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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 25ème jour de séance, 65ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 15 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
      SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION
      D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES 2

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite) 2

      CULTURE 2

      QUESTIONS 22

La séance est ouverte à neuf heures.

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

M. le Président - En application de l'article L.O. 185 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication de cinq décisions de rejet relatives à des contestations d'opérations électorales.

Conformément à l'article 3 du Règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003.

CULTURE

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication pour la culture.

M. Laurent Hénart, suppléant de M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances - Le budget de la culture est traditionnellement évalué à l'aune du fameux 1 % du budget de l'Etat qui devrait lui être consacré. La construction comptable de ce 1 % s'est effectuée par agrégats successifs, avec le transfert de la Bibliothèque nationale du ministère de l'éducation nationale, puis celui des subventions des bibliothèques municipales du ministère de l'intérieur, enfin des écoles d'architecture du ministère de l'équipement. Malheureusement, ces crédits n'ont jamais été consommés au cours des trois exercices précédents, de telle sorte que les reports ont atteint, en 2002, 405 millions d'euros.

La commission des finances a particulièrement noté le chiffre d'exécution de 2001 : 389 millions d'euros de crédits reportés, soit un peu plus de 15 % de l'ensemble des crédits consacrés par la loi de finances pour 2001 à la Culture. En 2001, les titres V et VI n'ont été consommés qu'à hauteur de 57 %. C'est dire qu'il y a un fossé entre ce que le Parlement vote et ce qui est ensuite réalisé.

A l'inverse, vous avez, dans ce projet de budget, fait l'effort courageux de revenir à la sincérité budgétaire : 216 millions d'euros ont été retirés par rapport à 2002 pour tenir compte des reports mobilisables, de telle sorte que le même effort d'investissement est garanti et la vérité comptable rétablie.

M. Michel Françaix - Nous n'avons pas les mêmes lunettes !

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Vous n'avez que le verre gauche ! (Sourires)

M. le Rapporteur spécial suppléant - Chaussez-les mieux !

De nouvelles marges de man_uvre sont dégagées pour l'action culturelle et le fonctionnement des grands établissements aux titres III et IV. En matière d'investissement, la somme des crédits disponibles et des reports mobilisables est supérieure aux crédits de 2002 pour les titres V et VI. Le montant des autorisations de programme est identique à celui affiché en loi de finances pour 2002, soit 565 millions d'euros. Vous donnez, en outre, les moyens de mieux consommer ces crédits : un peu plus de 10 millions d'euros de crédits d'entretien du patrimoine - et non de restauration lourde -, et consommation des autorisations de programme en cinq ans au lieu de quatre.

En contrepartie des ajustements d'investissements sur les crédits des titres V et VI, des efforts importants sont faits pour les titres III et IV.

Rappelons les résultats de l'audit KPMG : l'ensemble des grands projets décidés par le précédent gouvernement feraient porter des contraintes excessives sur le budget de l'Etat, puisque 1,1 % de celui-ci serait nécessaire pour simplement assumer les projets aujourd'hui mis en place. Cette politique a conduit à fermer 27 % des salles au Louvre, 45 % à Versailles. Et que dire de l'état de la Bibliothèque nationale de France sur le site Richelieu, ou des Archives nationales !

Il est donc urgent de débloquer de nouveaux moyens : les crédits de paiement en dépenses ordinaires augmentent de 97 millions d'euros, pour le personnel, le fonctionnement et les interventions.

Vous responsabilisez les établissements publics en les rendant plus autonomes, et procédez aux ajustements nécessaires. L'augmentation de leurs crédits de 11,1 % porte l'ensemble des crédits à 665 millions d'euros, avec un effort particulier, au-delà du Louvre et du Centre Pompidou, pour les écoles d'architecture, dont les crédits augmentent de près de 10 %.

M. Michel Françaix - Il y a eu un effort pour le Centre Pompidou ?

M. le Rapporteur pour avis - Pour le Louvre aussi !

M. le Rapporteur spécial suppléant - La baisse des effectifs n'est qu'apparente puisqu'elle répond à un souci de responsabilisation et d'autonomie, avec un transfert de personnel : 1 233 emplois sont transférés au Louvre, et 64 aux conservatoires et écoles d'art.

Concernant le titre IV, les crédits d'intervention alimentent une action culturelle tant à Paris qu'en province, et passent le cap des 750 millions d'euros, soit une augmentation de 4,5 %, contre 1,6 % ces dix dernières années. Il faut rompre avec la politique précédente qui laissait les grands projets parisiens accaparer l'essentiel des moyens. Songez que 20 % des crédits étaient consommés par cinq établissements culturels - BNF, Opéra national de Paris, Louvre, Villette et Pompidou. La décentralisation permettra à la politique culturelle de renouer avec les départements et les régions, et de laisser de la place aux initiatives locales et privées, sans pour autant provoquer le départ des institutions nationales de nos régions.

Enfin, il convient de moderniser la fiscalité, dans un pays où près de 45 % des richesses nationales sont soumises à un prélèvement obligatoire.

Les mesures fiscales en faveur de la création culturelle ont été couronnées de succès, dans le domaine des travaux sur monuments historiques de l'aide à la création cinématographique, ou des dations d'_uvres d'art. Il faut aller plus loin, en réduisant en 2003 la TVA sur le disque, afin de diversifier les labels et la création nationale dans le domaine des musiques actuelles, et en réformant l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, et le régime juridique des fondations privées, afin de relever le taux de déduction des donations.

A côté d'une politique active d'action culturelle par la dépense publique, doit se développer une politique de déduction fiscale propre à soutenir la création et à rééquilibrer initiatives privées et initiatives publiques. Notre budget...

M. Michel Françaix - ...n'est pas très bon.

M. le Rapporteur spécial suppléant - ...renoue avec la sincérité, absente depuis 2000, et anticipe sur les défis de l'avenir : décentralisation et prévention de l'effet de ciseaux annoncé par l'audit KPMG. Restitution de la vérité des comptes, responsabilisation des établissements, meilleure évaluation et préparation de la mise en _uvre de la loi organique, restitution de marges de man_uvre en matière de personnel et d'interventions culturelles : ce budget est authentique et prépare l'avenir. La commission des finances en a adopté les crédits et invite l'Assemblée nationale à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Rapporteur pour avis - Les objectifs de ce budget sont clairs : redonner au ministère de la culture des capacités d'action qui se sont amenuisées au fil des ans entre l'Etat et l'ensemble des acteurs culturels, de nouveaux rapports fondés sur l'écoute et la confiance.

Les choix effectués prennent en compte la situation financière dont vous héritez. La rigidité du budget de la culture, liée à l'importance de ses charges fixes, et la hausse des coûts de fonctionnement induits par les nouveaux projets immobiliers mènent le ministère droit à une impasse budgétaire.

M. Michel Françaix - Nous y sommes !

M. le Rapporteur pour avis - Placé sous le signe de la responsabilité, de la crédibilité et de l'efficacité, le budget 2003 vise à redonner des marges de man_uvre à la politique culturelle. Avec des crédits de près de 2,5 milliards d'euros, le ministère de la culture disposera de capacités d'engagement en hausse. La forte progression de près de 4 % des dépenses ordinaires et des autorisations de programme lui permettra de tenir l'ensemble de ses engagements. Vous avez choisi, Monsieur le ministre, de ne pas solliciter en inscriptions nouvelles l'ensemble des crédits de paiement qui seront dépensés. 420 millions d'euros de crédits, en effet, n'ont pas été utilisés entre 1997 et 2001. Face à cette situation, pour le moins critiquable, vous avez choisi d'employer cette réserve, - à hauteur de 205 millions d'euros - pour financer les dépenses d'investissement. Ce choix courageux aura deux conséquences : votre ministère disposera l'an prochain d'une hausse effective de 3,6 % de ses capacités d'engagement ; la crédibilité de votre budget est manifeste. Vous entendez ainsi rompre avec les pratiques du précédent gouvernement ...

M. Michel Françaix - Dommage !

M. le Rapporteur pour avis - ...qui a sciemment inscrit dans les budgets successifs des crédits de paiement très largement supérieurs à ce que le ministère était en mesure de dépenser, afin d'afficher artificiellement, avant les échéances de 2002, un budget atteignant le seuil de 1 % du budget de l'Etat. Hier symbole d'une ambition culturelle, le 1 % a ainsi été dévoyé pour n'être plus qu'un slogan trompeur. En terme de dépenses effectivement réalisées, jamais, sous le gouvernement Jospin, le budget de la culture n'a atteint 1 %, il a plafonné, au mieux, à 0,86 %. Voilà une vérité qui tord le cou à bien des affirmations caricaturales prononcées ces dernières semaines sur certains bancs de l'opposition.

M. Michel Françaix - Vous ne croyez pas ce que vous dites !

M. le Rapporteur pour avis - Avec ce budget, vous voulez rendre toute son efficacité à l'action culturelle de l'Etat. La focalisation du débat autour du 1 % a occulté l'essentiel : la réduction des marges artistiques et culturelles du ministère avec ses conséquences : des établissements culturels financièrement asphyxiés réduisant ou gelant leurs projets d'expositions, contraints de fermer des salles au public faute de gardiens en nombre suffisant comme au Louvre, à Versailles ou au musée Guimet ; la baisse des crédits d'entretien des monuments historiques ou le niveau ridiculement bas des crédits d'acquisition.

Pour inverser cette tendance, vous avez donc décidé de mettre en _uvre de nouvelles pratiques de gestion. Une véritable politique d'évaluation sera généralisée au sein de l'administration centrale et dans les DRAC.

La volonté de renouer avec une stratégie budgétaire plus réaliste conduit par ailleurs la rue de Valois à repenser sa politique immobilière en tenant compte des coûts de fonctionnement des futurs établissements. Ainsi, tout en confirmant les projets de nouvelles institutions culturelles à Paris, vous avez apporté un certain nombre de modifications pour leur donner une plus grande cohérence. Vous avez indiqué vouloir mettre un terme au surinvestissement des dernières années dans Paris intra muros pour rééquilibrer l'action du ministère en faveur du reste du territoire - choix de bon sens soutenu par nombre de parlementaires. La reconstitution des marges d'action du ministère s'exprimera aussi par la priorité donnée aux crédits immédiatement utilisables : crédits du titre III dédiés aux établissements publics, à la résorption de l'emploi précaire et à l'entretien du patrimoine, qui connaîtront leur plus forte hausse depuis huit ans, et crédits d'intervention, qui augmenteront de 5 %.

Ces priorités n'hypothéqueront pas l'avenir puisque les capacités d'investissement seront maintenues grâce à la stabilisation des autorisations de programme et à l'utilisation de crédits de paiement non consommés.

Le Gouvernement mettra ainsi en _uvre une nouvelle politique culturelle. L'autonomie et les moyens des grands établissements culturels, notamment des musées - dont le rôle est prépondérant dans la vie culturelle de notre pays ...

M. Michel Françaix - Très bien !

M. le Rapporteur spécial - ... et dans son rayonnement à l'étranger - seront renforcés. Une nouvelle relation entre l'Etat et ses établissements culturels - plus d'autonomie mais aussi plus de responsabilité - s'instaurera afin de leur donner une réelle maîtrise de la gestion de leurs personnels et de leur programmation.

Cette politique se traduira en 2003 par la signature de la première tranche du contrat d'objectifs et de moyens du musée du Louvre, avec le transfert de 1 233 emplois de titulaires sur son budget, et par la transformation du musée d'Orsay en établissement public. Cette orientation s'accompagnera d'une augmentation concomitante des moyens dont bénéficieront notamment la programmation artistique et culturelle, l'accueil du public et la conservation des collections. Tous les établissements existants sont concernés, ainsi que les projets en cours comme celui du musée des Arts premiers.

Les écoles d'architecture qui vous sont chères, Monsieur le Président, connaîtront une hausse de 9 % de leurs moyens, deux nouvelles écoles - Paris Val-de-Seine et Paris Belleville - verront le jour.

Deux orientations de la nouvelle politique culturelle : la priorité donnée aux créateurs. Les droits d'auteur seront aussi mieux protégés grâce à une hausse des crédits finançant le droit de prêt aux bibliothèques. La promotion des arts plastiques et du spectacle vivant - notamment le cirque - sera renforcée.

Le Gouvernement entend favoriser un accès plus large à la culture, ambition qui se traduira par un renforcement des aides en faveur du développement des équipements de proximité des collectivités locales. Le ministère de la culture veut renforcer la coopération avec les communes, les régions et les départements. Démocratisation et décentralisation sont ainsi deux objectifs étroitement imbriqués, qui disposeront de moyens renforcés. La dotation générale de décentralisation en faveur des bibliothèques augmentera et le développement des espaces culture multimédia sera accéléré. Le soutien aux investissements culturels des collectivités locales se manifestera par un effort accru en faveur de la modernisation des archives départementales et communales, ainsi que par le lancement d'un plan d'équipement en médiathèques de proximité dans les zones rurales et dans les quartiers périphériques des villes.

Les crédits en faveur du plan de développement de l'éducation artistique à l'école seront eux aussi abondés.

Je salue la très haute conception que vous vous faites du rôle de la télévision publique en matière d'éducation et de culture. Les conclusions du rapport que vous avez demandé à Mme Clément pour améliorer l'offre éducative et culturelle des chaînes publiques sont impatiemment attendues et j'espère qu'elles seront ambitieuses.

J'insiste, enfin, sur la nécessaire rénovation de notre politique du patrimoine. L'effort en faveur du patrimoine est une ardente nécessité ; depuis trop longtemps, notre pays néglige ce bien commun. Outre les enjeux culturels, scientifiques et économiques qu'il représente, le patrimoine contribue à forger une mémoire et une identité collectives.

Pourtant, les crédits destinés au patrimoine n'ont cessé de décroître.

M. Michel Françaix - Et ça continue !

M. le Rapporteur pour avis - Le patrimoine a été le parent pauvre des années Trautmann-Tasca. Sous la précédente législature, les crédits d'investissement ont diminué de 7,5 %.

Le Président de la République et le Premier ministre veulent replacer la protection du patrimoine au c_ur de l'action culturelle de l'Etat. Un certain nombre d'arbitrages budgétaires en sont l'illustration. Ainsi l'augmentation de 53 % des crédits d'entretien correspond au redéploiement de 10 millions d'euros de crédits d'investissement - c'est un choix judicieux car les interventions courantes sur les monuments limitent souvent des opérations de restauration plus coûteuses - ou de l'accroissement de 4 % des crédits d'acquisition, effort sensible au regard d'une augmentation de 1 % des crédits entre 1997 et 2001.

Vous prendrez également l'an prochain en faveur du patrimoine des mesures législatives. Une loi de programme sera prochainement déposée devant le Parlement ; elle définira pour cinq ans l'effort que l'Etat consacrera à la mise en valeur du patrimoine monumental.

En outre, les seuls moyens de l'Etat ne pouvant suffire à satisfaire les besoins, le projet de loi sur le mécénat et la réforme du droit des fondations permettront, ainsi que le souhaitait le Président de la République, de « passer à l'égard du mécénat d'une culture de réticence et de soupçon à une culture de confiance et de reconnaissance ». Quelles sont les orientations retenues dans ces projets ?

La politique du patrimoine doit aussi devenir moins cloisonnée et moins restrictive. Aujourd'hui, l'idée de patrimoine reste trop souvent circonscrite aux monuments et à l'architecture. Et pourtant notre patrimoine est aussi archéologique, artistique, littéraire et audiovisuel. Il s'étend à nos langues régionales et aux savoir-faire des métiers d'art, sans oublier notre patrimoine culinaire ! Et élargir cette approche impose de revoir l'organisation des services. Vous souhaitez, Monsieur le ministre, structurer leur action autour des grandes politiques engagées. Cela sera certainement bénéfique, alors que chaque direction mène encore sa propre action sans concertation avec les autres.

La rénovation de la politique du patrimoine passe également par un meilleur enracinement dans les territoires. Cela suppose la consolidation des DRAC, mais aussi la reconnaissance de l'action des collectivités territoriales. Les propositions de la commission sur la nouvelle répartition des charges entre l'Etat et les collectivités locales, que vous avez confiée à Jean-Pierre Bady, sont donc très attendues.

Enfin, il faut améliorer la diffusion des connaissances auprès du grand public. Les nouvelles technologies constituent à cet égard un outil extraordinaire et les crédits consacrés à la numérisation des collections augmenteront de 40 % l'an prochain.

Ce budget traduit la volonté de donner un nouveau souffle à une politique culturelle qui avait eu tendance ces dernières années à privilégier l'accessoire sur l'essentiel et l'effet d'annonce sur l'efficacité. Accompagné des réformes que vous avez enclenchées, il marque une rupture avec le passé et est porteur d'un véritable espoir pour la culture. C'est pourquoi la commission a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre-Christophe Baguet - Ce budget est marqué tout à la fois par la transparence et la bonne gestion et par un pari osé sur l'avenir. L'UDF est très favorable à cette remise à plat de la politique culturelle, et elle apprécie votre effort de récupération des crédits non consommés. Elle est particulièrement satisfaite de l'augmentation de 5 % des crédits de paiement des titres III et IV et des choix faits aux titres V et VI.

Vous avez donc osé sacrifier l'objectif très médiatique du 1 % alors même que le Président de la République a demandé une sanctuarisation de ce budget, vous exposant ainsi à la prompte critique. Mais là n'est pas le plus grand danger : les reports de crédits ne peuvent s'utiliser qu'une fois. Etes-vous certain, Monsieur le ministre, du soutien du Gouvernement pour le budget 2004, compte tenu des perspectives économiques ?

M. Hervé de Charette - Il faut être optimiste !

M. le Rapporteur pour avis - Le pire n'est pas toujours sûr !

M. Pierre-Christophe Baguet - Les crédits ne sont pas suffisants, mais ils sont nécessaires et il faudra soutenir notre ministre pour qu'il les obtienne.

M. Hervé de Charette - Commencez maintenant !

M. Pierre-Christophe Baguet - Il faut favoriser, en France, l'accès de tous les publics à toutes les cultures, et cela nécessitera des moyens importants. Ce ne sont pas tant les initiatives qui font défaut que la coordination entre les différents niveaux locaux et nationaux. En outre, la pérennité des actions entreprises n'est souvent pas assurée. Les barrières qui séparent nos concitoyens du livre, du musée ou du théâtre sont donc loin de tomber.

Au-delà de ces questions d'accessibilité se pose un problème général de sensibilisation. L'éducation culturelle permet à chacun de construire à la fois sa démarche personnelle et son appartenance à la communauté. Il est donc nécessaire d'encourager l'envie de découverte culturelle. Pour les plus jeunes, l'école est bien sûr le lieu idéal et il faut y développer l'éducation artistique. Nous proposons d'enseigner l'histoire des arts dès le primaire.

Le cinéma doit y tenir toute sa place, mais après le succès d'Amélie Poulain et d'Astérix, l'avenir s'annonce sombre. Il est urgent que l'Etat se saisisse de ce problème. La mission parlementaire cinéma a proposé d'intéressantes pistes de réflexion : donner une nouvelle dimension aux aides régionales et améliorer les structures concernées, par exemple, ou ouvrir le régime juridique des Sofica.

Les éditions vidéographiques ne contribuent que pour 18 millions au compte de soutien, contre 322 millions pour la télévision et 106 pour les salles de cinéma. Or le chiffre d'affaires de la vidéo est supérieur à celui de ces dernières. La situation n'est donc pas acceptable. Nous proposons d'augmenter la taxe vidéo de 2 à 5 %, en contrepartie d'une diminution de la TVA. En 1987, le taux de TVA sur les disques passait de 33,6 à 18,6 %. A l'heure du réexamen de la directive communautaire, l'idéal serait de défendre le taux réduit de 5,5 % pour l'ensemble des biens culturels, y compris les vidéos et les DVD.

Les industries techniques de l'audiovisuel souffrent aussi. Elles sont dans un état critique, et un amendement sera d'ailleurs déposé au Sénat pour proposer soit une exonération de la taxe professionnelle, soit la création d'un crédit d'impôt.

L'action culturelle ne peut plus se limiter au cadre national. L'UDF propose donc d'inscrire le principe de diversité culturelle dans les textes fondateurs européens, pour que le culture ne soit pas une marchandise comme les autres. Ce serait également l'occasion d'apporter la contribution européenne au débat mondial sur la diversité culturelle.

Vous avez hérité, Monsieur le ministre, d'une situation floue...

M. Michel Françaix - Le flou artistique !

M. Pierre-Christophe Baguet - ...tant en ce qui concerne les politiques conduites que les finances. A la politique des paillettes, vous préférez une action claire et réaliste. L'UDF vous apporte donc son soutien, et espère voter le budget pour 2004 avec encore plus d'enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Frédéric Dutoit - Le budget de la culture pour 2003 est en baisse de 5 %. Cette chute libre marque le premier exercice budgétaire de votre gouvernement, et elle restera sans nul doute dans la mémoire de nos concitoyens. On est loin de la sanctuarisation promise par le Président Chirac durant sa campagne électorale.

Vous considérez, Monsieur le ministre, avoir rompu avec des pratiques budgétaires artificielles. Selon vous, le ministère demandait plus de crédits qu'il n'en avait réellement besoin, pour atteindre le fameux taux de 1 %.

Vous déclarez que les crédits de paiement inscrits au titre des investissements sont, cette fois-ci, conformes aux besoins réels. Mais la sous-consommation des crédits de paiements depuis quatre ou cinq ans ne vous autorise pas à supprimer plus de 200 millions ! Si le ministère ne réussit pas à consommer la totalité de ses crédits, comment pouvez-vous en déduire qu'ils ne sont pas pour autant nécessaires ? Comment comptez-vous mesurer le niveau exact des besoins ? Ne cherchez-vous pas tout simplement à justifier la réduction de votre budget ?

Les réserves de crédits non consommés permettent au ministère de garder une marge de man_uvre et une certaine liberté d'initiative. Ne vous placez-vous pas volontairement sous la tutelle du ministère de l'économie et des finances ?

M. Hervé de Charette - Non !

M. Frédéric Dutoit - Puisque vous dites avoir le courage de rompre avec le mythe du 1 %, ayez le courage de reconnaître les vraies raisons de la baisse : la culture n'est tout simplement pas une priorité pour votre gouvernement ; elle n'intéresse pas ce que vous appelez la « France d'en bas ».

L'objectif du 1 % a une signification éminemment politique. Or, vous donnez le sentiment de vouloir réduire la culture à des enjeux comptables.

En ce qui concerne les dépenses ordinaires par exemple, le transfert des personnels du musée du Louvre vers l'établissement public du musée n'est pas sans conséquence. C'est un pas vers une gestion extrabudgétaire du personnel, en dehors de toute obligation liée au statut de la fonction publique.

Malgré les efforts réalisés en la matière par vos prédécesseurs, la gestion du personnel est l'un des problèmes récurrents du ministère. Votre budget n'y apporte aucune solution. En effet, si le plan de résorption de la précarité concerne 150 emplois, ceux-ci sont en fait créés en ponctionnant des emplois devenus vacants. Ainsi, il s'agit bien de 150 suppressions de postes.

L'action sociale et la formation continue semblent être négligés. Les dépenses du titre IV ne progressent en effet que relativement peu, avec un bonus d'environ 36 millions d'euros, sur un montant total de 827 millions. Les moyens dévolus au spectacle vivant et à l'action culturelle ne progressent donc que très peu.

Le MEDEF fait des propositions provocatrices visant à mettre fin au statut des intermittents du spectacle. Il est de la responsabilité du pouvoir politique d'indiquer clairement ses choix. Votre devoir consiste à soutenir les propositions tendant à améliorer le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.

Ce débat intervient dans un contexte propice à la marchandisation de la culture, premier pas vers l'uniformisation. Or l'exception française, c'est précisément une certaine idée de la culture comme chose publique, comme patrimoine et comme projet commun. Même si on parle plutôt dans le langage officiel de la « diversité culturelle », cette ruse sémantique ne trompe personne. La diversité culturelle est un fait et nul ne conteste qu'elle soit une cause à défendre. L'exception culturelle, elle, est le résultat d'une volonté politique consistant à refuser d'assimiler les _uvres de l'esprit à des marchandises. Sur ce plan, la France est en pointe. Sans avoir la prétention de vouloir l'imposer aux autres nations, nous devons faire en sorte que l'exception culturelle puisse devenir une conception politique universelle.

L'uniformisation culturelle est la rançon du libre-échange et renforce les fractures sociales et économiques, voire les replis identitaires. C'est pourquoi l'exception culturelle ne doit pas rester au chapitre des slogans publicitaires, mais devenir un principe directeur de la politique culturelle de la France. Or vous ne vous en donnez pas les moyens.

Dans ce domaine, l'Europe doit être un atout. Tant que les Etats membres n'auront pas compris que c'est l'extrême diversité culturelle de l'Europe qui a besoin d'une protection de haut niveau, l'action culturelle européenne se limitera à une coopération intergouvernementale très éloignée d'une véritable politique communautaire.

A ce propos, je mets en garde le Gouvernement et l'Union européenne contre la tentation de vendre une partie du patrimoine conservé par les musées : ce serait organiser le démantèlement du patrimoine, au nom des intérêts particuliers et contre l'intérêt général.

L'intérêt général, en matière culturelle, est d'abord de démocratiser la culture. Nous souscrivons à votre projet de diminuer la TVA sur le disque, mais traduisez cette idée en acte !

Pour trouver un nouvel équilibre entre l'Etat et les collectivités territoriales, il faut relancer la décentralisation culturelle et mieux maîtriser le processus de déconcentration de l'action de l'Etat.

Si l'Etat a développé son action au niveau territorial, c'est moins en imposant un maillage culturel dont il aurait eu la charge qu'en systématisant le partenariat avec les collectivités territoriales, au moyen des instruments de contractualisation.

Il faut reconnaître le développement considérable des interventions des collectivités territoriales en matière culturelle. La vie culturelle est largement tributaire de leurs actions. Il faudra donc clarifier la répartition des compétences, mais aussi des crédits.

L'Etat doit revoir sa position s'agissant du musée de l'Europe et de la Méditerranée, de l'Opéra de Marseille ou de la friche de la Belle-de-Mai, à Marseille.

L'intervention culturelle est au c_ur d'un processus où se mêlent formation de l'esprit critique, enjeux de conception et construction du monde.

L'Etat ne peut se désinvestir de l'éducation artistique. Si le budget de l'éducation nationale est considérable, celui des enseignements artistiques est squelettique.

Dans le domaine des arts et de la culture, on doit déplorer la persistance de fortes inégalités, sociales, économiques, géographiques, dues aux effets discriminatoires du modèle culturel dominant. Leur réduction suppose la mise en _uvre d'une politique globale et cohérente dont l'éducation est le socle.

C'est notre position : la culture doit bénéficier d'interventions publiques mais aussi privées pour faire progresser les rapports humains.

Parce que le budget de la culture n'est pas à la hauteur, le groupe des députés communistes et républicains ne le votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Hervé de Charette - Dans votre premier budget, Monsieur le ministre, l'Assemblée peut déjà discerner les grandes lignes de la politique culturelle que vous allez mener, dans les cinq années qui viennent - je l'espère du moins, pour vous comme pour nous. Ce budget mérite non seulement notre approbation, mais des félicitations, même si j'entends fuser les critiques du côté gauche de l'hémicycle et dans certains cercles. Il y a ce slogan du 1 % budgétaire : c'est une histoire abracadabrantesque. Pourquoi 1 % ? Et 1 % de quoi ? Le périmètre du budget, en effet, varie chaque année. Ce pourcentage ne signifie rien. Il n'a d'ailleurs jamais été atteint, si ce n'est dans les lois de finances initiales pour 1993 et pour 2002. C'est qu'en partant, les ministres socialistes, qui n'avaient approché ce graal budgétaire, ont promis la lune, sachant qu'ils n'auraient pas à exécuter ces budgets. Tout cela ressemble plutôt à une farce. Si on regarde l'exécution des lois de finances, la culture a représenté en réalité 0,75 % du budget général ces quinze dernières années. Et je répète qu'un pourcentage ne saurait tenir lieu de politique culturelle.

Dans ce budget, vous avez voulu revenir à la réalité, plutôt que de recourir aux effets d'affichage de vos prédécesseurs.

S'agissant des investissements, vous avez accepté la réduction de 78 % des crédits de paiement, considérant que les reports accumulés des années précédentes vous donnaient les moyens d'action nécessaire. En contrepartie, vous avez obtenu le maintien des autorisations de programme - ce qui garantit la pérennité de la politique d'investissement - ainsi qu'une augmentation des dotations pour les titres III et IV, ce qui vous donne des marges d'action nouvelles.

C'est une man_uvre assez habile. Rien de plus irritant que les ministres dont tout le projet consiste à maintenir les crédits de l'année précédente. Vous avez pris acte de l'incapacité de votre administration à consommer ses crédits - et j'espère que vous changerez cette situation - pour négocier des moyens substantiels. Il s'agit donc d'un budget intelligent.

Mais vous ne pourrez pas faire cela tous les ans.

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous sommes d'accord.

M. Michel Françaix - Le ministre ne peut-il être intelligent qu'une fois ?

M. Hervé de Charette - Monsieur Françaix, ne surévaluez pas vos propres capacités (Sourires).

Les crédits des grands établissements progressent et permettez au petit-fils d'un grand conservateur du château de Versailles de s'en féliciter.

Vous clarifiez par ailleurs la situation des grands projets parisiens. A Paris, il faut une politique active d'investissement culturel, mais il était temps de mettre de l'ordre. Les années qui viennent seront fastes pour nos grands établissements.

Je soutiens fermement votre volonté d'exiger une participation active de la Ville de Paris et de la région Ile-de-France pour les grands équipements culturels, comme la future salle symphonique. Il n'y a aucune raison que toutes les régions et toutes les grandes villes de France fassent un effort alors qu'à Paris, l'Etat supporterait en totalité les investissements nationaux.

Je me félicite que vous commenciez à encourager les territoires à mener une politique culturelle active.

Si j'en avais le temps, je saluerais encore votre politique du patrimoine. Bravo pour les crédits supplémentaires alloués à l'entretien du patrimoine de l'Etat. Je suis satisfait de votre politique en faveur du spectacle vivant.

Je terminerai en insistant sur quelques points.

D'abord le mécénat : vous avez annoncé un projet de loi pour 2003. Il est temps de sortir d'une situation que je dénonce chaque année. La politique culturelle ne peut être financée uniquement par l'argent public. Parmi les dispositions législatives envisagées, le plus urgent et le plus important est de modifier les articles 200 et 238 bis du CGI concernant les dons des particuliers et des sociétés. Quand on aura fait cela, on aura beaucoup avancé.

Le retard français en ce domaine est considérable. Au Metropolitan Museum 60 personnes se consacrent à cette tâche et récoltent 60 millions de dollars par an, au Louvre 6 personnes récoltent 6 millions d'euros par an. Les chiffres sont éloquents !

Deuxième point important, l'UMP estime que le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle, particulièrement favorable il est vrai, doit être préservé. Le doublement brutal des cotisations est excessif (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Il faut certes mettre de l'ordre dans ce régime, mais en procédant avec sagesse et mesure et en tenant compte des particularités de ces métiers.

Troisième sujet, la décentralisation devrait porter en priorité sur le classement et l'entretien du patrimoine. Laissez les régions s'en charger, elles s'en acquitteront avec efficacité.

Un mot enfin de l'archéologie préventive. Ayant eu l'honneur de voir de près la renaissance du phare d'Alexandrie et les recherches autour des pyramides, je suis un admirateur et un défenseur de l'archéologie. Faut-il pour autant accepter les excès auxquels a mené la loi de 2001 ? Non. On ne peut pas laisser les décisions aux seules mains des archéologues et le coût des travaux à des collectivités locales souvent modestes. Au nom de l'UMP, je vous demande de revoir ce système.

Monsieur le ministre, Emmanuel Berg disait de son ami André Malraux : « Il a mis la pagaille dans un ministère qui n'existait pas ». Désormais, le ministère existe, grâce à Malraux et à ses successeurs, mais la pagaille est restée. Il faut mettre de l'ordre et du souffle dans ce ministère. Le groupe UMP se félicite de constater que vous travaillez avec passion et brio. La France avait besoin d'un grand ministère de la culture : nous y sommes et je m'en réjouis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Bloche - Monsieur le ministre, vous êtes sans aucun doute un homme de bonne volonté, ne serait-ce que parce que vous n'avez remis radicalement en cause aucune des directions prises par votre prédécesseur.

Mais que pouvez-vous vraiment avec un budget aussi faible, dans un contexte politique qui renchérit le coût de la culture en fragilisant les métiers du spectacle, qui supprime les emplois-jeunes et qui s'apprête à décentraliser l'Etat par appartements, sans vision d'ensemble ?

Votre ministère est déjà dépecé : avec une baisse des crédits de 5,2 % et la suppression de 150 emplois, ce budget ne représente plus que 0,91 % du budget général et il est proportionnellement le plus pénalisé. La promesse électorale du Président de la République de sanctuariser le budget de la culture a volé en éclats dès le premier exercice - seuls les naïfs s'en étonneront.

Vous tentez de sauver la face par une pirouette budgétaire qui ne trompera personne. Bercy vous a bel et bien privé de crédits destinés à la restauration du patrimoine et à l'action culturelle. Vous ne disposez d'aucune marge de man_uvre, d'autant que nombre de crédits culturels de l'exercice en cours ont été gelés, en attendant leur probable annulation. Si par la mécanique du recyclage, vous pouvez augmenter certains postes, la fourmi devenue cigale risque d'être bien dépourvue quand la bise sera venue, c'est-à-dire lors de la régulation budgétaire annoncée pour début 2003. Et que dire du budget 2004, que vous aborderez sans crédits de report ?

M. le Rapporteur pour avis - Ce n'est pas d'actualité !

M. Patrick Bloche - Nous sommes donc loin du slogan « 1 % pour la culture » qui a correspondu à un travail patient de démocratisation culturelle. « Affichage », disent vos amis politiques. Mais c'est pourtant un indicateur de la place consacrée à la politique culturelle par les gouvernements successifs - ceux qui s'en sont éloignés, plutôt de droite, et ceux qui s'en sont rapprochés, plutôt de gauche.

M. Hervé de Charette - Vous êtes gonflé !

M. Patrick Bloche - Regardez les chiffres : le budget de la culture a diminué de 10,7 % de 1993 à 1997 et augmenté de 16,5 % sous le gouvernement de Lionel Jospin.

Plus grave encore est l'amputation d'un tiers des crédits consacrés à l'enseignement artistique. L'éducation artistique sans les artistes, les associations démobilisées, le solfège contre le rap - telles sont les conséquences de l'abandon du plan Tasca-Lang signé en 2000 pour cinq ans.

Pour compenser la baisse des crédits, vous évoquez fréquemment l'encouragement au mécénat. Mais celui-ci ne doit pas sonner la retraite de la puissance publique...

M. le Rapporteur pour avis - Personne ne le dit !

M. Patrick Bloche - Les mécènes ne rempliront leurs missions culturelles que si leurs investissements complètent une politique publique dynamique.

Quant à la décentralisation, ce vaste mouvement initié par la gauche, elle pourrait marquer une nouvelle étape dans la politique culturelle : avant même votre arrivée, votre ministère avait d'ailleurs déjà déconcentré 80 % de ses crédits d'intervention vers les DRAC.

Mais la méthode choisie par le Premier ministre, le flou entourant ses intentions réelles, le risque d'explosion de la fiscalité locale nous inquiètent. Que d'interrogations sur la décentralisation Raffarin, qui nie l'échelon communal et intercommunal ! Qu'adviendra-t-il des protocoles de décentralisation mis en _uvre par Catherine Tasca et Michel Duffour ? Quels mécanismes assureront l'égalité des chances culturelles sur tout le territoire ? Comment, inciter les agents de l'Etat à s'engager dans un processus qui doit aussi garantir la cohésion de la nation ? Autant de questions aujourd'hui sans réponse.

Vous cédez de plus en plus à la facilité consistant à opposer Paris au reste de la France. Pourtant les Parisiens sont loin d'être le seul public des grandes institutions culturelles de la capitale. Dans votre récente interview au Moniteur, vous avez ainsi déclaré vouloir mettre fin au surengagement de l'Etat à Paris, tout en affirmant que la future Cité de l'architecture et du patrimoine sera à Paris, mais ne sera pas parisienne.

De vos projets immobiliers pour Paris on retiendra surtout que la promesse faite par le Président de la République, en avril dernier, de réaliser une salle philharmonique à la Villette ne sera pas tenue.

Je conclurai en revenant sur le doublement des cotisations de chômage des intermittents du spectacle : cet accord imposé par le MEDEF dans la précipitation a porté un mauvais coup au spectacle vivant. Nombre d'entreprises et associations culturelles, à qui on a annoncé au même moment la fin programmée des emplois-jeunes, se posent aujourd'hui la question de leur survie financière. Comment ne pas regretter que le Gouvernement ait donné aussi légèrement son agrément à cet avenant, après avoir obtenu le feu vert de la majorité parlementaire ?

Parce que la culture n'est pas la priorité de ce gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe UMP), parce que, Monsieur le ministre, votre budget ne permet ni de retisser les liens indispensables entre l'éducation, la culture et la jeunesse, ni de moderniser et de renforcer les instruments nécessaires au développement d'industries culturelles de qualité, ni d'élaborer avec les collectivités un plan audacieux d'équipement culturel, le groupe socialiste votera contre. C'est sans doute le meilleur service que nous puissions vous rendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget en régression de 5,6 % - la plus forte chute de tous les ministères -, tout en faisant apparaître finalement des hausses pour chacun des titres. Sachant que les professionnels sont particulièrement attentifs au titre III - fonctionnement du ministère - et au titre IV - crédits d'intervention -, vous leur servez une progression d'ampleur inégalée, en profitant de la cagnotte constituée par les crédits non déboursés du titre V - crédits d'investissement - sur le budget 2002. Bref, vous vous vantez de présenter un budget sincère, mais vous ne faites qu'hypothéquer l'avenir et enterrez l'objectif de sanctuarisation du budget annoncé par le Président de la République. Vous n'offrez aucune perspective pluriannuelle car vous ne disposerez plus d'aucune cagnotte pour les années 2004 et suivantes.

Vous aurez du mal à convaincre les professionnels, notamment dans le spectacle vivant, qu'ils vont vers des jours meilleurs... Peut-être les grandes manifestations sauveront-elles l'essentiel de leurs subventions, mais qu'en sera-t-il pour les petites compagnies et les petites scènes ? En bas de la pyramide culturelle, exploitants et employés subissent le doublement des cotisations ASSEDIC, charge énorme qui ne sera pas compensée par les subventions du titre IV. En outre, les petites compagnies et petites scènes savent déjà qu'elles seront les premières touchées par le collectif budgétaire qui ne manquera pas d'arriver en cours d'exercice.

Vous faites directement les frais des baisses d'impôts inconsidérées et des faveurs accordées aux ministères régaliens, n'ayant pas su ou pas voulu convaincre vos collègues qu'une politique culturelle dirigée vers les acteurs locaux contribuerait davantage à assurer le lien social que les orientations sécuritaires de ce PLF. En outre, votre conception de la proximité est très bureaucratique : pour l'octroi de subventions aux petites structures, le ministère se décharge sur les DRAC, qui ne sont jamais que des services déconcentrés en région : une manière habile de se déresponsabiliser lorsqu'il faudra annoncer la baisse des crédits d'intervention, à partir de 2004...

Certes, vous faites la part belle aux grands établissements publics : vous augmentez la subvention du Louvre de 4,8 %, et celle du Centre Pompidou, que vous connaissez bien, de 8,8 %. Au nom des habitants de ma circonscription de Paris-Centre, je vous remercie !

M. le Rapporteur pour avis - Enfin un compliment !

Mme Martine Billard - Je crains malheureusement que mes collègues des 576 autres circonscriptions ne soient pas aussi bien servis.

M. le Rapporteur pour avis - Nous n'avons pas de mandat impératif.

Mme Martine Billard - En ce qui concerne la réorganisation des grands musées nationaux et les grands projets institutionnels de construction de nouveaux sites culturels, vers lesquels vont vos préférences budgétaires, je voudrais insister sur la nécessité de mener chacun des chantiers à son terme. Celui du Louvre illustre les déperditions budgétaires propres aux grands projets inachevés : les travaux ont débuté il y a vingt ans ; ils sont, nous dit-on, achevés à 95 % alors que l'échéance initiale était fixée à 1996. Les Algeco sont maintenus sur site pour une poignée d'ouvriers avec un service de gardiennage sept jours sur sept et les douves servent de dépotoirs pour les passants... S'il n'est pas question de vous mettre en cause, Monsieur le ministre, sur le chantier lui-même, j'observe qu'en période de rigueur budgétaire on diminue les subventions aux petites structures, mais on sauve les meubles pour les grands projets institutionnels de prestige, non moins dispendieux. J'espère au moins que les travaux du Louvre seront terminés rapidement.

M. Gilbert Gantier - Certes, Monsieur le ministre, votre budget est en baisse apparente, mais le dogme du 1 % culturel n'est pas le meilleur critère. Au contraire, je me félicite que vous mettiez fin à la politique en trompe-l'_il de ces dernières annnées.

Ce budget affirme de nombreuses priorités qui recueillent notre soutien : augmentation des moyens pour les théâtres nationaux, pour le musée du Louvre, montée en puissance de nouveaux projets comme le musée du quai Branly, attention toute particulière portée aux écoles d'art. Vous faites un réel effort en faveur de domaines trop longtemps délaissés, notamment les archives et l'enseignement artistique.

Cependant la musique me semble injustement négligée. Je déplore notamment l'absence d'une salle de concert à Paris, alors que nous avons de nombreux orchestres de qualité. Je regrette que l'Etat ait raté une occasion lors de la vente de la salle Pleyel : ce faux pas sera-t-il rattrapé ? Un orchestre sans salle, c'est comme un club de foot sans stade !

Nous avons aussi besoin d'une véritable politique du patrimoine. Conscients des contraintes qu'implique la préservation d'un patrimoine très diversifié et très éparpillé sur notre territoire, nous souhaitons qu'on favorise de nouveaux modes de financement.

Le mécénat pourrait constituer une réponse pertinente à la stagnation des financements publics. Il pourrait corriger les risques de bureaucratisation par l'Etat ou de politisation par les collectivités locales, ainsi que les soubresauts du marché.

Le mécénat finance des actions culturelles de première importance dans de nombreux pays. Plus souple que le financement public, il peut favoriser les actions les plus innovantes. Du côté de l'entreprise, il permet de promouvoir des valeurs autres que celles du commerce. Longtemps considéré comme un outil servant uniquement l'image de l'entreprise, il mobilise aujourd'hui les salariés, et n'est plus l'apanage des seules grandes entreprises. Toutefois, le dispositif juridique et fiscal est trop contraignant. La loi du 23 juillet 1987 sur le mécénat, la loi relative aux musées de France de 2001, ou encore la loi du 4 juillet 1990 créant les fondations d'entreprises, n'apportent que des aménagements. Il conviendrait de moderniser le statut des fondations, en s'inspirant des modèles européens les plus avancés, et de modifier le régime fiscal, y compris pour les particuliers.

En effet, pour le citoyen, le mécénat est devenu une manière de s'impliquer directement dans des actions d'intérêt général. Dans nombre de nos régions, nos compatriotes se consacrent à la restauration du patrimoine local et du cadre de vie, ainsi qu'à l'apprentissage des langues minoritaires ou à la promotion des folklores. Ces pratiques constituent des instruments de connaissance et d'information, mais aussi de cohésion sociale. Il serait important de les encourager par le biais des mesures d'incitations fiscales, comme l'avait proposé François Bayrou lors de sa campagne présidentielle. Il pourrait s'agir d'une déduction fiscale, dans la limite d'un certain montant, qui représenterait certes un coût pour le budget de l'Etat mais permettrait de décharger les collectivités locales, bien souvent dans l'impossibilité de préserver le petit patrimoine.

Le groupe UDF, Monsieur le ministre, vous demande d'avoir la volonté politique de rattraper le regrettable retard pris par la France dans le domaine culturel, notamment en réformant les sources de son financement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Etienne Pinte - J'aborderai deux sujets qui me sont chers, l'enseignement musical et le financement du fonctionnement de l'établissement public de Versailles.

Concernant l'enseignement musical, les conservatoires nationaux de région ont un statut hybride, n'étant ni totalement nationaux, ni totalement régionaux, ni totalement départementaux, ni totalement communaux. Je souhaite que, dans le cadre des lois de décentralisation, ils soient confiés aux régions.

Par des efforts financiers en 2003, vous devriez retrouver la pente ascendante tracée par votre prédécesseur Jean-Philippe Lecat, qui avait financé les conservatoires nationaux de région à hauteur de 25 % de leur budget de fonctionnement.

Concernant les cours à horaires aménagés de musique, qui dépendent de l'Education nationale, il n'est pas normal que les collectivités locales en financent les professeurs, issus des conservatoires nationaux de région. L'Education nationale doit les prendre en charge d'autant qu'il s'agit d'une formation obligatoire, et donc gratuite, menant au bac F 11.

Quant à l'établissement public de Versailles, il ne bénéficie plus, depuis cette année, de subventions de fonctionnement, hors la prise en charge du personnel statutaire, alors que le Louvre, Beaubourg, la BNF ou l'Opéra perçoivent des sommes considérables. Et l'on demande encore à Versailles de reverser à la Réunion des musées nationaux 28 millions de francs. Les limites sont dépassées, et je vous propose de dispenser Versailles de cette contribution dès 2003. Par ailleurs, est-il réglementaire de diminuer les subventions d'investissement chaque fois que vous titularisez des fonctionnaires ? Il conviendrait de mettre fin en 2003 à cette inéquitable mesure.

Enfin, la ville de Versailles finance l'entretien de la place d'Armes, qui relève du ministère de la culture. Il conviendrait d'attendre les conclusions de l'étude menée à la demande de M. le préfet sur le statut du patrimoine de l'Etat, avant de modifier celui de la place d'Armes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Françaix - Je conçois que vous n'adhériez pas au mythe du 1 %, ; mais je comprends plus difficilement votre refus de sanctuariser le budget de la culture, comme Jacques Chirac l'avait promis. Il est vrai que chaque fois que la droite revient, elle s'en prend aux trois budgets qui engageaient l'avenir de la France : la recherche, l'éducation, la culture.

M. le Rapporteur pour avis - Quel poncif !

M. Michel Françaix - Vos crédits baissent de 5,2 % : vous supprimez 166 emplois, vous abandonnez des projets importants comme la Cité des archives. Quant à la fin des emplois-jeunes, elle touchera durement le secteur culturel qui en bénéficiait pour plus de 10 %.

Par une astuce comptable, vous espérez masquer le gel des crédits de nombreux établissements culturels, et la baisse des capacités d'intervention de votre ministère. Votre budget n'est pas sincère.

Il vous reste la décentralisation culturelle. Pendant quatre jours, vous avez rencontré à Toulouse élus et acteurs de la culture et envisagé avec eux une clarification des compétences respectueuse de l'Etat et des collectivités locales. Mais ne soyons pas aveugles : la redistribution des compétences conduira à un nouveau désengagement budgétaire de l'Etat au préjudice de l'égal accès de tous à la culture. On ne peut nier le bilan incontestablement positif de la gauche dans ce domaine.

M. Hervé de Charette - Hélas si !

M. Michel Françaix - Le soutien des acteurs de la vie culturelle et de l'opinion publique en témoignent, sans parler de l'aura internationale de la France. Une certaine idée de la France s'était bâtie autour de la priorité budgétaire donnée à la culture, avec l'action en faveur de tous les créateurs et de toutes les professions - défense du cinéma, loi sur le prix du livre -, la reconnaissance de nouvelles formes de création - rock, BD, photo, design - sans compter l'accueil des artistes étrangers, les grands travaux...

M. Hervé de Charette - Cela ne relevait-il pas du style pompier ?

M. Michel Françaix - Etes-vous prêt à reconnaître la spécificité du domaine culturel ? A ne pas sacrifier le rayonnement international de la culture française sur l'autel du profit financier ? Oui, sans doute, Monsieur le ministre. Votre personne n'est pas en question. Mais avez-vous bien mesuré la difficulté d'être ministre de la culture dans un gouvernement de droite ?

Sans moyens, comment préserver la création et la diversité culturelle face à la mondialisation ? Comment développer la politique culturelle des régions ? Comment lier culture et citoyenneté ? Il est symptomatique que le budget de la culture soit examiné cette année un vendredi matin.

Dans un discours où il se plaignait du budget présenté par un gouvernement conservateur de l'époque, Victor Hugo déclarait : « Personne plus que moi, n'est pénétré de la nécessité, de l'urgente nécessité d'alléger le budget de la nation, mais le remède de l'embarras de nos finances n'est pas dans quelque économie chétive et détestable... Vous êtes tombés dans une méprise regrettable, vous avez cru faire une économie d'argent, c'est une économie de gloire que vous faites. Je la repousse pour la dignité de la France ». Décidément, rien n'a changé. A mon tour, je repousse ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Emmanuel Hamelin - Votre budget tranche avec celui du précédent gouvernement...

MM. Patrick Bloche et Michel Françaix - Ça, c'est vrai !

M. Emmanuel Hamelin - ...qui inscrivait dans les projets de loi de finances d'abondants volumes de crédits de paiement, sans les consommer. En 2000, la différence entre les crédits votés et les crédits consommés s'élevait à 389 millions d'euros, et à 434 millions en 2001, ce qui nous a valu une condamnation de la Cour des comptes.

Pour information, le taux de consommation des crédits est passé de 93 % en 1997 à 84 % en 2001, et les crédits de la culture n'ont jamais

dépassé 0,75 % du budget de l'Etat depuis 1997. Monsieur Bloche, vous avez suffisamment trompé les artistes en leur faisant miroiter le 1 %, n'espérez pas faire de même aujourd'hui avec la représentation nationale !

Nous ne revenons pas au pouvoir pour baisser les crédits, mais pour remettre de l'ordre dans les comptes de l'Etat, et nous en sommes fiers ! Ne vous en déplaise, ce budget progresse, tant sur les crédits de fonctionnement - plus 5,2 % - que sur les subventions aux institutions et manifestations - plus 4,9 %-, permettant ainsi au ministre de réaliser enfin ces grands projets dont la France a besoin !

Votre nouvelle stratégie budgétaire permettra de mettre en _uvre les priorités culturelles du Gouvernement : augmenter les moyens des établissements publics qui seront davantage responsabilisés, défendre la création et sa diffusion, protéger et promouvoir le patrimoine, élargir au plus grand nombre l'accès à la culture.

J'insiste sur la progression notable - plus de 4,9 % par rapport à 2002 - des crédits d'intervention destinés à soutenir les artistes et les institutions culturelles, notamment en région. Cette progression renforcera la diffusion culturelle de proximité sur l'ensemble du territoire, élément particulièrement important à l'heure de la décentralisation.

Je forme le v_u que, dans les années à venir, les collectivités locales soient plus étroitement associées à la politique culturelle de notre pays. La « délocalisation » du Musée des arts et des traditions populaires à Marseille est un premier pas. De même, le fonds de soutien pour l'écriture des scénarios pourrait être décentralisé à l'institut Lumière de Lyon. Cette progression permettra également de consolider les marges du spectacle vivant.

Je soutiens bien entendu votre projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Muriel Marland-Militello - Je voudrais souligner deux problèmes inhérents à tout budget de la culture.

En premier lieu, le poids des charges fixes qui ne vous laisse qu'une marge de man_uvre réduite. Vous avez néanmoins réussi à augmenter de 3,9 % votre capacité d'engagement - 100 millions d'euros supplémentaires sont dégagés ; nous avons l'assurance que ces crédits de paiement seront affectés en fonction des besoins et réellement consommés.

En second lieu, le poids historiquement considérable de la capitale dans ce budget pose un problème de répartition des crédits entre Paris et la province.

M. le Rapporteur pour avis - Eh oui !

Mme Muriel Marland-Militello - Vous maintenez vos engagements pour Paris, et augmentez de 4,2 % votre soutien aux grands établissements publics. Pouvait-on laisser encore 27 % de salles fermées au Louvre, 45 % à Versailles, 50 % au musée Guimet ? Nous vous sommes reconnaissants d'augmenter les crédits du Centre Pompidou de 8,8 %, de faire bénéficier le Louvre d'une progression de 4,8 %. Vous confirmez la montée en puissance de nouveaux projets comme celui du musée du quai Branly, qui bénéficie d'une augmentation de crédits de 17,8 %.

Vous prévoyez d'aller vers une gestion rationalisée et responsabilisée des établissements publics, effective dès lors que les gestionnaires sont pleinement responsables de leur personnel et de l'ensemble des actions de leur établissement. Nous sommes ainsi satisfaits du transfert de 1 233 emplois titulaires sur le budget du musée du Louvre.

Le projet de la globalisation des crédits contribuera à une plus grande liberté d'action et permettra de réaliser les objectifs de résultats.

Un certain parisianisme est peut-être regrettable dans les projets d'investissements lourds - je pense au projet de Cité de l'architecture et du patrimoine ou à la Maison du cinéma, qui pourraient se concevoir en régions ; mon département, en particulier, serait très heureux d'accueillir la Maison du cinéma, puisque nous accueillons déjà le festival international du film.

Quoi qu'il en soit, je retirerais ces réserves si vous aviez l'intention de distinguer les projets d'envergure nationale des projets qui ne concernent que le public de la capitale. De fait, vous voulez mettre un terme au régime dérogatoire en faveur de Paris. Il est en effet anormal que la nation tout entière supporte le poids de dépenses qui bénéficient principalement aux musées parisiens - mais il est tout à fait légitime que la région Ile-de-France et Paris s'engagent à vos côtés pour la construction d'une salle de spectacle - je pense, par exemple, à l'auditorium de la grande halle de la Villette. Vous devrez en outre imposer un cahier des charges précis aux institutions implantées dans la région parisienne qui ont une vocation nationale ; elles doivent bénéficier à l'ensemble de la nation, de la même façon qu'elles doivent contribuer au rayonnement international de la France.

Nous suivrons avec intérêt la prise en compte de l'augmentation des dépôts d'_uvres dans les musées de province, de l'organisation de coproductions entre Paris et les régions ou encore de l'organisation de vastes tournées des collections nationales à l'étranger.

Un juste équilibre entre l'image internationale de la France à travers sa capitale et une véritable démocratisation de la culture à travers des opérations de proximité dans les régions, nous semble s'imposer car il s'agit de deux objectifs complémentaires.

Nous vous faisons confiance, Monsieur le ministre, pour donner le goût de la France à l'étranger et le goût de la culture aux Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La discussion générale est close.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Je suis très sensible à l'intérêt que la représentation nationale manifeste à l'égard des missions de service public culturel de la nation.

La semaine dernière, je vous présentais le projet de budget pour la communication, budget de vérité et de responsabilité. Ces objectifs ont également présidé à l'élaboration d'un budget de la culture, sincère et ambitieux qui augmente et refuse les effets d'affichage. Aucun des partenaires de l'Etat - établissements publics, compagnies artistiques, collectivités locales ou associations - n'aura à s'en plaindre.

Vous agitez la menace de la régulation et des gels. Il est vrai que la gauche sait de quoi elle parle : le premier acte du gouvernement Jospin, en 1997, fut une régulation sauvage des crédits du ministère de la culture, régulation dont Mme Trautmann ne s'est jamais remise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Rapporteur pour avis - Utile rappel !

M. le Ministre - Nous avons fait le choix de la vérité plutôt que de l'illusion. Regardez la tapisserie de l'Ecole d'Athènes : Aristote devise avec Platon. Nous avons fait le choix d'Aristote, non celui de la sombre caverne où des ombres se projettent sur les murs. Nous avons fait le choix du plein jour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Vous avez parlé de « sanctuarisation ».

M. Michel Françaix - Pas nous !

M. le Ministre - Mais un sanctuaire n'est pas une tombe que l'on vient fleurir à la Toussaint du débat budgétaire ! Un sanctuaire est une maison vivante où des projets s'élaborent, où chaque jour les enthousiasmes se mobilisent !

La sincérité réside dans une rupture assumée, non pas avec l'ambition de faire tendre le budget de la culture vers 1 % du budget de l'Etat, mais avec sa réduction à de fallacieux effets d'affichage. Depuis trop longtemps, le « 1 % » a masqué l'absence de projets de fond et l'érosion des moyens effectifs du ministère - je parle d'érosion puisqu'on affichait en loi de finances des crédits dont on savait qu'ils ne seraient pas dépensés. Ainsi, le taux de consommation des crédits qui était de 93 % en 1998, n'a cessé de se dégrader pour atteindre seulement 84 % en 2001 ! Et en 2001, le budget exécuté de la culture était de 15,2 milliards de francs, celui de l'Etat, de 1 762,4 milliards ; le rapport est de 0,86 %... Ces données globales recouvrent une grande disparité entre les crédits de fonctionnement et d'intervention, régulièrement consommés à 90 %, et les crédits d'investissement dont le taux de consommation est passé de 79 % en 1998 à 57 % en 2001. Le ministère disposait donc, fin 2001, d'une réserve de crédits de paiement non consommés d'un montant de 420 millions d'euros.

Ainsi, pendant qu'augmentaient les crédits d'investissement inutilisés, l'argent disponible pour les activités et les projets financés sur les autres parties du budget n'augmentait pas à un rythme suffisant pour couvrir l'évolution des dépenses courantes dont le simple « ordre de marche » des établissements. Je l'ai durement éprouvé en ma qualité ancienne de président du Centre Pompidou.

Ainsi s'est généralisée l'érosion des marges artistiques et culturelles de nos établissements. Tel est le paradoxe d'un ministère qui prétendait se rapprocher dévotement chaque année un peu plus du 1 %, mais qui ne cessait en réalité de s'asphyxier...

Cette situation a pu convenir à certains. Elle ne convient pas à notre gouvernement. Elle ne convient pas à notre majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur pour avis - Très bien !

M. le Ministre - Nous avons le courage de rompre avec cette culture du maquillage et des actions de façade pour rechercher la vérité et l'efficacité.

Mon souci premier a été d'encourager les projets, au lieu de continuer à accroître les crédits inemployés du ministère. Cette stratégie a été construite en plein accord avec le ministre du budget, Alain Lambert, homme et ministre pour lequel j'ai la plus grande estime et que je remercie pour son attitude constructive.

Qu'on affirme tant qu'on veut que ce budget est en baisse de 5 % ! Une lecture honnête des données révèle surtout que les titres III et IV croissent à un rythme qu'ils n'ont pas connu depuis dix ans.

M. le Rapporteur pour avis - Très bien !

M. le Ministre - L'effort de résorption de l'emploi précaire, engagé par mes prédécesseurs, est poursuivi. La capacité d'investissement est préservée et la capacité de paiement intacte, grâce à la mobilisation d'une énorme réserve de crédits de paiement.

Au total, la capacité d'engagement du ministère augmente de près de 4 %. C'est donc l'un des meilleurs budgets que la culture ait connu depuis longtemps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La différence est que des crédits réellement mobilisables viennent remplacer des crédits apparemment plus abondants, mais non mobilisables. Contrairement au principe de Gresham, la bonne monnaie chasse la mauvaise dans ce budget... (Sourires)

Le titre III connaît une progression de 5,1 %, après une moyenne de 2,5 % pour les années passées. Des efforts particuliers sont consentis pour l'entretien du patrimoine, l'emploi et les grands établissements nationaux.

En ce qui concerne l'entretien du patrimoine, les crédits directement engagés par l'Etat sont doublés. Il s'agit là d'une mesure de saine gestion. Nous savons en effet qu'il est beaucoup plus économique de veiller à l'entretien courant des bâtiments que de mettre en _uvre de lourdes opérations de restauration lorsqu'ils sont dégradés. De façon générale, l'Etat est d'ailleurs bon maître d'ouvrage et mauvais propriétaire. Il construit puis se désintéresse de ce qu'il a construit, jusqu'à ce qu'il faille mener des campagnes radicales de remise en état, comme ce fut le cas pour le Centre Pompidou et comme cela risque, hélas, d'être nécessaire pour l'Opéra Bastille.

M. le Rapporteur pour avis - Il faut voir dans quel état il est !

M. le Ministre - En ce qui concerne l'emploi, l'habitude avait été prise d'afficher des créations sans se soucier de pourvoir les nombreux postes vacants du ministère. Là aussi, j'ai souhaité mettre fin au privilège de l'apparence. Par ailleurs, 150 vacataires seront titularisés.

Quant aux établissements publics nationaux, j'ai voulu mettre fin à des années de crise ouverte ou larvée. Ces institutions, qui sont une part essentielle de notre héritage commun, se caractérisent par un double paradoxe.

D'abord, si elles représentent une part importante du budget de la culture, elles n'ont pas les moyens d'accomplir correctement leurs missions. Ensuite, alors qu'elles pourraient être des instruments inégalables de la politique culturelle, elles n'ont jamais été vraiment associées à l'action du ministère.

J'ai la ferme volonté d'améliorer cette situation. Ainsi, la dotation de nos grandes institutions progresse de 4 %, avec 90 créations d'emplois à périmètre constant. Mais cet effort est très fermement conditionné à l'engagement de ces établissements en faveur des priorités de l'Etat.

Cet engagement doit d'abord se traduire par une présence accrue dans les régions. Si notre histoire a concentré un grand nombre de nos institutions à Paris, elles n'en ont pas moins le devoir d'être accessibles à l'ensemble de nos concitoyens. Elles doivent donc tisser des réseaux de coopération dans les régions. C'est ce que j'ai fait dans l'établissement que je présidais. J'ai invité mon successeur à persévérer dans cette voie, ainsi que l'ensemble des présidents d'établissements publics.

Nos grandes institutions doivent également participer davantage au rayonnement international de la France. Elles doivent contribuer à notre politique d'accueil d'artistes et de formation des professionnels. Elles doivent également privilégier, dans leurs actions internationales, les orientations du Gouvernement. C'est pourquoi j'ai déjà réuni à plusieurs reprises l'ensemble des présidents et directeurs généraux de nos établissements pour discuter des priorités de la politique culturelle du Gouvernement. J'ai hélas constaté qu'ils avaient totalement perdu l'habitude de rencontrer régulièrement leur ministre !

M. le Rapporteur pour avis - C'est cela, une politique de confiance !

M. le Ministre - Je souhaite que nos institutions développent leurs relations avec les pays qui vont rejoindre l'Union européenne. J'effectuerai du reste un déplacement en Europe centrale et orientale au printemps prochain. Par ailleurs, je suis attaché au resserrement des relations culturelles franco-allemandes. Les échanges d'_uvres entre musées nationaux et allemands vont donc être renforcés. La même politique devra désormais prévaloir avec l'Italie. Il est incompréhensible que nos deux pays en soient venus à presque s'ignorer sur le plan culturel, alors qu'une étroite parenté les unit. Ayant participé à deux conseils des ministres de la culture de l'Union, j'ai eu la tristesse de constater le grand isolement culturel de notre pays. Nous devons retrouver des relations bilatérales sincères et respectueuses de la singularité de chaque pays.

Enfin, je demande aux établissements nationaux de s'engager dans une politique exemplaire en faveur du public, avec un effort tout particulier pour les jeunes et les personnes handicapées. Je souhaite qu'ils accomplissent de nets progrès en matière d'horaires d'ouverture et d'extension des salles ouvertes au public. C'est la grande priorité pour certains de nos musées, et en particulier pour le Louvre.

Tout cela relève d'une nouvelle conception de la tutelle de l'Etat, qui repose sur deux grands principes : autonomie et responsabilité. L'autonomie passe par la modernisation de la gestion des établissements. Ainsi, 1 233 emplois seront transférés sur le budget du musée du Louvre. L'impuissance du président-directeur du musée en matière de gestion de personnel avait été abondamment dénoncée, notamment par la Cour des comptes. J'estime important, au contraire, de responsabiliser les chefs d'établissement.

L'archaïsme des relations entre l'Etat et ses musées a donné lieu à des situations ubuesques. Songez à cette absurdité : jusqu'à présent, le président-directeur du musée du Louvre n'était pas responsable de la politique d'acquisitions, de prêts et de dépôts de son musée ! Les directeurs de la National Gallery de Londres ou de la Stiftung Preussischer Kulturbesitz de Berlin en étaient effarés.

Toutefois, autonomie ne signifie nullement indépendance. Les établissements ont vocation à être des instruments de la politique culturelle de l'Etat.

Le titre IV du budget, lui, permet au ministère de diffuser une culture de proximité sur l'ensemble du territoire. Il connaît une progression de 5 %, très supérieure à la moyenne des dix dernières années, exception faite de 2002. J'ai voulu servir équitablement l'ensemble des secteurs, tout en consolidant les marges artistiques du spectacle vivant, fragilisées par la hausse des cotisations d'assurance chômage des intermittents du spectacle. M. de Charette et de nombreux autres députés sont très sensibles à ce dossier.

En ce qui concerne les titres V et VI, j'ai tenu à maintenir les capacités d'investissement du ministère. Les autorisations de programme sont stabilisées, pour permettre de conduire une politique ambitieuse mais mieux maîtrisée. En matière de stratégie immobilière et institutionnelle, j'ai voulu effectuer des choix réalistes et responsables. Cela n'était pas si simple, dans un ministère qui avait l'habitude d'empiler les décisions sans jamais procéder à de véritables choix.

J'ai retenu ou modifié les projets en cours après une expertise rigoureuse, dans le souci d'empêcher une véritable dérive de l'investissement, suivie fatalement d'une dérive du fonctionnement. Il fallait en particulier mettre un frein à la prolifération de projets assumés unilatéralement par l'Etat dans Paris intra muros, compte tenu des très nombreuses réalisations culturelles dont a bénéficié la capitale au cours de ces trente dernières années. Madame et Monsieur les députés de Paris, je le dis avec beaucoup d'affection pour la capitale, mais Paris doit revenir au droit commun et contribuer avec la région, comme c'est le cas partout ailleurs, à l'investissement et au fonctionnement des structures qui bénéficient avant tout à sa population (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). C'est évidemment le cas du projet d'auditorium de musique symphonique. L'Etat fait déjà beaucoup d'efforts pour la musique à Paris. Il subventionne l'orchestre national de France et l'orchestre philharmonique de Radio France à 100 %, l'orchestre de l'Opéra de Paris à 60 %, l'ensemble intercontemporain à 99 %, l'orchestre de Paris à 60 %. Mais il est de notre responsabilité d'admettre que la réalisation de l'auditorium - dont Paris a incontestablement besoin - n'est pas seulement l'affaire de l'Etat.

J'en viens aux crédits de paiement. Leur hausse dans les budgets précédents n'était qu'optique, et leur baisse aujourd'hui n'est qu'apparente. Vous savez que ces crédits de paiement servent à payer les factures au fur et à mesure de la réalisation effective des travaux engagés. J'ai tout simplement décidé de ne demander que les crédits dont j'avais réellement besoin, pour ne pas renouveler les bourrages d'enveloppe de mes prédécesseurs. C'est un acte de responsabilité. C'est un acte de respect à l'égard de la représentation nationale, qui vote ces crédits. C'est un acte de considération à l'égard des contribuables, car des crédits non consommés n'en sont pas moins des impôts levés.

Ma demande de crédits « frais » a tenu compte des énormes réserves accumulées les années précédentes. Elle n'a donc pas porté sur la totalité des crédits de paiement qu'il est prévu de dépenser en 2003, mais sur un montant minoré de 205 millions. Si vous acceptez de voter ce budget, je puis vous assurer que je disposerai en 2003 des crédits de paiement dont j'ai réellement besoin, non seulement pour payer les factures, mais surtout pour mener une politique volontariste qui accélérera la consommation des crédits d'investissement, ce que vous avez tous souhaité.

Dans le domaine de la création, j'ai déjà évoqué mon souci de consolider les marges artistiques du spectacle vivant, dans un contexte particulièrement sensible. Vous connaissez par ailleurs les travaux que j'ai engagés pour diversifier les sources de financement du cinéma français, avec le souci d'étendre et de faire respecter par l'ensemble des chaînes de télévision la clause de diversité. Celle-ci fait déjà obligation à certaines d'entre elles d'orienter une partie de leurs investissements vers les films à budget modeste.

S'agissant des arts plastiques, je veux profiter du vingtième anniversaire des fonds régionaux d'art contemporain pour saluer l'effort de coopération entre l'Etat et les régions, qui a permis de constituer des collections régionales de référence.

M. Hervé de Charette - Très bien !

M. le Ministre - Mais la défense de la création passe aussi par celle des droits des auteurs. J'aurai l'occasion de préciser la politique du Gouvernement en la matière pendant l'examen du projet tendant à transposer la directive du 22 mai 2001 sur le droit d'auteur dans la société de l'information.

Il s'agira de trouver un équilibre entre la protection des intérêts légitimes des auteurs et la nécessité d'élargir la diffusion dans le contexte nouveau de la société de l'information. Ce texte relatif au droit de prêt en bibliothèque a été adopté à l'unanimité par le Sénat. Il vous sera soumis au début de l'année 2003 et j'ai réservé 5,6 millions d'euros au financement de son application.

J'en viens maintenant à la politique en faveur du patrimoine, ou plutôt des patrimoines. Vous savez que je préfère ce pluriel, dans lequel j'inclus le patrimoine écrit des bibliothèques et des archives, le patrimoine cinématographique et audiovisuel ainsi que le patrimoine immatériel des langues régionales et des pratiques.

Je compte engager une politique repensée de numérisation, privilégiant les partenariats locaux. Il faut non seulement numériser, mais aussi diffuser ce qu'on a numérisé auprès du public le plus large possible. Le programme de numérisation des collections sera accéléré, avec une augmentation de 40 % des crédits qui y sont alloués.

Je n'ai pas oublié la nécessité de retenir sur notre territoire nos trésors nationaux. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à abonder le fonds du patrimoine de 1,5 million, soit une augmentation de plus de 10 %. On me parle d'un budget en baisse, mais vous le voyez, je n'annonce que des hausses de crédits !

M. Hervé de Charette - M. Bloche sera rassuré !

M. Pierre-Christophe Baguet - Les socialistes prennent les « plus » pour des « moins ».

M. le Ministre - Je ne néglige pas non plus le patrimoine monumental et je tiens à m'inscrire en faux contre tous ceux qui l'ont prétendu. Loin de diminuer, les crédits consacrés au patrimoine sont consolidés. Cette consolidation sera d'autant plus forte qu'il vous sera soumis en 2003 un projet de loi de programme sur le patrimoine qui identifiera, sur l'ensemble du territoire, une centaine d'opérations majeures ne pouvant relever des crédits ordinaires.

Toute politique culturelle digne de ce nom doit garantir un accès toujours plus large à la culture. C'est pourquoi j'ai voulu mettre l'accent sur le développement des équipements de proximité. Après la construction des bibliothèques municipales à vocation régionale de Troyes, de Nice et de Marseille, j'ai souhaité qu'à travers le concours particulier des bibliothèques, le ministère de la culture conserve les moyens de soutenir la réalisation d'autres grands équipements, à Angoulême et à Clermont-Ferrand en particulier.

Nous devons aussi apprendre à soutenir la création d'équipements de proximité dans les quartiers périphériques des villes et à la campagne.

J'entends engager dès 2003 un programme national de réalisation de tels équipements. Les crédits dégagés viendront subventionner à 40 % la construction, l'équipement informatique, la constitution des collections et la création d'emplois qualifiés. Je serai particulièrement attentif à la qualité architecturale des projets, et souhaite lancer un concours d'idées, dont je présenterai les résultats en mars à l'occasion du salon du livre, à Paris.

L'éducation artistique à l'école reste une priorité. Les crédits que lui consacre le ministère de la culture seront en augmentation de 5 % par rapport à 2002.

J'ai demandé, avec le ministre de l'éducation, un rapport d'évaluation de la politique menée par nos prédécesseurs dans ce domaine. Il me sera rendu à la fin de cette année. En fonction de ses conclusions, je préciserai les orientations que je souhaite donner à cette politique, essentielle à mes yeux, en liaison avec le ministre de l'éducation nationale.

M. Michel Françaix - Il faudra une forte liaison...

M. le Ministre - Ce n'est pas l'ancien professeur d'histoire et de géographie que je suis qui négligera cette question...

L'accès à la culture des personnes handicapées constituera aussi une priorité en 2003, année européenne du handicap. Nous doublons les crédits consacrés à cette cause et mon ministère s'engagera aux côtés du secrétaire d'Etat aux personnes handicapées en s'appuyant sur les préconisations de la commission nationale culture-handicap.

Voilà donc un budget de renouveau, un printemps budgétaire. J'ai voulu rompre avec deux travers mortels : le gaspillage et l'utilisation routinière de l'argent public. J'ai conscience, en défendant ce budget, que, quels que soient les moyens accordés à l'action culturelle, ils ne seraient jamais suffisants sans les efforts des collectivités locales. Ces efforts, j'en constate l'ampleur et la portée à chacun de mes déplacements et je veux, devant vous, rendre hommage aux élus locaux de notre pays. L'Etat n'est pas seul sur le front de la politique culturelle. Il ne peut pas l'être. Il ne doit pas l'être. C'est le débat auquel nous a invités le Premier ministre en relançant le processus de décentralisation.

Il faut réfléchir à l'intervention entre l'Etat et les collectivités locales en matière culturelle. Le mouvement vers la culture procède d'abord et avant tout d'un élan de la société tout entière, qu'il nous appartient de stimuler.

Ce sera l'objet de l'ensemble des mesures en faveur du mécénat, que le Gouvernement vous présentera prochainement, afin de rendre plus incitatif le régime des réductions d'impôt pour les dons effectués par les particuliers, de favoriser le mécénat d'entreprise, d'alléger la fiscalité pesant sur les fondations et les associations et enfin d'assouplir la procédure de reconnaissance d'utilité publique des fondations.

M. Hervé de Charette - Très bien !

M. le Ministre - La concertation interministérielle sur ces propositions est engagée. Le Gouvernement devrait annoncer des mesures fortes dans les toutes prochaines semaines, pour que la culture devienne vraiment, et non plus seulement dans les discours, l'affaire de tous.

Je vous remercie et me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

QUESTIONS

M. Patrick Braouezec - Le régime des intermittents du spectacle n'est ni un privilège, ni un coût pour l'économie française. Il découle de la nature même de ces métiers, qui comportent des milliers d'heures de répétitions, d'apprentissage de partitions et de textes, heures qui, bien souvent, ne sont ni déclarées ni rémunérées.

La position du MEDEF, qui préconise de démanteler le régime des intermittents pour l'assimiler à celui des intérimaires, est à très courte vue. Le spectacle et la création participent de la richesse culturelle, mais aussi économique et touristique de notre pays, et le régime d'assurance chômage des intermittents est reconnu comme un moteur du dynamisme de ce secteur en France.

Il vous appartient donc de faire barrage à la volonté des employeurs regroupés au sein du MEDEF qui veulent faire porter à la solidarité nationale le coût de la précarité qu'ils imposent à un nombre croissant de salariés. Cette offensive participe de celle, plus vaste, qu'ils mènent contre l'assurance chômage, comme le démontrent les dégâts du PARE.

Il importe donc que vous confirmiez votre engagement en faveur du maintien du régime des intermittents et que vous nous informiez des premières conclusions de la mission confiée aux inspecteurs généraux Klein et Roigt.

M. le Ministre - Il est un peu tôt pour vous communiquer ces conclusions puisque MM. Klein et Roigt me remettront leur rapport fin novembre.

Sur le fond, nous sommes attachés à un régime d'assurance chômage spécifique pour les métiers du spectacle vivant et de la production audiovisuelle et cinématographique. Il faut parvenir, avec les partenaires sociaux, à stabiliser ce régime en crise depuis des années. L'objectif de la mission des inspecteurs généraux est d'y voir plus clair, et aussi de tenter de concilier les positions des partenaires de l'UNEDIC.

Le Gouvernement veillera à ce que l'existence du régime spécifique des intermittents ne soit pas remise en cause.

S'il a donné lieu à de nombreux abus, nous sommes décidés à les éradiquer afin d'assumer un meilleur équilibre financier à ce régime. Le MEDEF a exprimé à ce sujet des positions étrangères aux nôtres, mais je constate avec regret que certaines organisations syndicales, et non des moindres, défendent des positions parfois très proches de celles du MEDEF.

M. Michel Françaix - C'est hélas vrai !

Mme Muriel Marland-Militello - En matière culturelle, la décentralisation suscite deux types d'inquiétudes.

D'une part, on redoute une diminution des moyens d'intervention de l'Etat. Quel type de compétences comptez-vous transférer ? Quel sort sera réservé aux DRAC et aux crédits de la culture ?

D'autre part, certains craignent que la décentralisation ne creuse les inégalités culturelles entre les régions. Quels critères présideront à la répartition des crédits ?

M. le Ministre - L'Etat est le garant de l'égalité des citoyens, et les Français sont très attachés à cet aspect de son action.

La décentralisation culturelle est un exercice très particulier, dans la mesure où il y a déjà une très large coopération entre l'Etat et les collectivités locales dans ce domaine. Notre objectif est donc plutôt de redéfinir les règles du jeu, d'ailleurs souvent contractuelles, dans la mise en _uvre des projets culturels, de clarifier les compétences respectives des différentes collectivités locales et de mieux afficher les positions et priorités de l'Etat.

Nous devons, bien évidemment, prendre en compte les disparités de ressources des collectivités locales. Entre l'Ariège et les Hauts-de-Seine, il n'y aucune commune mesure dans la capacité d'action culturelle ! L'Etat doit compenser ces inégalités.

M. Emmanuel Hamelin - Les FRAC ont relancé les acquisitions d'_uvres d'art contemporain dans les collections publiques. Toutefois l'intérêt du public pour ces _uvres reste modeste. Le vingtième anniversaire des FRAC ne devrait-il pas être l'occasion de mener une action vigoureuse pour sensibiliser le public, en particulier les jeunes à l'art contemporain ?

M. le Ministre - Je crois qu'il faut cesser de diviser l'art en catégories : notre devoir est d'amener nos concitoyens à aimer l'art en général c'est-à-dire aussi bien Vélasquez que Picasso ou Fabrice Hybert...

L'Etat doit, avec les collectivités locales, faire mieux partager la connaissance et l'amour de l'art. La télévision de service public a là un rôle essentiel à jouer, et je lui ai rappelé ses missions à cet égard. L'école, également, doit faire place à l'art dans ses programmes généraux et dans des activités spécifiques.

Nous avons décidé de donner une grande ampleur à la célébration du vingtième anniversaire des FRAC, qui ont permis de constituer des collections importantes dans les régions. Plutôt que d'organiser un seul grand événement à Paris, j'ai souhaité plusieurs manifestations en régions : une dans le cadre du festival d'Avignon, une lors des rencontres photographiques d'Arles, une à Nantes et une à Strasbourg. Pour bien marquer l'impartialité de l'Etat, j'ai choisi, vous l'avez remarqué, autant de villes de gauche que de droite - cela n'a pas toujours été le cas dans le passé.

M. Emmanuel Hamelin - C'est bien vrai !

Mme Muriel Marland-Militello - Vous avez déjà largement répondu à la question que je souhaitais vous poser sur le mécénat. Pouvez-vous cependant rassurer nos mécènes et nos fondations en précisant la teneur de votre projet de loi et la date de sa discussion au Parlement ?

M. le Ministre - Le mécénat a été longtemps mal aimé dans notre pays - je pense à la réticence de certains de mes prédécesseurs à se montrer en compagnie des mécènes qui avaient soutenu tel ou tel projet ! Les mécènes sont nécessaires à la culture, sans que cela dédouane l'Etat et les collectivités locales de leurs responsabilités propres. On peut souhaiter à la fois un engagement culturel plus fort des autorités publiques et le développement du mécénat : c'est une position moderne.

Des progrès s'accomplissent. Un amendement parlementaire à la loi sur les musées a permis aux entreprises de concourir à l'achat d'_uvres menacées de quitter la France. Il faut encore améliorer ce dispositif. Pour le reste, je vous ai déjà indiqué mes orientations et je souhaite que la représentation nationale réserve un accueil constructif à ces propositions.

M. Michel Françaix - De la petite enfance à l'université, la sensibilisation à l'art est une dimension majeure de l'épanouissement personnel et de l'insertion sociale de l'individu. Le changement des pratiques culturelles fait de l'enseignement artistique un moyen privilégié d'accès aux _uvres et une composante essentielle des politiques éducative et culturelle.

Etes-vous résolu à convaincre votre collègue de l'Education de s'engager avec vous dans une nouvelle étape de la politique conduite depuis dix ans sous la forte impulsion de Jack Lang, afin d'assurer de manière irréversible l'éducation artistique dans un cadre négocié, avec des moyens accrus et des objectifs clairement affichés ?

M. le Ministre - L'ensemble des établissements culturels, qu'ils soient nationaux ou relèvent des collectivités locales, accomplissent un travail énorme pour familiariser les jeunes avec la culture, souvent dans le cadre d'une coopération avec l'Education nationale. Le ministère de la culture doit, pour ce qui le concerne tout faire pour les y encourager ; en renforçant la dotation budgétaire de tel ou tel établissement, grand ou petit, j'ai bien indiqué que je donnais à l'action éducative une priorité absolue.

S'agissant du cadre scolaire, il est un fait que trop de jeunes sortent de l'enseignement secondaire sans avoir pu bénéficier d'une familiarisation avec la culture. Des programmes ont été mis en _uvre au cours de ces dernières années ; j'ai veillé à ce que la dotation du ministère de la culture en leur faveur soit renforcée. Je souhaite travailler avec mes collègues Ferry et Darcos pour que cette action soit amplifiée. Soyez sûr que je me battrai en ce sens.

M. Michel Françaix - Je vous remercie. Ma deuxième question a trait aux intermittents du spectacle.

Après la décision brutale de doubler les cotisations salariales et patronales à l'UNEDIC, êtes-vous prêt à donner un coup d'arrêt au projet du patronat, qui veut maintenant augmenter très fortement le nombre minimal d'heures de travail ? Sans vous en tenir à un rôle d'arbitre, prendrez-vous la défense des petites entreprises du spectacle et de l'audiovisuel ? Serez-vous le ministre de ces artistes « aux privilèges insensés », comme le dit le MEDEF ? Ou bien, le discours patronal faisant son chemin dans l'opinion désabusée, serez-vous le ministre de la fracture culturelle, qui laisserait faire le MEDEF dans une morne et passive indifférence ?

M. le Ministre - J'entends que vous avez beaucoup lu Victor Hugo, et que vous savez parler des choses graves avec émotion...

Le MEDEF n'a pas agi seul : le doublement des cotisations a été décidé dans un cadre paritaire avec certaines organisations syndicales - CFDT, CFTC et la CGC.

Il en va, je l'ai dit, de la vitalité de la culture dans notre pays qu'on garantisse la pérennité d'un régime particulier pour les professionnels du spectacle et de l'audiovisuel. S'il disparaissait, ou si l'aménagement des cotisations le rendait de fait impraticable, ce serait un coup de Trafalgar. Soyez donc assuré que le Gouvernement et sa majorité veilleront à son maintien. Dans toutes nos régions, festivals, théâtres, orchestres fonctionnent grâce aux intermittents du spectacle. Je faisais récemment observer au Premier ministre qu'à Matignon la musique d'attente au téléphone est un passage des Indes galantes de Rameau, enregistré par les Arts florissants, c'est-à-dire par des musiciens intermittents. Il est de notre devoir de combattre les abus, mais également d'affirmer que l'intermittence est nécessaire.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Culture et communication ».

Les crédits inscrits aux titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits inscrits aux titres V et VI de l'état C.

Les crédits inscrits à la ligne 34 de l'état E, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 63, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous en avons terminé avec l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la culture.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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