ces établissements dispensent un enseignement de qualité et jouent un rôle non négligeable dans l'aménagement du territoire.

Vous savez, Monsieur le ministre, qu'un lourd contentieux oppose les professionnels qui y travaillent à l'Etat, lequel a failli être condamné pour non-respect de ses engagements, notamment financiers.

Connaissant votre attachement à l'équité entre le public et le privé, je voudrais savoir où en est l'effort de rattrapage et quels sont les objectifs financiers du Gouvernement pour que l'enseignement agricole privé retrouve tous ses moyens. Il s'agit d'assurer la formation des jeunes issus du milieu rural. Il en va donc de la valorisation de l'agriculture de demain.

Merci, Monsieur le ministre, pour les réponses que vous avez déjà faites (Sourires).

M. le Ministre - Le contentieux entre l'enseignement privé et l'Etat est lié à la non-application de la loi Rocard et à la non-prise en compte du coût de l'élève.

Dans un contexte budgétaire difficile, j'ai obtenu la revalorisation de la subvention, à hauteur des résultats de la dernière enquête menée par l'inspection en 2002, qui montrait un écart de 12,5 millions entre les subventions versées et le montant qui aurait résulté de l'application de la loi. L'exercice 2003 se traduira donc par une revalorisation substantielle. Je souhaite également que nous aboutissions à une compensation au titre de 2002, éventuellement lors du collectif de fin d'année.

Un recours est pendant devant le Conseil d'Etat. Nous recherchons un accord avec les représentants de l'enseignement privé.

Le contentieux trouvant son origine dans l'imprécision des modalités de calcul, un groupe de travail cherche à parvenir à un protocole d'accord qui clarifie définitivement les relations entre l'Etat et l'enseignement agricole privé.

L'enseignement agricole dans son ensemble, public comme privé, supérieur comme secondaire, sans oublier les maisons familiales rurales, doit faire l'objet de toute notre attention. On y trouve des trésors trop méconnus de dévouement et d'inventivité. Je souhaite donc engager, après concertation, une politique déterminée en sa faveur.

M. Christian Vanneste - Le Gouvernement a rappelé son ambition d'une agriculture économiquement forte dont la vocation est la production d'une alimentation de haute qualité pour nos concitoyens et pour l'exportation.

Je souhaite pour ma part insister sur l'agriculture périurbaine qui occupe encore 50 % de la communauté urbaine de Lille. Cette agriculture correspond à la qualité de vie à la française : elle préserve la possibilité de s'alimenter avec des produits de la ferme. Elle diversifie le paysage et compense le faible boisement d'une métropole comme Lille par rapport aux grandes métropoles allemandes ou néerlandaises. Les communes urbaines accueillent 60 % des superficies utilisées à la culture de légumes frais de plein air et 70 % des superficies horticoles.

Cependant, l'agriculture en milieu périurbain est menacée par plusieurs phénomènes. C'est aujourd'hui un tissu mité par les besoins d'infrastructures des zones d'habitation et d'activités secondaires et tertiaires. Les difficultés économiques liées à l'exploitation de petites surfaces d'exploitation ne sont compensées que par l'ingéniosité des producteurs.

Cette agriculture est aussi victime de la pollution, je pense par exemple aux problèmes de dioxine liés à l'usine d'incinération dans la commune d'Halluin. Des troupeaux ont été abattus et des entreprises agricoles se trouvent ainsi condamnées. Les agriculteurs font observer avec pertinence qu'il n'y a pas de cas où la pollution agricole a condamné une entreprise industrielle... Ils souhaitent qu'il y ait une véritable équité, notamment dans la mise en _uvre du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.

La fragilité de l'agriculture périurbaine se traduit par une déprise progressive des zones cultivées et l'apparition de friches et on assiste à un appauvrissement humain et écologique qui procède largement des faiblesses intrinsèques de cette agriculture et du coût du foncier.

L'agriculture périurbaine est ainsi en régression dans le Nord et elle est menacée, bien qu'elle occupe encore 52,5 % du territoire des cantons périurbains. La baisse du nombre des exploitations, la réduction de la surface agricole utilisée, ainsi que la diminution de la population agricole sont plus rapides en zone périurbaine qu'en zone rurale. Doit-on considérer cette agriculture comme condamnée ? Quelles mesures envisagez-vous pour la sauver ?

M. le Ministre - Merci beaucoup d'aborder ainsi un sujet trop souvent ignoré.

L'agriculture périurbaine n'est pas un projet mais un résultat : c'est ce qui reste quand l'urbanisation s'est faite.

Sur la question foncière, un rapport doit m'être remis dans les prochaines semaines. Dans le cadre des SCOT prévus par la loi SRU, il est possible également de traiter les questions de l'affectation de l'espace entre ce qui relève de l'agriculture et de l'environnement, de l'habitat, de l'activité économique. Sans doute, les agriculteurs et leurs organisations devraient-ils être davantage associés à leur élaboration.

Il faut aussi traiter avec une grande vigilance les problèmes de pollution, notamment en concertation avec les agences de l'eau. C'est un sujet auquel nous travaillons avec le ministère de l'écologie et du développement durable.

Sur tous ces sujets difficiles, nous devons aboutir car l'agriculture périurbaine est indispensable.

M. le Président - Nous avons terminé les questions.

Les crédits inscrits au titre III de l'état B, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits inscrits au titre IV de l'état B, et que les crédits inscrits respectivement aux titres V et VI de l'état C et que les lignes 1 à 26 de l'état E.

ART. 60

M. François Sauvadet - S'il y a de mauvaises taxes, il en est aussi de bonnes, comme celle qui est collectée au profit des chambres d'agriculture, qui remplissent des missions extrêmement importantes. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 106 d'en porter le taux d'évolution pour 2003 de 1,7 à 2 %, ce qui rendra à ces chambres qui doivent, comme tant d'autres, supporter le coût des 35 heures, des marges de man_uvre bienvenues.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'agriculture - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, je n'y suis pas favorable car le taux prévu est déjà supérieur à l'inflation. En outre, le ministre peut le tripler pour répondre à des besoins particuliers. Enfin, ne l'oublions pas, cette taxe est supportée par les agriculteurs.

M. le Ministre - Je partage cet avis. En effet, en cas de difficultés occasionnelles, il m'est possible de tripler le taux prévu.

L'amendement 106, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 60, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 60

M. le Président - En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant l'amendement 121, qui tend à insérer un article additionnel après l'article 60.

M. Hervé Mariton - Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement de nous remettre, avant le 30 juin 2003, un « rapport évaluant les conditions de fonctionnement des offices agricoles et proposant des mesures destinées à en réduire les frais de fonctionnement ».

Nous sommes nombreux à souhaiter que la réduction de la dotation des offices ne réduise pas leurs capacités d'intervention, mais il nous semble logique de chercher à améliorer le fonctionnement de ces structures déjà anciennes. Il nous semble donc que le Gouvernement pourrait nous apporter à ce propos un éclairage utile.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial pour l'agriculture - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis favorable car les offices bénéficient quand même d'une dotation considérable de 395 millions qui n'est répartie qu'en exécution par le CSO. Cette globalisation n'est guère favorable à la bonne information du Parlement.

En outre, à l'heure où l'Etat fait des efforts pour réduire ses coûts de fonctionnement, il ne semble pas anormal que les offices fassent de même. Le rapport demandé pourrait y contribuer.

M. le Ministre - Le budget de fonctionnement des offices, dont les charges de personnel représentent les trois quarts, est de 139 millions. Ces crédits sont souvent considérés comme excessifs, mais les offices gèrent un nombre de plus en plus élevé de dossiers, sur la base de recommandations communautaires de plus en plus complexes. Le budget de fonctionnement des offices représente certes 35 % du budget national, mais seulement 1,5 % des crédits en incluant les aides européennes.

Je m'en remets à votre sagesse.

L'amendement 121, mis aux voix, est adopté.

BUDGET ANNEXE DES PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES

L'article 40, mis aux voix, est adopté.

ART. 41

M. le Ministre - Avant de défendre l'amendement 113 rectifié du Gouvernement, je souhaite que nous entendions M. Censi.

M. Yves Censi, rapporteur spécial de la commission des finances pour le BAPSA - Les dépenses d'assurance vieillesse en 2002 ont été légèrement inférieures aux prévisions. Mon amendement 124 vise donc à réduire de 10 millions d'euros les crédits mentionnés à cet article. Je remercie le Gouvernement de nous proposer d'affecter cette somme à l'AGRIDIF.

M. le Ministre - C'est en effet l'objet de l'amendement 113 rectifié. Quand nous avons élaboré le projet de loi de finances, cet été, la dotation de l'AGRIDIF nous a paru suffisante, d'autant qu'il y avait des reports de crédits. Les graves intempéries qui ont frappé le Gard, l'Hérault, le Vaucluse, une partie des Bouches-du-Rhône et l'Ardèche justifient le transfert proposé.

Avis favorable, par ailleurs, à l'amendement 124.

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour le BAPSA - Avis favorable à l'amendement 113 rectifié.

M. François Sauvadet - Le groupe UDF votera cet amendement, qui prouve que le ministre est à l'écoute du Parlement.

Vous avez pris des engagements en commission, Monsieur le ministre ; vous les tenez et je vous en félicite.

M. Germinal Peiro - Nous voterons cet amendement. On nous a tellement accusés d'avoir laissé partout des bombes à retardement qu'il est plaisant de constater qu'il y a ici un excédent... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 113 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 124, mis aux voix, est adopté.

L'article 41, modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 61, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 61

M. le Président - En accord avec la commission des finances, j'appelle deux amendements tendant à introduire un article additionnel après l'article 61.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'agriculture et la pêche - Mon amendement 122 vise à appeler l'attention du Gouvernement sur une injustice du dispositif en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs.

Ce dispositif est globalement satisfaisant, sauf pour ceux qui se spécialisent dans des domaines où la rotation du capital est lente, comme l'arboriculture ou certaines formes d'élevage. N'ayant pas de revenus la première année, ils doivent cependant payer des cotisations, ce qui est discriminatoire.

Je propose de parfaire le système en leur permettant de lisser sur les quatre années suivantes les cotisations dues au titre de la première année. Le Gouvernement aura toute latitude pour calibrer la mesure par décret. Il en aura le temps, puisque je propose comme date d'entrée en vigueur le 1er janvier 2004.

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour le BAPSA - Le souci de M. Herth est légitime, mais je ne suis pas sûr que son amendement nous apporte une vraie solution. En outre, la mesure qu'il vous propose coûterait 6 millions d'euros.

La commission des finances n'a pas examiné cet amendement auquel je suis personnellement défavorable.

M. le Ministre - Avis défavorable. On ne ferait que décaler le paiement. En outre, cet amendement a un coût. Mais il est vrai que cette question devra être traitée dans une refonte d'ensemble du système en faveur de l'installation. Des discussions sont en cours avec les jeunes agriculteurs.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis - Je retire mon amendement.

L'amendement 122 est retiré.

M. Germinal Peiro - Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de mensualiser les retraites agricoles. Mon amendement 108 vise à demander au Gouvernement un rapport à ce sujet.

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour le BAPSA - La commission n'a pas examiné cet amendement, auquel je suis personnellement défavorable. Un rapport de ce type était demandé dans la loi de finances pour 2002 et il ne nous a jamais été communiqué.

Les solutions envisageables sont déjà connues. Il n'est plus temps de faire des rapports, mais d'agir.

M. le Ministre - En effet, un tel rapport ne changerait pas grand-chose au problème. Il y a ici consensus pour mensualiser les retraites agricoles et nous pouvons nous donner rendez-vous l'année prochaine.

L'amendement 108, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce matin, mercredi 6 novembre, à 10 heures.

La séance est levée à 2 heures 15.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 6 NOVEMBRE 2002

A NEUF HEURES :1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Rapport n° 256)

· Sports

M. Denis MERVILLE, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 39 du rapport n° 256)

M. Edouard LANDRAIN, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Tome XIII de l'avis n° 257)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

· Légion d'honneur et ordre de la Libération

M. Tony DREYFUS, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 41 du rapport n° 256)

· Justice

M. Pierre ALBERTINI, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 33 du rapport n° 256)

- Administration centrale et services judiciaires :

M. Jean-Paul GARRAUD, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Tome V de l'avis n° 261)

- Services pénitentiaires et protection judiciaire de la jeunesse :

Mme Valérie PECRESSE, rapporteure pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Tome VI de l'avis n° 261)

A VINGT-ET-UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

· Justice (suite)

· Tourisme

M. Augustin BONREPAUX, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 23 du rapport n° 256)

M. Jean-Michel COUVE, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire

(Tome XI de l'avis n° 258)

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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