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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 20ème jour de séance, 52ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 7 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT ET
      AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE,
      SERVICES DU PREMIER MINISTRE ET
      BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS (suite) 2

      QUESTIONS 13

      SERVICES DU PREMIER MINISTRE 19

      I - SERVICES GÉNÉRAUX 19

      APRÈS L'ART. 72 26

      PLAN 27

      AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE 29

      TITRE IV 29

La séance est ouverte à quinze heures.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT
ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, SERVICES DU PREMIER MINISTRE
ET BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS (suite)

M. le Président - Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire ainsi que de ceux inscrits aux services du Premier ministre et au budget annexe des Journaux officiels.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - Je tiens tout d'abord à saluer la qualité des interventions de ce matin, auxquelles je répondrai dans un instant.

Comme l'a souligné Georges Tron, mon propos se réduirait à une présentation technique de moyens assez modestes si je me tenais aux seuls crédits de mon administration. Mais mon propos sera plus vaste, à la mesure de l'action d'influence que nous exerçons, Henri Plagnol et moi-même, dans le sens d'une plus grande efficacité du service public.

Pour la première fois, dans un souci de cohérence, le Premier ministre a défini un périmètre englobant la fonction publique, l'aménagement du territoire et la réforme de l'Etat. S'agissant d'abord de l'agrégat fonction publique et réforme de l'Etat, les crédits de mon ministère ne représentent qu'une petite part de l'ensemble des dépenses de personnel : 211,2 millions d'euros face à plus de 113 milliards d'euros. De même, pour les effectifs : la direction de la fonction publique et la délégation à la réforme de l'Etat comptent seulement 144 emplois sur un total de 2,2 millions de fonctionnaires. Je rends d'ailleurs hommage à ces services qui savent faire preuve d'efficacité malgré la modicité de leurs moyens. Conformément au souci de vérité comptable du Gouvernement, nous utiliserons les reports de crédits non consommés pour ne pas demander de nouveaux crédits. Ainsi, le fonds pour la réforme de l'Etat bénéficiera d'un montant garanti de 5,73 millions d'euros, ce qui portera les crédits utilisables à 20 millions d'euros, soit un volume de crédits réellement consommables supérieur à celui de 2002. Plutôt que d'afficher sans réaliser, nous optons pour des contrats d'objectifs.

Je veux souligner également l'augmentation de 5,5 millions d'euros des crédits affectés aux prestations de l'action sociale interministérielle ainsi que la hausse de près de 50 % des crédits affectés à l'insertion des handicapés (Approbations sur les bancs du groupe UMP).

Obéissant à la même logique, les crédits de l'aménagement du territoire regroupent les moyens de la DATAR et les crédits d'intervention. Voulue par le général de Gaulle, la DATAR, qui aura 40 ans en 2003 et à laquelle je rends hommage, a fait l'objet de critiques auxquelles nous allons, dans le cadre d'une mission confiée à un nouveau délégué, essayer de répondre.

Les moyens consacrés à l'aménagement du territoire comprennent ceux du fonds national d'aménagement durable du territoire, pour lequel la même rigueur s'appliquera. Le contrat d'exécution conclu avec le ministre du budget permet de maintenir en 2003 un niveau de 90 millions d'euros sur le titre IV du FNADT, dont 60 millions en loi de finances initiale. Pour le titre VI, le montant garanti en 2003 s'élèvera à 150 millions en crédits de paiement, contre 133 millions en 2002.

De même, nous disposons d'un montant garanti de 60 millions de crédits de paiement sur la prime d'aménagement du territoire au lieu de 45 millions en LFI. En autorisations de programme la capacité d'intervention de la PAT ne change pas. Même si elle doit être réformée, celle-ci demeure donc efficace. La réforme de l'Etat a pour ambition de moderniser la fonction publique en la rendant plus attractive. Trois principes doivent être respectés : efficacité du service public, satisfaction de l'usager, épanouissement du fonctionnaire. L'efficacité du service public suppose la maîtrise de la gestion des administrations.

La question des effectifs n'est pas un préalable à la réforme de l'Etat mais découle des exigences budgétaires et de choix politiques. Afin de responsabiliser les ministères, je souhaiterais un débat annuel avec chacun sur ses missions et ses moyens. Mais il est nécessaire au préalable de bien connaître les effectifs : le rapport de l'observatoire de l'emploi public est à la disposition de tous les parlementaires. Il faut qu'on en finisse avec ces plaintes de ministres ignorant les moyens et le nombre d'agents mis à disposition. Nous n'avons rien à redouter de la transparence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pierre Cohen - Et les emplois fictifs ?

M. le Ministre - En complément, il sera prochainement demandé aux ministres de remplir des tableaux de bord et de présenter des plans de modernisation de leur administration.

Un Etat efficace se doit d'être proche de ses citoyens, et centré sur ses missions essentielles. La décentralisation va dans ce sens, puisqu'elle permettra de supprimer des fonctions inutiles de l'Etat et l'obligera à réorganiser ses services aux niveaux régional et départemental.

Mais la décentralisation ne se résume pas à la réforme de l'Etat. Il faut, à ce sujet, tordre le cou à certaines idées fausses : non, la décentralisation ne laissera pas les collectivités locales libres de danser sur les dépouilles de l'Etat ! Non, la décentralisation ne sera pas l'occasion pour l'Etat de se défausser de ses missions sur les collectivités territoriales ! Ce dont il s'agit, c'est de trouver un équilibre entre proximité et cohérence de l'action, pour offrir aux citoyens, aux contribuables, aux usagers les meilleurs services possibles. Je tiens à souligner qu'en matière de décentralisation, liberté et égalité sont parfaitement compatibles. Nous inscrirons d'ailleurs le principe de la péréquation dans la Constitution.

Je tiens par ailleurs à rassurer les fonctionnaires de l'Etat sur la manière dont seront réalisés les transferts de personnel liés à la décentralisation. J'ai reçu du Premier ministre le mandat d'engager des discussions à ce sujet avec leurs syndicats. Elles s'ouvriront dès que possible et seront relayées, au niveau local, par des ateliers que conduiront les préfets.

J'ai aussi ouvert le dossier de l'inter-fonction publique. Je souhaite en effet aborder au plus vite les questions qui concernent les trois fonctions publiques, et je réunirai à cette fin, au début de 2003, une conférence des trois conseils supérieurs. Ainsi sera favorisée une vision d'ensemble qui a trop longtemps fait défaut et qui doit tendre à valoriser tout ce qui concourt à leur unité, dans le respect de leurs différences. Puisque, à l'avenir, des mouvements importants auront lieu entre les fonctions publiques, tout ce qui entrave la mobilité doit être réduit.

D'ici la fin du mois, j'engagerai avec les syndicats des fonctionnaires de l'Etat un cycle de discussions sur la gestion des ressources humaines visant à renforcer l'attrait de la fonction publique, à la préparer aux changements et à renforcer la motivation des agents. C'est d'autant plus nécessaire que, déjà, certaines collectivités éprouvent le plus grand mal à recruter les compétences qui leur sont indispensables.

M. François Sauvadet - C'est exact !

M. le Ministre - Les négociations porteront sur les modes de recrutement dont on peut se demander s'ils sont toujours les meilleurs, sur la validation des acquis professionnels, sur la formation et sur les parcours de carrière. A ce sujet, nous devrons réfléchir à la possibilité d'une seconde carrière.

S'agissant de la formation, je rappelle qu'elle n'est pas un coût mais un investissement. J'ai l'intention de la renforcer, en commençant par la formation initiale dispensée dans les écoles de fonctionnaires, sans remettre en cause la tradition française des écoles d'application avec, au premier rang, l'école nationale d'administration dont il ne m'a pas échappé que vous souhaitiez débattre de son évolution (M. Giscard d'Estaing, rapporteur spécial, acquiesce).

Ce système me semble préférable à une formation de type universitaire car nous avons besoin de professionnels formés par des praticiens. Nous voulons donc maintenir ce système, fondé sur l'accès par concours, gage d'égalité des chances. Pour autant, nous sommes conscients qu'il faut faire évoluer le contenu de la formation initiale ; aussi ai-je demandé à la direction de l'école d'y travailler. Le sujet dépasse largement les clivages partisans. Quant à la formation continue, elle devrait devenir obligatoire pour les cadres des trois fonctions publiques appelés à prendre de nouvelles responsabilités.

S'agissant de la fonction publique territoriale, j'ai formulé devant le conseil supérieur plusieurs propositions visant à assouplir la gestion des collectivités tout en donnant satisfaction aux personnels. Il faudra, en particulier, s'interroger sur la validité de la barrière de l'âge : pourquoi les collectivités devraient-elles continuer de se priver de compétences pour cette seule raison ?

Je constate par ailleurs que le système actuel de formation initiale n'est pas satisfaisant. Il faut s'orienter vers la notion d'élève-stagiaire en formation, et décider que l'agent stagiaire ne pourrait quitter sa collectivité d'accueil qu'au terme d'une période donnée, fixée par décret, et qui pourrait être de trois ans. Si l'agent souhaite partir avant ce terme, la collectivité locale qui a assumé sa formation devra être remboursée des frais qu'elle a engagés.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Très bien !

M. le Ministre - Il conviendra encore, pour favoriser la mobilité, de définir un « véhicule statutaire » tel que les agents ne rechigneraient plus à changer d'affectation, sachant qu'ils ne perdraient aucun des avantages liés à leur statut.

Je souhaite également revoir l'organisation de la gestion, notamment en envisageant le regroupement volontaire des centres de gestion. De fait, une remise à plat s'impose, car ce sont les structures qui doivent s'adapter aux problèmes, et non l'inverse ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Je ne conclurai pas sans évoquer le délicat sujet des retraites, dossier que le Gouvernement a décidé d'ouvrir au début de l'année prochaine en visant les trois objectifs fixés par le Premier ministre : garantir l'équité entre les régimes, assurer la solidarité entre les générations et laisser la liberté du choix de la date de départ. Je reçois des dizaines de lettres de fonctionnaires qui m'expliquent vouloir poursuivre leur carrière une année ou davantage, et qui n'en ont pas le droit. Il faut mettre un terme à cette incohérence. Une fois engagé le débat interprofessionnel, je conduirai des discussions à ce sujet avec les syndicats de la fonction publique.

J'en viens aux grandes lignes de notre politique d'aménagement du territoire. Trois principes doivent guider nos choix : l'attractivité des territoires, l'anticipation des mutations et la solidarité géographique. Cela suppose de renouer avec le réalisme et d'en finir avec l'affrontement stérile entre ville et campagne qu'a suscité l'aveuglement idéologique. Le temps est venu d'introduire une culture de projet, et donc d'évaluation, pour réorienter les actions peu probantes.

Nous nous sommes très vite attelés à faire fonctionner correctement ce qui était en panne. Je fais évidemment allusion aux fonds structurels européens, sous-consommés au point que la France était à nouveau menacée de devoir restituer à Bruxelles de fortes sommes. Dans le passé déjà, nous avons perdu des crédits importants, au titre des fonds sociaux européens notamment,...

Un député UMP - C'est un scandale !

M. le Ministre - ...parce que c'est une des facettes du génie français que d'ajouter des contraintes nationales aux contraintes communautaires (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Dès le 31 juillet, nous avons décidé que les crédits issus des fonds structurels européens seraient délégués aux préfets de région.

Nous avons inversé la hiérarchie au niveau de la DATAR et des SGAR, nous avons mis en place une force d'ingénierie à la disposition des porteurs de projets. Nous réunissons tous les mois des SGAR et si vous avez un souci, nous sommes à votre disposition pour y remédier. Nous devons mettre en place un Etat partenaire, accompagnateur des porteurs de projets. Au moment où la compétitivité des territoires est importante, il n'est pas supportable que les crédits obtenus au titre des fonds structurels européens soient sous-consommés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous voulons libérer vos initiatives et nous mettre au service de vos projets.

M. Jean-Jacques Descamps - Il faut changer les préfets !

M. le Ministre - Ce n'est pas une question d'hommes mais de structures. Vous pouvez avoir le meilleur pilote, si le moteur de sa voiture n'a pas été débridé, il n'avance pas ! Nous voulons sur les territoires de plus en plus de Schumacher ! (« Excellent ! » sur les bancs du groupe UMP)

La même démarche a été appliquée à la téléphonie mobile. Le précédent gouvernement, à l'occasion du CIADT de juillet 2001 et dans les mois qui ont suivi, après avoir affiché un plan de couverture des zones délaissées par les opérateurs, en avait limité la portée géographique sans avoir obtenu les assurances que le dispositif soit juridiquement viable et garanti la présence effective des services des trois opérateurs sur ces zones. La crise des licences UMTS a finalement conduit le gouvernement précédent à demander aux opérateurs de payer à la place de l'Etat. Mais contrairement à ce que disait ce matin M. Launay, le Gouvernement a accepté le principe qu'il n'y ait sur certaines zones du territoire qu'un seul opérateur ! (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP) A partir du moment où ils supportaient l'essentiel de la charge financière, les opérateurs ont pu exiger d'obtenir une situation de monopole dans certains sites. Dès le 24 septembre, nous avons pu obtenir un accord avec les trois opérateurs pour réintroduire le principe de l'itinérance locale. Les opérateurs-payeurs avaient en effet obtenu que soit retenu le principe beaucoup moins favorable de la mutualisation qui ne permet d'avoir qu'un seul opérateur sur le même poteau en fonction de ce qu'il paye. Nous avons fait en sorte que l'Etat et les collectivités locales participent à hauteur de 88 millions - c'est à dire moins qu'il n'était prévu en juillet 2001. Et nous avons réuni hier à la DATAR un comité de pilotage, chargé de dégager la marche à suivre pour que l'objectif de 238 poteaux et de 1 638 communes couvertes soit atteint dans les meilleurs délais. La dynamique est en marche, le processus est engagé et nous nous fixons pour objectif d'aller bien au-delà. Nous avons contacté la Commission européenne pour que des fonds européens puissent être mobilisés sur ce projet, après modification des DOCUP.

Arrivés en mai, nous avons pris les premières décisions en juillet. Et avant la fin de l'année devrait être réglé un problème resté en souffrance depuis deux ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Ce premier volet de la politique d'aménagement numérique des territoires introduit le chantier du déploiement de réseaux de télécommunications à haut débit. J'ai souvent été saisi à ce sujet par MM. Forissier et Martin-Lalande. Nous accompagnerons les collectivités en leur donnant les moyens juridiques de l'initiative, en veillant à la cohérence de ces interventions, au développement de la concurrence et à l'accès aux financements européens, en sus des fonds mobilisés par la Caisse des dépôts. Ces deux exemples illustrent notre méthode : pragmatisme, efficacité, sens du terrain, partenariat. J'y ajouterai le souci du long terme, sans oublier le réalisme et le respect de la parole donnée. Dans le cas des contrats de plan Etat-région, nous nous orientons vers la révision à mi-parcours, au 31 décembre 2003, à budget constant, comme cela était prévu. Cela dit, je ne peux que m'étonner de la technique qui consiste à inscrire dans certains contrats des actions qui n'ont objectivement aucune chance de démarrer avant la fin du contrat ! Inutile de se faire plaisir avec des effets d'annonce si, à la fin du contrat, le bilan des réalisations est à zéro ! (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP)

L'argent public doit être mobilisé sur des réalisations qui servent vraiment l'intérêt général, pas sur celles qui ne servent que des intérêts électoralistes. Les CPER devront donc être révisés avec pragmatisme et en toute transparence.

Dans le même esprit, la DATAR a été chargée par le Premier ministre de conduire une étude sur les infrastructures de transport dans le futur, qui donnera lieu, l'an prochain, à un débat devant le Parlement. Il s'agit d'un enjeu de développement tout à fait essentiel. A l'heure de la mondialisation des échanges et de l'expansion de nouveaux marchés, nos infrastructures doivent pouvoir supporter des flux de trafic sensiblement plus importants qu'aujourd'hui. Là encore, le réalisme et l'ambition s'imposent. Dans certains CPER figuraient des projets qui n'auraient pu être réalisés avant 75 ans !

La France a la chance de disposer d'espaces disponibles mais pour éviter tout risque de thrombose, il faut que notre territoire soit mieux irrigué par des infrastructures capables d'absorber le surcroît de trafic généré par la mondialisation. En matière d'économie de la logistique, la France doit prendre le leadership !

Nous devons aussi faire évoluer sans plus attendre notre outil d'aménagement du territoire. Nous allons regarder ce qu'il convient de faire avec les relais locaux de la DATAR, la décentralisation faisant certainement basculer un certain nombre de compétences économiques vers la région. A cet égard, je rappelle l'effort accompli pour rénover le dispositif national d'attraction des investisseurs étrangers, fondé sur l'AFII et sur un réseau de correspondants territoriaux régionaux. Il n'est pas envisageable de supprimer de tels outils. Leur disparition conduirait nécessairement à une aggravation des inégalités entre les territoires. Dans un contexte économique difficile, l'effort doit donc être poursuivi. L'AFII, exemple de réforme des services de l'Etat, a fait la preuve de son efficacité. De même, il importe que les commissariats au développement économique - à ce jour présent dans dix-huit régions dont quinze entièrement couvertes - adaptent leur action aux évolutions de compétences en matière économique.

Il faut aussi ouvrir le dossier des fonds structurels et des outils d'intervention de l'après 2006. A cet égard, nos partenaires européens seront extrêmement attentifs à notre capacité de consommer les crédits de la période 2000-2006. Si nous nous présentons dans la négociation avec une sous-consommation chronique de ces crédits, nous ne pourrons pas faire valoir nos arguments tendant à poursuivre notre politique de cohésion territoriale et structurelle de l'Europe ! Dans l'intérêt des territoires, consommons les crédits 2000-2006 ! Avant la fin de l'année, nous déposerons un mémorandum pour préciser la position de la France sur les fonds structurels après 2006. Nous y travaillons conjointement avec le commissaire européen Michel Barnier.

Il est impératif de mieux anticiper que par le passé les mutations des territoires. Ainsi, l'accroissement du coût du travail induit par les 35 heures conduit les employeurs à rendre des arbitrages défavorables à l'emploi, voire à délocaliser l'activité ! La main-d'_uvre insuffisamment formée est rejetée aux marges du marché du travail, quand elle n'en est pas exclue. Prévoir la transformation des territoires, c'est prévenir les crises que nous sommes aujourd'hui contraints de traiter dans l'urgence. Il faut tout faire pour éviter que se généralise une situation qui touche aujourd'hui plusieurs points sur la carte de notre pays : certains territoires enregistrent plus de transferts que de créations de richesse. Dépendants de la solidarité nationale, ils sont, malgré leurs atouts, devenus fragiles.

Nous aurons bien évidemment à réfléchir aux politiques à mener en faveur de territoires particuliers. S'agissant de la montagne, une étape importante sera franchie le 13 novembre avec l'installation d'un conseil national qui n'avait pas été réuni depuis un an.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques - Très bien !

M. le Ministre - J'en attends un échange riche et constructif, une évaluation des dispositifs existants et des propositions pour l'avenir, étant entendu que la culture du projet doit l'emporter sur celle de la subvention. Les commissariats de massif devront être porteurs d'un projet global, l'exécution relevant des structures locales et régionales concernées.

J'ai déjà procédé au renouvellement de la commission littoral du conseil national de l'aménagement et du développement du territoire, commission qui doit me remettre un livre blanc faisant le point sur les mesures prises en 2001, mais comportant également des propositions.

Pour ce qui est de l'aménagement rural, j'entends dépasser l'opposition entre ville et campagne pour obéir à une logique de la complémentarité et du développement partagé. M. Gaymard et moi-même serons soucieux de rendre les territoires ruraux attractifs, grâce à la présence de services publics : vous pourrez le constater dans le projet de loi que nous préparons de concert.

Plus généralement, notre politique vise au développement durable et je souhaite à cet égard lever les doutes de M. Braouezec : nous faisons bien évidemment nôtres les engagements pris par le Président de la République à Johannesburg, car il est clair qu'un tissu économique fragile, c'est aussi un tissu social fragile et un environnement fragile. Ainsi on voit bien, dans certains territoires, les effets de la production agricole sur l'état de la ressource en eau, cependant que le non-respect de l'environnement entraîne des difficultés pour nos industries. Il faut donc concilier les préoccupations économiques, sociales et environnementales, et nous avons demandé à la DATAR d'inclure dans ses analyses une réflexion sur les questions écologiques. Il vous reviendra ensuite de choisir entre différents scénarios, par exemple en matière de transports, en pondérant les impératifs de non-pollution, de sécurité et de rapidité.

Enfin, il va de soi que notre ministère est engagé dans le grand mouvement de décentralisation, qui conduira à inscrire dans la Constitution la solidarité entre territoires. Nous participons ainsi aux réflexions sur les transferts de compétences. La DATAR sera un des pilotes des expérimentations, qui seront menées avec pragmatisme et en dialogue avec les élus et les organisations syndicales.

Nous sommes de même partie prenante au grand chantier qui consiste à remettre de la cohérence dans les lois sur l'intercommunalité et sur l'aménagement du territoire et la loi SRU. Nous n'entendons pas pour autant critiquer systématiquement l'action du précédent gouvernement : l'intelligence étant partagée par tous, nous avons tout intérêt à faire preuve de modestie et de tolérance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mais l'inverse, et je le dis à l'opposition, défendre à tout prix les décisions de son camp peut être contraire au réalisme politique. Sachons entendre l'exaspération des élus locaux qui ne comprennent plus rien à l'accumulation des lois récentes, SRU et autres.

M. Pierre Cohen - Ils comprennent de mieux en mieux !

M. le Ministre - S'agissant des pays par exemple, nous avons clairement indiqué qu'il s'agissait d'espaces de projet et qu'il fallait respecter la volonté des élus lorsqu'ils nourrissaient une ambition collective. Dès lors, il paraît absurde de commencer par leur imposer des contraintes et des procédures, de sorte qu'ils doivent consacrer deux ans à définir un périmètre au lieu de s'investir dans le projet lui-même ! (M. Patrick Ollier approuve) Nous souhaitons donc faire sauter ces verrous en respectant la liberté des élus et en mobilisant au plus vite les crédits, en tout cas en évitant de faire de la question un enjeu de pouvoir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Cessons de monter des usines à gaz et de multiplier les réunions où l'on ne décide pas : la priorité doit être à l'action. Ne confondons pas démocratie et prolifération des lieux de pouvoir, qui deviennent au bout du compte des lieux de non-pouvoir ! (Même mouvement)

M. Jean Lassalle - Très bien !

M. le Ministre - S'agissant des services publics, je souhaite promouvoir une offre de services « territorialisés », efficaces et adaptés aux besoins du terrain. Nous devons réfléchir à l'utilisation que nous pouvons faire des nouvelles technologies : elles permettent notamment de déconnecter l'organisation publique de l'organisation administrative. Nos concitoyens attendent une simplification des démarches et, surtout, qu'on traite leurs demandes de façon rapide et sûre : nous pourrions donc développer une administration proche, en front-office, pour l'accueil, et en back-office, des pôles de compétence réorganisés pour fournir l'intelligence administrative qui manque dans nos communes rurales.

M. André Chassaigne - Parlez français !

M. le Ministre - Cette mutualisation des moyens peut être une excellente façon de lutter contre l'inégalité des territoires : ce serait une première forme de péréquation.

La péréquation n'est pas uniquement financière, en effet. Actuellement, à l'échelle de l'Europe, l'écart de PIB se réduit entre pays mais, dans chaque pays, il se creuse entre les régions. D'autre part, alors que la répartition des revenus devient plus égalitaire sur l'ensemble des territoires, les inégalités s'aggravent entre communes d'un même canton ou quartiers d'une même ville. A une péréquation nationale doit donc s'ajouter une péréquation de proximité. Et, si nous prônons la péréquation en tant qu'élus locaux, nous ne pouvons la contester lorsqu'elle nous est défavorable.

Il nous faut concilier développement et gestion, égalité et liberté, création de richesses et solidarité, unité et diversité. En effet, en laissant les contradictions s'exacerber, nous ne pouvons aboutir qu'à l'immobilisme. Si, au contraire, nous parvenons à transformer nos différences en synergie et à faire collaborer un secteur public et un secteur privé également performants, nous verrons les débats devenir plus responsables, les Français moins usagers et davantage citoyens.

A présent, voici quelques éléments de réponse aux intervenants de ce matin. M. Tron a justement insisté sur la nécessaire sincérité du budget. Nous comptons beaucoup sur la représentation parlementaire pour nous guider dans la recherche de moyens adéquats. Quant à l'aide sociale, je suis d'accord pour ouvrir le chantier de l'individualisation. Ainsi, en ce qui concerne l'aide au logement, il est clair qu'une réflexion s'impose, ne serait-ce que pour faciliter le logement des fonctionnaires mutés : actuellement, beaucoup hésitent à s'installer même dans des régions attractives, en raison du coût des loyers. Mais la même exigence vaut sans doute pour les tickets-restaurant ou la construction de restaurants administratifs : on doit remettre en cause ce qui existe lorsqu'il y a moyen de faire plus intelligemment.

Le fonds pour la réimplantation administrative se réalimente lui-même ; compte tenu de la faible demande, ses crédits seront suffisants en 2003. Cependant, je suis disposer à analyser avec vous les possibilités de relocalisation.

Vous avez raison, il faut évaluer les pratiques de la décentralisation. Le directeur général de la fonction publique et moi-même serons très attentifs à ce que les transferts de compétences ne conduisent pas à un renforcement de la fonction publique territoriale sans réduction proportionnelle de la fonction publique d'Etat. La question est moins celle de la résistance opposée à ces transferts par l'administration centrale que celle de sa capacité d'adaptation. La décentralisation ne peut être une politique d'augmentation des coûts de fonctionnement, son efficacité dépendra bien plutôt de notre capacité à développer les investissements publics.

Oui, il faut introduire la notion d'usager, mais il faut aussi réveiller le citoyen chez nos concitoyens. Face aux services publics, ceux-ci se comportent trop uniquement en usagers. L'école n'est plus pour eux l'Ecole de la République, garante de l'égalité des chances, mais la « bonne » ou la « mauvaise » école - et beaucoup mettent ainsi leurs enfants dans le privé !

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour la fonction publique - Luc Ferry !

M. le Ministre - Il faut donc faire en sorte que nos services publics donnent satisfaction par leur efficacité, ce qui leur évitera d'être contestés.

A propos de la LOV, nous comptons beaucoup sur les exigences formulées par les parlementaires. Aucun débat n'est interdit.

Monsieur Derosier, j'ai cru sentir que vous présentiez davantage votre sentiment personnel que celui de la commission des finances...

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis - Vous avez bien compris !

M. le Ministre - Vous vous inquiétez de l'évolution des salaires dans la fonction publique. Dois-je rappeler que le dernier accord salarial remonte à 1998 ? Nous avons rétabli le dialogue, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'il aboutira. Mais nous négocierons sur les salaires, et aussi sur les retraites, dès le début de l'an prochain, une décision devant être prise en juin.

Les fonctionnaires sont-ils mieux payés que les salariés du secteur privé ? M. Braouezec ne supporte pas les attaques contre le secteur public. On ne peut pas réserver ses attaques au secteur privé et s'interdire toute critique contre le secteur public. Nous devons les réconcilier, car chacun a besoin que l'autre soit efficace et de qualité. Sortons de cette opposition systématique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Soyons exigeants envers l'un et l'autre.

Des amendements donneront lieu à débat sur la suppression de l'ENA. Louis Giscard d'Estaing a traité avec pertinence des fonds structurels européens et de leur efficacité, notamment au profit des zones de montagne, qu'il faut rendre plus attractives. L'exécution des contrats de plan subit des retards. De fait, un outil politique ne sert à rien s'il fonctionne mal, et nous n'avons pas à mobiliser des crédits qui ne seraient pas affectés.

M. Le Nay a parlé de la péréquation, et des doublons entre l'AFII et la DREE. Henri Plagnol répondra à Pierre Bourguignon sur les services publics. Je ne partage pas les inquiétudes de M. Braouezec sur la fonction publique, à laquelle nous sommes très attachés. Je salue, Monsieur Bénisti, le président de centre de gestion et son intelligente contribution qui nous permet d'apporter des réponses attendues pour la fonction publique territoriale.

François Sauvadet a bien rappelé que le premier tour des élections présidentielles avait révélé dans le milieu rural le sentiment d'être abandonné par l'Etat, et dans le milieu urbain une désespérance face à l'impuissance du service public à soulager l'inconfort quotidien. Si nous ne tenons pas compte de ces deux maux dramatiques, nous risquons de voir apparaître en 2004 au Parlement européen plus de partis de résistance populiste que de construction européenne. Jusqu'à présent, nous n'avons pas su répondre à l'inconfort du quotidien et à l'inquiétude de l'avenir. Pensez-y en permanence.

Sur tous ces points, et sur d'autres auxquels je n'ai pas répondu, je suis prêt à poursuivre la réflexion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat - Dans notre démarche de réforme de l'Etat, nous avons la chance, Jean-Paul Delevoye et moi, de bénéficier du soutien sans faille du Président de la République et du Premier ministre. Tous les élus ont en mémoire l'avertissement reçu au premier tour de l'élection présidentielle ; c'est l'impuissance de l'action publique qui nourrit le poujadisme et creuse le fossé entre les Français et les élus. C'est ainsi qu'il faut comprendre la création d'un secrétariat d'Etat à la réforme de l'Etat. Mon objectif est simple : rendre le service public plus efficace, plus attractif pour ses agents et plus proche des Français. La réforme de l'Etat n'est pas l'affaire d'un seul ministre. Elle engage tout le Gouvernement. C'est pourquoi le Premier ministre a constitué auprès de lui un comité de pilotage stratégique réunissant les ministres concernés. Lorsque le Garde des Sceaux annonce qu'il fixera un objectif de délai aux juridictions, il participe à la réforme de l'Etat. Il en va de même quand le ministre de l'intérieur décide de redéployer les effectifs de police et de gendarmerie pour mieux répondre aux besoins de la population.

Je suis convaincu que la réforme de l'Etat, pour réussir, doit d'abord être relayée par tous les agents de la fonction publique et c'est pourquoi moderniser la gestion des ressources humaines est un impératif catégorique. Mais la réforme concerne aussi tous les Français, et Jean-Pierre Raffarin veut recentrer les services publics à partir des attentes des usagers.

Bien entendu, la réforme de l'Etat est indissociable du grand mouvement de décentralisation et le Gouvernement fait en sorte que l'une progresse parallèlement à l'autre.

Nous attendons beaucoup du nouveau droit constitutionnel à l'expérimentation, précieux levier ancré sur le terrain.

Au reste, il n'existe pas une réforme de l'Etat, mais mille réformes de mille services publics. Il est urgent de « démythologiser » (Exclamations) la réforme...

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis - « Démythifier » serait meilleur !

M. le Secrétaire d'Etat - ...face au sentiment qu'un coup de baguette magique ou le grand soir résoudrait tout. C'est plutôt un travail de fourmi que nous avons à mener.

Tels sont les principes qui ont dicté la réorientation du modeste fonds pour la réforme de l'Etat. Nous avons souhaité que la dotation de ce fonds soit exemplaire, en la ramenant à 14,27 millions, auxquels s'ajoutent 5,7 millions de crédits reportés. Nous veillerons l'an prochain à ce que tous ces crédits soient consommés utilement. Nous sommes décidés à faire prévaloir une sélectivité plus stricte des priorités, une évaluation plus rigoureuse, un inventaire et une capitalisation des bonnes pratiques.

La première de nos priorités consiste à moderniser la gestion des ressources humaines ; Jean-Paul Delevoye en a parlé. En second lieu, nous sommes attachés à la réorganisation territoriale des services de l'Etat ; je souhaite comme Georges Tron que le fonds pour la réforme de l'Etat serve pour partie à accompagner sur le territoire le processus de décentralisation, en particulier dans l'évaluation des expérimentations.

Simplifier les structures et les procédures est notre troisième priorité. Là se trouve le c_ur de la réforme de l'Etat. Les Français ont en effet pour principale aspiration qu'on leur simplifie la vie. L'excès de complexité décourage les élus locaux, démobilise les fonctionnaires soucieux d'efficacité et est à la source de la plupart des malentendus entre nos concitoyens et le service public.

J'ai d'ailleurs été heureux de constater que ce sentiment était partagé sur l'ensemble de ces bancs. MM. Bénisti et Forissier ont particulièrement insisté sur ce point.

Pour avancer vite dans ce domaine prioritaire, le Premier ministre a choisi une méthode efficace. Nous vous présenterons, dès le début de l'année prochaine, un projet de loi d'habilitation pour légiférer par ordonnances. Dès le 8 août, le Premier ministre a demandé, dans une circulaire adressée à l'ensemble des ministres, des programmes de simplification. Nous avons reçu l'ensemble des contributions, dont nous allons faire la synthèse pour préparer la première loi d'habilitation. Je suis en mesure de vous dire que celle-ci améliorera les relations entre l'administration et les PME, commerçants et artisans, sur la base du travail réalisé par Renaud Dutreil. Mais certaines de ses dispositions concerneront aussi les particuliers, les mesures proposées par le ministère de l'intérieur permettant de compléter la loi du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens. Nous y ferons figurer enfin des mesures concernant les collectivités locales, en commençant par un toilettage du code général des impôts et du code des marchés publics. M. Lambert y travaille avec détermination et pragmatisme.

Un second projet de loi d'habilitation vous sera présenté dans le courant de l'année 2003. Il visera à simplifier le code du travail, le code de la sécurité sociale et le code de la famille, sans oublier les textes relatifs aux personnes handicapées et les mesures de lutte contre l'exclusion. Je ne vous donne qu'un chiffre pour mesurer l'ampleur de la tâche : selon François Fillon, il existe trente-quatre régimes d'exonération de charges sociales.

Mais on ne doit pas se contenter de simplifier les textes existants. J'appelle l'attention de la représentation nationale sur ce point : il faut se demander comment légiférer moins pour mieux légiférer. Dans les prochaines semaines, nous publierons une circulaire précisant dans quelles conditions doivent être conduites les études préalables au dépôt d'un projet de loi. Il faut toujours se demander si une loi est vraiment nécessaire et si ses dispositions seront applicables compte tenu des ressources humaines et financières disponibles. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on n'a pas procédé ainsi sous la précédente législature.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Depuis juin, ce n'était pas mieux !

M. le Secrétaire d'Etat - Un mot sur un sujet qui m'est cher et dont on ne parle pas assez : la simplification du langage administratif.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis - Démythologiser ! (Quelques rires)

M. le Secrétaire d'Etat - Toutes les enquêtes montrent que sa technicité - pour ne pas dire son opacité - est à la source de 80 % des malentendus avec les administrés. Nous avons tous reçu des courriers administratifs dont nous avions les plus grandes difficultés à comprendre la teneur.

J'ai donc relancé les travaux du comité de simplification de la langue administrative créé par Michel Sapin. Vous voyez que nous n'hésitons pas à reprendre les initiatives intelligentes de nos prédécesseurs. La réforme de l'Etat exige en effet une grande continuité. Ce comité travaille à simplifier la rédaction des formulaires, en relation avec des universitaires et des associations en contact avec les publics les plus fragiles. J'ai moi-même présenté le résultat de ses travaux dans une caisse d'allocations familiales.

Cette démarche concerne cent millions de formulaires par an, et l'ensemble des familles françaises. Un travail particulier est fait en direction des allocataires du RMI et des personnes handicapées. Mes collègues Dominique Versini et Marie-Thérèse Boisseau connaissent l'importance de cet effort.

Il faut encore recentrer les services publics sur les attentes de nos concitoyens. Le Premier ministre a employé une expression claire en réclamant « une administration à visage humain ». Nous avons trop tendance à sous-estimer les attentes des Français dans ce domaine. Il faut améliorer l'accueil, réduire les délais de traitement des demandes, élargir les horaires d'ouverture, améliorer la disponibilité des agents...

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis - Maintenir les services publics à la campagne !

M. le Secrétaire d'Etat - ...garantir l'accès aux services publics en zone rurale, vous avez raison.

Nous entendons par ailleurs généraliser les démarches de qualité, celles-ci pouvant conduire à une certification, comme cela a été fait dans beaucoup d'entreprises. Par définition, le service public doit reposer sur une exigence de qualité. Il faut partir des attentes des usagers et engager l'ensemble du personnel, tous grades confondus, dans une gestion relevant de la démarche de qualité. On doit alors modéliser les procédures pour identifier les dysfonctionnements et prendre des engagements qui seront tenus dans la durée.

L'administration électronique sera un des principaux leviers de la réforme. Elle fera faire des économies en supprimant 25 % des formulaires ; elle enrichira les tâches des fonctionnaires et elle facilitera la vie des usagers, puisqu'elle sera accessible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept - à condition toutefois que quelqu'un réponde aux messages. Il faudra réorganiser les services dans ce but.

Le portail www.service-public.fr est consulté par des millions d'internautes. Nous avons l'intention d'amplifier les efforts pour qu'il soit possible de télécharger toutes les demandes dès 2005. Pour 2003, nous aurons pour première priorité d'améliorer la productivité en interne, en rendant accessibles l'ensemble des données à tous les services publics, y compris aux collectivités locales. On parviendra aussi à décloisonner les administrations, à mettre fin au corporatisme et à l'esprit de chapelle. Nous allons faire le bilan des systèmes d'information territoriaux pour vérifier s'ils permettent un réel partage des données dont dispose l'Etat.

Notre seconde priorité pour 2003 sera de développer des applications utiles aux Français dans leur vie quotidienne. Ce n'est pas d'un retard technologique que nous souffrons, mais de l'habitude de tout concevoir de haut en bas sans chercher ce qui intéresse les Français. J'ai confié une mission à Pierre de la Coste pour connaître les attentes des internautes.

Nous souhaitons mettre au point une démarche unique en cas de changement d'adresse, simplifier le versement des subventions publiques aux associations, permettre à chaque citoyen de charger une fois pour toutes les données qu'il souhaite rendre accessibles aux administrations et lancer un appel à projets pour réaliser des « cartes de vie quotidienne » permettant de faire les démarches administratives courantes à partir de bornes électroniques. A l'exemple du Canada, nous souhaitons mettre en place un numéro de téléphone unique pour les demandes de renseignements administratifs, en créant un centre téléphonique intégré qui serait couplé avec les bases de données du service public.

Tout cela n'a évidemment de sens que si les services en ligne sont accessibles à tous. C'est pourquoi je continuerai à mener une politique d'accès public à Internet. Un appel à projet vient d'ailleurs d'être lancé par la DATAR et la mission interministérielle d'accès public à Internet.

Enfin, il est nécessaire d'améliorer la gestion publique, ce qui signifie réorienter la mise en _uvre de la loi organique sur les finances publiques, votée ici à l'unanimité, pour faire prévaloir les exigences de responsabilité et de performance. Nous cherchons à améliorer les fonctions d'audit stratégique et d'évaluation, en redéfinissant la mission des corps d'inspection et en autorisant le recours à des consultants externes. On diffuserait de la sorte les bonnes pratiques, au lieu d'opposer l'univers du privé à celui du public.

Notre objectif principal est d'optimiser la ressource publique.

Il ne s'agit pas d'affaiblir le service public, mais de lui redonner ses lettres de noblesse, en le rendant plus performant et accessible. Finissons-en avec le poujadisme en répondant à l'appel que nous ont lancé les Français lors de l'élection présidentielle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Je vais maintenant, au nom d'Alain Lambert, vous présenter brièvement le budget des services du Premier ministre. Nous pouvons vous rassurer sur les fonds spéciaux : le Premier ministre s'est engagé à la transparence, la transparence se fera. En vertu de l'article 154 de la loi des finances, une commission va vérifier leur finalité. Cette commission sera composée de deux députés désignés par le Président de l'Assemblée nationale, deux sénateurs désignés par le Président du Sénat, et deux membres de la Cour des comptes nommés sur proposition du Premier président.

Les crédits des autorités administratives indépendantes augmentent, notamment ceux des services du médiateur - plus 20 % -, afin de financer les dépenses liées au développement des délégués de proximité, particulièrement utiles dans les quartiers difficiles. Les crédits du conseil supérieur de l'audiovisuel progressent également, ce qui permettra de financer la télévision numérique terrestre.

Enfin, des moyens nouveaux sont inscrits pour la mise en place de la commission nationale du débat public, chargée de veiller à la participation des usagers aux projets d'aménagement ou d'équipement de l'Etat, des établissements publics ou des collectivités locales.

Le Premier ministre a demandé au Secrétariat général du gouvernement de dresser un bilan des missions rattachées à ses services, dont le caractère exceptionnel doit être préservé.

Pour le commissariat général au plan, les crédits baissent, mais pas autant que vous ne l'affirmez. Cette diminution est liée aux reports constatés fin 2001 sur les crédits d'évaluation des politiques publiques et sur les crédits délégués en région au titre de l'évaluation des contrats de plan Etat-région.

Le commissariat général au plan a pour mission essentielle de réfléchir aux stratégies à mener en matière économique et sociale en concertation avec les professionnels et d'éclairer le Gouvernement sur les moyens à mettre en _uvre. Depuis 1998, le commissariat général au plan a publié plus de soixante-cinq rapports et lancé une quinzaine d'instances d'évaluation de politique publique, dans des domaines aussi essentiels que les retraites, la filière électronucléaire, ou les institutions de l'Union européenne. Il doit prochainement rendre un rapport sur l'immigration et un autre sur la politique de lutte contre le sida.

L'Etat ne peut se passer d'un tel outil de prospective stratégique. Au contraire, il convient de le rendre plus efficace, et de répondre ainsi au message des élus locaux. Il convient aussi de renforcer les liens avec l'université. Je ne nie pas l'opportunité de rapprocher le Plan et la DATAR. Cependant, ces deux organismes ont des missions différentes : le Plan est au contact de la recherche, tandis que la DATAR assure le lien entre les ministères, les préfets et les élus. Pour bien évaluer les défis de demain, il faut une approche territoriale. Nous devons entamé une réflexion notamment pour mieux évaluer les contrats de plan Etat-région.

S'agissant des journaux officiels, il convient de souligner l'effort de productivité accompli et saluer le site Internet Légifrance que j'ai inauguré. Il met gratuitement des services juridiques à la disposition des citoyens, facilitant ainsi leur accès à la règle de droit.

Par ailleurs, il faut réfléchir à l'adaptation du statut de budget annexe dans le cadre de la nouvelle loi organique.

Le Gouvernement entend bien, comme les parlementaires, que le Conseil économique et social puisse poursuivre son importante mission. Nous nous réjouissons du développement de la coopération internationale, et de la politique de modernisation et d'ouverture sur l'extérieur actuellement menée.

Enfin, je voudrais rassurer Monsieur le rapporteur : un travail de réflexion est en cours sur l'évolution du budget dans la perspective de l'entrée en vigueur de la loi organique sur les finances publiques. Le périmètre du budget sera redéfini. La nouvelle unité de base sera le programme.

Je conclus : les services du Premier ministre sont soucieux de répondre aux objectifs et aux ambitions de la loi organique. Avec eux, nous réussirons la réforme de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

QUESTIONS

M. André Chassaigne - Pourriez-vous nous éclairer sur l'articulation entre les parcs naturels régionaux et les pays ? Les premiers jouent un rôle essentiel dans le développement du territoire : élaboration de charte de territoire, mobilisation des acteurs locaux, inscription dans les volets territoriaux des contrats de plan. Parallèlement, la politique des pays est de créer des espaces de projet rassemblant élus locaux et sociétés civiles.

La définition des périmètres des pays est souple, d'où un risque de superposition avec le territoire d'un parc régional.

De plus, les services de l'Etat semblent parfois s'acharner à constituer de nouveaux pays de manière dogmatique, sans tenir compte des acquis et des habitudes locales.

Le Gouvernement va-t-il clarifier ces pratiques ?

M. le Ministre - Je l'ai dit : les pays ne doivent pas être un lieu de pouvoir. Il appartient aux élus et aux services de l'Etat d'en définir le périmètre en fonction de projets cohérents et non au regard de considérations administratives.

S'agissant des relations entre pays et parcs régionaux, elles sont définies à l'article 10 du décret du 19 septembre 2000, qui dispose expressément qu'une convention doit déterminer les domaines d'action respectifs sur les parties communes. Il ne saurait donc y avoir de conflit d'intérêts ou de pouvoirs.

Mme Henriette Martinez - Le vrai défi sera, pour les collectivités locales, de se doter des compétences nécessaires, en tous points du territoire. Or les zones rurales rencontrent des difficultés particulières. En premier lieu, les concours de recrutement pour la catégorie A n'y sont pas organisés et les candidats doivent se rendre, à leurs frais, dans les centres d'examens. Ensuite, la formation initiale est inadaptée à certains stagiaires diplômés, auxquels on prétend inculquer des notions de base, si bien qu'ils ont le sentiment, justifié, de perdre leur temps. D'autre part, la durée même des stages est dissuasive pour de petites communes, qui n'ont souvent qu'un seul fonctionnaire ; il est paradoxal qu'elles doivent se passer de ses services pour de longues périodes de formation ! Quant au système de rémunération, théoriquement invariable sur le territoire de la République, il est faussé par le système des primes et des indemnités, car les collectivités les plus pauvres, ou simplement les plus petites, sont incapables de s'aligner sur les communes les plus importantes. De ce fait, il leur devient impossible de recruter. C'est ainsi que, dans les Hautes-Alpes, trois postes d'attachés territoriaux demeurent vacants.

Je souhaite, Monsieur le ministre, que vous teniez compte de ces observations en élaborant la réforme, attendue, de la fonction publique territoriale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Je vous l'ai indiqué : une réflexion est engagée, au sein du CNFPT, sur l'adaptation des concours et la validation des acquis professionnels. Pourquoi, par ailleurs, les futurs agents des collectivités territoriales qui possèdent un diplôme universitaire devraient-ils passer un concours ? L'application des textes conduit parfois à fragiliser le service public au lieu de le conforter, on en a eu l'exemple - dont votre président de séance a nul doute gardé le souvenir - avec les écoles de musique. Il faut donc reconnaître les compétences acquises.

S'agissant de l'organisation des concours, il faudra songer à l'interdépartementalisation ou même à l'interrégionalisation. Il faudra aussi réfléchir à la barrière de l'âge : pourquoi les collectivités territoriales devraient-elles se priver des précieux services de personnels compétents au motif que les personnes considérées ne peuvent être recrutées parce qu'elles ont plus de 40 ans ? Quant à la durée des stages, elle pourrait être de trois mois pour le stage initial des élèves-stagiaires recrutés par concours, puis d'un mois par an. Il est en effet paradoxal que les collectivités qui recrutent soient privées de leurs nouveaux collaborateurs. Il conviendra encore de mieux préparer les fonctionnaires territoriaux à la mobilité professionnelle et géographique en révisant le contenu de la formation continue.

La question du régime indemnitaire est délicate. Il est à craindre, en effet, qu'une grande souplesse n'aggrave les disparités. Sans doute une politique sociale locale permettrait-elle de corriger les inégalités.

Toutes ces questions sont en cours d'examen, et j'ai bon espoir que les décrets seront prêts dans les six mois.

M. Jean-Jacques Descamps - La DATAR, qui a joué un rôle éminent dans la définition de l'aménagement du territoire et dans la promotion de l'égalité des chances, s'est peu à peu éloignée de sa mission initiale, au point qu'elle est parfois perçue comme une rémanence d'un centralisme administratif qui n'a plus lieu d'être.

Pour présider un pays, je peux en témoigner : j'ai souvent le sentiment que la DATAR, par préfet interposé, et le CNASEA ont plus pour vocation première de nous faire appliquer des programmes de gestion complexes ou organiser des colloques - à cet égard, quelle est l'utilité réelle de la rencontre de Nogent-le-Rotrou ? - que de nous aider. Les pressions exercées encouragent les pays à alourdir leurs structures alors qu'il s'agit de permettre aux maires de parler entre eux pour contractualiser l'intercommunalité.

La DATAR ne devrait-elle pas réorienter son action en s'inspirant des expériences étrangères et laisser travailler les SGAR ? Il lui reste beaucoup à faire pour réduire les inégalités, qu'il s'agisse de la téléphonie mobile, de l'accès à l'ADSL ou des limites de subvention aux entreprises privées. Aussi longtemps que le taux de ces subventions restera uniforme, on sait bien que les entreprises ne trouveront aucun avantage à s'installer ailleurs que dans les villes ! Voilà ce à quoi devrait se consacrer la DATAR. Son excellent nouveau délégué général entend-il mener la refondation selon ces principes ?

M. le Ministre - Merci de l'appréciation positive que vous avez exprimée à propos du nouveau délégué. Soyez sûr que nous sommes bien décidés à ne plus parler le « datarien » et à demander aux préfets de tout mettre en _uvre pour simplifier les procédures. L'action doit primer sur les structures, le projet sur la procédure. Nous devons nous efforcer d'être le plus près possible des acteurs locaux.

J'irai à Nogent-le-Rotrou pour participer au lancement des procédures leaders, dont je reconnais bien volontiers qu'elles restent un peu compliquées ! Rompons avec la pratique qui consiste à parler de simplification administrative à tout bout de champ tout en continuant à produire des circulaires illisibles !

M. Jean-Louis Christ - Trop de zones rurales restent exclues de l'Internet à haut débit...

M. Patrice Martin-Lalande - C'est vrai !

M. Jean-Louis Christ - Le désenclavement numérique est pourtant essentiel pour réduire les inégalités territoriales et soutenir des régions durement frappées par l'enclavement géographique et la déprise démographique. Dans les zones de montagne, Internet avait suscité de grands espoirs, renforcés par le CIAT de juillet 2001 qui avait fixé l'objectif d'une couverture intégrale du territoire à brève échéance. Las, la technologie de l'ADSL et les réseaux filaires sont difficiles à mettre en place en zones rurales. A la veille d'un nouveau CIADT, quelles techniques entendez-vous privilégier pour que les zones rurales disposent enfin d'un accès au haut débit dans des conditions financières acceptables ? Si le haut débit satellitaire devait être retenu, les surcoûts induits seraient-ils compensés par l'Etat pour les collectivités les moins favorisées ?

M. le Ministre - Dans l'état actuel des techniques, l'ADSL ne permettra pas de réaliser la couverture intégrale du territoire. Les clientèles intéressées par l'accès au haut débit ont des attentes très différentes selon qu'il s'agit d'acteurs institutionnels, d'entreprises ou de particuliers. Des solutions techniques alternatives à l'ADSL existent, qu'il s'agisse du satellitaire ou du « huit fils ». Vous aviez du reste déposé un amendement relatif à une taxe sur les pylônes satellitaires et je m'engage à réétudier la question avec le ministre de l'économie et des finances.

M. Jean-Marc Nesme - Les petites villes constituent souvent le dernier rempart contre la désertification rurale, laquelle frappe aujourd'hui les deux tiers de notre territoire. Le rayonnement culturel et économique de ces petites cités excède largement les frontières du territoire communal. Irriguant un véritable bassin de vie, certaines offrent des services de proximité à une population quatre fois supérieure à leur nombre d'habitants stricto sensu. Or les modalités de calcul des différents concours de l'Etat aux communes - DGF et DSU notamment - ne tiennent aucun compte - hors le cas particulier des communes touristiques - de l'attractivité relative des différentes collectivités. Ainsi, si la population d'une commune diminue, ses dotations baissent... (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Notre République qui se veut égalitaire enfonce les communes qui se dépeuplent dans leurs difficultés !

Le Gouvernement est-il disposé à faire bénéficier les petites villes qui animent un bassin de vie d'un coefficient de surclassement démographique dans le calcul de leurs dotations ? Selon quels critères et pour quels montants ? Ces aménageurs de proximité sont en droit d'attendre des moyens supplémentaires. Il n'est que temps de rompre avec quatre décennies d'aménagement vertical du territoire qui ont conduit 80 % des Français à vivre sur 20 % du territoire national. Monsieur le ministre, vous gagnerez le combat de l'aménagement du territoire si vous conduisez une politique horizontale !

M. le Ministre - Le maire de Paray-le-Monial que vous êtes aussi, Monsieur le député, est particulièrement bien placé pour poser cette question même s'il n'ignore pas qu'elle concerne au premier chef le ministre de l'intérieur pour ce qui concerne la DGF. Au reste, avec une dotation moyenne de 210 euros par habitant, votre commune se situe très au-dessus de votre strate démographique. J'ai demandé à la DATAR de piloter un observatoire des territoires, chargé d'affiner les critères d'évaluation de la richesse d'un territoire, en sorte que les mécanismes de péréquation se fondent sur des données réellement objectives.

Votre question pose aussi le problème de l'intercommunalité. L'intercommunalité, c'est le partage des charges comme des richesses. Lorsqu'une commune centre irrigue tout un territoire et décharge d'autant les communes périphériques, il serait naturel qu'elle bénéficie d'un surcroît de moyens même si elle se dépeuple. A l'inverse, une commune périphérique - fut-elle dynamique sur le plan démographique - qui s'est déchargée sur la commune centre de l'essentiel de ses charges ne devrait pas bénéficier d'un accroissement substantiel de ses dotations. Le système devient absurde si l'inflation des moyens de fonctionnement s'accompagne d'une inflation des concours de l'Etat. Monsieur le député, je partage donc votre approche : ayons des dotations une vision plus territorialisée. Du reste, nous avons ouvert ce chantier avec le ministre de l'intérieur.

M. Philippe Tourtelier - Le Premier ministre et d'autres membres du Gouvernement ont porté sur les lois Chevènement et Voynet et sur la loi SRU des appréciations diverses. Très novateurs, ces textes ont dynamisé l'intercommunalité et ils nous ont fait sortir par le haut des éternels débats sur la disparition de certaines communes ou sur l'affrontement entre les villes et les campagnes. Ils ont aussi introduit de précieux outils de coopération intercommunale au travers des contrats d'agglomération ou des contrats de pays. Le report de l'échéance du volet territorial des CPER inquiète. Les contrats en cours seront-ils honorés dès 2003 ?

S'agissant des conseils de développement introduits par la loi Voynet - et je note au passage qu'ils constituent la première instance à même d'associer valablement la population à des décisions de territoire qui la concernent au premier chef -, est-il envisagé de permettre aux acteurs associatifs d'y être mieux représentés ? La démocratie participative y gagnerait.

M. le Ministre - Merci de votre question car elle me permet de lever toute ambiguïté. Le report d'un an de la date limite de conclusion du volet territorial des CPER vise à permettre aux projets en gestation d'atteindre un stade optimal de maturation. Nous entendons privilégier les projets sur les procédures. Il serait insupportable d'interdire à un projet pertinent d'être éligible à un CPER pour des raisons de procédure. Le report constitue donc un élément de sécurisation. N'ayez aucune inquiétude à ce sujet.

S'agissant des conseils de développement, je considère que plus il y a de débats associant des intervenants extérieurs issus du monde de l'entreprise ou des associations, autour de l'élaboration d'un projet, mieux on se porte ! Mais, de grâce, évitons tout excès de pragmatisme. La démocratie, c'est d'abord une pratique. Certains n'ont institué ces conseils que pour respecter les textes et sans volonté réelle de les faire vivre. Ils servent alors exclusivement de chambre d'enregistrement ! D'autres les animent avec un vrai désir d'associer la population aux projets de développement. Dans ceux-là, les associations trouvent naturellement leur place (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Vous ne semblez pas convaincu mais je choisis, moi de faire confiance aux élus locaux. Libre à vous de préférer une autre approche !

M. Louis-Joseph Manscour - Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Lurel, portera sur une des particularités de nos départements : la zone dite des 50 pas géométriques, qui relève du domaine public maritime et où des familles se sont installées depuis des décennies, dans des conditions parfois très précaires. Pour résoudre le problème posé par cette occupation sans titres, la loi du 31 décembre 1996 a créé des agences chargées d'organiser le transfert progressif de ces terrains, soit aux communes, soit aux occupants privatifs, soit à des organismes réalisant des opérations d'habitat social. Ces agences devaient être alimentées par des subventions de la Communauté européenne, de l'Etat et des collectivités, ainsi que par une redevance d'occupation du domaine public, par les produits de cessions et par une taxe spéciale d'équipement. Or elles ne perçoivent actuellement que cette seule taxe. L'agence de la Martinique, par exemple, ne figure pas parmi les bénéficiaires des subventions européennes et les collectivités locales, à raison, refusent de subventionner un établissement public national. Un décret du 30 novembre 2000 a accordé à ces agences une aide exceptionnelle, mais les élus attendent toujours une solution définitive. Quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre ces organismes en état de financer leurs opérations, si vitales pour l'aménagement de nos territoires ?

M. le Ministre - Mme Girardin et moi-même sommes très soucieux du développement de vos départements, qui contribuent à la présence de la France et de l'Europe sur les cinq océans, ainsi qu'à leur compétitivité. Le souci qu'ont vos collectivités de régler cette question est légitime : il y va de leur politique de l'habitat social. Les agences des 50 pas seront des instruments tout à fait pertinents pourvu qu'on leur assure les moyens nécessaires. Elles perçoivent déjà la taxe spéciale d'équipement, plafonnée à 1 525 000 € - ce plafond, atteint à la Martinique, le sera sans doute bientôt à la Guadeloupe -, et, dès l'année prochaine, elles percevront les redevances dues au titre de l'occupation ou de la vente des terrains.

Le Gouvernement souhaite une étude plus fine de ce dossier, qui permettra d'éliminer les freins à l'action des agences et il prendra prochainement des mesures, convaincu qu'il y va de l'intérêt de la France et de l'Union européenne autant que du vôtre. Et je sais que nous pouvons compter sur la détermination et sur l'intelligence des élus locaux, dont vous êtes un brillant représentant.

M. Dominique Caillaud - Vous avez souligné l'inégale couverture de notre territoire, s'agissant de la téléphonie mobile, mais, s'agissant du haut débit, il apparaît urgent de sortir d'une logique financière et technique à l'excès, de plus marquée historiquement par le monolithisme de notre opérateur national, pour nous engager dans une logique volontariste, inspirée des pays anglo-saxons et, spécialement de la Suède. Le haut débit aujourd'hui représente le même enjeu que l'eau ou l'électricité il y a cinquante ans et nous devons à nos concitoyens un service identique sur tout le territoire, à des coûts mutualisés. Le prochain CIAT va-t-il répondre à nos interrogations, à savoir : quelle coopération envisagez-vous entre les collectivités et les autres acteurs pour régler les problèmes financiers ? Quelles infrastructures sont programmées ? Fera-t-on appel à l'ensemble des solutions techniques, satellites compris ? Envisagez-vous de mettre en _uvre dans les mêmes conditions de partenariat les offres de services là où elles ne sont pas prioritaires, car déficitaires ? A la différence de la téléphonie mobile, le haut débit exige en effet une offre de services...

M. le Ministre - L'accès des entreprises et des établissements publics au haut débit ne pose aujourd'hui que peu de problèmes, mais il n'en va pas de même pour les particuliers. Par le nombre des abonnés - un million sur un potentiel de 20 millions -, nous occupons même une place peu flatteuse en Europe. La poursuite du plan de redéploiement de l'ADSL sur le territoire demeure essentiellement l'affaire de France Télécom. A la fin de 2004, plus de 80 % de la population devrait être « accessible » et nous devrions recenser plus de dix millions d'abonnés. Il y a vrai donc un vrai risque de fracture numérique, à panoplie constante, au détriment des zones faiblement peuplées.

Le Gouvernement, l'ART et les collectivités doivent donc engager sans tarder des actions sur plusieurs fronts : il faut permettre aux opérateurs d'anticiper une forte pénétration commerciale dans ces zones de faible densité ; renforcer les réseaux de collecte ; réfléchir à la mutualisation des infrastructures bénéficiant d'un financement public ; faciliter l'accès au domaine public ; mobiliser les crédits européens et soutenir les projets de desserte à l'échelle intercommunale. En outre, nous devrons probablement expérimenter les technologies alternatives et examiner la possibilité d'impliquer directement les collectivités territoriales dans les investissements. La Commission est favorable à cette dernière mesure à condition que le jeu de la concurrence n'en soit pas faussé. Les collectivités ne sauraient donc devenir opérateurs. Mais, de même, lorsqu'elles financeront les infrastructures, cette implication ne doit pas servir à renforcer le monopole de France Télécom.

Dans le même esprit, il convient de veiller à ce que la passation des marchés publics de services ne vienne pas renforcer la position dominante d'un opérateur.

Nous souhaitons donc que les collectivités locales puissent intervenir dans un cadre cohérent ; nous les accompagnerons dans leurs expérimentations et nous concentrerons les crédits du FEDER et de la Caisse des dépôts sur les opérations visant à renforcer le réseau de collecte et à garantir la desserte des pôles d'activité économique. Il restera alors à résoudre le problème des particuliers.

M. Jean-Michel Fourgous - Les Français nous ont donné mandat de réformer l'Etat. Nous pourrions commencer par réformer la culture dominante : celle de l'économie administrée. Or il est une école qui joue un rôle essentiel dans la diffusion de cette doctrine et qui contribue à cette exception française. Nous sommes en effet le seul pays à être dirigé par une élite issue d'une école de fonctionnaires, et non d'écoles d'ingénieurs ou d'écoles commerciales. On en connaît les résultats : nous détenons les records des déficits sociaux et budgétaires, de l'endettement public, de l'entreprise la plus endettée, de la plus grosse faillite bancaire, du prélèvement de stock-options... Cette école envahit toutes les sphères. Doit-on continuer à nommer à la tête des entreprises des gens sans expérience ? Doit-on maintenir un tel système ou la question est-elle taboue ? L'ENA a été réformée vingt-cinq fois : allez-vous vous contenter d'une vingt-sixième réforme ?

Les Français nous ont-ils envoyés ici pour ne toucher à rien ?

M. le Ministre - Vous avez déposé un amendement sur ce sujet. Je vous répondrai à cette occasion. Naturellement je suis prêt à entendre toutes les questions.

M. Mansour Kamardine - Les fonctionnaires de la collectivité territoriale de Mayotte se trouvent dans une situation délicate, voire cocasse. L'ordonnance du 5 septembre 1996 représente un espoir déçu, faute de publication des décrets d'application. C'est d'autant plus préoccupant que la loi du 11 juillet 2001 a créé une situation nouvelle qui rend obsolètes des pans entiers de l'ordonnance de 1996. La collectivité départementale de Mayotte est engagée dans la voie de la décentralisation à compter du renouvellement du conseil général en mars 2004. Faute de fonctionnaires qualifiés et pourvus d'un statut digne de ce nom, Mayotte risque de manquer cette étape institutionnelle décisive.

Alors que la décentralisation est à l'honneur, il est nécessaire de lui donner tous les moyens de son développement où que ce soit sur le territoire de la République.

Comment comptez-vous doter Mayotte d'une fonction publique territoriale disposant de moyens financiers et statutaires conformes à la nouvelle donne institutionnelle à Mayotte ? Les ministères de l'intérieur et de l'éducation nationale ont décidé l'intégration dans la fonction publique d'Etat des fonctionnaires locaux qui participent aux missions régaliennes de l'Etat. Qu'en est-il des agents qui exercent dans les autres services relevant des missions régaliennes de l'Etat, agriculture, justice, services fiscaux et douanes ?

Enfin, l'article 65 de la loi du 11 juillet 2001 dispose que l'Etat rembourse chaque année à la collectivité départementale les dépenses correspondant aux frais générés par la mise à disposition par la collectivité de ses agents affectés dans les services qui relèvent de l'Etat. Ces dépenses s'élèvent annuellement à 27 millions. Or Mayotte n'a encore reçu aucun remboursement.

En un mot, quelle est la place réservée à la fonction publique dans la collectivité territoriale de Mayotte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Mayotte a manifesté son très fort attachement à la France. Le Président de la République l'a rappelé sur place en mai 2001, et la ministre de l'outre-mer a souligné que Mayotte fait partie intégrante de la France, lors de la commémoration du 25e anniversaire de la création du conseil général en septembre dernier.

Près de 4 500 agents remplissent des missions de service public, dont la plupart relèvent de la collectivité départementale. Souvent nommés par arrêté préfectoral, ces personnels n'ont quasiment pas de statut et espèrent légitimement à être intégrés dans la fonction publique. C'est un message très fort qu'ont exprimé il y a deux mois les 1 800 instituteurs et les 400 agents du vice-rectorat par deux mois de grève. Le Gouvernement l'a entendu.

Fin 2002 et début 2003, avec ma collègue Brigitte Girardin, nous allons engager un vaste chantier de titularisation de la fonction publique de Mayotte, qui s'étalera sur plusieurs années, et qui devra être conduit parallèlement avec celui de la partition entre les services de la préfecture et ceux du conseil général, applicable au 1er janvier 2004. Mon cabinet a reçu et recevra à nouveau une délégation de secrétaires généraux mahorais.

S'agissant des dépenses relevant de l'article 65 de la loi de juillet 2001, leur remboursement sera assuré comme l'an passé, dans le cadre du collectif, sur le budget 41-91 du ministère de l'outre-mer.

M. Patrice Martin-Lalande - Couvrir les zones blanches de téléphonie mobile est une nécessité. Une couverture à 100 % requiert 2,6 milliards de francs. Le CIAT de juillet 2001 n'en a prévu que 1,4. Si les opérateurs ont trouvé un accord avec l'ART à la fin de septembre, l'enveloppe reste la même. Le montage financier devrait être validé au niveau européen. L'apport de 88 millions d'euros de l'Etat et des collectivités locales sera-t-il compatible avec la réglementation communautaire ? Nous l'espérons ! L'utilisation de l'itinérance locale, en dernier ressort, risque d'allonger les délais de couverture des zones blanches, d'autant que les opérateurs veulent la soumettre à expérimentation. Il faudrait s'assurer que le capital d'expérience déjà acquis soit bien mis à profit. Comment les 232 premiers sites mutualisés seront-ils répartis sur le territoire, dans la perspective du CIAT du mois prochain ? Comment les études menées conjointement par l'ART et les conseils généraux seront-elles prises en compte ?

Dans le domaine du haut débit, la France est en retard : seulement 11 % des internautes en bénéficient. Les installation d'ADSL ont pris du retard, mais France Télécom a pu le rattraper à son bénéfice exclusif, créant une situation de quasi monopole.

J'ai défendu en première partie un amendement tendant à alléger le coût d'utilisation du satellite pour la réception haut débit pour les antennes de moins de deux watts. Sera-t-il repris dans le prochain collectif ?

Je m'inquiète de l'avenir d'Intelsat. Pour l'UMTS, un retard considérable a été pris. Des milliards ont été prélevés en Europe pour payer par anticipation des licences, ce qui a stérilisé des fonds au détriment du secteur des télécommunications. On voit les résultats. 60 % du territoire seulement sont destinés à recevoir la couverture d'UMTS. Cela nous préoccupe.

J'espère qu'un vrai débat aura lieu ici, à l'occasion de la transposition du deuxième paquet télécom, sur l'Internet et la société de l'information. Le Gouvernement a-t-il l'intention d'inclure la téléphonie mobile dans le champ de la négociation ?

M. le Ministre - Je vous remercie pour votre contribution personnelle à notre réflexion sur l'extension de la téléphonie mobile.

Dans l'enveloppe financière actuelle, les moyens prévus concernent 1 638 communes. Nous devons regarder comment aller plus loin. Nous avons engagé des discussions avec la Commission de Bruxelles sur la mobilisation des fonds européens au profit de la téléphonie mobile.

L'accord du 24 septembre permet de réintroduire l'itinérance locale. Il est convenu que la différence concurrentielle des opérateurs devait laisser entrevoir la différence de leurs réseaux dans les zones où l'équilibre du marché leur permet d'avoir une couverture normale, et qu'il fallait réfléchir sur la meilleure solution technique : itinérance locale ou mutualisation selon les cas. Les choix techniques ou les expérimentations ne doivent pas servir de prétextes pour retarder les investissements. Nous sommes face à deux calendriers. Le premier est très court, puisque le CIAT de décembre doit répartir les enveloppes de financement de l'Etat entre les régions. Nous devrons ensuite sécuriser l'intervention des collectivités territoriales. Une fois pris l'avis du Conseil d'Etat, nous consulterons la Commission européenne afin d'apporter, au deuxième trimestre 2003, des réponses de sécurisation.

Vous participiez hier à une réunion du comité de pilotage. Le délégué de la DATAR réunira très bientôt un comité technique, de façon à adresser une circulaire aux préfets de région le plus vite possible, engager ainsi des consultations sur le terrain d'ici la fin novembre, et soumettre leurs résultats au CIAT du 13 décembre.

C'est ainsi que s'enclenchera le processus de couverture de téléphonie mobile en zones blanches.

M. François Sauvadet - Très bien !

La séance, suspendue à 17 heures 45, est reprise à 17 heures 55.

SERVICES DU PREMIER MINISTRE

I - SERVICES GÉNÉRAUX

M. Hervé Novelli - Mon amendement 86 est très simple : il vise à réduire le budget des services généraux de 15 millions d'euros. Cette réduction serait imputable au chapitre 36-10 et son montant représente la moitié de la subvention de fonctionnement attribuée à l'ENA.

Pour mon collègue Fourgous et moi-même, la disparition de cette école est indispensable. En ne supprimant cette année que la moitié de ses crédits, nous laisserions s'achever la formation des élèves en cours d'études.

Pour réformer le pays, il faut mettre l'ENA à la réforme !

M. François Sauvadet - Oh !

M. Hervé Novelli - La France est un pays singulier. On n'a jamais autant parlé de réformes, mais on s'ingénie à ne rien faire, qu'il s'agisse des retraites, de l'administration, de la fiscalité ou des institutions. Il y a toujours consensus sur le diagnostic, mais aussi sur le résultat : ne rien faire. Or les racines de cette impuissance française sont à rechercher dans le pouvoir culturel d'un clan qui dirige l'administration et la vie politique. Selon Gramsci, ce sont ceux qui détiennent le pouvoir culturel qui sont les vrais dirigeants. En France, tout passe par l'Etat et les énarques sont dans toutes les sphères de décision.

Sur les dix-sept premiers ministres qu'a comptés la Ve République, treize sont issus de la fonction publique. Et 70 % des parlementaires qui ont fait l'ENA sont devenus ministres : tous les espoirs sont donc permis à certains de nos collègues... (Sourires) De l'ENA viennent aussi Jean-Marie Messier, Philippe Jaffré, Jean-Yves Haberer, autant de noms liés aux déboires des grandes sociétés françaises.

Cette surreprésentation des énarques n'est plus admissible. L'entreprise bouge, la société bouge, l'Etat aussi doit bouger : cela signifie qu'il faut faire évoluer l'apprentissage de sa gestion.

Il ne s'agit pas de juger les hommes, mais de constater l'incapacité de notre société à se réformer. La culture dans laquelle baigne la classe dirigeante française ne doit plus être hégémonique. Un simple master universitaire de gestion publique devrait répondre aux besoins de formation de la haute administration. En votant cet amendement, vous agirez comme trois membres du gouvernement actuel qui, il y a deux ans, proposèrent de supprimer l'ENA...

M. Jean-Pierre Dufau - Ils figurent parmi les 30 %.

M. Hervé Novelli - ...ou comme 31 députés qui, en 1999, firent de même. Vous mettrez fin à la confusion des sphères administrative, politique et économique, trop souvent responsable de l'absence de réforme dans ce pays.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'aménagement du territoire - L'amendement 90 vise à baisser de cinq millions d'euros les crédits de l'ENA. Depuis sa création, ses effectifs ne cessent d'augmenter pour arriver aujourd'hui à 120 élèves. La nécessité d'offrir à ces diplômés des débouchés correspondant à leur formation, et l'évolution des effectifs des services centraux de l'Etat nous conduisent à diminuer le nombre de futurs promus. Cette mesure ne pourra que favoriser la promotion interne et motiver les fonctionnaires. Enfin, il faut s'interroger sur le bien-fondé de cette école au regard des besoins de la fonction publique.

M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances pour la fonction publique et la réforme de l'Etat - La commission des finances a adopté l'amendement 90, mais n'a pas examiné l'amendement 86. De nombreux membres de cette majorité sont impatients de voir mise en _uvre la réforme de l'Etat, et je les comprends car à force de parler sans agir, on aboutit à des solutions radicales.

Je me suis cependant opposé à l'amendement de M. Giscard d'Estaing, car la réforme de l'Etat doit être envisagée dans le cadre plus global de la gestion des ressources humaines.

La fonction publique, malgré de bons salaires et un système de retraite favorable, attire de moins en moins de candidats. Les problèmes de recrutement des professeurs du second degré en témoignent. Un grand débat réunissant fonctionnaires, syndicats et élus permettrait de dessiner les contours d'une réforme de l'ENA. Monsieur Novelli, je ne tire pas les mêmes conclusions de vos statistiques. Le pouvoir politique doit être suffisamment fort pour guider l'administration. L'absence de réforme n'est pas imputable aux fonctionnaires, mais au pouvoir politique.

M. le Ministre - M. Novelli estime que l'on ne peut réformer l'Etat si l'on ne réforme pas l'ENA. M. Giscard d'Estaing s'interroge sur l'adéquation de l'ENA à nos besoins ; et M. le rapporteur rejette ces deux amendements.

Monsieur le Président, vous avez été le ministre de tutelle de cette école...

M. le Président - Sans moi-même être énarque... (Sourires)

M. le Ministre - ... qui vous a d'ailleurs fait passer le grand oral, ce que vous avez brillamment réussi... (Sourires)

M. le Président - Ne remuez pas de vieux souvenirs ! (Sourires)

M. le Ministre - Sans être énarque, ni fonctionnaire, j'ai pour l'ENA un profond respect, qui est loin d'être partagé par tous. Beaucoup accusent les énarques d'arrogance. Avant la guerre, c'était les X.

M. Jean-Michel Fourgous - Le directeur de l'école lui-même l'a affirmé !

M. le Ministre - Critiquez-vous le principe même de l'ENA, ou la mainmise des énarques sur la politique, l'économie ou l'administration ? Là est toute l'ambiguïté de votre propos. Vous reconnaissez la qualité de la formation reçue à l'ENA et par ailleurs vous dénoncez la faiblesse du politique face à l'administration.

M. Jean-Michel Fourgous - Les énarques sont ministres !

M. le Ministre - De même, vous invoquez les erreurs commises par les chefs d'entreprise issus de cette école.

M. Jean-Michel Fourgous - Oh, erreurs modestes !

M. le Ministre - Dans le public comme dans le privé, les mêmes causes produisent les mêmes effets : trop d'intérêts communs nuisent à la vigilance et empêchent le jeu des contre-pouvoirs. L'ENA doit inciter ses élèves à servir l'Etat, et non à mener une carrière politique. Pourquoi ne pas envisager qu'à partir du deuxième mandat, l'on doive choisir entre carrière politique et carrière administrative ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Fourgous - Ce ne sera jamais voté.

M. le Ministre - M. Giscard d'Estaing compare le nombre des énarques et les besoins réels de la haute fonction publique. Nous avons mis en place une gestion prévisionnelle des effectifs. L'ENA ne doit-elle pas évoluer en direction de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière, et de la fonction publique européenne ?

Aujourd'hui, le nombre des filières de formation se réduit alors qu'il devrait s'élargir ! Nous devons, en particulier, intégrer au cursus la culture d'entreprise, car nul ne peut prétendre diriger une administration en ignorant la culture de ses administrés (M. Fourgous approuve). Une réforme doit être menée, visant à modifier et le recrutement, et la formation, et la prédétermination de l'affectation aux grands corps en fonction du rang de sortie de l'école. Mais ceux qui critiquent un peu rapidement l'ENA savent-ils combien de mes homologues rêvent d'une coopération administrative avec cette école ? La capacité constante d'autoflagellation qui fait la singularité de la France justifie-t-elle vraiment que l'on sacrifie l'ENA au nom du symbole ?

Que son fonctionnement doive être corrigé ne signifie pas que l'école doit être supprimée ! Que ceux qui veulent supprimer l'ENA et le commissariat général au plan s'engagent plutôt, à nos côtés, dans une démarche d'évaluation de l'adéquation entre la formation dispensée par les grandes écoles et les besoins. Certes, il faut modifier la composition du conseil d'administration de l'ENA pour qu'y entrent des chefs d'entreprise, certes il faut rétablir les stages en entreprise.

M. Jean-Michel Fourgous - Ceux qui les ont supprimés n'accepteront jamais de les rétablir !

M. le Ministre - Monsieur le député, si vous êtes convaincu que rien n'est possible, proposez de supprimer le Parlement ! Je vous propose un contrat d'objectifs visant à moderniser l'Etat, et j'invite les parlementaires intéressés à s'associer à l'évaluation nécessaire. Il n'est pas acceptable que la proportion d'administrateurs français au sein des institutions européennes diminue, et que la voix de la France s'en trouve étouffée. Nous devons réagir. Mais prenez garde qu'en coupant la branche, vous n'abattiez l'arbre de la puissance et de la richesse de l'administration française ! Combien de mes collègues européens s'inquiètent auprès de moi de n'avoir plus les moyens d'agir, faute d'une administration en état de marche ? Il n'y a aucun doute : le fossé entre les pays se creusera encore entre ceux qui ont une capacité administrative suffisante et ceux qui, faute de l'avoir, se verront débordés par des circuits mafieux (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP). Il nous reste à donner à notre administration le goût de la performance et celui du risque.

M. Jean-Michel Fourgous - Elle en est culturellement incapable !

M. le Ministre - Les élus locaux ont le plus grand besoin d'une école de formation des cadres administratifs de haut niveau, car l'intelligence administrative détermine l'application de la décision politique. Sanctionner l'ENA, c'est donc vous sanctionner vous-même ! Mettons donc au point les outils d'évaluation et de contrôle nécessaires et, sans nous laisser aller à l'immobilité, soyons rationnels.

Vous l'aurez compris : je demande le rejet des deux amendements.

Mme Valérie Pecresse - Je prends la parole au nom de centaines d'étudiants qui, chaque année, décident de consacrer dix ans de leur vie au service de l'Etat, et parfois bien davantage, comme l'ont fait avant eux les grands commis que furent Pierre Laroque, Paul Delouvrier, Louis Armand, Michel Debré ou Maurice Couve de Murville. La vocation du service public, cela existe ! Ancienne élève de l'ENA, j'ai moi-même servi l'Etat, avec enthousiasme, pendant dix ans, et je ne suis pas une énarque honteuse ! Pour autant, ce n'est pas de l'école telle qu'elle est que je prends la défense, mais de celle qu'elle devrait être.

Le plus grand défi qui nous attend est la réforme de l'Etat - qui ne se fera pas contre les fonctionnaires mais avec eux, avec des cadres motivés qui auront suivi une formation adaptée. Ce n'est pas en cassant l'ENA que l'on formera mieux ! Que je sache, quand on constate que l'Éducation nationale ne fonctionne pas comme on le souhaiterait, on ne la supprime pas, on la réforme !

Si l'ENA est actuellement fragilisée, c'est parce qu'elle s'est coupée de la vie. Une réflexion est donc nécessaire sur la formation des fonctionnaires, qui n'élude aucun aspect, même sacrilège. L'ENA doit-elle demeurer une école de formation initiale ? Ne serait-elle pas plus utile comme école de formation continue, à l'image de l'école de guerre ? Pourquoi ne pas envisager un métissage avec des hommes et des femmes issus de l'entreprise ? Pourquoi pas s'inspirer de ce qui se pratique à l'étranger ?

La réforme est indispensable et nous savons, Monsieur le ministre, que vous y êtes favorable. Répondez à nos attentes : soyez audacieux.

M. le Président - Je vous donne la parole, Monsieur Fourgous, pour la deuxième fois dans ce débat.

M. Jean-Michel Fourgous - Vous êtes trop bon ! Je n'ai rien, bien sûr, contre les hommes et les femmes formés à l'ENA et rien, en particulier, contre ma collègue Valérie Pecresse, dont je note toutefois qu'elle est passée, aussi, par HEC...

La France a d'excellents ingénieurs, d'excellents commerciaux, d'excellents chefs d'entreprise. Est-ce que l'ENA a quelque chose à voir avec cela ? En revanche, interrogez nos partenaires et ils vous diront ce qu'ils pensent de leurs relations avec l'administration française ! Ce débat doit avoir lieu en toute honnêteté, ce qui revient à dire que nous devons oublier les innombrables coups de téléphone que nous avons tous reçus (Mouvements divers).

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances pour les Services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels - Ah bon ? Pas moi ! Comme c'est intéressant !

M. Jean-Michel Fourgous - Le lobby de l'ENA est trop pesant. Alors que l'Allemagne est en train de se doter d'une excellente école de commerce, nous en sommes à ergoter pour savoir s'il faut réformer l'ENA ! Mais c'est une évidence ! Notre élite n'a pas à se former dans une école de fonctionnaires !

Notre pays est suradministré, vous l'avez tous dit à vos électeurs au cours de la campagne électorale et vous leur avez promis d'y remédier. Ne laissons pas passer aujourd'hui l'occasion de transmettre un message : Monsieur le ministre, vous qui avez été chef d'entreprise, vous connaissez bien cette culture de la non-décision et de la non-action, dramatique pour la France en ces temps de guerre économique ! Soyons audacieux et, puisque l'ENA a 55 ans, offrons-lui une retraite bien méritée. Ayons le courage de reprendre le pouvoir confisqué par cette caste!  (M. Novelli applaudit)

M. Jean-Jacques Descamps - Je le rappelle, il s'agit d'un débat sur l'ENA et non sur les fonctionnaires. Au Royaume-Uni, il n'existe pas d'ENA : les hauts fonctionnaires font leurs études à Oxford ou à Cambridge, puis ils acquièrent une formation complémentaire en administration publique.

M. Jean-Michel Fourgous - Evidemment !

M. Jean-Jacques Descamps - Je ne suis pas partisan de fermer l'ENA, sauf si un audit conclut en ce sens. En revanche, je suis très favorable à l'amendement de la commission des finances, dont j'espère qu'il ne sera pas retiré. En effet, la réduction de crédit proposée inciterait l'école à réfléchir à son avenir et à l'effectif de ses promotions.

Ce n'est pas la première fois que l'on parle de réformer l'ENA. Mme Cresson avait eu l'excellente idée de délocaliser l'ENA vers la belle ville de Strasbourg. Las, elle a fait un four, personne n'ayant joué le jeu. M. Raymond-François Le Bris, ancien directeur de l'école, a aussi proposé d'audacieuses évolutions qui n'ont eu l'heur de plaire ni au gouvernement de l'époque ni à l'association des anciens élèves. Renvoyé dans ses foyers, il a été remplacé par une directrice qui est un pur produit de l'ENA et qui le montre.

Il est temps d'adresser à l'école un signal fort. Si nous nous en remettons une fois encore aux études et autres rapports, rien ne bougera ! Evitons cependant tout raccourci. Je suis de ceux qui pensent que réformer l'Etat, ce n'est pas diminuer le nombre de fonctionnaires d'en bas (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Si l'on veut réduire le train de vie de l'Etat, commençons, comme on le fait dans toutes les entreprises, par les hauts responsables ! Et respectons les fonctionnaires du bas de l'échelle car ils sont l'honneur du service public.

M. François Sauvadet - Ce débat fait honneur au Parlement. Les élections du printemps dernier nous ont renvoyé une image très douloureuse des attentes de nos concitoyens. Les Français attendent que le pays bouge. Ne leur donnons pas une nouvelle fois le sentiment qu'en dépit de l'alternance, les choses ne changent pas ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et bancs du groupe UDF)

Les amendements de nos collègues tendent à mettre en cause l'arrogance de la haute administration, dont l'ENA est le meilleur symbole. Sans doute nécessaire, la réforme de cette école ne sera pas suffisante pour restaurer la primauté du politique et faire en sorte que le peuple que nous représentons adhère mieux à nos institutions.

N'oublions pas d'autre part que l'ENA joue un rôle important dans la formation des élites des pays émergents qui souhaitent se doter d'une administration performante.

La nature de la formation dispensée doit évoluer. L'ENA reste un établissement de formation initiale qui permet à de très jeunes gens d'accéder à des postes de haute responsabilité auxquels ils ne sont manifestement pas bien préparés. Sans doute serait-il intéressant - je rejoins Mme Pecresse - de la faire évoluer sur le modèle de l'Ecole de guerre en la destinant aux fonctionnaires qui ont confirmé dans l'exercice de fonctions subalternes qu'ils avaient vocation à accéder aux plus hauts postes. L'école doit s'ouvrir sur le monde de l'entreprise. On ne forme pas une administration sans tenir compte du monde extérieur. Au reste, l'accès à la haute fonction publique doit se démocratiser. Trop de postes restent réservés aux élèves des grandes écoles, qu'il s'agisse de l'ENA ou de l'X (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UDF et sur les bancs du groupe UMP). Il faut diversifier les recrutements en sorte que toutes les couches de la société participent à l'exercice des responsabilités.

A titre personnel, je ne voterai pas ces amendements, même si je partage les préoccupations qui les sous-tendent. Réduire de 15 % les promotions de l'ENA ne résoudrait pas le problème de fond. L'administration doit être au service du peuple et il reste beaucoup à faire pour qu'il en soit ainsi ! Monsieur le ministre, je réponds « Chiche ! » à votre proposition et le groupe UDF sera à vos côtés pour mener l'évaluation de fond que vous appelez de vos v_ux.

M. Jean-Pierre Dufau - Si une grande formation de la majorité désigne prochainement son président, je ne suis pas sûr qu'elle s'attache en priorité au fait qu'il soit ou non un ancien élève de l'ENA... (Sourire) Les amendements de nos collègues ont introduit ce débat : à ce titre, ils sont dignes d'intérêt. J'ai aussi cru comprendre que s'il était une discipline qu'il faudrait introduire le plus rapidement possible dans le cursus de l'énarque, ce serait bien l'apprentissage de la modestie ! (Sourires) Nous avons le travers de considérer que les expériences étrangères sont toujours intéressantes... précisément parce qu'elles sont étrangères. J'observe cependant que nombre de pays étrangers s'intéressent à l'ENA et y envoient leurs meilleurs étudiants. Au reste, notre discussion porte moins sur le devenir de l'ENA que sur l'indispensable démocratisation de l'accès aux responsabilités politiques et économiques. L'école a commencé de se réformer pour diversifier son recrutement. Elle doit être encouragée à persévérer...

M. Jean-Michel Fourgous - Vingt-cinq réformes n'y ont rien changé !

M. Jean-Pierre Dufau - Ne sacrifions pas à l'urgence. Il faut encore approfondir la question.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan - La commission des finances a adopté l'amendement de M. Giscard d'Estaing car elle a pour ambition d'économiser l'argent public partout où cela semble possible. On ne pourra baisser durablement les impôts si l'on ne maîtrise pas mieux la dépense publique. Or chaque économie relève du chemin de croix ! En l'espèce, l'économie réalisable converge avec le besoin de réformer l'institution. M. Descamps l'a très justement relevé : on ne fait bouger les choses qu'en touchant au porte-monnaie, pas en en produisant de savantes études ! 5 millions d'économies sur un budget de 30 millions, c'est peut-être beaucoup. Le chiffre d'un million me semble plus raisonnable.

Je voudrais dire aussi à MM. Novelli et Fourgous qu'il ne faut sans doute pas faire de l'ENA le bouc émissaire des faillites de tout un système. L'élitisme à la française qui veut que les classes dirigeantes se reproduisent à l'identique met en cause bien d'autres institutions que l'ENA. Et n'oublions pas que sur une promotion de cent élèves, cinquante sont issus du concours interne - contre moins d'un tiers il y a seulement dix ans. Quelle autre grande école peut se targuer d'un tel résultat ?

M. Jean-Michel Fourgous - Peut-être, mais ils ne sortent pas dans la botte et n'accèdent pas aux grands corps !

M. Gilles Carrez, rapporteur général - Vos amendements posent indirectement le problème de la consanguinité des hauts fonctionnaires et des responsables politiques. Le phénomène est bien réel mais il ne concerne pas que l'ENA. Il y avait dans la majorité précédente un nombre considérable d'enseignants. Le vrai scandale de notre démocratie, c'est que les salariés du secteur privé n'accèdent pas aux fonctions électives.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Il a raison !

M. Gilles Carrez, rapporteur général - Et si la haute fonction publique s'empare du pouvoir politique, c'est que le pouvoir politique est vacant ! Evitons d'ailleurs les caricatures : tous les énarques ne deviennent pas Président de la République ! N'oublions pas les énarques soutiers qui occupent avec modestie et rigueur des postes parfois ingrats au service de la collectivité et qui cherchent à obtenir de responsables politiques qui se défaussent les décisions indispensables pour le pays !

Il est tout aussi injustifié de prétendre que les énarques ignorent tout de l'entreprise. Certains ont cité des noms, revenons-y ! Avant d'être énarque, M. Messier est polytechnicien. Est-ce à dire que les X sont inaptes à diriger une entreprise ? Et avant d'être ENA, M. Bon est ESSEC ! Les anciens élèves de l'ENA qui dirigent des entreprises ne s'en sortent pas plus mal que les autres !

Mais la vraie raison pour laquelle nous voulons réformer l'ENA, c'est qu'elle reste une école trop centralisée, trop parisienne. A la sortie, les deux tiers, si ce n'est les trois quarts de chaque promotion s'orientent vers l'administration centrale. Est-ce ainsi qu'on favorisera la décentralisation ? Il faut que ces jeunes fonctionnaires aillent dans les services extérieurs, sur le terrain, comme ils le souhaitent d'ailleurs !

Autre paradoxe : alors qu'on a décentralisé l'ENA à Strasbourg, M. Forissier et moi-même, nous entretenant l'an dernier avec Pascal Lamy et son équipe, n'avons trouvé au sein de celle-ci que de jeunes fonctionnaires britanniques, espagnols, italiens ou portugais, et pas un seul Français ! A croire que l'on est allé à Strasbourg pour ignorer l'Europe ! Ces fonctionnaires des autres pays vont peu à peu gravir les échelons au sein de la Commission, et les nôtres disparaîtront ainsi des postes de responsabilité... Il faut donc absolument ouvrir l'ENA vers l'Europe, en même temps que vers la province.

Comme nous ne sommes pas naïfs à la commission des finances, nous avons estimé que, pour faire bouger les choses, il fallait frapper au portefeuille. L'amendement 90 vise donc à supprimer 5 millions d'euros de crédits. C'est peut-être beaucoup, cependant, et je serais personnellement prêt à me contenter d'un million, bien que ce soit bien moins que ce que coûtent les déplacements entre Paris et Strasbourg ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Nous sommes d'accord sur le constat, mais non sur les moyens.

Puisque vous dites rechercher désespérément des économies, Monsieur le rapporteur général, j'aimerais que vous compariez celles que nous avons réalisées et celles qu'ont faites les autres ministères !

M. Gilles Carrez, rapporteur général - Je reconnais que vous avez fait un gros effort.

M. le Ministre - Nous avons de notre propre chef proposé 8 % d'économies par rapport à la précédente loi de finances initiale, tout en garantissant l'exécution des crédits mobilisés. Autrement dit, avant même que la représentation parlementaire analyse ce budget, j'ai moi-même prié mes directeurs de ne demander que des crédits justifiés et je leur ai annoncé qu'en 2004, je ne défendrai pas les crédits de nos administrations si les résultats obtenus n'étaient pas conformes à nos objectifs.

De surcroît, nous avons consenti à plusieurs de vos propositions.

Monsieur Fourgous, de l'ENA ou du ministère des finances, quel est celui qu'on fait le plus difficilement bouger ?

M. Jean-Jacques Descamps - Les deux, mon général ! (Sourires)

M. le Ministre - Lorsque j'ai posé la question des fonds structurels européens et publié un décret conçu en sorte que les subventions soient versées même une fois les travaux lancés, la réponse unanime des parlementaires et des préfets a été : c'est impossible ! Or, grâce au Président de la République et au Premier ministre, nous y sommes parvenus en deux mois. Nous avons également réussi à obtenir la délégation des fonds régionaux aux préfets de région et la simplification de toutes les procédures.

S'agissant du sujet qui nous occupe, j'ai en quelque sorte pris vos devants : j'ai déjà refusé le projet d'établissement présenté par le directeur de l'ENA et je lui ai demandé un plan de rationalisation des dépenses de transport. Je ne veux plus qu'on paie des kilomètres inutiles, mais de la formation. Je veux qu'on développe à Strasbourg un pôle de formation qui nous permette de remporter les concours de fonctionnaires européens et je souhaite que l'ENA se rapproche de l'INET, qui est aussi à Strasbourg, de manière à diffuser sa culture au sein de la fonction publique territoriale. Je souhaite enfin, comme Mme Pecresse, qu'en sortant de l'école, on n'accède plus automatiquement à de hautes responsabilités sans être passé par une collectivité locale ou par une entreprise.

De quoi aura besoin notre fonction publique territoriale ? De cadres de grande qualité ! Je vais donc faire un pari qui est aussi un engagement : dans un an, si j'ai échoué dans ce que j'ai entrepris, vous pourrez me sanctionner.

Je propose en outre que des représentants du Parlement et des entreprises se joignent à moi pour vérifier si le projet d'établissement, que je souhaite voir adopter au plus tard au début de 2003, est bien conforme aux objectifs que j'ai fixés à l'administration de l'école.

Tel est le contrat moral que je vous soumets, au vu de la qualité de ce débat et de la pertinence des observations que vous avez formulées. En contrepartie, je vous suggérerai de quitter le champ du symbole pour étendre votre souci d'évaluation à l'ensemble des outils de formation des magistrats et fonctionnaires. Travaillons aussi sur un contrat d'objectifs : comme dans l'entreprise, on ne peut en effet songer à réduire les moyens qu'une fois qu'on a défini précisément les objectifs mais je serai le premier à refuser des crédits à une école qui ne serait pas pliée aux missions que nous lui aurions assignées.

Je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements et d'accepter le contrat de confiance que je vous propose (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Novelli - Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir clairement posé le problème et d'avoir pris un engagement net pour l'an prochain. Cependant, si le débat dont vous vous félicitez a eu lieu, c'est bien grâce à nos amendements. Je vous fais confiance pour réussir dans votre entreprise mais, avez-vous dit, ce n'est pas aux problèmes de s'adapter aux structures. Je maintiendrai donc l'amendement 86.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial - Je prends acte des engagements pris par le ministre. Ce débat était parfaitement fondé et utile ; il honore notre assemblée. Maintenant, le Gouvernement va fixer des objectifs qualitatifs et quantitatifs à l'école : meilleure adéquation aux besoins de l'entreprise, meilleure formation aux exigences européennes. Rendez-vous est pris pour la prochaine discussion budgétaire : nous y serons ! En attendant, je retire notre amendement.

L'amendement 90 est retiré.

L'amendement 86, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Georges Tron, rapporteur spécial - L'amendement 91 de la commission des finances s'inscrit dans la droite ligne des propos tenus par M. Carrez il y a un instant : le rapporteur général a justement rappelé qu'il n'y avait pas de petites économies dans la situation actuelle. J'ai rendu hommage au Gouvernement qui a réduit ses crédits d'investissement de 2,5 % pour tenir compte des reports des années précédentes, mais il me semble néanmoins possible de prendre encore 200 000 € sur les crédits de consommation du ministère.

L'amendement 91, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

Les crédits du titre III ainsi modifié, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits du titre IV de l'état B, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits des titres V et VI de l'état C.

APRÈS L'ART. 72

M. le Président - En accord avec la commission des finances, j'appelle un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 72.

M. le Ministre - Jusqu'au 31 décembre 2002 le dispositif de congé de fin d'activité permet à différentes catégories de fonctionnaires ou d'agents non titulaires de partir en préretraite jusqu'à la date de leur soixantième anniversaire. Le Gouvernement propose, par son amendement 127, de placer ce système de préretraite en extinction, comme cela s'est fait avec l'ARPE dans le secteur privé par un accord du 14 juin 2000. L'objectif consiste dans les deux cas à relever le taux d'activité des travailleurs âgés et contribuer ainsi à améliorer l'équilibre financier des régimes de retraite. Cette mesure s'appliquera de façon progressive, afin de ne pas interrompre brutalement les perspectives de départ anticipé de ses agents. Les agents nés en 1943 et 1944 ayant eu au moins 58 ans en 2002 et 37,5 années de cotisations et ceux nés entre 1943 et 1946, ayant eu au moins 56 ans en 2002 et 40 années de cotisation pourront bénéficier du CFA. Ces dates de naissance ne sont pas opposables aux agents qui justifiaient au 31 décembre 2002 de 172 trimestres. Les agents nés après 1946 ne pourront pas, en revanche, bénéficier du CFA.

M. Georges Tron, rapporteur spécial - La commission des finances n'a pas examiné l'amendement, dont je comprends l'esprit. De fait le problème des régimes de retraite de la fonction publique est posé de façon si aiguë qu'il ne faut négliger aucune mesure, en particulier celle qui permet de retenir des fonctionnaires expérimentés plutôt que de les inciter à partir à la retraite. Cela suppose une réflexion globale sur la gestion de la ressource humaine, que vous allez engager.

Votre proposition est calée sur les modalités de suppression de l'ARPE, décidée en juin 2000 sous le précédent gouvernement. L'équité a tout à y gagner.

Un point fait question : les fonctionnaires nés après 1946 et qui auraient 40 années de cotisations ne pourraient pas bénéficier du dispositif. Ils ne doivent pas être très nombreux. Le Gouvernement devrait essayer de les intégrer au dispositif. Si la commission des finances ne le propose pas par un amendement, c'est que l'article 40 lui est opposable.

M. Jean-Pierre Dufau - Le CFA a été crée en 1996, et reconduit chaque année par tous les gouvernements. Vous prenez la responsabilité de l'interrompre par voie d'extinction. Vous avez excipé de l'accord relatif à l'ARPE conclu dans le secteur privé. Il s'agissait bien d'un accord alors qu'ici le Gouvernement décide d'abord et négocie après. C'est cette méthode que nous dénonçons. Tant mieux pour les fonctionnaires à qui leur année de naissance permettra de bénéficier de votre mesure ; tant mieux si ceux nés après 1946 peuvent être intégrés. Mais ce rectificatif montre que la discussion n'a pas eu lieu avec les partenaires sociaux. Mieux valait reconduire le CFA pour un an, puisque la réflexion sur l'ensemble des retraites s'engagera au début de 2003. C'est alors qu'un accord avec les partenaires sociaux aurait pu être trouvé.

M. le Ministre - Le CFA est reconduit chaque année par voie d'amendement. Nous avions indiqué aux organisations syndicales que ce dispositif avait perdu de son intérêt et que nous pouvions dès lors soit ne pas déposer d'amendement de reconduction, soit le reconduire d'un an pour le supprimer, soit le mettre en extinction progressive. Nous avons choisi cette troisième solution.

Monsieur Tron, je peux mesurer le sentiment d'injustice ressenti par les agents qui seraient exclus du nouveau système. Tout changement provoque un effet de frontière. Nous allons regarder le problème, et éventuellement en tirer les conséquences à l'occasion de la navette.

L'amendement 127, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne des services du Premier ministre pour le Conseil économique et social.

Les crédits du titre III de l'état B et du titre V de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

PLAN

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne des services du Premier ministre pour le Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général - Les amendements 68 et 69 de M. Goulard sont défendus.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial - La commission des finances ne les a pas examinés. Ils supprimeraient tous les moyens de fonctionnement et d'action du commissariat général au plan.

Parmi les députés de la majorité, un certain groupe de pression a disparu. De nouveaux parlementaires paraissaient avoir un problème de compréhension avec le Gouvernement, ce qui est habituel.

Les amendements de ce genre sont excessifs et révélateurs. Les services du commissariat, c'est vrai, ne servent plus à l'élaboration de plans pluriannuels, puisqu'il n'y en a plus depuis belle lurette. Mais le Gouvernement, comme toute grande entreprise, a besoin d'éclairages stratégiques et le commissariat fournit d'excellents travaux.

Ces amendements sont également irréalistes. Si l'on supprime la rémunération des fonctionnaires, qui gérera les crédits maintenus de recherche ? On devrait plutôt regretter que les crédits baissent de 7 %, et surtout que le Gouvernement, depuis son installation, ne donne aucune directive ni orientation au commissariat au plan.

Je suis donc hostile aux amendements, tout en espérant que le Gouvernement clarifiera les missions du Commissariat.

M. le secrétaire d'Etat - J'ai dit en présentant ce budget que Jean-Pierre Raffarin voulait aller vers un Etat stratège. Oui, Monsieur Bourguignon, aucun gouvernement ne peut se passer d'une fonction prospective. Dans un univers en mutation constante, nous avons besoin d'un outil pour penser le long terme. Une réflexion est engagée pour réorganiser les services qui concourent à éclairer l'Etat pour l'aider à relever les défis de demain. Certains ont suggéré de rapprocher la DATAR et le commissariat général au plan. On pourrait aussi penser au conseil d'analyse économique, au conseil d'orientation des retraites et à la direction de la prévision, sans parler d'un éventuel concours de l'université. Je peux donc rassurer M. Bourguignon, il n'est pas question de trancher pendant le débat budgétaire. Avis défavorable.

M. Gilles Carrez, rapporteur général - Avant de décider si je dois ou non retirer les amendements déposés par M. Goulard, j'ai besoin d'entendre le président de la commission des affaires économiques et le rapporteur spécial pour la fonction publique et la réforme de l'Etat.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques - Je suis défavorable à ces amendements. Je comprends qu'on recherche des économies, mais nous ouvrons là un débat aussi important que celui que nous venons d'avoir à propos de l'ENA.

Si je devais faire un procès, je ne ferais pas celui de notre instrument de prospective, mais celui de la manière dont il a été utilisé par les gouvernements successifs. Il n'est pas question de remettre en cause, au prétexte d'économies budgétaires, un instrument aussi indispensable. Je condamne en revanche la création du conseil d'analyse économique par le gouvernement Jospin. Etait-il nécessaire de créer une structure supplémentaire ? La superposition des différents organismes créé la confusion. Mais peut-on imaginer qu'au moment où va s'approfondir la décentralisation, l'Etat ne dispose pas d'un outil lui permettant de coordonner les politiques publiques ? Au moment où nous nous engageons dans une Europe élargie, notre pays doit-il se priver d'un tel instrument ?

M. le Président - Ce débat est très virtuel, puisque les amendements n'ont pas fait l'objet d'une défense développée.

M. Georges Tron, rapporteur spécial - Je souhaite toutefois m'exprimer virtuellement quelques secondes, Monsieur le Président.

Dès 1998, Monsieur Bourguignon, Lionel Jospin avait écrit à M. Charpin pour lui donner des instructions sur le rôle que devait jouer le Plan. Vous étiez moins bruyant à l'époque.

Ces amendements sont importants, car la question mérite d'être posée. Nous devons rationaliser l'organisation du conseil.

M. Gilles Carrez, rapporteur général - C'est dans cette perspective que mon collègue Goulard a déposé ces amendements d'appel. Ils sont retirés.

Les crédits du titre III de l'état B, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits du titre IV de l'état B.

Les crédits du titre VI de l'état C, mis aux voix, sont adoptés.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Les crédits du titre III de l'état B, mis aux voix, sont adoptés.

TITRE IV

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial - L'amendement 104 de la commission des finances vise à supprimer les crédits de l'institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire, créé par le précédent délégué à l'aménagement du territoire, M. Guigou. L'existence d'un tel organisme ne se justifie pas. Mon prédécesseur en tant que rapporteur spécial, M. Alain Rodet, s'avouait l'année dernière « dubitatif ». La même formation pourrait être dispensée dans les instituts d'études politiques, dans les troisièmes cycles universitaires, voire dans les locaux strasbourgeois de l'ENA (Sourires). Puisque nous voulons maîtriser la dépense publique et que la loi organique sur les finances publiques nous donne des responsabilités accrues, je propose d'économiser les 500 000 € que coûte cet institut.

La sensibilisation aux problématiques de l'aménagement du territoire peut se faire autrement, sans impact budgétaire.

M. le Ministre - Votre amendement me paraît acceptable si vous précisez qu'il s'agit non d'une suppression, mais d'une suspension, qui permettrait de mener, pendant un an, une réflexion en effet nécessaire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques - Cet institut, qui joue un rôle important en matière d'aménagement du territoire, devrait être davantage tourné vers le terrain. On pourrait aussi envisager d'en partager le financement entre l'Etat et les autres acteurs. Je souhaite donc que M. Giscard d'Estaing veuille bien préciser son amendement.

M. Jean-Pierre Dufau - La pertinence des objectifs de cet institut a été unanimement reconnue. Il a été créé en 2002, il serait prématuré de juger ses résultats. A-t-on envisagé de supprimer l'IHEDN ? Est-il cohérent de demander la suppression de cet institut et de confier ses missions à l'ENA qu'on veut supprimer ? Je me prononce donc contre, de même que M. Jean Launay.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial - Cet amendement répond à un souci d'économie. Nous n'avons pas voulu remettre en cause les objectifs qui ont justifié la création de cet institut.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 104, mis aux voix, est adopté.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial - L'amendement 105 vise à réduire d'un million d'euros les crédits affectés à l'agence française pour les investissements internationaux. Cette structure, créée en 2001 par la loi sur les nouvelles régulations économiques, regroupait les différents acteurs chargés de prospecter les investissements étrangers. Au lieu de rationaliser les moyens, elle a aggravé la dépense publique de 25 % et augmenté les effectifs de 8 %.

Il faut également prendre en compte le coût élever du loyer des appartements parisiens de cette agence, et l'abondance de personnel au sein des services centraux. Sans entraver l'action de l'AFII, il convient de réduire ses dépenses.

M. le Ministre - L'AFII est née de la fusion de deux administrations. Elle a pour mission de développer les investissements étrangers en France. Dans ce domaine, nous avons mieux réussi que nos concurrents étrangers, notamment anglais.

Le tiers des 25 000 emplois correspond à des projets identifiés par le réseau des bureaux à l'étranger : la progression prévue pour 2003 est légère. Et avant la création de l'AFII, les crédits afférents aux mêmes objectifs étaient répartis entre la DATAR, la DRE et la DPMA.

Le secrétariat général compte neuf personnes, y compris l'agent comptable. J'ajoute que l'AFII a permis de combler des vacances de personnel dans les réseaux à l'étranger.

Quant au loyer, sans un surcoût lié à l'installation de réseaux informatiques par le propriétaire avant l'arrivée de l'AFII, il serait inférieur au prix du marché. En l'état, votre amendement me paraît préjudiciable à l'efficacité de l'AFII. Mais, pour répondre à votre demande d'économies, j'ai prié mes services de calculer quels crédits pourraient être supprimés sans mettre en péril les capacités opérationnelles de l'agence. Leur réponse me permet de vous proposer une réduction de 200 000 €.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial - J'accepte cette rectification.

M. Georges Tron, rapporteur spécial - Comme je l'avais fait l'année dernière, je demande au Gouvernement que soient recensés tous les organismes dépendant du Premier ministre et des ministères, de manière à pouvoir tailler dans les coûts (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Je voterai l'amendement rectifié, que je considère comme ouvrant un débat d'une utilité particulière.

M. Nicolas Forissier - La proposition du ministre répond à un v_u général. Il serait en effet périlleux d'affaiblir l'agence au moment où nous cherchons par tous les moyens à renforcer l'attractivité de notre territoire. J'aimerais toutefois entendre le ministre s'engager à la réorganisation de l'ensemble des organismes qui concourent à attirer les investissements étrangers. Sans aucun doute, un rapprochement réduirait sensiblement les coûts.

M. Gilles Carrez, rapporteur général - Je ne vous le cache pas : je suis un homme malheureux... (Murmures sur divers bancs) Le rapporteur spécial du commerce extérieur que j'étais a dressé l'historique de l'inflation des structures dans le domaine qui nous occupe, et cet historique est édifiant. En effet, au service de l'expansion économique et à son réseau de cent postes se sont greffées les délégations de la DATAR. Après quoi, Bercy ne voulant pas être en reste, a nommé un « ambassadeur itinérant aux investissements étrangers »- et cet homme ne pouvant agir seul, il s'est transformé en structure, on a créé l'AFII... Je me réjouis, certes, que l'agence et les délégations de la DATAR fusionnent, mais j'observe que cette opération fait gonfler les coûts, cependant que les services de l'expansion économique continuent de prospérer... Et encore : nos régions ont, elles aussi, entrepris d'installer des antennes à l'étranger, où elles se font concurrence... Au Brésil, j'ai ainsi rencontré une agence Bretagne, qui paraissait ignorer l'agence Rhône-Alpes sise à quelques mètres...

Le rapprochement de ces structures s'impose. Pour avoir participé, dans les années 1980, à l'implantation d'Eurodisney en Seine-et-Marne, je peux témoigner de l'incompréhension de mes interlocuteurs américains devant l'éclatement des services auxquels ils devaient s'adresser. Cela doit finir. Simplifions, pour dépenser mieux en dépensant moins (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial - Le nombre des organismes attachés aux services du Premier ministre est de 40, et ils sont 99 auprès du ministre de l'économie, 81 auprès du ministre de l'agriculture, et 40 auprès du ministre des anciens combattants. Ces organismes ont un coût, que le document jaune annexé au projet de loi de finances ne détaille pas. En revanche, le document s'épaissit à mesure que de nouveaux organismes sont créés... L'annexe devra permettre, à l'avenir, un regard plus critique sur ce foisonnement de structures, leur utilité et leur coût.

M. le Ministre - Je partage votre souhait d'une plus grande transparence de l'information lors de l'élaboration des projets de loi de finances. J'aimerais, ainsi, pouvoir traduire dans le texte les conséquences des discussions avec les syndicats.

Je souhaite que nous nous rencontrions régulièrement pour évaluer l'action de mon département et nous interroger ensemble sur la pertinence des actions menées. L'ambition d'un ministre ne doit pas être d'obtenir plus chaque année mais de gérer au mieux les ressources qui sont mobilisées à son profit. Travaillons sur le mode d'un partenariat permanent, serein et efficace.

L'amendement 105 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité.

Les crédits inscrits à l'état B, titre IV, modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits à l'état C, titre VI, mis aux voix, sont adoptés

M. le Président - J'appelle les crédits du Budget annexe des Journaux officiels.

Les crédits ouverts aux articles 40 et 41, au titre des mesures nouvelles, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits de la fonction publique, de la réforme de l'Etat, de l'aménagement du territoire et des services du Premier ministre.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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