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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 57ème jour de séance, 144ème séance

SÉANCE DU JEUDI 13 FÉVRIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      DÉLÉGATIONS AUX DROITS DES ENFANTS 2

      DÉPÔT D'UNE MOTION DE CENSURE 11

      DÉLÉGATIONS AUX DROITS DES ENFANTS (suite) 11

      ARTICLE UNIQUE 18

      ORDRE DU JOUR DU SAMEDI 15 FÉVRIER 2003 20

La séance est ouverte à neuf heures.

DÉLÉGATIONS AUX DROITS DES ENFANTS

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Jacques Barrot et Dominique Paillé tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants.

M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des lois - Le texte qui nous est présenté par l'UMP pour notre séance mensuelle d'initiative parlementaire tend à créer une délégation parlementaire aux droits des enfants à l'Assemblée nationale et au Sénat. La situation des enfants en France n'a certes rien de comparable à celle de millions d'autres dans le monde, qui souffrent chaque jour de la faim et de la violence, mais elle requiert quand même une vigilance particulière.

La convention des Nations unies sur les droits de l'enfant définit celui-ci comme l'individu âgé de moins de 18 ans. Votée à l'unanimité par l'assemblée générale de l'ONU le 20 novembre 1989 et ratifiée par la France le 7 août 1990, elle affirme avec force qu'il a des droits. L'enfant n'étant pas en mesure de défendre ses droits lui-même, il revient à l'Etat de le faire.

Divers instruments ont déjà été mis en place pour favoriser la prise de conscience et l'application de ces droits. Le 20 novembre est une journée nationale des droits de l'enfant depuis 1996 et une commission d'enquête parlementaire a publié en 1998 un rapport sur l'application de la convention internationale des droits de l'enfant. Le Parlement des enfants a été créé en 1994 et un défenseur des enfants repère désormais les dysfonctionnements et propose des pistes de réforme. Au niveau communautaire, les droits de l'enfant sont proclamés dans la Charte européenne des droits fondamentaux.

Mais dans les faits, des progrès restent à accomplir. L'augmentation de la violence, de la délinquance, du racket, de la pratique de jeux dangereux met les enfants dans une situation de vulnérabilité croissante. Ils sont trop nombreux, dans notre pays, à être victimes de brutalités physiques et mentales, d'exploitation sexuelle et d'enlèvements. De plus en plus d'enfants, souvent immigrés, vivent dans la rue et sont contraints de travailler et de se livrer à la mendicité ou au trafic de drogue. Des milliers sont victimes de maltraitance, dont 80 % dans leur propre famille.

L'objectif n'est pas de se substituer aux parents, mais de les soutenir dans leur rôle. Si leur responsabilité reste première, l'Etat doit garantir les droits des enfants. Il s'agit non seulement de les protéger contre toutes les formes de maltraitance, mais également de leur assurer l'accès aux soins et à l'éducation, de leur garantir un traitement adapté à leur âge en cas d'infraction pénale et de veiller à ce que les tribunaux et l'administration prennent en compte leur intérêt. Alors qu'on estime que 40 000 enfants sont livrés à eux-mêmes en France, il est important de rappeler le droit des enfants à avoir une famille et à vivre avec ses deux parents dans des conditions décentes.

Ces sujets étant transversaux seules des délégations parlementaires, à l'image de celles qui existent pour le droit des femmes, peuvent permettre une approche globale. Comprenant chacune vingt-quatre membres, elles devront assurer une représentation équilibrée des groupes, des commissions permanentes et des hommes et des femmes. Elles pourront être saisies par la délégation pour l'Union européenne, par le Bureau de l'une ou l'autre des assemblées et par une commission permanente ou spéciale. Elles pourront être chargées de déterminer les conséquences des textes examinés sur les droits de l'enfant. Elles devront également informer le Parlement sur la politique gouvernementale et l'application des lois qui les concernent.

Le 21 janvier, le ministre délégué à la famille, Christian Jacob, annonçait la création d'un observatoire national pour l'enfance maltraitée. En créant ces délégations, nous pourrons assurer une sorte de veille parlementaire et promouvoir une action dynamique. La protection des droits de l'enfant est une exigence de premier ordre. En l'assurant, nous renforçons le rôle de la famille. Dans un monde où trop d'enfants sont plongés dans des situations dramatiques, il faut affirmer haut et fort le rôle que la France, pays des droits de l'homme, veut jouer dans la protection de l'enfant (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Je tiens à saluer le travail accompli par la commission des lois, et en particulier par Patrick Delnatte, son rapporteur, et me félicite de l'initiative prise par Dominique Paillé. Sa proposition est tout à fait bienvenue. Elle prolonge les nombreuses initiatives qui ont été prises par la représentation nationale sur ce sujet tellement important. Si la notion de droits de l'enfant est aujourd'hui unanimement reconnue, cela n'a pas été toujours le cas. Longtemps, l'enfant a été considéré comme un être inachevé qui n'était pas sujet de droit. L'excellent rapport de M. Delnatte rappelle les étapes de la sensibilisation internationale et de l'émergence de la personnalité juridique de l'enfant.

Il a fallu attendre 1924 pour que la Société des Nations proclame que « l'humanité doit donner à l'enfant ce qu'elle a de meilleur », et 1959 pour qu'une déclaration des droits de l'enfant soit adoptée par les Nations Unies. Ce n'est qu'en 1989 que la convention internationale des droits de l'enfant a été signée. Elle est ratifiée aujourd'hui par la quasi totalité des membres de l'ONU. Le Parlement des enfants, qui se réunira le 17 mai dans cet hémicycle, a vu le jour en 1994 et la journée nationale des droits de l'enfant, fixée le 20 novembre, n'existe que depuis 1996. En 1997, l'enfance maltraitée a été déclarée grande cause nationale et en 2000, une autorité administrative indépendante a été chargée de promouvoir les droits de l'enfant. Il aura enfin fallu attendre 2003 pour que le Parlement crée des délégations parlementaires aux droits des enfants.

Les droits universels de l'enfant sont aujourd'hui proclamés et reconnus. L'humanité ne pourra se prévaloir d'avoir fait progresser les droits de l'homme tant qu'elle n'aura pas réussi à réduire les violences faites aux enfants. Cette volonté est universelle. En France, elle est partagée par la représentation nationale, par la justice, par le Gouvernement tout entier. La société civile est également très impliquée et je tiens à rendre hommage au Cofrade, le conseil français des associations pour les droits de l'enfant, qui regroupe 130 associations, et à l'UNICEF, qui milite également en France.

Cette volonté que nous partageons tous engage le Gouvernement et également les législateurs que vous êtes. Elle nous engage à agir et à être efficaces. Elle nous engage à nous mettre au chevet de l'enfance meurtrie, mutilée, de cette enfance qui souffre encore trop souvent dans le silence.

L'enfant, c'est l'infans, celui « qui ne parle pas », alors que le Parlement est par excellence le lieu où l'on parle. Il est bon que l'on s'y soucie des droits de l'enfant. Certes le niveau de vigilance des institutions a sensiblement progressé au cours des dernières années mais il reste beaucoup à faire et les délégations parlementaires que vous allez créer joueront un rôle important. Elles pourront ainsi être saisies de projets et de propositions de loi, et proposer des améliorations de la législation.

Leur composition reflétera les équilibres entre les groupes parlementaires et devra ménager une juste place à la représentation respective des femmes et des hommes. Le nombre effectif de vingt-quatre parlementaires leur permettra de travailler efficacement.

Le Parlement disposera ainsi d'une vision transversale de questions qui intéressent plusieurs ministères. Les droits de l'enfant sont en effet mieux garantis par un travail d'équipe, qui mobilise toutes les énergies.

L'article 4 de la convention internationale sur les droits de l'enfant stipule que « les Etats s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en _uvre les droits reconnus dans la convention ». La reconnaissance juridique d'un droit s'accompagne nécessairement de la prise en compte de toutes les implications concrètes qu'impose sa jouissance. Les perspectives ainsi ouvertes recouvrent notamment la vie familiale et la reconnaissance de droits sociaux.

Permettez-moi toutefois une remarque de bon sens : dans tous ces domaines, la nécessaire affirmation des droits de l'enfant ne doit pas aboutir à un renversement des rôles.

Mme Christine Boutin - Absolument !

M. le Garde des Sceaux - Nous devons veiller à préserver la place essentielle de la famille. Les droits et devoirs des enfants ne peuvent être identiques en tous points à ceux des adultes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). L'ordonnance de 1945 tient compte de cette différence qu'il convient de préserver. La liberté et la responsabilité sont des valeurs fondamentales mais on ne saurait reconnaître aux mineurs le même degré de liberté et de responsabilité qu'aux majeurs.

Le statut des enfants ne doit pas dépendre des conditions de leur naissance ; il doit être le même pour tous. Les discriminations qui persistaient en matière de succession à l'encontre des enfants naturels - et en particulier des enfants adultérins - ont été abrogées. Il faut aller plus loin en protégeant le lien de filiation face au risque d'instabilité que la situation des adultes pourrait faire peser sur lui. Nous présentons à cet effet une réforme tendant à harmoniser les actions en contestation de la filiation.

Au-delà de la filiation, je tiens à rappeler que M. Jacob a installé le 12 septembre 2002 le conseil national pour l'accès aux origines personnelles, qui consacre, sur ce sujet douloureux, un équilibre difficile entre le droit des enfants nés sous « X » à accéder à leurs origines et le respect de la vie privée de la mère de naissance.

Mme Christine Boutin - Très bien !

M. le Garde des Sceaux - De même que la filiation ne doit pas influencer le statut de l'enfant, les vicissitudes que peuvent connaître les relations conjugales ne doivent pas bouleverser les conditions d'exercice de l'autorité parentale, laquelle constitue un ensemble de droits et de devoirs visant exclusivement l'intérêt de l'enfant. Le respect de cette règle est fondamental en cas de séparation. Il est indispensable de tout faire pour maintenir les liens familiaux. A ce titre, il faut aider les père et mère à dépasser leur désaccord, grâce notamment à la médiation familiale. Puis, au c_ur des procédures judiciaires, il convient de favoriser la mise en _uvre de modes diversifiés de résidence, adaptés aux différentes réalités familiales. Les règles fiscales viennent d'ailleurs d'être aménagées pour permettre aux parents de partager la majoration du quotient familial en cas de résidence alternée. Des solutions procédant de la même inspiration devront être trouvées pour ce qui concerne les prestations familiales.

J'ai constitué un groupe de travail pour préparer la réforme du divorce. Celle-ci devra, en accélérant et en apaisant les procédures, aider les parents qui se séparent à se consacrer pleinement à l'éducation de leurs enfants communs.

Enfin, dans ces situations conflictuelles où l'enfant peut devenir un enjeu de conflit, il faut s'interroger sur les conditions dans lesquelles sa parole peut être prise en compte. Les parents doivent associer l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et sa maturité. La parole de l'enfant doit également être entendue dans les procédures judiciaires, lorsqu'il en fait la demande et que rien ne s'y oppose. Cette audition, prévue par la loi de 1993, doit être entourée d'un maximum de garanties. Le droit à la parole a notamment pour corollaire le droit au silence, notamment lorsque l'enfant est auditionné à l'initiative du juge.

La reconnaissance progressive des droits de l'enfant au sein de la famille va de pair avec une évolution de ses droits dans la société.

Participe de ce mouvement la demande de reconnaissance d'une « prémajorité ». La revendication d'une liberté accrue ne doit pas être négligée car elle peut aider le jeune à mieux se préparer à la vie d'adulte. Cependant la loi et l'usage tempèrent déjà le principe d'incapacité du mineur. Et si l'affirmation d'une véritable citoyenneté des jeunes, - appelée de ses v_ux par Mme Claire Brisset, défenseure des enfants - constitue une piste de réflexion intéressante, faut-il pour autant inventer un nouveau statut ? Une telle option ne serait pas sans danger pour les adolescents. Elle pourrait conduire à obérer leur avenir - notamment patrimonial - en conséquence de la responsabilité propre qui leur serait reconnue.

Pour traiter de ces différents sujets, le Président de la République a annoncé le 20 novembre dernier qu'une conférence nationale de l'adolescence serait organisée à l'automne prochain sous l'égide de M. Jacob.

Le droit à l'éducation, droit fondamental de l'enfant, ne peut prospérer sans que son principal corollaire - l'obligation scolaire - soit respecté. Du reste, l'absentéisme scolaire témoigne souvent d'une difficulté à trouver sa place dans la société. Le Gouvernement fera connaître très prochainement les adaptations de notre droit qui lui semblent indispensables pour que l'accès à l'éducation soit garanti pour tous.

L'enfant atteint d'un handicap mérite une attention toute particulière, a fortiori en cette « année européenne des personnes handicapées ». Sous l'impulsion du Président de la République, qui a fait de la lutte contre le handicap l'un des trois chantiers prioritaires de son quinquennat, nous nous mobilisons pour améliorer la scolarisation et l'accueil des jeunes handicapés. Il est impératif de lutter contre l'exclusion civique, politique, sociale et professionnelle des adultes qu'ils seront demain. Mes collègues Luc Ferry, Jean-François Mattei et Marie-Thérèse Boisseau y travaillent activement.

Le plan quinquennal pour les élèves handicapés ou malades crée mille unités pédagogiques d'intégration pour scolariser quinze mille enfants dans des établissements ordinaires. Cinq mille aides à la vie scolaire seront recrutés dès septembre 2003 cependant qu'un effort particulier de formation concernera l'ensemble des personnels et notamment les enseignants des premier et second degrés. En outre, la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 sera revue afin de promouvoir les projets de vie individuels et l'autonomie accompagnée.

Le devoir de l'Etat de protéger l'enfant vulnérable prend tout son sens lorsque celui-ci se trouve en situation de grande précarité ou de danger ou lorsqu'il est directement victime de faits délictuels ou criminels.

Des formes d'assistance renforcées doivent être prévues pour le mineur étranger isolé, fragilisé par un parcours difficile et confronté à un risque majeur d'exploitation par des réseaux clandestins. La loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a prévu la désignation d'un administrateur ad hoc, chargé de l'assister durant son maintien en zone d'attente et d'assurer sa représentation dans toutes les procédures. Le projet de décret relatif aux modalités de désignation et d'indemnisation de ces administrateurs sera transmis dans les prochains jours au Conseil d'Etat. Un lieu d'accueil et d'orientation a été ouvert à la fin de l'année dernière dans le Val-d'Oise pour recevoir dès leur sortie de zone d'attente une trentaine de jeunes, confiés par les juges des enfants du tribunal de grande instance de Bobigny.

Ce dispositif complète l'action de la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, qui a favorisé la création de petites structures, ouvertes 24 heures sur 24, à même d'accueillir les jeunes en amont de toute autre intervention.

Si notre dispositif administratif et judiciaire concernant les mineurs est très développé, la protection de l'enfant en danger doit être améliorée.

J'ai saisi les parlementaires d'une mission tendant à explorer de nouvelles méthodes d'action éducative pour offrir une alternative au placement judiciaire.

La promotion des droits de l'enfant suppose aussi que la transparence des procédures judiciaires d'assistance éducative soit garantie. Le droit pour l'enfant capable de discernement et pour ses parents de consulter le dossier du juge est effectif depuis septembre dernier ; cela constitue une avancée notable et je compte sur la détermination des avocats spécialisés pour donner à cette mesure son plein effet.

M. Jacob reviendra sur l'action du Gouvernement pour prévenir et lutter contre le fléau de la maltraitance. La justice doit placer la défense de l'enfant victime au c_ur de sa préoccupation. A ce titre, il faut mieux accompagner l'enfant pendant toute la durée de l'enquête et du processus judiciaire et lutter plus efficacement contre toutes les formes d'atteintes - notamment sexuelles - à la personne de l'enfant.

Je n'ignore pas les critiques qui sont faites quant à la prise en compte des déclarations de l'enfant. Les efforts de formation des personnels concernés doivent être poursuivis, afin de faciliter la mise en place d'auditions filmées, lesquelles atténuent le traumatisme d'avoir à répéter plusieurs fois le récit des faits subis. L'amélioration de l'accompagnement juridique et psychologique des enfants victimes passe par une meilleure coordination des professionnels concernés.

A ma demande, un guide pratique destiné aux administrateurs chargés d'accompagner les enfants victimes vient d'être édité. Je souhaite qu'il soit très largement diffusé. J'ai également chargé un groupe de travail d'élaborer un guide des bonnes pratiques et des références utiles pour mieux accompagner les enfants victimes.

S'agissant de la lutte contre les violences sexuelles, l'efficacité de l'action publique a été renforcée par différentes mesures. Je pense notamment à la levée automatique du secret pour la révélation des atteintes sexuelles sur mineur ainsi qu'aux délais de prescription plus longs institués en matière de crimes et délits sur mineur commis par un ascendant ou une personne ayant autorité sur lui.

Par ailleurs, la lutte contre la prostitution des mineurs a conduit à la création de nouvelles infractions à l'encontre du client et du proxénète.

Cette lutte pour la dignité de l'enfant doit s'étendre aux nouvelles menaces qui se répandent par le biais d'Internet. A cet effet, j'ai demandé à la direction des affaires criminelles et des grâces d'adresser une dépêche à l'ensemble des procureurs généraux pour harmoniser le traitement judiciaire de cette nouvelle forme de criminalité.

L'Europe de la justice se construit aussi au quotidien dans la lutte contre les nouveaux dangers qui menacent nos enfants.

Je participerai le 3 mars prochain à la rencontre européenne des praticiens de la justice des mineurs à Athènes, organisée par la fondation pour l'enfance avec le soutien de la Commission européenne. Une cinquantaine de magistrats et de policiers des Quinze y débattront des moyens appropriés pour combattre la cyber-pédocriminalité.

Il convient également d'améliorer nos méthodes de suivi et de signalement. La justice a beaucoup à faire, comme l'ensemble du Gouvernement, des administrations et des élus. Les délégations parlementaires feront de vous des acteurs de cette mobilisation, pour une société plus fraternelle et plus généreuse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - Je salue l'excellent travail de la commission des lois et, plus particulièrement, le rapport de Patrick Delnatte. Certes notre pays dispose déjà d'une législation relative aux droits de l'enfant et développe une politique familiale qui en est indissociable.

Nous avons ainsi été l'un des premiers pays à ratifier la convention internationale des droits de l'enfant. Notre politique familiale s'attache à mieux accueillir l'enfant, à veiller à son développement, à accompagner les familles, car en faisant respecter les droits de l'enfant, c'est aussi la famille que l'on défend.

Nos objectifs sont les suivants : mise en place d'une nouvelle prestation d'accueil du jeune enfant, réforme du statut des assistantes maternelles, développement de l'accueil collectif, réforme du droit du divorce, l'enfant pouvant à cette occasion être pris en otage.

Si de nombreux articles de la convention du 20 novembre trouvent déjà leur transcription dans notre droit, il reste néanmoins beaucoup à faire pour qu'elle soit mieux connue et pour améliorer la lutte contre la maltraitance.

Je me suis engagé à promouvoir cette convention. C'est pourquoi je me suis adressé à tous les maires de France. Nous avons eu un retour très impressionnant. De nombreuses initiatives ont été prises.

Je souhaite que nous puissions mettre à la disposition des municipalités, dès l'an prochain, des outils pédagogiques. Aussi réfléchissons-nous à une nouvelle rédaction de la convention pour que les enfants la comprennent mieux et qu'elle soit mieux diffusée dans les écoles et les milieux associatifs. Le 20 novembre doit être une occasion supplémentaire de parler des droits - mais aussi des devoirs - de l'enfant.

Dans quelques mois, nous serons en mesure de vous faire part de propositions importantes.

Le phénomène de la maltraitance n'est plus occulté, mais sa connaissance est très imparfaite ; nous constatons, en outre, d'inacceptables dysfonctionnements dont j'ai pu constater les conséquences dramatiques à l'occasion de mes déplacements en province.

Les intervenants mobilisés autour de la maltraitance sont nombreux : aide sociale à l'enfance, police, gendarmerie, justice, éducation nationale, associations, le 119... Si cette diversité est un avantage, elle peut aussi constituer un handicap s'il n'y a pas de cohérence dans les actions.

J'ai donc engagé une réflexion, avec l'ensemble des ministères concernés, pour que la France se dote d'un outil adapté : l'observatoire de l'enfance maltraitée.

Tous les rapports sur l'enfance et l'aide sociale à l'enfance établis depuis une dizaine d'années soulignent les insuffisances de nos dispositifs : la multiplicité des intervenants, la création de nombreux logiciels de gestion sans référence commune, le manque d'études exhaustives concernant les signalements ne permettent pas de connaître exactement le nombre d'enfants maltraités et la nature précise de leur maltraitance.

Des initiatives ont pourtant été prises, et je salue particulièrement le travail exceptionnel réalisé depuis de nombreuses années par l'ODAS, en collaboration avec les conseils généraux, le SNATEM et les associations.

Un nouvel élan doit être cependant trouvé.

Le projet de créer un observatoire de l'enfance maltraitée fait suite aux recommandations des rapports des inspections générales des affaires sociales et des services judiciaires. Cette réforme est le fruit d'une volonté politique que partagent les autres ministères et que soutient le Premier ministre.

Notre objectif est d'établir un recensement objectif pour mieux répondre au problème de la maltraitance, ce qui suppose de reconsidérer les circuits de signalement et de traiter au mieux les informations.

Il convient également de privilégier la recherche sur ce phénomène pour améliorer la formation des professionnels et de diffuser aussi les expériences de « bientraitance » et de bonnes pratiques.

La lutte contre la maltraitance passe également par la lutte contre les réseaux pédophiles et de trafic d'enfants.

Ce combat ne pouvant se limiter à un seul pays, j'ai invité les ministres européens en charge de la famille à se réunir pour confronter nos expériences et définir des actions communes.

Bien évidemment, je soutiens cette initiative parlementaire qui renforcera l'action du Gouvernement pour une application effective des droits de l'enfant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - J'attire votre attention sur le problème que constitue la création d'une délégation supplémentaire.

La Constitution prévoit six commissions permanentes. La IVe République les ayant multipliées - on en dénombrait alors plus d'une quinzaine - le Constituant de 1958 a en effet voulu éviter les abus.

Puis l'Union européenne rendit nécessaire la création d'une « commission » relative aux problèmes européens. Comme on ne voulait pas créer une nouvelle commission permanente, on parla de « délégation ». C'est ainsi qu'est né le concept de la transversalité de la délégation.

En 1999, nous avons créé la délégation à l'aménagement du territoire - là, le président de la commission des lois que je suis ne comprend plus, car l'aménagement du territoire relève de la commission des affaires économiques. Où est la transversalité ?

En 1999 également fut créée la délégation aux droits des femmes - ce que je conçois puisqu'il y avait bien transversalité. Elle s'inscrit - souhaitons-le - dans le temps : j'espère que dans dix ou quinze ans, la question ne se posera plus.

Mme Christine Boutin - Elle se posera pour les hommes !

M. le Président de la commission - Aujourd'hui, nous créons la délégation aux droits de l'enfant. Je ne méconnais pas la situation de l'enfance, qui est paradoxalement encore plus inégalitaire dans les pays développés, où nous connaissons des situations insupportables.

Mme Christine Boutin - Il a raison !

M. le Président de la commission - Je conçois donc qu'il faille une réflexion transversale et donc une délégation sur cette question fondamentale, mais je souhaiterais dire, un peu solennellement, qu'il faudra s'arrêter là. On ne va pas créer, à chaque législature, une ou deux délégations supplémentaires. Le Règlement de notre assemblée ouvre la possibilité de créer des groupes d'études - ainsi, un groupe d'études sur l'aménagement du territoire avait toute raison d'être. Si nous ne nous contentons pas de cette procédure, nous affaiblirons les commissions permanentes et perdrons alors en efficacité. Le Parlement n'a pas intérêt à changer trop souvent son organisation. Je souhaite donc que cette délégation soit la dernière crée au cours de cette législature (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Paillé - Aujourd'hui ma satisfaction est double, voire triple après les propos de M. Clément.

Je suis heureux d'être à l'initiative de ce qui pourrait être la dernière création permanente non pas de la législature, Monsieur le président Clément, mais de la Ve République ! (Sourires)

Je suis heureux que nous apportions ce matin une contribution importante à la protection de l'enfant dans notre pays.

Enfin, je me félicite que nous traduisions ainsi en termes législatifs une attente exprimée depuis longtemps par les associations de protection de l'enfance et par le défenseur des enfants, qui mène un combat inlassable, lucide et souvent efficace.

Depuis la fin des années 1980, la protection de l'enfance fait l'objet dans notre pays d'une attention particulière. Un de nos collègues, Jacques Barrot, aujourd'hui président du groupe UMP, s'est engagé dans ce combat dès 1988 en présidant la commission préparatoire à la loi du 10 juillet 1989 relative à la protection des mineurs et à la prévention des mauvais traitements, avant même la ratification par la France de la convention des Nations unies. Depuis lors, la protection de l'enfance n'a cessé de s'étoffer grâce à différentes lois protectrices et à l'action quotidienne des travailleurs sociaux, des administrations, des conseils généraux, des associations ou des tribunaux.

Pour autant, nombre d'avancées juridiques n'ont pas eu une application satisfaisante et nombreuses sont celles qu'il reste à mettre en _uvre.

Que l'on soit parent ou non, chacun de nous doit se sentir concerné par la protection de l'enfance et chacun de nous ici est confronté quotidiennement, à travers les médias mais surtout dans nos permanences, à la souffrance des enfants.

Il s'agit donc de concrétiser notre souci d'une meilleure protection de l'enfance. Un seul objectif nous anime : celui du bien-être des enfants - sans oublier, Monsieur le ministre, leurs devoirs - et cela dans la société telle qu'elle est.

Nous sommes confrontés à de nouveaux défis. La société change, la famille change, les individus changent. Et notre responsabilité collective est, non pas d'empêcher ces changements mais de les accompagner afin que les droits des enfants, mais aussi les devoirs de tous, soient respectés.

La protection de l'enfance doit s'exprimer dans les domaines les plus divers. Il ne s'agit pas seulement de traiter de la maltraitance ou des abus sexuels, mais aussi de la place de l'enfant au sein de sa famille, de ses liens avec ses parents, surtout s'ils sont divorcés ou en cas de placement de l'enfant, de l'univers scolaire de l'enfant, des questions de santé ou de handicap. Il s'agit aussi d'aborder les cas extrêmes, le milieu carcéral, la prostitution des mineurs, visible de tous dans les grandes villes. Enfin, il ne s'agit pas seulement de protéger les enfants français, mais les enfants de toutes origines.

Du fait de leur diversité et de leur caractère transversal, ces questions ne peuvent être traitées par les actuelles commissions des assemblées parlementaires. Aussi, le Parlement doit-il se doter d'instruments lui permettant d'aborder les sujets communs aux différentes commissions. Notre proposition de loi visant à créer des délégations parlementaires est un excellent moyen d'engager sur les droits de l'enfant la réflexion transversale et permanente qui fait défaut actuellement. Cet outil permettra aux assemblées d'évaluer la situation, la nature des freins à l'application effective des droits, ainsi que les mesures à prendre. Ces délégations seront un lieu de proposition et d'information. elles assureront le suivi de l'application de la loi, tout en préparant son amélioration.

Cette mission va dans le sens d'une évolution souhaitable du Parlement, qui ne doit plus se contenter de voter la loi, mais doit contrôler et évaluer son application par le Gouvernement et en tirer les enseignements.

Grâce aux informations collectées à partir de dossiers d'experts ou par des recherches particulières, des rapports seront élaborés chaque année, pour décrire la réalité de notre société dans ce domaine essentiel et proposer des réponses adaptées.

Ces délégations devront donc être de véritables forces d'incitation.

Leur composition devra assurer une représentation proportionnelle des groupes, et une représentation équilibrée des six commissions permanentes, ainsi que des hommes et des femmes. Elles pourront être saisies par le Bureau de l'Assemblée, par une commission, par la délégation pour l'Union européenne et par les groupes politiques. La large publicité donnée à leurs débats devra en faire des moteurs pour la protection des droits de l'enfant.

La délégation aux droits des enfants ne devra pas être uniquement une institution parlementaire parmi d'autres : il n'existe aucun risque qu'elle le devienne si notre implication et notre détermination ne faiblissent pas dans le temps. Il faut que nous soyons d'accord pour créer une institution disposant de moyens lui permettant de travailler dans de bonnes conditions. C'est à cette condition que cette délégation sera crédible (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

La vulnérabilité des enfants et les enjeux qui s'attachent à leur protection exigent une vigilance permanente car il n'y a pas d'avancée naturelle des droits de l'enfant.

Ce combat pour la protection de l'enfance dépasse tous les clivages partisans. Le groupe UMP y prendra toute sa part en votant pour la création de ces délégations et en veillant à leur bon fonctionnement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Floch - Notre collègue Paillé a pris une heureuse initiative en proposant la création de ces délégations : certes celles-ci n'ont pas les pouvoirs des commissions et le président Clément nous en a rappelé les limites, en proposant de multiplier les groupes d'études. Mais les délégations bénéficient de moyens matériels beaucoup plus importants que les groupes d'études et leurs propositions sont soumises à des commissions ad hoc. Je rappelle à ce propos que si la Constitution ne crée que six commissions permanentes, c'est parce que M. Debré souhaitait pratiquement que tous les textes soient soumis à des commissions ad hoc. En réalité, le travail se fait principalement dans les grandes commissions et les commissions spéciales restent exceptionnelles.

Cette délégation va nous permettre d'avoir un regard nouveau sur la politique de l'enfance, sur les droits et aussi sur les devoirs des enfants - M. le Garde des Sceaux a eu raison de souligner ce dernier point. La création du poste de défenseur des enfants a été une avancée et je salue le travail de Mme Claire Brisset, qui a permis de mieux cerner les problèmes des enfants dans une société difficile comme la nôtre. Il n'y aurait qu'un seul enfant malheureux dans notre pays que nous devrions nous en occuper ! (« Absolument !» sur les bancs du groupe UMP)

Vous avez eu raison, Monsieur le rapporteur, de souligner que la protection des droits s'applique à tous les mineurs, de tous âges. Le bébé a droit aux soins, le petit enfant a le droit à l'éducation et aussi le droit de jouer. Les pré-adolescents sont aujourd'hui fragiles car la société de consommation suscite bien des envies. Dans une société ouverte qui facilite les comparaisons, les jeunes gens ont le plus souvent tendance à comparer leur situation à celle des plus nantis, et beaucoup plus rarement au sort de tous ceux qui, de par le monde, sont bien plus démunis. Il en découle, pour certains, un malaise auquel les médias donnent une résonance particulière, insistant sur le mal-être des adolescents et des pré-adolescents. La délégation devra, en faisant la part des choses, s'intéresser à cette question.

L'histoire de la protection de l'enfance remonte à l'Antiquité, on l'a dit. Mais, dans le même temps, se manifestait la volonté d'une éducation rigoureuse au point d'en être cruelle, dont l'objectif était d'endurcir les enfants pour les préparer à affronter les sévérités de l'existence. Dans pareil système, les plus fragiles étaient oubliés, et il a fallu attendre le XVIe siècle, et Saint Vincent-de-Paul, pour que soit évoquée la nécessité de protéger les plus faibles des enfants.

Pour autant, notre société s'est-elle dotée de tous les moyens d'accueil indispensables ? Certes, les gouvernements successifs ont procédé à des améliorations. Mais peut-on dire que la France, pays riche en dépit de difficultés conjoncturelles, pays évolué, pays de droit, fait tout ce qu'il faut pour protéger les enfants, et particulièrement les plus fragiles ?

Le ministre délégué à la famille a fait allusion aux enfants handicapés. Ont-ils été oubliés ? Certes non, car leurs parents et les associations qui les représentent ont su faire valoir leurs droits. Mais ils vivent toujours en marge de la société. Ainsi le droit français prévoit-il l'obligation scolaire pour tous les enfants, sans qu'il soit précisé en quels établissements les enfants handicapés doivent suivre cette scolarité. Je ne suis pas de ceux qui pensent que l'intégration passe par une scolarité obligatoirement accomplie dans les établissements généraux d'enseignement, car tout doit dépendre de la situation personnelle de chaque enfant. Il est vrai que la scolarisation en établissements spécialisés coûte cher, mais elle devrait être de droit, car chaque être apporte quelque chose à la société dans laquelle il vit, quel que soit son état. A cet égard, les mentalités doivent changer, et nous sommes loin du compte. La délégation devra formuler des propositions visant à faire évoluer la société française en cette matière.

Au début du XXe siècle encore, les enfants travaillaient à un âge très précoce. Nous devons, à ce sujet, faire preuve de la plus grande vigilance, car on sait que ces pratiques se perpétuent, non seulement dans certains pays membres de l'Union européenne mais aussi, on peut le craindre, dans notre pays, où des enfants de parents immigrés et sans droits reconnus sont exploités alors qu'ils sont encore d'âge scolaire. Je me félicite, à cet égard, que les auteurs de la future convention pour l'avenir de l'Europe aient prévu d'intégrer les droits des enfants dans le futur traité.

Chacun l'aura compris, le groupe socialiste estime judicieuse la proposition de notre collègue Paillé. Aurait-elle été constituée plus tôt que cette délégation aurait pu éviter quelques dispositions malvenues des textes présentés par le Garde des Sceaux et par le ministre de l'intérieur... Ainsi de ces fichiers qui recenseront les infractions pénales commises par les mineurs de treize ans. Ces infractions doivent, bien sûr, être sanctionnées, mais au bout de combien de temps l'inscription au fichier sera-t-elle effacée ? Sur cette question aussi, la délégation devra se pencher.

La législation française comprend déjà de bons textes, qu'il s'agisse de la loi instituant les juges aux affaires familiales, du texte réprimant la pédophilie ou de la loi du 6 mas 2000, adoptée à l'initiative de notre collègue de Courson et qui reprend une proposition du Parlement des enfants. Heureuse initiative, d'ailleurs, que celle du Président Séguin d'avoir créé le Parlement des enfants. Encore devons-nous écouter ce qu'ils ont à nous dire. La délégation devra, aussi, être un lieu de rencontre entre adultes et enfants, où sera en permanence rappelé quels sont les droits mais aussi les devoirs de chacun.

Le groupe socialiste votera la proposition (Applaudissements sur tous les bancs).

DÉPÔT D'UNE MOTION DE CENSURE

M. le Président - M. le Président de l'Assemblée a reçu aujourd'hui, à 9 heures 20 une motion de censure déposée, en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, par M. Jean-Marc Ayrault et 162 membres de l'Assemblée, le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement pour l'adoption, en première lecture, du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques dans le texte dont il a donné connaissance au cours de la séance du mercredi 12 février.

Je vous en donne lecture :

« Alors que les Françaises et les Français sont plus que jamais préoccupés par la hausse du chômage et la multiplication des vagues de licenciements, le Gouvernement propose de réformer par une man_uvre inqualifiable les modes de scrutin régional et européen.

« Alors que la situation internationale laisse planer sur le monde la menace d'une guerre en Irak et que le Parlement devrait être consulté et associé à la décision que prendra la France, le Gouvernement propose une loi inique qui impose la prépondérance du bipartisme et nie par là même la diversité politique de notre pays.

« Ce premier verrouillage démocratique est aggravé par le coup de force auquel le Gouvernement procède pour finalement imposer le pouvoir absolu du parti du Président de la République. Nous refusons la concentration des pouvoirs dans les mêmes mains.

« Les conditions de l'élection présidentielle du 5 mai 2002 auraient dû conduire le Premier ministre à faire passer l'intérêt général au-dessus des intérêts partisans et à s'ouvrir au pluralisme politique, en commençant par respecter les droits du Parlement.

« Nous préférons, quant à nous, au parti unique le respect de la place de chacun sur la base d'un contrat de confiance avec les citoyens.

« Refusant l'institution d'un modèle politique unique et la mise en _uvre d'une politique antisociale, l'Assemblée nationale censure le Gouvernement en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. »

En application de l'article 155, alinéa 3, du Règlement, l'Assemblée prend acte de ce dépôt.

M. le Président - La Conférence des présidents a fixé au samedi 15 février à 9 heures 45 la date de la discussion et du vote de cette motion de censure.

DÉLÉGATIONS AUX DROITS DES ENFANTS (suite)

M. Rudy Salles - La proposition que nous examinons s'inscrit dans le cadre des nombreux progrès législatifs intervenus, notamment à la suite de la ratification par la France de la convention relative aux droits de l'enfant, le 7 août 1990.

Mais si les déclarations d'intention sont légion, il convient aujourd'hui de reconnaître effectivement les droits de l'enfant.

Quelques chiffres récents nous éclaireront sur la nécessité de donner au Parlement les moyens d'une action efficace en faveur de la protection de l'enfance. En effet, une étude de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée révèle 18 000 signalements d'enfants maltraités et 67 500 signalements d'enfants à risque, nombre en augmentation, hélas, par rapport à celui enregistré en 2000.

L'enfant, rendu vulnérable par son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d'une protection spéciale, qui exige des pouvoirs publics une vigilance permanente. Voilà ce qui justifie une initiative parlementaire. En effet, si l'on peut se réjouir de l'installation, par la loi du 6 mars 2002, du défenseur des enfants, il convient de permettre au Parlement de prendre en amont toute mesure appropriée pour que l'enfant soit effectivement protégé de toute discrimination, sanction ou atteinte à son intégrité.

Or, le dispositif actuel, s'il permet d'entendre et de recenser les difficultés que rencontrent les enfants, apparaît insuffisant pour permettre d'y remédier. Instance de consultation, les services du défenseur ne sont pas un outil de décision.

Trop d'enfants demeurent exploités, maltraités, mal soignés et harcelés. Aussi convient-il d'améliorer et de consolider la protection de l'enfance, tant cette période est déterminante pour le reste de l'existence de tout individu, comme en témoignent les nombreuses expertises de spécialistes et de psychologues. Tout Etat de droit digne de ce nom se doit de disposer d'outils propres à protéger efficacement les plus faibles et à garantir leurs droits : écouter n'est pas secourir, diagnostiquer n'est pas prévenir.

Toute déclaration demeure lettre morte si elle ne s'accompagne pas de la mise en place de structures dotées de larges moyens tant humains que matériels. En Europe, plusieurs pays ont déjà, depuis la fin des années 1980, créé des organes parlementaires exclusivement chargés des droits de l'enfant, sous forme de commissions ou de délégations. Ainsi existe-t-il en Allemagne, depuis 1988, une commission permanente - la commission pour la défense des droits de l'enfant - qui travaille en étroite collaboration avec la commission chargée de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse. Cette commission est renouvelée au début de chaque législature. De même, un groupe de travail aux droits de l'enfant a été créé en Belgique afin d'éclairer le travail de la commission de la justice et des affaires sociales.

Aussi convient-il de doter le Parlement français, au sein de chaque chambre, d'une délégation permanente, chargée de rechercher les moyens d'une protection efficace. Celles-ci informeront les assemblées de la politique du Gouvernement et assureront le suivi de l'application des lois. Par ailleurs, elles pourront être saisies des projets et propositions de loi, et dresseront des rapports pour éclairer le Parlement.

Enfin, dans un rapport annuel, elles pourront proposer des améliorations de la législation et de la réglementation.

Cependant, cette délégation ne saurait être une instance de principe, elle doit avoir une réelle existence dans le processus législatif. Cet organe trouvera sa place aux côtés des nombreuses structures parlementaires tels les délégations pour l'Union européenne, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'office parlementaire d'évaluation de la législation, les délégations à l'aménagement et au développement durable du territoire, les délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances, et enfin l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.

Puissent ces structures enrichir la réflexion de la commission des affaires sociales, et non apparaître comme un doublon. Aussi convient-il de les intégrer aux structures actuelles pour qu'elles travaillent en étroite collaboration avec les organes de chaque chambre et le défenseur des enfants.

Enfin, le groupe UDF souhaiterait que le Gouvernement organise au Parlement un débat sur la place de l'enfant dans la société. J'espère, Monsieur le ministre, que vous pourrez y répondre favorablement. Parce que l'enfant doit recevoir une protection et une attention particulières, le groupe UDF soutiendra cette proposition de loi (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Frédéric Dutoit - C'est avec plaisir que les députés communistes et républicains soutiendront la création de délégations parlementaires aux droits des enfants. N'ont-ils pas, en effet, toujours favorisé l'émergence de nouveaux droits pour les enfants ? Ne sont-ils pas à l'origine, par la voix de mon amie Muguette Jacquaint, du vote sur la journée internationale des droits de l'enfant ? Les sénateurs communistes n'ont-ils pas déposé, le 21 novembre 2002, une proposition de loi analogue à celle-ci ?

C'est vrai, il y a un manque dans le fonctionnement du Parlement.

Il y a quarante-huit heures, dans les quartiers nord de Marseille, des élèves de l'école primaire Notre-Dame de la Viste m'ont dit vouloir s'investir dans la vie de la société. Des enfants-citoyens qui déposeront en mai, au Parlement des enfants, une proposition de loi relative à la « gestion des déchets nucléaires ». Des enfants-citoyens fidèles à l'esprit de la déclaration des droits de l'enfant, proclamée le 20 novembre 1959 par l'assemblée générale de l'Organisation des Nations unies, et selon laquelle « l'humanité se doit de donner à l'enfant le meilleur d'elle-même ».

Rappelons deux articles de cette déclaration. D'après le premier « les droits de l'enfant doivent être reconnus à tous les enfants sans exception, et sans distinctions ou discriminations fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou sur toute autre situation, que celle-ci s'applique à l'enfant lui-même ou à sa famille ».

Quant à l'article 7, il dispose que « l'enfant a droit à une éducation qui doit être gratuite et obligatoire au moins au niveau élémentaire. Il doit bénéficier d'une éducation qui contribue à sa culture générale et lui permette, dans des conditions d'égalité de chances, de développer ses facultés, son jugement personnel et son sens des responsabilités morales et sociales, et de devenir un membre utile à la société ». La France a souvent donné l'exemple, en étant ainsi le premier pays à ratifier, en 1990, la convention internationale des droits de l'enfant, signée par 191 Etats.

Mais si un long chemin a déjà été parcouru, beaucoup reste à faire.

L'Observatoire national de l'action sociale décentralisée a relevé une augmentation des signalements d'enfants en danger. Notre pays est confronté à des maux terribles. Un enfant sur trois ne part jamais en vacances. Des dizaines de milliers de gamins n'ont d'autre horizon que la grisaille et le béton des tours des cités HLM. Quatre millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Sans parler de la violence de la société dont l'enfant est la première victime - crise du chômage, manque de repères, absence de perspectives meilleures. Comment, encore, réfléchir à l'avenir de l'enfant sans songer à ces dizaines de milliers de familles qui vivotent dans des logements insalubres, causes de maladies indignes du XXIe siècle comme le saturnisme ou la tuberculose ? Sans songer à ces enfants qui, plus tard, sont confrontés au tabagisme, à la toxicomanie, à l'alcoolisme ? À ces enfants qui, de plus en plus souvent, sont victimes de maltraitance - 18 000 en 2002 -, de pédophilie, d'exploitation sexuelle ?

Ces situations n'ont malheureusement rien d'exceptionnel en France. Et que dire de ces cent millions d'enfants qui, hors de la France, n'ont pas accès à l'école, de ces dizaines de millions d'enfants contraints à travailler dès l'âge de quatre ou cinq ans ! Cent cinquante millions d'enfants sont atteints de malnutrition, et en Afrique, les enfants les plus pauvres sont frappés par le sida.

Enfin, et c'est d'actualité, les enfants restent les premières victimes des guerres.

Aussi est-il aujourd'hui opportun de créer des délégations parlementaires aux droits des enfants, de manière à favoriser une approche sociétale et à n'oublier aucune donnée.

Si la sanction des délits commis par des mineurs est obligatoire, elle ne représente qu'un des pans de l'éducation, et ne saurait constituer un système éducatif en soi. Le Gouvernement serait bien inspiré d'investir à cette fin des moyens, au lieu d'en soustraire jusque dans les zones d'éducation prioritaire.

Oui cette proposition de loi est bonne, à condition que l'on fasse preuve d'audace. Dans un souci d'efficacité, la délégation parlementaire de l'assemblée nationale devra être à l'écoute des députés et s'ouvrir aux associations, aux jeunes, à la société civile, et à l'ensemble des professionnels. Ainsi, les délégations parlementaires pourront devenir des espaces de contrôle des pouvoirs publics, d'analyse et de réflexion prospective, des espaces capables d'ouvrir de nouvelles pistes dans l'intérêt de enfants.

Des progrès restant à faire, le groupe communiste et républicain votera ce texte (Applaudissements sur divers bancs).

Mme Martine Aurillac - L'enfant est une personne : ce principe fondateur de la convention internationale des droits de l'enfant n'est malheureusement pas encore suffisamment respecté. L'enfant est dans bien des domaines considéré comme passif, et des images cruelles venues du monde entier nous disent la détresse de millions d'enfants affamés et exploités.

Certes, des avancées ont eu lieu : charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, textes de loi sur le droit à être entendu en justice, à connaître ses origines et à être protégé des violences sexuelles, institution du défenseur des enfants, protection des mineurs étrangers... Mais si le statut de l'enfant en France est théoriquement satisfaisant, même s'il doit être appliqué par des intervenants divers et peu coordonnés, ses droits sont en réalité souvent bafoués. Les enfants subissent trop souvent les effets de la précarité ou de l'inégalité des chances à l'école. Notre taux d'illettrisme, source d'exclusion, est beaucoup trop élevé. La France détient également le triste record du plus fort taux de suicides d'enfants.

Dans notre pays, 18 000 enfants ont été maltraités en 2001. Certes, l'attention qui est portée à ce phénomène longtemps caché, voire toléré, s'est accrue, mais il faut toujours plus de prévention, de vigilance des témoins et de rigueur des pouvoirs publics. Il reste beaucoup à faire pour améliorer la situation des enfants en France. La réforme du divorce et de la filiation et l'institution de l'observatoire de l'enfance maltraitée sont très positives.

L'enfant est un être en devenir. Les délégations devront s'interroger sur les réformes à entreprendre et sur les conditions favorables au développement de l'enfant. On pourrait avec raison démontrer, et le président Clément l'a fait brillamment, l'inconvénient de multiplier les commissions transversales, mais le travail des délégations sera, sur un tel sujet, fort utile. On pourrait également objecter que les droits de l'enfant sont une déclinaison des droits de l'homme, mais ils requièrent une protection spécifique.

Ces délégations devraient permettre à notre nation de déterminer la place qu'elle veut réserver à l'enfance, dans une vie moderne qui ne reconnaît pas suffisamment le temps d'être enfant, ni d'ailleurs le temps d'être parent. Comment accueillons-nous nos enfants ? Sommes-nous soucieux de les faire grandir debout, adossés à l'amour et à l'éducation qu'ils reçoivent ? Sommes-nous enfin les exemples dans lesquels ils aimeraient parfois se reconnaître ? Parce que ces questions sont essentielles dans une société, la France, qui fut l'un des premiers pays à ratifier la convention internationale des droits de l'enfant et le premier à instituer une journée des droits de l'enfant, se doit de jouer un rôle moteur. La mise en place des délégations, au c_ur du dispositif législatif, sera indispensable pour améliorer le respect des droits établis et permettre à nos enfants de devenir des femmes et des hommes qui prendront toute leur place dans la cité (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Victorin Lurel - Pour paraphraser Churchill, une société se juge par le sort qu'elle réserve à ses enfants. C'est ce qu'affirmait le Président de l'Assemblée nationale Laurent Fabius dans le rapport de la commission d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France commandé sous la précédente législature.

Les enfants constituent un quart de la population de la France hexagonale et un tiers outre-mer. Citoyens de demain, c'est en leur nom que sont faites la plupart des réformes, qu'il s'agisse des retraites, du développement durable ou des divers textes de programmation. Mais ces enfants sont, étymologiquement, ceux qui n'ont pas la parole ! Ce sont dans notre droit des êtres passifs et juridiquement incapables. Nous devons donc bien sûr leur assurer une protection juridique, mais les enfants dépendent plus que quiconque de leur environnement social.

Nous, parlementaires, qui devons veiller à leur intérêt, devons pour ce faire écouter ce qu'ils nous disent. La première réunion du comité consultatif des jeunes mis en place en janvier 2002 par la défenseure des enfants, Claire Brisset, révèle leurs principaux sujets d'intérêt : la violence, la guerre, la pauvreté, la famine et le sida, puis les inégalités entre pays pauvres et riches, l'accès à l'éducation et aux soins et les régimes dictatoriaux. En France, c'est la pauvreté, la drogue, le chômage, la politique, le sida et le terrorisme qui les préoccupent le plus. Ils relèvent là encore les inégalités sociales et leurs conséquences sur la santé et l'éducation.

Toutes les dimensions de l'enfance doivent être prises en compte pour garantir leur protection. À quoi servirait-il de protéger l'enfant dans la sphère sociale s'il est privé de parole dans sa famille ? Un enfant peut-il accéder à l'éducation s'il manque des moyens matériels minimum ? Ni la diversité des statuts familiaux ou des lieux de naissance, ni celle des institutions concernées ne sauraient justifier que les enfants aient des droits différents selon leur situation. L'action spécifique que les délégations mèneront en leur faveur ne peut qu'être approuvée.

Quels sont les moyens de protection des enfants ? Le premier est la convention internationale signée à l'ONU le 20 novembre 1989. La France s'est honorée en étant le premier pays à la ratifier. Les Etats-Unis, eux, se sont déshonorés en refusant de le faire, ce qui leur permet, entre autres, de continuer à exécuter des mineurs. L'autre pays non signataire est la Somalie... Mais les dispositions de la convention n'ont malheureusement pas toutes effet dans le droit positif. Il faut donc continuer à la transposer en droit interne. Les lois du 8 janvier 1993 sur l'état civil, instituant un juge aux affaires familiales, du 17 juin 1998 sur la prévention des infractions sexuelles et du 22 janvier 2002 sur l'accès à leurs origines pour les personnes adoptées ne sont qu'un début. Les réclamations adressées à la défenseure des enfants ont souvent pour objet les droits de visite ou l'hébergement chez les parents. Il faut donc améliorer la législation concernant les conséquences de leur séparation pour l'enfant. De nombreuses réclamations concernent également les mineurs étrangers, et une action d'urgence doit être entreprise. Enfin, les modes de garde des enfants en bas âge et l'éducation de manière générale doivent être évoquées.

D'autres instruments juridiques existent, tels que la convention européenne des droits de l'homme. La loi du 6 mars 2000 instituant le défenseur des enfants, adoptée à l'initiative de Laurent Fabius, est essentielle. Cette innovation, qui s'ajoute aux structures classiques - services départementaux, associations - doit impérativement être renforcée. Je suggère que dès sa première réunion, la délégation reçoive Mme la défenseure des enfants pour examiner des moyens de coopération. Pourquoi ne pas imaginer des institutions déconcentrées qui lui serviraient de relais sur tout le territoire, comme c'est le cas pour le médiateur de la République ?

Il est également indispensable de mettre en _uvre les propositions faites par la défenseure dans son rapport annuel. En 2001, Mme Brisset avait insisté sur les alternatives à l'incarcération des mineurs, sur une prise en charge médicale et psychiatrique spécifique pour les enfants et sur les mineurs étrangers. En 2002, elle abordait l'accueil en maternelle, l'augmentation des moyens de la protection maternelle et infantile et de la médecine scolaire et la prise en compte spécifique de l'adolescence. Son dernier rapport prend la Guyane comme exemple particulier. Une action particulièrement forte pour la jeunesse est en effet une nécessité outre-mer. Il est urgent que le soutien aux professionnels qui _uvrent en ce domaine soit renforcé.

Nous sommes très loin d'avoir pris en compte toutes ces recommandations. L'intérêt de la création des délégations est donc évident. Leur organisation peut cependant être matière à discussion. Vaut-il mieux que des préoccupations aussi essentielles soient prises en compte par chaque commission parallèlement ou par une structure ad hoc ? Les droits des enfants doivent être considérés dans tous les domaines, économiques, sociaux ou culturels.

Il eut été judicieux, s'agissant du projet de loi pour l'initiative économique, de se rapprocher de la délégation aux droits des femmes pour entendre ses recommandations en matière de statut du conjoint collaborateur. De la même façon, la délégation aux droits des enfants, si elle avait déjà existé, aurait pu se prononcer sur les dispositions des textes abordant le problème des mineurs délinquants.

Il y a, à n'en pas douter, tout intérêt à constituer une délégation permanente aux droits des enfants au sein de chaque assemblée du Parlement. Nos élus n'en sont que plus sensibles à l'exigence de mieux respecter les droits des enfants. Les délégations réuniront des spécialistes et des passionnés qui conseilleront utilement le législateur. Nul ne conteste aujourd'hui l'apport de la délégation aux droits des femmes et l'influence très positive qu'à exercée Mme Zimmermann pour faire respecter la parité dans le texte sur la réforme du mode de scrutin. On ne peut que souhaiter que les membres de la délégation aux droits des enfants fassent preuve de la même pugnacité et du même courage pour faire avancer la cause des enfants.

La délégation devra traiter en priorité de plusieurs sujets essentiels : comment articuler son rôle avec des institutions existantes - et notamment avec la défenseure des enfants, comment transposer en droit interne la convention, comment intensifier la lutte contre les inégalités scolaires, économiques et sociales dont les enfants sont les premières victimes. Citoyen en devenir, l'enfant est titulaire de droits et de devoirs. La délégation parlementaire aux droits des enfants aura pour mission essentielle de les garantir et de les préciser. Confiant en sa capacité à remplir son rôle, le groupe socialiste votera ce texte, qui s'inscrit dans la continuité des travaux de la précédente législature sous l'impulsion du Président Fabius.

Il reste à prévenir un éventuel conflit de compétences avec la délégation aux droits des femmes, l'enfant restant trop souvent défini dans notre droit par rapport à sa mère (Mme Christine Boutin approuve). Je regrette aussi que la délégation aux droits des enfants n'ait pas été constituée plus tôt. Elle aurait utilement éclairé nos travaux relatifs à ceux que certains appellent « mineurs délinquants » et que nous préférons considérer comme des enfants en danger.

Le groupe socialiste votera cette proposition (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Henriette Martinez - Très concernée par la cause des enfants, je me réjouis que cette délégation, très demandée par les associations, voie enfin le jour. Cet acte honore notre assemblée. Certains collègues ont exprimé des réserves de forme. Au fond nul ne conteste l'utilité de cette démarche. Certes, notre droit a évolué, notamment grâce à la convention et à la défenseure des enfants, mais beaucoup reste à faire.

La protection des enfants constitue l'un de nos devoirs les plus fondamentaux. Les enfants ont aujourd'hui des droits. C'est bien, mais en ont-ils réellement connaissance ? Nos institutions leur sont-elles accessibles ? N'y a-t-il pas un devoir impérieux d'information et de prévention pour accompagner le travail remarquable des associations ? L'enfant est-il suffisamment entendu, écouté et reconnu ? Sa détresse éventuelle est-elle bien prise en compte ?

Permettez-moi d'illustrer mon propos d'un exemple récent, vécu à Gap, dans ma circonscription. La petite Clémentine pleure chaque samedi lorsque son père vient la chercher avec ses frère et s_ur pour exercer son droit de visite. Sa souffrance, vraisemblablement connue de la mère, est-elle entendue ? Agée de dix ans, elle n'a que le droit de se taire. Il faudra un travail scolaire, dans le cadre de la préparation du prochain Parlement des enfants, pour que l'on découvre l'horreur qu'elle subit chaque semaine avec sa s_ur et son frère de trois ans. Ce dont je vous parle se passe dans une petite classe tranquille. Clémentine est-elle aujourd'hui apaisée ? Certes, elle n'est plus exposée au danger mais son sentiment de culpabilité est immense et elle ne bénéficie d'aucune assistance psychologique.

Cet exemple bouleversant nous rappelle que notre premier devoir est de briser le silence et de faire l'effort d'entendre ce que les enfants ont à nous dire, qu'ils l'expriment par la parole, par le dessin ou par le jeu. Il faut aussi aider ceux qui savent - voisins, enseignants, médecins, parents informés - à parler avant qu'il ne soit trop tard en leur assurant qu'ils seront entendus et protégés. Les grandes douleurs sont muettes. La douleur de l'enfance maltraitée n'échappe pas à cette loi.

Il est de notre devoir de prendre l'initiative pour soulager la souffrance des enfants handicapés, malades, délinquants, exploités par des réseaux de mendicité, de prostitution ou de pédo-cybercriminalité ! Faisons preuve de vigilance et de courage. N'hésitons pas à intervenir chaque fois que cela est nécessaire. La cause des enfants est la plus noble, pour les victimes elles-mêmes mais aussi pour la société tout entière.

Merci, Messieurs les ministres, de votre écoute et de vos propositions. Vous pouvez compter sur notre détermination à vous assister dans toutes les réformes que vous allez entreprendre. Le plus horrible des crimes, c'est celui de l'innocence volée (Applaudissements sur tous les bancs).

La discussion générale est close.

M. le Rapporteur - La qualité de nos débats a été à la hauteur des problèmes évoqués. Notre société a besoin d'un Parlement attentif au sort de nos enfants et sur ce sujet comme d'autres, la France doit montrer l'exemple.

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas (Sourires) et je suis heureux de saluer l'unanimité qui se dégage sur ce texte. Sur de tels sujets, qui touchent notre part d'humanité, il est heureux que nous sachions nous rassembler.

Merci, Monsieur les ministres, d'avoir indiqué vos principaux axes de travail. Ils alimenteront comme autant d'invitations à agir l'activité de la délégation aux droits des enfants.

Il n'est du reste pas inutile de rappeler que la délégation ne disposera d'aucun pouvoir d'autosaisine.

Votre action ne viendra donc pas en concurrence mais en appui de celle des commissions permanentes de nos assemblées.

Merci encore pour cette belle unanimité qui honore notre assemblée.

M. le Ministre délégué - Je salue à mon tour votre unanimité et la qualité de vos propositions.

M. Paillé a eu raison d'insister sur le caractère transversal des missions de la délégation et sur le rôle essentiel qu'elle jouera dans le suivi du travail parlementaire. Je rends hommage à cet égard à l'engagement personnel de M. Barrot.

Je partage également votre souci d'approcher ces questions d'un point de vue européen et non strictement national. Je me suis rapproché de mes collègues européens en charge de la famille - notamment allemand, irlandais et italien - et j'ai bon espoir de développer avec eux des partenariats renforcés. M. Floch a insisté sur la nécessité de coopérer avec nos partenaires européens. Je souscris à son point de vue.

M. Rudy Salles a très légitimement insisté sur l'ampleur du phénomène de la maltraitance. J'accueille très positivement la proposition d'un grand débat parlementaire sur ce sujet et je ne manquerai pas d'y participer si un consensus se dégage pour l'organiser.

M. Dutoit a souligné toute l'importance du droit à l'éducation. Ce sujet me tient particulièrement à c_ur et nous y travaillons depuis plusieurs mois avec MM. Ferry et Darcos. Un groupe de travail sur l'absentéisme scolaire a été constitué. Il rendra prochainement plusieurs propositions très concrètes.

Mme Aurillac nous a alertés à juste raison sur la progression très inquiétante du taux de suicide des adolescents. Il faut tenir compte aussi des tentatives de suicide. A l'évidence, un tel acte n'est pas anodin et résulte souvent d'une forme de maltraitance plus ou moins bien identifiée. Sans doute n'a-t-on pas su entendre l'adolescent qui en vient à cela ou répondre à ses inquiétudes. C'est un sujet qui nécessite une mobilisation nationale. Nous l'évoquerons à l'occasion des rencontres sur l'adolescence que j'organiserai cet automne.

Cette année, la conférence sur la famille, présidée par le Premier ministre, portera sur l'accueil du jeune enfant ; la conférence de l'an prochain sera vraisemblablement consacrée à l'adolescence - adolescence et santé, adolescence et dépendances aux stupéfiants ou à l'alcool. Nous évoquerons également tout ce qui mérite d'être encouragé : avec Jean-François Lamour, l'adolescence et le sport, avec Jean-Jacques Aillagon, l'adolescence et la culture.

Il y a un vide, aujourd'hui, dans notre politique familiale, sur cette période de la vie.

Je rappelle que la création de maisons de l'adolescence, dans chaque département, est un engagement fort du Président de la République. Deux existent, au Havre et à Bordeaux. Une dizaine de projets se mettent en place.

Nous avons été très touchés, M. le Garde des Sceaux et moi-même, par l'évocation de Mme Martinez. Le silence doit cesser, et la loi s'appliquer. Je rends un hommage particulier aux associations, qui nous aident beaucoup en soutenant les familles.

La meilleure protection des droits de l'enfant, c'est la famille. En renforçant la politique familiale, ce sont ces droits que nous renforcerons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Garde des Sceaux - Un grand merci aux associations et aux parlementaires qui ont pris l'initiative de cette démarche.

Je suis déterminé à faire bouger les choses. Les associations me l'ont demandé, comme bien des parlementaires. Nous voulons, avec François Jacob, que magistrats, médecins, policiers, gendarmes abordent autrement l'écoute de l'enfant. Nous ne sommes pas encore au bout du chemin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'appelle l'article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.

ARTICLE UNIQUE

Mme Christine Boutin - C'est avec joie et satisfaction que je constate l'unanimité, sur tous ces bancs, pour la création de cette délégation. L'initiative de cette proposition revient à Dominique Paillé, que je tiens à saluer.

La création de cette délégation est l'aboutissement d'une longue réflexion dans laquelle la France s'honore d'avoir été le précurseur.

J'ai travaillé à la commission d'enquête sur les problèmes de l'enfance mise en place par le gouvernement précédent ; je constate que les choses avancent.

J'ai entendu les interrogations de M. le président de la commission des lois. La création de cette délégation, les discours de M. le Garde des Sceaux et de M. le ministre délégué à la famille témoignent d'une volonté politique que l'enfant trouve véritablement sa place dans notre société et ne serve plus d'alibi.

Il y a trente ans, un ministère de la condition féminine a été créé. Il me semble nécessaire que l'exécutif envisage maintenant la création d'un ministère des droits de l'enfant - rattaché au ministre délégué à la famille, au Garde des Sceaux, au Premier ministre ? Le titre du ministère de M. Jacob pourrait également être modifié pour prendre en compte les droits de l'enfant.

Tous les problèmes liés à l'enfance ont été évoqués, et je vous en remercie. Je demande que la délégation examine tout particulièrement les questions liées à la pauvreté de l'enfant. En effet, 10 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté et, parmi eux, de très nombreux enfants.

La justification de notre responsabilité politique est fondée sur l'avenir que nous préparons à notre pays. Il nous appartient de bien entourer les enfants d'aujourd'hui, qui seront les citoyens de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'article unique de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Le texte a été adopté à l'unanimité.odj

Prochaine séance, samedi 15 février, à 9 heures 45.

La séance est levée à 11 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU SAMEDI 15 FÉVRIER 2003

A NEUF HEURES QUARANTE-CINQ : SÉANCE PUBLIQUE

Discussion et vote de la motion de censure, déposée en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, par :

M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Patricia ADAM, M. Damien ALARY, Mme Sylvie ANDRIEUX-BACQUET, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Eric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Maxime BONO, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Michel DELEBARRE, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Henri EMMANUELLI, Claude EVIN, Laurent FABIUS, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, MM. Jean GLAVANY, Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. François HOLLANDE, Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Yves LE DRIAN, Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Guy LENGAGNE, Mme Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Victorin LUREL, Bernard MADRELLE, Philippe MARTIN (Gers), Christophe MASSE, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Michel PAJON, Christian PAUL, Germinal PEIRO, Jean-Claude PEREZ, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Paul QUILÈS, Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Mme Ségolène ROYAL, M. Michel SAINTE-MARIE, Mme Odile SAUGUES, MM. Henri SICRE, Dominique STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, M. Simon RENUCCI, Mme Christiane TAUBIRA, MM. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Alain BOCQUET, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Patrick BRAOUEZEC, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXÈS, Mme Martine BILLARD, MM. Yves COCHET, Noël MAMÈRE, Emile ZUCCARELLI.

(Le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement pour l'adoption, en première lecture, du projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, dans le texte dont il a donné connaissance au cours de la séance du mercredi 12 février 2003).


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