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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 20ème jour de séance, 51ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 7 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT ET
      AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE,
      SERVICES DU PREMIER MINISTRE,
      BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS 2

La séance est ouverte à neuf heures.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT ET AMÉNAGEMENT
DU TERRITOIRE, SERVICES DU PREMIER MINISTRE,
BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits inscrits aux services du Premier ministre ainsi que des crédits inscrits au budget annexe des journaux officiels.

M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances pour la fonction publique et la réforme de l'Etat - Il est difficile de présenter en dix minutes le budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat : soit deux minutes suffisent - s'il s'agit de présenter les crédits de l'agrégat de la fonction publique -, soit l'on parle pendant deux heures - s'il s'agit d'évoquer tous les problèmes relatifs à la réforme de l'Etat et à la fonction publique.

J'essaierai de présenter de manière synthétique les trois thèmes que j'ai développés dans le rapport écrit.

En premier lieu, la présentation des crédits stricto sensu.

L'agrégat du budget de la fonction publique est en légère diminution - il passe à 218 millions d'euros, et se compose de trois lignes principales : l'action sociale interministérielle - 119 millions d'euros -, les subventions aux écoles - 63 millions d'euros -, le fonds pour la réforme de l'Etat - 14 millions d'euros.

La baisse des crédits d'investissement de l'action sociale s'explique par des reports de crédits suffisamment importants qui permettent d'abonder - quasiment trois fois ! - les lignes initiales - 41,6 millions pour une dotation initiale de 15 millions d'euros.

Certaines priorités sont réaffirmées : sur la forme, la sincérité budgétaire. Le budget doit être exécuté à hauteur de ce qui a été voté. Je vous félicite d'en avoir la volonté, Monsieur le ministre. Sur le fond, les crédits de fonctionnement sont renforcés pour les prestations sociales interministérielles : l'augmentation est de 5 % ; je souligne que, dans ce domaine, la demande s'individualise. Pour l'aide au logement, la demande d'individualisation est également très forte. Les agents préfèrent une aide au paiement de la caution plutôt qu'une place dans un grand ensemble. Les prêts d'installation pour les fonctionnaires exerçant en Ile-de-France et dans des zones difficiles augmentent de 64 %.

Trois questions me semblent essentielles.

Ne faut-il pas repenser le fonds pour la réimplantation d'administrations ? Est-il utile ? Ses crédits sont sous-consommés. Ne faut-il pas en revanche élargir la mission du fonds pour la réforme de l'Etat ? Il sera doté de 20 millions d'euros - 14 millions de dotation, 5 millions de reports. Ne pourrait-on en faire l'outil d'évaluation de la décentralisation ?

Ne commettons pas à nouveau l'erreur d'augmenter le nombre de fonctionnaires de l'Etat quand les fonctionnaires des collectivités territoriales se font plus nombreux.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels - Je suis tout à fait d'accord avec M. le rapporteur.

M. Georges Tron, rapporteur spécial - J'en viens à la réforme de l'Etat.

La France a pris du retard dans ce domaine. Et le chantier de la décentralisation, à lui seul, ne suffira pas à épuiser la question. Il faudra aussi réfléchir sérieusement sur les administrations centrales. L'usager est au c_ur du service public et les réformes envisagées devront se faire ni contre ni sans les fonctionnaires, mais avec eux.

Les structures administratives doivent être simplifiées. Je propose d'utiliser à cette fin les programmes pluriannuels de modernisation. Une grande partie des outils mis en place ces dernières années - je rends hommage à votre prédécesseur, Monsieur le ministre - me paraissent adéquats pour mener à bien la réforme de l'Etat. Je n'ai aucun scrupule à répéter aujourd'hui ce que M. Michel Sapin m'avait entendu dire l'année dernière.

Des outils d'évaluation devront être mis en place - pour l'Assemblée nationale, la LOLF permet de renforcer le rôle des rapporteurs mais, au niveau de l'Etat, est-il nécessaire qu'interviennent à la fois le conseil d'analyse économique, le Plan, la direction de la précision et l'INSEE ? On pourrait concevoir une meilleure organisation.

Le rapport aborde le dossier fondamental de la modernisation des ressources humaines. Une gestion prévisionnelle des personnels est indispensable : l'Etat doit connaître le nombre exact de ses agents et leur répartition par secteurs selon les objectifs du Gouvernement. Il est tout aussi indispensable de remotiver les fonctionnaires en reconnaissant leur qualité et leur mérite. Si la rémunération au mérite n'est pas la panacée, la démotivation des meilleurs fonctionnaires s'explique par le manque de reconnaissance de leurs efforts.

Un mot, enfin, sur la question des retraites.

Cette question doit être abordée, certes, sur un plan financier, mais aussi et surtout en considérant le manque d'attractivité de la fonction publique. Huit cent mille fonctionnaires partiront à la retraite dans les prochaines années ; Luc Ferry faisait état, ici même, des difficultés de recrutement dans l'enseignement.

Les régimes de retraite de la fonction publique sont pourtant avantageux, tout comme les salaires par rapport au secteur privé. Pour des raisons budgétaires mais aussi d'équité, nous devons réformer ce système de retraite. Les fonctionnaires de demain nous reprocheraient de ne pas avoir pris les mesures courageuses qui s'imposent et qui seules empêcheront l'explosion des systèmes actuels.

L'ensemble des engagements en matière de retraite pour la fonction publique s'élève aujourd'hui à 30 milliards d'euros ; dans vingt ans, il sera de 60 milliards, dans trente ans, de 90 milliards. Nous devons absolument tenir compte de l'évolution démographique.

Je tiens, pour finir, à remercier l'ensemble des administrateurs de la commission des finances qui m'ont aidé dans mon travail sur un sujet aussi fondamental (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la fonction publique - Il appartenait aussi à la commission des lois de se prononcer sur le budget de la fonction publique au moment où les enjeux de la réforme de l'Etat prennent une ampleur significative. Le Gouvernement en effet, d'après ce qu'il annonce en tout cas, s'est engagé dans un processus décentralisateur. En outre, 30 % des fonctionnaires actuellement en poste auront cessé leur activité en 2009 : ils seront 460 000 à partir en retraite.

Nous devons veiller à la qualité du service public. Or, dans ce projet de budget, je n'ai pas trouvé beaucoup d'imagination. Le mot « innovation » y est synonyme de réduction des crédits. Alors que le ministère de la réforme de l'Etat est plus que jamais nécessaire, ses crédits diminuent de 2 %. Vous supprimez 1 089 postes budgétaires. En réalité, ce sont 92 000 emplois qui vont disparaître avec la fin du dispositif emplois-jeunes, sans que rien ne soit prévu pour y remédier. Je vous donne acte de vos déclarations selon lesquelles la réduction des effectifs ne saurait être un objectif en soi, mais les faits sont là. A part dans les grands ministères régaliens, près de 10 % des fonctionnaires qui vont partir en retraite ne seront pas remplacés.

Le Gouvernement n'a pas saisi l'opportunité d'ouvrir un grand débat sur les effectifs et le rôle de la fonction publique. Il ne faudrait pas l'escamoter au motif que vous ne supprimez que 1 089 postes budgétaires. En août, vous affichiez votre volonté de ne pas remplacer les fonctionnaires partant en retraite plutôt que de supprimer des postes. Vous avez annoncé un débat sur l'emploi public : j'espère qu'il ne servira pas à légitimer les coupes claires dans les effectifs.

Je regrette par ailleurs que nous n'ayons pas l'occasion de nous prononcer sur l'évolution des traitements. Vous avez annoncé de nouvelles négociations pour le début de l'année 2003. La représentation nationale aimerait savoir sur quelles bases elles s'engageront.

Les dotations ministérielles ont été calculées à partir de la progression salariale enregistrée en mars 2002. Vous vous êtes contenté d'augmenter la dotation du chapitre 31-94 du budget des charges communes, intitulé « mesures générales intéressant les agents du secteur public ».

L'article 32 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances dispose, je vous le rappelle, que la sincérité des lois de finances « s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler », que les mesures envisagées soient positives ou négatives.

Vous vous privez de toute marge de man_uvre lors des négociations salariales à venir, alors qu'il devient crucial de rendre la fonction publique plus attractive. Les revalorisations pour l'année 2002 seront de 1,2 ou 1,3 point, or l'INSEE prévoit une inflation de 2,3 % ! Le compte n'y est pas.

Une fois de plus, je tiens à m'inscrire en faux contre cette idée souvent reprise par des commentateurs plus ou moins bien intentionnés, selon laquelle les fonctionnaires seraient mieux payés que les salariés du privé. Cette comparaison est simpliste, sachant que les agents de l'Etat ne représentent qu'une part réduite de la population active : 2,3 millions sur 26,4 millions de personnes et que le poids des cadres moyens et supérieurs est plus élevé dans la fonction publique.

Vous annoncez une hausse des crédits affectés à l'action sociale interministérielle, mais je m'interroge sur sa réalité. Ces crédits sont destinés à financer des dépenses d'équipement mais aussi des prestations et des versements facultatifs. Or le niveau de consommation de ces crédits est faible. Je vous demande donc, Monsieur le ministre, pour le bon emploi des crédits de l'Etat, d'évaluer avec précision les actions sociales interministérielles.

Il faut néanmoins remarquer la hausse des dépenses en faveur du développement de l'emploi et de l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Par ailleurs, s'il est un débat qu'il faut entamer, c'est celui du recrutement et de la formation des fonctionnaires d'Etat. Je veux m'arrêter un instant sur l'extravagante information qui circule depuis 24 heures, selon laquelle certains ici voudraient supprimer l'ENA. J'imagine que certains collègues ont voulu appeler l'attention sur leur personne. S'il faut démocratiser l'accès à l'ENA, comme nous l'avons fait au début des années 1980 en créant le troisième concours, nous avons besoin d'un lieu de formation pour la haute fonction publique. Je souhaite même que l'ENA et les instituts régionaux d'administration forment les cadres de la fonction publique territoriale.

Pour faire pièce à la concurrence du secteur privé, il faut revoir les modes de recrutement et envisager la notion de carrière de manière différente. Dans ce domaine, le gouvernement précédent n'est pas resté inactif. J'espère que vous continuerez d'avancer.

Je m'inquiète du sort des mesures prises pour résorber l'emploi précaire. Se pose aussi le problème du congé de fin d'activité : vous avez annoncé votre intention de proposer un autre type de fin de carrière. Cela me semble prématuré tant qu'on n'aura pas abordé la question des retraites.

Je vous donne acte de vos déclarations en faveur de la mobilité des fonctionnaires. Il faut en effet favoriser la mobilité au sein des fonctions publiques et entre elles, de manière à promouvoir une véritable culture commune de l'intérêt général.

A cet égard, je veux souligner l'intérêt de l'observatoire de l'emploi public, créé par le précédent gouvernement. Il est dommage que la majorité n'ait pas voulu laisser un siège à l'opposition au sein de cet organisme.

Les crédits alloués à la formation des fonctionnaires de l'Etat ne traduisent aucune volonté d'amélioration.

Je vous renvoie au rapport écrit pour l'ensemble de mes propositions et vous invite à repousser ce budget, qui n'est pas foncièrement mauvais mais qui contient trop d'incertitudes. Un rejet nous donnerait sans doute l'occasion d'engager le débat qui s'impose sur l'avenir de la fonction publique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'aménagement du territoire - En vingt ans, la France est passée d'une gestion de son territoire par un Etat centralisé à une gestion multiforme relevant d'acteurs de plus en plus nombreux : communes, départements, régions, Communauté européenne.

Cependant, je reste persuadé que l'Etat a un rôle essentiel à jouer en matière d'aménagement du territoire : il doit garantir l'égalité d'accès à l'emploi, à la culture et à l'éducation, la préservation des services publics, l'équité des dessertes ferroviaires, routières et aériennes et l'accès de tous aux nouvelles technologies.

Hier, l'Etat tentait de remédier aux déséquilibres entre Paris et province. Aujourd'hui, il s'attache à améliorer la compétitivité des territoires. Demain, il devra accompagner la décentralisation en garantissant la cohérence territoriale.

Le budget de l'aménagement du territoire reflète ces évolutions. Il s'établit pour 2003 à 268,5 millions d'euros, soit une baisse de 5,9 %.

Cependant, si on prend en compte les reports de crédits, qui seront très substantiels, on constate que les moyens consacrés à l'aménagement du territoire sont globalement reconduits.

De plus, le budget de l'aménagement du territoire ne retrace qu'une partie des crédits consacrés à cette politique : d'autres ministères, des dispositifs d'incitation fiscale, ainsi que les fonds structurels européens concourent aussi à l'aménagement du territoire. En 2003, ce seront donc plus de 10 milliards d'euros qui seront consacrés au territoire français.

Trois orientations structurent aujourd'hui la politique d'aménagement du territoire. Une volonté de maîtrise et d'optimisation de la dépense publique ; l'amélioration de la compétitivité des territoires ; enfin, la modernisation et la simplification de la politique d'aménagement du territoire.

Ce budget est exemplaire d'une gestion pragmatique et réaliste de la dépense publique. Permettez-moi de le saluer, au nom de la commission des finances. Le budget de la DATAR va baisser de 4,3 % en raison d'une diminution des crédits d'études et d'informatique, compte tenu des besoins réels de cet organisme.

De même, les dépenses d'intervention du fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire sont en baisse de 22 %. En réalité, cette diminution prend en compte les reports massifs qui interviendront sur l'exercice 2003. Est-il vraiment nécessaire d'afficher une hausse du budget quand on constate une augmentation des reports et une diminution corrélative des taux de consommation ? Les reports de crédits de l'exercice 2001 à l'exercice 2002 ont représenté plus de 100 millions d'euros, alors que le budget voté en loi de finances initiale s'élevait à 270 millions d'euros.

L'exécution des contrats de plan pose aussi le problème de l'efficacité de la dépense publique. En effet, force est de constater le retard pris dans leur exécution. Les taux de consommation sont aujourd'hui compris entre 25 et 35 %, alors qu'ils devraient atteindre 42 %. Les procédures administratives sont trop complexes pour les acteurs locaux et découragent l'initiative. La révision des contrats de plan, en 2003, sera, je le pense, l'occasion de faire un premier bilan et, je l'espère, d'accélérer la réalisation de certains projets.

Les moyens budgétaires consacrés cette année aux contrats de plan Etat-région dans notre budget sont importants - 20 millions d'euros sur les dépenses d'intervention du FNADT et 129 millions d'euros sur les dépenses d'investissement. Cela permettra d'accompagner les nouveaux contrats de pays et d'agglomération.

Je salue votre action pour remédier aux retards dans la consommation des crédits des fonds structurels européens (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP), programmée à raison de 15 % seulement, ce qui entraîne le risque de voir ces crédits annulés. Je rappelle que la France devrait percevoir 16 milliards d'euros sur la période 2000-2006, dont 3,32 milliards d'euros en 2003 ; ce sont des sommes considérables. Le commissaire européen à la politique régionale, M. Barnier, qui est venu mardi dans le Cantal et le Puy-de-Dôme voir des projets réalisés avec des concours européens, a confirmé le déblocage de 19 millions d'euros pour la réalisation du nouveau tunnel du Lioran.

Les premières réformes que vous avez mises en _uvre permettent d'alléger les procédures de gestion de ces fonds. L'expérimentation de leur gestion directe par le conseil régional d'Alsace est une bonne piste.

Le deuxième axe de ce budget est l'amélioration de l'attractivité de nos territoires pour les investisseurs : c'est l'objectif des crédits prévus pour l'agence française pour les investissements internationaux, qui assume la prospection à l'étranger, et de la prime d'aménagement du territoire, dotée de 67 millions d'euros en autorisations de programme et 45 millions d'euros en crédits de paiement. Cet instrument a contribué à la création de 30 000 emplois en 2001.

Les projets concernant la téléphonie mobile devraient permettre de rattraper le retard en matière de couverture du territoire : 44 millions d'euros sont prévus pour la construction de pylônes, ce qui rompt avec l'immobilisme du précédent gouvernement, qui n'avait pas donné de suites au CIADT de Limoges, en juillet 2001.

Enfin, la troisième orientation de ce budget est la simplification et la modernisation de la politique d'aménagement du territoire : rappelons que sa vocation première est de garantir un Etat proche du citoyen et l'égal accès de tous aux services publics.

Cela implique sans doute une simplification des structures et procédures. Les réformes menées par le précédent gouvernement ont en effet conduit à un enchevêtrement des projets - pays, agglomération, schéma territorial, etc. Les élus locaux ont du mal à mettre en place ces dispositifs et le citoyen est dérouté par cette complexité.

Je salue donc la volonté du Gouvernement de tout remettre à plat. Il faudra bien s'interroger sur la pertinence des divers outils. C'est à ce prix que l'Etat pourra retrouver son efficacité et servir le développement de tout notre territoire.

Je vous invite à voter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour l'aménagement du territoire - La politique d'aménagement du territoire connaîtra des évolutions décisives en 2003.

Il conviendra d'abord de réfléchir à un mécanisme de péréquation financière pour compléter les nouvelles lois de décentralisation que nous allons discuter dans quelques semaines. Il faudra veiller, en effet, à ne pas négliger les espaces défavorisés ou enclavés.

Il nous faudra réfléchir aussi à de nouvelles formes de soutien à l'initiative publique, mais aussi privée, par exemple à la création de zones franches rurales.

Il conviendra de simplifier le dispositif législatif des pays et des agglomérations, qui a conduit à un enchevêtrement chaotique des périmètres de compétence. Si certaines régions, comme la Bretagne, sont plus avancées que d'autres dans cette démarche, il n'en reste pas moins que seuls quatre contrats de pays et cinq contrats d'agglomération ont été finalisés, alors que le contrat de plan Etat-région avait prévu 600 millions d'euros à cet effet pour la période 2000-2006.

Ce projet de loi de finances est marqué par la volonté de préserver les moyens de l'aménagement du territoire dans un contexte budgétaire tendu. Les autorisations de programme sont stabilisées à hauteur de 270 millions d'euros. Certes les crédits de paiement passent de 285 à 268 millions d'euros, mais cette baisse sera compensée par des reports importants.

La réduction des moyens des services de la DATAR porte surtout sur les dépenses de matériel et de fonctionnement et s'accompagne d'une consolidation des emplois stratégiques.

La baisse des crédits de la prime à l'aménagement du territoire, qui s'élèvent à 43 millions d'euros, sera compensée par le report de 15 millions d'euros de crédits non consommés en 2002.

Les crédits du FNADT sont globalement stables, les subventions d'investissement augmentent. Une utilisation plus rapide de ces crédits sera facilitée par l'augmentation de la partie non contractualisée. Il conviendrait d'accompagner cette évolution d'une simplification des modalités de gestion du fonds.

D'une manière générale, les consommations des crédits consacrés à l'aménagement du territoire a été ralentie, en 2002, par la lourdeur des procédures. Le taux de mise en _uvre des crédits inscrits dans les contrats de plan Etat-région 2000-2006 doit, certes, passer de 24 % à 36 %, mais restera inférieur au taux prévu de 42 %. Le retard est particulièrement important pour les projets d'infrastructures ferroviaires.

De même, une partie des crédits communautaires programmés dans les DOCUP risquent d'être gelés, car la règle veut que les crédits non consommés dans les deux ans après programmation soient annulés. Cela pourrait avoir des conséquences dramatiques sur nombre de projets.

L'année a été marquée par plusieurs modifications réglementaires.

L'agence française pour les investissements internationaux, mise en place en 2001, regroupe des moyens autrefois dispersés entre plusieurs ministères, ce qui n'empêche pas des « doublons » avec les représentations de la DREE dans certains pays. Et faut-il vraiment 46 personnes à son siège ?

Les schémas des services collectifs ont été publiés par un décret du 18 avril 2002. Ils prétendent organiser ces services pour vingt ans, ce qui paraît bien présomptueux quand on voit les évolutions dans les télécommunications.

Le décret du 26 avril 2002 et la circulaire de juillet 2002 visent à améliorer les modalités de gestion des fonds structurels européens, ce qui permettra une mobilisation plus rapide de ces crédits communautaires.

La politique d'aménagement du territoire repose sur des mécanismes désormais en voie d'amélioration et devrait soutenir un développement solidaire de notre pays. Les moyens financiers sont maintenus, les règles de gestion simplifiées. Je me réjouis que notre commission ait donné un avis favorable à ce budget et je vous appelle à confirmer ce soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances pour les services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels - Le budget des services du Premier ministre comporte cinq fascicules : le Conseil économique et social, le budget annexe des Journaux officiels, le Plan, les comptes spéciaux du trésor et les services généraux du Premier ministre.

Au total, les crédits de ces services pour 2003 s'élèvent à 1,4 milliard d'euros et leurs effectifs à 3 245 personnes.

Les crédits du Conseil économique et social atteignent 32,13 millions d'euros, soit une augmentation de 1 %.

Permettez-moi ici d'espérer que le nouveau gouvernement fera autant appel au Conseil que le précédent. Représentant nombre d'organisations de la société civile, le Conseil constitue en effet, au-delà de son expertise, un relais utile entre la puissance publique et ladite société civile.

Les actions de communication sont au c_ur du programme de son président. Un service de la communication et de la presse a d'ailleurs été créé en 2001. Le Conseil a aussi renforcé ses liens avec ses homologues dans le monde et a créé un service de relations internationales ainsi qu'une délégation pour l'Union européenne.

J'en viens au budget annexe des Journaux officiels. Pour 2003, le montant des recettes est estimé à 194,27 millions d'euros, soit une hausse de 14,3 % par rapport à 2002, qui s'explique par la hausse des recettes provenant des annonces légales.

La direction des Journaux officiels souhaite développer les nouveaux supports de diffusion et répondre aux nouvelles demandes de la clientèle, notamment en améliorant le service public de consultation des annonces légales. Le site Internet remporte d'ores et déjà un vif succès et la diffusion gratuite de données juridiques devrait se développer, grâce à la poursuite de la démocratisation de l'accès au droit engagée par le gouvernement de Lionel Jospin.

L'exercice devrait dégager un excédent d'exploitation de 26,92 millions d'euros - contre 12,97 en 2002 - ce qui permettra de reverser au budget général 25,14 millions, montant non négligeable.

L'article 18 de la loi organique du 1er août 2001, relative aux lois de finances, donne une définition plus resserrée des budgets annexes et au regard de cette loi, l'avenir de leur statut budgétaire n'est pas vraiment tracé. Il dépendra largement de l'évolution du statut juridique de la société chargée de la fabrication des publications. Il serait bon, Monsieur le ministre, que vous indiquiez clairement les perspectives.

En ce qui concerne le Plan, les crédits demandés s'élèvent à 24,81 millions d'euros, soit une diminution de 6,99 %, qui affecte principalement le commissariat au plan et le conseil national de l'évaluation.

On observe cependant que le taux de consommation des crédits disponibles sur le chapitre 34-98 n'a été en 2001 que de 44,47 %.

Le précédent gouvernement avait défini pour le commissariat au plan un programme de travail ambitieux, qui avait été débattu avec les acteurs économiques et sociaux. Le gouvernement souhaitait en particulier renforcer sa mission d'évaluation des politiques publiques, notamment celle des procédures contractuelles. Après la période de transition qu'ont été les années 2001 et 2002, le commissariat au plan doit poursuivre son travail. Encore faut-il que le Gouvernement explique comment il entend travailler avec lui.

Le budget des services généraux du Premier ministre représente à lui seul près de 90 % de l'ensemble des cinq fascicules budgétaires. Les crédits demandés pour 2003 s'élèvent à 1,14 milliard d'euros, soit une diminution de 1,84 %.

Si le contenu du budget est particulièrement hétérogène, la Cour des comptes a cependant distingué trois catégories de dépenses : celles relatives aux cabinets ministériels ; aux organismes administratifs permanents placés sous l'autorité du Premier ministre ; et aux diverses missions, commissions et délégations qui lui sont rattachées. Mais cette répartition ne recoupe pas les quatre agrégats présentés dans les projets de loi de finances qui concernent l'administration générale, la communication, la fonction publique et les autorités administratives indépendantes. Ces agrégats ne sauraient cependant constituer une préfiguration des « missions », au sens de la loi du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Il faudra qu'ils correspondent à des politiques publiques clairement définies. C'est pourquoi une profonde réforme du fascicule budgétaire doit être entamée. J'espère que le Premier ministre aura à c_ur de soutenir un mouvement qui concerne ses propres services.

Malheureusement, la pauvreté des indicateurs proposés, les retards dans les réponses aux questionnaires budgétaires - retards traditionnels, certes, mais encore plus anormaux cette année puisque ces questionnaires ont été officiellement institués par la loi organique du 1er août 2001 - et la nature des réponses provenant des services du chef de gouvernement, laissent mal augurer de cette capacité d'adaptation. Mais vous pouvez compter sur le rapporteur que je suis pour vous aider, Monsieur le ministre, à tenir le cap de cette réforme.

Je voudrais maintenant parler des fonds spéciaux. Dérogatoire aux règles de la comptabilité publique, l'utilisation opaque des fonds spéciaux était injustifiable au regard des principes démocratiques.

C'est à la suite de révélations judiciaires faisant état de voyages payés en liquide pour des sommes considérables au bénéfice de M. Jacques Chirac, sa femme et sa fille, qu'une campagne insidieuse concernant l'utilisation des fonds spéciaux destinés à Matignon a conduit Lionel Jospin à annoncer une réforme de leur régime.

Il a été tout d'abord décidé de créer une nouvelle commission de contrôle, à dominante politique et parlementaire, qui a été chargée de prendre connaissance de l'emploi des fonds et d'établir un rapport, ainsi qu'un procès-verbal constatant que les dépenses étaient couvertes par des pièces justificatives pour un montant égal.

Cette réforme a été complétée par une modification de la nomenclature budgétaire. Dans le régime antérieur, le chapitre servait, d'une part, à financer des opérations de sécurité, d'autre part, des dépenses devant relever à l'évidence de chapitres budgétaires classiques, je pense en particulier aux primes de cabinets ministériels. Les crédits, qui n'étaient pas liés à des actions de sécurité, ont été retirés du chapitre « fonds spéciaux du Gouvernement ». Et afin de continuer à financer les indemnités des collaborateurs des ministres et du Président de la République, des abondements de crédits ont été opérés dans les budgets des ministères, qui bénéficiaient antérieurement des fonds spéciaux. Ces indemnités, réintégrées dans le droit commun, doivent désormais être versées par virement, donner lieu à une fiche de paie et être déclarées aux services fiscaux.

Cet effort de transparence sans précédent avait débuté dès 1999 lorsque le gouvernement précédent avait décidé de publier en annexe au projet de loi de finances la composition détaillée des cabinets ministériels.

Le 18 juillet 2001, Lionel Jospin a présenté la répartition réelle des crédits et s'est engagé à restituer le solde des fonds spéciaux constaté en fin de législature, ce qu'il a fait. Aucun de ses prédécesseurs n'en avait fait autant.

Restait encore à traiter la délicate question de la revalorisation des rémunérations des ministres, qui utilisaient jusqu'à cette réforme les fonds spéciaux pour compléter leur traitement. Elle a été réglée en août dernier par l'article 14 de la loi de finances rectificative, au détour d'un amendement parlementaire, provenant de la commission de finances du Sénat. Cette précipitation a conduit à un texte imparfait, car s'il est prévu de soumettre le traitement brut mensuel et l'indemnité de résidence à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, le texte en revanche ne soumet pas les rémunérations à la contribution sociale généralisée ni à la contribution pour le remboursement de la dette sociale. En outre, une part considérable de la rémunération échappe à tout prélèvement puisque l'indemnité de fonction n'est soumise ni à l'impôt, ni à cotisation sociale, alors que le train de vie de nos ministres est largement pris en charge par les dotations de fonctionnement des ministères. Je rappelle que l'indemnité de fonction des députés, si elle n'est pas imposable, est au moins soumise à cotisations sociales. Les ministres de la République, qui se sont octroyés une augmentation de 70 % de leur salaire avec effet rétroactif, sont, eux, exemptés de l'effort de solidarité nationale !

Il est regrettable aussi que Jean-Pierre Raffarin ait cru bon, lors d'une émission sur France 2, d'affirmer qu'il était « le premier chef de gouvernement de la Ve République à avoir des ministres qui ne sont plus payés en liquide ». En réalité, les ministres ne peuvent plus bénéficier d'indemnités en liquide depuis le 1er janvier 2002, date à laquelle le Premier ministre était Lionel Jospin.

Cette réforme mériterait d'être poursuivie par l'alignement des prévisions de crédits effectivement consommés. En effet, les fonds spéciaux sont, chaque année, régulièrement abondés en cours de gestion par des décrets de répartition non publiés au Journal officiel. Même s'ils sont rétroactivement approuvés par le Parlement, une plus grande sincérité budgétaire serait très souhaitable.

Désormais, les fonds spéciaux sont donc exclusivement consacrés à la sécurité extérieure et intérieure de l'Etat. Dans le projet de budget pour 2003, ils s'élèvent à 37,47 millions d'euros, soit le même montant qu'en 2002.

La commission des finances a adopté les crédits des services spéciaux, du Conseil économique et social, du Plan et de Journaux officiels (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour le Plan - L'examen des crédits du Plan pour 2003 appelle certes des commentaires budgétaires, mais nous permet aussi d'évoquer la nature de la planification que nous appelons de nos v_ux et peut faire apparaître une volonté de conforter la cohésion nationale, ou au contraire de l'affaiblir.

Contrairement à certaines idées reçues, le concept même de planification est profondément moderne. En effet, le simple jeu des forces du marché n'est pas un gage de développement économique et d'épanouissement social durables, comme en témoignent la crise boursière actuelle et l'effondrement de la « nouvelle économie ». Face à ces incertitudes, la France a plus que jamais besoin d'une vision à long terme. Cette mission est naturellement celle du Plan.

Or, le Plan a non seulement cessé d'être considéré comme une « ardente obligation », mais a aussi largement renoncé à proposer à la France une stratégie de développement. Il est d'ailleurs troublant de constater que le renoncement à une planification ambitieuse a globalement coïncidé avec la fin des « Trente glorieuses ». Aujourd'hui, le Plan s'en tient essentiellement à la rédaction de prévisions et d'évaluations ciblées.

Cette impression de déclin est accrue par l'usage modeste que le Gouvernement semble vouloir faire du Plan, du moins si l'on en juge par le budget qui nous est présenté.

Ainsi, les crédits de paiement qui lui sont réservés n'atteignent plus que 24,8 millions d'euros, alors qu'ils s'élevaient à 26,7 millions d'euros en 2002. Cette inquiétante diminution de 7 % porte sur les interventions publiques, dont la dotation recule de 8,3 %, et surtout sur les moyens des services, qui chutent de 7,3 %, et même de 16,4 % si l'on exclut les dépenses de personnel.

De telles réductions ne peuvent être effacées par l'annonce artificielle d'une hausse de 18,6 % des autorisations de programme, qui atteindront 958 millions. Les probables reports de crédits de 2002 sur 2003 ne peuvent pas davantage être considérés comme satisfaisants. En effet, une telle pratique ressemble à un « airbag », qui ne fonctionne qu'une fois.

Il n'est pas moins inquiétant pour l'avenir du Plan que le Premier ministre n'ait passé aucune commande d'étude depuis six mois, alors que les programmes de travail fixés sous l'ancienne législature seront bientôt achevés.

Les crédits de recherche destinés à l'OFCE subissent une chute brutale de 32,6 %, ce qui est difficilement acceptable pour cet organisme réputé. De même, les subventions au fonctionnement de l'IRES baissent de 12,1 %.

L'évaluation, souvent présentée comme prioritaire, subit elle aussi de fortes restrictions budgétaires, entre 20 % et 25 %. L'évaluation est pourtant indispensable, notamment à la planification territoriale.

On ne peut que regretter le manque d'ambition de la politique de planification, considérée aujourd'hui, à tort, comme désuète, alors que le libéralisme et le marché ne cessent d'étendre leur emprise. Il y aurait pourtant bien des façons de tirer parti de la grande capacité d'expertise du commissariat général du plan, dont les travaux devraient s'inscrire dans un cadre plus global, en intégrant davantage les contraintes internationales, ainsi que les moyens d'y remédier. Il pourrait être utile de réunir plus souvent les études de prospective dans des ouvrages transversaux tels que le « rapport sur les perspectives de la France » publié en juillet 2000. Par ailleurs, les évaluations ne sont plus suffisamment prises en compte, par exemple dans la gestion des risques naturels.

Enfin, la planification territoriale souffre d'une organisation trop souvent inefficace. Pourtant, les lois de décentralisation rendent plus nécessaire encore une planification moderne. En effet, l'Etat doit veiller à ce que le inégalités entre les départements et les régions ne s'accentuent pas, quelle que soit la diversité des territoires et des cultures.

Pour toutes ces raisons, la représentation nationale pourrait à juste titre adresser un avertissement au Gouvernement.

Néanmoins, la commission des affaires économiques, contrairement à mes conclusions, a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits du Plan (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Braouezec - Les crédits de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire reculent de 1,98 %.

Cette baisse est à l'image de la conception libérale de la réforme de l'Etat qui consiste en fait à réduire ses missions et ses moyens.

Dans la fonction publique civile, cette décision est politiquement grave, l'égalité d'accès aux services publics étant très loin d'être acquise.

Vous rompez ainsi avec les engagements pluriannuels du gouvernement précédent dont certains avaient été obtenus de haute lutte grâce par exemple au mouvement pour l'école qui a mobilisé largement en Seine-Saint-Denis.

De plus, tous les postes budgétaires ne sont pas occupés. Aussi serons-nous particulièrement vigilants quant à l'occupation des postes libérés par les départs en retraite. L'actuelle ministre de la défense, alors présidente du RPR, ne proposait-elle pas de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur trois partant à la retraite.

D'ici 2009, près de 30 % des fonctionnaires en poste seront partis en retraite, l'essentiel des départs jusqu'en 2005 concernant l'éducation nationale. Rien dans la loi de finances ne prépare la fonction publique à affronter ce choc dans de bonnes conditions. Il est pourtant indispensable d'attirer un nombre plus important de candidats aux concours qu'aujourd'hui. Mais les discours dépréciatifs sur les services et la fonction publics de nombre d'élus de la majorité n'y participent pas. De même, les négociations salariales qui pourraient s'ouvrir en 2003, ne bénéficient d'aucune marge de man_uvre budgétaire, alors que la revalorisation a été globalement limitée à 1,2 % cette année.

L'attractivité des missions de service public est également compromise par l'opposition entretenue entre salariés du public et du privé. Il s'agit de dissimuler les aggravations des inégalités au bénéfice des catégories les plus favorisées qui ne sont pas constituées de fonctionnaires mais bien de rentiers et de cadres dirigeants. On se souvient que les mouvements de décembre 1995 avaient fait reculer la stratégie des libéraux de division du monde du travail.

Cette stratégie est particulièrement à l'_uvre à propos des retraites. Sur ce point, la décision de supprimer le congé de fin d'activité est inquiétante. Ce système de préretraite ouvert aux agents ayant cotisé 37,5 annuités a bénéficié, depuis 1997, à plus de 52 000 fonctionnaires. Le Gouvernement a décidé d'y mettre fin de façon unilatérale. Il aurait pourtant été logique de maintenir ce congé dans l'attente du résultat du dialogue social entamé au début de 2003.

Les déclarations du ministre du travail qui juge que les « préretraites sont une catastrophe pour l'économie nationale » sont elles aussi particulièrement inquiétantes. La véritable catastrophe, c'est en fait le chômage de masse et le sous-emploi qui s'aggravent.

Là est bien le fossé qui nous sépare. Nous proposons, nous, le départ en retraite des salariés du privé ayant cotisé quarante annuités avant 60 ans. Notre ambition est d'aligner les droits vers le haut, la vôtre de les tirer vers le bas.

La loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire rencontre des difficultés d'application. 60 % des emplois précaires ne seraient pas concernés. Les difficultés sont particulièrement grandes pour l'accès à la fonction publique territoriale. L'an passé, j'avais saisi du problème votre prédécesseur, ainsi que vous-même en votre qualité de président de l'association des maires de France.

Cette loi devait permettre à des agents non titulaires d'intégrer la fonction publique territoriale par un dispositif dérogatoire, à certaines conditions parmi lesquelles l'absence d'organisation de concours.

Alors que la loi est parue depuis plus de vingt mois, ses modalités d'application soulèvent de nombreuses interrogations. Les critères avancés sont différents selon les acteurs concernés. Cette incertitude conduit à des situations contentieuses et à une inégalité de traitement des agents publics face à la loi, en raison, notamment des interprétations restrictives du ministère de l'intérieur. Ainsi, le contrôle de légalité conteste la référence au concours d'attaché - option animation - pour l'intégration de certains cadres en donnant un sens restrictif à la fonction animation. De plus, la loi ne précise pas quelle est la date de recrutement à prendre en compte. Il est urgent de mettre fin à ces interprétations restrictives et de réunir les commissions d'experts chargées d'examiner les dossiers d'intégration.

S'agissant de l'aménagement du territoire, son rattachement au ministère de la fonction publique et non plus au ministère de l'environnement laisse craindre un recul de la préoccupation écologique dans les choix d'aménagement. Les crédits du ministère des transports qui accordent une claire priorité à la route sans engagement en faveur du développement du ferroutage en sont un témoignage.

La décision d'associer aménagement du territoire et réforme de l'Etat trouve sa source dans les ambitions décentralisatrices du Gouvernement, dont les intentions manquent de clarté.

Le président Debré, redoutant un démantèlement de l'Etat et de la République, a évoqué « l'intégrisme décentralisateur ». Sans aller jusque là, je trouve le projet très confus et technocratique. Le refus du Gouvernement de soumettre une réforme d'une telle ampleur à l'approbation d'un référendum populaire est particulièrement critiquable. Le jargon publicitaire, insistant sur la « proximité », incite lui aussi à la méfiance.

En l'état, la réforme est porteuse d'inégalités entre les territoires, entre les collectivités et, par conséquent, entre les habitants. Déjà, la dotation de solidarité urbaine, notoirement insuffisante et principal levier de redistribution en faveur des communes les plus pauvres, n'a pas été augmentée. Or le désengagement de l'Etat de ses missions essentielles comme l'éducation, la santé, le logement, la formation, et leur transfert aux collectivités territoriales, obligera celles-ci à alourdir leur fiscalité dans des conditions très inégales.

Aussi le groupe communiste et républicain votera-t-il contre ce budget qui réduit la capacité d'intervention du ministère, laisse le problème des départs en retraite sans réponse, démontre un manque d'ambition pour le service public et se place dans le cadre d'une décentralisation très inégalitaire (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Jacques-Alain Bénisti - Le budget qui nous est présenté revêt une importance particulière, parce qu'il est significatif du changement qu'attendent les Français. Et je partage l'avis de M. Braouezec sur un point : il faut rompre avec toutes ces années d'immobilisme ! J'ajouterai : surtout les cinq dernières... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous avons la lourde tâche de mettre en place de nouveaux mécanismes politiques d'aménagement du territoire et surtout de gestion de la fonction publique. La nouvelle étape de décentralisation qui a été engagée est à cet égard essentielle. Il n'y aura pas de réforme de l'Etat sans réforme de la fonction publique, et celle-ci est d'ailleurs demandée par tous les acteurs : institutions, syndicats, fonctionnaires et des élus de toutes tendances. M. Delevoye a la volonté et le courage de la mener enfin, et je salue le souci de transparence et de sincérité de sa démarche.

Certains points développés par notre rapporteur M. Derosier ont attiré mon attention. Il soutient d'abord que le gouvernement précédent a répondu aux problèmes cruciaux de la fonction publique. Mais dans ce cas, pourquoi une nouvelle réforme est-elle si urgente ? Comment expliquer la situation de blocage qui se manifeste dans la fonction publique hospitalière ou territoriale ?

M. Derosier nous reproche de ne supprimer que 1 089 postes. Mais la réduction des effectifs n'est pas une finalité en soi ! La gestion des ressources humaines doit s'adapter aux particularités de chaque ministère.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Jacques-Alain Bénisti - Il ne s'agit pas de priver le service public de moyens,...

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis - On se croirait au conseil d'administration de Vivendi !

M. Jacques-Alain Bénisti - ...il s'agit de faire correspondre ces moyens à des projets préalablement définis. C'est le bon sens qui mène à la saine gestion.

J'ai également entendu que la gestion prévisionnelle des emplois était une des priorités du précédent gouvernement. Mais rien n'a été fait pour anticiper les départs massifs à la retraite.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis - Vous n'étiez pas parlementaire, vous n'en savez rien !

M. Jacques-Alain Bénisti - L'intégration des personnes handicapées n'a connu aucune amélioration non plus. L'augmentation de 50 % des sommes que vous consacrez à ce sujet vous honore, Monsieur le ministre.

Quant à la validation des acquis sociaux, tout le monde s'accorde sur le fait que la réduction du temps de travail a été un échec dans la fonction publique. Elle n'a eu pour conséquence que de créer des blocages supplémentaires. Il n'y a qu'à regarder la fonction publique hospitalière ! Où est la modernisation du service public quand des services entiers sont bloqués parce qu'aucune gestion des effectifs n'a été mise en place ?

La présentation des crédits d'action sociale interministérielle tendrait à faire croire qu'ils sont en diminution. Mais, comme vous le savez d'ailleurs, ils se répartissent en deux chapitres : les prestations d'action sociale - financement de crèches, d'aides à domicile ou de chèques vacances - et les investissements sociaux - construction d'un restaurant administratif par exemple. Je m'étonne que vous fassiez l'amalgame entre des crédits de fonctionnement et des crédits d'investissement. Le Gouvernement a voulu sortir de la traditionnelle politique d'affichage et présenter les reports de crédits de façon claire. Les crédits d'investissement ayant été largement sous-consommés ces quatre dernières années, le ministre préfère les utiliser plutôt que demander des sommes supplémentaires. En revanche, les crédits destinés à l'action sociale progressent de 4,8 % ! Voilà une démonstration de la sincérité et du volontarisme du Gouvernement, qui marque une rupture avec les lois de finances antérieures.

M. Derosier a également parlé du réveil du dialogue social. Mais je suis le premier président d'un centre de gestion de la fonction publique à avoir signé un protocole d'accord avec les syndicats de fonctionnaires. Rien n'existait auparavant !

Les inquiétudes que vous évoquez sont donc plutôt le fruit de plusieurs années d'attentisme que de l'action des six premiers mois de ce gouvernement. Beaucoup doit être fait et je vous souhaite, Monsieur le ministre, bon courage. Les réformes, qui n'ont pas été engagées à temps, sont urgentes. Il faut abandonner les missions de réflexion et les rapports pour entrer dans l'action. Les structures administratives doivent être adaptées aux évolutions économiques et aux attentes de la société. Les améliorations doivent concerner à la fois la qualité du service public, la satisfaction des usagers et l'épanouissement des agents. Ces objectifs sont ambitieux, mais réalistes.

Je tiens à cet égard à saluer la méthode de concertation qui a été mise en place, et qui permettra de poursuivre ces objectifs le plus efficacement possible. Ainsi que l'a dit le ministre, il n'y aura pas de décentralisation qui ne soit pas consentie par l'Etat, acceptée par les usagers et soutenue par les agents. En à peine six mois, plusieurs chantiers ont déjà été engagés. Un premier est celui de la simplification administrative, et aussi de la clarification des normes. Un second concerne l'attractivité de la fonction publique, défi majeur face aux départs massifs en retraite mais aussi en termes de motivation des fonctionnaires. La réforme de la formation et de la validation des acquis professionnels est donc urgente.

Un aspect fondamental de la démarche choisie est cette nouvelle et réelle volonté de dialogue. J'en suis le témoin : en tant que président du plus grand centre de gestion de la fonction publique, j'ai exposé au ministre dix propositions visant à simplifier certaines règles de la fonction publique territoriale.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Jacques-Alain Bénisti - J'ai manifestement été entendu, et j'ai bon espoir de voir certaines de ces propositions se réaliser, dans l'intérêt de la fonction publique et des fonctionnaires. Le projet de budget qui nous est présenté aujourd'hui est particulièrement novateur et honnête. Je vous invite donc à soutenir l'action gouvernementale et à donner au ministère de la fonction publique des moyens à la hauteur de ses ambitions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Dufau - Ce budget n'est pas significatif du poids réel de la fonction publique, car chaque ministère assume la gestion de ses agents. Les crédits relatifs à l'action sociale interministérielle et à la réforme de l'Etat sont toutefois porteurs d'enseignements.

Les sommes destinées à l'action sociale interministérielle, qui sont en augmentation, représentent 60 % du budget du ministère. Les crédits alloués aux prestations de service - crèches, chèques-vacances - augmentent. Dont acte. La dotation destinée à l'aide au logement baisse de 3,4 millions d'euros ; or, elle a été étendue, à compter du 1er septembre 2001, aux agents de l'Etat exerçant la majeure partie de leur fonction dans les zones urbaines sensibles. Le nombre de bénéficiaires devrait donc progresser.

Les crédits permettant de financer la formation, le perfectionnement, l'insertion, la modernisation, sont en net recul : 7,92 millions d'euros, contre 9,95, soit 18,2 % de baisse. Ce désengagement de l'Etat n'augure rien de bon.

Vous avez augmenté les crédits en faveur de l'insertion des handicapés : de 610 000 €, ils passent à un million. Cet effort, largement amorcé par le précédent budget en application du protocole d'accord signé entre Michel Sapin et Ségolène Royal avec cinq organisations syndicales représentatives, est donc poursuivi.

Vous ne dites rien, en revanche, de l'application de la convention conclue à l'initiative de Ségolène Royal, qui prévoyait le gel des créations d'emplois dans les ministères qui n'auraient pas recruté le nombre de personnes handicapées prévu par la loi. Vous avez répondu, en commission, que des sanctions ne doivent être envisagées qu'après la mise en place de mesures d'incitation. Lesquelles ?

Le fonds pour la réforme de l'Etat, créé en 1996, est un outil essentiel pour promouvoir et accompagner la modernisation du service public. En 2003, les crédits pour dépenses ordinaires seront augmentés d'un million d'euros et atteindront 14,27 millions.

Vous vous êtes targué, en commission des lois, de la vérité comptable de ce budget. Or, l'augmentation annoncée relève de l'affichage : une masse importante de crédits non consommés subsistera à la fin de l'année.

L'Etat n'a jamais été autant réformé que sous la précédente législature, sans que, pour autant, on en parle : nous jugerons l'actuel gouvernement, qui parle beaucoup, sur ses actes.

Monsieur le ministre, lors de votre intervention devant le conseil supérieur de la fonction publique territoriale, vous avez annoncé un renforcement des outils mis en place par votre prédécesseur. C'est une bonne chose. Mais nous nous opposons à la politique gouvernementale de démantèlement de l'emploi public.

Le PLF de 2003 prévoit une baisse sensible des effectifs. Si, avec 1 089 suppressions, cette baisse paraît limitée, compte tenu des propos de la droite pendant la campagne électorale, ce budget porte en germe la régression programmée du service public, d'autant que tous les postes budgétaires n'étant pas occupés, il convient d'être attentif à l'évolution des effectifs réels. Le départ à la retraite de nombreux fonctionnaires, dans les prochaines années, risque d'occasionner des vacances d'emplois - moyen discret de diminuer le nombre des agents de l'Etat.

Vous mettez fin au dispositif emplois-jeunes, alors que le bilan était très positif. Monsieur Bénisti, ces emplois ont démontré leur intérêt et fait apparaître de nouveaux besoins.

Fin avril 2001, 272 000 emplois-jeunes avaient été créés et donné lieu à plus de 312 000 embauches. Les principaux employeurs s'inquiètent : qui va remplacer ces jeunes ; que vont-ils devenir ?

La réduction de la masse d'agents publics sera plus importante que ne l'annonce le budget, même dans la police ou la justice. En effet, le Gouvernement ne se donne pas les moyens de la politique qu'il affiche : les créations de postes annoncées au ministère de l'intérieur ne compenseront pas la disparition de nombre d'adjoints de sécurité.

6 089 postes budgétaires sont supprimés ; près de 92 000 emplois disparaîtront. On pouvait rêver d'un autre plan social.

Sur l'ensemble de la précédente législature, le pouvoir d'achat des fonctionnaires a été maintenu ; les rémunérations les plus basses avaient été revalorisées de 12,5 %. Les mesures présentes de revalorisation - 1,2 % -, quand l'INSEE prévoit une inflation de 2,3 %, sont insuffisantes. Le pouvoir d'achat des fonctionnaires ne sera même pas maintenu.

Bernard Derosier et le groupe socialiste ont déposé un amendement en faveur du maintien du congé de fin d'activité. Il faut le maintenir, dans l'attente du débat sur la réforme du système de retraite. Dans le cas contraire, votre proposition de négociation est pipée avant même que de commencer. Vous nous annoncez une extinction progressive de ces congés sur trois ans. L'amendement du Gouvernement est prêt ; la décision est donc prise.

La France a été condamnée par la juridiction européenne pour discrimination quant au calcul des droits complémentaires liés aux enfants et au bénéfice de la retraite anticipée pour cause de maladie du conjoint. Ces droits ne bénéficient qu'aux seules femmes de fonctionnaires. Je vous demande, sur ce plan, de mettre en _uvre l'égalité entre les hommes et les femmes.

Ce budget est de transition. Les suppressions d'emplois programmées, les atteintes aux droits acquis témoignent des orientations du Gouvernement. Les socialistes sont favorables à une décentralisation claire et progressiste, assurant l'égalité des citoyens ; ils sont également attachés à l'Etat républicain, dont la fonction publique est le socle.

Le groupe socialiste votera contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Sauvadet - Je me réjouis de voir un bon connaisseur des collectivités locales en charge du ministère de l'aménagement du territoire. Voilà qui nous change...

L'aménagement du territoire est un sujet essentiel. Nos compatriotes, en particulier dans les campagnes, sont désespérés. Les raisons du vote du 21 avril n'ont pas disparu. Nous avons besoin d'une politique des campagnes. La nouvelle majorité a défini un nouveau périmètre ; nos compatriotes veulent que l'argent public soit géré plus efficacement. La fonction publique doit comprendre que cette réforme est une chance.

En favorisant l'intégration des handicapés dans la fonction publique, vous avez donné un signe fort à ceux qui peuvent se sentir exclus de notre société.

Je note une légère baisse sur le plan de l'action sociale : les moyens seront-ils suffisants ?

La réforme de l'Etat est indissociable de la décentralisation. Il faut aborder cette question sans préjugé et sans timidité. L'UDF est convaincue qu'une République décentralisée simplifiera la vie de nos compatriotes. Trop de complexité - par exemple dans l'organisation des pays - fait que les élus locaux ne s'y retrouvent plus.

M. Jérôme Lambert - C'est votre discours, qui est simpliste !

M. François Sauvadet - Si s'occuper de l'avenir de nos concitoyens est simpliste, je vous invite à l'être !

Seul un transfert adéquat des moyens financiers permettra aux collectivités territoriales d'assurer au mieux leurs missions. De ce point de vue, sans doute aurait-il été souhaitable que les crédits affectés au fonds de la réforme de l'Etat soient augmentés de façon plus substantielle.

Le fonds bénéficiera de plus de moyens grâce aux crédits de report de l'année précédente - mais la dotation annuelle reste faible.

Plus que jamais, nous avons surtout besoin de souplesse. Nous allons examiner un amendement de suppression de l'ENA. Pourquoi ne pas proposer de supprimer toutes les grandes écoles ! Non, ce qu'il faut, c'est ouvrir la haute fonction publique à d'autres expériences.

M. Jérôme Lambert - Comme nous l'avons fait avec la troisième voie.

M. François Sauvadet - La gauche s'en est en effet préoccupée.

Je suis convaincu que l'on ne réussira pas la réforme de l'Etat sans y associer les agents eux-mêmes. Il est toujours difficile de faire souffler le vent de la réforme. Nous vous soutiendrons, Monsieur le ministre. La France a besoin d'une véritable politique d'aménagement du territoire. Celle-ci permettra à la solidarité nationale de s'exercer, notamment grâce aux services de proximité au public, dont certains relèvent directement de la responsabilité de l'Etat. Dans ce domaine, les territoires ont d'autant plus besoin de stabilité qu'ils sont fragiles. Il nous faut des pôles de service public qui demeurent stables.

Il faut par ailleurs maintenir l'activité dans les zones fragiles. On reparle des zones franches pour relancer la politique de la ville. Je connais vos réserves sur les zones de revitalisation rurale, mais il faut reprendre ce chantier et utiliser l'outil fiscal pour rendre attractifs ces territoires. Sans activité économique, ils n'auront pas d'avenir.

Pour revenir au service public, il faut revoir son organisation territoriale. Il arrive que des postes soient créés mais qu'aucun agent ne trouve intéressant de les occuper. Il faut réaffirmer que le service au public constitue une mission d'Etat : on ne va pas nécessairement où on a envie d'aller, mais où c'est utile pour le pays.

J'ai beaucoup d'affection pour la DATAR, même si je souhaite souvent qu'elle se montre plus proche de nos territoires. Il faut promouvoir, à travers l'ensemble de l'appareil administratif, une exigence de simplification et d'adaptation aux réalités territoriales. Fidèles à nos convictions décentralisatrices, nous plaidons pour une approche nouvelle qui pourrait faire l'objet d'une réflexion lors du prochain CIADT.

Permettez à un élu qui représente 344 communes rurales de rappeler que, deux ans après le CIADT de Limoges, rien n'a été fait pour améliorer la couverture du réseau de téléphonie mobile. Il faut réduire les délais d'action, c'est le seul moyen de rendre sa crédibilité à l'aménagement du territoire.

Il y a un ministère de la ville. Je souhaite qu'il y ait un jour un ministère de la campagne pour rééquilibrer nos territoires.

Nous prenons acte de votre volonté et nous connaissons votre expérience. Le véritable enjeu, au-delà des politiques, c'est de répondre aux attentes de nos compatriotes (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Pierre Cohen - Ce budget en baisse de 17 millions ne vous permettra pas de faire face à la crise qui se profile et aux licenciements massifs qui s'annoncent. Au moment où le Gouvernement annonce qu'il va approfondir la décentralisation, il y a lieu de se demander si vous disposerez des moyens nécessaires. En ne faisant pas de l'aménagement du territoire une priorité, le Gouvernement ne prend pas la mesure des enjeux. Il n'a pas non plus la volonté de moderniser notre organisation territoriale et notre appareil administratif.

Vous critiquez tout ce qui a été fait, mais vous ne proposez que des modifications à la marge. Toute politique solide d'aménagement du territoire est synonyme de dépense publique. Il s'agit d'une mission régalienne qui appelle une politique volontariste.

Le fonds national d'aménagement et de développement du territoire est un outil souple de soutien à l'activité. Or il existe des autorisations de programme dormantes, qui ne sont jamais consommées. Comment peut-on mobiliser ce fonds sous-utilisé pour sauver une entreprise ? Que compte faire le Gouvernement ?

La prime d'aménagement du territoire est une aide à l'installation d'entreprises dans les zones défavorisées, que la Commission européenne cherche à réduire. On compte près de 30 000 emplois préservés par ce dispositif. La DATAR ne lui accorde que 67 millions d'euros, ce qui correspond à la reconduction des crédits de 2002.

Quels moyens le Gouvernement se donne-t-il pour que la PAT puisse s'adapter à toute dégradation de la conjoncture ?

Les contrats de plan Etat-région, financés en partie par le FNADT, sont prolongés d'une année en raison du retard pris dans l'exécution du volet territorial. La raison essentielle de ces retards est que nous venons d'avoir deux années électorales. Les 26 contrats de plan doivent mobiliser plus de 655 millions d'euros à travers la signature des contrats de pays et des contrats d'agglomération.

Les contrats territoriaux pourront être signés jusqu'à la fin 2003 et déjà plus de 320 pays et 140 agglomérations sont répertoriés pour prétendre à un tel contrat. On ne peut donc dire, Monsieur Sauvadet, que le dispositif est en panne.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous accompagner la mise en place des agglomérations et des pays et comment mobiliserez-vous les préfets de région ?

Vous souhaitez toiletter ces contrats sous couvert qu'ils risquent de ne pas être réalisés dans les temps, d'autant que les sommes à engager dépasseront nos capacités financières. Mais qui n'est pas en capacité de suivre ? L'Etat ou les régions ? Dans l'hypothèse où l'Etat est en cause, quels sont les projets qui seront remis en question ? Sur quels critères ? Vous engagerez-vous sur des réponses précises au CIADT de décembre ?

Avec la loi Voynet, c'est toute l'armature du territoire national qui est revue. En déclinant l'articulation villes-campagne en agglomérations et en pays, la LOADDT a préparé une organisation spatiale cohérente avec les enjeux.

Elle a ouvert une voie originale pour organiser ses territoires et les dynamiser en favorisant les initiatives de développement local, et en reconnaissant des compétences spécifiques aux structures intercommunales.

L'intercommunalité constitue une avancée notoire. Faisons en sorte d'être au rendez-vous en favorisant une recomposition des territoires sous le signe du partenariat. Comment comptez-vous accompagner la montée en puissance des territoires de projet ? Les critiques parfois justifiées sur la lourdeur des procédures ne doivent pas être un prétexte pour remettre en cause une grande avancée.

La DATAR voit son budget de fonctionnement réduit de 0,602 million d'euros, alors que vous comptez renforcer ses missions. Vous réduisez en particulier ses crédits d'études, alors que la dégradation du contexte économique nécessitera des investigations nouvelles.

Monsieur le ministre, avez-vous décidé de changer de logique, ou avez-vous l'intention de modifier quelques détails en prétendant effacer tout ce qui a été réalisé par le gouvernement Jospin ?

Vous êtes aussi en charge de la réforme de l'Etat et vous devrez faire face à une énorme contradiction puisque vous devrez répondre aux besoins des zones rurales, des quartiers en difficulté, des zones périurbaines en plein développement tout en prenant votre part d'une politique visant à réduire les dépenses publiques.

Comment concilier une bonne réforme de l'Etat avec des budgets en baisse dans la plupart des secteurs ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

La relance de la décentralisation pourrait être une réponse au désengagement de l'Etat. L'exemple des surveillants des collèges en est un premier aperçu.

Vous engagerez-vous sur la péréquation ? Avez-vous l'intention d'ouvrir le débat avec les élus, avec les salariés, avec les usagers ? Avez-vous un projet ? Une méthode ? Celle qu'utilise le ministre de l'intérieur pour le redéploiement des forces de police et de gendarmerie n'est pas de nature à me rassurer.

Les contrats territoriaux d'exploitation, dans les zones rurales ou de montagne, permettent de faire vivre ces espaces qu'aucune collectivité et encore moins l'Etat n'étaient en capacité d'entretenir. Ils sont suspendus.

Les maisons de services publics, qui permettraient de développer des services complémentaires et de proximité, ne sont jamais évoquées.

Le CIADT de Limoges avait mis l'accent sur la couverture territoriale de téléphonie mobile et le soutien à l'investissement des collectivités locales en matière de haut débit. Le précédent gouvernement avait voulu faire faire des économies à l'Etat en demandant aux opérateurs d'investir. Cela ne me semble pas condamnable ! Il n'a pas prévu la grave crise internationale des télécommunications, mais il n'a pas été le seul. Comment comptez-vous atteindre les objectifs fixés ?

La droite unanime avait condamné les schémas de services collectifs pour vanter les mérites du schéma national unique. Je ne vous étonnerai pas en défendant ces schémas de services collectifs qui résultent d'un vaste travail collectif et démocratique. Même les régions ont dû donner leur avis. C'est préférable à cette grande usine du schéma national, que plus personne ne croit efficace. Avez-vous l'intention d'abandonner cette démarche ? De revenir à un schéma national unique ? Ou bien, en bon libéral, allez-vous supprimer tout cela ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Emile Blessig - Monsieur le ministre, je salue votre effort pour nous soumettre un budget sincère et volontariste. L'exercice est d'autant plus difficile que c'est le premier budget du nouveau gouvernement et que, compte tenu de la rigidité de la dépense publique, il présente forcément quelque ressemblance avec celui de vos prédécesseurs (Sourires).

Par nature, l'aménagement du territoire relève de tous les ministères et impose une approche transversale. Il en découle un risque, celui du saupoudrage des crédits, mais aussi une chance, celle d'une action politique cohérente. Je crois comprendre que le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, entend saisir cette chance. La politique de décentralisation offre, en effet, une superbe occasion de réfléchir aux compétences respectives de l'Etat et des collectivités locales, ainsi qu'aux instruments juridiques et financiers d'une politique d'aménagement du territoire. Le Premier ministre a clairement affirmé son volontarisme en la matière. Vous-même, Monsieur le ministre, avez déployé de grands efforts pour que ce débat occupe le devant de la scène politique, et plusieurs projets de réforme sont à l'étude. Le Gouvernement peut compter, sur toutes ces questions, sur la contribution et le soutien du groupe UMP.

Un budget est avant tout un document politique, qui traduit en milliards d'euros les priorités d'un gouvernement. Comme je l'ai dit, il ne vous était pas possible de nous présenter aujourd'hui un budget de rupture. Nous voulons donner une inflexion nouvelle à la politique de notre pays et non régler des comptes avec l'ancienne majorité. Or, dans une matière aussi complexe, il faut d'abord réfléchir à ce qu'on veut.

Nos deux rapporteurs ont bien décrit ce qu'est actuellement l'aménagement du territoire, et donc son budget : une collection d'actions, pour la plupart justifiées, mais avec une ligne directrice de plus en plus floue.

DATAR, FNADT, primes d'aménagement du territoire, contrats de plan, fonds plus ou moins utiles, instituts divers, politiques en faveur de zones en difficulté, schémas de services collectifs préparés à Paris sans véritable connexion avec le terrain, tout cela s'additionne, mais nous ne savons plus exactement en vertu de quelles priorités la nation dépense chaque année plus de 10 milliards d'euros. Tel est le fond du débat (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UDF).

Les études d'opinion montrent que la population est de plus en plus attachée à la qualité de vie et rejette les concentrations excessives. L'aménagement du territoire doit répondre à son souhait d'une vie plus équilibrée en facilitant partout l'accès aux services et en soutenant l'attractivité de nos territoires dans un contexte de concurrence internationale croissante.

Nous sommes tous conscients qu'il faut réformer la politique d'aménagement du territoire de façon à lui donner un sens perceptible par tous, car elle est porteuse des valeurs de solidarité nationale. Actuellement, qui peut se targuer d'avoir une vision claire de l'interaction de l'Etat, des collectivités locales et des multiples structures intercommunales ? Où est la logique dans cette organisation ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Où est la légitimité politique ? Chez les élus du suffrage universel ou dans les formes de démocratie émergeant çà et là ?

Vous tentez, Monsieur le ministre, de répondre à ces questions. Vous avez demandé à la DATAR et à la délégation de l'Assemblée que j'ai l'honneur de présider d'y réfléchir. Les lois récentes sur l'aménagement du territoire, sur l'intercommunalité et sur la solidarité et le renouvellement urbains ont chacune leur cohérence, mais leur articulation se révèle effroyablement complexe. Notre délégation travaillera avec le souci de donner cohérence et lisibilité à l'action publique.

Si la décentralisation n'est pas l'anarchie, elle ne doit pas non plus servir de prétexte à l'Etat pour se débarrasser de compétences encombrantes, encore moins pour conférer à l'une des deux assemblées du Parlement une prééminence sur ces questions. Il y a autant d'élus locaux à l'Assemblée qu'au Sénat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste)

La décentralisation constitue en soi un nouveau mode d'organisation de l'Etat, qui aura des conséquences sur l'aménagement du territoire. Cessons d'opposer l'Etat et les collectivités locales : les deux participent à l'exercice de la démocratie et contribuent, par leurs initiatives et leurs financements, à cet aménagement. La décentralisation va simplement modifier le point de départ de ces politiques, en donnant plus d'initiative au niveau local.

Autre élément important : l'élargissement de l'Union européenne aura des incidences sur l'aménagement du territoire. Dans ce contexte nouveau, il faut absolument clarifier les instruments de cette politique.

Si le Gouvernement mène à bien la décentralisation, il est évident que ce budget va beaucoup changer. Il faudra s'interroger sur le rôle de la DATAR et du commissariat général au plan, sachant qu'il est nécessaire de disposer d'organes capables de développer une réflexion globale et prospective, mais aussi de diffuser cette connaissance parmi les nombreux intervenants.

Il serait également utile de mettre fin à l'empilement des primes et des zones : la fiscalité pourrait remplir les mêmes objectifs.

Je terminerai en saluant votre travail, Monsieur le ministre, et en particulier la réforme des modalités d'attribution des fonds européens, qui jouent un rôle essentiel. Je vous félicite de l'énergie que vous avez déployée pour régler un problème franco-français de rivalités au sein de l'administration d'Etat. Votre action prouve que le volontarisme peut payer !

Vous êtes aussi en passe de régler le problème de la couverture de notre territoire par le téléphone mobile et par l'Internet à haut débit. Néanmoins on voit que l'Etat compte sur l'initiative locale pour réaliser des économies budgétaires. Une réflexion sur la péréquation financière est donc indispensable.

Le groupe UMP votera sans réserve vos crédits car c'est un bon budget. Mais le vrai débat est ailleurs : le Gouvernement doit travailler avec le Parlement sur une nouvelle organisation des pouvoirs publics. Le Premier ministre a déjà indiqué le calendrier de la décentralisation. Nous l'accompagnerons dans cette démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Balligand - A part la conclusion, nous sommes d'accord à 95 % ! (Sourires)

M. Jean Launay - Le Premier ministre a évoqué la problématique de la présence des services publics dans les quartiers sensibles. Si je me risque à faire l'exégèse de sa pensée dans la lettre de mission qu'il a adressée au délégué de la DATAR, je ne veux pas croire que la notion de quartiers sensibles n'intègre pas la ruralité, d'autant que cette même lettre prône le développement de la pluriactivité. Là, les choses se compliquent. Nous n'avons pas le temps d'ouvrir le débat sur « service public et service au public », mais il faudra bien, un jour, définir collectivement ce qu'est une offre de services publics suffisante, alors que tout concourt, dans la pensée libérale, à tailler, rationaliser, économiser, secteur par secteur (Protestations sur les bancs du groupe UMP), sans tenir compte des volontés et initiatives locales, publiques ou privées.

Les « gens d'en bas », comme vous dites, attendent une redéfinition des missions de l'administration. Pour ma part, je ne fais volontairement pas de distinction entre le rural et l'urbain, car contrairement à M. Sauvadet, je n'ai pas la campagne pleureuse ! (Protestations sur les bancs du groupe UDF) Quoi qu'il en soit, cette redéfinition est d'autant plus nécessaire que l'Europe et la décentralisation compliquent parfois la compréhension des choses.

Les nouvelles technologies ont grandement amélioré l'efficacité quotidienne de l'administration, si l'on en juge à l'aune des délais moyens de traitement d'un dossier ou d'obtention d'un document. Elles nous aident à rapprocher l'Etat du citoyen et à transformer l'Etat lui-même, qui peut ainsi mener des actions plus transversales. Lors de la précédente législature, dans le cadre d'une mission confiée par le Premier ministre, j'ai travaillé sur les maisons de services publics économiques et financiers, et pu faire le lien entre cette transversalité et le recours aux nouvelles technologies. Encore ne jouait-elle qu'entre les directions d'un seul ministère, grand au demeurant. Mais je suis convaincu qu'on peut et doit aller plus loin, par exemple dans le lien avec les « pays », à moins que la récente interrogation du Premier ministre à Strasbourg - « pourquoi vouloir quadriller systématiquement toute la France en 400 pays ? » - ne marque une volonté dogmatique de casser un mouvement initié par la gauche (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

En ce qui concerne la couverture du territoire par la téléphonie mobile et l'Internet à haut débit, il faut que l'Etat joue pleinement son rôle de chef d'orchestre, afin de faire appliquer les décisions politiques du CIADT de Limoges.

J'en viens à la DATAR. On ne peut répéter à l'envi qu'on a besoin de matière grise pour nourrir les projets de territoire, qu'il y a un déficit d'ingénierie, et en même temps rayer d'un trait de plume l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire ! Pendant que vous y êtes, pourquoi ne pas poser carrément la question de l'existence même de la DATAR ? J'observe au passage que, lors de l'examen du budget de la défense, personne n'a proposé la suppression de l'IHEDN...

Je suis intrigué par la cotutelle du ministère de l'agriculture sur la DATAR, comme je le suis par l'ajout de la mention « affaires rurales » au titre du ministre de l'agriculture. Tout cela me paraît relever de l'affichage, au demeurant un peu réducteur au regard de la mission d'aménagement du territoire. Vous-même, Monsieur le ministre, êtes le ministre « de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire ». Le titre est impressionnant, mais n'atténue en rien nos craintes et nos incertitudes concernant l'aménagement du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Nicolas Perruchot - J'aimerais évoquer devant vous une question que le groupe UDF estime primordiale : la réforme des retraites, en particulier celle des agents publics qui se fait attendre depuis dix ans.

Les Français veulent une réforme transparente et équitable. Or, il semble que nous ayons pris, au cours des dernières semaines, un chemin diamétralement opposé. En effet, la semaine dernière, notre assemblée a rejeté un amendement de l'UDF au projet de loi de financement de la sécurité sociale qui visait à empêcher un financement supplémentaire des retraites des fonctionnaires par les retraites des salariés du privé. Par ailleurs, nous avons appris par la presse que les dirigeants des entreprises prochainement privatisées négocient avec les syndicats l'avenir des régimes spéciaux. Or, cette question relève du politique et doit être traitée dans le cadre d'une réforme globale des retraites, non de manière cloisonnée et opaque.

Depuis dix ans, l'inégalité entre secteur public et secteur privé n'a cessé de se creuser. Les salariés du privé touchent en moyenne une pension de 1 713 € pour les hommes et de 1 072 pour les femmes, contre 2 202 et 1 842 dans le secteur public, soit une différence de 30 % et de 70 % respectivement. Cette inégalité a au moins quatre origines.

Premièrement, le fonctionnaire touche une pension égale à 75 % de son traitement mensuel calculé sur ses six derniers mois d'activité alors que dans le privé, la pension de base vaut 50 % du salaire annuel moyen et est calculée désormais sur les 25 meilleures années. En second lieu, la pension des fonctionnaires est indexée sur les salaires, et non sur les prix, comme dans le privé. Troisièmement, en dépit d'une durée de cotisation plus longue, les salariés du secteur privé bénéficient de prestations moins importantes, car elles subissent un abattement en fonction de la durée d'assurance, contrairement aux fonctionnaires. Quatrième point : le taux de cotisation salariale des fonctionnaires est stabilisé depuis 1991 à 7,85 %. Si l'on tient compte des primes, ce taux tombe même à 6,28 % contre 10,35 % pour un salarié non cadre du privé. Ce sont essentiellement les contribuables qui financent ces retraites généreuses. En effet, alors que la cotisation employeur est de 15,46 % dans le privé, elle est de 51,9 % dans le public. La retraite d'un fonctionnaire coûte donc plus du double d'une retraite d'un salarié du secteur privé. Qui plus est, si l'Etat devait provisionner les charges de retraite, comme une entreprise privée, il devrait prévoir plus de 600 milliards d'euros, soit le tiers du PIB français !

Malheureusement, je ne pense pas que nous ayons aujourd'hui les moyens de sortir de ce guêpier. En effet, nous sommes dans une situation absurde où, au nom de l'universalité budgétaire, l'Etat ne peut pas affecter les cotisations salariales et patronales à une caisse de retraite des fonctionnaires d'Etat. La nouvelle loi organique du 1er août 2001 ne prévoit qu'une unification comptable des entrées et des sorties à partir de 2003, mais elle ne peut contraindre l'Etat à prendre ses responsabilités, c'est-à-dire à fixer explicitement un taux de cotisation patronale pluriannuel et à augmenter les cotisations salariales pour équilibrer le régime.

C'est d'autant plus invraisemblable que les fonctionnaires des collectivités locales et des établissements de santé, ainsi que les agents non titulaires, cotisent à des caisses autonomes, ce qui rend le financement de leurs retraites bien plus réaliste, en dépit des critiques que l'on a pu adresser à la gestion de la CNRACL.

Rien ne change cette année. Les dépenses de pensions de l'Etat augmentent de 4,2 % alors que les cotisations salariales n'augmentent que de 1,6 %. Dans le même temps, les dépenses de pensions de la CNRACL augmentent de 5,6 % - hausse essentiellement imputable à l'augmentation du nombre de salariés, tandis que celle citée voici un instant l'est en grande partie à la bonification du montant des pensions - et les cotisations des salariés et employeurs de 4,2 %.

J'en tire les conclusions suivantes : depuis dix ans, les agents publics bénéficient de retraites généreuses, financées par des contribuables moins bien lotis ; au sein même de l'emploi public, existent d'importantes inégalités entre les fonctionnaires d'Etat et les autres agents publics, la tendance ne faisant que s'accentuer.

Nous mesurons tous l'ampleur de la tâche à accomplir mais le groupe UDF compte, Monsieur le ministre, sur votre engagement en faveur du rétablissement de l'équité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Balligand - Cela fait des années que j'interviens sur l'aménagement du territoire et que je me fâche, y compris avec mes amis politiques, lorsque le budget qui lui est consacré baisse - ce fut le cas, par exemple, quand Jacques Chérèque était ministre de l'aménagement du territoire...

J'avais un préjugé favorable envers vous, Monsieur le ministre, en raison de certaines de vos interventions et de vos responsabilités passées à l'association des maires de France. Mais il faut croire que vingt et un ans de mandat de député n'ont pas suffi à me rendre moins naïf... (Sourires) Et aujourd'hui je me demande même où est passé le ministre de l'aménagement du territoire. A-t-il fondu dans un grand ministère de la fonction publique, ou bien préparez-vous quelque chose de nouveau ? Le budget est petit, je le sais bien, mais il a des effets de levier importants, grâce aux contrats de plan. Il faut en tout état de cause que vous nous éclairiez, Monsieur le ministre, sur les axes de votre politique d'aménagement du territoire. C'est d'autant plus nécessaire que les dynamiques territoriales sont inégales. Il est, par exemple, plus difficile aux communautés de communes, même fédérées en pays, d'atteindre une masse critique suffisante pour contractualiser, qu'aux communautés d'agglomérations. Nous sommes bien dans un dispositif à deux vitesses.

La loi de 1992 sur l'intercommunalité, que seule la gauche a votée et qui est entrée en application dès 1993, avait mobilisé tous les élus ruraux. Que vous songiez à revenir aujourd'hui sur les communautés de communes, ce n'est pas grave...

Plusieurs députés UDF - Si, c'est grave !

M. Jean-Pierre Balligand - Je veux dire : vous avez le droit d'avoir de nouvelles orientations, mais vous devez le dire clairement ! Il est inquiétant que le projet de loi constitutionnelle ne contienne rien sur ce sujet. De même, sur ce qui se dit ici ou là au sujet des pays, nous aimerions vous entendre.

Le budget de l'aménagement du territoire n'est pas bon. M. Giscard d'Estaing, dans son rapport, fait état d'une baisse de 5,91 % - même si, comme on peut le comprendre, il s'est montré plus lénifiant à la tribune. Le FNADT est, lui aussi, simplement reconduit à hauteur de 210 millions. Là encore, faites-nous part de vos intentions ! Prenez garde à ne pas offrir des merles à manger, faute de grives. Comme vous ne pouvez pas satisfaire votre rêve, Monsieur Plagnol, de vous « payer » les grandes administrations, vous tapez sur l'institut d'aménagement du territoire, vous ne reconduisez le pauvre budget de l'aménagement du territoire, et l'on voit arriver des amendements tendant à supprimer le commissariat du plan - pourtant pas particulièrement budgétivore... Voilà les merles que vous offrez, en guise de cautions libérales (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). De la part de M. Plagnol, je le conçois ; de la part de M. Delevoye, c'était moins attendu.

Je vous suggère de travailler davantage sur le milieu rural. Pour les agglomérations, nous avons tous ensemble fait _uvre utile depuis juillet 1999, mais sur le milieu rural, nous patinons - M. Launay s'est bien exprimé sur ce point. Pourquoi ne pas y créer des zones franches, en procédant - pour commencer - à des expérimentations ? Je vous invite à travailler également sur l'articulation entre les pays et le développement économique. Le milieu rural peut se révéler compétitif pour les entreprises, à condition de dynamiser les territoires. Que le ministre de l'aménagement du territoire se fasse donc entendre sur ces questions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Denis Merville - La France a la chance de posséder un vaste territoire, mais 80 % de la population vivent sur seulement 20 % de celui-ci. Voilà des années, d'ailleurs, que l'on s'inquiète de ce déséquilibre.

Si les acteurs de l'aménagement du territoire sont nombreux, la DATAR n'a pas été très active ces dernières années ; je compte sur vous et sur le nouveau délégué pour que cela change. Nous possédons aussi une agence française pour les investissements internationaux, et un institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire, où interviennent sans doute des conférenciers de qualité, mais dont le coût de fonctionnement semble bien élevé ; à défaut de le supprimer, il conviendrait de le réformer. Citons encore le FNADT, les primes d'aménagement et les différents fonds d'intervention. N'est-il pas envisageable de simplifier et de regrouper nombre de ces organismes ?

Les retards constatés dans la consommation des crédits procèdent en partie de cette complexité. Les fonds européens, d'un montant considérable, tardent eux aussi à être consommés. Je ne suis pas sûr que vos récentes circulaires tendant à alléger les procédures soient réellement appliquées. Pourquoi ne pas confier la gestion des crédits d'aménagement du territoire aux conseils régionaux ou aux conseils généraux, comme c'est depuis peu le cas en Alsace ?

Le Gouvernement a engagé avec raison une nouvelle étape de la décentralisation. En effet, l'Etat ne peut pas s'occuper de tout. La réforme conduira à cette « République des proximités » voulue par le Premier ministre. La décentralisation doit améliorer les services rendus à nos concitoyens, qui sont au centre de l'action publique. Pour donner toute sa portée au principe de proximité, dont nos concitoyens ont exprimé l'exigence par leurs votes, il importe de clarifier les compétences.

Les Français ne comprennent plus qui fait quoi, et les procédures ne cessent de s'alourdir. Je présidais un groupe de travail de l'agence de l'eau : il a fallu neuf ans d'études avant d'engager les travaux ! Comment l'expliquer à nos administrés ?

Il faudra aussi se préoccuper d'une gestion économe de l'argent public, qui est celui des contribuables.

M. François Sauvadet - Tout à fait !

M. Denis Merville - Cette décentralisation prendra du temps. Je souhaite donc que vous décidiez dès maintenant le moratoire destiné à simplifier certains textes législatifs et réglementaires actuels.

Pour déterminer les limites des pays de façon pertinente, les procédures sont bien longues. Il y faut des réunions nombreuses, où l'on nous remet des dossiers si épais que nous ne pouvons en prendre qu'une connaissance partielle. Là encore, nous attendons des simplifications. Cette réforme de l'Etat, qui requiert nécessairement des transferts de services, sera menée avec les agents publics, qui sont compétents et dévoués.

Or la fonction publique territoriale est moins bien traitée que la fonction publique d'Etat. Nous devons faire en sorte qu'elle cesse d'être une sous-fonction publique. Quelles sont vos intentions dans ce domaine ?

Enfin, les lois sont faites pour être appliquées. A mes questions sur l'emploi de handicapés dans la fonction publique, on répondait naguère que l'Etat n'était pas exemplaire. Votre budget marque un progrès sur ce point. C'est heureux, car les handicapés doivent trouver toute leur place dans notre société (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Marie-Renée Oget - Votre budget suscite, dans les zones rurales, plusieurs interrogations : sur l'avenir des pays, sur le report de la mise en _uvre des contrats de plan, sur la réduction de 30 % du budget des infrastructures.

En milieu rural, la création des pays constitue une innovation majeure de la dernière décennie. Espace de projet, le pays est aussi un bon lieu de concertation car la loi Voynet du 25 juin 1999 incite les élus à travailler avec les acteurs économiques et sociaux.

Pour satisfaire à l'exigence de cohérence territoriale, les chartes de pays doivent recevoir l'aval du préfet. Or il semble que vous envisagiez de supprimer cette procédure, jugée trop lourde. Pourtant, l'expérience montre que cette procédure a justement permis aux communes d'entrer dans des logiques de projets.

Dans le cadre des pays, les petites communes ont pu reprendre l'initiative pour aménager leur territoire. Pourquoi limiter au seul domaine économique cette part d'initiative confiée aux pays ? Ceux-ci ont prouvé leur capacité à se saisir d'autres questions qui les concernent.

En Bretagne, 26 projets de pays ont donné des résultats concluants. Ils n'ont causé ni conflits de pouvoir, ni lenteurs, ni blocages. A l'heure d'un nouveau projet de loi sur la décentralisation, n'est-il pas paradoxal de retirer aux pays leur capacité d'initiative ? (« Très bien » ! sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Sauvadet - Oh là, là !

Mme Marie-Renée Oget - Une étude de la DATAR met en évidence la satisfaction de la population, qui est d'autant plus grande que les projets des pays ont avancé. Pourquoi changer ce qui a fait ses preuves auprès des élus et de la population ?

La création des pays est une chance pour les zones rurales. Elle permet aux collectivités locales d'impliquer la population et de négocier avec l'Etat. En Bretagne, les volets territoriaux des contrats de plan Etat-région contiennent de nombreuses chartes de pays. Mais la réalisation des projets dépend de la mise en _uvre de ces volets territoriaux, qui vient d'être reportée d'un an. Cela n'a pas manqué d'augmenter les inquiétudes des élus. A l'heure où l'idée du droit à l'expérimentation fait son chemin, comment concevoir que les collectivités qui font preuve de volontarisme soient stoppées dans leur élan ?

En ces temps de restriction budgétaire, qui annoncent peut-être plus une politique de rigueur que la politique simplement « rigoureuse » annoncée par M. Mer, le monde rural s'inquiète de la réduction de 30 % des crédits d'infrastructure. Beaucoup de questions ponctuelles restent d'ailleurs sans réponse, telles que l'extension du TGV ouest ou l'aménagement de la RN164, qui joue les Arlésiennes depuis que le général de Gaulle l'a annoncée en 1969 ! Des éléments de réponse seraient, à l'occasion de ce débat, les bienvenus.

Si ces réductions de crédits sont une anticipation des projets de décentralisation du Gouvernement, nos concitoyens sont en droit de le savoir. Quelles garanties donnez-vous au monde rural en ce qui concerne la présence d'infrastructures ou de services publics ? On ne sait rien, en effet, des engagements de l'Etat - ou de son désengagement - pour 2003.

Toutes ces questions méritent des réponses. Oui, on craint une régression des garanties publiques dans le monde rural. Oui, le flou demeure sur la décentralisation, qui suscite des désaccords au sein même de votre majorité. Ces inquiétudes sont nombreuses et justifiées, et il est urgent d'y répondre (Applaudissements sur les. bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean Lassalle - MM. Sauvadet et Perruchot ont présenté les grandes lignes de notre position. Je me contenterai donc de quelques brèves observations.

Je voudrais d'abord féliciter les ministres de leur courage - et il en faut pour s'attaquer à ces dossiers - et les adjurer de ne pas se laisser arrêter par le gros temps qui viendra. Vous aurez à concilier les notions de cohésion nationale et d'adaptation des services publics avec la décentralisation. La première phase, celle de 1982, fut déjà difficile, et vous devez maintenant réorganiser un pays qui ne sait plus où il va. Vous aurez ainsi à faire face aux peurs des administrations centrales et aux craintes des conseils régionaux, des conseils généraux et des communes.

Je ne saurais donc que souhaiter que vous n'alliez pas trop vite. Le 21 avril a montré combien notre pays avait besoin d'une transformation. Mais ce n'est pas parce que le temps presse qu'il faut se précipiter ! (Sourires) Nos concitoyens sont passionnés par ce débat ; or, on leur annonce que les projets de loi sont prêts avant même qu'ils aient eu le temps de s'exprimer. La France a déjà su faire appel à l'intelligence des c_urs et au désir de ses citoyens de s'impliquer. En faisant de même aujourd'hui, nous nous donnerions plus de chances de mener à bien une entreprise difficile. Cela dit, il reste vrai que si l'on n'agit pas vite, on n'arrive jamais à rien, et que nous avons la chance d'avoir un vrai spécialiste en charge de ces affaires...

Pour illustrer mon propos sur les services publics, je voudrais prendre l'exemple de la Poste, de ses 300 000 salariés et de ses 17 000 guichets. L'ouverture à la concurrence du secteur du courrier touche 60 % de ses revenus. Que va-t-il advenir ? Alors que l'on parle de la fermeture de la moitié des centres de tri, je vous demande de veiller à la cohésion nationale. Un des maires de mon canton a dû, cet été, distribuer lui-même le courrier deux jours par semaine, parce qu'il n'y avait pas de facteur ! Nos concitoyens ont le sentiment de n'avoir jamais été aussi abandonnés dans un pays qui n'a jamais été aussi moderne...

La DATAR, c'est une grande histoire dans notre pays. Parfois, je l'aime, parfois un peu moins... (Rires) Mais elle est irremplaçable lorsqu'elle sert de tête chercheuse et soutient tous ceux qui ont envie d'aller de l'avant !

Il faut s'intéresser aussi aux voies de communication. Nos enfants ne voudront bientôt plus monter en voiture, tant il y a de camions sur les routes. On a dit impossible d'interdire aux gens de fumer dans les avions, mais c'est aujourd'hui acquis. Il faut agir avec la même détermination, parce que la situation se dégrade très vite. Il faut soutenir la coopération entre la route et le train, et je vous souhaite du courage car cela ne se fera pas du jour au lendemain.

Enfin, le Président de la République et le roi d'Espagne s'apprêtent à inaugurer le tunnel du Somport. Mais absolument rien n'est prêt du côté français ! Les Espagnols, eux sont prêts depuis dix ans et se font une fête de cette inauguration, tandis que nous devrions plutôt nous faire représenter par le sous-préfet d'Oloron-Sainte-Marie... (Rires)

Bon courage, Messieurs les ministres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Yves Deniaud - Le budget qui nous est présenté est nécessairement un budget de transition : l'approfondissement de la décentralisation va en effet modifier le paysage, et ce département ministériel en a encore plus besoin que d'autres. Malgré le coup d'éclat qu'a semblé être, à l'époque, la loi Pasqua, l'aménagement du territoire connaît en effet une lente agonie. La fossilisation des structures et des méthodes a été aggravée, depuis cinq ans, par un désintérêt politique complet, que n'a pas masqué la frénésie textuelle de la dernière législature : son dernier conseil des ministres a vu la publication d'une logorrhée de 1600 pages au Journal officiel , concernant les schémas de services collectifs qui auraient dû servir de matrice aux contrats de plan Etat-région conclus depuis deux ans et demi !

Aujourd'hui, ce n'est même plus le montant des budgets qui importe, puisque la machine est incapable de dépenser les 280 millions qu'elle obtient bon an mal an. Pire, elle nous prive d'une bonne part des 3,3 milliards de crédits européens qui nous sont attribués ! Comment pourrons-nous réclamer leur maintien après l'élargissement ? Mme Thatcher disait « I want my money back », mais nous, nous n'avons jamais dépensé ce qu'on nous a donné !

Il y a de quoi être désabusé. Heureusement, nous savons qu'il est vital pour la France de maintenir l'équilibre entre une urbanisation maîtrisée et ses territoires ruraux, les plus vastes et les plus variés d'Europe, qui représentent une chance exceptionnelle pour notre pays, mais lui imposent aussi un effort particulier en termes d'infrastructures et de services publics.

Monsieur le ministre, nous croyons en votre volonté de changer le destin. Il faudra pour cela revoir toutes les structures, de l'administration centrale aux services extérieurs. Il suffira déjà de tenir compte de la réalité : nous avons un commissariat général au plan, mais plus de Plan ! Qui ne voit que son regroupement avec la DATAR s'impose et que l'ensemble des mécanismes de distribution des primes et des aides est à revoir ? Les retards inadmissibles constatés dans la consommation des crédits sont dus à la lourdeur de nos propres procédures : ne nous cachons pas derrière l'Europe ! Je souhaite que notre assemblée analyse les raisons de ce gaspillage et fasse des propositions de réforme - comme, par exemple, le transfert aux régions du FNADT et des fonds structurels. Les conseils régionaux sont déjà, je le rappelle, les collectivités d'attribution de l'aménagement du territoire.

Je plaide aussi pour une clarification des règles. Entre les lois Voynet, Chevènement et SRU, la définition des agglomérations diffère, quand il ne devrait y en avoir qu'une : le périmètre librement choisi par les collectivités qui se sont associées. En ce qui concerne les pays, il faut en revenir à l'esprit de la loi Pasqua : une structure souple, réduite, qui harmonise les projets et aide à leur montage financier. Nous devons lutter contre l'inflation des coûts administratifs, qui nuisent à l'investissement. Il est scandaleux que, pour la mise en _uvre d'un contrat « Leader-Plus » permettant d'obtenir une subvention d'un million d'euros, l'administration centrale exige d'un pays l'embauche de deux agents pour assurer sa gestion !

Vous avez la volonté de simplifier, de clarifier, de libérer les énergies... Nous ferons tout pour que le Parlement éclaire et dégage votre chemin. Je gage que, dès l'exécution du budget 2003, nous en constaterons les heureux effets (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Nicolas Forissier - On peut porter un jugement assez sévère sur la politique d'aménagement du territoire menée ces cinq dernières années : réduction des crédits des PAT, des zonages, lourdeurs dans la mise en _uvre des contrats de plan, mauvaise consommation des fonds structurels européens. Je salue donc, Monsieur le ministre, votre volonté de recadrage.

Vous avez fait un effort très sensible en ce qui concerne les fonds structurels européens. La réforme des procédures est importante, mais il faut aussi mieux aider les collectivités locales à monter leurs projets, car elles manquent d'ingénierie, de cadres. Quant aux retards de paiement, ils doivent également être réduits, car les coûts de portage financier sont insupportables pour les collectivités.

L'attractivité, la compétitivité de nos territoires sont un objectif essentiel. Méfions-nous néanmoins de mesures trop brutales. Il ne me paraît pas à propos de réduire les crédits de l'agence française pour les investissements internationaux, comme l'idée en circule. Veillons plutôt à renforcer les synergies effectives entre l'agence et les autres structures qui concourent à la promotion de l'économie française à l'étranger.

Nous devons par ailleurs nous employer à réduire la « fracture numérique ». Le CIADT de Limoges avait annoncé son achèvement prochain de la couverture du territoire par la téléphonie mobile ; deux ans après, un seul pylône nouveau a été planté en Ardèche !

M. François Sauvadet - C'est vrai !

M. Nicolas Forissier - Vous avez su débloquer cette situation, grâce à votre engagement personnel. L'accord conclu le 23 septembre dernier entre les trois opérateurs est important, mais il faut rester prudent, car l'évaluation du niveau de couverture atteint est pour le moins variable. Selon le cabinet SAGATEL, qui me paraît pêcher par optimisme, seules 1 480 communes ne seraient pas couvertes ; selon l'ART, ce sont 5 000 à 6 000 communes qui seraient dans ce cas. En réalité, si l'on veut offrir à tous nos concitoyens un égal accès à la téléphonie mobile dans de vraies conditions de concurrence, ce sont quelque 15 000 à 16 000 communes dont il faut assurer ou améliorer la couverture, sous peine de voir se creuser encore le fossé numérique. Nous devons mettre en place un observatoire permanent, car raisonner à un horizon de vingt ans est parfaitement illusoire, dans un domaine où l'on ignore comment les technologies auront évolué d'ici un an.

Le rôle de l'Etat doit être mieux défini. Le CIADT de Limoges avait abouti à demander aux collectivités les plus fragiles de payer pour assurer leur propre couverture et rattraper leur propre retard ! Certes nous pouvons mobiliser les fonds européens, mais ce n'est qu'une demi-réponse.

En ce qui concerne l'Internet, la délégation remettra ses conclusions dans quelques semaines. Il semble d'ores et déjà essentiel d'exiger de France Télécom une plus grande transparence quant aux coûts facturés aux opérateurs alternatifs et aux fournisseurs d'accès, de stimuler la concurrente entre opérateurs dans le domaine des hauts débits et de revoir le mode de calcul du coût du service universel pour les bas débits - lesquels concernent 90 % des utilisateurs d'Internet. C'est à ces conditions que les zones rurales auront accès au réseau. Je vous remercie, Monsieur le ministre, de bien vouloir y veiller (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Serge Poignant - Vous avez rappelé, Monsieur le ministre, trois objectifs principaux que je fais pleinement miens : une plus grande attractivité du « site France », une meilleure anticipation des mutations à venir, une réelle solidarité entre les territoires. L'année 2003 sera décisive, car elle verra la seconde étape de la décentralisation, à laquelle vous prendrez, Monsieur le ministre, toute votre part. Vous avez indiqué votre volonté d'engager à cette occasion la modernisation de l'ensemble de la politique d'aménagement du territoire.

Un nouvel élan est nécessaire pour adapter la France à son temps. Permettez-moi d'affirmer que la commune est et doit rester le fondement de notre démocratie. Or les maires, faute de moyens, ont de plus en plus de mal à jouer leur rôle, surtout en milieu rural - président d'une association départementale de maires, je sais que je m'adresse à l'ancien président de l'association des maires de France... Pour moi, l'intercommunalité doit continuer de relever de la liberté des élus. Or, l'empilement des lois Voynet, Chevènement et Gayssot a multiplié les structures et les réunions. Les communautés urbaines sont devenues de lourdes machines technocratiques (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

S'agissant des pays, je veux rappeler que nous n'avons pas attendu la loi Voynet pour les créer. Vous connaissez mon attachement à ces territoires de projets, unissant le monde rural, le monde urbain et le monde périurbain. Je préside un pays depuis vingt ans, et je peux affirmer que la loi Voynet n'a fait que compliquer les procédures (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP).

En matière de fiscalité locale, la recentralisation financière de ces dernières années a limité les capacités de développement des collectivités territoriales. Le remplacement de nombreuses recettes propres par des dotations de l'Etat a réduit leur autonomie financière, et elles ont d'ailleurs dû, la compensation n'étant pas totale bien que son montant ait été multiplié par treize depuis 1983, accroître leur pression fiscale. Une modernisation des prélèvements intercommunaux s'impose pour que la fiscalité locale soit plus lisible.

Il faut aussi réfléchir à la structure et à l'évolution de la dotation globale de fonctionnement. Qui dit aménagement du territoire dit équité. Votre rôle, Monsieur le ministre, sera d'améliorer la péréquation, car beaucoup craignent que l'accentuation de la décentralisation ait pour effet de creuser des fossés entre les régions. La loi du 5 février 1995 avait fixé des règles précises pour l'éviter, mais ces dispositions, qui n'ont pourtant pas été abrogées par la loi Voynet, sont restées lettre morte. Comptez-vous reprendre ce dossier ? Il est urgent de raffermir la solidarité nationale.

Une délégation de l'Assemblée à l'aménagement du territoire a été créée sous la précédente législature pour donner des avis sur les schémas de services collectifs. Mais, en l'absence de tout schéma national, l'Etat n'a pas joué son rôle. Va-t-il le faire désormais, tout en respectant la liberté des collectivités territoriales, à travers un contrôle a posteriori de l'utilisation des crédits ?

Comment, par ailleurs, comptez-vous améliorer la consommation des nombreux fonds qui, en raison des lourdeurs procédurales, sont sous-utilisés ?

Une bonne décentralisation doit s'accompagner d'une bonne déconcentration, d'une réforme de l'Etat et d'une réforme de la fonction publique. Il s'agit d'un vaste chantier, mais je connais vos compétences et votre détermination. Nous comptons sur vous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Claude Lenoir - Je viens vous parler de mon pays. Mais je veux d'abord adresser un compliment à la DATAR. Il n'est guère habituel qu'un parlementaire complimente une administration, mais celle-ci est d'une rare compétence et je salue son action !

M. François Sauvadet - Où çà ? (Sourires)

M. Jean-Claude Lenoir - Les pays ont été constitués conformément aux lois Pasqua et Voynet. Laissez-les vivre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) J'entends dire en effet qu'il faudrait modifier l'articulation entre les différentes lois qui les régissent.

L'organisation en pays ne s'impose pas partout, mais elle est nécessaire chez moi : il s'agit d'un territoire rural divisé en un grand nombre de communes. Le pays n'est autre, en vérité, qu'une fédération de communes, voire de communautés de communes, qui ne disposent pas de moyens à la hauteur des problèmes à résoudre pour répondre aux attentes de nos concitoyens et développer le territoire.

Le monde rural est défavorisé sur ce plan, d'autant que la loi Voynet a aggravé l'écart avec les villes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Sauvadet - C'est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir - L'ancienne majorité défendait l'idée que les agglomérations devaient prendre le pas sur le monde rural (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous attendons du nouveau gouvernement qu'il nous donne les moyens de fonctionner et d'exister (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). D'ailleurs, les Français souhaitent revenir s'installer en milieu rural, à condition toutefois d'y trouver des équipements publics et des services modernes.

Or, pendant la dernière campagne électoral, je me suis aperçu que, sur les 205 communes de ma circonscription, 150 ne sont pas couvertes par le réseau de téléphonie mobile !

M. Jean-Pierre Balligand - Il faut changer le député ! (Sourires)

M. Jean-Claude Lenoir - De la même manière, le haut débit n'y est pas accessible.

Je vous ai parlé de mon pays, Monsieur le ministre, car j'espère vous y accueillir prochainement (Sourires). C'est dans le Perche, en effet, que va se tenir le congrès des pays engagés dans la procédure « Leader-Plus ».

J'aurai plaisir à vous y dire à quel point nous attendons des mesures en faveur de la solidarité nationale, car elles décupleront les énergies.

Je conclurai en affirmant ma confiance en ce gouvernement pour répondre aux attentes des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 25.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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