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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 36ème jour de séance, 95ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 10 DÉCEMBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

BAISSE DE LA DÉLINQUANCE 2

ÉDUCATION NATIONALE 2

CANDIDATURE DE LA TURQUIE
À L'UNION EUROPÉENNE 3

ÉTUDES MÉDICALES ET INFIRMIÈRES 4

SÉCURITÉ MARITIME 4

ACCÈS À L'INTERNET 5

CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS 6

TRANSMISSION DES ENTREPRISES 6

MIXITÉ PROFESSIONNELLE 7

POLITIQUE SOCIALE DU GOUVERNEMENT 8

ÉTATS GÉNÉRAUX DU SPORT 8

MINES DE POTASSE D'ALSACE 9

PRESTATION DE SERMENT
DES JUGES TITULAIRES ET SUPPLÉANTS DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
ET DE LA COUR DE JUSTICE
DE LA RÉPUBLIQUE 10

NÉGOCIATION COLLECTIVE
SUR LES RESTRUCTURATIONS
AYANT DES INCIDENCES
SUR L'EMPLOI 10

EXPLICATIONS DE VOTE 11

PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002 16

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

BAISSE DE LA DÉLINQUANCE

M. François Grosdidier - Etant déjà un parlementaire ancien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), j'ai pu mesurer les difficultés rencontrées par tous les gouvernements pour tenir leurs engagements électoraux. J'ai vu des ministres, pleins de bonne volonté, s'épuiser à pédaler sur des vélos dont la chaîne était bloquée par des obstacles technocratiques et bureaucratiques. C'est pourquoi, je veux ici, Monsieur le ministre de l'intérieur, vous féliciter pour votre volontarisme et vous dire bravo et merci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

Alors même que vous ne disposez pas encore des moyens humains et matériels que vous donnera le budget que nous avons voté, et encore moins des nouveaux moyens juridiques que donnera aux forces de l'ordre le texte que nous examinerons en janvier prochain, les crimes et délits ont déjà diminué de 5 % entre novembre 2001 et novembre 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Pouvez-vous détailler ces premiers résultats ?

Alors que vous êtes en butte aux critiques, aux procès d'intention, aux vociférations de la gauche politique, judiciaire et associative qui a, comme dans ma commune, laissé la loi de la jungle remplacer la loi de la République, êtes-vous déterminé à continuer dans cette voie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Le système statistique de la police n'a pas été modifié depuis 1972. Que n'aurait-on dit, d'ailleurs, si d'aventure le nouveau Gouvernement y avait touché... Seule modification : nos prédécesseurs ne publiaient les chiffres qu'une fois par an, nous le faisons tous les mois, parce que nous devons la transparence aux Français. Et si ces chiffres avaient été mauvais, on n'aurait pas manqué de nous le faire remarquer de l'autre côté de l'hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Je ne sais pas qui gagne la guerre, mais je sais qui l'aurait perdue !

Le mérite de ces succès revient exclusivement aux policiers et aux gendarmes que nous devons saluer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) car les moyens ne servent à rien sans leur mobilisation. Grâce à eux, entre mai et novembre, le taux d'élucidation des affaires a progressé de 7,53 % ; le nombre des personnes mises en cause pour des crimes et délits a augmenté de 8,5 % et celui des gardés à vue de 13 %.

Oui, nous allons continuer dans cette voie, car l'objectif du Gouvernement ne sera atteint que quand la peur aura définitivement changé de côté, quand elle sera définitivement du côté des délinquants et non des honnêtes gens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

ÉDUCATION NATIONALE

M. Bruno Le Roux - A la suite de la manifestation, dimanche, des enseignants, des personnels de l'éducation, des parents d'élèves et des étudiants, vous avez déclaré, Monsieur le Premier ministre, « comprendre » les manifestants.

Votre compréhension ira-t-elle jusqu'à revenir sur la terrible politique de votre ministre de l'éducation, qui fragilise l'école de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Ira-t-elle jusqu'à annuler les suppressions de postes d'enseignants et le gel du plan pluriannuel de recrutement ?

Ira-t-elle jusqu'à revenir sur la suppression des aides éducateurs, qui remplissent pourtant des missions indispensables ?

Ira-t-elle jusqu'à renoncer à la suppression de postes de surveillants, dont le rôle est essentiel ?

Ira-t-elle jusqu'à abandonner l'amputation drastique des crédits du fonds social collégien, qui fragilise les élèves issus des milieux défavorisés ?

Ou bien, alors que vous préparez votre première vraie rentrée et que le ministre peine à justifier les coupes claires opérées dans son budget, votre compréhension ne sera-t-elle qu'une formule destinée à faire oublier que l'éducation n'est plus une priorité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - Je tiendrai les quatre engagements que j'ai pris devant vous.

En premier lieu, certains aides éducateurs remplissent des fonctions si essentielles qu'il faudrait en augmenter le nombre. C'est ce qui sera fait, le Président de la République ayant annoncé que nous pourrions recruter 6 000 aides à la vie scolaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Il y aura, ensuite, plus de surveillants - 6 000 à temps plein - à la rentrée 2003 qu'à la rentrée 2002. Parmi ces 6 000 surveillants, priorité continuera à être accordée aux étudiants, avec un dispositif plus favorable que celui des MI/SE. Les négociations avec les universités sur la validation des acquis avancent bien et je serai bientôt en mesure de vous annoncer de bonnes nouvelles.

Enfin, comme je l'avais annoncé, je reviendrai devant vous en janvier pour vous indiquer le nombre exact de postes et leur financement. Je souhaite poursuivre, auparavant, mes négociations avec les partenaires sociaux.

S'agissant enfin de la manifestation, je me suis laissé dire que certains d'entre vous avaient dû l'observer à la longue-vue parce qu'ils n'y étaient pas vraiment invités. Alors, de grâce, un peu de modestie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

CANDIDATURE DE LA TURQUIE À L'UNION EUROPÉENNE

M. Hervé Morin - Avec l'adhésion de la Turquie, c'est la nature et la conception même de l'Europe qui seraient en cause. Veut-on en faire une simple zone de libre-échange, ou bien, par l'union et la cohésion, un grand acteur du monde ?

Jeudi prochain, les chefs d'Etat et de gouvernement, réunis à Copenhague, en débattront. Quelle sera la position de la France ? Comptez-vous, Monsieur le Premier ministre, organiser ici-même un débat suivi d'un vote sur cette question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je vous remercie de votre question, car il s'agit d'un sujet qui n'est ni léger ni superficiel. Nous le savons tous : si une rive du Bosphore est asiatique, l'autre est européenne (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Pour le Gouvernement, il faut dans un premier temps que la Turquie atteigne les critères de Copenhague : démocratiques, économiques et sociaux. Il appartiendra alors à l'Union européenne d'apprécier ce parcours, et c'est seulement à ce moment que l'on pourra éventuellement engager des négociations en vue de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Dans le débat qui s'ouvre, il ne faut pas qu'il y ait de confusion dans l'esprit des Français : le sommet de Copenhague traitera de l'ouverture prochaine de l'Union aux dix pays qui sont dans la phase finale de leur adhésion. La Turquie, elle, n'en est qu'à une phase préalable, et la France souhaite que le sommet lui adresse un message consensuel d'ouverture et de vigilance (Murmures sur les bancs du groupe UDF).

Nous jugerons le gouvernement turc à ses actes et le peuple turc à sa capacité à adhérer à nos valeurs (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

ÉTUDES MÉDICALES ET INFIRMIÈRES

Mme Jacqueline Fraysse - Le rapport Berland montre que la pénurie de médecins va s'aggraver et propose de relever le numerus clausus dans les études médicales. Porter à 8 000, en quatre ans, le nombre de places en faculté de médecine n'empêchera toutefois pas le nombre des médecins en activité de baisser. Prévoir 400 étudiants de plus en 2003, c'est bien, mais cela ne fera guère que 4 médecins de plus par département... Il est donc nécessaire de relever davantage le numerus clausus, et ce dès l'année prochaine.

Je ne pense pas non plus que l'augmentation du nombre des places dans les écoles d'infirmières, arrachée par les luttes de ces dernières années, soit suffisante. On connaît les difficultés spécifiques de l'hôpital public : personnel âgé, désaffection des jeunes. Il faut donc rendre cette profession plus attractive, notamment en rétablissant le paiement des études, en échange d'un contrat avec l'hôpital public. Quelles sont, en la matière, les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Notre pays présente une densité médicale - 3,32 médecins pour 1 000 habitants - comparable à celle de ses voisins. Il convient donc surtout de remédier aux inégalités entre les régions et entre les spécialités. J'ai néanmoins l'intention de relever le numerus clausus des étudiants en médecine à 6 500 d'ici deux ou trois ans, en évitant tout effet d'accordéon entre des générations qui seraient pléthoriques et d'autres plus réduites. L'Observatoire national de la démographie des professions de santé, prévu par la loi du 4 mars et que je vais mettre en place, permettra de suivre l'évolution de ces professions.

S'agissant des infirmières, le gouvernement précédent avait déjà relevé les quotas des instituts de formation, de sorte que 26 000 nouvelles infirmières entreront sur le marché du travail dès janvier prochain. J'entends porter ce nombre à 30 000, sous réserve de la capacité d'accueil des établissements, variable selon les régions. Quant à la formation professionnelle, elle devrait permettre aux aides soignants de bénéficier de la formation interne. Celle-ci actuellement, ne concerne que 10 % des effectifs, en raison du coût des études ; c'est pourquoi je souhaite la soutenir sous la forme que vous avez mentionnée. Il faut, enfin, que la profession d'infirmière jouisse d'une plus grande considération et le rapport Berland trace des pistes en ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SÉCURITÉ MARITIME

M. Louis Guédon - Les ministres des transports des Quinze ont décidé, le 6 décembre dernier, à la demande de la commissaire européenne en charge des transports, Madame Loyola de Palacio, de bannir de leurs ports, terminaux ou points de mouillage les pétroliers à simple coque transportant du fioul lourd, du goudron ou du bitume.

Lors du sommet de Malaga, le Président de la République a décidé, pour lutter contre les « navires poubelles », de limiter sévèrement l'accès des pétroliers de plus de quinze ans à la zone des 200 milles.

Quelles avancées ont été obtenues en matière de sécurité maritime ? Est-il envisageable d'interdire le recours aux pétroliers de plus de quinze ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - La France et l'Espagne ont en effet pris, à Malaga, des positions fortes, dont nous craignions d'ailleurs qu'elles ne soient pas suivies par la Grèce, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, mais il n'en a heureusement rien été. Nous avons donc obtenu que soit accéléré le retrait des pétroliers à simple coque, qui devait s'achever dans quinze ans seulement ; que soit interdit, dès le début de 2003 le transport, dans ces navires, du fuel lourd, du goudron et du bitume ; que soient renforcés les contrôles - la France, jusqu'ici mauvais élève de la classe européenne, sera alors à 25 % ; que soient définies des zones maritimes sensibles et - ce qui sera plus délicat, des ports et zones refuges. Il convient encore d'améliorer les normes internationales, de mettre sur pied un mécanisme d'indemnisation complémentaire, dans le cadre européen puis dans celui de l'organisation maritime internationale, et enfin d'améliorer la formation des équipages. Oui, l'Europe a su entendre le triste message de l'Erika et du Prestige ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

ACCÈS À L'INTERNET

Mme Valérie Pecresse - La fracture numérique est lourde de conséquences dramatiques. Une bonne partie de nos concitoyens est en effet exclue de l'accès à l'Internet rapide, et donc de l'accès au savoir et à l'information. En outre, parmi les cinq premiers critères d'implantation d'une entreprise figure désormais la qualité des réseaux de télécommunications. Aussi de nombreux territoires risquent-ils de ne pouvoir conserver leurs entreprises, où en attirer de nouvelles, s'ils ne sont pas desservis, à bref délai et à un prix acceptable, par l'Internet à haut débit. Il est à craindre, donc, que les nouveaux moyens de télécommunication, loin de résorber les inégalités, les creusent davantage.

Ainsi, un département comme les Yvelines, suréquipé par endroits, comprend des zones rurales qui ne pourront être couvertes à court terme. Si l'on a su, par le passé, amener l'eau, l'électricité ou le courrier, jusqu'aux territoires les plus reculés, pourquoi ne pourrait-il en être de même de l'Internet rapide ? Les technologies complémentaires susceptibles de faire l'objet de plans nationaux ou locaux d'équipement, existent. Mais soyons lucides : les entreprises de télécommunication, ne pourront assurer à elles-seules la couverture de l'ensemble du territoire, car le secteur est actuellement fragilisé, et des milliers d'emplois sont menacés dans toute la France. L'Etat doit donc agir, et agir rapidement, dans un cadre européen, en partenariat avec les collectivités locales.

Comment le Gouvernement entend-il faire entrer la France dans la société de l'information ? A quand l'Internet rapide pour tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies - Réduire la fracture numérique pour réduire les inégalités d'accès à l'Internet est l'une des priorités du Gouvernement. Ainsi le Premier ministre a-t-il présenté le plan « Réseau 2007 », dont j'assure la coordination, et qui accorde une place importante au haut débit.

Il s'agit en premier lieu, de généraliser la connexion permanente à l'Internet, afin de faire prendre conscience à tous les Français de l'intérêt d'une utilisation régulière de ce service. Notre objectif est qu'en 2007, dix millions d'abonnés, soit un tiers des foyers, bénéficient du haut débit. Les baisses des tarifs de l'ADSL - il existe désormais des forfaits à 30 euros par mois - est un premier pas dans cette direction.

Ensuite, il convient de réduire massivement la fracture territoriale. L'accès au haut débit, est en effet vital pour l'attractivité des territoires. Grâce à l'action du Gouvernement, l'accès à des technologies non filiaires est aujourd'hui facilité, notamment par la diminution de la taxe sur les paraboles, et par l'ouverture prochaine de réseaux sans fil dans 38 départements, sur des fréquences libérées par le ministère de la défense.

Un plan d'aménagement numérique du territoire sera présenté vendredi au CIADT ; il portera sur les technologies alternatives, sur les contenus, ainsi que sur les modalités d'intervention des collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS

M. Arnaud Montebourg - (Huées sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Le Premier ministre en personne pourrait-il nous éclairer sur les conditions dans lesquelles le Gouvernement s'apprête à chasser de son poste le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)

L'affaire est d'importance, car la Caisse des dépôts, actionnaire de toutes les caisses d'épargne de France, a en charge la protection de l'épargne des Français, et sa direction jouit d'une statut d'indépendance qui prémunit la Caisse de toute intrusion gouvernementale (Mêmes mouvements).

Or, certaines indiscrétions, sérieuses et concordantes, nous ont permis d'apprendre que le président de l'UMP, M. Juppé, aurait engagé toute son influence, et exercé de fortes pressions (Mêmes mouvements), pour faire nommer à ce poste l'un de ses fidèles, M. Pierre-Mathieu Duhamel, haut fonctionnaire dont il n'est pas inutile de rappeler qu'il est mis en examen - tout comme M. Juppé lui-même (Huées sur les bancs du groupe UMP), dans l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris ! (Mêmes mouvements)

Ma question est simple : qui gouverne la France ? Si c'est vous, Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de garantir l'indépendance de la Caisse des dépôts et consignations. Si vous ne le faites pas, nous aurons compris que c'est bien M. Juppé qui organise en sous-main la chasse aux sorcières ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je préfère être à ma place qu'à la vôtre, Monsieur le député ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Votre question est indigne, et il est pitoyable de parler en ces termes d'un ancien Premier ministre ! Je veux dire à Alain Juppé toute mon amitié et ma confiance.

Je vous l'affirme en toute sincérité, et sur mon honneur : il n'y a pas eu d'intervention de qui que ce soit sur ce type de dossier !

Quelle conception du pouvoir avez-vous donc ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF) L'unique critère de nomination est la capacité des hommes et des femmes à faire face à leurs responsabilités, j'en veux pour preuve certaine nomination récente à des fonctions d'ambassadeur, au bénéfice d'un proche collaborateur de M. Jospin !

La responsabilité, cela ne consiste pas à se servir, mais à servir la France et les Français ! (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent vivement ; quelques députés du groupe UDF applaudissent également)

TRANSMISSION DES ENTREPRISES

Mme Marie-Josée Roig - Monsieur le secrétaire d'Etat aux PME, vous avez annoncé, le 7 octobre dernier à Lyon, des mesures visant à favoriser la création d'entreprises, mesures qui ont été saluées par l'ensemble des organisations représentatives du monde de l'entreprise comme un encouragement fort à l'entreprenariat.

Aujourd'hui, pourtant, l'état des lieux est inquiétant : de 200 000 il y a dix ans, le nombre des créations d'entreprises est passé à 70 000 aujourd'hui, malgré la croissance exceptionnelle qu'a connue le gouvernement précédent. Aussi espéré-je que votre démarche - fidèle à l'engagement du Président de la République de créer 1 million d'entreprises en cinq ans - contribuera à redynamiser notre économie.

En qualité de présidente de l'Amicale parlementaire des PME (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), je souhaite me faire la porte-parole de milliers d'entrepreneurs qui s'interrogent quant aux conditions de la transmission ou de la reprise de leur outil de travail. 50 000 entreprises disparaissent en effet, chaque année, faute de repreneur. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour y remédier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Votre question, à la différence de la précédente, touche au c_ur des préoccupations des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Vous avez raison : dans les dix années qui viennent, près de 500 000 chefs d'entreprise, artisans, commerçants, professions libérales, patrons de PME vont passer la main. Aussi le Gouvernement se préoccupe-t-il des conditions dans lesquelles ils le feront.

Ainsi que le Premier ministre et moi-même l'avons annoncé le 7 octobre, nous allons présenter en janvier un projet de loi sur l'initiative économique, qui comportera un important volet relatif à l'imposition des transmissions d'entreprises. La taxation à 26 % des plus-values de cession fragilise celles-ci ; c'est pourquoi le seuil d'exonération sera porté à 250 00 € de chiffre d'affaires, soit un quasi-doublement, ce qui permettra d'en exonérer des centaines de milliers.

Le gouvernement précédent considérait les entreprises comme des vaches à traire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), le nôtre entend faire d'elles le moteur de la croissance et de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MIXITÉ PROFESSIONNELLE

M. Daniel Mach - Force est de constater que l'emploi des femmes est fortement concentré dans les postes les moins qualifiés du secteur tertiaire - où elles représentent 76 % des salariés. Elles ne sont réellement présentes que dans 6 des 36 catégories socioprofessionnelles parmi les 36 répertoriées par l'INSEE, et sont en très faible nombre parmi les cadres des 5 000 plus grandes entreprises françaises. Dans la fonction publique, enfin, seules 13 % d'entre elles occupent des postes de direction, alors qu'elles représentent 57 % des effectifs.

On ne peut que déplorer une telle inégalité, tant dans l'accès aux responsabilités que dans les rémunérations. Que compte faire le Gouvernement pour instaurer une réelle mixité professionnelle, vecteur de progrès social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - Oui, la modernité repose, en économie comme en politique, sur une dynamique nouvelle entre les hommes et les femmes. Oui, la mixité professionnelle est une chance, un facteur d'équité et de justice sociale. Le Gouvernement a fait de la valorisation du rôle des femmes dans les entreprises une de ses toutes premières préoccupations - dans l'esprit défini par le Premier ministre qui est de libérer les énergies, les forces vives, les potentiels humains. Les pistes qui s'offrent à nous sont connues : l'égalité salariale, l'accès facilité à la formation professionnelle et aux responsabilités, une meilleure prise en compte de la parentalité dans l'entreprise. Le Gouvernement a choisi pour cela, la voie du dialogue social (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous allons, avec François Fillon, réunir une table ronde avec les partenaires sociaux, qui ouvriront un calendrier de négociations. Cela n'exclut pas les efforts à faire dans la fonction publique, ainsi qu'en amont, à l'école, là où doit s'amorcer le principe d'égalité, afin que celui-ci devienne le gène organisateur d'une société moderne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

POLITIQUE SOCIALE DU GOUVERNEMENT

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Aux préoccupations des Français sur l'emploi, les salaires et les retraites, vous répondez « concertation et négociation ». De quelle négociation s'agit-il ? Est-ce négocier que d'abandonner l'accord majoritaire sur les 35 heures dans la restauration ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Est-ce négocier que de supprimer le congé de fin d'activité avant même toute discussion sur l'avenir des retraites ? Est-ce négocier que de supprimer, sous la pression de votre majorité, tout ce qui peut protéger les salariés contre les licenciements ? (Mêmes mouvements) Vous avez notamment suspendu l'amendement Michelin, qui contraignait l'employeur à négocier sur la réduction du temps de travail avant tout plan social ; vous avez suspendu l'obligation d'informer le comité d'entreprise avant toute annonce publique ayant des conséquences sur l'emploi.

Alors que l'Assemblée nationale s'apprête à voter ce que vous appelez une « suspension » des principales dispositions de la loi de modernisation sociale, pas une organisation syndicale n'est dupe de vos intentions affichées. La CFDT, par la voix de François Chérèque, déplore « un vrai problème de méthode avec le Gouvernement », la CGT évoque « une offensive antisociale », tandis que FO s'interroge : « On va négocier sur quoi ? Sur la manière dont on va mettre les gens à la porte ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Seul le MEDEF se réjouit de la possibilité qui lui est offerte de rompre à bon compte le dialogue social. Vous affirmez être à l'écoute des Français, mais vous agissez en sens contraire. Quand cesserez-vous de cacher votre politique de « moins-disant » social derrière une fausse concertation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - En citant M. Chérèque, vous validez la méthode du Gouvernement : le secrétaire général de la CFDT a dit en effet qu'il a négocié, mais que certains des amendements votés ensuite par l'Assemblée lui posaient problème (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le Gouvernement a donc bien négocié avec les partenaires sociaux pour suspendre une mauvaise loi, qui apporte de mauvaises réponses aux problèmes de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), une loi qui ment aux salariés ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Le Gouvernement renvoie aux partenaires sociaux le soin de faire des propositions pour faire évoluer le droit du licenciement - comme ils l'ont déjà fait en 1986 après la suppression de l'autorisation administrative de licenciement.

Quelle est cette conception du dialogue social où les partenaires sociaux ne pourraient pas parler des sujets difficiles ? Ils ont accepté - et c'est ce qui vous blesse le plus - de négocier sur des sujets sur lesquels vous les aviez quasiment ignorés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

ÉTATS GÉNÉRAUX DU SPORT

M. Jean-Marie Geveaux - Dimanche dernier, à La Villette, se sont achevés les Etats généraux du sport, annoncés par le Président de la République au printemps dernier, et organisés conjointement par le ministère des sports et par le CNOSF. Ce fut une vraie réussite (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), car pendant près de trois mois, des centaines de responsables sportifs ont pu s'exprimer au cours de réunions qui se sont tenues dans toutes les régions de France (Mêmes mouvements).

Des problèmes importants sont à régler : je pense notamment à la réforme du Fonds national pour le développement du sport, à la lutte contre le dopage, au soutien du bénévolat.

Après les propositions, les suggestions, parfois les doléances, est venu le temps de l'action. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre, à court et moyen terme, pour répondre aux attentes du monde sportif ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Lamour, ministre des sports - D'abord, quelques mots sur la méthode : il s'agissait effectivement d'une large concertation, co-organisée par le comité olympique français et le ministère des sports. Elle a permis de recueillir près de 10 000 contributions et d'établir un consensus sur le diagnostic et, surtout, sur les perspectives d'évolution.

Trois principes se sont dégagés.

Premier principe : le développement de la pratique sportive est un service public, et l'intervention de l'Etat reste donc nécessaire, qu'il s'agisse de réguler, de veiller à l'aménagement équilibré du territoire, de lutter contre le dopage ou d'accompagner le mouvement sportif ou les collectivités locales.

Deuxième principe : l'unité du mouvement sportif à travers les fédérations et les clubs. On a voulu, ces dernières années, opposer sport professionnel et sport amateur ; je crois que ce fut une erreur.

Troisième principe : la reconnaissance de l'engagement des collectivités locales, qui, quand l'Etat met un euro dans le sport, en mettent dix ! Il faut mieux utiliser ces sommes, et faire en sorte, par exemple, que ce soient des conseils des sports régionaux qui déterminent l'implantation d'un équipement ou le financement d'un projet.

Parmi les nombreuses mesures concrètes arrêtées j'en citerai deux. Dans chaque département, un centre de ressources sera créé pour aider les petits clubs à construire un projet et à gérer les aspects juridiques de leur activité. Ensuite les fonds du FNDS seront préservés grâce à la création d'un établissement public, le Centre national du développement du sport, tandis que, selon le v_u du Président de la République, une fondation sera chargée de promouvoir le mécénat des entreprises publiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MINES DE POTASSE D'ALSACE

M. Michel Sordi - La fermeture des mines de potasse d'Alsace, pour regrettable qu'elle soit, était devenue inéluctable. Prévue pour le 30 avril 2003, elle a été soigneusement préparée et, grâce à l'action du Président de la République et du Gouvernement d'Alain Juppé, un accord sur l'avenir du personnel a été conclu en 1997.

Mais l'incendie survenu le 10 septembre dernier au centre de stockage souterrain des déchets ultimes a provoqué l'arrêt anticipé de l'exploitation. Des négociations ont été engagées en vue d'un accord d'entreprise, mais elles ont quelque difficulté à aboutir, et c'est pourquoi l'intersyndicale a demandé une entrevue au Gouvernement. Les mineurs demandent aussi que se concrétise l'engagement du chef de l'Etat de créer un établissement public administratif pour garantir leurs droits sociaux et ceux des retraités. C'est d'autant plus nécessaire que toutes les exploitations minières, y compris celles des bassins houillers, vont fermer dans les deux années à venir.

En matière de droits sociaux des mineurs, je ne peux taire l'héritage laissé par le gouvernement précédent (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) : en cinq ans, l'indemnité de logement n'a pas été revalorisée, et pour les retraites un rattrapage a été décidé à la veille de l'élection, mais la formule retenue pénalise les retraités les plus âgés.

Quelles réponses concrètes pouvez-vous apporter pour rassurer les mineurs dans ce contexte traumatisant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - La fermeture des mines de potasse d'Alsace était devenue inévitable, pour des raisons à la fois économiques et de sécurité. Le Gouvernement suit les mesures d'accompagnement et je déplore l'arrêt anticipé d'exploitation provoqué par cet incendie, dont il reviendra à la justice d'établir les causes.

Je rends hommage au travail exemplaire des mineurs de potasse, qui ont fait de cette activité une vitrine de l'industrie française.

Les négociations en cours, notamment sur l'indemnisation du chômage partiel, relèvent des partenaires sociaux, mais je suis disposée à recevoir les salariés qui le souhaitent pour faire le tour des problèmes se posant après la fermeture de la mine.

La création d'un établissement public est nécessaire pour garantir les droits sociaux des salariés, des ayants droit et des retraités, et je me réjouis qu'une proposition de loi en ce sens ait été déposée par M. Mallié ; le Gouvernement la soutiendra.

En ce qui concerne la revalorisation des indemnités de logement et des retraites, je déplore, comme vous, l'immobilisme de nos prédécesseurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le Gouvernement se concerte avec la caisse autonome de sécurité sociale du secteur des mines, et des mesures vont être prises très rapidement, qui devraient satisfaire, au moins partiellement, les revendications légitimes des mineurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 10

PRESTATION DE SERMENT DES JUGES TITULAIRES ET SUPPLÉANTS
DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
ET DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

L'ordre du jour appelle la prestation de serment devant l'Assemblée nationale des juges titulaires et des juges suppléants de la Haute Cour de justice ainsi que de la Cour de justice de la République.

M. le Président - Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance portant loi organique sur la Haute Cour de justice, les juges « jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats ».

Avant de procéder à la prestation de serment, j'indique que pour nos collègues qui n'ont pu être présents aujourd'hui, elle aura lieu le mardi 17 décembre.

Les juges titulaires, MM. Pierre Albertini, Yannick Favennec, Michel Hunault, Christian Jeanjean, Alain Marleix, Christian Estrosi, Daniel Mach, Jean-Paul Bacquet, Jean Michel, André Vallini, puis les juges suppléants, M. Dino Cinieri, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Pierre Morel-A-l'Huissier, Jacques Remiller, Tony Dreyfus, Gilbert Le Bris, se lèvent successivement à l'appel de leur nom et, levant la main, disent : « Je le jure ».

M. le Président - Aux termes de l'article 2 de la loi organique sur la Cour de justice de la République, les juges « jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats ».

Avant de procéder à la prestation de serment, j'indique que pour nos collègues qui n'ont pu être présents aujourd'hui, elle aura lieu le mardi 17 décembre.

Les juges titulaires, MM. Francis Hillmeyer, Thierry Lazaro, Philippe Houillon, Jean-Paul Bacquet, Arnaud Montebourg, puis les juges suppléants, MM. Georges Fenech, Jean-Marc Nesme, Jean-Paul Garraud, Xavier de Roux, Tony Dreyfus, Gilbert Le Bris, se lèvent successivement à l'appel de leur nom et, levant la main, disent : « Je le jure ».

Acte est donné par l'Assemblée nationale du serment qui vient d'être prêté devant elle.

NÉGOCIATION COLLECTIVE SUR LES RESTRUCTURATIONS
AYANT DES INCIDENCES SUR L'EMPLOI

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Tout au long de ces débats, nous avons cherché un équilibre entre la nécessité de mieux protéger les salariés aux prises avec un licenciement économique, et celle de ne pas décourager les entreprises. Nous avons échangé nos points de vue pendant deux jours et trois nuits. Des divergences sont apparues, bien sûr, quant à la pondération à donner à ces deux éléments, mais nos échanges se sont déroulés dans un climat d'écoute et de respect mutuels.

Aujourd'hui, le texte qui nous est soumis est clair et lisible. Il ne comprend en effet que trois articles, qui se répondent et se complètent. Ensuite, il innove dans sa méthode, dans la mesure où, sans apporter de réponse immédiate aux questions posées, il suspend un certain nombre de mesures et appelle les partenaires sociaux à négocier, en vue d'éclairer le deuxième projet de loi qui sera présenté dans dix-huit mois, et qui introduira un nouveau droit positif en matière de licenciement économique.

Troisièmement, ce texte est juste. Il ne touche à aucun des droits directs des salariés exposés aux procédures de licenciement...

M. Gaëtan Gorce - Et le harcèlement ?

M. le Rapporteur - Enfin, il est équilibré : le Gouvernement a veillé à ne tomber ni dans le statu quo, ni dans l'abrogation.

M. Maxime Gremetz - Le « ni, ni » ne constitue pas une politique ! (Sourires)

M. le Rapporteur - Non, mais en l'occurrence cette méthode permettra de relancer la discussion collective.

Je sais que l'opposition va revenir sur certains amendements qui ont été adoptés, en particulier celui supprimant l'ex- « amendement Michelin » qui faisait obligation aux grandes entreprises de passer aux 35 heures avant de licencier. Mais comme, en réalité, les neuf dixièmes des grandes entreprises sont déjà passées aux 35 heures, l'obligation en question est vidée des neuf dixièmes de son sens...

M. Alain Néri - C'est une disposition qui protège les salariés !

M. le Rapporteur - Quant à l'amendement sur le harcèlement moral, il ne renverse pas la charge de la preuve, contrairement à ce qui a été dit, mais la rééquilibre.

Pour ce qui est de l'équilibre du texte lui-même, il faut, pour en juger, considérer aussi les amendements qui ont été repoussés.

M. Maxime Gremetz - Tous les nôtres !

M. le Rapporteur - Tous ceux, en tout cas, qui tendaient à interdire toute possibilité de licenciement économique dans l'économie ouverte qui est la nôtre, mais aussi ceux qui visaient à suspendre les obligations de l'entreprise en matière de reconversion des salariés.

Ce texte est donc clair, innovant, juste et équilibré ; vous pouvez le voter en toute confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Maxime Gremetz - Nous allons nous prononcer sur un projet qui « suspend » - c'est une première dans l'histoire du Parlement, mais il paraît qu'il faut innover - la loi de modernisation sociale.

Pendant tout le débat, vous avez voulu faire croire que ladite loi trouvait son origine dans un sombre compromis politique au sein de la précédente majorité. En réalité, elle répondait à une situation économique et sociale dramatique pour des milliers de salariés et leurs familles. Mais il est vrai que notre groupe a dû se battre avec détermination pour qu'elle ait la portée qu'elle a, s'inspirant pour cela de nombreux points d'une proposition de loi que nous avions élaborée avec de grands juristes du travail et toutes les organisations syndicales. Pouvait-on attendre moins de notre part, après les charrettes de licenciements boursiers - Danone, Lu, Marks et Spencer, Michelin, Magneti Marelli ?

Tous les salariés nous ont demandé de réagir. Cette loi, c'est la leur. D'ailleurs le MEDEF ne s'y est pas trompé, car la première demande inscrite sur le carnet de commande qu'il a adressé au Gouvernement était d'abroger cette loi, qui s'attaque à son droit divin de licencier comme bon lui semble. Cela montre bien qu'elle était plus efficace que vous ne le clamez.

Vous voulez l'enterrer en adressant au MEDEF un significatif « je vous ai compris » (Sourires), mais vous n'avez pas pu aller aussi loin que vous l'auriez souhaité, en dépit des encouragements nourris de votre majorité à le faire.

Certes, vous avez osé suspendre l'amendement « Michelin » et vous avez inversé la charge de la preuve en matière de harcèlement moral par un amendement qui constitue, soit dit en passant, un cavalier législatif - mais vous avez calé quand votre majorité a tenté de suspendre la jurisprudence « Samaritaine » sur l'obligation de réintégrer le salarié licencié abusivement ou quand elle a tenté de redéfinir au rabais le harcèlement moral et de suspendre l'obligation faite à l'employeur d'assurer tous les efforts de formation et d'adaptation avant de licencier, ainsi que l'obligation pour une entreprise donneuse d'ordres d'informer les sous-traitants d'un risque de plan social... Cette retenue s'explique par votre peur de la réaction des salariés.

De leur côté, les parlementaires communistes se sont attachés à faire des propositions tendant à mieux encadrer les procédures de licenciement tout en donnant une nouvelle définition du licenciement économique, à organiser un droit de suspension en cas de contestation, à accorder des droits nouveaux aux salariés. Ils se sont efforcés de contrer la déréglementation du code du travail que le Gouvernement orchestre pour satisfaire le MEDEF et pour que le contrat se substitue à la loi. Vous bouleversez en profondeur la hiérarchie des normes et faites fi des garanties que doit apporter la loi aux salariés, Monsieur le ministre.

Vous dites ouvrir un espace de dialogue pour que les partenaires sociaux puissent trouver un terrain d'entente. C'est un marché de dupes, car comment imaginer que les salariés puissent eux-mêmes organiser leur propre licenciement ou ceux de leurs collègues ? C'est immoral !

Vous appelez au dialogue social, mais quelle crédibilité avez-vous lorsque, de l'aveu même du secrétaire de la CFDT, vous ne tenez pas vos engagements minimaux ?

M. le Président - Votre temps de parole est dépassé.

M. Maxime Gremetz - Déjà ? Ce n'est pas possible ! (Rires)

M. le Président - Ne mettez pas la présidence en cause sur la qualité de son horlogerie, et veuillez conclure... (Sourires)

M. Maxime Gremetz - Je cite M. Chérèque : « Comment négocier en confiance une réforme, si ensuite elle peut être complètement modifiée par les députés ? »

Plusieurs députés UMP - A quoi sert le Parlement, selon vous ?

M. Maxime Gremetz - Vous n'avez pas compris ce que vous a expliqué le ministre ? Désormais, on négocie d'abord et ensuite le Parlement tient compte du résultat de la négociation !

Mme Chantal Bourragué - Le texte qui nous est proposé aujourd'hui traite d'un sujet difficile, nous le savons. Chacun d'entre nous a en effet été confronté à des problèmes de licenciements dans sa famille, parmi ses proches, dans sa commune ou sa région.

Ce sont bien les personnes mises en difficulté par ces licenciements qui sont notre première préoccupation. Ce texte, qui ne touche en rien à la protection des salariés, a pour objet de corriger les principaux défauts de la loi dite de modernisation sociale et renvoie les partenaires sociaux à un dialogue plus constructif.

Après deux jours consacrés aux motions de procédures, l'examen des articles n'a pas donné lieu à beaucoup de résistance de la part de l'opposition socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Elle ne s'est pas véritablement mobilisée pour défendre un texte qu'elle n'avait adopté que sous la pression de ses partenaires communistes (Mêmes mouvements). Extrêmement complexe, la loi dite de modernisation sociale organise une insécurité juridique dommageable pour les partenaires sociaux. Nous voulons lui substituer une législation équilibrée, fondée sur la responsabilisation des acteurs de terrain. Sans idéologie ni a priori, nous avons vérifié à chaque étape que nous préservions les intérêts des salariés sans paralyser le développement économique. Oui, le libéralisme humanisé (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) était au c_ur de nos préoccupations ! La suspension de certains articles de la loi de modernisation sociale sera l'un des leviers d'une politique globale visant à renforcer l'attractivité de notre territoire.

Les amendements qui ont été adoptés visent à simplifier plus encore les procédures. L'Assemblée a ainsi suspendu pour 18 mois l'application de l'article 96 - le fameux amendement Michelin -, qui obligeait les entreprises à négocier un accord sur les 35 heures avant tout plan social. C'est une mesure de cohérence avec l'assouplissement des 35 heures.

Mme Odile Saugues - Vous voulez supprimer les 35 heures, où est la cohérence ?

Mme Chantal Bourragué - Monsieur le ministre, vous avez rappelé que si la réduction du temps de travail peut servir à faire face aux difficultés de l'entreprise, c'est dans l'entreprise, et dans le cadre du dialogue avec les salariés que ces solutions doivent être utilisées. C'était d'ailleurs ce que suggérait la loi de Robien.

Dans le même esprit, nous avons également suspendu l'application de l'article 105, qui imposait au chef d'entreprise d'informer les élus du personnel avant toute annonce publique ayant des incidences sur l'emploi (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Chantal Bourragué - Cet article inutile risquait d'être source de confusion avec les règles de droit boursier et les sanctions qui frappent le délit d'initié (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Enfin, notre Assemblée a modifié la charge de la preuve en matière de harcèlement moral.

M. Alain Néri - Quel aveu !

Mme Chantal Bourragué - Le Conseil constitutionnel avait émis de fortes réserves sur cette disposition, rappelant qu'elle « ne saurait dispenser la partie demanderesse d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants ». Il fallait trouver un équilibre entre la protection des salariés et la protection des entreprises contre des recours abusifs. En même temps, nous harmonisons notre législation avec la directive européenne. Désormais, le salarié devra « établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ».

Le dernier amendement adopté porte sur le régime de la médiation : le choix du médiateur devra dorénavant faire l'objet d'un accord entre les parties.

Outre la suspension des articles les plus contestables de la loi dite de modernisation sociale, vous nous proposez avec ce texte une nouvelle approche des relations sociales. C'est en facilitant le dialogue que nous trouverons des réformes équilibrées et acceptées par tous. Les débats ont aussi montré la nécessité de mettre l'accent sur la formation et sur le reclassement plutôt que sur l'allongement des procédures (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Dialogue, concertation, confiance envers les partenaires sociaux sont au c_ur de votre démarche. Le groupe UMP y souscrit pleinement et c'est avec confiance que nous voterons ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gaëtan Gorce - Après les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail, le programme TRACE, les CES, c'est le tour de la loi de modernisation sociale. Ce sont désormais cinq scalps qui ornent votre ceinture (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Plutôt que de mener une lutte sans merci contre le chômage et les inégalités sociales, vous avez choisi de supprimer un à un les acquis sociaux de la précédente législature. Votre libéralisme social n'est que votre façon de traiter très libéralement le social. Quant au « libéralisme humanisé » que vient d'inventer Mme Bourragué, c'est sans doute comme l'UMP démocratisée : un seul décide, les autres appliquent... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Au moins ce débat aura permis de faire tomber les masques...

Les Français sauront que, face à la menace du chômage, vous préférez abaisser la garde au lieu de la renforcer. Vous avez montré que vous n'aviez que faire des inquiétudes des salariés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Dès lors, vous porterez la responsabilité des plans sociaux et de la dégradation de l'emploi pour les mois qui viennent. Vous aurez à vous expliquer devant les salariés ; nous saurons vous demander des comptes.

Vous ne pouvez plus vous cacher derrière le dialogue social : tous les syndicats ont condamné votre méthode, le secrétaire général d'une grande confédération déclarant même que « vous n'aviez rien compris »...

Par ailleurs, vous n'hésitez pas à accroître les inégalités entre les salariés, bouleversant la hiérarchie des normes sociales. Confrontés au risque de licenciements, ils relèveront maintenant d'au moins trois régimes différents.

Il y a pour vous une seule urgence : suspendre les garanties sociales ; tout le reste peut bien attendre trente mois...

Dans ce débat, les députés de la majorité, qu'ils soient du courant Juppé, Sarkozy ou Fillon, sont venus défendre non pas l'entreprise mais les chefs d'entreprise. Ce n'est plus une majorité, c'est un conseil d'administration... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Et les amendements que vous avez acceptés n'étaient rien d'autre que les dividendes que vous leur distribuiez !

M. René Couanau - C'est nul !

M. Gaëtan Gorce - Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce texte élaboré dans la précipitation. Il est urgent que vous changiez de politique pour favoriser un vrai dialogue social et pour adopter une stratégie de soutien à la croissance et à l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Vercamer - Ce débat aura révélé des visions surprenantes du monde de l'entreprise et des doutes étonnants quant à la capacité des partenaires sociaux à s'engager dans une négociation constructive.

N'en déplaise à ceux qui font de l'opposition entre les salariés et les entreprises leurs fonds de commerce électoral, il n'y a pas aujourd'hui, d'un côté les partisans acharnés d'un libéralisme favorable à l'initiative privée, de l'autre les protecteurs des droits des salariés menacés par l'égoïsme des chefs d'entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Il y a avant tout des élus soucieux de permettre à nos entreprises de progresser, pour mieux créer des emplois.

Un droit du travail plus simple, plus clair, qui protège avec efficacité le salarié sans paralyser l'entreprise, voilà l'objectif que nous nous donnions.

Si tous les députés de la majorité ont rappelé avec force, comme le Gouvernement, leur attachement au dialogue social, nous estimions qu'il aurait été davantage favorisé si les dispositions les plus contestées du texte précédent avaient été tout simplement abrogées.

Cependant, le groupe UDF vous donne acte, Monsieur le ministre, de votre volonté d'assumer vos responsabilités si, au terme de la période de suspension, le dialogue entre les partenaires sociaux n'aboutissait pas. Il est clair qu'il faut en finir avec les dispositions de la loi de modernisation sociale qui fragilisaient l'entreprise en difficulté, donc les salariés (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

C'est aussi cette priorité accordée à la négociation qui nous fait accueillir favorablement la possibilité pour les entreprises de conclure des accords de méthode à titre expérimental, afin de nourrir la négociation interprofessionnelle, et de faire connaître les bonnes pratiques.

Ce texte doit être un premier pas vers une clarification et une simplification de notre code du travail, c'est le grand chantier sur lequel nous invitons le Gouvernement à se pencher, avec les praticiens du droit du travail, dans l'entreprise, dans les conseils des prud'hommes. Les partenaires sociaux doivent être parties prenantes à ce travail.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera ce projet, non comme l'aboutissement d'une démarche visant seulement à simplifier la vie de nos entreprises, mais comme le premier acte de l'ambitieux chantier de refondation sociale que nous appelons de nos v_ux (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

A la majorité de 337 voix contre 137, sur 474 votants et 474 suffrages exprimés, l'ensemble du projet est adopté.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Je remercie le président Dubernard, le rapporteur Dominique Dord et l'ensemble de la majorité avec laquelle nous avons pu instaurer un dialogue constructif, et parvenir à une texte équilibré. S'appuyant sur sa majorité, le Gouvernement suit son cap avec méthode et détermination : 23 000 contrats jeunes signés en entreprise aujourd'hui, assouplissement des 35 heures avec dès aujourd'hui la possibilité d'obtenir un contingent d'heures supplémentaires, harmonisation du SMIC par le haut, révision ciblée de la loi de modernisation sociale. Pas à pas, nous affûtons la compétitivité de notre pays, réhabilitons la valeur du travail, et responsabilisons les partenaires sociaux.

Chacun s'en souvient, la loi de modernisation sociale fut votée sous le sceau de l'improvisation politicienne - certaines de ses dispositions se sont d'ailleurs vite révélées antiéconomiques et antisociales. Aussi avons-nous choisi de les suspendre plutôt que de les abroger, en rompant avec la pratique dogmatique de nos prédécesseurs. Cette suspension permet de relancer le dialogue avec les partenaires sociaux, invités à formuler des propositions originales, étant entendu que dans dix-huit mois, le Gouvernement prendra ses responsabilités. Cette négociation aura lieu. Elle est déjà décidée, il ne s'agit plus que de savoir si elle aboutira.

Avec ce projet de loi, nous sollicitons les acteurs sociaux, nous permettons l'expérimentation dans les entreprises, et nous introduisons le principe de l'accord majoritaire - en fait, nous remettons en marche le dialogue social et la compétitivité des entreprises.

La majorité a choisi de dire la vérité aux Français sur l'économie et les risques de désindustrialisation, plutôt que de chercher à les tromper par des comportements politiciens tels que ceux qui ont mis notre pays en situation difficile. En travestissant la réalité - comment prétendre que le programme TRACE et les CES sont supprimés ? - en caricaturant la majorité, allant même jusqu'à l'insulter comme si elle n'était pas légitime et ne représentait pas l'ensemble des Français, des chefs d'entreprise, et des salariés, le parti socialiste a montré que si quelqu'un n'a rien compris, c'est bien lui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La séance, suspendue à 16 heures 50 est reprise à 17 heures 5, sous la présidence de M. Le Garrec.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur - Ce collectif répond à plusieurs enjeux majeurs. Tout d'abord, il révise à la baisse les recettes fiscales de 2002 par rapport à la prévision 2002 associée au projet de loi de finances pour 2003. C'est une innovation majeure, car d'habitude, le collectif de fin d'année cale les évaluations de recettes sur les hypothèses révisées du projet de loi de finances de l'année suivante, même si l'évolution des rentrées a rendu ces hypothèses virtuelles. Nous avons inscrit le principe de transparence au c_ur de notre politique budgétaire ; nous l'appliquons. C'est un premier enjeu de ce texte.

Le collectif constitue également le support d'ajustements divers portant sur les dépenses. Nous vous proposons d'importants redéploiements de crédits, traduisant un effort d'économie important. Tel est le deuxième enjeu.

Face à la situation financière très dégradée de France-Télécom, M. Thierry Breton, président de l'entreprise, a élaboré un plan de redressement qui sera accompagné financièrement par l'Etat, actionnaire majoritaire. Un amendement du Gouvernement traduit cette démarche. C'est là le troisième enjeu.

Enfin, ce collectif contient des dispositions législatives, fiscales et non fiscales, correspondant au quatrième enjeu de ce texte.

Notre projet de loi de finances est donc sincère.

Les dernières évaluations font état de moins-values de recettes fiscales de 1,55 milliards d'euros en 2002 - par rapport au collectif de cet été. Nous les traduisons dans le texte qui vous est soumis. Cette révision est due à deux séries distinctes de causes : d'une part, des causes ponctuelles dont l'incidence restera limitée à la gestion 2002 ; d'autre part, des causes qui auront une incidence sur la gestion 2003 par un effet-base bien connu - il s'agira, par rapport au projet de loi de finances pour 2003, de 700 millions d'euros de moins-values.

La prévision de recettes de TVA nette est diminuée, pour 2002, de 600 millions d'euros. Cette révision résulte de deux facteurs. Tout d'abord, les remboursements et dégrèvements seront en augmentation de 300 millions d'euros, cette augmentation étant due au raccourcissement du délai moyen de traitement des demandes des entreprises, source de satisfaction. Cette moins-value n'est pas pérenne et n'affectera pas les recettes de 2003. Deuxième facteur : la TVA collectée sur les opérations d'importation est, par rapport aux prévisions, en retrait de 300 millions d'euros - perte qui, elle, affectera nos recettes en 2003.

Les recettes de TVA hors importation sont, à ce jour, en ligne avec les prévisions. Les dernières rentrées sont satisfaisantes.

Pour l'impôt sur les sociétés, il faut également tenir compte du fait que les dégrèvements connaissent là encore une augmentation ponctuelle de 300 millions d'euros.

L'impôt sur le revenu sera l'objet en 2002 d'une moins-value nette de 500 millions d'euros, due à l'imposition à taux forfaitaire des revenus mobiliers. Cette perte de recettes affectera nos recettes de 2003 à concurrence de 400 millions d'euros.

Nous constatons, enfin, une perte de 150 millions d'euros sur la TIPP due au comportement de déstockage en relation avec l'augmentation du prix du pétrole puisqu'au début du mois de novembre. Nos évaluations pour 2003 ne devaient pas être affectées par cette moins-value.

Au total, les moins-values de 2002 sont de 1,55 milliard d'euros. La part consolidable pour 2003 est de 700 millions d'euros.

Je n'aurais pas la cruauté de rappeler à l'opposition les propos qu'elle tenait il y a quelques mois. Elle nous avait accusés, lors de la présentation de l'audit des finances publiques, d'avoir noirci la situation. En fait, nous ne l'avions pas assez noircie !

M. Augustin Bonrepaux - Vous avez dérapé !

M. le Ministre délégué - Comme nous l'avons annoncé à la commission des finances, nous avons traduit ces pertes de recettes par amendement devant le Sénat. Je vous rappelle que l'Assemblée nationale s'était prononcée sur les recettes un mois avant le dépôt du collectif, bien avant que les prévisions qui fondent le présent collectif ne soient établies. Toutefois, le niveau du solde budgétaire de 2003 est resté similaire à celui que l'Assemblée avait adopté. Les mesures permettant de compenser ces pertes ont été prises lors du débat.

Le Gouvernement a fait une pleine application du principe de sincérité, dont je rappelle qu'il figure désormais explicitement dans la loi organique relative aux lois de finances.

Ce collectif contient diverses mesures d'ajustement en dépenses. Il retrace l'effort d'économie - 2,6 milliards d'euros. Les ouvertures portent sur 2 milliards d'euros pour le budget général.

Pour l'essentiel, ces ouvertures sont neutres sur le besoin global de financement des administrations publiques en 2002 - une part importante concerne les relations de l'Etat avec les administrations de sécurité sociale ou les collectivités territoriales, et une autre part est destinée à être dépensée sur l'exercice 2003, notamment les ouvertures opérées au profit du ministère de la défense.

Ces ouvertures couvrent des insuffisances liées aux sous-budgétisations de la loi de finances 2002 ou à des dispositifs mis en place par le précédent Gouvernement. C'est notamment le cas des ouvertures à caractère social, qui dépassent 800 millions d'euros.

Le présent collectif traduit la priorité que le Gouvernement attache à la sécurité intérieure et extérieure.

En ce qui concerne le ministre de la défense, 88 millions d'euros couvrent divers besoins en fonctionnement des forces armées, et 191 millions d'euros sont destinés à l'ajustement des crédits de recherche du ministère de la défense.

En ce qui concerne la sécurité intérieure, 46 millions d'euros sont ouverts au titre de la mise en service de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Enfin, le Gouvernement vous présente un amendement traduisant la décision du Premier ministre de verser une prime de Noël aux titulaires de certains minima sociaux. Nous procédons ainsi afin d'éviter d'affecter les comptes de la sécurité sociale, alors que l'Etat est en réalité le débiteur ultime de cette prime. Ceci relève là encore de notre volonté de transparence.

Le collectif retrace l'effort d'économie auquel nous nous sommes engagés. Les annulations de crédits s'élèvent pour le budget général à 2,6 milliards d'euros, la quasi totalité des ministères étant concernés par cet effort de redéploiement.

Le déficit budgétaire, dans le collectif que nous vous soumettons, s'établit à 46,8 milliards d'euros - 47 milliards si vous adoptez l'amendement du Gouvernement sur la traduction de la prime de Noël.

Ce collectif, enfin, comporte diverses dispositions législatives fiscales et non fiscales.

Le Gouvernement vous proposera plusieurs amendements complétant son projet initial, amendements qui ont pu être exposés jeudi dernier devant votre commission des finances à l'occasion de la présentation du plan de redressement de France Télécom. Compte tenu de la qualité de ce plan, l'entreprise mérite le soutien de ses actionnaires et, au premier rang d'entre eux, celui de l'Etat. Aussi l'Etat participera-t-il au renforcement des fonds propres en souscrivant à hauteur de sa part dans le capital - soit un investissement de 9 milliards.

Il ne s'agit pas d'une dépense à fonds perdus : l'Etat défend son propre intérêt patrimonial. Cet investissement devrait avoir la qualification d'« opération financière en comptabilité européenne » et, par conséquent, ne pas avoir d'impact sur le déficit au sens du traité de Maastricht. Il ne modifie pas non plus l'équilibre budgétaire présenté par le Gouvernement pour 2003.

L'effort fourni par la collectivité nationale se traduira en revanche dans le décompte de la dette publique totale. L'endettement nécessaire pour souscrire au remboursement des fonds propres sera en effet retracé dans la dette des administrations publiques. Cette augmentation devrait représenter 0,6 % du PIB en 2003.

La réalisation d'un investissement aussi exceptionnel nécessitait des dispositions particulières, prises par le Gouvernement dans un souci d'efficacité et de transparence. L'ERAP deviendra ainsi prochainement un actionnaire important de France-Télécom et se verra apporter l'ensemble des titres de l'entreprise détenus par l'Etat. Cet établissement souscrira à l'opération de renforcement des fonds propres de France-Télécom à hauteur de la part détenue par l'Etat dans le capital de l'entreprise. Il financera cet investissement en contractant des emprunts, qu'il remboursera en cédant des titres détenus par l'Etat et, à plus long terme, des titres de France-Télécom. Pour que cet emprunt se fasse dans les meilleures conditions, il doit bénéficier de la garantie de l'Etat : c'est l'objet de l'amendement qui vous est présenté.

Bien que de nombreux articles aient un caractère technique, vous relèverez que le projet respecte scrupuleusement les engagements pris par le Gouvernement. Ainsi, il prévoit la suppression du décalage de deux ans pour l'éligibilité au FCTVA des dépenses exposées par les communes sinistrées à la suite des intempéries des 8 et 9 septembre dans six départements du sud-est et de celles des 6 et 7 juin dans l'Isère - n'est-ce pas, Monsieur Migaud ?

M. Michel Bouvard - Et en Savoie aussi !

M. le Ministre délégué - Nous nous étions également engagés à adapter la législation fiscale pour les parents divorcés ayant la garde alternée des enfants : c'est l'objet de l'article 23.

Le projet résout également plusieurs problèmes anciens, répondant ainsi aux v_ux exprimés par le Parlement. Il instaure notamment un dispositif de calcul nouveau pour les pensions des anciens combattants des ex-colonies : désormais décristallisées, elles augmentent de 20 % à 120 % selon le pays de résidence et le type de pension.

Sont régularisés les prélèvements opérés sur attributions de DGD dans certains départements, au titre de la CMU.

Le Gouvernement vous propose également un amendement simplifiant la parafiscalité agricole, conformément à la loi organique sur les lois de finances. Après des échanges nombreux avec les organisations agricoles, nous proposons la création d'un établissement public, l'Agence de développement agricole et rural, qui reprendrait les missions de l'ANDA, mais serait financée par une seule taxe, au lieu des neuf actuelles. Cette taxe serait assise sur le chiffre d'affaires des exploitations et uniforme dans toute les filières. Ce serait la première étape d'une réforme globale de la parafiscalité agricole.

Sont à mentionner aussi la transposition des directives communautaires concernant la TVA applicable aux services fournis par l'Internet et la prolongation du dispositif favorisant les dons d'ordinateurs par les entreprises.

Le projet poursuit la simplification déjà engagée pour la facturation de la TVA, les exonérations de taxe d'habitation, la mise en place d'un interlocuteur fiscal unique pour les entreprises.

Il contient en outre une disposition destinée à favoriser le développement de la flotte maritime, en imposant désormais les navires selon leur tonnage, comme le font déjà plusieurs pays européens.

Nous proposons également un aménagement du régime fiscal des biocarburants, afin de le mettre en conformité avec la réglementation communautaire. De nombreux amendements ont été déposés sur ce point et le Gouvernement n'y restera pas insensible (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) - ça change !

La baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu est compensée par des économies et face à la baisse des recettes fiscales, le Gouvernement joue la transparence en tirant les conséquences des moins-values de 2003 sur l'exercice 2003, tout en respectant l'équilibre de la loi de finances.

Pour toutes ces raisons, je vous demande d'adopter ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Ce deuxième collectif de l'année présente plusieurs particularités.

Le Parlement ayant adopté cet été une première loi de finances rectificative, la majeure partie des mouvements de crédits au titre de l'exécution du budget 2002 ont été décidés par le législateur.

En outre le Gouvernement, rompant avec l'usage de faire valider par le Parlement des annulations de crédits déjà réalisées par décret, nous demande de discuter et décider nous-mêmes de certaines de ces annulations. La commission des finances s'est interrogée sur ce choix et l'a finalement approuvé : il est de notre responsabilité, en effet, de procéder à de telles annulations ; comme nous procédons à des ouvertures de crédits.

Les priorités que s'est assignées le Gouvernement ne pourront en effet être respectées durablement que dans le cadre d'une politique budgétaire et fiscale cohérente.

L'examen des recettes fiscales a confirmé le bien-fondé de l'évaluation opérée lors du premier collectif : elles sont inférieures d'1,5 milliard d'euros à l'hypothèse la plus pessimiste de l'audit, pourtant très critiqué alors !

M. Augustin Bonrepaux - Vous n'avez pas amélioré la situation !

M. le Rapporteur général - Le Gouvernement s'était engagé à ce que la baisse de 2,5 milliards de l'impôt sur le revenu n'augmente pas le déficit. Elle est, de fait, gagée par des économies. Le dérapage des dépenses est dû à des sous-estimations de la loi de finances initiale pour 2002, qui obligent à des ouvertures de crédits supplémentaires de 2,3 milliards d'euros.

Les annulations de crédits proposées par ce projet s'élèvent à 2,4 milliards d'euros et portent principalement sur le budget des charges communes, notamment sur les crédits liés à des mesures salariales générales. Le budget de la défense est mis à contribution pour 321 millions d'euros - montant bien inférieur au gel de crédits opéré en août dernier et aux annulations des exercices précédents -, celui de l'emploi pour 259 millions d'euros. Le solde des mouvements de crédits est en diminution de 153 millions d'euros.

Quant à l'évaluation des recettes nettes, elle est réduite de 250 millions d'euros, soit 0,64 %, par rapport au collectif de juillet, mais de 4 % par rapport à la loi de finances initiale ! C'est dire à quel point celle-ci surestimait les recettes.

Le déficit budgétaire de 2002 atteint donc 46,758 milliards d'euros, soit 754 millions de plus que dans le collectif d'été et 54 % de plus qu'en lois de finances initiale !

La mise en place de la taxation tonnage pour les entreprises de commerce maritime était attendue depuis plusieurs années.

L'article 18 donne une base légale à la nouvelle taxation sur les carburants. Toutefois le dispositif du Gouvernement nous paraît un peu trop violent, nous l'avons atténué en faveur des biocarburants.

La commission a également adopté une partie des autres amendements présentés par le Gouvernement, notamment pour mettre en place le plan de sauvetage de France Télécom. Enfin, une fois de plus, nous finançons au collectif la prime de Noël pour les titulaires du RMI et les chômeurs en fin de droit. Celle de 2001 ne l'avait pas été, celle de 2002 non plus !

M. Michel Bouvard - Les camarades socialistes vivaient à crédit !

M. le Rapporteur général - Sous réserve des amendements qu'elle vous proposera, la commission des finances vous demande d'adopter le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Axel Poniatowski, rapporteur pour avis de la commission de la défense - Pour notre commission, ce collectif comporte beaucoup de points positifs et un qui l'est moins.

D'abord, l'ouverture de 88 millions d'euros au titre III couronne une gestion de grande qualité. Les 896 millions de dépenses supplémentaires de l'année, qu'il s'agisse de rémunérations ou de dépenses extérieures, sont ainsi couvertes. Les charges récurrentes de loyer de la gendarmerie ou de dettes envers la SNCF ont pu être définitivement apurées.

Ensuite, les 4,65 milliards d'AP ouvertes au titre V étaient très attendues pour la réalisation du modèle d'armée 2015. L'une, de 1,326 milliard, finance la dernière tranche du missile nucléaire balistique M51. Une autre de 3,114 milliards finance une commande de 59 Rafale, dont 46 pour l'armée de l'air et 13 pour la marine, à passer au premier trimestre 2003.

Les 211 millions de CP ouverts au titre V correspondent à la décision du conseil de défense d'exclure du périmètre de la loi de programmation la restructuration de DCN et le BCRD.

Enfin, l'article 32 proroge le régime spécifique d'aliénation des immeubles inutiles au ministère de la défense et l'article 33 transfère les opérations du compte de commerce 904-01, désormais supprimé, à l'économat des armées.

Malheureusement, l'article 9 annule 321 millions de CP du titre V. La commission de la défense a adopté à l'unanimité un amendement de suppression (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Ces crédits sont aujourd'hui gelés, mais correspondent pour une large part à des dépenses engagées, qu'il faudrait dès lors payer sur le budget de 2003. Or, les crédits d'équipement, fixés à 13,64 milliards pour 2003, sont une étape vers le niveau de 14,5 milliards jugé nécessaire pour réaliser le modèle d'armée 2015. On ne saurait les amputer ainsi. Enfin, le Parlement a abondé le budget des armées de 100 millions au collectif de juillet. Annuler cinq mois plus tard le triple de ce montant serait se déjuger. La commission de la défense n'a donc adopté ce projet que sous réserve de la suppression de l'article 9 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je voudrais faire appel à la sagesse de mes collègues (Ah ! sur plusieurs bancs du groupe UMP). Jeudi dernier, le Gouvernement a accepté, à la demande de membres de la commission des finances, de reporter le débat à cette semaine, en souhaitant qu'en échange, nous nous concentrions sur l'essentiel. Donc, il n'est pas besoin de reprendre des amendements présentés trois fois. Je remercie d'ailleurs le groupe socialiste de ne pas avoir défendu de motions de procédure. Nous pourrions ainsi terminer cette nuit ou demain matin. Pour que le Gouvernement continue à accepter nos initiatives, faisons preuve de discipline (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. le Président - Les rapporteurs en ont fait preuve en respectant parfaitement leur temps de parole, je demanderai aux orateurs de faire de même.

M. Marc Laffineur - Avec ce collectif, le Gouvernement fait preuve de transparence et de sincérité, comme il l'avait promis.

Compte tenu des dernières évaluations et du financement de ses priorités, le déficit s'accroît de 0,75 milliard par rapport au collectif de cet été, pour s'établir à 46,76 milliards.

D'abord, le contexte international est difficile. Aux Etats-Unis, les perspectives pour le quatrième trimestre sont moins bonnes que prévu, le chômage a augmenté, le secrétaire au Trésor a dû être remplacé ; s'y ajoute l'incertitude de la situation en Irak. En Allemagne, la production industrielle a diminué de 2,1 % en octobre par rapport à septembre. Le chancelier qui vient d'être réélu fait le contraire de ce qu'il avait promis, en augmentant fortement les impôts. Il est vrai que c'est un social-démocrate.

Pourtant en France, le moral des industriels et des ménages s'améliore, de même que les perspectives de production de l'industrie manufacturière pour les prochains mois. Les ménages, dont la consommation est le meilleur soutien de la croissance, ont dépensé 1 % de plus pour les produits manufacturés en octobre. La Banque de France maintient ses prévisions de croissance à plus 0,4 % pour le troisième trimestre, ce qui concorde avec la prévision par l'OCDE d'une hausse de croissance de 1 % pour la zone euro en 2003. Par ailleurs, malgré d'importantes différences entre pays, la Commission européenne continue à prévoir un recul de l'inflation début 2003 et la BCE a diminué d'un demi-point son taux directeur.

Il y a donc un déficit supplémentaire de 15 milliards hérité de la gestion socialiste...

M. Augustin Bonrepaux - Mais vous êtes au pouvoir depuis sept mois ! Vous avez aggravé la situation !

M. Marc Laffineur - Souvenez-vous plutôt de l'audit, calqué sur celui que vous aviez demandé.

Le collectif affiche donc une perte de recettes fiscales de 1,55 milliard pour 2002 et des ouvertures de crédits pour 2 milliards, gagées par 2,6 milliards d'économies.

Les baisses de recette sont des causes structurelles, qui jouent aussi sur le budget 2003 et ont conduit le Gouvernement à diminuer les recettes de 700 millions lors du débat au Sénat. Il aurait mieux valu le faire à l'Assemblée. Les recettes de TVA diminueraient de 4,5 milliards par rapport à la LFI pour 2002. 300 millions seront consacrés à raccourcir les délais de traitement des demandes des entreprises, ce dont on ne peut que se réjouir, le même dispositif étant appliqué à l'IS pour 300 millions également. Pour la TIPP, on enregistre une perte de 500 millions.

S'agissant des dépenses, les 2 milliards d'ouverture de crédits financent pour 298 millions le fonctionnement des forces armées et la recherche du ministère de la défense et pour 46 millions la mise en _uvre de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure. Mais pour une grande part, elles financent des mesures qui ne l'ont été que partiellement par le précédent gouvernement, comme les contrats territoriaux d'exploitation, la CMU, la suppression de la vignette, les emplois-jeunes...

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi n'avez-vous rien prévu au collectif de juillet ?

M. Marc Laffineur - ...ou le protocole hospitalier. Il faut également 92 millions pour ajuster les charges de compensation démographique des régimes de retraite et 200 millions pour équilibrer le fonds national de chômage.

Au total, les besoins en financement des administrations publiques passent de 2,6 à 2,8 % du PIB.

Les principaux ajustements de ce collectif portent sur des domaines variés : nouvelles technologies, écologie, simplification fiscale, mise en conformité avec le droit communautaire. Notons aussi la fin de la distorsion de concurrence dans le commerce électronique communautaire, l'extension du champ des exonérations de la TGAP assise sur les déchets, la mise en place d'un interlocuteur unique pour les PME, la revalorisation des pensions des anciens combattants des anciennes colonies, les dispositifs de solidarité mis en _uvre suite aux inondations...

Quant aux amendements du Gouvernement, on ne peut que s'en féliciter. Je pense d'abord à ceux qui concernent France Télécom, dont la dette atteint 70 milliards d'euros, ce qui en fait l'opérateur le plus endetté au monde. Cette situation résulte d'investissements à l'étranger malvenus au moment où la bulle boursière était à son maximum - l'achat de Mobilcom a été particulièrement catastrophique. Mais elle résulte aussi de l'entêtement du gouvernement précédent, qui a laissé les comptes se dégrader au nom d'une idéologie qui ne pouvait souffrir l'ouverture de capital... A chaque acquisition, l'entreprise était obligée de payer en liquide alors que toute autre entreprise privée aurait payé en actions.

Si rien n'avait été fait, les échéances de remboursement auraient mis l'entreprise en dépôt de bilan en 2003. Fort heureusement, un plan de sauvetage équilibré et volontaire a été présenté. Et aujourd'hui, par amendement, le Gouvernement nous propose d'ouvrir par l'intermédiaire de l'ERAP une ligne de crédits de 9 à 10 milliards d'euros, afin de redonner confiance aux marchés et de sauver l'entreprise.

Je me félicite aussi des mesures concernant le Crédit Lyonnais, dont la Cour des comptes estimait, fin 2000, le déficit à 14,8 milliards d'euros. Encore une erreur de gestion socialiste !

Le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a donc décidé de céder à BNP-Paribas, par voie d'enchères publiques, les 11 % de participations que l'Etat détenait encore dans le capital du Crédit Lyonnais. Les 2,2 milliards d'euros que cette cession a rapportés iront abonder pour 500 millions le Fonds de réserve des retraites, pour 800 millions l'EPFR qui gère la dette du Crédit Lyonnais, le reste étant destiné au désendettement des entreprises publiques.

Je félicite également le Gouvernement pour les mesures portant sur les zones franches urbaines, à savoir le recul au 31 décembre 2007 de la fin du dispositif d'exonération des cotisations sociales patronales, l'exonération des cotisations personnelles d'assurance maladie-maternité pour les commerçants et les artisans qui installent leur activité dans une de ces zones entre le 1er janvier 2003 et 2007, la prorogation du régime d'exonération de TP et de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les établissements créés entre le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2008.

Il est, en effet, nécessaire de protéger les ZFU, qui ont permis la création de 10 000 entreprises et de 50 000 emplois en cinq ans.

L'Agence nationale de développement agricole sera désormais financée par une seule taxe, qui en remplace neuf autres. La simplification fiscale est toujours souhaitable. Néanmoins, on peut s'interroger sur le fait que cette taxe porte sur le chiffre d'affaires, car les grandes exploitations agricoles céréalières de la Beauce, à forte valeur ajoutée, et les petites exploitations d'élevage de viande, qui ont une faible valeur ajoutée mais un gros chiffre d'affaires, n'auront pas la même charge. La commission des finances a donc repoussé cet amendement.

Dans un tout autre domaine, je me réjouis que 422 millions d'euros soient consacrés à la consolidation des dettes des pays en développement, et en particulier qu'une contribution française de 500 millions d'euros aille au désendettement du Liban, pays ami de la France qui, avec les reconstructions d'après-guerre, connaît un endettement correspondant à 170 % de son PIB.

Enfin, je remercie le Gouvernement pour la reconduction de la prime de Noël et pour les 310 millions d'euros qui lui sont consacrés. Je note simplement que ce Gouvernement aura dû financer trois primes de Noël...

En conclusion, le groupe UMP votera ce collectif budgétaire, qui tient les promesses du Gouvernement en matière d'efficacité, de clarté et de sincérité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Je me réjouis que le débat sur le collectif ait lieu aujourd'hui plutôt que vendredi dernier mais à la différence du président de la commission des finances, je ne vois pas dans ce report un signe de la maîtrise du Gouvernement. Cela fait en effet plusieurs fois que ce gouvernement bouscule l'ordre du jour de notre Assemblée, faute d'avoir prévu assez de temps pour la discussion des textes qu'il présente. Sans doute considère-t-il que l'ensemble de l'Assemblée ressemble à l'UMP et ne peut-il imaginer que certains députés veuillent vraiment débattre...

Je suis étonné d'entendre M. Laffineur constater comme nous la dégradation des comptes publics, mais nous servir aussitôt la même rengaine : c'est la faute des socialistes - ou de la majorité plurielle - et de la situation internationale, ce qui explique sans doute que ce soit le ministre du commerce extérieur qui présente ce collectif. L'année prochaine, nous aurons peut-être le ministre des affaires étrangères... J'ai connu des premiers ministres de droite plus courageux que l'actuel. Je me souviens en particulier de M. Balladur expliquant qu'il assumait pleinement, quelques mois après son arrivée à Matignon, la responsabilité de la situation économique et budgétaire. Par contre, ce gouvernement nous répète que c'est la faute soit de ses prédécesseurs, soit des Américains ! Cela fait deux fois déjà, après le collectif d'été, qu'il nous fait le coup de l'héritage.

En réalité, la dérive budgétaire est la conséquence des choix politiques du Gouvernement, par exemple, la baisse supplémentaire de l'impôt sur le revenu, ciblée sur les ménages les plus favorisés, et la priorité déraisonnable donnée aux dépenses militaires, alors que, par ailleurs, on parle sans cesse de défense européenne. On constate aussi qu'il annule des crédits dans des domaines qu'il affiche pourtant comme prioritaires, par exemple, la sécurité routière...

M. Jean-Louis Idiart - Ou la sécurité maritime !

M. Didier Migaud - En effet, les économies faites sur la sécurité maritime à un moment où la France et l'Espagne sont confrontées aux conséquences du naufrage du Prestige semblent assez irresponsables.

Ce collectif traduit les mêmes priorités, voire les mêmes obsessions que la loi de finances initiale. D'un côté, on favorise un petit nombre de ménages, parmi les plus privilégiés, de l'autre, on sacrifie des dépenses utiles à la collectivité - éducation, politique de la ville, sécurité routière, formation professionnelle...

Je ne puis vous laisser faire dire à l'audit Bonnet Nasse ce que vous dites qu'il a dit ! Vous êtes responsable au moins pour partie de la dégradation de la situation budgétaire par le choix de réduire davantage l'impôt sur le revenu et par l'augmentation de certaines dépenses. D'ailleurs, certains documents budgétaires le montrent, mais vous ne reconnaissez pas à l'oral ce que vous avez mis par écrit. Où est la sincérité budgétaire ?

Lorsque le 20 novembre dernier, le Gouvernement a informé la commission des finances d'une révision à la baisse des recettes fiscales, il a dit que l'effet négatif sur la base de calcul retenue pour fixer le niveau des recettes fiscales en 2003 serait modifié au Sénat.

La presse a relevé à juste titre que c'était une pratique sans précédent. Comment pouvez-vous prétendre que cet effet jouerait en 2002 et pas en 2003 ? Le décalage sera bien évidemment plus fort encore l'an prochain !

Contre toute évidence, le Gouvernement promet 2,5 % de croissance en 2003, même si M. Mer semble nuancer un peu cette prévision en parlant désormais de « rythme annuel »... Mais les conjoncturistes s'accordent plutôt sur 1,8 % et les données statistiques - et non plus les prévisions ! - de l'INSEE contredisent ce qui apparaît surtout comme l'expression de la volonté du Gouvernement qui le conduit à trafiquer... (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Idiart - Dites plutôt à tripoter ! (Sourires)

M. Didier Migaud - ...la présentation du budget.

Un mot, enfin, sur France Télécom.

Le Gouvernement a fait connaître son soutien au plan d'action qui comprend, notamment, la mise à disposition par l'Etat d'une ligne de crédit de 9 milliards d'euros. L'Etat actionnaire assume donc ses responsabilités, ce qui est parfaitement normal.

Cependant, le plan d'action laisse planer de nombreuses inconnues, notamment sur l'emploi et les missions de service public, notamment en matière d'aménagement du territoire et d'accès aux services. D'ores et déjà, la filiale Orange a annoncé la suppression de 2 000 emplois.

Comment ne pas craindre que le Gouvernement prépare un démantèlement, qui passerait par la privatisation de l'opérateur public ? Ne montre-t-il pas son dogmatisme en faisant du statut - adopté, je le rappelle, sous le gouvernement d'Alain Juppé -, la cause des difficultés actuelles ?

Nous voterons contre ce collectif qui confirme des priorités qui ne sont pas les nôtres ; qui remet en cause des actions justes et nécessaires de l'Etat ; qui avoue l'insincérité de la loi de finances pour 2003.

Votre politique économique et budgétaire mène le pays dans le mur. Elle nous fait craindre un plan de rigueur dont souffriront les plus modestes tandis que vous continuerez à cibler vos mesures sur un petit nombre de ménages aisés au lieu de soutenir la consommation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Charles de Courson - Le groupe UDF félicite le Gouvernement pour son effort de sincérité. Quand on voit la situation dont nous avons hérité, les difficultés qui sont encore devant nous, on se dit qu'il était bien temps que les Français renvoient la gauche dans l'opposition...

Le précédent gouvernement avait sous-évalué les dépenses de 2,8 % - un record ! - proférant ainsi une nouvelle fois un véritable mensonge d'Etat. M. Fabius avait affirmé que les dépenses n'augmenteraient pas de plus de 1,5 %. Après les annulations intervenues en cours d'exercice, elles auront augmenté de 3,8 % et même de 4,7 % si on tient compte des reports de crédits.

Et la situation est pire encore s'agissant des dépenses sociales,...

M. Michel Bouvard - Tout à fait !

M. Charles de Courson - ...qui ont augmenté plus vite que le produit intérieur brut, tout comme celles des collectivités territoriales. Cela tient, bien sûr, aux effets désastreux des 35 heures pour les établissements sanitaires et sociaux et à la mise en _uvre d'une APA insuffisamment financée.

Mais le gouvernement précédent a aussi surévalué les recettes fiscales qui seront de 7,25 milliards inférieures à ce qui avait été annoncé.

M. Augustin Bonrepaux - Mais à quoi a servi le précédent collectif ?

M. Charles de Courson - Cela tient pour partie au ralentissement de la croissance mais surtout à une gestion calamiteuse.

L'impôt sur les sociétés est le seul pour lequel l'actuel Gouvernement me semble miser sur une hypothèse trop optimiste. En effet, au 15 novembre dernier, le produit de l'IS était en baisse de 9,5 % et je crains fort que les mauvais résultats de certaines entreprises ne fassent perdre encore près d'un milliard d'euros sur le dernier acompte.

Pour ce qui est de la situation des finances publiques, nous allons bientôt frôler les critères de Maastricht. En 2002, le Gouvernement annonçait que les déficits publics allaient passer de 1,4 % à 2,8 %, mais c'était sans compter les moins-values des recettes sociales. A ce sujet, le Gouvernement promet de maintenir le déficit de l'assurance maladie, de l'assurance vieillesse et de la famille, mais j'en doute. Nous atteindrons presque le plafond des 3 % en 203, et je ne suis pas aussi optimiste que le Gouvernement qui estime que l'effet base sur les recettes sera faible, ainsi que la part des dépenses reconductibles.

Les dérives seront encore plus importantes sur le budget de la sécurité sociale, si la réalité correspond aux prévisions.

Au cas où les 2,5 % de croissance prévus pour 2003 tomberaient à 1,5 %, le déficit du PIB augmenterait de 0,3 à 0,4 point, passant ainsi à 2,9 %. Le moindre dérapage des finances publiques nous ferait alors basculer au-delà des 3 %. Quant à la barre des 60 % de dette publique, deuxième critère de Maastricht, nous risquons fort de la franchir avec l'affaire France Télécom.

Le groupe UDF ne peut donc qu'inciter le Gouvernement à agir dans la transparence, et à ne pas suivre la voie du mensonge initiée par M. Fabius (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Si la croissance n'est pas au rendez-vous au premier ou au deuxième trimestre, il faudra gérer rigoureusement tant le budget de l'Etat que les budgets sociaux, si nous ne voulons pas nous retrouver les derniers de la classe européenne.

Il faut donc accélérer la réforme des retraites, de la décentralisation, de l'assurance maladie. Cela sera difficile parce que le conservatisme a régné en France pendant des années, et aussi parce que la gauche tâchera d'en profiter pour se refaire une santé. A mes collègues de gauche qui pensent qu'une gestion rigoureuse est une gestion antisociale, je répondrai qu'au contraire elle seule peut faire baisser notre chômage structurel, l'un des plus élevés d'Europe. Et qui en pâtit ? Les moins qualifiés - 20 % sont au chômage aujourd'hui -, soit la couche sociale la plus modeste, qui d'ailleurs ne vote plus pour vous.

J'en viens à quatre points précis.

D'abord, les biocarburants. Si l'on votait l'amendement du Gouvernement, il faudrait fermer les trois usines de Dunkerque, du Havre et de Feyzin qui produisent du bioéthanol en France. Comment la France entend-elle respecter l'accord de Kyoto ? Comment atteindrons-nous les 21 % d'énergie renouvelable dans le bilan énergétique français alors que nous sommes aujourd'hui à 15 % ? Il faut donc appuyer l'amendement de la commission des finances sur le niveau de défiscalisation, et élargir votre texte au bioéthanol.

Ensuite, la discrimination qui frappe les anciens combattants des anciennes possessions françaises. Il a fallu qu'un arrêt du Conseil d'Etat rappelle le principe d'égalité. Est-il normal d'attribuer à un ancien combattant de nationalité française, retiré au Sénégal, une pension française, et à un ancien combattant sénégalais, une pension comportant une décote sénégalaise ? Il importe de respecter l'article premier de la Constitution.

Troisième point, l'ANDA. Il vaudrait mieux transformer les neuf taxes parafiscales qui aliment l'ANDA en taxes fiscales, sans chercher à mettre en place un système homogène. Le critère du chiffre d'affaires défavorise certaines filières, comme les cultures hors sol.

Enfin, si nous approuvons le plan de redressement de France Télécom, nous n'oublions pas que ces neuf milliards auront une incidence sur le critère de Maastricht relatif à l'endettement public. Espérons pour les contribuables que le jeune président de France Télécom réussira !

Même si nous transférons l'ensemble des actions détenues par l'Etat à l'établissement public pour financer le remboursement de l'emprunt, il s'agit d'un appauvrissement de la nation française. J'ai dit pourquoi au début de mon propos, le groupe UDF votera à l'unanimité ce projet de loi de finances rectificatives (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Michel Vaxès - Lors de l'examen du collectif de printemps, nous avons insisté sur le ralentissement économique, et la nécessité d'une politique de relance fondée sur un soutien de la demande et d'une amélioration des conditions de l'offre. Vous n'aviez pas alors de mots assez durs pour dénoncer l'accroissement du déficit public et le laxisme du précédent gouvernement. Mais à peine arrivés au Gouvernement, vous baissez par idéologie les impôts de 5 %, privilégiant ainsi les catégories aisées au détriment des classes défavorisées, et justifiant votre geste par la nécessité de favoriser l'initiative des Français les plus dynamiques. Vous refusez de surcroît d'accorder un coup de pouce au SMIC et aux minima sociaux. Six mois plus tard le bilan est sévère : l'activité s'est ralentie, les baisses d'impôt, loin de relancer la consommation, ont alimenté l'assurance vie, les placements garantis, et l'encours moyen des dépôts à vue n'a cessé de progresser. Et la stabilisation du chômage en octobre - liée essentiellement aux radiations et aux stages - est loin d'annoncer une inversion de tendance.

Bien au contraire, le nombre de personnes ayant retrouvé un emploi a reculé de 2,7 %, alors que le nombre d'offres déposées à l'ANPE chute de 3 % en un mois, et que les licenciements économiques continuent de marquer notre actualité. La suspension de certaines dispositions de la loi de modernisation sociale ne fera qu'aggraver la situation.

Vous utilisez avec démagogie l'aspiration des Français à davantage de sécurité pour les biens et les personnes, afin de ne pas attirer leur attention sur l'insécurité sociale massive que vous entretenez. Vous n'avez de cesse de répondre à l'exigence du MEDEF d'un travail toujours plus flexible et précaire.

« Le ralentissement de l'été amenuise l'espoir d'une reprise rapide », titrait récemment un journal économique.

Avec une croissance acquise de 0,9 %, il faudrait que le PIB affiche une hausse de 0,4 % d'ici la fin de l'année : c'est dire qu'il faudrait un miracle ! Que dire de la sincérité de cette loi de finances ?

Au lieu de changer de cap, vous vous lancez dans une fuite en avant en annonçant des mesures de régulation budgétaire dès janvier prochain.

2,6 milliards d'annulation de crédits, cela va bien au-delà d'un simple redéploiement. Permettez-nous de faire le rapprochement avec les 2,55 milliards qu'a coûté la baisse de l'impôt sur le revenu.

Mais que dire aussi de réductions d'impôts et d'exonérations de cotisations sociales qui ont été mobilisées par les grands groupes dans leur stratégie financière contre l'emploi, en France et en Europe !

Vous annoncez d'ailleurs de nouvelles coupes claires dans la dépense publique, sans vous préoccuper des conséquences pour l'économie, l'emploi et la vie quotidienne des Français.

Arguant de la nouvelle loi organique, vous insistez sur le fait que l'autorisation budgétaire fixe le montant maximal de la dépense, alors qu'elle devrait fixer le niveau des moyens nécessaires à la concrétisation d'objectifs en matière de créations d'emplois, de réductions des inégalités sociales ou territoriales.

Dans cette perspective, un secteur public industriel dans des domaines aussi stratégiques que la communication, l'énergie, l'eau et l'environnement ou le financement de l'économie est plus que nécessaire, comme sont nécessaires de nouveaux droits d'intervention des élus, des citoyens, des salariés. A l'inverse, vous entendez réformer l'Etat, non dans le sens d'une meilleure satisfaction des besoins, mais avec l'objectif de réduire toujours plus le champ de l'action publique.

C'est à partir de cette même logique que vous entendez accélérer les privatisations. Votre ambition est de répondre aux attentes des marchés financiers et du MEDEF.

Si certains membres de votre majorité dénoncent la procédure d'alerte engagée par la Commission européenne, ce n'est pas pour revendiquer un changement de cap dans la construction européenne. Vous avez les yeux rivés sur le moindre frémissement de l'activité économique des Etats-Unis, qui demeure incertaine.

La France aurait pourtant la capacité d'apporter une contribution originale à la relance de l'activité sur un plan mondial. Cela supposerait de s'attaquer à l'excès de croissance financière, à l'insuffisance de la demande globale et des dépenses. Le développement des populations serait de nature à fonder une nouvelle croissance.

Dans cette perspective, nous présentons des propositions précises. Un contrôle politique et social de la Banque Centrale Européenne est indispensable - sa politique à largement contribué à la dégradation de la situation économique en Europe - tout comme un nouveau crédit sélectif répondant aux besoins des entreprises.

La dernière enquête trimestrielle de l'INSEE montre combien il serait nécessaire d'inscrire ce collectif de fin d'année dans une politique de relance de l'emploi. La capacité, en l'état, de la demande intérieure à sauver la croissance est de plus en plus sujette à caution. La progression de 0,7 % de la consommation des ménages au troisième trimestre ne suffit pas pour compenser le repli de l'investissement des entreprises - moins 0,8 %. Si les exportations - avec une progression de 1,2 % au troisième trimestre - résistent, les importations ont décroché durant l'été - leur rythme de progression est divisé par 7, passant de 1,4 % au deuxième trimestre à 0,2 %.

La Banque de France confirme une dégradation de la santé des entreprises. Les choix que vous défendez ne répondent pas aux problèmes posés. Comment ne pas s'inquiéter de l'essoufflement de l'effort d'investissement des collectivités locales ?

Cette réalité, à elle seule, justifie de prendre en compte les actifs financiers des entreprises dans l'assiette de la taxe professionnelle.

Il faut une fiscalité plus juste, plus efficace pour l'emploi ; il est urgent de réformer le mode de calcul de l'impôt sur les sociétés pour conforter son rendement en incitant les grands groupes à des choix de gestion donnant priorité à la création de richesses et d'emplois.

Le collectif comporte plusieurs mesures « techniques » dont la portée ne saurait être sous-estimée. Là encore, il y a loin entre les objectifs affirmés et les choix affichés. Ainsi des moyens qu'il conviendrait de mobiliser pour répondre aux sinistres naturels et industriels. Nous ne pouvons que partager l'amer sentiment des acteurs économiques de la filière des biocarburants quant à la réduction de l'exonération partielle de la TIPP sur ces produits.

Nous nous interrogeons sur les conséquences, quant à l'aménagement du territoire, de la disposition de l'article 36 relative à la mise en cause de la gratuité de l'usage des fréquences pour les éditeurs de télévision numérique terrestre.

Que dire, enfin, de l'article 35, où en refusant de suivre l'arrêt du Conseil d'Etat, vous maintenez une inacceptable inégalité de traitement vis-à-vis des anciens combattants ressortissants des pays anciennement placés sous la souveraineté française ?

Pour toutes ces raisons, le groupe des élus communistes et républicains rejette ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Philippe Auberger - Habituellement, la loi de finances rectificative de fin d'année est un simple document de régularisation. Ce n'est pas le cas cette fois.

En raison d'une conjoncture beaucoup moins favorable depuis le mois de septembre et comme les recettes attendues d'ici la fin de l'année ne seront pas totalement au rendez-vous, le Gouvernement a estimé qu'il devait réviser la prévision de recettes pour 2002 - à hauteur de 1,700 milliard d'euros. C'est une première dans notre histoire budgétaire, qui témoigne de sa volonté de sincérité.

Le Gouvernement a souhaité revoir, de plus, la base de la prévision pour 2003 - réduite de 700 millions d'euros. Un double effort de rigueur est donc envisagé.

J'ajoute que le Gouvernement a présenté par amendements cette révision des bases pour 2003 avec, en compensation, des recettes fiscales supplémentaires.

Néanmoins, une plus grande rigueur sur le plan constitutionnel et le respect de la priorité de l'Assemblée nationale en matière budgétaire auraient dû conduire le Gouvernement à présenter cet amendement d'abord à l'Assemblée nationale - il était prêt avant la fin de la première lecture de la loi de finances dans notre hémicycle.

En raison de la conjoncture mondiale, les chances diminuent d'avoir une croissance de 2,5 % en 2003. Dans ces conditions, il est indispensable de prévoir un exercice d'économie budgétaire. Contrairement à ce qu'a dit l'orateur précédent, les lois de finances autorisent certaines dépenses dans la limite d'un plafond, mais n'imposent pas au Gouvernement de dépenser jusqu'au dernier centime l'ensemble des crédits.

M. le Rapporteur général - Tout à fait !

M. Philippe Auberger - L'exercice envisagé dès le début du mois de janvier est justifié. C'est au moment où les crédits ne sont pas engagés - et donc dépensés - qu'il faut faire cet exercice pour avoir la couverture la plus large possible et l'efficacité la plus grande.

Certains prétendent que la diminution des dépenses entraînera la diminution de la croissance. C'est un raisonnement keynésien, qui ne se justifie pas toujours. Tout dépend de la nature des dépenses et du délai dans lequel elles seront effectuées. Il est certain qu'en raison du léger dérapage du déficit et si l'on veut éviter un dérapage supplémentaire en 2003, il faut être vigilant et réduire les dépenses dès le début de l'année. Peut-être la croissance en sera-t-elle d'ailleurs relancée - le principal frein à la croissance étant le déficit. La Banque centrale européenne a fait un geste jeudi dernier, mais un geste minime lorsque l'on compare les taux d'intérêts avec les Etats-Unis. Si l'on souhaite leur diminution continue, il est nécessaire de lui donner des gages de bonne gestion.

Un article très important de cette loi vise à faciliter le sauvetage de France Télécom. Ce sauvetage est effectivement urgent et le plan que nous a exposé son président, M. Thierry Breton, a convaincu la majorité des membres de la commission des finances car il implique un effort de l'entreprise elle-même. Cela dit, il serait paradoxal que l'augmentation de capital de 9 milliards que l'Etat s'est engagé à opérer se fasse par voie d'endettement. France Télécom est déjà surendettée, du fait d'acquisitions trop coûteuses. Le Gouvernement devrait donc annoncer très clairement que s'il n'est pas possible de régler le problème par cette voie, le compte d'affectation spéciale sera utilisé pour réaliser l'augmentation de capital.

En conclusion, la marge dont dispose le Gouvernement pour assurer le redressement des comptes publics est très étroite et le groupe UMP se doit d'aider le Gouvernement à y parvenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - Lors du collectif budgétaire de cet été, le Gouvernement avait noirci à plaisir le gestion de ses prédécesseurs, sans tenir compte de la dégradation économique, et s'était lancé dans une politique de cadeaux fiscaux, affirmant que la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu serait compensée par des économies.

Les économies sont là : ce projet prévoit d'annuler 2,58 milliards d'euros de crédits, soit un peu plus que le coût de cette baisse d'impôt, dites-vous. Mais ces économies portent sur l'emploi le logement, l'éducation et l'investissement civil, en contradiction avec vos discours. Et le collectif propose aussi des augmentations de dépenses, notamment militaires, qui aggraveront le déficit. Il est donc faux que les cadeaux fiscaux soient compensés par des économies. Vous augmentez le déficit et vous sacrifiez des secteurs pourtant déclarés prioritaires, comme la protection des ports maritimes et du littoral et les travaux sur les routes.

Certains orateurs ont évoqué la situation de France Télécom, en des termes mesurés. Mais le président de la commission de la production, M. Ollier, a annoncé son intention de convoquer MM. Fabius et Strauss-Kahn devant une commission d'enquête : il oublie que le précédent président de France Télécom, Michel Bon, a été nommé par le gouvernement de M. Juppé et que celui-ci l'avait exonéré de l'obligation de soumettre toute acquisition à l'accord formel du ministre. Le 20 mars 2000, M. Bon a exposé sa stratégie à M. Sautter, mais 72 heures après, sans attendre l'avis du Trésor, il a signé l'accord avec Mobil Com et accepté de payer les investissements liés à l'UMTS.

En commission, j'ai insisté sur la nécessité pour France Télécom de continuer à investir pour l'ADSL et dans les pays d'avenir, comme le Liban : je suis donc satisfait d'apprendre que la responsable de la filiale internationale de France Télécom est arrivée aujourd'hui à Beyrouth.

En tant que rapporteur du budget de la santé, je suis particulièrement inquiet de l'annulation de 60 % des crédits prévus pour 2002 en faveur du FIMHO, que le Gouvernement a, par ailleurs, décidé de supprimer en 2003. Cela signifie que l'Etat se désengage de l'investissement hospitalier, aux dépens de la sécurité sociale.

Malgré ces transferts et artifices, le déficit budgétaire atteint 52 milliards d'euros en octobre 2002, contre 30 milliards d'euros en octobre 2001.

Injuste socialement et non équilibrée financièrement, votre politique budgétaire et fiscale mérite la censure de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Lors du débat budgétaire, nous avions exprimé notre crainte que les crédits du logement et de la ville ne soient pas à la hauteur des objectifs affichés par M. de Robien et M. Borloo.

Aujourd'hui, cette crainte est confirmée puisque le budget du logement arrive en tête du palmarès des annulations de crédits - 233 millions d'euros - et que le budget de la ville est amputé de 17,42 % de ses crédits.

Ce sont donc les dépenses sociales qui font, une fois de plus, les frais des choix budgétaires du Gouvernement.

Les justifications avancées sont peu convaincantes. En ce qui concerne le logement, le Gouvernement fait valoir l'évolution favorable des taux d'intérêt et la sous-consommation des crédits : mais celle-ci est due, pour une bonne partie, au gel décidé en août 2002 !

Quant à la sous-consommation des crédits de la ville, elle ne s'explique pas par l'absence de besoins, mais par la trop forte participation demandée aux collectivités locales.

En fait, la justification réelle de ces annulations semble bien être le financement de la baisse de l'impôt sur le revenu, qui profite aux plus aisés.

Le Gouvernement trahit ainsi ses propres engagements : le 30 septembre 2002 M. de Robien disait vouloir offrir à chacun un choix réel pour se loger, lutter contre l'insalubrité et favoriser l'accession à la propriété. Or non seulement le Gouvernement a mis fin à la prime à l'accession très sociale, mais il propose aujourd'hui d'annuler 4 millions d'euros attribués au fonds d'aide sociale aux accédants en difficulté, d'amputer les crédits d'accession au logement, de supprimer 92 % des crédits de lutte contre le saturnisme, 15 % des crédits de l'ANAH et 43 % des crédits de démolition-reconstruction.

De manière plus générale, la suppression de 17,42 % des crédits du ministère de la ville est en totale contradiction avec les orientations affirmées lors du budget 2003.

En fait, l'Etat veut se désengager de la politique du logement social et de la rénovation urbaine, aux dépens des bailleurs sociaux et des collectivités locales.

C'est cher payer la réduction de l'impôt sur le revenu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Bouvard - Je salue d'abord l'effort de transparence du Gouvernement, conformément à la nouvelle loi organique sur les lois de finances. Il rompt ainsi avec la pratique des surévaluations, sous-estimations, glissements de recettes.

M. Didier Migaud - Quelle caricature !

M. Michel Bouvard - Il tire également les conséquences d'une conjoncture moins favorable que prévu et, par souci de vérité, il intègre différentes moins values fiscales. Nous enregistrons également avec satisfaction les mesures d'économies destinées à compenser la sous-évaluation de certaines dépenses en loi de finances initiale ou les conséquences de la conjoncture.

J'insisterai en particulier sur les ouvertures de crédits pour le ministère du Travail, afin de répondre aux critiques avancées par l'opposition lors de l'examen du budget de ce ministère le 14 novembre dernier. J'avais alors rappelé que ce budget affectant des hommes, il fallait pouvoir effectuer des ajustements en cours d'année, par exemple pour les CES. Le ministre s'y était engagé pour 2003, mais le Gouvernement tient déjà parole dans ce collectif.

Les crédits du budget du Travail sont ainsi majorés de 346,1 millions pour 2002, dont 51 millions au titre des emplois-jeunes après une première ouverture de crédits de 75,5 millions par décret de virement le 26 novembre. Nous devons en effet financer 7 000 emplois-jeunes supplémentaires au 31 octobre, alors que la loi initiale n'en prévoyait que 9 000. En outre ces recrutements ont eu lieu essentiellement en début d'année, pour les raisons que l'on sait, au lieu d'être étalés.

D'autre part, après un premier abondement de 475 millions, nous abondons de nouveau de 75 millions les crédits pour l'exonération des charges sociales spécifiques aux DOM, prévue par la loi d'orientation pour l'outre-mer pour lesquelles les crédits initiaux étaient de 731 millions.

Nous affectons 202,5 millions au fonds national de chômage alors qu'en 2001 ce complément n'avait été inscrit qu'en loi de règlement. Enfin le collectif finance aussi à hauteur de 300 millions la prime de Noël pour les titulaires de minima sociaux, par solidarité avec les plus défavorisés, et après avoir financé au précédent collectif les primes pour 2001 et 2000. Le père Noël socialiste vivait à crédit ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Le Gouvernement finance aussi une recapitalisation de France Télécom pour éviter un naufrage qui représenterait une perte patrimoniale pour l'Etat et pour de nombreux actionnaires. Et il importe de sauvegarder une entreprise essentielle de notre économie. Simplement je regrette que, comme pour le Crédit Lyonnais, on prélève ainsi des milliards d'euros sur les capacités d'investissement du pays alors que nous avons bien besoin de financer des infrastructures.

M. Augustin Bonrepaux - Vous avez bien raison d'être inquiet.

M. Michel Bouvard - Je souhaite donc que demain on soit aussi capable de mettre en place une ingénierie financière pour lancer de grands projets d'équipement qu'on l'est aujourd'hui pour les plans de sauvegarde. J'attends avec impatience les propositions à ce sujet de la mission d'audit sur les transports.

Le groupe UMP apprécie la transparence de ce collectif et le soutiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Dumont - Depuis votre installation, le déficit ne fait que s'accroître. Mais bien sûr, c'est la faute aux autres, aux Américains, aux Allemands - qui ont eu l'audace de réélire un social-démocrate - au gouvernement précédent. Mais les mesures que vous avez prises n'auraient-elles pas amplifié le déficit ? Quand vous allégez l'impôt sur le revenu de certaines classes sociales, vous vous privez de recettes et le déficit se creuse.

Je reviens sur certaines mesures concernant le logement que l'an dernier, rapporteur spécial de ce budget, je sentais poindre. Vous les avez amplifiées. Après avoir asséché la trésorerie de l'ANAH au nom de la rigueur dans la gestion, vous lui ôtez des crédits. Pour la première fois depuis longtemps, on voit apparaître des files d'attente. Qu'avez-vous contre les propriétaires ruraux qui veulent remettre en état leur logement ?

Plus généralement, on se fixait pour objectif ces dernières années la construction de 54 000 logements par an. Pour 2002, 40 000 sont financés. Vous invoquez le gel républicain. Après le gel d'août, s'il y a eu dégel partiel c'est que plusieurs ministres se sont rendus début octobre au grand congrès des HLM. Aujourd'hui, c'est le dégel qu'on annule, et entre-temps, les DDE ont eu une politique d'autorisation frileuse, ce qui fait que 25 % des crédits affectés aux départements ne sont pas utilisés. De toute façon encore faudrait-il que les loyers des nouvelles constructions soient accessibles. De plus, la Caisse des dépôts est également réticente devant les demandes de crédits des offices HLM, et on exige que les opérations soient équilibrées annuellement et non plus globalement, ce qui est bien difficile sur les cinq premières années.

Les crédits sont asséchés et on nous dit que le marché pourvoira aux besoins, que les taux sont faibles. Mais comment se procurer l'apport personnel ? M. Périssol avait fait accepter que le prêt obtenu au titre du 1 % logement soit considéré comme tel. Or les aides au titre du 1 % sont passées de 100 000 francs par logement à moins de 40 000 francs. Le taux pratiqué dans ce cas n'est pas si différent de celui du marché, fait-on valoir. Oui, mais le prêt du 1 % comptait dans l'apport personnel ! On était parvenu au taux de 56 % de propriétaires. Désormais le nombre d'accédants diminue. Pourquoi tant de mesures iniques contre le logement ? Vous supprimez 237 millions sur ce budget. Pour la prime à l'accession très sociale, il suffisait pourtant de 10 millions pour donner de l'espoir à ceux qui avaient envie de se faire un petit patrimoine, de préparer leur retraite avec l'aide d'une commune, d'un organisme HLM, d'une coopérative.

M. le Président - Pouvez-vous vous acheminer vers votre conclusion ?

M. Jean-Louis Dumont - Je n'en étais qu'à la page 2... (Sourires)

Les télévisions nous ont montré il y a quelques jours comment ce Gouvernement règle le problème des gens du voyage. Mais, Monsieur le ministre, une loi a été votée, il suffirait de l'appliquer et j'aimerais que les préfets en particulier soient invités à _uvrer à l'achèvement des schémas départementaux. Il y a tout de même des solidarités que l'on ne saurait sacrifier, quelles que soient les difficultés rencontrées pour établir un budget.

Les annulations de crédits dans le domaine du logement pénalisent les entreprises du secteur et seront donc néfastes à l'emploi. Déjà, les carnets de commande se réduisent... Le Gouvernement organise la pénurie alors que la vacance diminue et que la demande revient (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Censi - Je voudrais insister sur le caractère responsable de ce collectif. Vous inaugurez là, Monsieur le ministre, une pratique qui, je l'espère, sera pérenne. C'est la première fois qu'un collectif d'automne se fonde à ce point sur le principe de réalité. Les ajustements financiers dus à la dégradation du déficit y sont totalement intégrés.

La sincérité budgétaire est non seulement une marque de loyauté envers les Français mais aussi un préalable essentiel à l'exercice de la démocratie. Ce collectif s'appuie sur des évaluations budgétaires totalement transparentes et procède à des ajustements conformes aux priorités définies en accord avec les Français. Il fait clairement apparaître d'une part les moyens disponibles, d'autre part les priorités. Je me félicite qu'il se fonde à la fois sur des faits avérés et sur une volonté politique, au lieu de spéculer sur l'avenir.

Cet esprit de responsabilité s'inscrit dans le droit fil des discussions que nous avons eues ici même, l'été dernier. Nos collègues de l'opposition nous accusaient alors de noircir le tableau. Les faits montrent que nous étions seulement réalistes.

Vous permettez à la France d'aller de l'avant, Monsieur le ministre, grâce à des mesures favorables au développement des nouvelles technologies, à l'écologie, ainsi que par d'autres destinées à faciliter la vie de nos concitoyens et de nos entreprises. Notons aussi les mesures de solidarité telles que la prime de Noël.

Dans cet esprit de solidarité, je défendrai ce soir un amendement permettant aux entreprises sinistrées - après une catastrophe naturelle ou industrielle - qui reçoivent des dons de sortir ces derniers de leur assiette fiscale.

M. Alain Néri - C'est un amendement de M. Bapt.

M. Yves Censi - Je remercie M. Bapt de soutenir aussi cet amendement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Si l'objectif est de venir en aide aux forces vives de la Nation touchées par des catastrophes, il faut que la totalité du produit de la générosité des Français revienne à la reconstruction et au redémarrage de ces entreprises.

Ces remarques faites, je vous assure, Monsieur le ministre, de mon total soutien à ce collectif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué - Je remercie ceux qui sont restés jusqu'à la fin de la séance et je vais essayer de répondre à quelques questions.

Il ne s'agit pas, Monsieur Dumont, de refaire la politique du logement à travers ce collectif. D'une manière générale, le collectif n'est pas un exercice consistant à revoir toutes les politiques du Gouvernement. Nous avons simplement voulu mettre en pratique le principe de sincérité budgétaire : constatant que certains crédits n'étaient pas consommés, nous les avons annulés. Mais dans le projet de loi de finances pour 2003, nous avons abondé de 30 millions d'euros le budget de l'ANAH, je le rappelle.

M. Bapt s'est inquiété de l'annulation des crédits du FIMHO et des dépenses nouvelles qu'aura à supporter la sécurité sociale. Rappelons que les primes de Noël sont mises à la charge du budget de l'Etat, et ce pour un montant de 900 millions d'euros. Nous sommes dans un ordre de grandeur beaucoup plus faible en ce qui concerne le transfert du FIMHO vers la sécurité sociale. Je rappelle aussi que nous inscrivons 304 millions d'euros dans le collectif pour les hôpitaux.

MM. Carrez et de Courson ont évoqué les biocarburants. Cette question fera certainement l'objet d'amendements et de discussions serrées. La volonté du Gouvernement est de trouver la meilleure solution possible, étant entendu qu'il faut notamment tenir compte de la décision du Conseil de l'Union européenne, qui a fixé un cadre, et de ce qui a été négocié avec les professionnels. Nous souhaitons bien sûr la réussite de cette filière.

M. Poniatowski s'est inquiété de l'annulation de certains crédits militaires, pour un montant de 310 millions d'euros. Mais si cette annulation était elle-même annulée, nous ne pourrions procéder aux ouvertures de crédits prévues pour le même montant.

MM. Laffineur et de Courson se sont interrogés sur le financement de l'ANDA. Il est certain qu'on ne peut pas faire avec une seule taxe la même répartition qu'avec neuf, mais cette substitution a été concertée avec le ministère de l'agriculture et se fera sans préjudice pour les filières concernées.

L'exercice concernant France Télécom était difficile. Il nous fallait en effet à la fois veiller à ne pas alourdir le déficit budgétaire global, conserver à l'entreprise ses meilleures chances de développement et tenir compte des droits de l'actionnaire.

Quand on essaie de tenir compte de ces différents critères, on est obligé de tomber sur une solution proche de celle que nous proposons.

MM. Auberger et Laffineur ont reproché au Gouvernement d'avoir introduit une importante modification budgétaire au Sénat plutôt qu'à l'Assemblée. C'est parce que nous avons pris conscience de la nécessité de cette modification un mois après le vote de la première partie de la loi de finances par l'Assemblée. Il nous a semblé plus raisonnable d'introduire cette nouvelle donnée au Sénat que de ne pas l'introduire du tout. C'est la volonté de sincérité qui nous a fait agir ainsi, mais nous sommes bien conscients que la priorité doit revenir à l'Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; « Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE


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