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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 35ème jour de séance, 92ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 5 DÉCEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

        NÉGOCIATION COLLECTIVE
        SUR LES RESTRUCTURATIONS
        AYANT DES INCIDENCES SUR L'EMPLOI (suite) 2

        AVANT L'ART. PREMIER (suite) 2

        ARTICLE PREMIER 6

La séance est ouverte à quinze heures.

2-4MNM92 NÉGOCIATION COLLECTIVE SUR LES RESTRUCTURATIONS
AYANT DES INCIDENCES SUR L'EMPLOI (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi.

AVANT L'ART. PREMIER (suite)

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 25 confère un droit nouveau aux représentants du personnel et aux comités d'entreprise afin qu'ils puissent faire annuler les licenciements dont le motif économique n'est pas justifié, tels ceux destinés exclusivement à la valorisation des actions. A cette fin, la loi doit leur conférer un véritable pouvoir de contrôle et de contestation. Inspiré du droit allemand, cet amendement n'introduit pas d'interdiction de licencier, mais crée les conditions d'une véritable contestation en instaurant une sanction éventuelle en amont de la rupture des contrats de travail. Lorsque la motivation invoquée par l'employeur n'est pas conforme à la loi, les délégués du personnel et le comité d'entreprise pourront en effet s'opposer aux licenciements jusqu'à ce que le juge statue, et annule le cas échéant la décision de licenciement.

Le droit d'opposition est, de surcroît, un instrument efficace pour promouvoir les projets économiques proposés par les représentants du personnel comme alternative à la décision de licencier.

Il s'agit d'encourager une gestion citoyenne des entreprises.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Cet amendement, en créant un droit d'opposition pur et simple, va plus loin que la loi de modernisation sociale qui avait mis en place un médiateur. Vous reconnaissez d'ailleurs par là-même l'insuffisance de ce dispositif. Ce n'est cependant pas l'objet du texte dont nous débattons aujourd'hui, qui vise à suspendre la loi de modernisation sociale et à permettre ainsi aux partenaires sociaux de trouver un accord. Aussi serait-il plus judicieux de proposer ce type de mesure dans dix-huit mois si les partenaires sociaux se sont mis d'accord.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - À ce qu'a dit le rapporteur j'ajouterai que cet amendement est fort éloigné de la décision du Conseil constitutionnel sur les licenciements économiques, et risquerait donc d'être censuré.

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 26 corrigé tend à mieux encadrer l'obligation de reclassement, qui est une obligation de moyen et non de résultat à la charge des employeurs. Les juges ont développé une jurisprudence protectrice du salarié, entendant l'obligation de reclassement au sens large. Ainsi, si l'entreprise fait partie d'un groupe, l'obligation de reclassement est étendue au groupe. Le reclassement doit de surcroît s'opérer de bonne foi : il ne s'agit pas de proposer au salarié un poste subalterne, ou une rémunération largement inférieure à ce qu'il percevait.

Notre amendement reconnaît au salarié le droit de contester le sérieux ou la loyauté du reclassement. Si le juge lui donne raison, il pourra choisir entre réintégrer l'entreprise, ou percevoir une indemnité qui ne pourrait être inférieure à six mois de salaire. L'on voit en effet trop souvent des reclassements insuffisants par rapport aux possibilités économiques de l'entreprise.

Enfin, pour que le reclassement ouvre de nouvelles perspectives au salarié, il faut lui donner les moyens d'anticiper sur une telle éventualité et de se préparer à cette mobilité professionnelle, ce qui pose la question de la formation professionnelle continue, dont le champ doit être élargi.

M. le Rapporteur - Nous ne pouvons qu'être d'accord avec le fond de votre amendement. M. Fillon a d'ailleurs évoqué ce matin un compte épargne-formation. Votre amendement n'est cependant pas nécessaire, l'article 108 de la loi de modernisation sociale - devenu l'article L. 321-1 du code du travail - dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et de reclassement ont été réalisés. Le Gouvernement n'a pas prévu de suspendre cette disposition.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 26 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 1 propose une nouvelle fois d'innover en octroyant aux salariés des pouvoirs nouveaux dans la gestion de l'entreprise. Dans un souci de compétitivité économique et de modernité, il convient d'associer activement les salariés à la vie de l'entreprise, en leur accordant de véritables pouvoirs démocratiques, au lieu de les cantonner à donne un avis rarement suivi. Ils doivent pouvoir prendre part en amont de toute décision aux choix stratégiques sur des sujets aussi divers que l'emploi, la sous-traitance, l'externalisation, ou la cession de production et de services. N'oublions pas que l'employeur et les salariés _uvrent avec un même but : la pérennité de l'entreprise. Notre proposition répond à une vision progressiste du monde du travail. Notre économie et notre démocratie ont à y gagner.

M. le Rapporteur - Cet amendement comprend deux parties. Il dit d'abord que l'employeur doit étudier les avis de suggestions formulés par les représentants du personnel en matière économique et sociale. Nous souscrivons à cette idée, mais elle est déjà inscrite dans le code du travail, à l'article L. 432-1. Pour le reste, votre amendement tend à la cogestion. Or, pas un des syndicats de salariés que j'ai entendus ne semble revendiquer ce que vous proposez et qui, d'ailleurs, entraverait la liberté de gestion du chef d'entreprise, protégée par la Constitution.

M. le Ministre - Cet amendement trouve un écho dans l'article 2 du projet de loi, qui prévoit la possibilité de conclure un accord d'entreprise sur la procédure de licenciement pour motif économique, prenant en compte les propositions alternatives que le CE peut formuler.

L'amendement va toutefois bien au-delà en introduisant une obligation de résultat pour le chef d'entreprise, créant ainsi une rigidité qui rendrait sans objet la négociation que nous souhaitons voir s'engager.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 2 concerne les rapports entre les entreprises sous-traitantes - souvent des PME - et les entreprises donneuses d'ordre. Les difficultés économiques des entreprises sous-traitantes sont fréquemment la conséquence de décisions prises par une entreprise donneuse d'ordre. Le recours à la sous-traitance permet aux entreprises donneuses d'ordre d'externaliser leurs obligations en matière de licenciement économique et de reclassement. Par l'amendement 2, nous proposons de mettre en place un système souple de représentation commune des salariés des deux entreprises, sous-traitante et donneuse d'ordre, et fait de l'ensemble des deux entreprises le champ non seulement de l'appréciation de la motivation économique, mais également de l'obligation de reclassement.

L'employeur de l'entreprise sous-traitante aurait le choix entre déclencher la procédure d'information et de consultation prenant en compte les deux entreprises ou assumer seul la motivation économique. Dans ce cas, la décision de l'entreprise donneuse d'ordre ne pourrait plus constituer un motif recevable de recours au licenciement économique. Il appartiendrait à l'employeur de l'entreprise sous-traitante envisageant un licenciement collectif pour raison économique de déclencher la procédure. Les représentants du personnel de cette même entreprise auraient également ce droit. Le CE de l'entreprise donneuse d'ordre serait saisi de tout projet de nature à affecter l'emploi dans l'entreprise sous-traitante qui résulterait d'une décision de la première. Ce CE se verrait alors adjoindre, avec voix délibératives, les représentants élus de l'entreprise sous-traitante - membres du CE ou à défaut, délégués du personnel.

Ainsi élargi, le CE examinerait la motivation économique ainsi qu'un projet de plan social élaboré conjointement par les directions des deux entreprises. Il disposerait, en cas d'insuffisance du plan social, des mêmes attributions qu'un comité classique en pareille situation.

Cet amendement tend à renforcer les prérogatives des institutions représentatives des personnels et des organisations syndicales.

M. le Rapporteur - Nous comprenons votre point de vue. Nous connaissons effectivement, dans nos circonscriptions, ces enchaînements de catastrophes suscités par le dépôt de bilan d'une entreprise qui a des sous-traitants.

Mais comment imaginer la mise en place de la mécanique que vous proposez avec un CE réunissant des représentants de plusieurs entreprises ? Les entreprises sous-traitantes se comptent parfois par centaines, pour une entreprise donneuse d'ordre. La loi de modernisation sociale et le Gouvernement ne proposent pas d'abroger l'article 105, qui vise à l'information du sous-traitant. Il me semble plus judicieux de s'en tenir à cet article.

M. le Ministre - En effet, la loi de modernisation sociale comporte déjà des dispositions consacrées aux entreprises sous-traitantes. Aller au-delà et retenir cet amendement, ce serait mettre en place une usine à gaz d'une extraordinaire complexité qui rendrait plus difficile l'adaptation des entreprises à la situation économique.

M. Jean Le Garrec - L'amendement pose un véritable problème mais la réponse donnée ne me paraît pas appropriée. L'externalisation des difficultés d'une entreprise vers la sous-traitance est une réalité. Nous avons abordé ce problème dans la loi de modernisation sociale ; un amendement de M. Novelli, je crois, tend à supprimer ce que nous avons fait. L'examen de ce point sera particulièrement important dans les négociations entre patronat et syndicats.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Novelli - J'ai eu l'occasion de dire, hier soir, combien cette loi de modernisation sociale était un monstre bureaucratique, avec 233 articles traitant de problèmes divers.

J'ai découvert que l'article 48 de cette loi abrogeait la loi dite Thomas du 25 mars 1997, qui permettait à tous les salariés de bénéficier d'avantages fiscaux pour se constituer un complément d'épargne-retraite. Par l'amendement 98, nous proposons de réinstituer une législation en faveur de l'épargne-retraite.

Monsieur le ministre, vous avez dit hier soir que dans le projet de réforme des retraites, un étage de retraite par capitalisation s'ajouterait à celui de la retraite par répartition. S'il en est ainsi, je serai prêt à retirer cet amendement.

J'observe quand même que nos collègues socialistes, qui poussent des cris d'orfraie quand le Gouvernement propose de suspendre certaines mesures, n'a pas eu de scrupule lorsqu'il s'est agi, avec cet article 48, de procéder à une abrogation pure et simple, nous faisant prendre ainsi beaucoup de retard pour les retraites par capitalisation.

M. le Rapporteur - M. Novelli souhaite, si j'ai bien compris, entendre M. le ministre. Hier, ce dernier n'a exclu aucune possibilité concernant les retraites ; il veut laisser aux partenaires sociaux toute latitude. Je m'en remets à l'avis de M. le ministre.

M. le Ministre - Je souhaite, en effet, que M. Novelli retire son amendement. Le grand débat sur les régimes de retraite sera lancé à partir du mois de février et le Gouvernement fera des propositions pour consolider notre régime de retraite par répartition. L'épargne-retraite existe pour tous les fonctionnaires, pour les non-salariés non agricoles, pour les non-salariés agricoles ; elle doit pouvoir être étendue à l'ensemble de nos concitoyens. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale du 3 juillet dernier, avait indiqué que « chacun doit avoir la possibilité de compléter sa pension grâce à une incitation fiscale, par un revenu d'épargne ». Nous nous attacherons à créer les conditions de l'équité.

M. Hervé Novelli - Après vous avoir entendu, je retire mon amendement.

L'amendement 98 est retiré.

M. Gaëtan Gorce - Certaines questions concernant l'évolution du droit du licenciement ont été abordées ce matin - s'agissant de la représentation des salariés dans les instances de direction en particulier. Nous avons d'ailleurs observé que le Gouvernement ne souhaite pas d'avancées dans ce domaine.

Il nous semble nécessaire de discuter de la différence à introduire entre les licenciements justifiées par la situation conjoncturelle et les licenciements qui sont le produit d'une stratégie de compétitivité. Les règles ne doivent pas être les mêmes pour les uns et pour les autres.

Il nous semble nécessaire, enfin, d'aborder cette question à l'échelle européenne. Les restructurations peuvent faire douter certains de nos concitoyens de l'Europe : l'élargissement se ferait au détriment des normes sociales, qui sont pourtant nos valeurs communes.

Par l'amendement 61, nous proposons de réfléchir à des mécanismes associant les partenaires sociaux autour de règles simples qu'ils pourraient définir ensemble et à la bonne application desquelles ils pourraient veiller ; ce serait une sorte de code de bonne conduite. L'idée est seulement esquissée. Le groupe socialiste a souhaité l'introduire dans cette discussion car ce débat ne saurait se réduire à des échanges d'anathèmes, les uns défendant les salariés, les autres les entreprises... Il doit ouvrir des pistes, car la législation du licenciement est toujours perfectible et à retravailler. C'est dans cet esprit constructif que nous défendons cet amendement.

M. le Rapporteur - Nous comprenons bien cet esprit constructif : il s'agit de saisir les problèmes le plus en amont possible. Mais c'est un des sujets sur lesquels porteront les débats paritaires à venir, et il se retrouvera peut-être, sous une forme ou sous une autre, dans le projet de loi qui viendra dans dix-huit mois. On peut d'autre part considérer que le Conseil économique et social a déjà un peu cette vocation, de même que la commission nationale de la négociation collective. Si l'on estime que ces deux organismes ne remplissent pas suffisamment cette mission, il faudra poursuivre la réflexion pour savoir s'il faut créer une nouvelle autorité. Mais à ce stade l'amendement est prématuré.

M. le Ministre - Je remercie M. Gorce de manifester cet esprit constructif, et d'avancer des propositions qui figureront effectivement à l'ordre du jour de la discussion entre les partenaires sociaux. J'ai déjà fait part à ces derniers de mon souci de faire le bilan des instances de concertation existantes, qui peut-être ne fonctionnent pas toujours comme elles le devraient ou n'ont pas tous les pouvoirs qu'elles devraient avoir. L'idée qu'on puisse imaginer demain d'autres lieux ou d'autres méthodes pour favoriser le dialogue social s'inscrit donc bien dans la volonté du Gouvernement. Mais nous devons laisser les partenaires sociaux y réfléchir. Et nous devons éviter d'entrer dans un dispositif qui enfermerait systématiquement la négociation collective dans un cadre tripartite : il y a le paritarisme, qu'il faudrait faire vivre davantage ; il y a le Parlement et le Gouvernement, qui doivent prendre leurs responsabilités. Il n'en est pas moins vrai qu'il faut chercher une meilleure articulation, et, même si j'émets un avis défavorable sur l'amendement, nos débats permettront d'orienter les partenaires sociaux dans les négociations qu'ils vont engager.

L'amendement 61, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Un mot encore sur l'amendement précédent : s'il est, bien sûr, formulé dans le cadre de la législation nationale, c'est au niveau européen qu'une telle structure présenterait son plus grand intérêt.

Quant à l'amendement 60, il a pour but de poser le problème de la prévention des licenciements par la mise en _uvre de l'obligation d'adaptation définie par la jurisprudence et par la loi. C'est le juge qui, le premier, a en effet incité l'employeur à faire en sorte que le salarié puisse s'adapter à l'évolution de son emploi. Cette obligation a été requise dans la loi sur la réduction du temps de travail, et la loi de modernisation sociale y fait allusion. C'est désormais l'un des thèmes de la négociation quinquennale de branche, et il est souhaitable d'inciter à cette discussion au plan interprofessionnel.

M. le Rapporteur - A nouveau cet amendement manifeste un esprit constructif, et rejoint le débat que nous avons eu avec notre collègue communiste sur la nécessité de travailler le plus possible en amont et sur les conditions d'adaptation des salariés visés par une procédure de licenciement économique. A nos yeux, autant on n'apporte pas grand-chose aux salariés en ajoutant les procédures aux procédures, autant cette question de l'adaptation, et d'une sorte d'assurance-formation pour le salarié, est celle qu'il faut creuser. Mais, comme l'a dit clairement M. le ministre, le champ de la négociation qui s'ouvrira dans quelques semaines est libre et ouvert. Tous les partenaires sociaux que nous avons auditionnés souhaitent que ce champ soit aussi large que possible, et inclue notamment la formation. Plus le champ sera large, plus les partenaires accepteront de discuter de tout, et plus nous aurons de chances de parvenir à un accord équilibré, chacun ayant pu souligner ce qui lui paraît le plus important. Nous approuvons donc l'esprit de l'amendement, mais lui-même ne nous semble pas nécessaire.

M. le Ministre - Avant d'en venir à cet amendement, je veux répondre à la suggestion que fait M. Gorce d'une structure tripartite au plan européen. J'ai moi-même, au nom du Gouvernement, défendu l'idée de créer une telle structure...

M. Jean Le Garrec - Très bien !

M. le Ministre - ... qui permettrait, avant chaque Conseil européen, de réunir la Commission, les représentants des Etats et ceux des partenaires sociaux. Et cette idée figure dans la contribution française à la Convention européenne.

Sur l'amendement 60, je ne peux que confirmer les propos de M. le rapporteur. La négociation sur la formation professionnelle, que j'ai souhaitée dès mon arrivée, va s'ouvrir : les partenaires sociaux ont exprimé leur intention de s'en saisir avant la fin de l'année, et je crois même qu'un calendrier est esquissé. Ce débat s'appuiera sur les discussions qu'ils ont déjà conduites dans le passé, mais avec une incitation supplémentaire du Gouvernement pour que soit pris en considération le projet de compte individuel de formation professionnelle tout au long de la vie - ainsi que la dimension régionale de la formation, qui ne peut que s'accentuer mais qui n'est pas encore assez prise en compte par les partenaires sociaux.

M. Gaëtan Gorce - Je ne peux qu'approuver ce qu'a dit M. le ministre de la position du Gouvernement en faveur d'un sommet tripartite européen, même s'il faut rester attentifs au contenu précis des propositions. Je souhaiterais d'ailleurs - et je m'adresse au président de notre commission - que ces questions sociales à l'échelle européenne ne soient pas réservées à la délégation, mais soient discutées dans la commission. Je l'avais suggéré au précédent président. Même si ce n'est pas facile à mettre en place, il serait utile que le débat européen ne soit pas réservé aux spécialistes de l'Europe.

Pour le reste, nous devons faire attention à ce que le négociation ne soit pas trop éclatée alors que le Medef voudrait dissocier les problèmes, pourtant liés, de la formation et du licenciement.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La suggestion de M. Gorce est bonne, même si elle n'est pas facile à mettre en _uvre, comme M. Le Garrec peut en témoigner. La délégation à l'Union européenne peut certes frôler ces sujets ; et j'ai décidé d'inviter systématiquement les députés européens français aux débats ouverts de la commission. Mais on pourrait sans doute aller plus loin, et nous en reparlerons.

L'amendement 60,mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Jean-Paul Anciaux - Cet article est l'élément majeur du projet, puisqu'il suspend neuf articles, les plus nocifs de la LMS. Ces articles, introduits en cours d'examen sous la pression du groupe communiste, ont eu pour conséquence un allongement inutile des procédures. Avec mes collègues de l'UMP, nous défendrons des amendements pour pousser plus loin la simplification. Mais nous ne toucherons pas aux droits propres des salariés et au doublement des indemnités légales ; c'est la législation antérieure à la LMS qui s'appliquera.

L'objectif est clair : il s'agit de parvenir, grâce à une grande négociation interprofessionnelle, à des règles plus adaptées à la réalité économique comme aux attentes des salariés. Je souligne la nécessité d'une approche réellement préventive des licenciements, qui ne peut résider que dans l'anticipation des évolutions économiques. La reconnaissance d'un droit individuel à la formation devrait donner au salarié la garantie que ses compétences lui ouvriront des postes, et lui permettront si nécessaire de réorienter son parcours professionnel. C'est ainsi que nous entendons garantir les intérêts des salariés, sans aggraver pour autant les difficultés de gestion des chefs d'entreprise, en particulier ceux des PME-PMI. N'oublions jamais en effet que chaque année ces dernières créent les deux tiers des emplois créés dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Jacqueline Fraysse - L'article premier symbolise la volonté de la droite et du Gouvernement d'anéantir le peu de protection que nous avions pu assurer aux salariés face aux licenciements abusifs ou boursiers des grands groupes industriels. Vous supprimez les articles phares de la loi, ceux sur lesquels les salariés comptaient pour résister, et sur lesquels le Medef a jeté l'anathème. Cette attitude illustre votre peu d'intérêt pour les situations dramatiques que vivent les familles happées par les licenciements. Vous supprimez aussi l'étude d'impact sociale et territoriale préalable à tout projet de suppression d'emploi, ainsi que des avancées jurisprudentielles en matière de droit à l'information des représentants du personnel, les droits nouveaux accordés aux comités d'entreprise. Vous mettez fin à des avancées sociales progressistes comme le droit d'opposition des salariés ou la possibilité qu'ils soient écoutés sur des projets alternatifs au licenciement.

Vous vous attaquez au principe du reclassement de qualité, au pouvoir de l'inspection du travail de vérifier la régularité de la procédure.

Bref, vous battez en brèche tout ce qui permet de faire avancer la protection des salariés, qui vont se retrouver en position de faiblesse face aux licenciements. D'autre part, en proposant que l'accord d'entreprise puisse s'affranchir de toutes les garanties liées au respect de la procédure, vous déresponsabilisez les entreprises en matière d'emploi.

En fait, vous organisez le retour au pouvoir absolu des employeurs, puisque même les quelques protections légales introduites après la suppression de l'autorisation administrative de licenciement pourront être balayées par des accords d'entreprise conclus sous la pression, voire le chantage.

Les dispositions de la LMS que vous visez ne seront évidemment pas suspendues, mais supprimées. Au bout du trente mois, il ne sera pas question de les rétablir, mais d'adopter une nouvelle réglementation issue d'un hypothétique accord interprofessionnel dont la signature pourra être minoritaire.

La suppression de l'article 109, qui introduisait un peu de justice dans l'ordre des licenciements en supprimant les critères liées aux qualités professionnelles, est révélatrice. Les employeurs pourront à nouveau peser sur le choix des salariés à licencier, au détriment des plus fragiles. En définitive, vous envoyez avec votre article premier un signal fort au Medef, en supprimant un texte emblématique du précédent gouvernement. Vous voilà l'apôtre de la déréglementation du travail, du recul social, d'un monde du travail davantage à la discrétion des appétits du patronat. Aussi défendrons-nous un amendement tendant à supprimer cet article.

M. Gaëtan Gorce - L'examen des amendements précédant l'article premier aurait pu être l'amorce d'une véritable dimension sur le droit de licenciement.

Mais la déclaration d'urgence ne l'a pas permis. Pourtant, cette urgence ne se justifie pas pour la mise en _uvre du texte, puisque la LMS, que vous « suspendez » en partie, n'est que peu ou pas entrée en application. L'urgence n'est pas non plus justifiée par la situation économique, bien au contraire, car il est impossible d'imputer à une loi qui ne s'applique pas encore des dépôts de bilan ou des liquidations. La majorité a pris l'habitude d'agiter ce genre de spectres, d'intenter des procès en sorcellerie à propos des décisions du gouvernement précédent.

L'urgence s'impose pour « suspendre » la LMS, elle ne s'impose plus lorsqu'il s'agit de mettre en place des dispositions nouvelles. Pourtant, en 1986, après l'abrogation de l'autorisation administrative de licenciement, les partenariats sociaux n'ont disposé que de quelques mois pour trouver un système de substitution. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.

Il est particulièrement regrettable que le Gouvernement mette en cause, dans l'urgence, des protections et des garanties que la conjoncture rend particulièrement nécessaires.

Nous ne nous attachons pas à toute force à la LMS, qui fut adoptée dans un contexte particulier. Le droit de licenciement, nous le savons bien, est difficile à établir. Les partenaires sociaux hésitent beaucoup à s'en saisir.

Il est frappant que vous renvoyiez à la négociation des questions sur lesquelles les partenaires ne sont pas demandeurs. Je ne dis pas qu'il faut s'en réjouir. Mais ce n'est pas un hasard si, depuis la fin des années 1980, les partenaires sociaux n'ont pas souhaité traiter entre eux le problème du licenciement. Si le Gouvernement veut réellement que la négociation aboutisse, il devrait l'alimenter par des éléments substantiels, pour qu'elle ne s'installe pas dans l'apesanteur. Les partenaires sociaux ont le sentiment d'être poussés à une négociation qu'ils ne souhaitaient pas, et sans qu'elle ait été précédée d'une concertation suffisante. Sans me faire comme vous l'archiviste de citations extraites de déclarations syndicales, je rappelle que les responsables des organisations ont pour beaucoup tenu des propos très sévères sur les conditions dans lesquelles la négociation s'est engagée. Votre volonté, Monsieur le ministre, n'est pas en cause, et je le précise car je vous vois très sensible de ce côté-là, même si vous devez accepter un début de contestation. Constatons ainsi que ce n'est pas la commission nationale de la négociation collective qui a été saisie, mais la seule sous-commission, et les syndicats l'ont regretté.

Nous avons la crainte que vous avanciez masqué. L'apparition de certains amendements de la majorité donne à penser que vos intentions vont au-delà du texte qui nous est présenté. Nous attendons de votre part des garanties sur la nature et la qualité de la négociation interprofessionnelle, qui devrait par exemple revêtir un caractère majoritaire.

M. Gérard Bapt - Les neuf articles qui doivent être suspendus ne méritent pas l'excès d'opprobre auquel les voue la majorité, bien au contraire. Est-il contestable, en effet, de vouloir organiser les conditions d'une décision de fermeture d'un établissement de plus de cent salariés, qui représente parfois la seule ressource fiscale notable d'une collectivité locale ? Est-il illégitime d'exiger, face à un choix délibéré, que la direction démontre l'impérieuse nécessité industrielle de sa décision, qui va mettre à mal un bassin d'emploi ? Est-il illégitime que les salariés puissent exiger une information économique complète sur une décision qui les concerne au premier chef ? Est-il illégitime, pour les élus et les acteurs locaux, d'obtenir une étude d'impact social et territorial ? Tous les élus locaux qui sont ici ne sont-ils pas convaincus du contraire ? Affirmer que la suspension proposée est destinée à ouvrir la négociation sociale ne tient pas, et le dialogue social territorialisé que vous prétendez promouvoir contredit votre projet de décentralisation. Pourquoi ne pas s'inspirer de la Suède ou de l'Italie, où existent des mécanismes de régulation territoriale ?

Or l'article premier nous ramènerait à un scénario bien connu dans le passé : un important employeur du canton annonce la fermeture pour cause de restructuration ou de délocalisation ; s'ensuivent la convocation du comité d'entreprise, la présentation d'un plan social sans motif économique sérieux, colère et grève, opération ville morte et pour finir indemnités de licenciement et préretraites. De ce scénario sont absents les autres acteurs économiques locaux et les élus, qui souvent se sont beaucoup investis pour accueillir l'entreprise sur leur territoire. C'est ce qui s'est passé chez moi : à la Bastide-Saint-Pierre, le groupe Valéo a annoncé qu'il se désengageait de son activité de câblage en mars 2002. En conséquence, 460 emplois seront supprimés d'ici septembre 2003. Cependant, une démarche de gestion prévisionnelle de l'emploi a été mise en _uvre sur une période de dix-huit mois, en harmonie avec les dispositions de la LMS. Des mesures de reclassement et de formation ont été adoptées, accompagnées d'une allocation temporaire dégressive pour compenser une éventuelle perte de salaire. Il manque une des actions prévues par la loi de modernisation sociale, la participation du groupe à la réindustrialisation du bassin d'emploi.

Une autre information vient de tomber concernant ce même bassin d'emploi : la vente par la SNECMA de l'entreprise CINCH, située à Villemur-sur-Tarn et comptant 360 salariés, à un groupe américain, ce qui laisse craindre le transfert ou la suppression de cette activité. Avec votre projet, l'affaire pourrait se régler en quelques mois.

De lourds risques pèsent sur certains territoires et vous supprimez les quelques moyens d'action dont disposaient les responsables locaux. Avez-vous prévu un dispositif de substitution ?

M. Jean Le Garrec - Cet article est le plus important du texte, c'est clair.

Je voudrais répondre à certaines remarques. Il est inexact que la loi de modernisation sociale ait été élaborée sous la pression du groupe communiste : le texte avait été déposé dès le 24 mai 2000, simplement le débat au Parlement s'est engagé trop tard et, le climat ayant changé, il a été rude.

Ce n'est pas un texte bureaucratique. Tout gouvernement, au cours d'une législature, doit mettre à plat et corriger certaines dispositions ; le Sénat y a d'ailleurs contribué puisqu'il a introduit quarante articles nouveaux.

Je passe sur certains termes déplaisants employés à mon égard : archaïsme, incompétence etc. Le vrai débat, c'est la recherche du point d'équilibre entre les nécessités des entreprises et la défense des intérêts des salariés, point d'équilibre qui varie d'ailleurs dans le temps.

Vous suspendez pour dix-huit mois - c'est long, soit. Pour ma part je ne pense pas que le Medef et les organisations syndicales puissent parvenir à un compromis satisfaisant sur les problèmes du licenciement. J'aimerais me tromper. Mais autant je crois que la négociation peut aboutir sur d'autres points, comme la formation professionnelle, autant cela me paraît peu probable sur ce sujet-là. Si vous y parvenez, Monsieur le ministre, je serai le premier à vous en féliciter !

Je considère, en effet, que l'insuffisance de la démocratie sociale dans notre pays est au c_ur de nos débats. J'ai organisé en 2000 un colloque sur cette question avec la participation du Medef, des syndicats, des PME, de l'opposition de l'époque. J'ai bien vu les blocages, les difficultés. Poser ce problème sur le sujet le plus difficile, c'est en compliquer la solution. Mais c'est l'avenir qui répondra...

Mme Jacqueline Fraysse - Notre amendement 3 vise à supprimer l'article premier pour les raisons que j'ai déjà développées.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 62 a le même objet. Il n'est pas nécessaire de suspendre une partie de la loi de modernisation sociale pour que la négociation puisse s'engager. Il est grave de baisser la garde au moment où le chômage augmente et les prétextes invoqués pour suspendre la loi ne pèsent rien par rapport à la multiplication des plans sociaux.

Enfin cette mesure de suspension ouvre la porte à d'autres, souhaitées par certains lobbies. Ce débat révélera d'ailleurs la vérité sur ce qu'est l'UMP et il risque de nous mener beaucoup plus loin que ne le voulait le Gouvernement, qui préfère, lui, avancer masqué et se défausser sur les négociations sociales.

Mme la Présidente - Sur les amendements de suppression, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur - L'article premier est effectivement le c_ur du texte et s'il est logique que nos collègues socialistes et communistes en demandent la suppression, il n'est pas question pour nous de le retirer.

Je rappelle qu'il suspend un certain nombre d'articles de la loi de modernisation sociale, appelle à la négociation collective pour aboutir à un nouveau projet de loi et organise des mesures transitoires.

Je tiens à souligner que les articles suspendus ne touchent pas aux droits des salariés, mais uniquement aux procédures. L'objectif n'est certainement pas de réduire la protection contre les licenciements dans une période difficile.

M. le Ministre - Le Gouvernement est contre ces amendements, qui suppriment un des principaux articles du texte.

M. Le Garrec a déclaré qu'il croyait que le Gouvernement souhaitait vraiment aboutir à un accord interprofessionnel mais que, pour sa part, il doutait de la possibilité d'y parvenir. Quelques instants plus tard, M. Gorce a reproché au Gouvernement d'avancer masqué et de se défausser sur les partenaires sociaux pour qu'ils traitent à sa place un sujet difficile. Je m'inscris en faux contre cette deuxième interprétation. Il aurait été plus simple pour le Gouvernement d'abroger purement et simplement les articles en question. Cela n'aurait pas pris plus de temps, ni fait plus de bruit. En les suspendant et en s'engageant à revenir devant vous dans dix-huit mois avec un texte, le Gouvernement se complique la tâche. Mais cette accusation est sans doute pour M. Gorce une façon d'exprimer son regret de ne pas avoir fait confiance aux partenaires sociaux quand il était dans la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - Notre seul regret, c'est que vous détruisiez tout ce que la majorité plurielle a bâti pendant cinq ans, et je crains que le pays finisse par l'éprouver également, car vous allez aggraver la situation économique et sociale. L'opposition n'a qu'un point de vue, qui est aussi celui des partenaires sociaux : il fallait engager la négociation non en suspendant la loi, mais sur la base des textes existants. Sans doute considérez-vous qu'ils offrent des garanties trop importantes aux salariés. Bien entendu, nous ne pouvons que souhaiter que la négociation aboutisse pour substituer des garanties conventionnelles au vide juridique que vous instituez. Mais il faudrait sans doute qu'elle s'engage dans d'autres conditions, que vous indiquiez vos grandes orientations et que vous garantissiez que la solution que vous reprendrez aura fait l'objet d'un accord majoritaire.

A la majorité de 35 voix contre 12 sur 48 votants et 47 suffrages exprimés, les amendements identiques 3 et 62 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Paul Anciaux - L'amendement 99 tend à rendre aux partenaires sociaux leur pouvoir de fixer les règles relatives aux licenciements et donc à abroger l'ensemble des dispositions concernant la prévention des licenciements, l'information des représentants du personnel et la lutte contre la précarité de l'emploi, pour revenir au droit antérieur en attendant le résultat des négociations. Le Gouvernement a voulu agir de façon plus progressive, nous en prenons acte, et M. Novelli m'a indiqué qu'il souhaitait retirer cet amendement. A titre personnel, je demande simplement au ministre d'être attentif aux amendements adoptés par la commission.

M. Jean-Michel Fourgous - Même les partenaires sociaux le reconnaissent, la LMS n'est pas bonne et il ne faut plus tarder pour dissiper le climat de défiance qu'elle a instauré, qui a conduit à une détérioration de l'image de la France et à une inflation de licenciements pour motifs personnels. Si elle est seulement suspendue, l'un des partenaires sociaux n'aura pas intérêt à négocier. Allons plus loin et supprimons toute référence légale. Nous n'avons pas touché aux 35 heures, bien que le Président ait été élu avec 82 % des voix (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais la LMS joue un rôle déterminant dans le recul de la France au 79e rang sur 80 pays en ce qui concerne l'attractivité. Mieux vaut l'abroger et laisser le champ libre aux partenaires sociaux. C'est l'objet de l'amendement 43.

M. le Rapporteur - Le Gouvernement s'est inscrit dans une autre logique. Certains auraient souhaité l'abrogation, qui aurait favorisé les employeurs, d'autres qu'on laisse les choses en l'état, favorisant plus les représentants des salariés. Le Gouvernement a choisi la voie médiane. Je souhaite que l'on respecte l'équilibre du texte et qu'on rejette cet amendement.

M. le Ministre - Si les partenaires sociaux, en particulier le Medef, avaient indiqué qu'ils engageraient en tout état de cause la négociation, la question de l'abrogation aurait pu se poser. Mais face à un refus absolu de négocier sur cette question, le Gouvernement a dû mettre en _uvre cette stratégie de la suspension pour les y contraindre. Je demande à la majorité de laisser cette stratégie réussir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - Un certain nombre de membres de la majorité ont du mal à saisir les subtilités du Gouvernement lorsqu'il parle de suspension pour ce qui est en fait une abrogation. Ils veulent donc écrire noir sur blanc ce qu'il en est. Mais le plus préoccupant, c'est que le ministre s'emploie surtout à résister à ceux qui veulent aller plus loin, plutôt que de mener une réforme maîtrisée. Cela ne peut que nous inquiéter pour l'avenir.

M. Jean-Michel Fourgous - Nous sommes ici pour être solidaires avec le Gouvernement et nous appartenons à la famille de l'UMP (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Le ministre n'est pas responsable du mauvais climat social qui oblige à présenter ce texte, et qui est le résultat de la politique menée par l'actuelle opposition. Je retire l'amendement par solidarité avec le ministre, mais j'espère qu'il a entendu mon message.

L'amendement 43 est retiré.

Mme la Présidente - Les amendements 33, 46 et 100 sont en discussion commune. Sur le vote de l'amendement 33, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Mme Chantal Bourragué - L'amendement 33 ajoute à la liste des articles suspendus l'article 96 qui oblige à négocier sur les 35 heures avant de présenter un plan de sauvegarde de l'emploi. D'une part, nous sommes en train d'assouplir la mise en _uvre des 35 heures. D'autre part, cette disposition semble laisser croire que réduire le temps de travail préserve l'emploi.

M. Jean-Michel Fourgous - L'article 96 était une réponse médiatique au plan social chez Michelin. C'était bien peu sérieux. Cette disposition allonge les procédures, elle est redondante avec le code du travail, et des assouplissements des 35 heures sont désormais prévus. Supprimons, en adoptant l'amendement 46, cet article qui n'honore pas l'intelligence française que le monde entier reconnaît.

M. Jean-Paul Anciaux - L'amendement 100 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission a accepté l'amendement 33. Ne revenons pas sur les 35 heures. Elles n'ont pas créé beaucoup d'emplois.

M. Jean-Michel Fourgous - Elles en ont détruit !

M. le Rapporteur - Simplement, il s'agit ici des grandes entreprises et elles sont presque toutes passées aux 35 heures. L'article 96 n'a donc plus guère d'objet. Même si la commission n'a pas accepté les amendements 46 et 100, leur esprit est le même.

M. le Ministre - Ces amendements sont de cohérence avec la loi sur l'assouplissement des 35 heures. Si la réduction du temps de travail peut effectivement apparaître comme un instrument défensif face aux difficultés des entreprises, c'est d'abord à ces dernières et aux salariés qu'il appartient, dans le cadre d'un dialogue, d'utiliser ces solutions, qui ne sauraient leur être imposées. Le Gouvernement est donc favorable à ces amendements, et en particulier à l'amendement 33.

Mme Odile Saugues - La majorité fait décidément régner dans l'hémicycle un parfum de revanche sociale, et démontre que ses déclarations pleines de compassion lors de l'affaire Michelin n'étaient que des larmes de dame patronnesse. Qu'a voulu faire le législateur en introduisant cette disposition dans le code du travail ?

M. Jean-Michel Fourgous - Développer la lutte des classes !

Mme Odile Saugues - Avant d'envisager le licenciement économique et de présenter un plan social, l'employeur devait avoir exploré toutes les pistes pour préserver l'emploi, et notamment la réduction du temps de travail. Le nier reviendrait à oublier les résultats incontestables de la loi Aubry et de la loi de Robien.

M. Richard Mallié - S'il vous plaît, n'en parlons pas !

Mme Odile Saugues - M. de Robien est chez vous, Messieurs ! Oui, la réduction du temps de travail permet d'éviter les licenciements économiques, elle favorise la création d'emplois, et participe au dialogue social et au progrès pour les salariés. Votre exposé des motifs et la négation de ce processus historique laissent à penser que Thémistocle Lestiboudois n'est pas mort. Cet honorable parlementaire du Nord estimait qu'interdire le travail aux enfants de moins de dix ans les empêcherait de produire un travail de qualité plus tard !

En affirmant que la réduction du temps de travail n'est pas un outil de préservation de l'emploi, vous remettez en cause la nature même du plan social et des mesures d'accompagnement. Avec ce dispositif, que vous dénonciez hier comme un gadget inopérant, nous invitons les partenaires sociaux à engager des négociations sérieuses et loyales. Les signataires de cet amendement devraient d'ailleurs prendre acte de l'exemple du groupe Michelin qui a fini par ouvrir des négociations et conclure un accord qui prévoit 1 000 embauches. Il a signé une convention de cessation anticipée d'activité qui se traduira par l'embauche de 2 000 personnes dans ses usines françaises, en contrepartie du départ de 4 900 salariés de plus de 57 ans.

M. Jean-Michel Fourgous - C'est de la manipulation !

Mme Odile Saugues - Par ailleurs, cette disposition permet une utilisation plus vertueuse des fonds publics dans le cadre des plans sociaux, évitant des dérives que nous dénonçons régulièrement.

Votre amendement illustre clairement nos clivages en matière économique et sociale ; nous ne considérerons jamais que la liberté d'entreprendre, c'est la liberté de licencier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Jacqueline Fraysse - Je suis également indignée par cet amendement qui contredit toutes vos déclarations vertueuses sur le développement économique, le dialogue social, la liberté d'entreprendre...

M. Jean-Michel Fourgous - Et l'emploi !

Mme Jacqueline Fraysse - Vous êtes ici dans le registre de la basse vengeance, et la pauvreté de vos arguments témoignent de votre ignorance du dossier Michelin.

M. Jean-Michel Fourgous - Éclairez-nous !

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement Michelin s'inscrivait dans une démarche de dialogue social, subordonnant le licenciement économique à de véritables difficultés économiques. En le supprimant, vous cautionnez les licenciements boursiers, réalisés au mépris de l'intérêt national et de l'intérêt économique, dans la seule perspective d'une spéculation.

De surcroît, la Cour de cassation avait, dans un arrêt du 20 janvier 2002, posé en principe l'obligation de négocier la réduction du temps de travail afin de préserver l'emploi. En voulant briser l'avancée jurisprudentielle de la Cour de cassation, la droite va au bout de sa démarche contre les salariés de ce pays : elle montre là son vrai visage.

Mme Chantal Bourragué - Décidément, nos analyses divergent.

M. Gaëtan Gorce - En l'occurrence, cela nous rassure !

Mme Chantal Bourragué - Avec l'application de la loi Aubry, toutes les grandes entreprises sont aujourd'hui passées aux 35 heures (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous n'agissons donc pas contre les salariés, mais dans le sens d'une simplification juridique. M. Le Garrec s'interrogeait lui-même hier soir sur la nécessité de maintenir cette mesure.

Il est évident que nous n'avons pas le même projet social. Contrairement à vous, nous pensons que la confiance doit régner entre les partenaires sociaux, et que des règles trop rigides ou complexes n'améliorent nullement le fonctionnement de la société.

M. Maxime Gremetz - Vous dites que toutes les entreprises sont passées aux 35 heures, mais il peut en rester une qui n'ait pas appliqué la loi ! En réalité, vous adressez un signal fort au Medef pour compenser le fait que vous ayez seulement « assoupli » les 35 heures !

Vous voulez enterrer une disposition hautement symbolique au regard de l'expérience Michelin. Si, non contents de supprimer les lois favorables aux salariés, vous supprimez aussi les symboles, il ne va plus rien rester !

M. Richard Mallié - On simplifie !

M. Maxime Gremetz - M. le rapporteur nous disait, il y a un instant, que nous étions dans une économie ouverte. Cela ne veut pas dire une économie privée ! Avez-vous vu ce journal du soir qui titrait, à propos de France Télécom, « Le début de la fin de l'économie mixte en France ! » En effet, nous sommes en train de tout privatiser !

M. Richard Mallié - Et que faites-vous des 105 000 salariés concernés ?

M. Maxime Gremetz - Nous continuerons à nous battre avec force pour nos convictions, et demandons un scrutin public.

M. Jean Le Garrec - À Mme Bourragué qui m'a cité, je répondrai que la plupart des grandes entreprises - voire la totalité - étant passées aux 35 heures, la suppression de cet amendement est un geste purement politique. Par ailleurs, l'amendement Michelin concernait des entreprises de plus de 50 salariés, qui ne sont pas toutes passées aux 35 heures. Non seulement je doute des possibilités d'aboutir à une négociation, mais j'ai la certitude que vous menez une politique à risques sociaux, dans un contexte économique altéré.

A la majorité de 39 voix contre 11, sur 50 votants et 50 suffrages exprimés, l'amendement 33 est adopté.

Mme la Présidente - Les amendements 46 et 100 sont satisfaits.

M. Gaëtan Gorce - Je voudrais faire un rappel au Règlement sur la base de l'article 58. Le Gouvernement avance masqué, mais se dévoile parfois pour être reconnu de ses partisans les plus extrêmes. Cela me rappelle cette publicité qui promettait d'enlever le bas après avoir enlevé le haut ! (Sourires)

Le groupe socialiste ne peut pas accepter ce dérapage. Je demande dix minutes de suspension de séance pour réunir mon groupe.

Mme la Présidente - Je vous accorde cinq minutes.

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 16 heures 55.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 63 vise à supprimer la référence « 97 » dans le I de l'article premier.

L'article 97 avait permis d'introduire un chapitre IX aux dispositions du code de commerce, et particulièrement l'article L. 239-1 qui précisait que « toute cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome concernant au moins cent salariés doit être précédée, lorsque cette cessation n'est pas imputable à une liquidation de la société dont relève l'établissement, d'une décision des organes de direction et de surveillance dans les conditions définies » par ailleurs.

Le même article disposait que cette décision devait être prise après consultation du CE et que les organes de direction et de surveillance devaient être en mesure de statuer au vu de la présentation d'une étude d'impact. Le projet va jusqu'à suspendre des articles qui n'avaient pas pour objet principal la renégociation, mais l'organisation décisionnelle. La loi avait eu pour objectif d'éviter que le chef d'entreprise soit seul à prendre la décision de cessation d'activité, en y associant les organes de direction et de surveillance de la société, mais également d'informer davantage ces derniers pour les sensibiliser aux conséquences sociales du projet de restructuration.

En supprimant ce dispositif, vous portez atteinte à la fois aux intérêts de l'entreprise et à ceux de la collectivité. Aux intérêts de l'entreprise car, comme l'a rappelé le rapport Bouton, l'hypothèse d'une amélioration des pratiques de gouvernance d'entreprise doit être maintenue ; aux intérêts de la collectivité car en prévoyant la présentation de l'étude d'impact, la loi permettait que les incidences soient effectivement évaluées très en amont de la mise en _uvre du projet de restructuration lui-même.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Certes, aucun d'entre nous, qui sommes, pour la plupart, des élus locaux, ne peut se désintéresser des conséquences sociales et territoriales en cas de cessation d'activité. Mais les décrets, sur ce sujet, ne sont pas sortis, ces procédures ne répondant pas, de toute façon, au caractère dramatique de l'enjeu.

M. le Ministre - La discussion sur le fond avec les élus du personnel aura toujours lieu, et la compétence du CE n'est en rien affectée. L'article 97 ne fait que formaliser les procédures en amenant les partenaires sociaux à s'attacher à la mise en forme d'un document d'étude d'impact au lieu de favoriser la discussion de fond. Sa suspension est donc justifiée. Les partenaires sociaux apprécieront, dans le cadre de la négociation, la manière d'organiser les échanges entre les acteurs locaux du dialogue social. S'il faut aller plus loin, ils le proposeront, et le Gouvernement le soumettra ensuite au Parlement.

M. Gaëtan Gorce - M. le ministre ne nous a pas répondu quant à son intention de publier le décret sur la réindustrialiation des bassins d'emploi.

L'amendement 63, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 64 repose sur une argumentation similaire, et tend à supprimer la référence à l'article 98. Je note que, contrairement à ce qu'a dit M. le ministre, le dispositif des articles 96 et 97 était préalable à la décision, et c'est là l'important.

L'amendement 64, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 65 a pour objet de supprimer la référence à l'article 99 de la LMS, qui introduisait à l'article L. 321-3 du code du travail un deuxième alinéa nouveau. Il s'agissait de mettre en cohérence les dispositifs, prévus par le code du travail, de consultation des instances représentatives des personnels, avec les dispositifs, prévus par le code de commerce, de consultation des organes dirigeants de l'entreprise. L'article 99 a mis fin à un flou juridique, né d'une accumulation de décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation, d'où résultait que les deux processus devaient avoir lieu séparément, tout en pouvant être concomitants, mais en restant distincts. L'article 99 a repris l'ensemble de ces dispositifs et organisé de façon précise les modalités de concertation, dans le cadre du code du travail comme du code de commerce.

Si vous incluez cet article dans le champ de la suspension, vous allez recréer la situation antérieure, dont tout le monde, y compris au Sénat, déplorait la confusion. Vous ouvrirez en outre une nouvelle étape dans la jurisprudence. Extraire cet article du champ de la suspension devrait pouvoir recueillir votre accord : il s'agit de ne pas ajouter à la complexité jurisprudentielle.

M. le Rapporteur - L'article 99 partait d'un souci légitime d'informer toujours le plus en amont possible, notamment sur les conditions économiques dans lesquelles évolue l'entreprise. Le problème est la traduction qu'a reçu ce souci, et c'est pourquoi la commission a rejeté l'amendement : avec l'article 99, en phase un, on est déjà dans une procédure où l'on sait qu'il y aura restructuration, avec des conséquences sur l'emploi. De ce point de vue, donc, on n'améliore pas l'information sur le contexte économique, et on crée une période d'attente, qu'on peut juger utile, mais aussi difficile à vivre pour les personnes concernées. Si les partenaires sociaux, dans le cadre des discussions qu'ils vont engager, peuvent aboutir à un système permettant d'informer plus en amont, ce sera une o_uvre utile. Mais c'est plutôt dans dix-huit mois qu'il sera possible d'envisager un amendement de ce type, peut-être dans une rédaction résultant de leurs travaux.

M. le Ministre - Avis défavorable. La non-concomitance des procédures est source de beaucoup de difficultés pour les entreprises. Depuis six mois je reçois des délégations syndicales, y compris d'une ville chère à M. Gremetz, qui m'alertent sur les difficultés qui en résultent, notamment pour mettre en place des solutions de réindustrialisation ou de reprise, qui exigeraient une plus grande réactivité. Supprimer la référence à l'article 99 toucherait au c_ur la réforme que nous proposons.

M. Maxime Gremetz - Je ne m'étonne pas que vous refusiez cet amendement. Vous voulez revenir à la concomitance des deux procédures, celles du livre III et du livre IV. Nous les avions séparées précisément parce que, si elles sont concomitantes, le comité d'entreprise n'a plus la possibilité de contester le bien-fondé économique des licenciements. C'est bien pourquoi la loi de modernisation sociale introduisait un droit d'opposition avec recours suspensif, qui permettait au comité d'entreprise de donner son avis sur les motifs prétendument économiques - en fait bien souvent boursiers - des licenciements, et de faire des contre-propositions, que la direction était obligée d'examiner. Il pouvait se faire qu'un accord intervienne ; à défaut, il y avait le médiateur, puis le tribunal. Le présent projet revient à empêcher le CE ou les délégués du personnel de s'exprimer sur le bien-fondé économique du licenciement. Pourtant ce n'est pas parce qu'une direction juge nécessaire de licencier qu'on ne peut pas faire autrement. Il peut y avoir des contre-propositions.

Et ne nous parlez pas d'allongement des procédures. API, une entreprise d'Amiens qui travaille depuis des années pour Whirlpool, vient d'apprendre que celle-ci met fin à ses marchés. Demain le tribunal prononcera peut-être la liquidation d'une entreprise. A-t-on pensé à ses salariés ? Ont-ils eu leur mot à dire ? Non. Ensuite on déplorera l'aggravation du chômage... En plus, les salariés n'ont pas été payés depuis novembre. Ce sont des femmes, avec des familles, et elles vont se retrouver sans rien, dans une région sinistrée ! Alors on peut faire des discours, me dire que je n'ai pas le monopole du c_ur, mais en attendant c'est moi qu'elles appellent et qui dois essayer de voir ce qu'on peut faire pour que demain le tribunal ne leur dise pas : c'est fini ! J'ai été délégué du personnel. J'en ai vu, des plans sociaux, sans avoir mon mot à dire... Et rappelez-vous Yoplait. Le tribunal de commerce avait jugé le licenciement injustifié et ordonné la réintégration des salariés - pourtant c'était avant la LMS. Mais il avait décidé au bout de huit mois... Quand les salariés sont revenus, il n'y avait plus de machines, plus rien ! Alors ne nous parlez pas de la longueur des procédures : elle n'a pas attendu la loi de modernisation, bien au contraire !

L'amendement 65, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Chantal Bourragué - L'amendement 34 tend à suspendre également l'article 100. Il est indispensable que les salariés soient informés le plus tôt possible. Mais l'obligation de consulter le comité d'entreprise avant toute décision ayant des conséquences pour l'emploi existait déjà dans le code du travail. Les dispositions de l'article 100 n'ont donc rien ajouté. La notion d'« annonce publique » qui y figure est de plus en contradiction avec le droit boursier et les sanctions qui frappent le délit d'initié. C'est donc dans un souci de sécurité juridique que nous proposons de suspendre l'article 100, sans vouloir porter tort en quoi que ce soit à l'information et à la consultation des comités d'entreprise.

M. Jean-Michel Fourgous - L'article 100 est source de contentieux. La notion d'« incidence » est difficile à définir. En outre, le dispositif est redondant avec le code du travail et la jurisprudence. Il a été adopté dans le cadre d'un jeu médiatique, au détriment de l'intérêt de notre économie. Mieux vaudrait oublier le médiatique, et se préoccuper des entreprises qui créent la richesse du pays et paient les salaires des députés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Plutôt que d'être délégué du personnel toute sa vie, M. Gremetz devrait créer son entreprise. Il serait beaucoup plus crédible (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Donnez-moi des sous pour le faire !

M. Jean-Michel Fourgous - Moi, j'ai emprunté 50 000 F à mes parents pour créer ma petite entreprise (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Enfin, je suis surpris qu'une majorité ait pu voter une disposition qui pousse l'entrepreneur à commettre un délit d'initié. Il devra donc choisir entre délit d'entrave et délit d'initié ! Bravo aux parlementaires de l'époque ! Mon amendement 42 tend donc à suspendre l'article 100. L'amendement 101 est identique.

M. le Rapporteur - La commission a adopté les trois amendements. Comme l'a dit Mme Bourragué, l'article 100 pose un problème juridique : quelles sont les annonces qui peuvent être faites, et lesquelles ne le peuvent pas, avant ou après la révision ? Les interprétations divergent. En outre, nous relevons une contradiction avec le droit boursier.

Cependant, nous sommes choqués lorsque des salariés apprennent par la presse que leur emploi va être supprimé. Il y va de la responsabilité et de l'humanité des chefs d'entreprise, qui heureusement ne procèdent pas tous de cette manière. On peut attendre d'eux, dans des circonstances aussi dramatiques, un peu plus de doigté et de tact, pour ne pas dire plus. Nous avons été choqués par des annonces publiques anticipées, avant que les salariés soient informés.

M. le Ministre - Avis favorable aux amendements. Les dispositions de l'article 100 sont inutiles, et accroissent la confusion, sans apporter aucune compétence nouvelle au comité d'entreprise. La directive communautaire sur l'information-consultation impose une consultation en temps utile, et elle vaut pour toute l'Union européenne.

L'encouragement à la négociation dans l'entreprise que je vous propose offrira davantage de garanties aux institutions représentatives du personnel.

M. Maxime Gremetz - Les salariés connaissent mieux les entreprises que les patrons, qu'on n'y voit pas souvent (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Si vous voulez, donnez-moi de l'argent, puisque vous en avez beaucoup, et je créerai mon entreprise, qui marchera bien !

Dans les entreprises où existe un comité d'entreprise - car la plupart n'en ont pas,...

M. Jean-Michel Fourgous - Savez-vous pourquoi ?

M. Maxime Gremetz - ... la Cour de cassation a pris une bonne décision : s'il n'existe pas de comité d'entreprise, et qu'un constat de carence n'a pas été dressé, l'entrepreneur est considéré comme responsable de cette situation. Les juges sont meilleurs que vous, du moins sur ce point. Oui, le comité d'entreprise doit être informé et consulté avant d'annoncer la décision. Mais de quoi s'agit-il ? « Comité d'entreprise, êtes-vous d'accord pour ce plan de licenciement ? » « - Non - Alors, au revoir Messieurs ! », et le plan de licenciement entre en vigueur. Voilà comment cela se passe. Et vous trouvez que c'est encore trop ? On peut faire de grands discours sur le dialogue social. Mais le dialogue social, il doit avoir lieu concrètement avec le comité d'entreprise, avec les salariés élus démocratiquement, et responsables...

M. Jean-Michel Fourgous - Sur leurs biens propres ?

M. Maxime Gremetz - ... Ne me provoquez pas ! Vous ne connaissez l'entreprise que d'un bout, lorsqu'il s'agit d'aller ramasser des jetons...

Je suis résolument hostile aux amendements et je suis sûr que l'Assemblée, dans son immense sagesse, votera contre.

M. Gaëtan Gorce - Nous assistons à une initiative choquante. Le Gouvernement semble avoir tardé à comprendre l'intérêt de « suspendre » aussi l'article 100. En réalité, tout cela est cousu de fil blanc. Les croisés de la libre entreprise, qui n'ont pas les subtilités du Gouvernement, réclament haut et fort ce que le Gouvernement est disposé à céder plus discrètement. Depuis quelques minutes, la majorité remet symboliquement en cause des dispositions adoptées en réaction à des événements graves, et qui signifiaient que, entre l'entreprise et les salariés, il ne peut exister qu'un rapport de dignité. Quand un chef d'entreprise fait une annonce publique qui va avoir des effets directs sur l'emploi sans jamais en avoir informé les représentants du personnel, quand vous apprenez à la télévision qu'on va supprimer votre emploi, on peut se dire que la société ambiante n'est pas très équilibrée.

Je regrette que le Gouvernement, au lieu de s'être déclaré dès le départ, fasse faire le « sale boulot » par sa majorité. Il s'agit bien de revenir sur certaines garanties sociales sous prétexte d'assouplir le droit du licenciement. Je remercie les auteurs des amendements de dévoiler la vérité. Tout cela est le fruit d'une stratégie mûrement réfléchie du Gouvernement.

Enfin, quand j'entends certains propos et que j'ai encore dans l'oreille les accusations d'archaïsme qui nous étaient prodiguées hier, je me demande où est l'archaïsme ?

M. Jean-Michel Fourgous - Archaïsme et démagogie !

M. François Guillaume - Oui, il convient de supprimer l'article 100 pour des raisons juridiques.

Parce que M. Gremetz n'a pas vécu l'entreprise de l'intérieur (M. Gremetz s'exclame vivement), il sous-estime la capacité des salariés. Dans l'entreprise, quelle qu'elle soit, l'information circule. On ne découvre pas du jour au lendemain que des difficultés existent et que des licenciements menacent. Tout cela se sait, se discute, pour chercher d'autres solutions. La direction de l'entreprise ne s'entoure pas d'un mur de silence. Avant toute chose, elle dialogue avec les principaux responsables et les représentants du personnel pour voir s'il est possible d'éviter des décisions irrémédiables.

Les amendements 34,42 et 101, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Par les amendements 66 et 67, nous proposons de revenir sur la suspension des articles 101 et 102.

C'est vrai que les masques sont tombés : il y a quelques instants, la droite invoquait l'article L. 432-1 du code du travail, maintenant elle propose la suspension d'une disposition qui avait précisément pour objet de structurer cet article.

En fait la majorité remet en cause, en service commandé, les éléments que le Gouvernement ne veut pas contester directement, notamment la consultation du comité d'entreprise : il n'y aura plus qu'une simple communication au comité d'entreprise.

M. le Rapporteur - Je ne suis pas d'accord avec cette interprétation. Le texte parle de consultation.

L'article 101 concerne aussi le rôle du médiateur : je note que vous n'avez pas mis un grand empressement à définir la liste des personnalités qui pourraient jouer ce rôle. Cet article n'est que suspendu. Si les partenaires sociaux considèrent que le médiateur est indispensable, il pourra être rétabli.

M. le Ministre - Le Gouvernement est hostile aux amendements. Un médiateur ne peut être imposé, il doit être accepté par les deux parties, sinon cela devient une cause de conflit supplémentaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je rappelle que le code du travail, dans son ancienne rédaction, ne parlait pas de consultation, mais seulement d'information. C'est la loi de modernisation qui a introduit un dispositif de discussion. Le décret relatif au médiateur a bien été publié au Journal officiel du 5 mai 2002 et la liste des médiateurs fixée par arrêté du ministre du travail, mais elle n'a pas été publiée par la nouvelle majorité.

M. Maxime Gremetz - Au départ, la proposition du groupe communiste ne prévoyait pas de médiateur, mais nous l'avons accepté. La ministre du travail de l'époque a fait valoir qu'il fallait éviter de judiciariser les conflits du travail, ce qui n'est pas forcément un argument valable. Mais le médiateur peut jouer un rôle positif. Malheureusement la liste des médiateurs n'a jamais été publiée, ce qui fait que nous n'avons pas pu utiliser cette disposition lors de l'affaire Whirlpool. D'ailleurs, Monsieur le ministre, je répète qu'il n'y a pas eu un seul cas de licenciement collectif où la loi de modernisation sociale ait pu être appliquée.

M. le Ministre - Si !

M. Maxime Gremetz - Eh bien je serais content de savoir lequel !

M. Guillaume a dit que je ne connaissais pas bien l'entreprise. Vous avez raison : je l'aurais connue plus longtemps si M. Grandval, votre ancien ministre du travail, ne m'avait pas licencié !

M. Jean-Michel Fourgous - Monsieur Gremetz, les entrepreneurs ne sont pas des gens inhumains, arrêtez ce discours ! Je suis né dans les HLM de Montreuil, je n'ai pas de leçons à recevoir de vous !

Les petits entrepreneurs - je ne vous parle pas de M. Messier, que vous avez soutenu - en ont assez de passer le tiers de leur temps chez les avocats et les juges. Dans ma ville d'Elancourt, le patron de Thomson, qui est d'une grande qualité humaine, a reçu 9 000 procès-verbaux à cause de vos 35 heures, il a été envoyé en correctionnelle et il en a fait une dépression nerveuse ! Savez-vous le mal que vous faites avec vos lois ?

Vous faites des petits entrepreneurs des délinquants, alors qu'ils ne cherchent qu'à créer de la richesse et des emplois pour vos enfants et les miens. Un chef d'entreprise ne prend que 1 à 3 % de son chiffre d'affaires pour lui-même, le reste est redistribué !

M. François Guillaume - Monsieur Gremetz, je répète que vous faites comme si vous ne connaissiez pas l'entreprise de l'intérieur : quand il y a des difficultés, l'ensemble du personnel en a conscience et ses représentants cherchent avec le patron des solutions pour éviter les licenciements.

Vous n'avez pas non plus une juste conception de la médiation : pour vous le médiateur est un homme désigné par une liste préétablie qui doit faire un rapport de plus, ce qui allonge encore la procédure. J'ai eu l'occasion de faire de la médiation dans une entreprise, à la demande des syndicats : je n'ai pas fait de rapport, j'ai essayé de rapprocher les points de vue et cela a marché. Il n'y a pas besoin de loi pour cela !

L'amendement 66, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - L'amendement 67 tombe, de même que l'amendement 68 qui était de conséquence.

Mme Chantal Bourragué - L'amendement 35 rectifié tend à suspendre l'article 105, qui impose aux entreprises donneuses d'ordre et aux entreprises sous-traitantes des obligations superflues, l'échange d'informations ayant déjà lieu.

M. Jean-Michel Fourgous - Les amendements 47 et 102 ont le même objet. Voilà que l'Etat se mêle de donner des conseils aux entrepreneurs sur la façon de gérer leurs relations avec leurs sous-traitants ! Quand on sait la peine que les entreprises se donnent pour soigner ces relations, notamment pour obtenir des délais de paiement, on s'interroge sur la compétence des auteurs de tels textes.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 35 rectifié, même si personnellement j'avais émis certains réserves. Je suis maintenant un peu gêné de m'être opposé à un amendement de M. Gremetz en arguant de l'existence de cet article 105. Il est vrai qu'il na guère été efficace car l'information était trop tardive.

M. le Ministre - Monsieur Gremetz, la loi de modernisation sociale est bien en vigueur depuis sa promulgation le 18 janvier 2002 pour ce qui est des dispositions qui ne nécessitaient pas de décrets d'application, par exemple sur la non-concomitance des procédures. On ne peut pas dire que la loi ne se soit jamais appliquée.

Quant à ces amendements, le Gouvernement souhaite leur retrait. Les entreprises dépendantes doivent en effet être informées des variations d'activité qui peuvent avoir un effet sur l'emploi, afin d'essayer de les pallier. Cela devrait même aller de soi dans la relation du donneur d'ordres au sous-traitant. Le Sénat ne s'était d'ailleurs pas opposé à ce principe même s'il avait légèrement modifié la rédaction.

C'est pour moi l'occasion de dire au groupe socialiste qu'il est insultant de prétendre que le Gouvernement avance masqué et fait assumer ses désirs cachés par des membres de la majorité. C'est insultant pour celle-ci, qui fait son travail, insultant pour lui, qui assume ses responsabilités et sait aussi exprimer ses réserves quand il le juge nécessaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il n'y a rien d'insultant à penser que le Gouvernement développe une stratégie politique dans laquelle la majorité joue son rôle, tout comme nous jouons le nôtre.

L'article 105 s'inscrit dans l'effort permanent accompli au cours des dernières années pour protéger les sous-traitants dans tous les domaines. En effet, ce ne sont pas seulement les salariés que nous voulions protéger, mais aussi les entreprises qui pouvaient supporter les conséquences des licenciements collectifs. Il est dommage que le Gouvernement partage ce souci pour les sous-traitants mais pas pour les salariés. L'article 105 constitue une garantie, et ce n'est pas enlever un pouvoir aux employeurs que de leur demander d'informer d'autres employeurs.

M. Maxime Gremetz - Monsieur Fourgous, je vous en prie, pas d'insulte ! Je travaille tous les jours avec des patrons de PME, et j'ai leur considération. Je suis le seul parlementaire à aller à toutes les assemblées générales des chambres de commerce et d'industrie. Les gros, c'est sûr, ne m'aiment pas. Je leur ai créé le syndicat, le CE, ils m'ont mis à la porte, mais ils m'y retrouvent tous les samedi !

M. Jean-Michel Fourgous - Les PME croient en vous ?

M. Maxime Gremetz - Et vous, Monsieur Guillaume, je suis prêt à vous amener des salariés,...

M. François Guillaume - Je vous amènerai ceux dont j'ai parlé.

M. Maxime Gremetz - ...qui ont appris il y a deux jours que leur entreprise dépose le bilan demain ! Il s'agit d'un sous-traitant du groupe Whirlpool, qui mène pourtant une grande politique de communication. Si les donneurs d'ordre n'informent pas les dirigeants des entreprises sous-traitantes, je ne vois pas comment les salariés auront droit à l'information. Sur ce sujet, je suis d'accord avec le Gouvernement.

M. François Guillaume - Ne pratiquez pas l'amalgame. Mon propos ne portait pas sur les sous-traitants mais sur l'information à l'intérieur de l'entreprise où les responsables syndicaux et membres du CE, qui occupent des fonctions dans les différents services, savent fort bien transmettre les informations à leurs mandants.

Quant aux sous-traitants, je comprends la crainte des auteurs de l'amendement : indiquer ses difficultés à ses fournisseurs ne fait que les aggraver. Mais les sous-traitants non avertis se trouvent parfois dans une situation vraiment difficile. Après l'avis exprimé par le ministre, ces amendements peuvent certainement être retirés.

Mme Chantal Bourragué - Compte tenu de l'avis éclairé donné par le ministre sur des aspects que nous n'avions pas envisagés, nous retirons l'amendement 35 rectifié.

M. Jean-Michel Fourgous - Je retire les amendements 47 et 102, par cohérence avec la position du groupe UMP. J'ai au moins la satisfaction de voir que M. Gremetz soutient le Gouvernement. La loi de modernisation n'a fait qu'accumuler des contraintes dont les entreprises n'ont vraiment pas besoin. Je demande au ministre de faire un effort sur les amendements suivants pour que les 2 millions de petits entrepreneurs qui suivent ce débat sachent qu'ils ont été entendus.

Les amendements 35 rectifié, 47 et 102 sont retirés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 69 supprime de la liste des dispositions suspendues l'article 106 qui permet le recours à un médiateur. Celui-ci cherche à rapprocher les points de vue et, à l'issue d'une médiation qui ne peut excéder un mois, émet une recommandation qui, si elle est acceptée par les parties, emporte les effets juridiques d'un accord.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 69, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Chantal Bourragué - L'amendement 36 rectifié est défendu.

M. Jean-Michel Fourgous - Mon amendement 48 est identique au 103 de M. Novelli qui a du se rendre à un conseil municipal. L'article 108, en subordonnant la validité d'un licenciement économique à la mise en oeuvre de tous les « efforts de formation et d'adaptation », transforme une obligation de moyens en une obligation de résultat, en matière de reclassement. Si une entreprise perd un marché, l'employeur peut être contraint de licencier et n'aura pas nécessairement les moyens de reclasser le salarié ! Nos collègues de gauche ont-ils conscience qu'on ne licencie ni par plaisir, ni par cynisme ?

Ensuite, imposer aux autres entreprises d'un groupe de reclasser les salariés licenciés témoigne de votre méconnaissance du monde de l'entreprise. Au risque de briser la confiance, l'on ne peut imposer un collaborateur à des entreprises qui, malgré l'appartenance à un même groupe, restent autonomes.

Enfin, quand en finirons-nous avec l'économie administrée ? Elle a ruiné la France et la moitié de la planète ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Dans quel monde vivons-nous ?

M. Maxime Gremetz - Ah oui !

M. Jean-Michel Fourgous - Il faut préserver la liberté des entreprises de choisir leurs collaborateurs, et limiter l'obligation à la seule recherche d'un reclassement.

M. le Rapporteur - La commission a accepté cet amendement, contre mon avis. Monsieur Fourgous, l'article 108 ne crée nullement une obligation de résultat, il impose seulement d'accomplir tous les efforts possibles en matière de reclassement, d'adaptation ou de formation. Au moment où nous voulons mettre l'accent sur la formation, adopter cet amendement reviendrait à envoyer un signal négatif.

M. le Ministre - Que M. Fourgous se rassure ! le Gouvernement soutient toute proposition de simplification qui émanerait de la majorité. Avouez cependant que l'amendement 36 rectifié, ainsi que les deux autres, ne sont guère cohérents avec la politique du Gouvernement.

Tout d'abord, l'article 108 crée, non pas une obligation de résultat, mais de moyens.

Surtout, le Gouvernement, la majorité et le Président de la République n'ont eu de cesse, en opposition à l'esprit de la loi de modernisation sociale, de défendre la formation comme seule garantie des salariés. Aussi avons-nous demandé aux partenaires sociaux d'ouvrir des négociations sur la création éventuelle d'un compte individuel de formation professionnelle, utilisable par le salarié en fonction de ses aspirations ou des difficultés de l'entreprise.

M. Jean-Michel Fourgous - N'oubliez pas que dans 90 % des cas, l'employeur ne licencie pas par pur plaisir machiavélique, mais parce qu'il a perdu un client ! Votre texte, en subordonnant la validité du licenciement économique au respect de cette procédure, risque de permettre aux salariés d'attaquer le plan de licenciement et de réclamer des indemnités. Votre obligation de moyens se transforme bel et bien en une obligation de résultat.

M. Gaëtan Gorce - M. Fourgous risque de devoir faire jouer sa faculté d'adaptation pour se reclasser au regard de la stratégie menée par le Gouvernement. Nous assistons à un véritable jeu de rôle : pour faire passer les amendements les plus choquants, M. le ministre en refuse d'autres que vous lui tendez complaisamment. Vous dites, Monsieur le ministre, avoir un problème de cohérence avec votre politique. En réalité, ce serait plutôt avec l'affichage de votre politique, car vous ne voulez pas avouer jusqu'où vous irez. Mais la réalité reste ce qu'elle est.

Mme Chantal Bourragué - Par cet amendement, mon groupe souhaitait renforcer la sécurité juridique quant à la rédaction du texte, mais n'avoir nulle intention de porter atteinte au droit à la formation des personnes licenciées.

Par ailleurs, nous entretenons des relations de confiance avec le Gouvernement, et il ne saurait être question d'un quelconque jeu de rôle. Chacun est à sa place, et use de son droit de parole (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Au nom du groupe, je retire l'amendement 36 rectifié.

L'amendement 36 rectifié est retiré.

M. Jean-Michel Fourgous - Les exigences qu'impose le texte dépassent le simple reclassement, ouvrant ainsi la voie à de multiples contentieux. Le monde de l'entreprise, et pas seulement le Medef que l'opposition hait, ne comprend pas que nous soyons le seul pays à être soumis à ce type de réglementation. Je veux bien retirer tous les amendements que l'on veut, mais faites un geste en direction des entreprises. M. Gremetz est bien gentil, mais ni lui, ni la plupart des députés présents n'ont jamais produit un franc de richesse !

M. le Ministre - Il est inexact de dire que ce type d'obligations n'existe pas dans d'autres pays. Est-il donc si insupportable et contraire aux intérêts d'une entreprise de vérifier, avant tout licenciement économique, s'il n'existerait pas, au sein du groupe, un poste adapté pour le salarié ?

M. Jean-Michel Fourgous - Nul besoin de la loi pour cela !

M. le Ministre - Il ne devrait pas y en avoir besoin. En revanche, M. Fourgous dénonce à juste titre le risque de multiplication des contentieux et si nous pouvons améliorer la situation sur ce point, nous le ferons. Mais l'on ne peut à la fois promouvoir la formation professionnelle, comme la meilleure garantie dans un monde économique difficile et dispenser l'entreprise de toute obligation de chercher à reclasser le personnel avant de décider un licenciement.

Un tel message politique contradictoire aboutirait à radicaliser la situation. Nous devons convaincre nos concitoyens en matière économique et sociale, légiférer pour interdire les licenciements n'est pas une solution ; il faut au contraire promouvoir les capacités d'adaptation des salariés.

M. Jean-Michel Fourgous - Notre système social, de tous les pays modernes, est le plus destructeur d'emplois. Continuons ainsi... Je retire mon amendement.

Mme la Présidente - Je vous rappelle, Monsieur Fourgous, comme je le rappelle à tout le monde, que toute interpellation de député à député est interdite par l'article 56 du Règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Merci d'avoir rappelé cette disposition. Il nous est difficile d'accepter des propos selon lesquels nous ne connaîtrions rien à la production de richesse. Tout le monde participe à la production de richesse, à commencer par les travailleurs. Nous n'accusons pas les chefs d'entreprise de ne pas concourir à la création de richesse! Arrêtez de considérer qu'eux seuls y participent ! C'est inacceptable ! 

L'amendement 70 vise à maintenir dans le dispositif l'article 109 qui retenait, pour établir l'ordre des licenciements, l'appréciation par « catégorie professionnelle ».

La rédaction antérieure de l'article L. 321-1-1 permettait que trop souvent les entreprises fassent prévaloir le critère des « qualités professionnelles » sur l'ensemble des autres critères pour définir l'ordre des licenciements.

La loi de modernisation sociale faisait prévaloir « par catégorie professionnelle », des critères tels que les charges de famille, les situations individuelles, l'ancienneté dans les services. Pourquoi les supprimer, d'autant que les dispositions de l'article L. 321-1-1, dans sa nouvelle rédaction, balayaient l'interprétation de la jurisprudence ?

M. le Rapporteur - Cet article, au moment de la discussion sur la loi de modernisation sociale, a donné lieu à de nombreux débats.

La loi de modernisation, en effet, a supprimé les références aux qualités professionnelles mais sans fournir de liste exhaustive de critères retenus pour établir la liste des salariés licenciés, puisque l'énumération comporte le mot « notamment ». Ce serait hypocrite de ne pas utiliser cette formule. Imaginez que l'UMP ne soit un jour plus majoritaire, elle devra licencier des collaborateurs. Comment faire ? Le critère de « qualité professionnelle » est intéressant. Nous essayerions de garder des collaborateurs en tenant compte de leur qualité professionnelle. Il serait absurde que les meilleurs soient pénalisés ! Cela dit, la suspension de cet article n'est pas dramatique. Que les partenaires sociaux se réunissent et parlent entre eux de l'établissement de ces critères. Dans dix-huit mois, nous verrons comment rédiger cet article.

L'amendement 70, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - Par les amendements 49 et 104, nous proposons de suspendre l'application de l'article 110 qui ajoute aux indemnités de licenciement une pénalité supplémentaire - un mois de salaire -, quand les entreprises n'ont pas de comité d'entreprise ou de délégués syndicaux. Quel rapport ?

Le code du travail prévoit déjà des pénalités.

Dans quelle situation voulez-vous mettre la France ? Il ne vous suffit pas que l'on ait reculé de dix places en matière de compétitivité ? Vous voulez ruiner ce pays, vous voulez que tout le monde parte, vous voulez l'exode des capitaux et des talents ? A quel niveau fixez-vous la barre pour avoir un réflexe d'intelligence économique et sociale ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Ce n'est quand même pas, pour l'employeur, une tâche insurmontable que d'essayer de consulter le CE et, le cas échéant, de dresser un constat de carence. Il n'est pas nécessaire, à nouveau, d'agiter des chiffons rouges. Notre objectif est de faire redémarrer le dialogue social.

M. le Ministre - Nous n'avons pas voulu, avec cette réforme de la loi de modernisation sociale, mettre en cause la situation des salariés - mais bien plutôt remettre en cause les articles qui mettent l'entreprise en péril.

Bien des pays qui nous devancent en matière de compétitivité économique ont des organisations syndicales fortes. Le Gouvernement veut renforcer le dialogue social, faire en sorte que les syndicats soient plus puissants et que l'on n'ait plus recours à l'arbitrage permanent du législateur, qui aboutit à cette rigidité que vous avez raison de condamner.

M. Gaëtan Gorce - M. Fourgous veut s'en prendre à la fois au reclassement et à l'indemnisation.

M. Jean-Michel Fourgous - Soyez crédible !

M. Gaëtan Gorce - La France, par rapport aux autres pays européens - nous avons eu hier un débat à ce sujet - compte parmi les pays qui indemnisent le moins bien mais qui essaient de reclasser le mieux. Pour certains membres de l'UMP, l'un et l'autre, c'est beaucoup trop.

M. Jean-Michel Fourgous - Un mois de plus !

M. Gaëtan Gorce - Si un mois de salaire c'est trop pour un salarié licencié, que mérite un député de l'UMP qui, alors qu'il doit avoir une influence au sein de sa propre majorité, n'arrive pas à faire voter un seul de ses amendements, ou si peu ?

Les amendements 49 et 104, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Chantal Bourragué - L'amendement 37 rectifié a pour objet de suspendre l'article 111 qui, s'inspirant de la jurisprudence de la Cour de cassation, reconnaît au salarié, dont le licenciement a été reconnu, le droit de demander au juge de décider la poursuite de son contrat de travail.

Cette disposition expose les entreprises à une forte insécurité juridique - l'obligation de réintégration pouvant intervenir plusieurs mois après les licenciements. Il semble donc que le montant de l'indemnité complémentaire puisse être laissé à la libre appréciation du juge.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été accepté par la commission, notamment parce qu'un peu plus loin, vous nous proposez de réécrire la disposition en question. Il est difficile, si on la suspend, de la réécrire ! Il conviendrait plutôt de le retirer.

M. le Ministre - Même avis.

Mme Chantal Bourragué - Je retire l'amendement.

L'amendement 37 rectifié est retiré.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 71 porte sur l'article 116, qui avait introduit la possibilité, pour l'inspection du travail, d'être consulté pendant l'ensemble de la procédure et d'intervenir à tout moment.

Pourquoi cet article figure-t-il dans « la charrette des suppressions ? L'inspection du travail ne saurait être suspectée d'un esprit partisan dans le débat entre l'entreprise et le salarié. Je ne comprends donc pas pourquoi on veut écarter l'inspection du travail de ce labeur collectif où elle représente en somme un point de vue extérieure, celui de l'administration du travail.

M. le Rapporteur - Nous sommes là sur une question de procédure, qui a d'ailleurs donné lieu à d'assez rudes débats entre nous lors de l'adoption de la loi.

Le premier constat de carence est justifié, car il a lieu quand on en est au projet de plan de redressement. Mais le second intervient trop tard, le plan étant établi, et il fait de l'inspecteur du travail une sorte de juge. Sur le plan pratique, en outre, il n'est guère pertinent de demander ce second constat de carence quand on sait quelle est déjà la charge de travail des inspecteurs, notamment dans le cadre du premier. Il est donc juste de suspendre l'application de l'article 116. Laissons se développer la négociation collective : nous verrons dans le dix-huit mois s'il est possible d'améliorer la procédure.

M. le Ministre - Même avis.

M. Gaëtan Gorce - C'est un débat de procédure, mais aussi de fond : quel rôle faut-il donner à l'administration ? On est parti d'un extrême interventionnisme, avec l'autorisation administrative de licenciement ; maintenant on veut malgré tout faire intervenir l'administration, mais sans lui en donner vraiment les moyens et sans définir précisément la nature de son intervention. Le constat de carence qui intervient après la première réunion n'a aucune portée juridique, aucun impact sur la procédure. Il ne fait que constater une insatisfaction. D'où l'utilité de permettre un second constat de carence quand le plan social est arrêté, qui oblige à réunir le comité d'entreprise. Il ne s'agit pas d'une procédure de retardement, puisque nous en sommes à l'aboutissement du processus. Il n'est pas choquant de donner à ce constat un élément d'effectivité qu'il n'aurait pas autrement.

En outre, si l'on supprime cette disposition, rien ne viendra la remplacer, puisque le rôle de l'administration ne sera pas inclus dans le champ de la dérogation, ce qui est du reste heureux. Suspendre cet article, c'est donner un signal très négatif, alors qu'il s'applique à un stade où l'administration peut jouer un rôle équilibrant pour rendre le plan social aussi satisfaisant que possible.

L'amendement 71, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 105 a pour objet d'inclure l'article 128 de la LMS dans le champ de la suspension. Cet article instaure une forme de délation auprès de l'administration contre une entreprise qui utiliserait trop les CDD ou les contrats d'intérim. On pousse en quelque sorte le comité d'entreprise à se substituer à une autorité administrative pour contrôler l'entreprise. C'est toujours le même esprit de défiance envers l'entrepreneur... Une telle disposition est étrangère à une civilisation moderne, où l'on fait confiance aux acteurs sociaux.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, même si j'en partage l'esprit : on a un peu le sentiment, en effet, que l'employeur est suspect par définition. De plus certains salariés s'estiment mieux protégés dans le cadre des CDD. Mais nous ne sommes pas là au c_ur du sujet, qui est le licenciement.

M. le Ministre - Dans sa décision de janvier 2002, le Conseil constitutionnel estime que, par l'article 128 de la LMS, le législateur a voulu permettre au comité d'entreprise de saisir l'inspection du travail quand il lui apparaît que l'employeur n'a pas respecté l'interdiction de pourvoir durablement par une contrat précaire un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise. Il ne s'agit pas pour le comité d'entreprise de délation ; il ne s'agit pas pour le comité d'entreprise d'établir l'existence d'une infraction, mais de s'interroger sur l'usage que fait l'entreprise de ces formes particulières d'emploi. Cette disposition tend à instaurer entre le comité d'entreprise et l'employeur une discussion sur l'usage de ces contrats, ce qui est conforme aux compétences déjà reconnues au CE. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Les CDD n'ont jamais été considérés comme illégitimes, mais toujours comme exceptionnels. Le principe, en droit du travail, c'est la relation à durée indéterminée. C'est la jurisprudence qui a construit la distinction entre ces deux types de contrat, qui, sauf erreur, n'est entrée dans la législation qu'en 1978. Mais si celle-ci a accueilli le CDD, c'est en le limitant à des conditions différentes de la situation normale. Son usage doit rester exceptionnel.

Par ailleurs, il ne s'agit pas de dresser le salarié contre l'employeur, mais de reconnaître qu'il y a entre eux, non un rapport de forces au sens primaire, mais un rapport de dépendance. Il est évident que celui qui demande un emploi est en situation de dépendance. Toute la construction du code du travail a tendu à rééquilibrer ce rapport. Il ne s'agit pas de mettre en cause l'employeur comme tel, mais de rééquilibrer un processus de discussion qui, pour le salarié, a d'abord un enjeu alimentaire.

M. Jean-Michel Fourgous - Pour vous faire plaisir, Monsieur le ministre, je vais retirer l'amendement - ainsi M. Gorce ne pourra pas dire que j'ai été battu. Mais nous confirmons ainsi l'intervention de l'Etat et de la loi dans l'entreprise française, qui subit déjà les plus lourdes contraintes. Les contraintes sociales sont la première raison qu'invoquent les investisseurs quand on leur demande pourquoi ils ne viennent pas en France. Vous appartenez à l'UMP, vous êtes mon ministre : je retire l'amendement.

L'amendement 105 est retiré.

M. Jean-Michel Fourgous - L'article 171 de la LMS prévoit l'intervention d'un médiateur en cas de harcèlement. Or il est choisi hors de l'entreprise, sur une liste de personnes ayant elles-mêmes été victimes de harcèlement. Il aura donc un a priori bien particulier. Faut-il choisir un médiateur parmi des personnes passionnellement impliquées dans un conflit de même type ? Est-ce ainsi qu'on assurera la nécessaire neutralité ? En outre, ce médiateur n'est pas sollicité conjointement, mais uniquement par l'employé. Tout cela est propre à détériorer le climat de confiance dans l'entreprise. Les entreprises ont besoin qu'on leur foute la paix, pour qu'elles puissent payer nos dettes et nos retraites - ce qu'elles seules, je le rappelle pourront faire.

Pour ces raisons, je propose par l'amendement 50 corrigé d'ajouter l'article 171 de la LMS à la liste des articles suspendus.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé, non pas tant pour des raisons de fond, que parce qu'un autre amendement va venir, qui récrit ce dispositif de médiation. Or la commission l'a adopté.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Michel Fourgous - Je le retire : la modification qu'on va nous proposer est en effet préférable à ce qui existe.

L'amendement 50 corrigé est retiré.

M. Jean-Michel Fourgous - L'article 214 est encore caractéristique de « l'exception française »... Supposons qu'une entreprise soit détruite par une catastrophe naturelle, la chute d'un avion, un acte de terrorisme. Tout est dévasté, vous n'avez plus rien... mais vous devez payer des indemnités aux salariés pour rupture de contrat de travail ! Le propre de la force majeure étant de résulter d'un événement extérieur, imprévisible et insurmontable pour l'entreprise, il est inacceptable de lui imputer cette indemnisation, qui relève bien plutôt de la solidarité nationale. Je propose donc par l'amendement 51 corrigé de suspendre l'article 214 de la loi de modernisation.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Dans les cas que vous citez, un mécanisme d'assurance, tel que défini par l'article L. 143-11-1 du code du travail, se substitue à l'employeur. Ce n'est pas lui, mais l'association de gestion du régime d'assurance des créances des salariés, qui verse les indemnités aux salariés dans les cinq jours suivant la demande de l'employeur.

M. le Ministre - Les dispositions relatives au régime d'assurance en garantie des salaires sont actuellement à l'étude et feront l'objet de mesures législatives. C'est à cette occasion que nous pourrons reprendre la question.

M. Jean-Michel Fourgous - Je suis mon ministre UMP, en soulignant néanmoins que l'article 214 de la LMS était inutile.

L'amendement 51 corrigé est retiré.

M. Jean-Michel Fourgous - Le Gouvernement propose une suspension pour une durée de dix-huit mois. Mais quand on appelle à la négociation alors qu'une des deux parties n'y a pas intérêt, je doute du résultat. Ce délai de dix-huit mois va renforcer l'insécurité juridique des entreprises. Mon amendement 182 tend à le supprimer.

M. le Rapporteur - Rejet. Une suppression sine die serait malvenue. En effet, la période de 18 mois est conçue pour essayer d'inciter les partenaires sociaux à aboutir relativement vite. Dix-huit mois nous paraissent un délai raisonnable, quand on sait que les partenaires auront beaucoup de pain sur la planche, avec les retraites, l'Assedic...

M. le Ministre - Il est nécessaire de fixer un délai, faute de quoi il ne s'agit plus de suspension, mais d'abrogation. Evitons d'enfermer les partenaires sociaux dans un délai trop court, alors qu'ils auront à négocier sur de nombreux sujets. 2003 sera une grande année de dialogue social : Unedic, formation professionnelle et règles de la démocratie sociale, retraites, l'agenda social s'annonce très chargé.

L'amendement 182 est retiré.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 73 est défendu.

L'amendement 73, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 72 est également défendu.

L'amendement 72, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - Je retire l'amendement 44.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 74 est défendu.

L'amendement 74, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - La gestion prévisionnelle des emplois est une question en discussion depuis longtemps. Elle figure aussi dans la loi, mais n'a guère d'effet dans la réalité. Pourtant il est essentiel d'essayer de prévenir les licenciements. La négociation devrait donc s'étendre aussi à la gestion prévisionnelle, comme nous le proposons par l'amendement 75. Nous souhaitons une négociation globale, en y intégrant la formation professionnelle, les garanties à apporter aux salariés qui ne bénéficient pas d'un plan social ou qui sont licenciées d'une entreprise comptant moins de cinquante salariés, ou encore la mutualisation des droits et des moyens de les garantir. Puisque ces subventions devaient trouver place dans la négociation, elles devraient figurer également dans la loi.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, non pas sur le fond, car nous souhaitons que la négociation soit le plus large possible, mais sans l'enfermer dans un cadre trop précis. Soit dit sans perfidie, cet amendement paraît incompatible avec les précédents, puisqu'il est proposé d'élargir le champ de la négociation après avoir demandé de réduire sa durée.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 75, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Je regrette la réponse de la commission et du Gouvernement. Si l'on souhaite favoriser la gestion prévisionnelle, pourquoi ne pas l'inscrire dans l'agenda de la négociation ? Le Gouvernement doit dire ce qu'il attend de la négociation, et en préciser les contours, sinon elle n'aboutira pas.

Il convient également, pour que la négociation réussisse, que la responsabilité des partenaires sociaux soit mieux définie, et qu'on se donne l'assurance qu'elle les engagera dans leur majorité. Le Gouvernement répondra que le débat sur la représentativité viendra plus tard. Ne fallait-il pas, au contraire, commencer par là ?

Nous proposons, par l'amendement 76, de préciser, que la validité de l'accord interprofessionnel sera subordonnée au fait qu'il engage bien la majorité des salariés à travers les organisations professionnelles signataires. La démarche est d'autant plus facile que les élections prud'homales vont indiquer quelle est la représentativité de chaque organisation, et donc sa capacité à engager les salariés.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Nous souhaitons que l'accord interprofessionnel soit signé par le plus grand nombre d'organisations syndicales les plus représentatives possible. Mais comme cet accord va porter sur les modifications du droit du licenciement, il devra faire l'objet d'une mesure législative. Même si un certain nombre d'organisations syndicales ne signent pas, au final, l'accord conclu, elles auront contribué à son élaboration et ce sera une bonne base de travail pour le législateur. Il serait donc dommage d'en limiter la validité.

M. le Ministre - Plus le débat progresse, plus il est clair que nous n'avons pas la même idée des relations sociales. Il semble que vous ne fassiez pas vraiment confiance aux partenaires sociaux - peut-être les estimez-vous trop affaiblis ?

En tout cas, il n'est pas dans notre philosophie de fixer par avance les objectifs de la négociation. Nous voulons laisser les partenaires négocier et ensuite le Gouvernement examinera ce qu'il convient de reprendre dans le résultat auquel ils auront abouti.

Par ailleurs, il ne faut pas bousculer le calendrier en essayant de tout régler à la fois. Si la question de la représentativité syndicale était aussi simple, vous l'auriez déjà tranchée dans la loi de modernisation sociale. Mais vous ne l'avez pas fait parce que c'est un sujet délicat, qui met en jeu la vie et l'avenir des organisations.

Les élections prud'homales nous fournirons certes un indice de cette représentativité, mais il ne faut pas les détourner de leur objet propre. Ma préoccupation, c'est surtout d'enrayer la chute de la participation des électeurs : en 1979 ils étaient 66 % à voter, aux dernières élections ils ont été 66 % à s'abstenir, et ce en dépit des améliorations apportées par le législateur à l'organisation du scrutin.

Cette forte abstention est un vrai problème, sans doute lié à la perception qu'ont les salariés de l'institution prud'homale et à leur conviction qu'elle fonctionnera de toute façon. La responsabilité du Gouvernement est d'appeler à voter pour lui donner la légitimité la plus forte possible.

M. Maxime Gremetz - Je suis d'accord pour qu'il y ait une vraie campagne appelant les salariés à participer à l'élection. Mais tant que celle-ci ne se déroulera pas sur les lieux mêmes du travail, alors qu'elle concerne les relations de travail, il n'y aura pas de forte participation. Dans les entreprises où l'on vote sur place, la participation est remarquable.

Et s'il est vrai qu'il y a une tendance générale au recul de la participation, c'est malheureusement tout aussi vrai des élections politiques. Nous connaissons une crise de la représentation.

Il serait dangereux d'en conclure que les élus syndicaux ne sont pas représentatifs : ils le sont tout de même plus que s'il n'y avait pas eu d'élection ! Vous, par exemple, vous avez gagné les élections, on vous considère comme représentatifs, quel que soit le pourcentage de voix que vous ayez obtenu !

Quand j'ai parlé jadis d'accord majoritaire, un président de commission m'a dit que j'avais raison, mais que j'étais en avance sur mon temps. Or que s'est-il passé dans les hôpitaux publics, où un accord a été conclu par des organisations représentant moins de 35 % des salariés ? Il y a eu une crise qui dure encore aujourd'hui.

Cette question est très importante. Il faut avancer.

L'amendement 76, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 77, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Je suis saisie par le Gouvernement d'un amendement 200.

M. le Ministre - C'est un amendement de coordination rédactionnelle.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné, mais à titre personnel, je suis d'accord.

M. Gaëtan Gorce - Il est regrettable que nous en soyons saisis maintenant seulement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 200, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - J'ai déjà défendu l'amendement 4 en soutenant la nécessité d'une représentativité majoritaire dans les négociations sociales, qu'il s'agisse d'accords d'entreprise, de branche ou interprofessionnels.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement parce qu'il pose des conditions restrictives à l'application d'accords négociés en vertu de cette loi et parce qu'il étend le principe de l'accord majoritaire. Pour avoir auditionné les syndicats, je veux dire qu'ils ne sont pas tous d'accord avec ce principe.

M. Maxime Gremetz - Les syndicats majoritaires sont pour les accords majoritaires !

M. le Ministre - J'ai déjà exposé ma position.

L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 78 vise à résoudre les problèmes d'application de cette loi. En effet, selon la date à laquelle la procédure de licenciement aura débuté, le droit applicable ne sera pas le même. Cela aggrave encore la complexité que l'on reproche à notre droit et remet en question l'égalité des salariés.

C'est pourquoi l'amendement 78 prévoit que les dispositions de la LMS restent applicables aux procédures de licenciement pour motif économique en cours à la date de promulgation de la présente loi. Les sous-amendements 198 et 199 déclinent cette règle dans deux cas précis.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, pas tellement sur le fond, mais parce qu'il n'a pas vraiment sa place ici. Un amendement de M. Gorce reprend d'ailleurs cette disposition à l'article 3. De toute façon, dans le projet, c'est déjà la règle qui s'applique, sauf accord majoritaire conclu par les partenaires sociaux.

Il est vrai que l'on va se trouver dans des situations différentes, mais maîtrisées, car contrairement à ce que vous dites, il n'y a pas de vide juridique. Les entreprises qui ont une procédure de licenciement en cours restent soumises à la LMS, sauf accord majoritaire. Celles qui présenteront un plan après l'adoption de ce texte seront soumises au régime antérieur à la LMS. Dans dix-huit mois, un autre projet harmonisera les situations. Mais sauf à abroger la LMS, il n'y a pas d'autre solution.

La commission n'a pas examiné les sous-amendements.

M. le Ministre - Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement car il est prévu à l'article 3 que les dispositions de la LMS restent applicables aux procédures en cours, sauf cas d'accord de méthode conclu par les partenaires au titre de l'article 2. Quant aux sous-amendements, ils ne relèvent pas du domaine législatif.

Les sous-amendements 198 et 199, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 78, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE


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