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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 29ème jour de séance, 77ème séance

3ème SÉANCE DU VENDREDI 22 NOVEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
      DE LA RÉPUBLIQUE (suite) 2

      ART. 4 (suite) 2

      APRÈS L'ART. 4 4

      ARTICLE 5 6

      ART. 6 12

      MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE 23

      ORDRE DU JOUR DU MARDI 26 NOVEMBRE 2002 24

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République

M. le Président - Je donne la parole à M. Dosière pour un rappel au Règlement.

M. René Dosière - Mon rappel au Règlement est fondé sur l'article 58, alinéa premier. Le groupe socialiste se réjouit, Monsieur le Président, que vous présidiez vous-même cette séance. Nous avons été choqués que ce soit à l'initiative du président de notre commission des lois que les pouvoirs de l'Assemblée, seule élue au suffrage universel direct et détentrice de la souveraineté populaire, aient été diminués au profit du Sénat. Nous nous sommes efforcés de combattre cette diminution ; nous n'avons pas été entendus, non plus que le Président de la commission des finances. Aussi en appelons-nous à votre autorité pour défendre l'Assemblée et éviter que l'on puisse dire que, dans l'histoire de la Ve République, c'est sous votre présidence que cet abaissement de l'Assemblée nationale a eu lieu. Nous craignons beaucoup que le texte soit voté conforme par le Sénat, que nous n'ayons plus à y revenir et qu'ainsi, malgré les efforts faits, y compris sur certains bancs de la majorité, soit scellée cette diminution des pouvoirs de l'Assemblée que nous ne pouvons accepter.

ART. 4 (suite)

M. le Président - Les amendements 103 et 94 rectifié sont en discussion commune.

Mme Ségolène Royal - L'amendement 103 est défendu.

M. Pascal Clément, président et rapporteur de la commission des lois - Avis défavorable.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Défavorable.

L'amendement 103, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que l'amendement 94 rectifié.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 6 est défendu.

L'amendement 6, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements identiques 104 et 128 et les amendements 129 et 116 sont en discussion commune.

M. Jean-Luc Warsmann - Les amendements 128, 129 et 116 sont défendus.

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur les trois.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable.

Les amendements identiques 104 et 128, mis aux voix, ne sont pas adoptés non plus que les amendements 129 et 116.

M. Victorin Lurel - L'amendement 33 est défendu.

L'amendement 33, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 130 et 105 sont en discussion commune.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 130 est défendu.

L'amendement 130 repoussé par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que l'amendement 105.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 7 est défendu.

L'amendement 7, repoussé par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne - Notre amendement 180 a pour objet de préciser dans l'article 72 de la Constitution, relatif aux collectivités territoriales, que l'Etat est le garant de la cohésion nationale, de l'égalité devant la loi et de l'égalité d'accès aux services publics. En effet, chacun des articles de ce texte contribue à l'éclatement de l'unité nationale et fera perdre à l'Etat des missions essentielles. Il convient donc de rappeler ce principe fondamental de notre République, d'autant que l'action du Gouvernement menace gravement l'égalité d'accès au service public auquel les Français son attachés.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. Je ne méconnais pas l'intérêt de l'idée que vous exprimez, mais elle aurait eu plutôt sa place dans le préambule. A titre personnel, défavorable.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable. Ces principes sont dans la Constitution, et notamment le principe d'égalité est affirmé à l'article premier.

L'amendement 180, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Sur l'article 4, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Mme Ségolène Royal - Une fois de plus sur cet article aucun amendement de l'opposition n'a été retenu. On va inscrire dans la Constitution le pouvoir de dérogation législative et réglementaire des collectivités territoriales, portant ainsi atteinte à l'égalité devant la loi, qui risque de n'être plus la même sur tout le territoire. Nous ne pouvons l'accepter car nous ne connaissons pas le contenu de la loi organique qui organisera cette expérimentation. Ce que veulent les Français, ce sont des transferts de compétences simples aux collectivités de façon à améliorer leur vie quotidienne. Nous voulions aussi que l'égalité devant le service public soit réaffirmée et que les dérogations ne puissent qu'améliorer les dispositions en vigueur. Nous refusons cette expérimentation libérale qui crée une République à plusieurs vitesses

Nous n'avons pas eu d'explication claire sur les types de jurisprudence du Conseil constitutionnel que cette insertion dans la Constitution allait remettre en cause. On nous dit d'un côté qu'il n'y a aucun danger puisque l'expérimentation existe déjà, d'un autre côté que ce pouvoir de dérogation législative était introduit pour tenir en échec la jurisprudence du Conseil d'Etat sur l'égalité devant la loi et devant les services publics.

Votre texte, qui n'est pas à la hauteur de notre loi fondamentale, ne reflète pas non plus une vraie ambition décentralisatrice. On nous propose en fait une désorganisation du pays avec une véritable insécurité juridique. Les citoyens y verront encore moins clair lorsque la loi variera d'un endroit à l'autre.

Il aurait été plus sérieux qu'une loi de décentralisation commence par définir précisément le périmètre et les missions de l'Etat, quels blocs de compétences il estime pouvoir transférer, pour quelle amélioration du service rendu.

On nous demande d'avaliser un texte qui ne prendra tout son sens qu'à la lumière de lois organiques dont nous ignorons tout. En vérité, nous sommes sommés de nous dépêcher. Tout est fait pour que le projet soit adopté conforme par le Sénat, alors qu'une seconde lecture à l'Assemblée serait bien utile, d'autant plus qu'aucun amendement important n'a été accepté. Tout cela témoigne d'une improvisation, d'un meccano technocratique. Nous ne pouvons pas accepter que la loi fondamentale soit modifiée dans ces conditions.

On nous affirme que l'effervescence créatrice pourvoira à tout. Les régions s'attribueront les compétences qu'elles veulent, les départements s'occuperont de ce qui leur plaira, les communautés de communes et les communes ne seront pas oubliées. Bref, il y en aura pour tout le monde. Quel tournis ! Déjà certaines collectivités commencent à se disputer les morceaux nobles. La Constitution n'est pas encore réformée que déjà toutes sortes de réunions s'organisent, où chacun vient piocher au gré de ses préférences. Tout cela sous les yeux ébahis des citoyens qui n'y comprennent plus rien, et qui attendent de nous de savoir exactement ce qui va changer, et qui va payer.

Vous êtes en train d'échafauder un entrecroisement des compétences, d'organiser des transferts qui ne sont pas clairs.

Mieux vaudrait que vous annonciez votre position, que le Gouvernement indique qu'il a choisi une décentralisation libérale, une démarche du chacun pour soi : on secoue le cocotier, et l'on voit ce qui tombe. Chacun expérimente, et on voit ce qui marche, et on prétend mettre fin à ce qui ne marchera pas. C'est un leurre : on n'expérimente pas sur les êtres humains en prétendant qu'on pourra revenir en arrière. Va-t-on expérimenter dans l'enseignement supérieur et, en cas d'échec, rendre la compétence à l'Etat ? Ce n'est pas sérieux. L'assemblée générale du Conseil d'Etat s'est montrée très sévère envers le texte du Gouvernement. Nous avons essayé de l'améliorer, mais aucune de nos propositions n'a été acceptée. Nous sommes inquiets de voir le Gouvernement refuser d'inscrire dans la Constitution des principes très simples comme celui de l'égalité devant le service public, ce qui est significatif. Nous ne voulons pas de cette décentralisation à l'aveugle, sans rien connaître de la suite, de ces pétitions de principe qui veulent faire croire aux Français que leur vie va changer à la faveur de tel ou tel terme inscrit dans la Constitution.

En fait, votre seul objectif est de ne pas contrarier le Sénat, qui vient d'obtenir ce qu'il réclamait. Notre président de la commission des lois, sans sourciller, a soutenu le renforcement des pouvoirs du Sénat aux dépens de l'Assemblée élue au suffrage universel direct. Le moment présent est extrêmement grave. Nous sommes dépositaires de la souveraineté populaire. Nous n'avons pas pu nous unir pour la défendre. Certains parlementaires de droite ne sont pas venus siéger parce qu'ils n'étaient pas d'accord... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Comment le savez-vous ?

Mme Ségolène Royal - Ils nous l'ont dit. Je souhaite, Monsieur le Président, que vous usiez de toute votre autorité pour que nous puissions procéder à une seconde lecture.

A la majorité de 30 voix contre 14 sur 44 votants et 44 suffrages exprimés, l'article 4 modifié est adopté.

APRÈS L'ART. 4

Mme Ségolène Royal - Notre amendement 77 tend à organiser le non-cumul du mandat de député ou de sénateur avec l'exercice d'une fonction exécutive locale. La décentralisation va accroître les charges de travail en particulier des présidents de conseil régional et de conseil général, ainsi que des maires des grandes villes. De plus, puisque le Gouvernement dote d'un pouvoir législatif les collectivités locales, la confusion des fonctions de législateur national et de législateur local devient inconcevable. Comment accepter qu'un sénateur vote une loi qui accorde un pouvoir législatif que lui-même exercera en tant que président de conseil général ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux - Rejet.

M. le Président - Sur l'amendement 77, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 28 voix contre 13 sur 43 votants et 41 suffrages exprimés, l'amendement 77 n'est pas adopté.

M. le Président - J'indique déjà que le groupe socialiste demande également un scrutin public sur l'amendement 81 rectifié.

M. Victorin Lurel - Nous tenons à donner une pleine citoyenneté aux étrangers installés sur le sol français, puisqu'une discrimination inadmissible a été introduite en 1992...

M. Jérôme Bignon - Du temps de votre majorité !

M. Victorin Lurel - Les étrangers d'origine communautaire ont reçu le droit de vote, ce qui a créé un découplage entre citoyenneté et nationalité. Fort bien ! Mais les autres étrangers installés depuis longtemps en France ont été oubliés, alors qu'ils participent à la vie nationale, qu'ils possèdent des droits civils, économiques et sociaux, depuis 1960. Mais nous ne sommes pas allés jusqu'au droit de vote. Pourtant, la Suède, la Norvège, quelques cantons suisses, les Pays-Bas ont accordé le droit de vote aux étrangers non communautaires pour les élections locales, puisqu'il n'est pas question d'octroyer le droit de vote aux élections nationales et de permettre d'exercer des fonctions liées à la souveraineté nationale. On peut le comprendre. Donner des droits économiques et sociaux sans les assortir du droit de vote, c'est créer des citoyens de seconde zone, comparables aux « citoyens passifs » de 1791. Reconnaître les nouvelles formes de citoyenneté, c'est renouer avec ce que la République a de plus fondamental. N'oublions pas que ceux qui pouvaient se prévaloir d'avoir participé à la Révolution française obtenaient un brevet de nationalité ! la France s'honorera quand les résidents régulièrement établis et respectant avec loyauté les valeurs nationales obtiendront le droit de vote aux élections locales, à l'instar de ce qui se pratique déjà partout. L'Europe avance. Au sein même de la majorité, des voix se sont fait entendre pour que la France ne reste pas à la traîne. Il est temps de passer du discours aux actes et cette démarche transcendera les clivages traditionnels. Tel est l'objet de notre amendement 81 rectifié qui donne aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France le droit de vote et d'éligibilité pour l'élection des conseils des collectivités territoriales.

M. André Chassaigne - Le 4 mai 2000, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi donnant aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales. Las, le texte s'est perdu au gré des navettes...

M. Pierre Cardo - Dites plutôt que le gouvernement socialiste a manqué de suite dans les idées !

M. André Chassaigne - La France persiste dans son refus de reconnaître le rôle que les étrangers non communautaires ont vocation à jouer dans la vie locale. Chaque personne régulièrement établie a le droit d'être reconnue et, à ce titre, d'obtenir le droit de vote aux élections locales...

M. Pierre Cardo - Bonne conscience !

M. André Chassaigne - Notre histoire est riche de ces millions d'étrangers qui ont construit et défendu la République. Il y a dix ans, la Constitution était révisée pour donner le droit de votre aux élections municipales aux ressortissants communautaires. Il est injuste et paradoxal de ne pas l'étendre à ceux qui ont choisi de s'établir sur notre sol et de respecter nos valeurs. Notre amendement 181 vise à corriger cette injustice.

M. le Rapporteur - Saisie la semaine dernière d'une proposition de loi ayant le même objet que ces amendements, la commission des lois a fait observer que les Etats membres de l'Union européenne avaient de ce problème des approches très différentes.

L'Espagne refuse le droit de vote aux étrangers, le Danemark exige une parfaite connaissance de la langue nationale... Les commissaires n'ont pas émis sur ce texte un avis favorable.

Quant à celui de la majorité précédente, il ne s'est pas perdu dans le circuit des navettes. Le gouvernement socialiste n'a pas eu le courage de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat...

Mme Ségolène Royal - On sait bien ce qu'il en serait advenu !

M. le Garde des Sceaux - Le Gouvernement n'est pas favorable à ces deux amendements. Dans quelques jours, une proposition de loi sera examinée à ce sujet ici-même. Ce débat n'a pas lieu d'être dans le cadre de la discussion du présent texte. J'observe simplement que l'adoption du 81 rectifié accorderait davantage de droits aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne qu'aux Européens communautaires en leur donnant le droit de vote à l'ensemble des élections territoriales !

M. Pierre Cardo - C'est exact !

A la majorité de 36 voix contre 12 sur 48 votants et 48 suffrages exprimés, l'amendement 81 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement 181, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE 5

Mme Ségolène Royal - Nous voterons cet article qui tend à introduire des éléments de démocratie participative dans nos institutions. Nous souhaitons cependant que le texte initial du Gouvernement soit rétabli, le Sénat l'ayant édulcoré, notamment pour ce qui concerne le droit de pétition.

Dans la vie nationale, c'est la pratique politique qui a le moins évolué. Elle ne s'est pas mise au niveau des autres pays européens, où la démocratie locale est déjà bien installée. Il faut aller de l'avant. D'accord pour introduire le droit de pétition et le référendum d'initiative locale mais ne négligeons pas les autres modes de démocratie participative tels que le référendum abrogatif à l'italienne ou les budgets participatifs. Il y a là de précieuses pistes de progrès pour lutter contre l'abstentionnisme, le zapping électoral et toutes les autres formes de panne de la démocratie. Nous devons faire preuve d'imagination pour rendre la démocratie accueillante et faire en sorte que nos concitoyens ne se détournent plus de la vie publique. Il faut consacrer la démocratie participative au niveau constitutionnel en inscrivant en tête de l'article 72 que la loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale participent directement à l'élaboration des projets délibérés par leurs conseils. C'est en enrichissant la norme suprême d'avancées explicites en matière de démocratie participative que l'on trouvera des réponses à ce qui s'est passé le 21 avril dernier.

M. Victorin Lurel - Je reviens sur l'amendement précédent. L'article 5 introduit certes le droit de pétition mais il le réserve aux seuls électeurs. Jeune élu, enfermé dans ma citoyenneté et dans ma couleur de peau, j'ai travaillé ici pendant dix ans et j'ai eu bien souvent à supporter le regard de l'autre. Il n'est que temps d'introduire de nouvelles formes de citoyenneté et de les vivre en découplant nationalité et citoyenneté. On ne peut vivre mutilé, nanti de droits économiques et sociaux mais privé de tout droit politique. Au reste, il n'est pas question de donner des droits politiques aux étrangers qui ne respecteraient pas nos valeurs et notre droit. Au temps de l'esclavage, lorsqu'un esclave touchait le sol de France, il n'y avait pas à discuter : il était immédiatement affranchi en vertu d'un véritable droit du sol ! Il nous revient à présent de fonder la citoyenneté comme un droit de l'homme. il ne s'agit ni d'accorder une faveur ni de faire un passe-droit mais de défendre une conception philosophique de la vie en société. Le meilleur moyen d'intégrer celui qui respecte nos valeurs et s'établit de manière régulière, c'est de lui donner le droit de vote.

M. René Dosière - L'article 5 procède d'intentions sympathiques et il vise à remédier au désintérêt croissant de nos concitoyens pour les affaires locales. La gauche a du reste fait adopter plusieurs mesures tendant, selon la belle expression de François Mitterrand, à « rendre le pouvoir aux citoyens », qu'il s'agisse des consultations locales, des débats budgétaires, de l'extension des conseils de quartier ou de l'aménagement des procédures d'enquête publique. Leurs effets sont malheureusement restés limités. Il faut prendre des décisions plus radicales. Dans une grande ville, quel sens peuvent avoir les élections cantonales alors que la plupart des habitants ignorent à quel canton ils sont rattachés et même s'ils doivent voter, ces élections ayant lieu par moitié ! Une date unique améliorerait certainement le taux de participation. Quant aux régions, on ne peut pas dire qu'un mode de scrutin basé sur le département favorise leur identité !

La deuxième raison est d'ordre financier. Un nombre croissant d'électeurs ne sont plus contribuables locaux, notamment à la taxe d'habitation. La rupture de ce lien ne peut que les déresponsabiliser. Comptez-vous revenir sur cette démarche ?

Enfin, le fonctionnement des institutions locales est trop rigide. La confusion des pouvoirs exécutif et législatif dans une seule personne, le maire ou le président du conseil général ou régional, ainsi que le cumul des mandats ne peuvent que favoriser des comportements féodaux au niveau local. Il faut briser ces schémas.

Là où une révolution est nécessaire, vous ne faites que changeoter, pour reprendre une expression de Charles Péguy. Et le conservatisme dont a fait preuve le Sénat, qui a pratiquement vidé cet article de son contenu, promet beaucoup pour le temps où les textes relatifs aux collectivités locales lui seront soumis en priorité.

M. André Chassaigne - Les débats au Sénat ont montré à quel point une partie de la droite pouvait avoir peur de l'intervention citoyenne. Nous n'avons pas attendu ce projet de loi pour défendre le droit de pétition pour l'inscription d'une question à l'ordre du jour ou le référendum d'initiative locale. Une république moderne appelle de profonds changements institutionnels, mais nous pensons que le troisième alinéa de l'article menace la pérennité de l'architecture de la République.

Nous sommes attachés au développement de nouveaux droits pour les citoyens. La démocratie participative est en crise, il faudra lui donner de nouvelles formes et faire preuve d'audace pour la revivifier. La décentralisation ne saurait s'arrêter à l'échelon de l'élu. Elle doit emporter des droits plus effectifs pour le citoyen d'intervenir sur toutes les questions qui le concernent. C'est à cette aune que sera jugée toute décentralisation.

Cette démocratisation passe par la déprofessionnalisation de la vie publique et par un véritable partage des responsabilités. Elle suppose l'élaboration d'un statut de l'élu et la reconnaissance du rôle des syndicats, partis et associations.

Nous refusons toutefois qu'une consultation formelle des citoyens puisse couvrir la suppression de départements ou la constitution de régions à l'échelon européen. Nous avons donc déposé un amendement visant à la suppression du troisième alinéa de l'article.

M. Augustin Bonrepaux - Cet article veut favoriser la démocratie participative, mais il oublie, comme l'ensemble du texte d'ailleurs, tout le volet de l'intercommunalité ! Or c'est dans ce cadre qu'il est le plus indispensable de rapprocher la décision des citoyens. Leurs représentants y sont déjà désignés au second degré, ils sont étroitement concernés par les décisions des assemblées intercommunales, qui ont des compétences croissantes dans les services publics de proximité par exemple, mais ce seront les seules pour lesquelles ils n'auront pas de droit de pétition pour inscription à l'ordre du jour ! C'est une grave lacune et j'espère que la suite du débat permettra de la combler.

M. Jacques Myard - Le droit de pétition est reconnu comme étant un droit constitutionnel. Il a été inscrit dans un texte constitutionnel pendant la révolution et figure d'ailleurs dans notre Règlement. Vous souhaitez l'inscrire dans notre Constitution. Je n'y serais pas opposé si votre rédaction ne contenait, outre l'affirmation de ce droit, ses modalités d'application, à savoir l'inscription obligatoire à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante. Je crains, comme de nombreux élus d'ailleurs, que cette obligation ne déstabilise la démocratie représentative.

Celle-ci a besoin de sérénité pour s'exercer. Prenons l'exemple des conseils municipaux, qui seront, je pense, les plus concernés par le droit de pétition. On peut craindre que certains groupes radicaux assaillent le conseil de pétitions, investissent la salle des délibérations et fassent pression sur les élus, paralysant ainsi l'assemblée. Les conseillers municipaux sont des élus de proximité, ils seront sensibles à de telles actions. Vous n'ignorez pas le courage qu'il faut pour imposer, dans certaines matières sensibles telles que l'urbanisme, les choix que nécessite l'intérêt général - construction de logements sociaux, de lycées ou de routes. En permettant de laisser contraindre les débats, nous ne ferions pas _uvre intelligente.

J'avais déposé un amendement 54 qui supprimait le premier alinéa de l'article, mais je le retire car je suis attaché à l'affirmation du droit de pétition. En revanche, mon amendement 141 proposera de renvoyer à une loi, ordinaire ou organique, les modalités d'application du droit de pétition. Monsieur le ministre, vous êtes un élu local. Il faut peser nos décisions. Se laisser aller à la démagogie aurait pour conséquence de fragiliser la démocratie représentative.

M. Augustin Bonrepaux - Il faut reconnaître aux groupements intercommunaux les mêmes avancées dans la démocratie représentative qu'aux autres collectivités, sous peine de porter préjudice à leur développement. Les citoyens élisent des conseillers municipaux, mais ils ne savent pas qui les représente ensuite au sein du groupement intercommunal. C'est d'ailleurs pour cela que nous sommes favorables à un mode d'élection directe.

L'intercommunalité gère des dossiers de plus en plus importants, notamment en matière de développement économique ou de services publics sociaux. Il est donc indispensable de prévoir le droit de pétition des citoyens, mais aussi leur consultation par un référendum d'initiative locale. M. Devedjian s'est dit favorable à l'intercommunalité, il faut maintenant le prouver !

M. Jacques Myard - L'amendement 141 est défendu.

Mme Ségolène Royal - On nous a déjà proposé de supprimer les préfets parce qu'ils gênent les élus. Maintenant, c'est la gêne que représentent les citoyens que M. Myard veut supprimer ! Il faudrait en finir une bonne fois pour toutes avec l'idée que les citoyens sont des irresponsables et des enquiquineurs ! Bien sûr, pour nous élus, il est toujours plus compliqué de les associer aux décisions qui les concernent...

M. Jacques Myard - Parlez avec intelligence et responsabilité !

Mme Ségolène Royal - D'autres pays européens sont allés beaucoup plus loin que nous en matière de démocratie participative. Nous devons la réconcilier avec la démocratie représentative : qu'un élu soit obligé de défendre son point de vue devant ses citoyens contribuera à donner aux électeurs, et en particulier aux jeunes, l'envie d'aller voter. Notre amendement 203 a donc pour but d'introduire à l'article 5 un principe général qui permettra d'accomplir par des lois ultérieures des progrès audacieux dans ce domaine.

En Italie, par exemple, le référendum abrogatif a permis aux femmes d'accéder à l'information sur la contraception : ce n'est pas rien ! Plus on donnera aux citoyens la possibilité de s'exprimer, plus ils le feront avec maturité ; plus on se méfiera d'eux, plus ils adopteront une attitude revendicative ou contestataire.

S'agissant du droit de pétition, il faut évidemment qu'il permette non pas seulement de « demander » l'inscription d'une question à l'ordre du jour, mais de l'« obtenir » !

M. le Président - Je considère que vous avez également défendu le sous-amendement 220 de M. Montebourg.

M. le Rapporteur - L'une des ambitions de ce projet est de rapprocher les institutions de nos concitoyens. A cet égard, le droit de pétition est une excellente chose. Néanmoins, le Sénat a souhaité l'encadrer pour éviter un harcèlement des élus par les électeurs, et la commission des lois le suit sur ce point.

M. le Garde des Sceaux - Cet article a pour objectif de favoriser la démocratie directe, grâce au droit de pétition, au référendum délibératif et au référendum consultatif. S'agissant du droit de pétition, la formule qu'avait retenue le Gouvernement pouvait contraindre l'exécutif local à inscrire une question à l'ordre du jour ; le Sénat a préféré que la pétition ne fasse qu'exprimer un souhait.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement 90, qui complique considérablement le projet, de même qu'à l'amendement 141 : la loi, Monsieur Myard, explicitera la mise en _uvre du droit de pétition ; vous aurez donc l'occasion d'en débattre.

Avis défavorable enfin à l'amendement 203 et au sous-amendement 220.

M. Jacques Myard - Madame Royal, vous avez tenu des propos indignes. Venez donc dans ma commune, vous verrez le nombre de réunions que j'organise avec mes concitoyens, le nombre de personnes que je reçois ! Je n'accepte pas vos leçons ! Mais il est difficile de désamorcer l'opposition constante d'un groupuscule qui, à la longue, vous déstabilise. La démocratie, impose aussi de prendre des décisions. Aujourd'hui, les élus croulent sous les procédures, et il ne conviendrait pas d'entraver leur action. C'est pourquoi, Monsieur le ministre, j'aurais aimé connaître les modalités pratiques de l'exercice du droit de pétition, aussi importantes que le droit lui-même. Je maintiens donc mon amendement.

Les amendements 90 et 141, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement 220, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 203, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. René Dosière - Mon explication de l'amendement 168 vaudra également pour les amendements 169 et 170 à venir.

Il s'agit de remplacer le mot « électeurs » par le mot « habitants ». Soyons conscients, en effet, qu'à l'échelon local qui nous occupe, il est possible de faire de la pédagogie démocratique. Le fait de faire participer tous les habitants de la commune, quelle que soit leur nationalité, à la pratique des affaires locales constitue un excellent moyen d'intégration. Il serait tout de même paradoxal que des étrangers qui résident sur notre sol depuis longtemps et paient des impôts locaux n'aient pas le droit de s'exprimer sur les affaires de la commune, alors que des Français qui ne paient plus d'impôts locaux pourraient le faire.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement dont, à titre personnel, je trouve le libellé plutôt flou. De plus, dans une jurisprudence récente, le Conseil constitutionnel considère que les habitants ne sont que les électeurs. Enfin, des aspects importants devraient être clarifiés : les non-électeurs pourraient-ils pétitionner ? Et qu'en serait-il en cas de référendum ?

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable, pour les raisons exposées par votre rapporteur. Je rappelle par ailleurs que le texte est suffisamment clair en l'état puisqu'il fait référence aux électeurs qui sont, chacun le sait, français ou ressortissants des pays de l'Union européenne pour les élections municipales, et français pour les autres élections.

L'amendement 168, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je suis saisi de deux amendements identiques. Sur l'amendement 79, je suis saisi d'une demande de scrutin public.

Mme Ségolène Royal - Je déplore que le Gouvernement n'ait pas accepté l'amendement qui posait le principe de la démocratie participative. Cela ne lui coûtait pourtant pas cher ! A l'évidence, l'initiative parlementaire est muselée, et instruction a été donnée de refuser tout amendement dont le Sénat n'a pas voulu. Voilà qui augure mal de l'usage que la deuxième Chambre fera des prérogatives nouvelles dont le Gouvernement la dote ! Cette attitude est désolante, mais nous continuerons, article après article, à défendre notre droit d'amendement.

Il serait bon, aussi, de cesser d'utiliser, à propos des électeurs, le terme de « harcèlement » ! Ceux qui considèrent qu'ils sont « harcelés » auraient tout intérêt à changer d'activité ! Ainsi éviteraient-ils de ne voir dans les électeurs que des groupuscules d'agités ! Il en existe, certes, mais ces exceptions ne peuvent conduire à des généralisations aussi irrespectueuses des citoyens.

J'en viens à l'amendement 79, par lequel nous proposons le retour au texte initial du Gouvernement. Les sénateurs ont en effet vidé le droit de pétition de sa substance ; Respectons les citoyens, donnons-leur ce minimum de pouvoir ! Comment le Sénat peut-il à ce point avoir peur des électeurs qu'il lui faille se placer en retrait du Gouvernement ?

Et comment pouvez-vous vous aligner sur une telle position ?

M. Jean-Luc Warsmann - Vous avez eu cinq ans pour instituer ce droit ! L'amendement 126 est défendu.

M. le Rapporteur - Je l'ai dit, la commission a suivi le Sénat sur ce point, considérant qu'il fallait encadrer le droit de pétition pour éviter le risque de harcèlement. La version actuelle du texte étant équilibrée, je demande à l'Assemblée de rejeter les amendements.

M. le Garde des Sceaux - L'Assemblée comprendra que le Gouvernement s'en remette à sa sagesse.

A la majorité de 28 voix contre 22 sur 50 votants et 50 suffrages exprimés, les amendements 79 et 126 mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 143 est défendu.

L'amendement 143, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Ségolène Royal - Ainsi, même quand le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée, la majorité choisit de s'aligner sur le Sénat ! C'est déplorable ! Voilà qui annonce de façon éclatante le renforcement des féodalités.

A quoi avez-vous souscrit, faute de vous être affranchis ?

A donner aux citoyens le droit de demander le droit de pétitionner ! Pensez-vous vraiment que cela soit sérieux ?

Par l'amendement 80, nous proposons de rendre le résultat des référendums incontournable en disposant que la délibération ou l'acte qui recueille une majorité de bulletins favorables est directement adoptée lorsque la moitié au moins des électeurs inscrits a participé au scrutin.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable, car la question, fondée, ne relève pas du domaine constitutionnel, mais des textes d'application.

L'amendement 80, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. René Dosière - L'amendement 169 a déjà été défendu.

L'amendement 169, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 144 tend à compléter ainsi le deuxième alinéa de l'article : « les communautés urbaines, d'agglomération ou de communes bénéficient de la même prérogative pour les compétences qui leur ont été transférées par les communes adhérentes ».

L'importance de l'amendement est évidente, puisque le texte que vous nous présentez va être vidé de sa substance à mesure que l'intercommunalité progressera, cette intercommunalité que vous refusez d'inscrire dans la Constitution. Comment s'étonner de ce refus de la part d'une majorité qui refuse même le droit de pétition, et se ridiculise en octroyant au bon peuple le droit de demander à pétitionner ! Mais c'est le retour à la monarchie, en pire !

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois - La commission est défavorable à l'amendement, car elle craint que les électeurs ne soient alors amenés à trancher les conflits entre un maire et la communauté dont sa commune est membre.

L'amendement 144, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne - Je l'ai dit : nous sommes très inquiets à l'idée que le texte permette la disparition de régions, ou de départements. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 182, la suppression du dernier alinéa de l'article.

L'amendement 182, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale en lieu et place de l'une des collectivités citées par la Constitution ou d'en modifier l'organisation ou le périmètre, la loi doit prévoir, pour chacune des collectivités concernées, la consultation préalable des électeurs inscrits, et la consultation des assemblées locales concernées.

Tel est l'objet de l'amendement 37.

L'amendement 37, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - L'amendement 38 rectifié est défendu.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission - les amendements 93 et 28 rectifié sont également défendus. La commission a émis un avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable. La consultation envisagée s'inscrit dans un processus législatif, il est donc normal que le Parlement en décide.

Les amendements 38 rectifié, 93 et 28 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. André Chassaigne - Dans le texte, en cas de création d'une collectivité territoriale à statut particulier, il « peut être » décidé de consulter les électeurs. C'est le bouquet ! Notre amendement 183 rend cette consultation obligatoire.

M. Pierre Cardo - C'est faire bien peu confiance aux élus locaux que de vouloir imposer cette consultation. Imaginons le cas d'une petite commune très riche au milieu de voisines qui le sont moins. Si le maire a quand même le courage d'accepter un regroupement, ne l'exposons pas à une consultation dont l'issue n'est guère douteuse.

L'amendement 183, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Sur l'amendement 170, déjà défendu par M. Dosière, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur - J'avais donné un avis défavorable de la commission.

M. le Garde des Sceaux - Défavorable.

A la majorité de 39 voix contre 12 sur 51 votants et 51 suffrages exprimés, l'amendement 170 n'est pas adopté

M. le Président - L'amendement 92 de M. d'Aubert est-il défendu ?

M. Augustin Bonrepaux - Oui, quand une idée d'un membre de la majorité est intéressante, je la défends. Cet amendement va dans le même sens que ce qu'a proposé M. Chassaigne. Sur une question aussi importante que la modification des limites d'une collectivité territoriale, la consultation des citoyens ne doit pas être une faculté mais une obligation.

M. le Rapporteur - La commission n'en a pas été saisie. A titre personnel, je suis sensible à l'argument. Le conseil municipal doit-il être seul juge d'un changement du périmètre communal ?

M. Jacques Brunhes - Que n'avez-vous voté notre précédent amendement !

M. le Garde des Sceaux - Défavorable.

L'amendement 92, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Ségolène Royal - Une fois de plus, le Gouvernement n'a accepté aucun amendement, de droite ou de gauche, provenant de l'Assemblée, pour s'aligner sur le texte des sénateurs. Que ceux-ci, élus au suffrage indirect, se méfient des citoyens, on le comprend. Mais que les députés n'aient même pas le courage de rétablir le texte initial du Gouvernement pour donner un droit de pétition débouchant sur un débat local, c'est grave. C'est la victoire de ceux qui préfèrent les citoyens qui se taisent aux citoyens actifs, et donc plus revendicatifs. Ce n'est pas ainsi qu'on rétablira le lien civique. Pourtant les électeurs font preuve d'une grande maturité quand on les associe aux décisions qui les concernent .

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales - Nous aimons beaucoup les électeurs, et c'est réciproque !

Mme Ségolène Royal - Je trouve dommage que le Gouvernement et le président de la commission aient montré que leur seul souci est de parvenir à un texte conforme afin de priver l'Assemblée d'une seconde lecture. Vidé en grande partie de son contenu, cet article ne représente plus qu'une avancée bien timide. Le groupe socialiste le votera en espérant trouver d'autres occasions de faire progresser ses idées.

M. André Chassaigne - Le groupe communiste et républicain votera contre. Nos propositions n'ont pas été retenues, et en l'état le texte permettra de regrouper des collectivités territoriales sans consulter les électeurs.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

Mme Ségolène Royal - La décentralisation n'aura de sens que si les ressources suivent les transferts de compétences. Nous proposerons donc qu'il soit affirmé plus clairement dans cet article qu'à tout transfert de compétences correspond un transfert de recettes par prélèvement sur les impôts d'Etat, que celles-ci sont indexées et correspondent à l'exercice effectif des dépenses transférées. L'Etat ne doit pas assumer une péréquation entre régions, mais une compensation à partir des recettes fiscales nationales. Pour qu'elle se fasse de façon indiscutable, nous souhaitons que le coût des transferts soit évalué par une commission nationale indépendante et que cette compensation ne puisse varier de plus de 20 % en plus ou en moins entre collectivités d'une même catégorie.

M. Jean-Pierre Balligand - Notre système de fiscalité locale a atteint ses limites. La taxe d'habitation, devenue complètement inadaptée, devrait être profondément modifiée. Pour le foncier non bâti, il a fallu inventer un dispositif de liaison des taux pour éviter des distorsions excessives entre communes, et porter atteinte ainsi à la liberté des taux accordée sous le septennat de M. Giscard d'Estaing. Enfin, nous avons réduit la taxe professionnelle pour alléger la charge pesant sur les entreprises, comme devrait le savoir le président de la commission des lois. Bref, la fiscalité locale, dans son état actuel, est au bout du rouleau. Aussi ne pourra-t-elle pas absorber les transferts de charges de l'Etat vers les collectivités. L'Etat doit donc se doter d'une doctrine dans le domaine des transferts de charges et s'engager lui-même fiscalement. Nous souhaitons que le Gouvernement s'explique clairement sur ce point.

Sur la péréquation, il faut éviter l'incantation. La péréquation était évoquée dans la loi Pasqua de 1994 relative à l'aménagement du territoire. Nous avons entendu de grands discours, lu des dispositions écrites, mais la péréquation annoncée n'est jamais arrivée. Vous n'avez tenu aucun des engagements pris. Aujourd'hui, dites-nous comment vous allez organiser la péréquation. Nous défendrons des amendements destinés à donner un contenu à l'article 6. Le Sénat, de son côté, s'y est engagé, même si le résultat n'a pas été conforme à l'attente de nombreux sénateurs. Les responsables des collectivités locales veulent connaître les intentions réelles du Gouvernement.

M. Augustin Bonrepaux - L'article 6 demande à être précisé. Est-il propre à garantir réellement l'autonomie des collectivités locales ? Les transferts ne vont-ils pas conduire à une majoration des impôts locaux ? Surtout, comment s'effectuera la péréquation ? L'article dispose que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités représentent une part déterminante »... Que signifie « déterminant » ? Il va falloir saisir l'Académie française. J'ai trouvé dans le Littré, dans le Robert : « déterminant : « qui détermine ». Et à « déterminer », je trouve : « préciser ». Monsieur le ministre, veuillez déterminer ce que signifie déterminant.

A « prépondérant » vous avez préféré « déterminant », dont le sens est beaucoup plus vague, et vous allez en laisser, une fois de plus, l'appréciation du Conseil constitutionnel qui, muni du Littré et du Robert grand et petit, ne trouvera pas la signification précise du mot.

Plus inquiétante encore est la disposition suivante : « Tout transfert de compétences s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient » - je souligne l'imparfait - « consacrées à leur exercice ».

Dans son rapport, le président Méhaignerie rappelle que « les règles applicables en matière de compensation financière des transferts de compétences sont actuellement fixées par le code général des collectivités territoriales, qui précise que « tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences » ».

Quelle différence entre « qui étaient consacrées à leur exercice » et « nécessaires à l'exercice normal » ! Si on nous transfère les ATOS, s'agit-il du nombre d'ATOS en 1992, déjà insuffisant, du nombre de 1993 après réduction de crédits ? Ce nombre, et lequel, permettra-t-il un exercice normal des compétences ? On peut en douter. Les élus locaux redoutent en fait un transfert de charges sur les collectivités locales.

Sur la péréquation, nous sommes dans le vague. C'est la gauche, rappelons-le, qui a fait progresser la péréquation. Souvenons-nous de la loi de 1985 rapportée par M. Besson. En 1991 a été créée la DSU, avec des corrections par rapport aux départements. En 1992 naissent la DSR et DDR. De plus, de 1996 à 2001, la péréquation de la DGF est passée de 8,29 % à 14,23 %. Or la loi de finances pour 2003 marque un recul de la péréquation. Vous affirmez, Monsieur le ministre délégué, que la DSU augmente de 3 %. Mais votre collègue du budget a annoncé 2,5 %. Que le Gouvernement veuille bien s'accorder sur un seul chiffre. Cette hausse est réalisée à partir du prélèvement opéré sur les collectivités au titre de 2002. L'augmentation ne dépasse donc pas, en réalité, 2 % au mieux. Comme vous opérez également un prélèvement sur la DCTP, l'augmentation, pour finir, n'atteint pas le taux de l'inflation. Le même raisonnement vaut pour la DSR, qui ne suit plus le rythme de l'inflation (M. le ministre délégué sourit). Vous pouvez rire, mais répondez-nous avec les vrais chiffres !

M. le Ministre délégué - J'ai déjà répondu hier.

M. Augustin Bonrepaux - Donc, la péréquation recule. Vous prétendez aujourd'hui que vous la ferez demain. Mais il valait mieux commencer dès cette année, pour indiquer la bonne direction.

Lors de la réunion du comité des finances locales, vous avez déclaré qu'il était impossible de distinguer entre les communes pauvres et les communes riches, et vous avez annoncé que toutes les communes subiraient le même prélèvement, car, expliquiez-vous, même les communes aisées ont du mal à supporter un prélèvement sur la DCTP. Vraiment, le problème n'est-il pas plus aigu pour les communes défavorisées ?

M. René Dosière - Dont Antony fait peut-être partie...

M. Augustin Bonrepaux - Allez-vous faire la péréquation en prélevant sur les communes aisées ou en mettant davantage de crédits dans la DGF ? Dans ce cas, souvenons-nous que le président de la commission des finances nous rappelle que la péréquation doit être opérée à enveloppe constante. Avant d'introduire le mot dans la Constitution, il faut nous dire exactement ce que recouvre la péréquation. Un article important de la loi Pasqua prévoyait de créer un indice synthétique, tenant compte à la fois des ressources et des charges. Le Gouvernement s'était engagé à l'appliquer avant 1996. Or vous n'avez rien fait. Comment aujourd'hui nous convaincre que vous allez réellement engager la péréquation ?

M. René Dosière - Il est un peu difficile d'intervenir à la suite d'un orateur aussi passionné et compétent qu'Augustin Bonrepaux et je m'en tiendrai à deux aspects.

On a beaucoup évoqué la « recentralisation fiscale » selon laquelle plusieurs impôts locaux auraient été remplacés par des dotations d'Etat. Au reste, ma modestie dut-elle en souffrir, j'observe que si j'avais breveté cette expression, je toucherais des dividendes substantiels, le phénomène s'étant quelque peu intensifié au cours des cinq dernières années comme j'ai pu le constater en ma qualité de rapporteur du budget de l'intérieur. Mais, disons-le d'emblée, régulièrement saisi par l'opposition de l'époque, le Conseil constitutionnel a admis que les compensations n'avaient pas diminué les ressources des collectivités ou entamé leur autonomie financière. Rapporteur du budget pour 2003, M. Laffineur faisait la même constatation : le pacte de croissance et de solidarité a considérablement amélioré les ressources des collectivités territoriales. Bel hommage à la politique que nous avons menée !

Quoi qu'il en soit, vouloir sanctuariser les ressources propres des collectivités territoriales dans la Constitution est une très bonne chose. Notons cependant que la substitution tire son origine de notre commune incapacité à réformer la fiscalité locale. La droite aura-t-elle assez de courage politique pour faire aboutir la révision des valeurs locatives ? M. Carrez le demande aujourd'hui mais la majorité issue des élections de 1993 n'y est pas parvenue alors que tout était prêt pour le faire ! De même, la réforme de la taxe départementale sur le revenu - seule réforme de grande ampleur de la fiscalité locale sous la Ve République - a été enterrée après que la droite l'eut sévèrement combattue, et la gauche, gagnée par le conservatisme, y a renoncé.

Le quatrième alinéa de l'article 72-2 introduit par l'article 6 du présent texte disposerait que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ». Cette formulation, je la connais puisque c'est celle qui est appliquée depuis 1982 ! Je puis en témoigner en ma qualité de membre de la commission consultative d'évaluation des charges. Attention, car si vous constitutionnalisez cette formule, vous la rendez obligatoire. Lorsque l'Etat transfère une compétence dont il assurait correctement le financement, - telle l'action sociale -, tout se passe à peu près bien. Mais s'il transfère une compétence qu'il finançait mal - je pense à l'entretien des établissements scolaires -, le transfert entraîne une hausse des impôts locaux.

Bercy veille et même si le ministre délégué aux libertés locales ne le souhaite pas, il est à craindre que les nouveaux transferts pèsent sur la fiscalité locale. Imaginons que l'on transfère la médecine scolaire. A l'évidence, la communauté scolaire - parents et enseignants - va réclamer plus de médecins et d'infirmières. Les élus n'auront pas d'autre choix que de répondre à cette attente et, à cette fin d'augmenter les impôts locaux.

Je le répète : constitutionnaliser cette formule, c'est programmer la hausse des impôts locaux. Seule issue pour en sortir, décider qu'avant tout nouveau transfert, il y aura remise à niveau de la compétence transférée ! (« Irréaliste ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Victorin Lurel - Je trouve ahurissant que nos collègues soient si peu nombreux pour une discussion aussi importante !

M. le Président - Ne faites pas de reproches à ceux qui sont là !

M. Victorin Lurel - J'espère que les articles sur l'outre-mer ne seront pas expédiés à la hussarde à cinq heures du matin.

M. le Président - Vous me connaissez mal !

M. Victorin Lurel - J'ai appris à vous apprécier. S'agissant des ressources des collectivités territoriales - et comme du reste pour nombre d'autres sujets - l'outre-mer peut aisément servir de laboratoire.

Je souhaite interroger Mme la ministre de l'outre-mer sur la notion de « part déterminante de l'ensemble des ressources » que doivent représenter les recettes fiscales et autres ressources propres.

Je suis maire d'une commune disposant d'un budget de 80 millions de francs. Si, au titre de la « part déterminante », mes ressources propres doivent atteindre plus de la moitié de ce budget, je n'aurai pas d'autre choix que d'augmenter les impôts locaux. Or chacun peut mesurer la pression fiscale qui s'exerce sur l'outre-mer. Bien que nous ne soyons pas de plus mauvais gestionnaires que nos collègues métropolitains, nous avons 17 communes sur 34 en procédure avec la chambre régionale des comptes. Nos territoires accusent des retards considérables. Les usines ont fermé, l'hôtellerie est en difficulté. Les communes ont recruté et vont devoir accueillir du personnel supplétif. Comment faire autrement que de rajouter une couche de fiscalité locale ? Notre potentiel fiscal est plus faible que celui de la métropole et en l'absence de tout projet de loi organique, nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être mangés. Comment seront répartis l'octroi de mer et le fonds d'investissement routier qui représentent environ 50 % du budget des collectivités d'outre-mer ? Les deux tiers du produit de la taxe professionnelle en Guadeloupe sont accaparés par une seule commune : comment faire jouer la solidarité ? Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour que la décentralisation préserve - ou restaure - l'équité entre les territoires et pour que les collectivités d'outre-mer puissent exercer au mieux les nouvelles compétences qui vont leur être transférées ?

M. André Chassaigne - Cet article est essentiel puisqu'il traite des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales. Tout au long de ce débat, nous avons souligné le risque que sous couvert de décentralisation, la disparité entre les collectivités s'aggrave, tant sur le plan économique et social qu'en ce qui concerne les ressources et la fiscalité. Un risque de concurrence accrue, voire de dumping fiscal existe, qui accentuerait les disparités originelles.

Nous sommes très attachés au principe de l'égalité des citoyens devant l'impôt. Cela devra être une obsession lors de la discussion des lois organiques. Malheureusement, le présent texte ne la garantit pas.

Il faut repenser toute la fiscalité des collectivités locales. Le pacte de croissance et de solidarité du gouvernement précédent a certes représenté un progrès, mais il n'a pas donné aux collectivités les moyens de répondre aux besoins. Le produit de la taxe foncière et de la taxe d'habitation est supérieur à celui de la taxe professionnelle dans plus de 60 départements. La révision des valeurs locatives n'a jamais vu le jour parce qu'on appelait à la solidarité les seuls contribuables de la taxe d'habitation et de la taxe foncière ! C'est dire si le système doit être entièrement remis à plat.

Le partage de la TVA ou de la TIPP est une des solutions avancées, mais qui ne ferait à notre avis que transférer sur le consommateur le financement des collectivités locales. Nous voulons que l'Etat assume les missions de péréquation et de solidarité. La décentralisation doit se conjuguer avec l'affirmation d'une responsabilité nationale dans les domaines essentiels de la vie du pays.

L'issue ne se trouve pas dans la répartition des seuls prélèvements obligatoires. Il faut repenser la taxe professionnelle. Les entreprises qui créent les richesses doivent participer aux investissements locaux qui répondent à leurs besoins et à ceux de leurs salariés. Ne succombons pas aux provocations du MEDEF. La taxe professionnelle doit également orienter les choix de gestion vers l'investissement productif plutôt que vers les placements financiers. Nous proposons d'ailleurs de taxer les actifs financiers des entreprises.

On ne peut dissocier la décentralisation d'un profonde réforme de la fiscalité locale. Or l'article 6, loin d'en poser les bases, organise une compétition ruineuse entre les territoires. Lors de l'examen des lois organiques, il faudra tenir compte de l'expérience que nous avons déjà acquise. Nous savons que les compétences transférées peuvent évoluer : en ce qui concerne les lycées par exemple, les besoins se sont accrus et les dépenses ont explosé. Les transferts de moyens ne doivent donc pas être figés.

Par ailleurs, la solidarité nationale ne doit pas appliquer la péréquation de manière arithmétique. Elle doit tenir compte non seulement de la richesse des collectivités, mais aussi de leurs besoins réels.

M. Joël Beaugendre - Je voudrais saluer le courage du Gouvernement, qui entreprend un vaste chantier de modernisation, dans la lignée des engagements du Président de la République envers l'outre-mer. Les citoyens ultra-marins sont en effet au c_ur du présent débat. Je regrette les critiques démagogiques de ceux qui n'ont pas eu d'ambition pour leur collectivité, et tout particulièrement pour la Guadeloupe.

Le projet de loi constitutionnelle permettra d'améliorer l'action de l'Etat et des collectivités locales. L'article 72 de la Constitution, dans sa version actuelle, pose le principe de la libre administration des collectivités territoriales. Cette notion vaste et imprécise n'a donné lieu qu'à des transferts de compétences qui ont vite trouvé leurs limites faute de moyens.

Je me félicite de l'inscription dans la Constitution de principes régissant les ressources des collectivités territoriales. La perception d'impôts locaux, le transfert d'impôts nationaux et la libre disposition des ressources orientent la décentralisation vers une véritable coresponsabilité. L'Etat accorde sa confiance aux élus locaux, et ceux de l'outre-mer seront à la hauteur de la tâche.

Nos capacités de gestion ont été trop souvent remises en cause alors que nous sommes parfaitement au fait des spécificités de nos collectivités. L'initiative locale avait été ces dernières années reléguée au second plan, cédant la place à l'assistanat. Le présent projet la remet au c_ur des préoccupations. L'élargissement des compétences locales ne peut qu'améliorer l'efficacité des décisions, tant sur le plan économique que pour le bien-être de nos compatriotes.

L'exercice de leurs compétences par les collectivités implique un transfert de moyens effectif et surtout suffisant. Les finances locales ne permettent pas aujourd'hui de répondre aux besoins. Il m'apparaît essentiel de préciser que les ressources nouvelles devront correspondre à l'ampleur des compétences transférées, mais surtout aux besoins réels de chaque collectivité.

Les collectivités territoriales ont subi ces dernières années une baisse de leurs ressources fiscales, qui a contribué à retarder le développement de nos régions. La lourdeur administrative de la mise à disposition des crédits a aggravé la situation. Je compte, Madame et Messieurs les ministres, sur votre engagement pour que la réforme soit utile et pragmatique et que les transferts financiers soient effectifs. Sachez que les élus de l'outre-mer, et en particulier de la Guadeloupe, veilleront à ce que les promesses ne restent pas une fois de plus à l'état de déclarations. Il en va du devenir de nos régions.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteur pour avis suppléant de la commission des finances - L'article 6 consacre cinq principes qui devront régir les ressources des collectivités locales : l'existence de ressources propres, d'impositions affectées, le principe de la part déterminante de ces ressources dans l'ensemble de ces recettes, l'obligation d'un transfert de ressources en cas d'extension des compétences et le principe de péréquation. Ces principes s'imposeront dorénavant au législateur, qui disposera du choix des moyens mais ne pourra redescendre au-dessous du seuil garanti.

La part « déterminante » des ressources propres est appréciée par catégorie de collectivité. Le poids actuel de la fiscalité locale est loin d'approcher les dotations de l'Etat. La commission des finances n'a donc pas pu retenir le terme de part « prépondérante ». La formulation actuelle permet simplement de réaffirmer la jurisprudence du Conseil constitutionnel telle qu'elle apparaît dans sa décision du 12 juillet 2000 : les règles fiscales ne sauraient diminuer les ressources des collectivités territoriales ni la part des recettes fiscales dans ces ressources « au point d'entraver leur libre administration ». Par cette formulation vague, le Conseil condamne la disparition de la fiscalité en tant que ressource propre, mais il admet des aménagements. L'essentiel est que l'autonomie des collectivités ne soit pas entravée, c'est-à-dire surtout qu'elles ne s'appauvrissent pas trop.

Exiger que la part fiscale soit prépondérante aurait manqué de réalisme. Il s'agit de garantir le niveau des budgets des collectivités, par exemple par une compensation des éventuelles exonérations. En tout état de cause, c'est une loi organique qui doit encadrer la mise en _uvre de cette règle : elle ne relèvera plus de la loi ordinaire. La notion de part déterminante acquiert donc une signification forte et difficile à modifier.

M. Jacques Brunhes - Notre amendement 184 tend à supprimer cet article car il consacre les profondes inégalités de ressources existant entre les collectivités, donne à leur compétition fiscale une vertu quasi constitutionnelle et aggrave les inégalités entre citoyens devant l'impôt.

Considérer que recettes fiscales, ressources d'exploitation et dotations nées des transferts entre collectivités territoriales constituent une « part déterminante » des ressources des collectivités, c'est consacrer la déshérence des dotations budgétaires de l'Etat. Adopter cet article, c'est se priver du moyen de péréquation le plus pertinent.

Ce projet confirme, après le projet de loi de finances pour 2003, que votre objectif est le désengagement progressif de l'Etat. Il faut dire la vérité aux Français : les collectivités territoriales vont être contraintes de prendre le relais d'un Etat démissionnaire.

M. le Rapporteur - On ne s'étonnera pas que, s'agissant d'un article qui prévoit des ressources pour les collectivités locales, je sois défavorable à cet amendement - que la commission n'a pas examiné.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

M. Augustin Bonrepaux - Cet article est inquiétant. Que signifie le mot « déterminant » ? Il faudrait quand même nous le dire ! Mme Montchamp vient de nous expliquer que ce texte vise simplement à réaffirmer la jurisprudence : s'il ne s'agit que de cela, il n'y a pas besoin d'un texte constitutionnel ! Et pourquoi n'utilisez-vous pas le même vocabulaire à propos des transferts de moyens accompagnant les transferts de charges ?

Mais le rapporteur ne m'écoute pas... Il s'agit pourtant d'un débat important, et j'espère que nous allons avoir des précisions !

M. Jean-Pierre Balligand - Je voudrais dire au Gouvernement que ce n'est pas en ne répondant jamais aux questions qu'il va faire avancer le débat.

Tout votre texte est rempli d'ambiguïtés. Lisez donc ce qu'a déclaré aujourd'hui Didier Maus, constitutionnaliste qui pourtant n'est pas proche de nos idées : c'est consternant !

M. le Rapporteur - Vraiment ?

M. Jean-Pierre Balligand - Je vous en prie, Monsieur le président de la commission des lois ! Moi, je ne vous interromps jamais ! Vos compétences en matière de droit constitutionnel ne sont pas telles qu'elles vous dispensent de consulter les spécialistes !

M. le Président - Restez courtois !

M. Jean-Pierre Balligand - Parce que l'ensemble de ce texte est mal écrit, il reviendra au Conseil constitutionnel de trancher sur tous les sujets. C'est le cas en matière de ressources : on ne sait pas ce que veut dire le mot « déterminant », donc c'est le Conseil constitutionnel qui l'interprétera. Comment peut-on nous déposséder ainsi ?

M. René Dosière - Entre le Sénat et le Conseil constitutionnel, qu'est-ce qui va nous rester ?

M. le Ministre délégué - Monsieur Balligand, jusqu'à présent le Gouvernement a toujours essayé de vous répondre. Je vous ai donné toutes les explications que vous demandiez, même si elles ne vous ont pas convenu.

M. Jean-Pierre Balligand - M. Perben est membre du Gouvernement !

M. le Ministre délégué - Cela dit, quand on m'adresse une demande sur le ton de l'injonction, j'ai tendance à mal entendre. Quand le ton est courtois, je réponds bien volontiers. Mais de ce côté de l'hémicycle, vous avez tendance à nous faire répéter plusieurs fois les mêmes explications... Quant aux constitutionnalistes, nous les avons consultés, y compris ceux que vous citez.

Le mot « déterminant » veut dire « qui donne un sens ». Ce sens, en l'occurrence, est d'assurer l'autonomie financière des collectivités locales : il faut que la part des ressources propres soit telle qu'elle assure la liberté des collectivités.

L'amendement 184, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - J'indique d'ores et déjà à l'Assemblée que sur le vote de l'amendement 82, du sous-amendement 219, de l'amendement 190, de l'amendement 192, des sous-amendements 233 à 239, des amendements 191, 194, 193, 195, 196, 197 rectifié, 198 et 199, et de l'article 6, je suis saisi par le groupe socialiste de demandes de scrutins publics.

Il en va de même pour les sous-amendements 241 et 240 qui viennent d'être déposés.

Mme Ségolène Royal - L'Etat va-t-il transférer les ressources en même temps que les compétences ? Telle est la question de fond, que tout le monde se pose. Ne s'apprête-t-il pas, plutôt, à se soustraire à ses obligations avant même que les compétences ne soient transférées, au motif qu'elles vont l'être, comme il a déjà commencé de le faire à l'Education nationale, dont le ministre argue de la future décentralisation pour expliquer la réduction du financement ? On apprend aujourd'hui même le gel des bourses d'enseignement : seront-elles transférées ? Et les contrats éducatifs locaux, dont le financement a été réduit de 30 %, seront-ils transférés, sans moyens ?

Notre inquiétude, très vive, nous a conduits à récrire entièrement l'article 6, article qui aurait d'ailleurs dû être précédé par la réforme de la fiscalité locale, pour déterminer s'il convenait de parler de part « déterminante », comme vous le faites, ou de part « prépondérante » comme nous l'avons évidemment choisi. Le Conseil d'Etat vous a d'ailleurs dit, assez sévèrement, son point de vue en la matière !

Avant d'inscrire dans la Constitution les principes garantissant théoriquement la libre administration des collectivités locales, dites-nous au moins quand la loi organique sera présentée au Sénat, que nous sachions si les transferts de ressources seront effectifs ou seulement virtuels ! Vous ignorez la date, Monsieur le ministre ? C'est donc que demain on rasera gratis !

Pour notre part, nous voulons des garanties financières claires. Or, nous savons que le Gouvernement multiplie études et simulations, sur la TIPP en particulier. Qu'en est-il ? Envisagez-vous le transfert d'une partie de l'impôt sur le revenu ? Même l'IGAS procède à des simulations à propos du transfert du financement des hôpitaux ; cela signifie-t-il que vous envisagez le transfert du financement de la sécurité sociale ? Quelles expérimentations précises souhaitez-vous engager ? De tout cela, nous ne savons rien. Notre réécriture de l'article 6, dont chaque mot a été pesé, donne aux collectivités territoriales les moyens d'exercer leurs compétences. C'est pourquoi l'amendement doit être substitué à l'article 6 actuel.

M. le Rapporteur - Je salue le travail de réécriture accompli, dont Mme Royal nous dit qu'il a été pesé au mot près. Permettez-moi d'en douter, car je ne vois pas comment la loi pourrait déterminer « les conditions qui permettent d'éviter une surimposition des contribuables » ! Tout cela tient du v_u pieux, et n'a rien à faire dans une loi constitutionnelle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. René Dosière - C'est un peu rapide !

M. le Ministre délégué - Si, après réflexion, nous n'avons pas retenu le terme « prépondérant », c'est qu'il aurait suffi que l'Etat réduise ses dotations pour que les ressources des collectivités deviennent « prépondérantes ».

Mme Ségolène Royal - Vous auriez fait ça ?

M. le Ministre délégué - Nous, certainement pas, mais un autre gouvernement, qui sait ? Les étapes de la nouvelle décentralisation seront les suivantes : la loi organique organisera la procédure, ensuite viendront les lois de transferts de compétences et d'expérimentations. Parallèlement, le Gouvernement engagera avec le comité des finances locales la mise en _uvre de la réforme fiscale.

A ce jour, nous avons exclu le financement des transferts de compétences par la TVA, car les textes communautaires ne permettent pas d'appliquer un taux de TVA variable selon les régions. Nous envisageons d'utiliser la TIPP, mais les études ne sont pas achevées. Dans tous les cas, la concertation sera de règle. Enfin, nous n'avons pas retenu l'hypothèse de l'impôt sur le revenu.

Bien entendu, les principes inscrits à l'article 6 guideront la réforme indispensable de la fiscalité locale, dont M. Balligand a eu raison de dire quelle est à bout de souffle. Reconnaissons cependant qu'aucun des gouvernements précédents ne s'y est attaqué.

M. Augustin Bonrepaux - Il est affligeant que des questions aussi importantes suscitent des réponses aussi vides. Ainsi, il reviendra au Conseil constitutionnel d'apprécier et de déterminer le degré de liberté concédé ; et l'Assemblée abandonne de ce fait une autre de ses prérogatives !

Quant au rapporteur, il nie l'évidence, qui est que notre amendement est beaucoup plus précis que ne l'est votre texte !

Nos inquiétudes quant au financement des compétences transférées sont parfaitement fondées puisque le budget 2003 transfère des charges, en réduisant les crédits dans les domaines que vous voulez transférer. Le cas des ATOSS a déjà été cité et il est emblématique de votre politique : vous ne transférerez pas les moyens nécessaires au fonctionnement normal d'un établissement, mais seulement les moyens qui étaient utilisés lors du transfert ! Déjà, en 2002, l'Etat n'était pas en mesure d'assurer l'entretien des routes nationales : je pourrais citer une route qui est fermée la nuit, de sorte que les habitants de la région n'ont pas droit aux services qui devraient leur être garantis, dont celui des médecins en cas d'urgence ! Si vous ne précisez pas les moyens qui seront alloués à la libre administration des collectivités territoriales, le risque est patent que les impôts locaux augmentent, alors que ce sont les plus injustes, tant leur assiette est obsolète.

M. Jean-Luc Warsmann - Vous auriez dû la modifier.

M. René Dosière - Monsieur le ministre, je souhaiterais une réponse à une question précise que j'ai posée à deux reprises. Tout transfert de compétences doit être compensé par l'attribution de ressources équivalentes à celles que l'Etat y consacrait. C'est la méthode appliquée depuis 1982, et elle a montré ses limites dans plus d'un domaine. Dès lors en effet que l'Etat ne faisait pas l'effort nécessaire, pour la remise à niveau, les collectivités assumeront des charges supplémentaires. C'est pourquoi l'amendement 82 parle d'un transfert « nécessaire à l'exercice effectif et continu de ces compétences » en provenant de la fiscalité nationale. Pourquoi, au lieu de tirer les leçons de l'expérience, vous obstinez-vous à maintenir ce système, sans la même excuse que vos prédécesseurs ? Pourquoi rigidifier totalement en l'inscrivant dans la Constitution un mode de compensation qu'au moins la loi pouvait changer ?

M. Augustin Bonrepaux - Par son sous-amendement 219, M. Montebourg demande que les citoyens puissent exercer un contrôle de l'usage des finances publiques par les collectivités territoriales.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois - La commission ne l'a pas examiné. A titre personnel, défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

A la majorité de 40 voix contre 12 sur 52 votants et 52 suffrages exprimés, le sous-amendement 219 n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Le sous-amendement de M. Montebourg était peut-être d'application difficile. Mais nous partageons tous le souci de contrôler la bonne utilisation des crédits. C'est pour cela que nous allons participer à la commission de contrôle que vous créez. Par le sous-amendement 241, nous voulons qu'une évaluation montre aux citoyens que le produit de l'impôt est utilisé dans la transparence.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois- La commission ne l'a pas examiné. Mais cela n'a rien à voir avec la Constitution.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. Effectivement, une telle mesure n'a pas sa place dans la Constitution.

Mme Ségolène Royal - De grâce, cessez de nous dire que nos amendements n'ont pas leur place dans la Constitution. Les trois-quarts des articles que vous proposez ne devraient pas y entrer, le Conseil d'Etat vous l'a dit assez sévèrement. Mais puisque vous faites bavarder la Constitution, souffrez que nous essayons d'y introduire quelques limites, quelques repères.

Ces questions de transfert financiers sont essentielles. Dans les réunions, c'est surtout à ce sujet que les maires nous interrogent, car ils ont peur que la décentralisation ne soit une débudgétisation qui les conduira à augmenter les impôts locaux. Puisque ce ne sera pas le cas pour la TVA, pouvez-vous nous dire si vous envisagez la possibilité de différencier les taux de TIPP par région ?

A la majorité de 42 voix contre 14 sur 56 votants et 56 suffrages exprimés, le sous-amendement 241 n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Monsieur le ministre, êtes-vous pour ou contre une évaluation de la façon de dépenser l'argent public ? Quand on dit que l'intercommunalité coûte cher, comment peut-on refuser tout contrôle ? Par le sous-amendement 240, je propose qu'un rapport d'évaluation soit présenté chaque année en séance publique dans l'assemblée concernée. Il serait préparé par une commission associant majorité et opposition. Ce n'est qu'en la contrôlant qu'on réduira la dépense publique. Nous essayons de le faire au niveau national. Le faire au niveau local montrerait aux citoyens que s'ils veulent plus de services publics, ils doivent accepter l'impôt.

Au lieu de répondre que la disposition n'a pas sa place dans la Constitution, dites-nous ce que vous comptez faire.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

A la majorité de 45 voix contre 14 sur 59 votants et 59 suffrages exprimés, le sous-amendement 240 n'est pas adopté.

A la majorité de 46 voix contre 14 sur 60 votants et 60 suffrages exprimés, l'amendement 82 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Balligand - Nous en venons à une simple petite question, celle de la libre administration, principe dont nous estimons qu'il doit figurer dans la Constitution, car c'est une notion juridique bien établie. Tel est l'objet de l'amendement 190.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Rejet. L'opposition dénonce nos insuffisances rédactionnelles. Transformer le texte, comme vous le proposez, « pour assurer leur libre administration des collectivités territoriales bénéficiant de ressources dont elles peuvent disposer librement », n'est-ce pas un peu lourd ?

Mme Ségolène Royal - Je repose ma question. Envisagez-vous d'autoriser des taux différenciés pour la TIPP ? Le prix de l'essence variera-t-il d'un endroit à l'autre ?

M. le Ministre délégué - Cela n'a rien à voir.

Mme Ségolène Royal - Si, cela a à voir avec la libre administration. Les scénarios de réforme fiscale ne sont pas dévoilés. Je vous ai lu tout à l'heure une déclaration de M. Raffarin, alors président des régions de France où il exigeait de disposer des textes financiers. Il a quitté la commission Mauroy parce qu'il estimait que les informations sur les transferts financiers n'étaient pas suffisantes...

M. Jean-Luc Warsmann - Mme Royal a un conflit personnel avec M. Raffarin !

Mme Ségolène Royal - Souffrez que nous aussi souhaitions être informés. Je vous interroge une fois encore : envisagez-vous des taux différenciés de TIPP ? Sinon, à quel type de taxe additionnelle songez-vous ?

M. le Ministre délégué - A quoi bon répéter à l'infini la même question ? Je vous ai répondu tout à l'heure. Je conçois que ma réponse ne vous satisfasse pas. Ce n'est pas une raison pour poser éternellement votre question. Je n'ajouterai rien.

A la majorité de 34 voix contre 14 sur 48 votants et 48 suffrages exprimés, l'amendement 190 n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - L'amendement 23 rectifié est de simplification rédactionnelle.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné. Sagesse.

M. le Ministre délégué - Cette modification ne me paraît guère améliorer la rédaction du texte. Sagesse également.

M. le Rapporteur général - Cet amendement a le mérite de simplifier la rédaction. Je pense que ce texte nécessite que l'on supprime des mots chaque fois que c'est possible.

M. René Dosière - Très bien, Monsieur le rapporteur général.

M. le Ministre délégué - Ponctuer la phrase par « librement » me paraît avoir plus de force que de placer ce mot au milieu de la phrase.

L'amendement 23 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Emile Blessig - Le Gouvernement m'a répondu sur l'utilité de la loi organique. Je retire mon amendement 155.

M. Gilbert Gantier - Les collectivités territoriales bénéficient de dotations de l'Etat qui représentent un tiers environ de leurs ressources. Le principe de libre administration a conduit à diminuer fortement les dotations affectées, mais elles n'ont pas disparu. Voilà pourquoi, par un amendement 135, M. de Courson propose de les abroger.

L'amendement 135, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 134 est défendu.

L'amendement 134, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Jacques Myard - L'article 6 autorise les collectivités locales à déterminer l'assiette de l'impôt. Le risque existe de créer des inégalités entre collectivités territoriales, les plus riches étant tentées de minorer l'assiette, les plus pauvres étant conduites à la majorer. Est-ce une tendance à encourager ? Ne devrait-on pas supprimer cette faculté de fixer l'assiette, comme je le propose par l'amendement 55 corrigé ?

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement. C'est une réforme très importante que les collectivités puissent jouer non seulement sur les taux mais aussi sur l'assiette, qui est bien souvent sous-estimée. Cette disposition permettra d'améliorer la justice fiscale. C'est là un vrai progrès.

M. le Rapporteur général - La commission des finances n'a pas examiné non plus l'amendement. Déjà les collectivités peuvent jouer sur l'assiette par le biais des abattements. Si l'on veut plus tard faire évoluer les dispositifs de dégrèvements et d'exonération, il faut que les collectivités puissent intervenir sur l'assiette. Ne supprimons pas la marge de liberté qui leur est donnée.

M. le Ministre délégué - Même avis défavorable. Les inégalités d'assiette sont déjà considérables. La valeur locative, par exemple, est réévaluée quand l'immeuble fait l'objet d'un réaménagement. Nous voulons remettre à plat la fiscalité des collectivités territoriales, en concertation avec le comité des finances locales. Ne privez pas le Gouvernement d'un outil dont il a besoin.

M. Jacques Myard - Aurais-je mal compris ? Les abattements sont très encadrés. Surtout, l'assiette définit les éléments taxables. Est-ce que je taxe les portes et fenêtres ou est-ce que je taxe les chiens ? Voilà la question.

Tout cela est, j'en conviens, assez complexe mais à trop vouloir introduire de la souplesse, on risque de créer de nouvelles inégalités !

M. André Chassaigne - Cela serait terrible !

M. Jacques Myard - Cela dit, je retire mon amendement.

M. Augustin Bonrepaux - Je le reprends, pour interroger le Gouvernement. Lors du comité des finances locales, vous nous avez expliqué, Monsieur le ministre, que vous alliez réviser les valeurs locatives en laissant à chaque collectivité le soin de les évaluer. Si chacun fixe sa propre assiette, comment sera mise en _uvre la péréquation que vous inscrivez dans la Constitution ? C'est un problème de fond qui appelle une réponse précise. Je retire à mon tour l'amendement mais je souhaiterais que le Gouvernement s'exprime ! Nous sommes nombreux, sur tous les bancs, à poser des questions précises et nous n'obtenons aucune réponse !

M. le Président - Conformément au Règlement, vous ne pouvez retirer un amendement après l'avoir repris.

M. Augustin Bonrepaux - Alors, nous le voterons !

M. le Ministre délégué - Les questions de M. Bonrepaux veulent avoir un caractère lancinant pour participer de l'obstruction que pratique son groupe. Dans ces conditions, je ne me sens pas tenu de répondre à tous !

M. Augustin Bonrepaux - Vous n'avez pas le droit de dire cela ! Il s'agit de questions précises qui n'ont rien à voir avec de l'obstruction !

M. le Ministre délégué - Puisque vous ne voulez pas m'entendre, je m'en tiens là.

Mme Ségolène Royal - Vous nous sommez de ne pas poser de question ! Nous sommes tout de même à l'Assemblée nationale où il est d'usage de débattre...

M. Jean-Luc Warsmann - Encore faudrait-il ne pas se tromper de loi !

Mme Ségolène Royal - Nos questions vous gênent parce qu'elles sont précises. Ce débat est un théâtre d'ombres puisqu'il n'y aura pas de deuxième lecture, il a pris un caractère virtuel. Notre droit de parole et d'amendement est étouffé...

M. le Président - Je vous ai laissée parler !

Mme Ségolène Royal - Mon propos visait le président de la commission des lois qui refuse tout amendement, de droite comme de gauche. Il rejette tout ce qui n'a pas été verrouillé au préalable par le Sénat ! Quant au Gouvernement, il nous annonce un nombre considérable de lois organiques. En vertu de l'article 3 du présent texte, celles-ci seront-elles soumises en premier lieu au Sénat ? Les droits de l'Assemblée seront-ils aussi bafoués qu'ils le sont actuellement ?

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement a le devoir de répondre aux questions en relation directe avec le texte en discussion. Quant aux autres...

M. Augustin Bonrepaux - Mais elles le sont !

L'amendement 55 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - Les amendements 138, 139 et 140 de M. de Courson sont défendus.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 138 n'est pas adopté, non plus que les amendements 139 et 140.

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement une lettre m'informant qu'en application de l'article 48 de la Constitution, le Gouvernement demande que la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République se poursuive le mardi 26 novembre 2002, après les questions au Gouvernement, l'après-midi et le soir.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

Prochaine séance le mardi 26 novembre 2002 à 9 heures.

La séance est levée le samedi 23 novembre 2002 à 1 heure 5.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
MARDI 26 NOVEMBRE 2002

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Discussion de la proposition de loi constitutionnelle (n° 341) de M. Jean-Marc AYRAULT et plusieurs de ses collègues visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France.

M. Bernard ROMAN, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 379).

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Fixation de l'ordre du jour.

3. Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat (n° 369), relatif à l'organisation décentralisée de la République.

M. Pascal CLÉMENT, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 376).

M. Pierre MÉHAIGNERIE, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Avis n° 377).

A VINGT-ET-UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


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