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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 20ème jour de séance, 53ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 7 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      COMMUNICATION 2

      QUESTIONS 18

      APRÈS L'ART. 63 21

      ORDRE DU JOUR DU VENDREDI 8 NOVEMBRE 2002 23

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

COMMUNICATION

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la culture concernant la communication.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances - Malgré des finances publiques dégradées, malgré une mauvaise conjoncture économique depuis cinq ans, le Gouvernement a su trouver les moyens budgétaires pour préparer l'avenir du service public de l'audiovisuel et pour maintenir le soutien de l'Etat à la presse écrite. Ce budget de transition utilise au mieux toutes les ressources publiques disponibles, y compris les reports en matière de redevance, de fonds multimédia ou de fonds de modernisation. Il marque une consolidation globale des moyens mis à la disposition de l'audiovisuel public, compte tenu du décalage imposé par l'irréalisme du calendrier précédemment retenu en matière de télévision numérique terrestre. Les moyens qu'il était prévu d'y consacrer peuvent être, pour 2003, économisés. La décision du Gouvernement de ne pas relever le montant unitaire de la redevance, qui pèse singulièrement sur les ménages modestes, rompt avec l'augmentation moyenne des cinq dernières années. Néanmoins, les crédits publics augmenteront en 2003 de 49,8 millions d'euros hors taxes - soit 2 % -, grâce au dynamisme de l'assiette et du recouvrement de la redevance. La croissance des ressources publiques demeure, malgré le ralentissement économique, supérieure à l'inflation ; l'audiovisuel bénéficiera de moyens publics en légère croissance en monnaie constante : pour France Télévisions, Radio France et RFO, 2 % ; 3 % pour Arte qui doit honorer les engagements pris en contrepartie des efforts prévus par le partenaire allemand ; 1,5 % pour l'INA et RFI.

En raison de l'atonie prévisible du marché publicitaire en 2003, les objectifs de ressources propres des organismes sont fixés à 764,3 millions d'euros, soit moins d'un quart du budget du secteur.

Celui-ci augmentera de 1,9 % en 2003 pour s'établir à 3,3 milliards d'euros.

L'exercice 2003 sera l'année de tous les enjeux pour l'audiovisuel public. Le Gouvernement devra mobiliser tous les moyens pour donner sa chance à la télévision numérique terrestre, conformément aux conclusions du rapport Boyon. Dès le lancement de celle-ci, il faudra définir le calendrier et les moyens destinés à desservir les 15 à 30 % de la population française qui ne pourront bénéficier du numérique par voie hertzienne. On ne peut prétendre en même temps que le numérique est un progrès important pour la qualité de l'offre et délaisser un nombre non négligeable de téléspectateurs.

Compte tenu de la sélection de chaînes privées, mais surtout gratuites, opérée par le CSA, une nouvelle réflexion devra être rapidement menée sur le périmètre du secteur public numérique. Il faudra rechercher une complémentarité avec l'offre privée et s'inspirer des conclusions de la mission confiée à Catherine Clément sur le contenu culturel et éducatif du service public. L'hypothèse d'une chaîne destinée aux enfants et aux jeunes, sans pression publicitaire, devrait être examinée, tant le service public présente, dans ce domaine, des insuffisances manifestes.

L'actualisation, en 2003, par avenant, des contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et d'Arte, la conclusion de ceux de Radio France, RFI et RFO et la préparation du second COM de l'INA devront traduire cette stratégie. La démarche contractuelle mérite d'être systématiquement privilégiée.

L'élargissement éventuel du périmètre du secteur public doit s'accompagner de la modernisation des tâches liées à la numérisation. Dans cette perspective, un examen approfondi de l'incidence de la convention collective applicable à l'audiovisuel semble souhaitable. J'ai fait cette proposition au président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, et la Cour des comptes en a accepté le principe.

Les décisions sur le périmètre du service public devront s'articuler avec l'objectif de créer une chaîne ambitieuse d'information internationale - à laquelle le Président de la République est attaché - mais aussi avec la nécessité de réduire le foisonnement des structures de la politique audiovisuelle extérieure. Pour s'exprimer dans le monde, la France a besoin de refonder sa politique.

Une étude comparative complète devra être menée au début de 2003 sur les différentes possibilités de substitution à la redevance actuelle, condamnée à disparaître par la loi organique du 1er août 2001. Les solutions possibles sont multiples : remplacement par une imposition recouvrée par les services fiscaux classiques ; nouvelle ressource affectée ; financement budgétaire indexé et garanti... En tout cas, la solution retenue devra tenir compte de plusieurs impératifs. D'abord, réduire le coût de perception de la ressource. Ensuite, apporter un financement assurant le respect des COM, car l'outil contractuel est indispensable aux sociétés de l'audiovisuel public, pour qu'elles puissent, à l'instar de leurs concurrents privés, disposer d'une lisibilité sur plusieurs années et organiser leur mutation à partir d'un projet d'entreprise. L'Etat ne peut pas recommencer à manquer à sa parole, comme l'a fait le gouvernement précédent en signant un contrat d'objectifs et de moyens reposant, pour une large part, sur la télévision numérique terrestre, sans se donner les moyens de le mettre en _uvre. Les décisions devront être prises de façon que le dispositif soit opérationnel dès le 1er janvier 2004, sans solution de continuité. Elles devront être préparées en large concertation avec le Parlement.

Il importera également de poursuivre en 2003 la réflexion sur le contenu des programmes, en y associant davantage les téléspectateurs. On ne peut que regretter à cet égard que le comité des téléspectateurs ne fonctionne toujours pas.

Les réflexions en cours sur la pornographie et la violence à la télévision ne doivent pas se limiter aux possibilités de cryptage ou d'interdiction. Il faut nourrir une ambition plus large, qui est d'éduquer vraiment les jeunes à l'image.

Afin que le respect des règles, notamment de contenu des programmes, puisse être contrôlé efficacement par le CSA, il conviendra de renforcer ses pouvoirs de sanction financière, indépendamment des poursuites qui peuvent par ailleurs être engagées. J'ai déposé une proposition de loi en ce sens.

J'en viens aux aides à la presse, vitales pour ce secteur qui fait face en même temps à une diminution du nombre de lecteurs, à une baisse des recettes publicitaires et à une hausse des coûts.

Les aides budgétaires à la presse ont plusieurs objectifs : soutien de la diffusion et de la distribution en France et à l'étranger, aide au pluralisme et à la diversité des titres, aide au développement du multimédia. Le fonds de modernisation de la presse vise, pour sa part, à soutenir les investissements et, s'agissant des quotidiens nationaux, leur distribution.

A l'évidence, ce dispositif multiple manque d'une évaluation globale. L'Etat aide en effet toutes les familles de presse, dont les intérêts sont pourtant parfois divergents, et tous les modes de diffusion, qui parfois sont complémentaires mais peuvent aussi se substituer les uns aux autres, à lectorat constant. Une réflexion d'ensemble paraît donc souhaitable.

L'aide postale, reconduite en 2003 à son niveau de 2002, devra elle aussi faire l'objet d'une renégociation, les accords Galmot étant arrivés à échéance fin 2001.

Les crédits inscrits au budget des services généraux du Premier ministre - 34,67 millions d'euros - diminuent légèrement en apparence par rapport à 2002. Mais la mobilisation des reports devrait permettre de relever ce montant à plus de 42 millions d'euros, sans même tenir compte de celle du fonds de modernisation de la presse. L'aide à la SNCF est reconduite en 2003 avec 13,72 millions d'euros, le fonds d'aide à l'expansion de la presse française à l'étranger est maintenu à 3,7 millions d'euros. L'aide au portage des quotidiens qui concerne plus de 60 titres, sera légèrement accrue pour atteindre 8,25 millions d'euros. C'est une priorité. Il faudra aller plus loin encore car ce service, très apprécié des lecteurs, peut permettre d'en gagner de nouveaux. Les crédits du fonds d'aide aux quotidiens nationaux seront reconduits en 2003 avec 4,628 millions d'euros. Il faudra veiller à maintenir le montant des aides par titre, en cas d'apparition de nouveaux bénéficiaires et prêter attention à la situation de France-Soir. Un effort particulier est prévu en faveur du fonds d'aide à la presse départementale, dont les crédits progressent de 3,68 % pour s'établir à 1,44 million d'euros. Comme en 2002, le fonds presse et multimédia ne sera pas abondé, mais pourra redistribuer les remboursements des avances consenties dans le passé - soit environ 1,5 million d'euros - ce qui devrait, du moins dans l'immédiat, suffire à satisfaire les demandes. Le cadre juridique de la gestion de ce fonds devra toutefois être clarifié.

Les ressources attendues du fonds de modernisation de la presse, financé par la taxe de 1 % prélevée sur le chiffre d'affaires des publicités hors médias, seront du même ordre qu'en 2002, soit 29 millions d'euros.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. le Rapporteur spécial - Il serait utile, comme je l'ai demandé, de mobiliser les reports de ce fonds pour financer les investissements liés au portage, en complément des crédits du fonds d'aide au portage. La nouvelle aide à la distribution de la presse quotidienne nationale qui accompagne la modernisation du système de distribution par les NMPP, a, quant à elle, été maintenue à son niveau de 2002, soit 12,3 millions d'euros.

Autre priorité du Gouvernement : assurer la pérennité et le développement de l'AFP, outil sans équivalent du rayonnement de la France dans le monde.

Je souhaiterais dire un mot des retards de notre pays dans le domaine de l'Internet, mais pour répondre aux sollicitations du président, je terminerai là mon propos (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Vous aviez déjà dépassé votre temps de parole de deux minutes.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Je tiens à rendre hommage au rapporteur spécial de la commission des finances qui, par amitié pour vous-même, Monsieur le ministre, a porté un regard bienveillant sur ce budget alors que, j'en suis sûr, il ne peut qu'en être navré.

M. le Rapporteur spécial - Pas du tout !

M. le Rapporteur pour avis - Quel décalage en effet, Monsieur le ministre, entre vos déclarations au début de l'été et ce budget ! Vous nous annonciez en effet une grande ambition pour la télévision publique, laquelle devait disposer de moyens renforcés pour accroître encore la qualité de ses programmes. On est aujourd'hui loin du compte avec ce budget médiocre qui, de surcroît, rompt avec les engagements pris par l'Etat dans le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions.

M. Michel Herbillon - Ce n'est pas exact.

M. le Rapporteur pour avis - Les moyens de l'audiovisuel public n'augmentent que de 2 %, soit de 0,4 % seulement si l'on tient compte de l'inflation. Le secteur n'a manifestement pas les moyens de remplir ses missions, ni a fortiori de se développer, surtout quand le chiffre d'affaires des opérateurs privés progresse, lui, non pas de 0,4 %, mais bien de 10 %, en dépit de la crise !

Les moyens de France Télévisions n'augmentent que de 2 % alors que le contrat d'objectifs et de moyens de la chaîne prévoyait 3,4 %. Celui-ci se trouve donc de facto remis en cause, l'Etat rompant les engagements pris. Ce sont aussi les nouvelles relations entre l'Etat et les chaînes que ces contrats visaient à établir, plutôt rationnelles et intelligentes, qui se trouvent remises en question. Au-delà même de vos choix politiques, qui bien sûr peuvent être différents des nôtres, le fait que l'Etat ne tienne pas ses engagements rend caduc l'esprit même de ces contrats d'objectifs et de moyens.

Et il ne suffit pas d'invoquer le retard pris par la TNT pour justifier cette attitude...

M. le Rapporteur spécial - C'est pourtant la réalité.

M. le Rapporteur pour avis - La hausse prévue de 3,4 % des moyens de France Télévisions n'était pas destinée à financer seulement la TNT mais aussi l'amélioration de la qualité des programmes. C'est donc bien celle-ci que ce budget menace directement.

Moins de crédits pour la télévision publique, moins de moyens, et donc moins de qualité, pour ses programmes, voilà bien la triste réalité !

M. Laurent Henart - Regret de cigale !

M. le Rapporteur pour avis - Je ne m'appesantirai pas sur le budget de France Télévisions que notre collège Martin-Lalande a détaillé, portant d'ailleurs sur lui un regard trop bienveillant, mais nous savons quel est son sens de la discipline...

M. Michel Herbillon - Ne confondez pas l'exactitude et la bienveillance !

M. le Rapporteur pour avis - De toutes les autres sociétés de l'audiovisuel public, seule Arte tire son épingle du jeu avec une augmentation de ses moyens de 3 %. Les moyens de l'INA ne progressent pas. Il est vrai que cela était prévu par le contrat, et vous respectez donc le contrat d'objectifs et de moyens. Mais l'INA ayant avancé plus vite que prévu dans la numérisation des archives, nous dotant ainsi d'un outil pédagogique précieux, vous auriez peut-être pu reconnaître cet effort...

En réduisant les aides directes de 11 %, vous portez un coup sévère à la presse écrite, qui affronte déjà de sévères difficultés. N'aurait-il pas été juste et légitime que l'Etat compense l'arrivée à échéance du fonds de remboursement des charges sociales, afin de maintenir les aides à leur niveau actuel ? Je souhaiterais en tout cas que vous corrigiez le tir.

Quittons le budget proprement dit pour dire un mot de la redevance. La plus grande confusion règne à ce sujet. Cet été, nous vous avons entendu affirmer qu'il fallait relever la redevance ; puis est venu le désaveu du Premier ministre, qui a tranché pour la stabilité ; enfin, plusieurs de nos collègues de la majorité ont déposé des propositions de loi visant à supprimer la redevance... dont la fin est maintenant annoncée pour 2004. Il est vrai qu'en la matière, les sentiments sont partagés, à droite comme à gauche. Cependant, si son assiette est archaïque, si elle est inéquitable, si elle donne lieu à beaucoup de fraudes et si ses coûts de perception sont excessifs, la redevance n'en est pas moins le seul impôt directement affecté à des activités de création. Cela vaudrait qu'on y réfléchisse à deux fois avant de la remettre en cause. En outre, au cours des dix dernières années, l'existence du fonds d'affectation spéciale a permis de sanctuariser cette ressource, garantissant ainsi l'indépendance de l'audiovisuel public. Tous ceux qui sont attachés à cette indépendance devraient donc défendre la redevance, tant que nous n'aurons pas mis au point un système alternatif crédible (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Quant au numérique, quoi que vous fassiez pour en retarder l'arrivée, celle-ci est inéluctable.

M. Christian Kert - C'est nous qui l'avons demandée, par une loi !

M. le Rapporteur pour avis - Aujourd'hui, la diffusion est le seul maillon de la chaîne qui ne soit pas numérisé. Lorsque vous étiez dans l'opposition, vous organisiez quasiment des monômes dans les couloirs de l'Assemblée pour demander que la loi prenne tout de suite en compte le numérique et vous voici maintenant bien tièdes ! Vous usez de tous les subterfuges pour essayer de reporter l'échéance...

Le numérique terrestre n'est pas un gadget de plus, c'est un enjeu pour la démocratie. Notre pays se trouve dans une situation unique au monde, avec une offre gratuite de télévision limitée à cinq chaînes cependant qu'un seul opérateur privé, TF1, capte plus de 50 % de la publicité et parfois jusqu'à 40 % de l'audience. Cette situation découle de la privatisation de la chaîne de référence du service public, opération également sans équivalent au monde. TF1 et M6 étant aujourd'hui parmi les valeurs boursières les plus florissantes de ce pays, ni l'une ni l'autre n'ont intérêt à ce que le numérique se mette en place. Quant aux nouveaux entrants, ce sont des opérateurs qui n'ont ni l'expérience ni le catalogue qui leur permettraient d'être les moteurs de la mutation. Seul donc le service public aurait été en mesure de lancer un numérique terrestre majoritairement gratuit. C'est ce dont vous ne vouliez pas, et M. Boyon, l'un des artisans de la privatisation de TF1, a fait le nécessaire par son rapport, qui vise à enterrer, avec fleurs et couronnes, certes, le projet numérique de la télévision publique.

A ce propos, s'il y avait, parmi tous les projets de France Télévisions, un projet qui se justifiait pleinement, c'était bien celui de la chaîne « Tout Info ». Je ne comprends pas que les députés de la majorité ne se soient pas insurgés contre les déclarations faites sur le sujet : une démocratie comme la nôtre devrait-elle renoncer à un tel projet, sous prétexte que Bouygues dispose d'une chaîne semblable ? La transparence de l'information n'est-elle pas un enjeu suffisant pour légitimer un espace civique échappant aux intérêts marchands ? Vous n'avez fait que rendre un service de plus à vos bienveillants amis de TF1 !

Ce budget s'inscrit dans une stratégie d'ensemble. Dès votre entrée en fonctions, Monsieur le ministre, vous avez fait des déclarations hostiles à la télévision publique. Vous avez sans doute le droit de mettre en _uvre une nouvelle politique, mais vous devez nous dire laquelle ! Nous avons légiféré, nous, en ayant le sentiment qu'un secteur public qui fédère entre 35 et 40 % de l'audience était un facteur de régulation indispensable. Vous remettez ce postulat en cause, soit, mais déstabiliser ne suffit pas à faire une politique. Dans quel but agissez-vous ? Préparez-vous une privatisation de France 2 ou s'agit-il seulement de contenir la télévision publique pour laisser le champ aux opérateurs privés ? Songez-vous à un paysage audiovisuel à l'américaine, avec une télévision publique qui ne serait que l'alibi culturel et bien-pensant d'un espace dominé par les marchands ?

Toutes ces inquiétudes m'ont conduit à demander le rejet de vos crédits, mais la commission des affaires culturelles ne m'a pas suivi. Je sais cependant que tous ceux qui s'étaient réjouis que l'Etat s'engage à rembourser les exonérations de redevance, que tous ceux qui sont attachés à un service public efficace, puissant et régulateur, sont consternés par ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Christophe Baguet - Vous avez, Monsieur le ministre, marqué l'été par des déclarations à la fois volontaires et courageuses. L'UDF a été enthousiasmée par votre détermination à vous attaquer aux vrais problèmes : garantir l'indépendance de la télévision publique, renforcer ses moyens, abaisser le coût de la collecte de la redevance, lancer la TNT... Mais à l'été et au temps des ambitions rayonnantes a succédé la rentrée financière, brutale. Vous nous présentez ce soir un budget reposant sur une réelle affectation des crédits, ce dont les contribuables ne se plaindront pas : ils ne supportent plus qu'on thésaurise leurs impôts en vue de « coups » politiques ! Bravo donc pour ce premier acte de vérité !

Mais attention à la suite : qu'adviendrait-il si la situation économique se dégradait ? Ainsi, la proposition de relever de 3 % la redevance est à peine oubliée que certains songent à supprimer celle-ci purement et simplement. Je le dis solennellement : toute budgétisation des ressources de la télévision publique marquerait un formidable retour en arrière ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) Ne renouons pas avec la télévision d'Etat !

Cela dit, il faut réfléchir à une réforme. Vous avez évoqué la possibilité de rattacher la redevance à la taxe d'habitation, j'avais pour ma part préféré un rattachement à l'impôt sur le revenu : n'importe, réfléchissons ensemble ! Toute économie sur le coût de la collecte sera la bienvenue. En attendant, je m'étonne qu'on n'aie jamais pensé à faire _uvre pédagogique et, par exemple, à joindre à l'avis de paiement une lettre explicative. Les critiques souvent injustifiées adressées au service public s'en seraient peut-être trouvées atténuées.

Le service public doit, en tout état de cause, poursuivre sa mutation. Le report du calendrier de la TNT devrait lui permettre de réfléchir davantage à sa mission. La fuite en avant, un moment envisagée, avec sept canaux, n'est pas raisonnable. La TNT représente l'avenir et vous proposez une approche globale que nous approuvons. Reste à tenir le nouveau calendrier et à traiter la question de l'ouverture ou non à la publicité. Ce sujet complexe mérite un débat.

S'agissant de la pornographie, le double cryptage est une solution, mais n'oublions pas la violence gratuite. Actuellement, le CSA n'a pas les moyens de prévenir les dérives. Dix ans, c'est trop long ! Il faut donc légiférer pour contrer toute atteinte à la dignité de la personne.

Je suis choqué que les malades les plus démunis séjournant dans les hôpitaux publics ne puissent pas accéder gratuitement à un service audiovisuel public. Nous sommes très en retard pour l'accès à la télévision des sourds et malentendants, et je présenterai un amendement sur ce point. Enfin les industries du cinéma, de l'audiovisuel et des médias souffrent considérablement. Aussi faudrait-il leur offrir, à l'instar des entreprises de presse, une exonération de taxe professionnelle compensée par l'Etat. Il y a urgence.

Nous vous félicitons de relever de 4,5 % le montant des abonnements à l'AFP souscrits par l'Etat. Mais sortira-t-on un jour du cycle infernal d'un plan d'économie qui succède à une aumône gouvernementale indécente ? L'AFP est reconnue mondialement pour sa compétence. Faisons-lui confiance, et renforçons son indépendance. Il est urgent d'adapter son fonctionnement à la réalité de la communication du XXIe siècle. Je suggère ainsi, pour l'agence, d'établir un contrat d'objectifs et de moyens, de supprimer l'obligation d'équilibre budgétaire annuel au profit d'une pluri-annualité budgétaire, d'accorder la capacité d'emprunter, d'aligner le mandat du président sur celui du service de l'audiovisuel, de rééquilibrer la composition du conseil d'administration. En effet sur 15 membres, 8 représentent la presse quotidienne. Je ne serais pas choqué par l'arrivée de nouveaux clients représentant le monde de la technologie, de la radio ou de la télévision. Enfin, s'agissant des aides à la presse, sachez que l'UDF est très attachée à la valeur de l'écrit. Les attaques du rapporteur pour avis pouvaient nous inquiéter, mais les services du Premier ministre se sont engagés à rétablir les équilibres budgétaires de 2002.

M. Michel Françaix - Cela ne va pas être facile !

M. Pierre-Christophe Baguet - Responsabilité, transparence, indépendance, respect des ressources publiques, voilà les règles auxquelles l'UDF est attachée. Dans cet esprit, vous pouvez compter sur son soutien.

M. Frédéric Dutoit - La hausse de 2 % de votre budget est la plus faible depuis 5 ans. L'audiovisuel public avait vu ses moyens renforcés de 38 % depuis 1998... En raison, dites-vous du retard programmé de la TNT, les 2 % satisferaient la présidence de France Télévisions. Vous savez pourtant que la télévision publique opère dans un secteur concurrentiel, et que les ressources publicitaires ne sont pas extensibles, surtout quand sévit la récession économique.

Par contre, le coût de production des émissions ne diminue pas, bien au contraire. La France, avec ses 600 heures de création annuelles, est loin derrière l'Allemagne et la Grande-Bretagne, et l'augmentation homéopathique de votre budget risque de creuser ce fossé.

Les moyens publics de production, naguère portés par la SFP - dont bon nombre des personnels n'ont pas eu de propositions sérieuses de reclassement -, sont anémiés. La restructuration des pôles de création de France 3 en six régions ne semble pas satisfaire les personnels. Pouvez-vous les rassurer ?

Avec ce budget, vous faites donc le choix du pire pour les chaînes publiques : « attendre et voir ». Vous ne prenez pas la mesure de ce qui se passe dans le paysage audiovisuel français, sans cesse en mutation. Vous affaiblissez le service public au détriment des chaînes commerciales privées. Pourquoi restreindre l'accès des nouvelles chaînes publiques au numérique terrestre ? La diversité et l'innovation ne peuvent-elles venir que du privé ? Mon groupe ne le pense pas.

Comme nous avions soutenu Le Mouv', radio jeune de Radio France, nous croyons que la créativité peut venir de France Télévisions. Encore faut-il une véritable volonté politique et une discussion continue avec les chaînes publiques.

Vous avez récemment annoncé que le coût d'un décodeur pour la TNT serait de 150 €. Ne faudrait-il pas le remettre gratuitement à chaque possesseur de téléviseur, pour accélérer la diffusion de la TNT ? Pourquoi ne pas faire pour elle comme naguère pour le minitel ?

Vous dites vous préoccuper de la qualité des programmes. Vous avez d'ailleurs confié une mission à Mme Kriegel sur la violence à la télévision. Nous vous faisons confiance pour ne pas confondre protection des mineurs et retour de la censure artistique. Mais les jeunes souffrent aussi d'une indigence des programmes. Pourquoi êtes-vous resté muet quand France 2 a décidé de déprogrammer « Âge sensible », remplacé par trois séries américaines de piètre qualité ? Pourquoi a-t-on supprimé « Saga Cités », le seul espace qui donnait à voir la vitalité de la création dans les quartiers ? Il est vrai qu'en ces temps de stigmatisation de la jeunesse, montrer des jeunes qui créent en banlieue n'est peut-être plus à l'ordre du jour. Pourtant les jeunes de Marseille ne sont pas tous des délinquants en puissance ; ils sont actifs dans les réseaux de solidarité et d'animation. Comment fait-on désormais pour le savoir ?

Depuis vingt ans, on assiste à une explosion du coût des droits de retransmission sportive. Au dernier SPORTEL de Cannes, même les responsables des chaînes privées se sont émus. Le projet de confier à chaque club la capacité de négocier ses droits risque de relancer cette inflation. « Dans la tire qui mène à Hollywood, vous savez bien qu'il faut jouer des coudes », chantait Yves Simon. Croyez-vous que les chaînes publiques pourront longtemps jouer dans la même cour que les autres ? Je souhaite qu'avec le ministre des sports vous entamiez des négociations au plan national et européen pour encadrer ces droits.

Si nous nous félicitons des moyens nouveaux octroyés à la SFP, ceux donnés à l'INA ne suffisent pas.

Vous parlez souvent du nombre d'entreprises publiques dans le champ de l'audiovisuel, et vous semblez souhaiter un regroupement ou une mutualisation, en particulier pour le projet de chaîne d'information continue. Pouvez-vous nous en dire plus ? Quelle serait la place de RFI dans ce dispositif ?

Vous envisagez de lancer un débat sur l'avenir de la redevance. Celle-ci ne doit pas être la source unique de financement de la télévision publique. Une taxe sur la publicité médias et hors médias et la taxation des jeux, ainsi qu'un loyer payé par les opérateurs privés pour l'utilisation de l'espace public hertzien sont des pistes à ne pas négliger. Nous sommes prêts à en débattre.

Vous avez été récemment sollicité par le directeur de L'Humanité pour organiser une conférence nationale regroupant toutes les parties prenantes de la presse écrite - et vous savez que L'Equipe souhaite être éligible au fonds de modernisation de la presse.

L'avenir de la presse est compromis par la logique de concentration capitalistique et France-Soir vient de frôler la disparition. Or, vous maintenez les aides au niveau de l'an passé et vous préférez les subventions. Mais il faut aussi des prêts bancaires bonifiés à taux zéro, et vous devez peser de tout votre poids pour que La Poste revoie ses tarifs postaux en fonction des ressources de chaque titre.

Puisque vous avez annoncé un vaste débat sur l'ouverture de l'espace publicitaire aux secteurs qui en sont toujours exclus, comme la grande distribution, profitez en pour tout mettre sur la table. Il y va de l'avenir de la presse en France, et de son pluralisme.

Nonobstant ces attentes sur lesquelles nous ne vous faisons aucun procès d'intention, le groupe communiste ne votera pas votre budget car il n'est pas à la hauteur de nos ambitions pour l'audiovisuel public et pour la presse.

M. Emmanuel Hamelin - Votre budget de transition laisse entrevoir une perspective de réformes. Il ne s'agit nullement, Monsieur le rapporteur pour avis, d'un budget d'attente.

Mieux vaut, pour l'audiovisuel, 2 % d'augmentation des ressources publiques sans la TNT que 3,1 % avec la TNT. En effet, les nouvelles chaînes devaient représenter en 2003 une charge de fonctionnement de près de 100 millions, financé pour 45 millions par la redevance. Le report permet donc d'économiser 45 millions, soit l'équivalent de l'augmentation de la ressource publique à 3,1 %, une somme qui pourra être affectée aux programmes.

De plus, lancer la TNT en 2003, c'était la condamner à l'échec. La TNT, dit M. Mathus, est un enjeu pour la démocratie. Pourtant le gouvernement précédent n'avait pas pris la mesure des délais de construction des réseaux et il avait sous-estimé l'ampleur des réaménagements préalables. Le rapport Boyon a identifié 128 étapes successives pour la réception par les ménages de ce nouveau mode de diffusion. Là encore, vous avez voulu, Monsieur le rapporteur pour avis, agir bien légèrement avec l'argent public, et vous êtes mal placé pour fustiger le Gouvernement qui s'emploie une fois de plus à corriger vos erreurs.

Il est vrai que la TNT est un projet lancé par la majorité sénatoriale en janvier 2000. Le projet de loi audiovisuelle de Mme Trautmann n'en disait rien. Mais vous parlez à tort, Monsieur Mathus, d'un budget d'attente, quand les décisions sont prises et que votre attentisme a manqué faire échouer le projet - le rapport Boyon et le choix des chaînes par le CSA ont éclairci le paysage audiovisuel. Tout en tenant compte des impératifs techniques, juridiques, économiques, et financiers, nous permettrons aux Français d'accéder à de nombreuses chaînes et services audiovisuels, et de choisir leur mode de transmission.

Je suis d'accord avec vous, Monsieur Mathus, pour accorder une attention particulière au rôle et au périmètre du service public, notamment pour l'utilisation des fonds publics, que ce soit au niveau de la presse, de la radio ou de l'audiovisuel. Il est dommage que votre gouvernement ne l'ait pas fait avant.

Il faut féliciter le ministre de la culture et de la communication d'avoir confié à Catherine Clément et à Blandine Kriegel deux missions de réflexion, l'une sur la place de la culture et l'autre à propos de la violence et de la pornographie sur les chaînes publiques.

Dans cette lignée, il faudrait généraliser le sous-titrage pour les sourds et les malentendants, qui représentent six millions de personnes en France. 20 % des programmes sont sous-titrés contre 85 % en Angleterre et 100 % en Suède !

De même, il faudrait améliorer les conditions de fonctionnement des télévisions locales, souvent déficitaires. Le précédent gouvernement n'a pas tenu sa promesse de déposer un rapport à ce sujet devant le Parlement.

La chaîne d'information internationale de langue française réclamée par le Président de la République n'apparaît pas, pour l'instant, dans votre budget. Mais Lyon dispose d'une télévision européenne de poids, Euronews, dont 45 % du capital se libèrent et 20 % pourraient être disponibles. Il serait intéressant d'utiliser ce support télévisuel pour la nouvelle chaîne francophone d'information.

La suppression des taxes parafiscales, en vertu de l'article 63 de la loi organique relative aux lois de finances d'août 2001, conduira à la suppression de la redevance...

M. Michel Françaix - Bon prétexte !

M. Emmanuel Hamelin - Il faudra donc revoir le financement du secteur public de l'audiovisuel. Quoi qu'il en soit, la redevance était mal perçue par nos citoyens. Le rapporteur pour avis fait de la redevance un symbole ! Mais cette position dogmatique ne fait heureusement pas l'unanimité dans son groupe et, de notre côté, nous privilégions le pragmatisme (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Bloche - Facile !

M. Edouard Landrain - Mais juste !

M. Emmanuel Hamelin - Ce budget maintient les aides directes à la presse écrite. Les crédits effectivement disponibles progresseront de plus de 3 %, grâce à la mobilisation de 6,7 millions d'euros de reports. De nombreuses aides sont consolidées, telles l'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information ou l'aide à la presse hebdomadaire régionale. D'autres sont maintenues, comme l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires. Enfin, les ressources attendues en 2003, sur le compte d'affectation spéciale, de la taxe de 1 % sur la publicité hors média, qui alimente le fonds de modernisation de la presse, devraient demeurer au niveau de 2002, soit 29,3 millions d'euros. En outre, le projet de loi de finances pour 2003 fixe une nouvelle clé de répartition de ce fonds, plus favorable aux entreprises, puisque 90 % des recettes seront destinées à des subventions et 10 % à des avances.

Vous soutenez l'Agence France Presse en relevant de 4,5 % le montant des abonnements souscrits par l'Etat. En contrepartie, elle pourra modérer l'augmentation de ses tarifs vis-à-vis de la presse quotidienne.

Enfin, depuis 1982, date de la création du fonds de soutien à l'expression radiophonique, des aides sont attribuées aux radios associatives, mais remises en cause tous les cinq ans. L'Etat majore ce fonds de 5 % par rapport à 2002, ce qui permettra à ces radios d'avoir une vision à plus long terme du soutien financier de l'Etat.

Votre budget, clair et pragmatique, loin des effets d'annonce auxquels nous étions habitués, permet de préparer l'avenir. Le groupe UMP le votera.

M. Michel Françaix - Votre budget est médiocre : il ne répond pas aux attentes de la presse écrite, il consacre l'affaiblissement de l'audiovisuel public et il ne prend pas en compte les enjeux du numérique terrestre. Curieusement cette année où vous arrivez au pouvoir, la publicité et la diffusion baissent... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Herbillon - C'est un peu spécieux !

M. Michel Françaix - ...Ce n'est peut-être qu'une coïncidence. L'AFP fragile et les NMPP sous surveillance, ce n'était pas le moment de puiser dans les crédits non consommés du fonds de modernisation, ni de baisser les aides directes aux lecteurs. Non que l'image soit moins riche, mais l'écrit est plus propice à la réflexion. Hélas aujourd'hui, si l'on demande aux participants de Loft Story quel livre ils emporteraient sur une île déserte, la réponse est claire : aucun !

Il n'est que temps de renverser la tendance. Pourquoi ne pas modifier le système de répartition des aides, aujourd'hui dépassé, et avantager les quotidiens d'information générale ? Les journaux à sensation sont déjà suffisamment financés par la publicité. Comment débattre de la pornographie à la télévision et accepter que le contribuable paie des impôts pour ce type de revue ? Mieux vaudrait aider davantage la presse d'opinion.

M. Emmanuel Hamelin - Que n'avez-vous réformé le système ?

M. Michel Françaix - Mais ne nous reprochez donc pas sans cesse ce que nous n'avons pas fait !

M. Michel Herbillon - C'était pourtant votre méthode.

M. Michel Françaix - Elle ne vous a pas réussi (Sourires). Votre budget stagne et affaiblit l'audiovisuel public. Budget de transition, me direz-vous ! Mais quelle déception, quand on sait que vous vouliez augmenter la redevance et réduire les coûts de perception en la rattachant à la taxe d'habitation ! Et vous vous permettez de rappeler le service public à ses missions, alors que vous ne lui donnez pas les moyens de sa politique.

Si votre conception du service public est l'information à 20 heures, le divertissement à 21 heures, et la culture à minuit, alors continuez dans cette voie. Nous ne consacrons à l'audiovisuel public que 56 € par habitant, contre 104 en Grande-Bretagne et 97 en Allemagne. Le problème de fond, c'est que la France ne finance pas suffisamment de fictions. Serez-vous le ministre grâce auquel les choses changeront, celui qui fera que moins de séries seront importées ? Celui, surtout, qui permettra que le financement de l'audiovisuel public augmente, dans de fortes proportions et de manière pérenne ?

Pour l'heure, votre budget est médiocre parce qu'il ne tient pas compte du numérique terrestre.

M. Michel Herbillon - Si, justement !

M. Michel Françaix - La réforme est souhaitable, tant le numérique terrestre permettrait d'innovations intéressantes. Ne commençons pas par la retarder de deux ans !

M. le Rapporteur spécial - C'est vous qui l'avez fait !

M. Michel Françaix - Nous serions donc responsables de tout ?

M. Michel Herbillon - Les Français vous l'ont fait savoir !

M. Michel Françaix - Je doute que leur vote puisse s'expliquer par les aléas du numérique terrestre !

Vous avez été, Monsieur le ministre, le ministre de la défaisance (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je n'ai pas parlé de « malfaisance » chers collègues ! Il aurait fallu privilégier la télévision gratuite, les nouveaux entrants et les télévisions locales. Et que faites-vous ? L'inverse. C'est TF1 qui est favorisé, au nom, sans doute, de la fidélité en amitié... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Quant aux télévisions locales, en faveur desquelles je bataille inlassablement - et je me ferai un plaisir de vous transmettre le rapport que j'ai rédigé à leur sujet -,...

M. Michel Herbillon - Que j'emmènerai dans mon île déserte...

M. Michel Françaix - ...vous ne faites rien pour les développer, alors qu'elles apporteraient un souffle d'impertinence et d'air frais dans l'audiovisuel français.

Il aurait, surtout, fallu conforter le rôle de la télévision de service public en créant une chaîne « toute information » et une chaîne éducative destinée à la jeunesse. J'enrage de n'entendre parler que des ravages de la pornographie et de la violence télévisuelle sans que l'on fasse rien par ailleurs, et, notamment, sans que le projet de numérique terrestre voie le jour. Dans ces conditions, le risque est réel que plus les chaînes seront nombreuses, moindre sera le choix ! Il fallait laisser le modèle dominant, qui consacre la prédominance du commerce sur la réflexion. Instrument de culture, de savoir et de démocratie, la télévision publique doit contribuer à structurer le langage et le raisonnement et à donner une vision du monde. Première école pour beaucoup, elle doit être soustraite aux seules forces du marché.

L'heure doit donc être au renforcement stratégique de l'audiovisuel public - mais nous nous éloignons de ce choix. Par manque de moyens, vous acceptez de brider le service public. Prenez garde que certains de vos amis ne veuillent le brader... (M. le rapporteur spécial se récrie)

Le groupe socialiste ne votera pas ce budget. Il ne peut se satisfaire d'explications selon lesquelles les difficultés constatées auraient pour seules causes la conjoncture et l'action menée par les prédécesseurs.

M. le Rapporteur spécial - Ça gêne mais c'est vrai !

M. Michel Françaix - Si, pour une fois, le lobby des saltimbanques bruyants et impuissants pouvait l'emporter sur celui des marchands silencieux et prospères ! S'il en va autrement, je me verrai contraint, l'année prochaine, de demander à celui qui ne serait plus que la bonne conscience du Gouvernement ce qu'il est « allé faire dans cette galère »... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Herbillon - Le budget de l'audiovisuel public et de l'aide à la presse va dans la bonne direction, en ce qu'il témoigne d'un grand sens des responsabilités. J'ai compris que notre rapporteur pour avis n'a pas ce sentiment mais quoi de plus classique pour un député de l'opposition que de s'opposer ? Ce qui l'est beaucoup moins, c'est qu'il ait confondu un rapport pour avis et une diatribe et son rôle de rapporteur avec celui de procureur !

M. Patrick Bloche - Comme si c'était une nouveauté !

M. Michel Herbillon - Chacun, ici, est, comme vous, Monsieur Mathus, attaché au service public de l'audiovisuel et souhaite lui allouer les moyens de se développer. Ce sera le cas en 2003, parce que le taux de recouvrement de la redevance sera meilleur et parce que le retard de la TNT permettra à France Télévisions de faire des économies de programmation. De ce fait, le groupe aura des moyens à la hauteur de ses besoins, et ce contrat d'objectifs sera respecté.

M. le Rapporteur pour avis - C'est faux !

M. Michel Herbillon - Avec le même esprit de responsabilité et par souci de pragmatisme, le Premier ministre a demandé une étude sur le projet de TNT. Bien lui en a pris ! Le rapport Boyon a en effet montré à quel point ce projet avait été mal engagé par le précédent gouvernement.

M. Michel Françaix - Ce n'est pas la vérité révélée !

M. Michel Herbillon - Ses conclusions sont accablantes : tout y est dit de l'irréalisme et de l'imprécision qui caractérisent ce que l'on a peine à qualifier de « projet ». C'est plutôt d'une fuite en avant éperdue qu'il faudrait parler, de celles de ce héros racinien qui se « livre en aveugle au destin qui l'entraîne »...

Prenant acte de ce rapport, le Gouvernement a décidé de laisser sa chance à la TNT, affirmé l'intérêt qu'il portait au projet et dit sa détermination de donner toute sa place au service public de l'audiovisuel.

M. Michel Françaix - Une toute petite place !

M. Michel Herbillon - Non !

S'agissant de l'AFP, le Gouvernement, convaincu de son rôle éminent, a fait de sa sauvegarde une priorité, en accroissant de 4,5 % ses crédits. Je souhaite que l'Etat et l'agence concluent rapidement un contrat qui permettra à l'AFP de résorber ses difficultés actuelles. Où en sont les discussions, et quelles sont les réformes envisagées ?

Monsieur le ministre, le soutien du groupe UMP dépasse son approbation de votre budget. Il saluera, par son vote, l'importance de la réflexion engagée dans plusieurs domaines clefs : la collecte de la redevance ; les contrats d'objectifs et de moyens avec Radio France, RFI et RFO ; le contenu des programmes de télévision, avec les missions confiées à Mmes Kriegel et Clément.

Nous sommes nombreux à souhaiter la consolidation d'un service audiovisuel public fort et de qualité. La négociation en cours avec le Quai d'Orsay visant à la création d'une chaîne de télévision internationale francophone participe de cet objectif. Quel est, Monsieur le ministre, l'état d'avancement des travaux ?

Tous ces chantiers matérialisent les engagements pris par le Président de la République et la majorité pour garantir un secteur audiovisuel pluraliste au sein duquel le service public se distinguera par son exigence de qualité.

Votre projet de budget reflète cette ambition. Vous pouvez compter sur le soutien total des députés du groupe UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Edouard Landrain - Votre budget est bon : il augmente de 2 %, et cela sans augmenter la redevance. Le seul groupe France Télévisions bénéficie de 29,59 millions d'euros supplémentaires. Qu'en fera-t-il, dans le cadre du COM conclu avec l'Etat pour 2001-2005 ? Doit-il se comporter comme un vrai service public ou comme une chaîne privée, oubliant ses missions de formation, de distraction, d'information impartiale ?

M. Michel Françaix - Chaîne info !

M. Edouard Landrain - France Télévisions remplit-elle son rôle éducatif quand les émissions culturelles sont repoussées à des heures impossibles ?

M. Michel Françaix - Chaîne culturelle !

M. Edouard Landrain - Dans sa course à l'audience, doit-elle concurrencer le secteur privé ? Les chaînes privées achètent très cher les retransmissions des sports populaires comme le football ; France Télévisions remplit-elle sa mission d'offre sportive diversifiée pour les sports moins « grand public », lorsqu'elle les couvre a minima sous prétexte qu'ils attirent moins que les sports rois ? Les sports moins connus peinent financièrement ; les sponsors les oublient. France Télévisions devrait contribuer à rompre ce cercle vicieux.

Les mêmes questions se posent dans le domaine culturel. France Télévisions a-t-elle repensé le rôle qu'on lui assignait ? A-t-elle défendu notre patrimoine culturel, les grandes scènes nationales, la Comédie française, l'Opéra ? Pas assez, me semble-t-il.

Le service public n'est pas tel que nous aimerions qu'il soit, et France Télévisions donne parfois l'impression de se concurrencer elle-même. J'ose espérer que vous aurez à c_ur de lui rappeler ses devoirs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Kert - Le groupe UMP a montré qu'il approuvait votre projet budgétaire, et je n'y reviendrai pas. Je soulignerai plutôt l'inconfort d'un rapporteur de l'opposition. Certes, on s'attend à ce qu'il s'oppose, par l'effet d'une sorte de déclic, mais dans le cas de Didier Mathus, le déclic s'est transformé en ressort ! Et si l'homme est bon, le rapporteur l'est moins (Approbations sur les bancs du groupe UMP). Heureusement, nous avons eu l'excellent rapport de notre collègue Martin-Lalande.

M. le Rapporteur spécial - Très bien !

M. Christian Kert - Relativement à la TNT, je n'ai pas fait la même lecture que Michel Françaix.

M. Michel Françaix - Relisez le rapport !

M. Christian Kert - Le dossier initial de la TNT a été mal préparé ! Voilà pourquoi le calendrier doit être revu, voilà pourquoi l'on doit patienter - ce qui ne veut pas dire abandonner.

M. Michel Françaix - Quelle ambition !

M. Christian Kert - Vos propres choix, Monsieur le ministre, s'ils n'ont pas une portée immédiate, influeront sur le moyen et le long termes. Le rapport de M. Boyon suggère trois degrés d'implication de l'Etat : l'Etat régulateur, l'Etat directeur de projet, l'Etat accompagnateur de projet - et l'on vous imagine plus dans ce rôle d'initiateur et de modérateur. L'Etat doit imaginer une nouvelle forme d'intervention, moins contraignante. Nos collègues de l'ancienne majorité ne s'y opposeraient pas ?

M. Michel Françaix - Un rapport n'était même pas nécessaire !

M. Christian Kert - Vous intentions sous-tendent deux interrogations : qu'allons-nous faire des canaux publics afin qu'il n'y ait pas cette « surchauffe » dans l'offre de programmes et que ces possibilités nouvelles puissent conforter les missions du service public ? Le destin de la TNT, à l'évidence, ne sera pas un long fleuve tranquille. Sa réussite dépendra de l'abandon de l'actuelle technologie de diffusion. Entendez-vous pointer du doigt la date d'arrêt des émissions analogiques ? Êtes-vous disposé à utiliser une sorte de droit à expérimentation pour profiter des premiers résultats d'exploitation avant de fixer une date d'échéance ?

On pourrait créer d'autre part une nouvelle chaîne publique de télévision, un programme « France-Télévision-Monde » analogue à BBC World. Nous pouvons nous appuyer sur l'expérience de TV5, qui utilise des programmes de service public pour les Français de l'étranger ainsi que sur celles de RFI, comme l'a d'ailleurs suggéré son président, de RFO, d'Euronews, de France 2, qui entretient déjà des partenariats avec des pays du Maghreb, de France 3 qui a lancé des magazines avec les Espagnols et les Italiens, et de France 5, qui répond au souci d'éducation...

M. Michel Françaix - Son administrateur est excellent !

M. Christian Kert - Il faut imaginer un outil de promotion audiovisuel de la culture française. France-Télévision-Monde nous invite à dépasser les cloisonnements. Il s'agit d'une véritable ambition nationale, souhaitée par le Président de la République.

Le président de la commission des affaires culturelles entend demander à la commission d'approfondir ce sujet. Nous imaginons mal qu'un pays aussi riche d'histoire ne sache pas utiliser les outils culturels de ce siècle au service de son exception culturelle. Quel bel enjeu pour les équipes de France Télévisions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Le budget que j'ai l'honneur de vous présenter est un budget de raison et de vérité.

Tout d'abord, les crédits de l'audiovisuel. La TNT ne pouvait être lancée en octobre 2002, comme le précédent gouvernement l'avait promis. Si je me reporte aux déclarations de mon prédécesseur, M. Françaix aurait pu regarder la messe de minuit en numérique à la fin de cette année.

M. Michel Françaix - Je n'aurais peut-être pas fait ce choix-là ! (Rires)

M. le Ministre - Le budget de 2003 n'a pas à prévoir les dépenses du lancement de la TNT. Il augmente ainsi de 2 %, ce qui me paraît préférable à une augmentation de 3,1 % avec la charge considérable du développement de la TNT.

Les programmes des chaînes phares du service public - France 2, France 3, France 5 - ont été négligés par les COM signés par le précédent gouvernement. Pour nous, ces chaînes sont une priorité. Si les ressources du service public ont connu une croissance importante, M. Mathus l'a rappelé, jamais celui-ci n'avait suscité autant d'interrogations sur son identité. La croissance de la ressource publique n'est pas nécessairement le gage d'une bonne politique audiovisuelle, respectueuse d'un service public fort. Ces vérités, que semblait avoir occultées le précédent gouvernement, sont au c_ur de notre projet pour l'audiovisuel public.

Monsieur le rapporteur pour avis, dans le département dont vous êtes l'élu, se trouve le site célèbre de la roche de Solutré. Dois-je vous rappeler que nos ancêtres du paléolithique s'y livraient à des rites sacrificiels en poussant au bord de la falaise des chevaux affolés, qui finissaient par se jeter dans le vide ? Je crains bien que le gouvernement précédent n'ait pas agi autrement avec l'audiovisuel public. Il l'a poussé en avant de manière déraisonnable au risque de le conduire à sa perte.

M. Michel Herbillon - Très bien !

M. le Ministre - Nul ne peut contester l'intérêt de la TNT, tant il est évident. C'est d'ailleurs l'opposition de l'époque qui a eu la clairvoyance d'introduire ce projet, par le biais d'un amendement, dans la loi sur l'audiovisuel du 1er août 2000. Le précédent gouvernement a malheureusement cédé à un parti pris idéologique là où il s'agissait d'organiser un projet industriel. Certes, les mirages de la bulle Internet et l'euphorie d'un marché publicitaire alors florissant laissaient peut-être espérer à certains que les problèmes, encore latents, se résoudraient d'eux-mêmes. Il n'en a rien été.

Dès ma prise de fonctions, j'ai compris que des difficultés d'ordre juridique, technique et économique s'étaient accumulées et que le calendrier initialement annoncé était totalement irréaliste - ces difficultés, depuis longtemps pointées par les spécialistes, n'avaient néanmoins jamais été rendues publiques. Devant cette situation, le Premier ministre a immédiatement demandé un audit à Michel Boyon, lequel nous a remis son remarquable rapport il y a quelques semaines.

Quelles conclusions en avons-nous tirées ?

Le Gouvernement soutiendra le projet de la TNT, et cela sans aucune ambiguïté. Nous lui donnerons sa chance en accompagnant résolument son lancement, notamment par le financement du réaménagement des fréquences. La loi du 1er août 2000, malgré ses défauts, soulignés par le rapport Boyon, ne sera donc pas révisée, les délais nécessaires risquant, sinon, de compromettre la mise en _uvre de cette technologie.

Si l'Etat a incontestablement un rôle à jouer dans le lancement de la TNT, la réussite de celle-ci repose aussi largement sur les initiatives privées. Le CSA ayant fait son choix, nous savons désormais quels seront les principaux opérateurs. Il n'appartient pas davantage aux pouvoirs publics d'interdire que d'imposer de façon autoritaire une mutation technologique de ce type. Vous avez évoqué, Monsieur Dutoit, l'aventure du Minitel. Celle-ci, ô combien passionnante et généreuse, s'est, hélas, révélé une impasse technologique.

Si chaque partenaire assume ses responsabilités, et l'Etat le fera, 40 % de la population française devraient pouvoir accéder à la TNT en décembre 2004, et 80 % en décembre 2008. C'est un calendrier réaliste, comme l'a souligné tout à l'heure M. Herbillon. La question de l'accès à la TNT pour les 20 % restants de la population, dont se soucie légitiment M. Martin-Lalande, n'a jamais été éludée. Elle sera étudiée dans le cadre de la réflexion sur la fin de l'analogique et fera, comme vous le souhaitez, l'objet d'un débat au Parlement.

La question du financement du réaménagement des fréquences sera rapidement réglée, sur les bases proposées dans le rapport Boyon.

Enfin, le lancement de la TNT ne justifie pas ne lui-même une extension automatique de l'offre de programmes de France Télévisions. Comme l'a souligné Marc Tessier dans Le Monde, « la télévision publique n'a pas lié son sort à la TNT ».

Le retard pris pour le lancement de celle-ci a des incidences directes sur les besoins de financement des chaînes publiques en 2003, et donc sur ce projet de budget.

Les moyens accordés à l'audiovisuel public augmenteront de 2 % pour atteindre 2,468 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter la subvention de 70 millions d'euros du ministère des affaires étrangères. Il faut souligner que le barème de la redevance n'a pas pour autant été augmenté. Ces 2 % supplémentaires permettront à l'audiovisuel public d'atteindre les objectifs fixés dans les contrats d'objectifs et de moyens conclus avec l'Etat. Contrairement à ce que prétendent certains, de façon d'ailleurs quelque peu malveillante, il n'y a aucun recul. Au contraire, les recettes publiques de France 2, France 3 et France 5 seront même supérieures en 2003 à ce qui était prévu dans les contrats. Je remercie MM. Martin-Lalande et Herbillon d'avoir souligné que l'Etat non seulement respectera ses engagements, mais ira même au-delà. En effet, l'augmentation de 3,1 % des recettes publiques de France Télévisions prévue en 2003 dans le contrat devait servir exclusivement au financement de ses nouvelles chaînes sur la TNT - M. le rapporteur pour avis, spécialiste du sujet, ne peut l'ignorer. Du fait du retard pris par le projet, France Télévisions n'aura aucune charge à supporter à ce titre l'an prochain, si bien qu'avec des moyens en hausse tout de même de 2 %, les portant à 1,5 milliard d'euros, elle pourra améliorer la qualité de ses programmes et les renouveler. Le budget des programmes de France 2 et France 3 augmente d'ailleurs de 3 %, et celui de France 5 de près de 4 %.

Les recettes publiques d'Arte progressent, elles, de 3 % pour atteindre 189 millions d'euros, et son budget consacré aux programmes de 6 %. La plage de diffusion de la chaîne sera élargie : Arte sera désormais diffusée toute la journée sur le câble et le satellite.

Conformément à ce qui était prévu dans son contrat d'objectifs et de moyens, les ressources de l'INA n'augmentent pas. L'institut poursuivra son recentrage sur sa mission principale, la sauvegarde de notre patrimoine audiovisuel.

Dans l'attente de la signature de leur contrat d'objectifs et de moyens, Radio France, RFI et RFO verront leurs recettes publiques augmenter de 2 %. Avec 456 millions d'euros, Radio France pourra ouvrir de nouvelles antennes locales du réseau France Bleu et poursuivre la numérisation de la rédaction de France Inter, projet prioritaire. RFO bénéficiera de 203 millions d'euros et RFI de 123 millions d'euros.

Les recettes publicitaires des chaînes publiques ne représenteront en 2003 que 23 % de leur chiffre d'affaires, en augmentation de 2 %, comme celles de leurs concurrents privés.

Ce budget, vous l'aurez compris, est aussi un budget de consolidation et de construction car un immense chantier s'ouvre à nous. Il nous faut en effet clarifier le rôle et les missions de l'audiovisuel public. Avec l'imagination débordante qui est la sienne, M. le rapporteur pour avis veut voir dans ce budget une tentative de déstabilisation. Mais qui a déstabilisé l'audiovisuel public si ce n'est le gouvernement précédent qui a obstinément refusé d'ouvrir ce chantier alors même que les moyens ne faisaient alors pas défaut ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Notre pays a besoin d'un audiovisuel public fort, singulier, structuré et populaire. Tout milite en ce sens : la déliquescence du lien social, les innombrables signes de fragilité de notre société, les sirènes de l'intolérance et de l'extrémisme. Dans ce contexte, la télévision et la radio ont, avec l'école, la mission de s'adresser à chacun de nos concitoyens, à faire naître en eux le désir d'apprendre, à éveiller leur sensibilité, notamment celle des plus jeunes, à favoriser l'intégration et à forger des valeurs partagées de tous. C'est pour ces raisons mêmes que je suis particulièrement attaché à l'audiovisuel public.

Le service public doit disposer d'une grande chaîne généraliste, vaisseau amiral à même de fédérer un public nombreux et divers. La privatisation de France 2 n'est donc pas à l'ordre du jour (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Quoi qu'en pensent certains, les chaînes généralistes restent promises à un bel avenir car nous avons tous besoin de repères et de lien social. La télévision publique peut établir entre l'ensemble de nos concitoyens un trait d'union, c'est sa vocation même.

Autre conviction : à la prolifération des chaînes, je préfère l'approfondissement de celles qui existent déjà.

M. Pierre-Christophe Baguet - Très bien !

M. le Ministre - La fuite en avant n'est pas saine politique en ce domaine. Nous ne souhaitons certes pas freiner les évolutions. C'est d'ailleurs pourquoi, en accord avec France Télévisions, nous avons décidé de maintenir la préemption des trois canaux supplémentaires prévus pour le service public sur la TNT. Mais il faut au préalable que les chaînes historiques assument leurs missions de service public.

Troisième conviction donc : la priorité doit aller à l'approfondissement des missions de service public, en matière d'information et d'éducation comme de distraction. C'est ce qui m'a conduit à donner à Mme Clément mission de réfléchir à la politique de diffusion culturelle : à quoi servirait d'associer dans un même ministère culture et communication si la télévision ne participait aux missions de diffusion culturelle de la République française ?

M. Michel Herbillon - Très bien !

M. le Ministre - Dans le même esprit, j'ai demandé à Mme Kriegel de se pencher sur la représentation de la violence, y compris sexuelle, et sur la présence de la pornographie à la télévision.

A la suite d'un rapport de mon inspection générale, j'ai également demandé aux responsables de France Télévisions, d'Arte et de RFO de prendre en considération les sourds et malentendants, qui représentent 10 % de la population française. Le Président de la République a en effet désigné comme grande cause nationale un meilleur traitement des personnes handicapées et le ministère de la culture entend en tirer les conséquences pour ce qui le concerne. Les cahiers des missions et des charges, ainsi que les contrats d'objectifs, seront modifiés à cet effet.

Quatrième conviction : comme le souhaite M. Baguet, le service public doit disposer d'un financement sûr, clairement identifié et compréhensible pour nos concitoyens. Or, aux termes de la nouvelle loi organique, toutes les taxes parafiscales, dont la redevance, devront être supprimées à compter de la fin de cette année : il nous faut donc faire évoluer le statut juridique de la redevance. Nous travaillerons à la modernisation de cette ressource, dont le coût de collecte a, ainsi que les fraudes auxquelles elle se prête, donné lieu à des interprétations excessives et fantaisistes.

M. Michel Françaix - Pour une fois, nous sommes d'accord !

M. le Ministre - J'observe qu'aucun gouvernement n'a jusqu'ici fait l'effort de rendre la redevance compréhensible à nos concitoyens. A la différence de l'impôt sur le revenu, elle a toujours été assenée sans explication. Il faut maintenant traiter le citoyen avec respect.

Ce budget de l'audiovisuel constitue donc un exercice de raison et de responsabilité. Il nous permettra de poursuivre sereinement nos travaux et de préparer l'avenir.

Pour la presse écrite, c'est encore une démarche de sincérité que je vous propose. Les aides directes se monteront à 164 millions d'euros, y compris les abonnements de l'Etat à l'AFP. Les crédits effectivement disponibles progresseront de plus de 3 % grâce à la mobilisation de 6,7 millions de reports du compte d'affectation spéciale. Nous avons en effet eu le souci de mobiliser ces crédits, en voie de stérilisation.

Par ailleurs, les entreprises de presse continueront de bénéficier de réductions de tarifs postaux, 290 millions d'euros étant versés à la Poste à cet effet, ainsi que d'un taux très réduit de TVA et d'une exonération de taxe professionnelle.

Le Gouvernement assume donc ses responsabilités en maintenant les aides et en veillant à une meilleure gestion. Les aides visent à la fois à soutenir la diffusion et la distribution, à défendre le pluralisme et à encourager la modernisation. L'aide spécifique à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale sera consolidée, grâce notamment à des crédits non consommés en 2002. De même l'aide à la presse hebdomadaire régionale, de l'aide à l'impression décentralisée et de l'aide au portage. Pour son activité de transport de presse, la SNCF percevra 13,7 millions d'euros.

Soutenir la diffusion des titres, c'est indirectement défendre le pluralisme. Aussi l'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires sera-t-elle maintenue. Les patrons de presse que j'ai rencontrés ont d'ailleurs manifesté leur confiance au Gouvernement sur ce point, quelle que soit l'orientation politique de leur titre.

Enfin, la presse ne peut affronter les défis de demain sans se moderniser. Les ressources alimentant le fonds de modernisation seront donc maintenues à 29 millions d'euros, comme en 2002. Nous avons cependant adopté une clé de répartition plus favorable aux entreprises : 90 % des recettes iront à des subventions et 10 % seulement à des avances, contre 80 et 20 %, respectivement, auparavant.

Mais j'entends aussi m'attaquer au déclin de la lecture de quotidiens, en particulier parmi les jeunes, jugeant qu'on ne saurait trop faire pour combattre ce symptôme culturel inquiétant. Le salut de la presse est d'ailleurs moins dans l'accumulation des aides que dans la reconstitution du lectorat. Avec le ministre de l'éducation nationale, je prendrai donc l'an prochain des initiatives en vue d'inciter les jeunes à reprendre le chemin des kiosques, à retrouver l'habitude de lire un journal.

Pour l'Agence France Presse, l'une des trois grandes agences mondiales d'information, je propose de relever de 4,5 % le montant des abonnements souscrits par l'Etat, qui dépassera ainsi les cent millions d'euros. Il importe en effet, pour le rayonnement de la France et pour l'équilibre mondial de l'information, que l'AFP soit forte. Le Gouvernement défendra donc son avenir au travers d'un contrat d'objectifs et de moyens, en cours d'élaboration. Dans le même temps, il invitera l'agence à poursuivre ses efforts commerciaux et à tout faire pour maîtriser ses charges.

Vous vous interrogez sur la pertinence du statut dont a été dotée l'AFP il y a quarante-cinq ans mais, chaque fois qu'on a tenté de modifier ce statut, on s'est heurté à un blocage et j'ai donc préféré, de façon plus pragmatique, accompagner le développement de l'agence sur plusieurs années, grâce à un contrat d'objectifs et de moyens. L'effort consenti en faveur de l'AFP lui permettra de modérer le relèvement des tarifs imposés à la presse quotidienne.

Telles sont les grandes lignes de ce qui me paraît un bon budget. Je le soumets donc avec confiance à votre délibération (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

M. Pierre-Christophe Baguet - Lors de la campagne électorale, le Président de la République a souhaité la création d'une grande chaîne internationale d'information en français, capable de rivaliser avec la BBC et avec CNN. Vous-même vous êtes déclaré partisan d'un tel instrument, au service de l'influence et du rayonnement de la France. Le groupe UDF souscrit à ce projet ambitieux, mais il aimerait que vous précisiez les objectifs et les missions de cette chaîne. Pour quel public sera-t-elle conçue ? Diffusera-t-elle dans le monde entier ? Cette initiative ne limitera-t-elle pas le financement de TV5, de RFI et de RFO ? L'AFP, présente dans plus de 160 pays, sera-t-elle associée au fonctionnement de la chaîne, ce qui permettrait de la renforcer par une juste rémunération de son savoir-faire et par un développement de ses compétences en matière d'images ? Enfin, procédera-t-on par transformation d'Euronews ou ex nihilo ?

M. le Ministre - Les questions posées sont en effet complexes : qui sera l'opérateur ? Quelle sera la zone de diffusion ? Serait-ce une chaîne purement francophone ou, comme le fait RFI, émettra-t-elle dans la langue majoritaire des territoires couverts ?

Quel sera son financement ?

Nous étudions ces questions avec le ministère des affaires étrangères. J'ai bon espoir de pouvoir vous livrer nos conclusions dans quelques semaines, et d'engager le processus de diffusion de cette chaîne dans les meilleurs délais. Il m'arrive de penser que la France compte un trop grand nombre d'opérateurs. C'est pourquoi ma préférence irait à France Télévisions comme support opérationnel à la création de la chaîne, en étroite collaboration avec des sociétés qui possèdent une forte expérience internationale, comme RFI et l'AFP.

M. Frédéric Dutoit - Depuis quelques jours, les télévisions associatives émettent sur le réseau hertzien. Ces nouveaux médias sont d'une santé financière fragile. Qu'est devenu le rapport demandé par votre prédécesseur sur les télévisions associatives ? La liberté totale d'émettre existe-t-elle sans les moyens de cette liberté ? Issues du mouvement associatif, ces télévisions proches des citoyens participent au débat démocratique. N'est-il pas urgent de créer à leur intention un fonds spécifique de financement ?

M. le Ministre - Les télévisions associatives méritent d'être encouragées. Depuis la loi d'août 2000, elles peuvent participer aux appels à candidature lancés par le CSA - possibilité, il est vrai, demeurée largement théorique. Faute de ressources, elles doivent se contenter d'autorisations temporaires et ne peuvent pas réellement se développer. Le Gouvernement réfléchit à la façon dont le secteur associatif pourrait trouver sa place dans le paysage télévisuel. Créer un fonds de soutien national n'est pas pour l'instant une solution réaliste. En revanche, le regroupement de projets associatifs sur un même canal ou l'ouverture de fenêtres dans les grilles de programme des chaînes locales sont envisageables. Les possibilités de subventionnement par les collectivités territoriales mériteraient d'être précisées, le cas échéant, par la loi.

M. Edouard Landrain - Le monde du football est en ébullition. Les autres disciplines observent. La ligue de football met prochainement aux enchères la retransmission des matches de ligue 1 et ligue 2. Son président, M. Thiriez, pousse les feux. Les chaînes cherchent à se doubler les unes les autres. Que pensez-vous de ce marchandage quelque peu irritant ?

M. le Ministre - La procédure arrive à échéance mardi prochain. Une inflation déraisonnable des droits mettrait en danger l'ensemble du secteur audiovisuel. Cette question fait l'objet de toute ma vigilance. J'invite l'ensemble des acteurs à la modération. Le service public ne peut pas suivre cette surenchère et n'a pas vocation à le faire. Cette surenchère sera, à terme, fatale pour toutes les parties concernées.

M. Christian Kert - Vous souhaitez réformer la redevance et Patrice Martin-Lalande a fait des propositions. Les responsables des chaînes publiques désirent que vous trouviez une solution pérenne. Parviendrez-vous à conjuguer cette pérennité avec un dynamisme du financement, qui ne sera pas incompatible avec la garantie d'indépendance de ces entreprises publiques ? Quelle que soit la réforme proposée, pourra-t-on conserver à l'intérieur du pôle du service public un mode identique de répartition entre les chaînes et Radio France ?

M. le Ministre - A la tribune, c'est par erreur que j'ai annoncé la disparition de la redevance dans sa forme actuelle pour la fin de 2002. C'est 2003 que je voulais dire, bien entendu.

Sur le financement de l'audiovisuel public, il faut se garder de tout simplisme. Supprimer du jour au lendemain la redevance ne résoudrait pas tout. Notre service public a besoin d'un mode de financement stable et indépendant. Nous avons engagé un vaste recensement des solutions envisagées depuis maintenant des années. Après une concertation interministérielle, le Premier ministre exprimera sa préférence. Je souhaite que nous puissions organiser rapidement un débat au Parlement sur cette question. Quel que soit le mode de financement retenu, il devra assurer de façon équitable aux sociétés de radio et de télévision les moyens dont elles ont besoin. La redevance ne finance pas seulement la télévision publique, mais aussi les radios publiques, l'INA, les deux orchestres de Radio France. Le sujet est donc très complexe. Il faut aussi avoir à l'esprit l'existence de la fraude et aussi le coût de perception de la redevance.

M. Michel Françaix - Qui n'est pas ce que l'on prétend.

M. le Ministre - En effet. La redevance rapporte 2 milliards et son recouvrement coûte 80 millions. Mais ce montant ne serait-il pas plus utilement affecté à la programmation et à la production ?

Je souhaite aborder la question de façon raisonnable, afin de doter notre service public de moyens stables.

M. Edouard Landrain - La presse hebdomadaire régionale, lien social de base dans nos provinces, souffre : publicité insuffisante, prix de réalisation toujours plus élevé, impossibilité d'augmenter le prix du journal. Comment faire pour que cette presse puisse vivre décemment ?

M. le Ministre - La presse hebdomadaire régionale, qui compte près de 250 titres, forme un tissu dense et vivant et contribue à la vie démocratique locale. Il s'agit de la plus ancienne forme de presse française. Sa diffusion a augmenté de 2% l'an dernier et 36 titres sont apparus entre 1995 et 2001. Cette presse possède 6,5 millions de lecteurs réguliers. Cependant les éditeurs sont souvent de petites entreprises, parfois fragiles. L'Etat assume à leur égard des responsabilités, à travers des aides telles que le ciblage postal, le fonds de modernisation et aussi un fonds spécifique d'aide à la diffusion, maintenu en 2003 à 1,42 million. Nous sommes très attentifs à ce secteur, dont nous accompagnerons à la fois le développement et les difficultés. Au total, la presse hebdomadaire régionale se porte plutôt mieux que la presse quotidienne.

M. Christian Kert - La société française s'émeut de l'impact négatif exercé sur les enfants par la présence de la violence et de la pornographie sur les écrans. Sans doute pour lancer le débat, le président Baudis a évoqué la possibilité de censurer complètement les films pornographiques. Je ne pense pas qu'il faille en arriver là, car il peut aussi s'ensuivre des effets négatifs.

M. Michel Françaix - Très bien !

M. Christian Kert - Les techniciens disent que le double cryptage serait efficace. Une proposition de loi pourrait vous être bientôt soumise.

Quelle est votre position ?

M. le Ministre - Comment le ministre de la culture ne pourrait-il pas être attaché à la liberté d'expression et à la responsabilité des citoyens ? J'ai déjà pris courageusement position...

M. Michel Françaix - C'est vrai !

M. le Ministre - ...et à part le soutien de M. Fillon et du Président de l'Assemblée, je me suis retrouvé seul.

M. Michel Françaix - Pas du tout. Vous avez notre soutien sur ce point.

M. le Ministre - Il faut trouver un équilibre entre la liberté individuelle et le devoir qui est celui de l'Etat de préserver les jeunes téléspectateurs contre l'étalage gratuit de violences notamment sexuelles. A cet égard, votre position, Monsieur le député, est la bonne. Pour cette raison, j'ai confié à Mme Blandine Kriegel une mission de réflexion sur la violence et la pornographie à la télévision. Elle doit nous remettre son rapport le 14 novembre, ce qui nous permettra d'élaborer les mesures qui conviennent et de les soumettre, le cas échéant, à l'Assemblée nationale.

M. Victorin Lurel - Les ressources publiques de RFO n'augmentent cette année que de 1,4 %, ce qui ne traduit pas la promesse faite, le 12 avril dernier, par le Président de la République, de donner à RFO les moyens de remplir sa mission de service public - cette promesse tient-elle toujours, alors que le Gouvernement a levé la préemption de la fréquence ? M. Mathus a rappelé, dans son rapport, les deux missions de RFO : assurer la continuité territoriale et l'offre de proximité. Malheureusement, faute de moyens, RFO doit se cantonner à une simple gestion comptable.

Il faut donner à RFO des moyens à la hauteur de ses capacités techniques, pour qu'elle devienne un véritable réseau, avec des ambitions régionales et des programmes de proximité pour l'outre-mer. Au lieu de cela, la part des émissions locales se réduit à sa plus simple expression. Certaines collectivités locales sont amenées à financer les radios locales et les chaînes privées, en les regroupant, au détriment du service public.

Quand allez-vous accorder les moyens nécessaires à RFO ?

M. Michel Françaix - Belle question.

M. le Ministre - RFO a reçu les moyens d'assurer ses missions de continuité territoriale et de proximité, et n'est pas moins bien traitée que les autres sociétés nationales de télévision, puisqu'elle s'est vue allouer une dotation de 203 millions d'euros, soit une progression de 2 % par rapport à 2002, ce qui correspond à la progression moyenne des dotations accordées au service public de l'audiovisuel.

Pour ma part, je souhaiterais que la synergie entre RFO et France Télévisions soit meilleure. Nous aurions tous à y gagner.

M. Patrick Bloche - Le CSA a autorisé une dizaine de télévisions associatives locales, telle « télé-bocal » ou « ondes sans frontières », à émettre du 29 octobre 2002 au 28 février 2003, depuis la tour Eiffel.

Faute de pouvoir payer la somme exigée par TDF - 230 000 € - aucune de ces télévisions ne peut émettre. Vous avez fait à M. Dutoit une réponse négative sur l'expression radiophonique. Avez-vous cependant une solution pour ces dix télévisions locales ?

Par ailleurs, le précédent gouvernement avait établi un rapport, en vertu de l'article 59 de la loi du 1er août 2000, qui visait à présenter au Parlement les possibilités de développement des télévisions citoyennes de proximité. Où en est-il ?

M. le Ministre - Ce rapport ne vous a pas été transmis car il était incomplet et superficiel. Par contre, vous disposerez, au début de l'année prochaine, du rapport Boyon sur le développement des télévisions locales dans le cadre de la mise en _uvre de la télévision numérique terrestre. La TNT offre aux télévisions locales des perspectives de développement intéressantes : nous avons attribué trois canaux de diffusion à des chaînes locales, ce qui devrait permettre la création de 300 chaînes de télévisions locales. Comment financer ces chaînes ? Taxer n'est pas la solution ; il faut plutôt s'orienter vers un financement par les collectivités locales ou par la publicité. Mais vous savez qu'il s'agit là d'un secteur où la publicité est interdite. La presse régionale et nationale est très attachée au maintien de ces interdictions, contestées d'ailleurs par Bruxelles.

M. Henri Nayrou - Le Gouvernement, en acceptant de relever de 4,5 % le montant des abonnements à l'AFP souscrits par l'Etat, permet à l'agence de continuer à jouer dans la cour des grands. Mais le Gouvernement a aussi indiqué que le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFP contiendrait des évolutions statutaires. Quelles évolutions envisagez-vous donc, Monsieur le ministre, pour un statut que vous avez qualifié de « cauchemar institutionnel » ? Quel sera le statut de l'AFP, vecteur de la pensée et de la langue de France ?

M. le Ministre - Chacun connaît la qualité et l'esprit de responsabilité de tous ceux qui constituent l'AFP. L'évolution du statut de l'agence sera abordée avec son président et l'ensemble de son personnel, et il n'est pas question d'en traiter de manière expéditive.

Le personnel de l'agence a, à maintes reprises, marqué son attachement au statut actuel. Il peut cependant apparaître que son organisation et sa capacité à conduire des projets pluriannuels pourraient être facilitées par une évolution, qui sera alors inscrite dans le contrat d'objectifs et de moyens, perspective la plus sûre du développement de l'agence, à laquelle nous sommes tous attachés.

M. Patrick Bloche - En mai, la Commission européenne a adressé à la France une mise en demeure, lui imposant de justifier l'interdiction de publicité télévisée qui pèse sur la grande distribution, la presse et le cinéma. Le débat sur le décret de 1992 était ainsi relancé. Auparavant, le CSA avait estimé que la restriction ne devait pas s'appliquer à Internet, vecteur nouveau.

Le 4 juillet, vous avez déclaré, avec une lucidité que je salue, que l'interdiction d'accès imposée par la France et par elle seule, n'était pas tenable, et qu'il faudrait ouvrir la possibilité de publicité télévisée aux secteurs considérés. Mais Mme Lenoir s'est emparée du sujet, et le statu quo demeure, en attendant une nouvelle concertation.

D'évidence, le développement inéluctable du numérique terrestre rendra la position française intenable. Alors que le cinéma français, privé d'une nouvelle Amélie, connaît une mauvaise année et que les éditeurs français doivent faire face à un intense mouvement de concertation, reprendrez-vous la main, Monsieur le ministre, et donnerez-vous suite, cet automne, à vos intentions d'un été ?

M. le Ministre - Je suis très sensible à l'attention que vous portez à mes déclarations (Sourires). Dans sa réponse à la Commission, la France a indiqué qu'une consultation allait s'engager. C'est fait. Mais, vous le savez, les avis sont très partagés entre petits et grands éditeurs littéraires et cinématographiques, les plus vulnérables redoutant que l'accès à la publicité télévisée n'aggrave encore les disparités. Le Gouvernement attache une grande importance à ces consultations, qui se poursuivent. L'expérience des cartes d'abonnement illimité au cinéma avait montré une ligne de fracture semblable, que la concertation a permis de réduire. Alors que le monde de l'exploitation cinématographique était profondément divisé, un accord a pu être trouvé peu après mon arrivée au ministère, et un décret est signé. J'espère que nous parviendrons à un résultat aussi satisfaisant sur un dossier que Mme Lenoir ne m'a pas « volé » : chargée des affaires européennes au sein du Gouvernement, il était normal qu'elle s'en occupe, et je me réjouis qu'elle l'ait fait.

M. le Président - Nous en avons fini avec les questions.

Les crédits de la communication seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits de la culture.

L'état E, ligne 35, mis aux voix, est adopté.

L'article 52, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 63

M. le Président - Avec l'accord de la commission des finances, j'appelle l'amendement 128 rectifié qui tend à insérer un article additionnel après l'article 63.

M. Pierre-Christophe Baguet - Alors que les sourds et les malentendants, au nombre de 6 millions en France, représentent 10 % de la population, de 15 à 20 % seulement des programmes télévisés sont sous-titrés, et ceux qui sont traduits en langue des signes ne représentent que deux heures d'émission par semaine. En Angleterre, 60 % des programmes sont sous-titrés, et vingt heures d'émissions hebdomadaires sont traduites en langue des signes, encore faut-il ajouter que l'objectif est d'atteindre 80 % des programmes sous-titrés en 2004... Pendant ce temps, en Suède, l'ensemble des programmes sont sous-titrés et traduits en langue des signes.

Alors que la France ne s'est fixé aucun calendrier précis ni aucun objectif d'amélioration, le groupe UDF propose, par l'amendement 128 rectifié, que le CSA prépare un rapport annuel sur la question, qui sera déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat. L'Assemblée s'honorerait d'adopter cette proposition à l'unanimité.

M. le Rapporteur spécial - L'amendement, déposé tardivement, n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, l'objectif visé me semble bon, mais il serait plus sûrement suivi d'effet s'il figurait dans le contrat d'objectifs et de moyens. Sous cette réserve, j'émets un avis défavorable.

M. le Ministre - Je suis donc très sensible à la question posée par M. Baguet. J'ai moi-même transmis une instruction dans ce sens aux présidents des sociétés nationales de télévision. Nous sommes en effet confrontés à une véritable anomalie.

J'approuve l'esprit de cet amendement ; je suis aussi sensible aux observations du rapporteur sur la procédure. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

M. Michel Françaix - Nous pourrions terminer cette séance de façon consensuelle, car l'amendement présenté par notre collègue Baguet est excellent. Faisons la preuve que, pour une fois, les actes suivront les déclarations.

Monsieur le ministre, si nous adoptons cet amendement, vous pourriez ne pas retarder son application d'une ou deux années. Certes, il y aura un coût ; l'article 52, qui prévoit la suppression de la redevance, sera d'autant plus difficile à mettre en _uvre. En tout cas, le groupe socialiste se rallie à la très louable intention de M. Baguet.

M. Frédéric Dutoit - Je voterai cet amendement, en souhaitant que le rapport comporte des objectifs concrets. Un rapport ne suffit pas !

M. le Rapporteur spécial - La disposition pourrait entrer en vigueur en 2003 puisque des renégociations auront lieu, suite au décalage induit par la mise en place de la TNT. A l'occasion de cet avenant, la disposition dont je parlais il y a un instant pourrait être insérée, et être opérationnelle dès 2003.

M. Edouard Landrain - Comment, mes chers collègues, repousser un tel amendement ?

M. Pierre-Christophe Baguet - M. Landrain ayant exprimé mon sentiment, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 128 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la communication.

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu vendredi 8 novembre, à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU VENDREDI 8 NOVEMBRE 2002

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Rapport n° 256)

· Enseignement supérieur

M. Laurent HÉNART, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 31 du rapport n° 256)

M. Paul-Henri CUGNENC, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Tome IX de l'avis n° 257)

· Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat ; articles 64 et 65

M. Jean-Jacques DESCAMPS, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 17 du rapport n° 256)

M. Serge POIGNANT, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Tome VII de l'avis n° 258)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

· Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat ; articles 64 et 65 (suite)

· Outre-Mer

    - Départements d'Outre-mer :

M. Alain RODET, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 34 du rapport n° 256)

    - Territoires d'Outre-mer et Nouvelle-Calédonie :

M. Victor BRIAL, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 35 du rapport n° 256)

- Outre-mer :

M. Joël BEAUGENDRE, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Tome XVI de l'avis n° 258)

M. Didier QUENTIN, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration de la République.

(Tome VII de l'avis n° 261)

A VINGT-ET-UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


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