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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 76ème jour de séance, 185ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 3 AVRIL 2003

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      RÉPRESSION DE L'ACTIVITÉ DE MERCENAIRE 2

      URBANISME, HABITAT ET CONSTRUCTION
      (deuxième lecture) 11

      ARTICLE PREMIER A 24

      ARTICLE PREMIER B 24

      ARTICLE PREMIER BIS A 25

      ARTICLE PREMIER QUINQUIES 26

      APRÈS L'ARTICLE PREMIER QUINQUIES 27

      APRÈS L'ART. 2 27

La séance est ouverte à neuf heures.

RÉPRESSION DE L'ACTIVITÉ DE MERCENAIRE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la répression de l'activité de mercenaire.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Pendant des siècles, l'emploi de mercenaires faisait partie des pratiques ordinaires des Etats. En France, ce fut la Révolution de 1830 qui mit fin à cette pratique, avec le licenciement des derniers régiments suisses.

Pourtant, ce phénomène n'a pas disparu. Il a été favorisé par la fin de la guerre froide, qui a réduit le contrôle des conflits entre Etats, et par le changement d'attitude des principales institutions financières à l'égard des pays en voie de développement. La montée du mécontentement social est en effet exploitée, dans ces pays, par des groupes utilisant des mercenaires.

L'Afrique, continent auquel la France prête une attention particulière, souffre tout spécialement de cette pratique. La guerre qui déchire actuellement la Côte d'Ivoire nous en donne une tragique illustration.

La France se devait de réagir contre le développement du mercenariat, en se dotant d'une législation équilibrée. Le mercenariat est en effet un phénomène dangereux. Il pérennise des situations de crise dans les Etats les plus fragiles.

De véritables entreprises de guerre, souvent d'origine anglo-saxonne, ont pu apparaître et fructifier. Elles fournissent à des Etats à la dérive des produits guerriers « clés en main », ainsi qu'à des oppositions peu soucieuses de légalité les moyens de parvenir à leurs fins. Il ne s'agit plus du mercenariat traditionnel, qui était individuel, mais de véritables entreprises commerciales, d'autant plus redoutables qu'elles disposent de moyens importants.

La France, qui _uvre pour la stabilité et la paix, notamment en Afrique, a donc le devoir de combattre le mercenariat. C'est sa crédibilité qui est en jeu.

Toutefois, la France souhaite appréhender ce phénomène de façon mesurée et réaliste.

Tout Etat a le droit de se défendre et le devoir de protéger ses citoyens. S'il ne dispose pas de moyens militaires suffisants, il doit être en mesure de recruter les personnels nécessaires. C'est en effet un usage pratiqué par toutes les grandes nations militaires, dont la France, de fournir aux pays alliés l'assistance qu'ils requièrent pour former, encadrer et assister leurs armées. Il n'est pas question de remettre en cause cet usage. Il convient, en revanche, de sanctionner les excès du mercenariat. Il y a certes la convention internationale du 4 décembre 1989 contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction des mercenaires, mais elle ne nous paraît pas suffisamment équilibrée. C'est pourquoi la France ne l'a pas ratifiée.

Elle est inadaptée, car elle condamne toute participation à des conflits armés, quelle que soit la manière de servir. Sa définition du mercenaire, trop imprécise, pourrait faire qualifier de mercenaire tout Français présent dans un pays en conflit et servant aux côtés d'une des forces antagonistes.

De plus, la règle de la compétence universelle instituée par cette convention permettrait à des Etats étrangers au conflit de juger des Français pour faits de mercenariat. Ainsi, les droits de nos ressortissants ne seraient pas suffisamment garantis.

Il convient donc d'adopter un dispositif plus équilibré.

Ce projet vise à créer une incrimination à la fois rigoureuse dans ses éléments constitutifs et large dans son champ d'application.

Cela suppose, en premier lieu, une définition précise du mercenariat. Seule sera prise en considération la participation directe à des hostilités : ni la formation, ni la préparation, ni l'entraînement ne sont donc visés par ce texte.

Ne seront concernées que les personnes spécialement recrutées en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération importante, c'est-à-dire disproportionnée comparée aux soldes de l'armée régulière.

De même, ne pourront être poursuivis ni les ressortissants d'un Etat partie au conflit, ni les membres des forces armées de cet Etat, ni les personnes envoyées en mission auprès d'une des parties au conflit.

Des Français en mission dans un pays en guerre à des fins autres que la participation directe aux hostilités ne tomberaient donc pas sous le coup du texte.

Ce projet permettra aussi de faire face à des situations plus larges. En particulier, les conflits internationaux ne sont pas les seuls visés. Les mercenaires, en effet, sont de plus en plus fréquemment employés dans des conflits internes ou dans des situations de violence destinées à renverser les institutions ou à porter atteinte à l'intégrité territoriale des Etats.

En outre le champ des activités répréhensibles est étendu : l'organisation du mercenariat, sa direction, son recrutement, son financement tomberont aussi sous le coup de la loi.

Outre les Français, les étrangers résidant habituellement en France pourront eux aussi être poursuivis.

L'évolution des pratiques du mercenariat rend insuffisante la seule incrimination des personnes physiques. Aussi le projet inclut-il la possibilité de poursuivre les personnes morales, c'est-à-dire des organisations et des sociétés pour la plupart anglo-saxonnes.

L'activité des mercenaires fait du tort à de nombreux pays amis. Ce projet a pour lui de remédier à cette situation. Il comble également une lacune de notre législation.

Pour des raisons de calendrier, ce texte a d'abord été présenté au Sénat, qui l'a adopté à l'unanimité.

Je ne doute pas qu'il suscitera aussi l'approbation de l'Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Marc Joulaud, rapporteur de la commission de la défense - Ce projet tend à caractériser et à réprimer, en droit français, l'action des mercenaires.

La clarté des débats est cependant compromise par une confusion entre l'acception actuelle du terme très péjoratif de « mercenaire » et son acception traditionnelle, qui désigne tout simplement un militaire de nationalité étrangère, payé pour son travail, à qui rien ne permet de dénier a priori les valeurs morales du combattant.

Aujourd'hui encore, la Légion étrangère ou les Gurkhas britanniques sont des unités composées d'étrangers, dont la qualité est reconnue par tous.

A l'inverse, il était traditionnellement admis par les Etats, que leurs ressortissants puissent aller faire la guerre de leur propre initiative à l'étranger, non seulement pour de l'argent, mais aussi par idéal.

Les combats pour l'indépendance de la Grèce dans les années 1820, la guerre civile en Espagne de 1936 à 1939, sont des exemples classiques.

Les législations actuelles sont en vérité d'un grand libéralisme. En France, la principale disposition est l'article 23-8 du code civil, qui fait de l'activité militaire à l'étranger une activité libre, sous réserve du droit du gouvernement à enjoindre à chaque Français de l'interrompre. Le Français qui refuserait de déférer à cette injonction n'encourt pas le risque d'une sanction pénale, mais celui de perdre sa nationalité.

La lutte contre le mercenariat s'est d'abord traduite par l'élaboration de conventions internationales. Ainsi le protocole I du 8 juin 1977 établit, pour la première fois, un statut juridique international du mercenaire, lequel est exclu du statut de combattant régulier, donc des protections internationales que ce statut garantit aux prisonniers de guerre. Mais la définition que le protocole donne du mercenaire est étroite, et repose sur six critères cumulatifs. Il faut ainsi être spécialement recruté pour prendre part à un conflit armé ; participer directement aux hostilités ; en retirer un avantage personnel important ; n'être ni ressortissant ni résidant d'une partie au conflit ; ne pas être membre des forces armées d'un belligérant ; ne pas avoir été envoyé en mission officielle par un Etat tiers. Ce protocole a été ratifié par 161 Etats, dont la France.

Le deuxième grand texte international est la convention du 4 décembre 1989, qui fait du mercenariat une infraction pénale, et punit le recrutement, l'utilisation, le financement ou l'instruction de mercenaires. Cependant le fait de prendre une part directe aux hostilités n'y est plus nécessaire pour caractériser un mercenaire. Le risque est ainsi créé d'une extension indifférenciée de cette qualification aux techniciens ou aux dirigeants de l'industrie de l'armement, voire aux dirigeants des Etats dont elle relève, et ce d'autant que la convention instaure une compétence universelle pour juger pénalement de l'infraction de mercenariat. Du fait de cette incertitude juridique, la convention de 1989 ne compte que 23 adhérents. La France, comme la plupart des pays industrialisés, n'y est pas partie.

Notre pays reconnaît pourtant comme répréhensible l'activité de mercenaire au sens du protocole de 1977, et se doit de la sanctionner. C'est l'objet du présent projet, dont l'article unique crée, au sein du titre III du livre IV du code pénal, un nouveau chapitre VI intitulé « De la participation à une activité de mercenaire », composé de cinq articles, 436-1 à 436-5.

Le nouvel article 436-1 définit l'activité répréhensible et en caractérise la peine. Cette activité, qui peut concerner soit un « conflit armé », soit un « acte de violence concerté », est définie par une reprise des six caractéristiques cumulatives énumérées par le protocole de 1977. Cette définition très précise exclut ainsi l'emploi par les Etats de forces étrangères soldées ainsi que l'appui militaire, ouvert ou discret, qu'ils peuvent apporter à une partie en conflit, et même l'enrôlement d'un Français dans les forces d'une partie à un conflit étranger. L'infraction est punie au maximum de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende, peine comparable à celles qui sanctionnent l'exportation sans autorisation de matériels de guerre.

Le Sénat a adopté l'article 436-1 sous réserve de deux modifications de cohérence bienvenues. S'agissant des personnels dépêchés par un Etat, il a substitué à l'expression « mission officielle » le simple terme de « mission », celle-ci étant officielle dès lors qu'elle est confiée par un Etat. Il a aussi substitué aux termes de « forces armées de l'Etat partie », l'expression « forces armées de la partie », pour inclure les conflits intra-étatiques.

L'article 436-2 punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende « le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l'emploi, la rémunération, l'équipement ou l'instruction militaire d'une personne définie à l'article 436-1 ». L'article 436-3 dispose que ces faits, lorsqu'ils sont commis par un Français, sont punissables même s'ils sont commis à l'étranger ; une plainte de la victime ou de l'autorité du pays concerné n'est pas nécessaire à l'engagement des poursuites. Cet article permet de justifier le refus par la France de la compétence universelle que prévoyait la convention du 4 décembre 1989.

Les articles 436-4 et 436-5 concernent les peines complémentaires facultatives qu'encourent les personnes coupables des délits précédents. Le Sénat a apporté à cet article un amendement de cohérence.

Ce projet de loi équilibré sauvegarde la capacité d'action de la France en matière de coopération militaire et d'armement et écarte de ses dispositions ses soldats qui servent à l'étranger ; mais il crée un instrument de répression efficace contre l'action des « soldats perdus » de nationalité française, et assure la cohérence des engagements internationaux de la France. Il suscite un large consensus, puisque, déposé par le précédent gouvernement, il est défendu par le gouvernement actuel. Au Sénat, il n'a fait l'objet que de retouches mineures, adoptées à l'unanimité. La proposition de loi socialiste déposée à l'Assemblée n'est pour sa part qu'une reprise de ce projet. Pour toutes ces raisons, la commission a adopté le projet sans modification (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Dutoit - Ce projet traite d'une activité pas comme les autres, qui, loin des fantasmes qu'elle nourrit, se situe au confluent du pouvoir politique, de la violence armée et de l'argent sale. Si le mercenariat date de l'Antiquité, ce « métier » n'en prolifère pas moins aujourd'hui. Certes les mercenaires diffèrent par le profil, l'origine, la motivation, mais ont cependant des caractéristiques communes. Tout d'abord ils louent leur savoir-faire moyennant finances. Ensuite ils ne jouent qu'un rôle d'appoint dans les conflits contemporains, et leur emploi ne peut suffire à un renversement de situation durable. Ce sont des marginaux, aux moyens d'action limités.

Nous ne pouvons donc que partager les objectifs de ce texte. Il est en outre fondamental que les vrais responsables de ces activités, ceux qui font appel aux mercenaires, soient directement visés, et ne bénéficient d'aucune impunité. La compétence de la Cour pénale internationale à leur endroit ne doit faire aucun doute car les actions des mercenaires s'accompagnent le plus souvent d'exactions et de violations des droits de l'homme.

Dès lors que l'on souhaite prévenir et réprimer des activités dangereuses pour la stabilité internationale ou l'Etat de droit, il faut définir très précisément les critères constitutifs du mercenariat. Plusieurs instruments internationaux permettent d'en cerner les caractéristiques principales. Pourtant les législations en vigueur de par le monde paraissent peu nombreuses et très disparates, qu'il s'agisse de réprimer le mercenariat ou d'encadrer les activités de sécurité et de défense réalisées au profit de gouvernements étrangers. L'inadaptation de la législation française est apparue à l'occasion de la mise en cause de certains de nos ressortissants. Elle fragilise la volonté de notre pays de lutter contre le surcroît d'instabilité et de violence qu'engendre le recours à des mercenaires comme on le constate par exemple dans les crises du continent africain.

Nous approuvons donc l'esprit général de ce texte, pour autant qu'il tend à définir le mercenariat, à l'incriminer officiellement et à l'assortir de sanctions pénales sévères. Il laisse toutefois subsister quelques vides juridiques. Ainsi, il laisse entier le problème posé par le développement international d'activités privées dans le domaine de la sécurité et des questions militaires. Des firmes agissent sur l'ensemble de la planète, au gré des conflits et des besoins, pour leur propre profit ou pour celui d'un pays, notamment le leur. Ces activités conduisent de fait à se payer sur la dette ou sur les ressources naturelles de pays déjà en détresse financière, à violer les droits humains, ou encore à servir les intérêts de compagnies ou de gouvernements sans scrupules au détriment du droit des peuples. Elles ont fait l'objet de critiques et de scandales, peu relayés par les médias.

L'action des firmes transnationales de sécurité s'accompagne souvent de violations manifestes des droits de l'homme. Certains y voient un caractère inhérent aux activités de mercenaires, mais d'autres affirment que c'est le dernier obstacle à leur législation, et qu'il provient d'inventions des journalistes et des rebelles inquiétés par la mission des compagnies.

En tant qu'acteurs non gouvernementaux, les firmes transnationales de sécurité échappent largement au droit international. Ainsi la législation sur les atteintes aux droits de l'homme présuppose toujours que seuls les Etats commettent des violations de ces droits. Il est d'autant plus difficile juridiquement de s'opposer aux firmes transnationales de sécurité et d'assistance militaire qu'elles prennent toutes les précautions dans l'établissement de leurs contrats d'engagement. Leur action est trop sensible pour échapper au contrôle des Etats qui les accueillent. Ceux-ci exercent une tutelle plus ou moins forte sur leurs activités, et les pratiques oscillent entre l'acceptation tacite des contrats, le feu vert explicite et même des licences publiques d'autorisations.

Les compagnies agissent ainsi sous le couvert de leurs Etats hôtes avec une plus ou moins grande marge de man_uvre. En contrepartie, les gouvernements profitent de ce formidable levier pour atteindre leurs objectifs.

La disparition de la menace communiste pour les pays de l'OTAN et l'effondrement de l'Union soviétique ont mis fin au « grand jeu » de l'alimentation des conflits internes par les puissances antagonistes. Les guérillas et les mouvements de libération nationale ont dû se privatiser et employer des méthodes plus triviales pour obtenir des moyens matériels et financiers : drogue, comme en Afghanistan, en Amérique latine ou en Asie du Sud-Est ; trafic de femmes en Afrique, etc. D'où la nécessité de corrompre certaines entreprises ou de créer des structures nouvelles regroupant des activités illégales.

Le passage au privé est incontournable. Les armées ont une place importante dans les pays en développement ou en transition démocratique. Qu'elles soient titulaires du pouvoir politique, soutien vital du régime ou lobby puissant qu'il faut ménager, elles sont toujours pour l'Etat un objet de préoccupation incontournable. Leurs difficultés internes influent de manière déterminante sur la défense et la sécurité du pays. Elles doivent donc être fiables, fidèles et efficaces pour les régimes en place. Il n'est donc pas étonnant que la formation des militaires soit l'un des plus grands marchés des sociétés privées dans les pays en développement ou en transition. Pour les premiers, la formation permet d'assurer la sécurité du régime et de ses hommes, puis celle du pays contre les menaces de caractère interne : c'est le cas des nombreuses gardes présidentielles africaines. Pour les seconds, elle contribue à formater les armées nationales aux standards occidentaux de démocratie et d'efficacité. Ainsi, plusieurs gouvernements ont engagé des entreprises de mercenaires à titre de conseil et d'expertise. Ce mercenariat moderne fait réapparaître le spectre d'un néocolonialisme. Or ce projet laisse entier le problème du développement d'activités privées dans le domaine de la sécurité. En outre, il omet d'interdire les champs d'entraînement de mercenaires.

Réserve faite de ces omissions dommageables, ce texte comble un vide juridique grâce à une définition précise du mercenariat, assortie de sanctions pénales sévères. Il mérite donc notre soutien et le groupe communiste et républicain le votera.

M. Axel Poniatowski - Le grand dictionnaire encyclopédique Larousse définit le mercenaire comme « un soldat qui sert à prix d'argent un gouvernement étranger ».

Depuis la fin de l'Empire romain, les mercenaires ont constitué l'essentiel des armées européennes, cela jusqu'en 1870. Malheureusement, depuis la Seconde guerre mondiale et avec la décolonisation, ils sont réapparus de plus en plus régulièrement dans les conflits locaux, en particulier au service des nations africaines.

Le mercenariat contribue, bien sûr, à aggraver l'instabilité partout où il sévit. Il a pu, ces dernières années, se développer davantage encore du fait de l'accroissement des tensions, amplifiées par les progrès de l'information et de la communication, et il est alimenté par la corruption. Son essor est également lié à la professionnalisation de nombreuses armées nationales et au désengagement économique et politique de certains pays dans des régions tourmentées.

Cette activité aggrave les violences et les crises, en se situant toujours en marge des diplomaties, et bien entendu, elle porte atteinte aux droits de l'homme. Notre pays ne peut accepter ces prestations militaires, qui contribuent à la marchandisation des conflits. Il est donc nécessaire de contrer les agissements de certains de nos concitoyens qui contribuent à déstabiliser certains pays ou certaines régions, cela en contradiction avec l'action de la France.

Les lois étrangères sur le sujet sont floues, et se limitent souvent à réprimander le recrutement sur le territoire national au profit de forces armées étrangères. Quant à la législation française, elle comporte de nombreuses lacunes, traitant essentiellement du débauchage de militaires français vers les forces étrangères ou de l'implication de ressortissants français à la solde d'organisations ou de services publics étrangers malgré l'interdiction du gouvernement français.

Ce projet comble un vide juridique, d'abord en définissant clairement le mercenariat. Il prévoit des sanctions lourdes à l'égard des personnes convaincues de mercenariat ainsi que des peines aggravées pour ceux qui les recrutent, les financent et les équipent.

De même que c'est en s'attaquant aux réseaux mafieux internationaux en même temps qu'aux petits dealers aux portes de nos écoles que l'on éradiquera le phénomène de la drogue, c'est en s'attaquant aux organisations militaires privées, essentiellement d'origine anglo-saxonnes, que l'on parviendra à limiter le commerce de la mort, nourri par l'argent illégal et mafieux.

Ce projet vise à condamner les soldats et les marchands de chaos qui agissent en dehors des directives et des intérêts de la France. C'est une nouvelle pierre dans le construction d'une démocratie plus solide et respectueuse des droits de l'homme. Il encouragera certainement nos partenaires, en Europe et outre-Atlantique, à prendre des dispositions dans le même sens. Le groupe UMP l'approuve donc sans réserve (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Paul Quilès - Ce projet est identique à celui que le gouvernement de Lionel Jospin avait déposé au Sénat en avril 2002. Jusqu'en janvier de cette année, Madame la ministre, le gouvernement auquel vous appartenez n'avait pas fait connaître sa position, ce qui m'a amené, avec mes collègues du groupe socialiste, à déposer ce texte sous la forme d'une proposition de loi.

Vous avez à présent reconnu la nécessité de légiférer et d'inscrire ce projet à l'ordre du jour du Sénat, puis de notre assemblée. Ce texte bénéficie donc d'un large accord et nous nous en félicitons. Un renforcement de la législation pénale est en effet devenu indispensable pour lutter contre les nouvelles formes de mercenariat qui se développent dans les pays les plus pauvres, particulièrement en Afrique.

Dans ces pays, les désordres de l'économie mondiale affaiblissent les Etats et fragilisent les sociétés. Les conflits qui s'y multiplient prennent souvent la forme de guerres civiles impitoyables et interminables. Les forces qui participent à ces conflits n'ont en propre que de faibles capacités militaires mais, lorsqu'elles disposent de ressources financières substantielles, elles recrutent à l'étranger des soldats de fortune, entraînés et bien équipés. Et si aucune intervention internationale ne permet de juguler la crise et de réunir les conditions du départ des mercenaires, leur participation aux combats éloigne les perspectives de règlement politique, accroît la violence des affrontements, favorise les violations des droits de l'homme et aggrave les souffrances des populations civiles.

Le terme un peu archaïque de mercenaire ne doit pas faire illusion. Il y a là une menace grave et nouvelle pour la stabilité internationale, la paix et les droits de l'homme dans les pays les plus oubliés des grandes puissances. Or notre droit ne nous donne que peu de moyens pour lutter contre elle. Il existe dans le code civil un mécanisme de déchéance de la nationalité, applicable en particulier aux personnes occupant un emploi dans une armée étrangère et n'y renonçant pas malgré une injonction du gouvernement ; mais en droit pénal, seul l'article 413-1 permet de réprimer le fait d'inciter des militaires français à passer au service d'une puissance étrangère.

Le présent texte permet de combler cette lacune. La définition du mercenariat qu'il retient fait l'objet d'un large consensus, puisqu'il reprend, en la clarifiant, celle donnée par l'article 47 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève du 8 juin 1977, auquel sont parties 161 Etats, dont la France. La notion de mercenariat y est rigoureusement délimitée et interdit toute confusion avec, par exemple, l'assistance technique militaire, dès lors qu'elle exclut toute participation directe à des combats.

Cette rigueur dans la définition va de pair avec un champ d'application suffisamment large pour couvrir toutes les situations. Ce ne sont pas seulement les conflits internationaux qui sont visés, mais aussi les conflits internes et certaines situations de violence mettant en cause la stabilité des institutions comme les tentatives de coup d'Etat.

En outre, des peines aggravées sont prévues pour les personnes dirigeant ou organisant des groupements visant à recruter, encadrer ou équiper des mercenaires. Le projet permet également de réprimer l'activité de ces groupements en tant que personnes morales.

Enfin, ce texte lève les conditions habituellement exigées pour poursuivre des Français ayant commis des délits hors du territoire national. Il étend également la compétence des tribunaux français à toute personne résidant habituellement sur le territoire français.

L'adoption de ce projet marquera un progrès significatif dans la protection des pays les plus vulnérables contre des agissements destinés à les déstabiliser. La France pourra s'honorer d'être le pays occidental doté de la législation la plus rigoureuse en ce domaine.

Nous ne devons cependant pas nous en tenir là. La lutte contre le mercenariat doit pouvoir également s'appuyer sur des instruments juridiques internationaux, lesquels sont à l'heure actuelle soit insuffisants soit inadaptés.

Le premier protocole additionnel aux conventions de Genève n'incrimine pas les personnes qui commettent des actes de mercenariat mais se contente de leur dénier le statut de combattant et par conséquent celui de prisonnier de guerre. Quant à la convention de 1989, elle soulève de sérieuses difficultés. Dans la mesure où elle permet de retenir la qualification de mercenaire même sans participation directe aux hostilités, elle pourrait être interprétée par certains Etats parties comme s'appliquant au détachement de personnels d'assistance ou de conseil en matière militaire. De plus, les règles de compétence qu'elle pose pourraient donner aux juridictions des Etats parties le pouvoir de juger des citoyens français pour des faits survenus en dehors de leur territoire, alors même qu'ils seraient licites en droit français. La réflexion doit donc être poursuivie en vue d'élaborer un instrument international crédible de répression des activités de mercenaire. Je souhaite que l'Union européenne se saisisse de cette question.

La tâche ne sera pas facile, étant donné la situation du Royaume-Uni où des sociétés militaires privées se sont fortement développées au cours des dernières années. Elles exercent, pour la plupart, des activités légitimes de conseil, d'entraînement, de soutien logistique, de déminage ou encore d'appui aux missions de l'ONU, par exemple pour la surveillance des accords de cessez-le-feu. Mais certaines se livrent à des pratiques beaucoup plus contestables, qui ont suscité de vives critiques du public et du Parlement au moment des événements de Sierra Leone.

Les entreprises disposent de personnels et d'armements impressionnants. Executives Outcomes, société sud-africaine qui est intervenue en Angola et au Sierra Leone, possède des transports de troupes blindés, des Land Rovers équipées de canons antiaériens, des hélicoptères de fabrication soviétique Mi-24 et Mi-dix-17 ainsi qu'une flotte aérienne comprenant notamment des bombardiers Mig 23 et deux Boeing 727. Sandline, entreprise britannique, a son siège en plein Londres. MPRI, société américaine, emploie dix-sept généraux à plein temps et peut compter sur 2 000 officiers. L'action de ces entreprises, véritables petites armées - il en existe près de 90 actuellement - pose des questions qui ne peuvent laisser indifférente la communauté internationale.

Les mercenaires ont parfois commis de flagrantes violations des droits de l'homme sans être inquiétés, n'ayant de comptes à rendre à personne. Ainsi Carlos Castano, chef paramilitaire colombien qui est accusé d'avoir, à la tête d'une armée de mercenaires, massacré des centaines de paysans au cours d'une croisade anticommuniste, tacitement soutenu par le gouvernement et l'armée.

Enrique Ballesteros, rapporteur spécial de l'ONU, dans un rapport remis en 1997, estime que de nombreux pays du tiers-monde hypothèquent une grande partie de leurs ressources pour financer les interventions de ces sociétés privées au détriment d'investissements de première nécessité.

Ces sociétés privées permettent à certains Etats d'intervenir sans apparaître ouvertement. Ainsi les Etats-Unis ont-ils pu contourner l'embargo décrété par l'ONU au Rwanda en payant la société Ronco pour faire du déminage et livrer du matériel militaire. De même, ils sont intervenus en 1995, à travers MPRI, pour former, entraîner et équiper l'armée croate.

La définition d'une politique européenne de lutte contre le mercenariat devra tenir compte de l'existence de deux approches : l'une qui vise à l'interdire rigoureusement, l'autre qui refuse toute interdiction des interventions privées dans le domaine de la défense et qui n'admet au mieux que leur encadrement. Ce projet de loi est cohérent avec la première approche, dont je souhaite qu'elle soit retenue par le plus grand nombre possible de nos partenaires européens et, plus largement, sur le plan mondial.

Le développement du mercenariat doit nous mettre en garde contre les risques d'une privatisation à outrance des métiers de la défense. Une fois qu'un Etat a choisi de sous-traiter à des sociétés privées des missions régaliennes de défense et qu'il a constitué à leur profit un marché des prestations militaires, comment peut-il s'opposer à ce qu'elles recherchent d'autres contrats du même type auprès d'autres Etats ? Dès lors qu'il refuse de distinguer entre la participation directe au combat et les tâches de soutien, comment peut-il lutter efficacement contre le mercenariat ?

Ce qui vaut pour les Etats vaut aussi pour l'ONU. Il est sans doute inévitable, dans sa situation de pénurie financière, qu'elle fasse appel à des sociétés privées pour certaines tâches de maintien de la paix, surtout si les Etats-Unis ou le Royaume-Uni en font une condition de leur contribution, comme cela arrive. Cela n'en est pas moins troublant. Il est aussi regrettable que l'ONU passe des marchés de prestations militaires avec des sociétés dont certaines ont coutume d'assurer des missions très proches du combat. Il vaudrait mieux accroître le budget des opérations de maintien de la paix. Il est vrai que, pour certains Etats industrialisés -je pense aux Etats-Unis -, les 2,6 milliards de dollars que coûtent ces opérations représentent une dépense excessive. C'est pourtant moins de 3 % de ce que pourrait coûter la guerre qu'ils mènent en Irak !

Le développement des sociétés militaires privées, en particulier au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, entretient par ailleurs une confusion préjudiciable sur la nature des missions légitimes des entreprises spécialisées dans la sécurité internationale. La situation de crise ou de conflit larvé dans de nombreux pays en développement oblige en effet les investisseurs étrangers à veiller à la protection de leur personnel et de leurs installations. Les récentes jurisprudences font même obligation à un responsable d'entreprise d'assurer la sécurité des salariés qu'il envoie dans une zone à risque. Des entreprises, notamment françaises, répondent actuellement à ce besoin, mais leur objet est limité à des fonctions strictement civiles.

En dehors des activités prohibées, il existe toutefois une grande diversité de prestations de service liées à la sécurité. Nombre d'entre elles sont assurées dans des conditions de transparence et de contrôle interne qui écartent tout risque de dérive. Mais rien ne garantit que toutes soient toujours sans danger. Il serait donc utile d'instituer, pour les exportations de services de sécurité, lorsqu'elles ne sont pas liées à la vente d'équipements militaires, un régime de contrôle calqué sur celui applicable aux exportations d'armement. On pourrait par exemple créer une commission d'exportation sur le modèle de la CIEEMG et instaurer un mécanisme d'agrément et d'autorisation de ces exportations analogue à celui qui existe pour les ventes à l'étranger de matériels de guerre.

Au-delà de ce texte que nous voterons, d'autres mesures devront être prises pour maintenir sous le contrôle des autorités publiques, sur le plan national mais aussi européen et international, l'ensemble des activités de défense et de sécurité. Face à l'extension de la sphère des activités marchandes et de la gestion privée jusque dans le domaine militaire, il est indispensable de réaffirmer le primat dans l'intérêt général. L'activité de mercenaire illustre les dangers d'une libéralisation incontrôlée qui ne peut que déboucher sur une privatisation de la violence, que nous refusons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Hillmeyer - Comme vous l'avez souligné, Madame la ministre, il s'agit aujourd'hui de combler un vide juridique de notre code pénal. En effet, celui-ci ne mentionne à aucun moment le mercenariat alors même que l'on s'apprête à juger les hommes qui ont tenté de perpétrer un coup d'Etat aux Comores, lesquels sont, à ce jour, mis en examen, pour association de malfaiteurs, ce qui, à l'évidence, n'est pas approprié. Notre droit doit reconnaître la spécificité du délit de mercenariat, pour rendre notre justice plus efficace mais aussi pour encadrer le développement de certains services internationaux de sécurité militaire.

Au-delà de ce texte, fruit de la continuité républicaine, le groupe UDF et apparentés vise d'une part à lutter contre les personnes et les sociétés qui font de la guerre un commerce, d'autre part à franchir une étape supplémentaire dans la définition des critères de légalité de la guerre. Le premier de ces objectifs nous impose de légiférer d'urgence, tant les sociétés militaires privées se développent à un rythme inquiétant, notamment aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud. Ainsi la société américaine MPRI, qui emploie d'anciens officiers militaires, propose ses services à la Croatie et à la Bosnie. Face à cela, ce projet de loi condamne tant les personnes physiques qui se livrent au mercenariat que les personnes morales qui l'organisent. Cette décision courageuse honore notre pays, qui ne sacrifie pas la morale au cynisme ou au pragmatisme, et a su tirer les leçons du passé. En effet, nous avons connu certaines dérives avec des soldats perdus soutenant des causes plus que douteuses. Ces pratiques d'un autre temps ont parfois nui à l'image de notre pays, notamment lors de la décolonisation. Les mercenaires ne sont plus les personnages sympathiques, tout occupés à protéger les pauvres et les opprimés, que certains films hollywoodiens nous présentaient. Les conflits sur le continent africain ont montré la véritable nature de ces guerriers prêts à semer la terreur parmi la population locale en échange d'un salaire exorbitant. Le récent exemple des escadrons de la mort à la solde du pouvoir ivoirien a permis à l'opinion occidentale de prendre conscience de ces agissements, courants en Afrique, et que la France a publiquement combattus sur la scène internationale.

Ce projet de loi nous conduit également à nous interroger sur le droit de la guerre. Le contexte international nous exhorte d'ailleurs à nous demander dans quelles conditions une guerre est acceptable par la communauté internationale. C'est une grande victoire de la fin du siècle dernier que d'avoir fait admettre le principe qu'une guerre juste doit respecter les critères de la légalité définis par le droit international. L'emploi de la force militaire doit demeurer l'apanage des Etats, des démocraties et de leur diplomatie. Ce projet de loi va en ce sens en définissant très précisément l'activité de mercenaire. Le mercenariat, qui détruit le lien entre actions militaires et actions diplomatiques, confisque le pouvoir aux démocraties. La décision de recours à la force militaire doit procéder de la plus haute souveraineté, celle de l'ONU. Nous venons de voir combien une déclaration de guerre unilatérale pouvait nuire à une cause, quel que soit son bien-fondé. Au demeurant, la privatisation des conflits ne peut qu'entraîner l'ordre mondial, déjà fragile, vers le chaos. Il n'est pas tolérable que les intérêts économiques de quelques guerriers sans foi ni loi deviennent l'une des principales causes d'instabilité dans le monde.

Ce combat contre le mercenariat honore donc la France et prolonge le message de paix dont le Président de la République s'est fait le héraut dans le concert des nations. Nous devons garder espoir dans le droit. Ce texte, qui peut paraître dérisoire alors que gronde le bruit des canons au Moyen-Orient, est le signe que notre démocratie ne baisse pas la garde face à la déréglementation du monde et poursuit le combat de la légalité contre le cynisme, encourageant les autres nations européennes à la suivre.

Je profite de cette tribune, Madame la ministre, pour vous remercier de votre travail au ministère de la défense, en particulier en ces temps de graves troubles internationaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Eric Diard - Selon Jean Lartéguy dans Les chimères noires, les mercenaires sont « des hommes qui ont choisi de risquer leur mort pour donner un sens à leur vie ». Image d'Épinal de ces baroudeurs, soldats de fortune, volontaires ou chiens de guerre, qui partaient au bout du monde, quand les grands Etats ne pouvaient intervenir. Dans cette galerie « d'affreux », un seul point commun : le goût de l'aventure et de l'odeur de la poudre !

Mais ces temps sont révolus. Au moment de la décolonisation, était apparu un mercenariat traditionnel, presque artisanal. De nouveaux Etats instables, dépourvus de forces militaires, ont eu recours aux services d'ex-soldats occidentaux. La fin de la guerre froide a amplifié le phénomène avec une conjonction de la multiplication des conflits régionaux dans des pays ne bénéficiant plus du soutien des grandes puissances et une offre importante de professionnels des armées, soudain disponibles.

Aujourd'hui, une nouvelle forme de mercenariat est apparue, reposant sur des sociétés privées pouvant fournir des services militaires clés en mains. Le phénomène a pris une ampleur dangereuse, aggravant la violence et déstabilisant les Etats. La France se devait de le combattre. Jusqu'à présent, les moyens légaux de réprimer de telles pratiques étaient très limités en droit français. Il fallait donc mettre au point un arsenal juridique approprié avec une définition extrêmement précise et rigoureuse du mercenariat. Celle-ci reposera désormais sur six critères précis, repris du protocole international du 8 juin 1977. Pour tomber sous le coup de la loi, le mercenaire doit notamment avoir été spécialement recruté pour combattre, ne pas être ressortissant d'un Etat partie au conflit ni membre des forces armées de cet Etat, tenter de prendre directement part aux hostilités, et ce, en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieurs à ceux versés ou promis à des combattants ayant un rang et des fonctions analogues dans les forces de l'Etat partie pour lequel il combat. Cette définition très précise permet de lever toute ambiguïté puisque sont explicitement exclues du champ d'application de la loi toutes les activités ne conduisant pas à prendre directement part aux hostilités. Les activités de conseil et d'assistance fournies par nos ressortissants au profit de gouvernements étrangers ne peuvent donc être visées, qu'il s'agisse de coopération d'Etat à Etat ou de contrats d'exportation. En outre, l'emploi par les Etats de forces étrangères soldées n'est nullement dénoncé, ni même l'enrôlement d'un Français dans les forces d'une partie à un conflit étranger. Il n'est donc pas question, vous l'avez précisé, Madame la ministre, de dénier le droit aux Etats de se défendre en recrutant les personnels dont ils ont éventuellement besoin. Ce serait aller à l'encontre du souci de paix qui anime notre pays.

Ce texte suscite un large consensus. Il est marqué par la recherche d'un équilibre et comble un vide juridique dans le code pénal en permettant d'identifier clairement et de sanctionner l'activité de mercenaire. C'est pourquoi le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi dans le texte du Sénat.

L'article unique, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre - Je me félicite de l'unanimité qui marque ce vote et voudrais remercier l'ensemble des orateurs pour la qualité de leurs interventions. L'Assemblée nationale s'honore de ce vote comme la France s'honore de cette loi.

La séance, suspendue à 10 heures, est reprise à 10 heures 25.

URBANISME, HABITAT ET CONSTRUCTION (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Le présent projet, qui vous est aujourd'hui soumis en deuxième lecture, porte sur deux sujets principaux : la réforme des mesures d'urbanisme de la loi SRU et la sécurité des ascenseurs.

J'y ajoute le dispositif des pays, que ce texte réforme en profondeur et sur lequel, comme en première lecture, Jean-Paul Delevoye représentera le Gouvernement.

Dans le domaine de l'urbanisme, la règle dite « des 15 kilomètres » est considérablement assouplie, sans remettre en cause les schémas de cohérence territoriale - SCOT. Le soutien financier aux études de SCOT que j'ai annoncé témoigne d'ailleurs de l'intérêt que le Gouvernement y attache pour toutes les communes de moins de 50 000 et même de 15 000 habitants.

D'autre part, le PLU est réformé et clarifié. Son évolution est facilitée, la modification devenant la règle et la révision l'exception. Sans devenir la règle, la possibilité est ouverte aux élus de fixer une taille minimale des parcelles constructibles pour des motifs justifiés.

Après votre assemblée, le Sénat a enrichi le texte avec une réforme mesurée de la loi montagne qui facilitera la réhabilitation du patrimoine montagnard et des extensions limitées de l'urbanisation dans les communes non soumises à une pression foncière.

Il a également amélioré la carte communale en permettant aux communes qui en sont dotées d'instituer un droit de préemption et un permis de démolir. Je confirme que le décret rendant les cartes communales éligibles à la DGD a reçu un avis favorable du comité des finances locales et sera donc publié prochainement. La participation pour voirie et réseaux a été sensiblement améliorée par le Sénat.

Enfin, plusieurs améliorations techniques issues du terrain - et non d'une démarche technocratique - ont été apportées au texte.

Je terminerai sur l'urbanisme. Le principal reproche que je fais à la loi SRU est l'absence de « service après-vote ». Cette loi n'ayant pas été correctement expliquée, je m'engage à profiter du présent texte pour y remédier, par la promotion d'une nouvelle « culture pragmatique » dans mes services.

S'agissant de la sécurité des ascenseurs, plusieurs amendements du Sénat sont venus clarifier le texte que vous aviez déjà amélioré.

Par ailleurs, j'ai déposé ce matin, au nom du Gouvernement, un amendement pour relancer la construction de logements locatifs privés. En effet, la situation est grave - parfois très grave - dans les grandes agglomérations, notamment l'agglomération parisienne. On ne trouve plus que très peu de logements à louer et moyennement de loyers de plus en plus élevés.

Cette pénurie oblige les jeunes à rester chez leurs parents, même ceux qui souhaiteraient vivre de façon autonome. Les cadres en mobilité professionnelle ne trouvent plus de logement à un prix abordable. La pénurie se répercute par effet de chaîne sur les ménages modestes, qui se trouvent en compétition avec des familles aisées et n'ont plus d'autre choix que de gonfler les files d'attente des demandeurs de logement HLM.

A terme, le dynamisme économique de notre pays pourrait en pâtir. Des élus de toutes tendances m'ont récemment parlé d'une région touristique où l'absence totale d'offres de logement locatif menace les activités touristiques. Ne trouvant pas à se loger, les travailleurs saisonniers hésitent à accepter un emploi dans cette zone.

Le Gouvernement vous propose donc un nouveau dispositif en faveur du logement locatif.

Celui qui acquiert un logement neuf pour le louer bénéficiera d'un amortissement fiscal de son bien qui réduira son imposition. Cet amortissement est un bon mécanisme, mais les contreparties actuellement imposées aux acquéreurs lui font perdre une grande part de son efficacité, surtout dans les zones où l'achat d'un logement neuf est cher. En effet, le bailleur doit vérifier les ressources de son locataire, lesquelles ne doivent pas dépasser un certain plafond. Mais surtout, le loyer excessivement plafonné dissuade l'investisseur.

Pour relancer l'offre locative, il nous faut un dispositif simple, attrayant et pragmatique. C'est pourquoi les plafonds de loyer, qui sont la contrepartie de l'amortissement fiscal seront augmentés, de façon à les rapprocher de la réalité des marchés locaux de l'immobilier. Cette disposition est d'ordre réglementaire. Le décret, en préparation, sera prochainement publié au Journal officiel.

Quant aux plafonds de ressources pour les locataires, ils seront supprimés. C'est l'objet de l'amendement que j'ai déposé ce matin.

J'escompte de ces premières mesures, la production d'au moins 10 000 logements locatifs supplémentaires.

Le rythme actuel de l'amortissement locatif ne sera pas modifié : 8 % pendant chacune des cinq premières années de location, puis 2,5 % chaque année pendant dix ans ; Il n'y a donc pas dégradation du produit fiscal, comme le craignaient certains.

L'engagement de location reste fixé à neuf ans, avec la possibilité de le proroger jusqu'à quinze ans. Pour éviter un trou d'air entre le dispositif Besson et le nouveau dispositif, celui-ci s'appliquera à tous les logements locatifs neufs acquis à compter d'aujourd'hui.

Mais le Gouvernement ne souhaite pas s'en tenir là. Ainsi, les conditions dans lesquelles les acquéreurs de parts de société civile de placement immobilier peuvent bénéficier de l'amortissement locatif seront améliorées. Le bénéfice de l'amortissement fiscal sera ouvert à ceux qui ne louent pas directement, mais qui délèguent la location à certains organismes ou associations.

Enfin, l'amortissement fiscal pourra aider ceux qui acquièrent certains types de logements anciens, sous certaines conditions, à définir avec le Sénat.

L'objectif est de remettre sur le marché, ou de ne pas faire sortir du marché, certains logements qui ne sont pas ou ne peuvent, en raison de leur état, être mis en location.

Les quelques semaines qui nous séparent de la deuxième lecture, prévue le 7 mai seront mises à profit pour compléter ce dispositif dont j'ai voulu vous réserver la primeur.

Il est urgent de relancer l'offre locative en faisant appel aux capacités d'épargne de ceux qui ont des disponibilités : ils rendront ainsi un vrai service à leurs concitoyens.

Je vous propose qu'ensemble, nous posions la première pierre de cette politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean Proriol, rapporteur de la commission des affaires économiques - C'est un texte enrichi qui nous revient du Sénat, sans que les apports de nos collègues sénateurs modifient grandement son ossature.

Les articles 1 bis, 6 bis et 6 ter concernant l'urbanisme, de même que les articles 7 et 9 concernant la sécurité des constructions, les articles 14 et 19 relatifs à l'activité des organismes d'habitations à loyer modéré, des sociétés d'économie mixte et aux copropriétés, et le dispositif transitoire, s'agissant des pays, à l'article 21, ont été votés conformes.

En matière d'urbanisme, les sénateurs ont souhaité poursuivre l'effort de clarification engagé : ainsi, le projet d'aménagement et de développement durable ne contiendra plus que les orientations générales, au sein des plans locaux d'urbanisme.

Le Sénat a aussi amélioré la concertation entre les collectivités. Il est en effet souhaitable que l'établissement public chargé d'un schéma de cohérence territoriale soit informé de l'établissement d'un PLU par les communes périphériques.

De même, le président de cet établissement public, à sa demande, doit être consulté au même titre que l'exécutif du conseil général et celui du conseil régional dans la même hypothèse.

Le Sénat a encore décidé d'assouplir davantage certaines dispositions trop rigides de la loi SRU : il autorise ainsi les communes, dans des cas définis, à se retirer d'une communauté d'agglomération pour intégrer un autre établissement public de coopération intercommunale. Comme l'a observé en commission le président Ollier, le mouvement souhaitable et irréversible de l'intercommunalité sera d'autant mieux accepté qu'il sera consenti et non imposé.

La commission, qui partage les objectifs du Sénat, a validé toutes ces modifications.

Par ailleurs, les sénateurs ont voulu modifier le texte pour tenir compte des enjeux propres aux zones rurales et aux zones de montagne. Elu d'Auvergne, j'approuve leurs propositions.

Pour lutter contre la désertification des campagnes et l'abandon de certains hameaux, ils ont admis des dérogations nouvelles aux POS et aux PLU pour la restauration des ruines.

Sur proposition du rapporteur pour avis de sa commission des lois, M. Jarlier, sénateur-maire de Saint-Flour, le Sénat a voté plusieurs dispositions en faveur des zones de montagne qui s'inspirent directement du rapport de MM. Jacques Blanc et Jean-Paul Amoudry du 9 octobre 2002.

La montagne se meurt, parce que les intérêts agricoles, écologiques et paysagers, tels qu'ils sont compris de l'extérieur, sont contradictoires.

M. François Brottes - C'est exact.

M. le Rapporteur - Il était légitime de prévoir un traitement différencié pour ces zones spécifiques, mais la législation ne tient pas suffisamment compte des différentes situations au sein des massifs. A trop protéger, ne risque-t-on pas de faire dépérir le territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Nous risquons d'en arriver - c'est ce qui se passe avec les fermes touristiques - à des sites musées, protégés mais inhabités.

A cet égard, le projet de loi relatif aux affaires rurales est très attendu. Votre commission, inspirée par sa mission d'information sur l'évaluation de la loi montagne du 9 janvier 1985, a souhaité poursuivre la démarche du Sénat en vue d'assouplir des règles d'urbanisme devenues inadaptées à la nouvelle réalité des territoires. Elle vous propose d'élargir la qualification des éléments en continuité desquels l'urbanisation peut se réaliser dans les zones de montagne.

Les sénateurs n'ont toutefois pas repris les dérogations aux règles d'urbanisme au voisinage des aéroports : la commission, pour sa part, a maintenu la position de l'Assemblée en première lecture.

S'agissant des règles relatives à la sécurité des ascenseurs et matériels assimilés, les sénateurs ont souhaité préciser la nature du contrôle technique et encadrer plus fermement les modalités d'application, définies par un décret en Conseil d'Etat.

La commission propose que les obligations des parties au contrat, et non pas seulement des entreprises chargées de l'entretien, soient précisées par décret non seulement au terme, mais également au début du contrat d'entretien.

Le décret définira les exigences de sécurité à respecter, y compris par les entreprises chargées de l'entretien à l'égard de leurs agents. Les travaux d'investissement incombent aux propriétaires. Il donnera donc la liste des mesures à prendre et les délais impartis aux propriétaires pour les appliquer. Les dépenses de fonctionnement relèvent des parties au contrat. La responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs agents est déjà expressément définie par le code du travail.

L'Assemblée n'avait par ailleurs pas souhaité légiférer sur le problème de l'accessibilité des installations aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, considérant que ces questions importantes relevaient du projet prochainement présenté par Marie-Thérèse Boisseau. Mais le Sénat ayant choisi d'aborder cette question, avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission a décidé de proposer un assouplissement des règles de majorité relatives aux travaux d'accessibilité pour ces catégories de personnes, règles qui bloquent bien trop souvent la prise des mesures appropriées.

M. François Brottes - Très bien !

M. le Rapporteur - Je ne reprendrai pas en détail la présentation des titres III et IV, relatifs à la participation des employeurs à l'effort de construction et à l'activité des organismes d'habitations à loyer modéré, des sociétés d'économie mixte et aux copropriétés, qui n'ont pas fait l'objet de modifications notables.

Le dispositif relatif aux pays a été remanié, afin d'équilibrer les interventions des différents acteurs. La consultation du conseil général, qui fera pendant à celle du conseil régional, a été introduite par le Sénat. Comme l'a rappelé le président Ollier, l'objectif demeure la simplification des procédures.

Vous venez d'annoncer, Monsieur le ministre, une relance du logement locatif privé : nous l'examinerons avec beaucoup de bienveillance. Il y a en effet trop de blocages. Pour ma part, j'aurais souhaité que nous revenions à la loi Périssol. Les amendements fiscaux et les déplafonnements que vous annoncez vont toutefois dans le bon sens.

Ce projet, enrichi et complété par le travail de la représentation nationale, est parvenu à un équilibre satisfaisant. Comme en attestent les nombreuses demandes d'élus locaux parvenues au cours de ce travail législatif, une adoption rapide du texte est souhaitable, afin d'appliquer au plus vite des mesures très attendues.

Les problèmes de sécurité sont au c_ur de notre société. Or la sécurité est aussi une exigence du droit. Notre droit administratif devient de plus en plus complexe, opaque, instable et même incertain : c'est ce que nous disent les juristes et les professeurs de droit de l'urbanisme. Ce projet doit nous apporter une plus grande sécurité juridique : je souhaite qu'il y parvienne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Grand - Ce projet de loi nous revient enrichi par nos collègues sénateurs qui ont poursuivi notre indispensable travail de simplification. N'allons pas croire que ce texte ne répercute que des préoccupations d'élus locaux en butte aux tracasseries de l'administration centrale ou déconcentrée et au maquis législatif et réglementaire qui caractérise le système local et le droit de l'urbanisme. Ce projet doit se comprendre comme une impulsion vers plus de pouvoir local, au profit du citoyen. Certains regretteront un encadrement plus strict - on ne saurait parler de diminution - du rôle des préfets : saluons plutôt le retour des initiatives locales et une réduction salutaire de la bureaucratie.

La simplification qu'apporte ce texte allège évidemment le travail des élus. Mais elle signifie surtout pour le citoyen une meilleure lisibilité de l'action publique locale et de ses enjeux. Elle signifie également une délivrance plus rapide des permis de construire, bloqués par les SCOT et les PLU, qui permettra de répondre à une demande foncière croissante. La loi SRU du 13 décembre 2000 avait rendu les procédures d'urbanisation tellement complexes qu'elle avait abouti dans certains cas à leur blocage et à un gel des terrains.

Ce texte assouplit le travail des élus locaux mais sa vocation première consiste à leur faire davantage confiance. Ce point est fondamental car la vitalité démocratique de notre pays passe de plus en plus par la vitalité démocratique locale. Il n'y faut voir aucune résurgence féodale. Je suis un farouche partisan du rôle de l'Etat. Celui-ci, toutefois, doit exercer toute sa compétence, mais rien que sa compétence. Ce texte était donc indispensable, et corrige les défauts les plus saillants des textes Voynet, Gayssot et Chevènement. Néanmoins, nous ne pourrons faire l'économie d'un grand texte d'harmonisation promis par le Premier ministre.

En premier lieu, la rationalisation de l'espace local doit se faire dans la concertation et non dans le conflit. La précédente majorité avait transformé le système local en un champ d'antagonismes politiciens. Par ailleurs, les élus locaux ont bien perçu qu'une recentralisation insidieuse s'opérait, tournant les communes vers l'Etat et non vers le citoyen. Les lois Voynet, Chevènement et Gayssot ont en partie alimenté le malaise des maires. On peut les considérer comme les lois les plus idéologiques et tutélaires de la précédente législature (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Elles ont en effet été construites sur deux oppositions théoriques. La loi SRU traduit d'abord une hostilité idéologique envers les villes à faible densité de logements sociaux, alors que cette loi a souvent ignoré les particularités communales et urbanistiques. Ensuite, ces lois entretenaient une opposition entre milieu rural et milieu urbain. Bien qu'adoptée en CMP dans le consensus, la loi Chevènement montrait une certaine hostilité envers les communes rurales et périurbaines, regroupées parfois sans ménagement dans des périmètres intercommunaux finalement contrôlés par les villes. Je me félicite à cet égard que le Sénat ait établi un dispositif permettant la sortie de communautés d'agglomération de communes intégrées de force dans des périmètres intercommunaux. Ce dispositif est équilibré parce qu'il fixe un délai, le 31 décembre 2004, et que la commune devra avoir notifié son refus explicite en temps voulu et être disposée à intégrer une autre intercommunalité.

Ces lois étaient donc idéologiques, et inefficaces, tendant à sanctionner immédiatement les communes, sans leur accorder un temps d'adaptation, mais aussi sans prendre en compte la réalité de leur parc locatif : je pense en particulier à tous les logements sociaux de fait qui ne sont pas pris en compte. Vos propos sur ce point, Monsieur le ministre, vont dans le bon sens.

Ces lois étaient en outre tutélaires, érigeant la contrainte en système de gestion locale ; les pouvoirs du préfet ont été à cet effet considérablement renforcés. Son rôle dans l'arrêt du périmètre intercommunal, son contrôle d'opportunité sur les périmètres des SCOT, la mixité sociale rendue obligatoire par la loi, les schémas de services collectifs adoptés par décrets et non par contrats, tout cela dépossédait les communes d'une grande partie de leurs attributions, les transformant en exécutants du pouvoir central, non en partenaires.

Le présent projet, avec l'aide de nos collègues sénateurs, déverrouille les aspects les plus contraignants et contre-productifs de la loi SRU. Saluons d'abord le déblocage du processus d'urbanisation pour les zones NA. Pour les zones à urbaniser, délimitées avant le 1er juillet 2002, et qui n'avaient pu bénéficier de SCOT, la contrainte des quinze kilomètres est suspendue. Par ailleurs, la règle de la constructibilité limitée devient moins systématique, notamment en zone rurale, car le Gouvernement a posé une nouvelle définition de l'agglomération autour d'une ville-centre - non plus de 15 000 habitants, mais de 50 000 habitants. L'obligation d'urbaniser avec un SCOT est renvoyée dans le futur, ce qui laisse aux communes le temps de s'adapter. M. le rapporteur a utilement précisé que les refus de dérogations des préfets devront être motivés et faire état d'un bilan des avantages et des inconvénients au regard de la situation locale. Nous introduisons dans la loi la notion de cas par cas, qui faisait tellement défaut dans la loi SRU. Nous revenons sur une contradiction majeure de cette loi, qui prétendait s'opposer à une urbanisation anarchique dans les zones d'urbanisation future, mais qui densifiait l'urbanisation des zones déjà construites en permettant une division à l'infini des parcelles.

Ce projet facilitera désormais la création des pays. Sur ce point, l'initiative du président de la commission des affaires économiques a permis d'élaguer le maquis né du précédent texte. Le projet de loi fusionne les deux phases actuelles d'élaboration du périmètre du pays, et supprime le recours obligatoire aux conférences régionales de l'aménagement et du développement du territoire.

Qu'attendent les élus de terrain dans l'avenir ? Que nous leur fassions confiance. Que nous privilégiions le contrat sur la contrainte et l'approche de terrain sur les réglementations de chefs de bureaux. La réforme des lois Voynet, Chevènement et Gayssot ne doit pas rester cloisonnée selon les frontières des compétences ministérielles : il faut une vision d'ensemble de l'espace local. Ce qui signifie que la réforme, pour ne pas être un simple toilettage, doit s'inscrire dans le cadre de la décentralisation voulue par le Premier ministre. Il faut savoir sortir de la logique purement administrative imposée par la majorité précédente.

Nous devons fixer un calendrier précis des réformes du système local. En premier lieu, vient l'assouplissement immédiat des mesures les plus contraignantes, en alliant la clarification des procédures, comme pour l'opposabilité juridique du PADD, et leur simplification, comme dans le processus de constitution des pays. Ce projet de loi y répond parfaitement et je vous en remercie, Monsieur le ministre. Ensuite, devra venir la réalisation d'études d'impact, associant les élus, avant toute réforme d'ampleur des dispositifs en question. Après quoi nous pourrons être saisis d'un grand texte de mise en cohérence de l'espace local.

Le souci de l'intérêt général doit favoriser une réflexion d'ensemble sur l'organisation spatiale du territoire. La notion des bassins de vie ou d'emploi doit devenir notre ligne directrice. Autour de villes-centres, des espaces s'organisent spontanément en fonction d'une logique économique. Il faut tendre à faire coïncider le bassin de vie, c'est-à-dire l'organisation spontanée de l'espace, avec les structures administratives correspondantes : EPCI et SCOT, communautés de brigades, contrats locaux de sécurité.

Pour toutes ces raisons, ce projet est un bon projet que je remercie le rapporteur d'avoir enrichi. Le groupe UMP le votera naturellement en deuxième lecture. Et je réitère mes remerciements à M. le ministre pour les annonces qu'il vient de faire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Odile Saugues - Je souhaite revenir sur ce qui constituait au départ l'armature de ce texte : la sécurité des ascenseurs. D'autant que je regrette - alors que le Gouvernement annonce pour l'automne un projet sur le logement et l'urbanisme - de voir un enjeu aussi important occulté par des débats plus partisans alimentés par la majorité, hier sur les pays, aujourd'hui sur les plans de déplacements urbains. Vous nous annoncez par ailleurs, Monsieur le ministre, une modification du dispositif Besson : nous regrettons de n'avoir pu travailler en commission sur cette mesure, non dans un esprit d'opposition systématique, mais parce qu'il est normal que nous participions à l'élaboration d'un dispositif important.

Je reviens à la sécurité des ascenseurs, enjeu très important pour nos concitoyens. En première lecture, pourtant, le sujet est passé presque inaperçu au milieu des assauts répétés des députés de la majorité qui rêvaient de revenir sur la mixité sociale et l'article 55 de la loi SRU. Aujourd'hui encore on sent que cette pression demeure... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Personne n'en a parlé !

Mme Odile Saugues - Depuis, nous avons pris acte des récentes prises de position de M. le Président de la République sur le sujet, et nous nous félicitons de son soutien, que nous pourrions appeler un juste renvoi d'ascenseur (Sourires). Débarrassés momentanément de cette épée de Damoclès, nous pouvions enfin espérer nous consacrer entièrement à cette vraie question. Malheureusement, le texte revient du Sénat avec des dispositions qui nous inquiètent. Je pense à celle qui tend à remettre en cause les communautés d'agglomération, alors que nous avons pu mesurer le succès de l'intercommunalité créée par la loi Chevènement. Je citerai aussi l'amendement sénatorial qui retarde l'adoption des plans de déplacements urbains : voilà qui montre le peu de cas que fait la majorité, malgré les discours présidentiels, de la lutte contre l'effet de serre.

Pour ce qui est des ascenseurs, je vous ferai part d'une initiative que j'ai prise dans ma circonscription de Clermont-Ferrand nord. Avant cette seconde lecture, j'ai tenu à écouter les différents acteurs. Nous nous sommes réunis au c_ur d'un quartier populaire marqué par une présence importante de logements sociaux. Il y avait là les associations de locataires, les bailleurs sociaux, la chambre des propriétaires, le Pact-Arim, l'ADIL et les ascensoristes du Puy-de-Dôme. Je voudrais me faire le porte-parole des intérêts généraux qui se sont exprimés au cours de ce débat très constructif, et vous dire quelle suite législative je souhaiterais leur donner.

La grande inquiétude de ces acteurs du logement résulte naturellement de l'ampleur du programme et de son coût, crainte que nous avions exprimée en première lecture de ce projet. Les aides prévues par l'Etat pour accompagner ce programme de quinze ans ne sont pas à la hauteur. Dans bien des départements, comme le Puy-de-Dôme, on voit donc les délais s'allonger et les refus se multiplier. Quant aux crédits PALULOS qui pourront soutenir ce programme, leur utilisation risque de se faire au détriment d'autres projets de réhabilitation, tout aussi indispensables. Enfin, la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien n'est assurée que jusqu'à la fin 2003. A la suite de cette réunion, j'ai donc cherché un moyen plus adapté pour accompagner ce programme en évitant que le coût des travaux ne soit supporté in fine par les locataires, et notamment dans les quartiers les plus fragiles socialement.

Les bailleurs sociaux m'ont rendue attentive au manque de compatibilité entre les différents systèmes, qui ne permettent pas toujours aux propriétaires de faire jouer convenablement la concurrence. Nous vous présenterons un amendement pour y remédier. Mais il est souhaitable que le Gouvernement engage, au niveau européen, une demande de mise en compatibilité, et nous souhaitons connaître, Monsieur le ministre, vos intentions à ce sujet.

Nous redoutons également certaines dérives auxquelles pourraient donner lieu les normes européennes comme celles sur les ascenseurs anti vandales, mais aussi, dans une moindre mesure, l'article L. 125-2-4 et les interprétations qui pourraient en être faites. Il faut veiller à ne pas ouvrir la voie à une stigmatisation des populations les plus modestes. Je suis convaincue, Monsieur le ministre, que vous partagez ce sentiment. Et sans doute pensez-vous comme nous qu'une norme de maintenance ne saurait accréditer l'idée que le propriétaire est responsable du fait du comportement de ses habitants. Si votre projet n'alimente guère cette ambiguïté, ce n'est pas le cas de la norme européenne de maintenance. J'espère donc que ce débat nous permettra de clarifier les choses, en précisant aux propriétaires ce que le législateur attend vraiment d'eux.

Toujours à l'occasion de cette rencontre à Clermont-Ferrand, un débat très intéressant s'est engagé sur les notions d'obsolescence et de vétusté d'un ascenseur. Il ne relève pas directement de la loi, mais y faire référence dans le décret permettrait d'améliorer les relations entre les propriétaires et les entreprises.

On retrouve d'ailleurs ce souci dans l'amendement adopté par le Sénat qui permet, en fin de contrat, de procéder à un état des lieux. Un amendement de la commission tend à en prévoir un également au début du contrat d'entretien.

Enfin, nous souhaitons qu'on donne suite au débat qui a eu lieu au Sénat à propos des responsabilités qui incombent aux propriétaires et aux entreprises, concernant en particulier la sécurité des techniciens chargés de l'entretien qui sont les premières victimes des accidents d'ascenseur. La commission a adopté deux amendements identiques en ce sens. Ils contribuent à une nécessaire clarification des responsabilités, qui, c'est vrai, suscite quelques réticences, mais qui nous semble aller dans le bon sens, et compléter utilement la disposition déjà votée au Sénat.

Comme vous le voyez, Monsieur le ministre, notre groupe aborde l'examen de ce projet avec des propositions concrètes et la ferme volonté d'apporter aux usagers les meilleures garanties possibles concernant l'utilisation des ascenseurs. A notre initiative, avec l'appui du rapporteur, ce texte a été enrichi en première lecture de dispositions nouvelles, concernant notamment la prévention des intoxications par le monoxyde de carbone ou l'accessibilité aux personnes handicapées ; à l'occasion de cette nouvelle lecture, nous vous ferons d'autres propositions.

Nous souhaitons que soient réaffirmées certaines exigences concernant la sauvegarde du patrimoine archéologique, mises à mal par la baisse de 25 % de la redevance de l'INRAP. Nous souhaitons aussi, dans le domaine du logement, faciliter la prise de décision au sein des copropriétés en cas d'impératif d'hygiène.

En matière d'urbanisme, nous proposerons que les équipements publics soient mieux pris en compte lors d'opérations immobilières d'envergure.

Nous vous proposerons aussi de revenir sur des amendements votés par le Sénat, aux conséquences extrêmement préjudiciables pour le développement de l'intercommunalité et pour la prise en compte des enjeux écologiques dans les politiques de déplacements urbains.

Le groupe socialiste espère que ses amendements feront l'objet d'une écoute attentive et alimenteront un débat qu'il souhaite constructif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Folliot - Ce texte était très attendu par nos concitoyens et par les élus locaux.

Il répond tout d'abord à la nécessité de libérer le foncier, qui est aujourd'hui rare, donc cher, ce qui a pour conséquences d'exclure bon nombre de nos compatriotes de l'accession à la propriété et, pour les bailleurs sociaux, de rendre aléatoire l'équilibre des opérations : son premier mérite sera de dégripper la filière du logement et le « parcours résidentiel » des Français.

Votre deuxième objectif, Monsieur le ministre, est d'assouplir les règles de la loi SRU, qui a des effets pervers.

Vous répondez aussi à des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens à travers les dispositions relatives aux ascenseurs. D'autres dispositions concernent l'activité des organismes gestionnaires de HLM, qui grâce à un amendement de notre groupe en première lecture seront autorisés à gérer les logements de l'association foncière du 1 % logement.

Le Sénat a amélioré ce projet sur un certain nombre de points sensibles. Concernant la PVR, je crois que nous avons atteint un équilibre : mieux vaudrait s'en tenir là si nous ne voulons pas nuire à la lisibilité du dispositif. Nos collègues sénateurs ont également introduit des éléments de souplesse, à travers l'article 5 bis D, pour les communes de montagne.

Ni l'Assemblée nationale ni le Sénat n'ont souhaité revenir sur le principe de mixité sociale, qui est réaffirmé et même conforté.

Notre groupe souhaiterait encore deux améliorations. Nous défendrons tout d'abord un amendement visant à tenir compte de la spécificité de communes rurales dans lesquelles le nombre de permis est faible et le processus de création de la PVR est assez complexe. Il convient que le pétitionnaire qui le souhaite puisse prendre en charge des travaux d'adaptation de voies et de raccordement aux réseaux. Par ailleurs, un amendement de notre collègue Dionis du Séjour concerne la transformation d'anciens bâtiments agricoles en maisons d'habitation. Enfin, des amendements de notre collègue Sauvadet tendent à assouplir les règles de fonctionnement des pays.

Je ne saurais conclure, Monsieur le ministre, sans évoquer l'annonce essentielle que vous venez de nous faire concernant la relance du locatif privé, attendue par l'ensemble des professionnels et par de très nombreuses familles qui ont des revenus trop élevés pour bénéficier du secteur locatif social et trop faibles pour accéder à la propriété. Comme vous l'avez dit, le temps qui nous sépare de la seconde lecture au Sénat pourra être mis à profit pour apporter les améliorations nécessaires à des dispositions qui constituent d'ores et déjà la cerise sur le beau gâteau que vous nous offrez ! Nos concitoyens seront, je n'en doute pas, satisfaits de constater que le Gouvernement en général et le ministre que vous êtes en particulier sont sensibles à leurs préoccupations quotidiennes (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Patrick Braouezec - Ce projet disparate est très significatif des orientations politiques et des méthodes de ce gouvernement.

Nous ne nous opposons pas a priori à un toilettage de la loi SUR, mais le fait de nous en proposer aussi vite la révision montre que les objectifs du Gouvernement sont plus idéologiques que pragmatiques. Il est en effet beaucoup trop tôt pour faire un bilan objectif de l'application et des conséquences de cette loi.

Ce texte est imprégné d'une idéologie que nous ne partageons pas. Sous-estimant la nécessité politique de restructurer et d'aménager nos espaces urbains, négligeant les problèmes nés de l'extension des zones périurbaines, vous considérez en fait que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » et qu'il est donc inutile de légiférer en matière d'urbanisme. La relance de la planification urbaine, qui devait être débattue entre tous les partenaires, devait conduire à une organisation plus équilibrée des territoires et les opérations nées seulement d'opportunités foncières céder la place à un urbanisme de projet.

L'assouplissement de la loi SRU qui nous est aujourd'hui proposé remet en question la plupart des objectifs mêmes de cette loi. Ainsi de la mixité sociale. Si nous ne pouvons que nous réjouir que le Gouvernement n'ait pas suivi certains membres de sa majorité qui souhaitaient revenir totalement sur cet objectif, force est de constater que ce texte ouvre une brèche dangereuse.

M. Philippe Folliot - Procès d'intention !

M. Patrick Braouezec - Le Gouvernement prétend adapter la loi SRU aux réalités du terrain. Mais la remise en question de la règle des quinze kilomètres prouve que la nouvelle majorité se soucie peu de l'étalement anarchique de nos agglomérations. Dans la loi SRU, on avait choisi de restructurer les terrains déjà urbanisés plutôt que des les laisser à l'abandon et de faciliter l'extension infinie des villes à leur périphérie, avec toutes les conséquences que l'on sait de ce développement à l'américaine : centres villes délaissés au profit des zones périurbaines où fuient classes moyennes et supérieures, ségrégation sociale et spatiale, augmentation de la pollution du fait de l'accroissement du trafic routier. Les dispositions prévues n'empêchaient pas pour autant les constructions : elles exigeaient seulement que celles-ci soient cohérentes avec le projet urbain de l'agglomération et son SCOT, incitant par ce biais les agglomérations à se doter rapidement d'un SCOT. Il est fâcheux également d'exclure de la règle des quinze kilomètres les agglomérations de moins de 50 000 habitants. Les petites villes et les villes moyennes rencontrent les mêmes problèmes d'urbanisme que les grandes villes, à une autre échelle bien sûr. Or, cette nouvelle disposition ne les incitera pas à adopter un SCOT. Pourtant, tous les territoires n'ont-ils pas droit à un aménagement cohérent et organisé ?

Les articles 2 bis et 2 ter du texte sont révélateurs, eux, du mépris de la nouvelle majorité pour l'objectif de mixité sociale fixé par l'article 55 de la loi SRU. La modification du code de l'urbanisme, que vous avez préférée, permettra de préserver une urbanisation ségrégative et sélective, régulée seulement par le marché et l'argent, tout en présentant l'avantage d'être beaucoup plus discrète sur le plan médiatique.

La fixation d'une règle de surface minimale au sol pour toute construction nouvelle revient à empêcher toute réalisation d'habitat collectif, même sous forme de maisons de ville, au prétexte, fallacieux et arbitraire, de protéger les paysages et les constructions traditionnelles. Cela revient, dans toutes les communes qui ont adopté cette règle, à exclure de l'accession à la propriété les ménages modestes n'ayant pas les moyens d'acheter des terrains assez grands.

Ce texte, dans son titre relatif à l'urbanisme, comporte également nombre de dispositions de convenance. Il met la loi au service d'élus locaux confrontés à des problèmes particuliers, faisant fi de l'intérêt général.

Pour ce qui est du titre relatif à la sécurité dans les ascenseurs, nous ne pouvons qu'en partager les objectifs et certaines dispositions, comme le contrôle indépendant des opérations de maintenance. Mais la question essentielle du financement demeure posée. La modernisation du parc représente un coût total de quatre milliards d'euros, étalé sur quinze ans ! Les propriétaires pourront en théorie recevoir des aides de l'ANAH... mais celle-ci a vu ses crédits réduits dans le collectif pour 2002. Dans les logements sociaux, l'entretien et les réparations pourront être financés par des crédits PALULOS et des primes à l'amélioration des logements à usage locatif...

Mme Odile Saugues - Par ce qu'il en reste !

M. Patrick Braouezec - Or, ces crédits, à l'évidence, ne suffiront pas. Il serait inacceptable que ce défaut de financement conduise à une augmentation de loyer ou fasse que la loi reste inappliquée. Il faut donc étudier de près cette question.

Le titre relatif aux organismes HLM ne comporte aucune disposition majeure pour résoudre le problème du logement social dans notre pays. Il donne seulement une plus grande sécurité juridique et financière à ces organismes et, surtout, facilite la vente des logements sociaux existants. Comment accepter que les crédits ouverts pour la réhabilitation et la construction de logements sociaux ne soient pas consommés alors que tant de familles attendent depuis des années d'habiter un logement décent ? Le texte ne règle, par ailleurs, en rien la question de la fixation du niveau des loyers, ni celle du financement direct de leurs investissements par les organismes.

Le titre relatif aux pays semble le seul à nous donner satisfaction. Il précise de façon satisfaisante les dispositions de 1995. Nous nous réjouissons ainsi que le Sénat ait rétabli les conseils de développement dans le rôle qui leur avait été dévolu par la loi de 1995.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Tout à fait !

M. Patrick Braouezec - Le texte voté ici en première lecture limitait en effet notablement la démocratie participative et la consultation des acteurs.

Mais cela ne peut nous faire oublier l'essentiel du texte, qui marque un net recul en matière d'urbanisme. Il augure bien mal des projets de loi à venir relatifs au logement et à la ville. S'ils vont dans la même direction que celui-ci, nous aurons tout à craindre d'un libéralisme forcené en ces domaines, sans financement de surcroît.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste et républicain votera contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Robert Lecou - Je me limiterai aux aspects du texte relatifs à l'intercommunalité au travers des pays et des communautés d'agglomération.

Oui à l'intercommunalité... à la condition qu'elle soit librement consentie ! Cette affirmation me paraît nécessaire à l'heure où va s'ouvrir une nouvelle étape de la décentralisation. Un signal fort et clair doit être adressé aux maires, qui ne doivent pas subir l'intercommunalité mais en être les acteurs.

Nos 36 000 communes constituent une richesse. Souvenons-nous que lors des inondations de l'automne dernier par exemple, les sinistrés songeaient d'abord à s'adresser au maire, élu le plus proche d'eux. C'est bien en effet le maire qui peut le plus facilement mobiliser la brigade de gendarmerie, les sapeurs-pompiers, le sous-préfet, qui est le mieux placé pour défendre les intérêts de ses administrés auprès de l'administration et des autres institutions.

L'intercommunalité également est une richesse. Chacun sait que beaucoup de compétences ne peuvent plus aujourd'hui être exercées au seul niveau communal. Il faut donc inciter à l'intercommunalité tout en laissant les communes libres de la construire, dans le respect de l'article 72 de notre Constitution qui dispose que « les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus. » C'est dans cet esprit que j'approuve les évolutions proposées par ce texte concernant les pays et les communautés d'agglomération.

Simplifier la constitution et le fonctionnement des pays est une avancée majeure. La loi Voynet de 1999 avait compliqué les procédures. Ce texte restitue aux élus locaux leur autorité légitime et les replace au c_ur des pays. Il favorisera sans nul doute la création de pays, lieux de concertation, d'émergence et de coordination des projets, sans pour autant les transformer en strates administratives et fiscales supplémentaires.

S'agissant des communautés d'agglomération, je souhaite défendre la liberté des communes d'adhérer ou non à ces structures intercommunales, créées par la loi Chevènement pour « au sein d'un espace de solidarité, élaborer et conduire ensemble un projet de développement urbain et d'aménagement du territoire. », objectif quelque peu contredit par la possibilité donnée par ailleurs aux préfets d'y inclure contre leur gré des communes au motif de « cohérence spatiale et économique, de solidarité financière et sociale nécessaire au développement de la communauté d'agglomération ». Cette procédure, exorbitante du droit commun, s'apparente à un embrigadement de force. Elle est contraire à la démocratie et au principe de la liberté des communes. A l'heure de la décentralisation et de l'autonomie des collectivités, il est urgent de redonner aux communes toute liberté d'action. C'est dans cet esprit que la commission a, après un long et fructueux débat, adopté l'article 6 sexies nouveau, introduit par le Sénat. Oui donc à l'intercommunalité, mais librement consentie, dans le respect de l'esprit de notre Constitution.

Je souhaite en conclusion , Monsieur le ministre, vous dire ma satisfaction de la confiance que vous faites aux acteurs de terrain et aux élus locaux, et de vos initiatives pour relancer le logement social, notamment locatif privé, alors que les besoins sont considérables et que le dispositif Besson est en déclin. Je ne saurais que vous encourager dans cette voie.

Ne pas contraindre, mais encourager, telle est bien votre démarche. Je la soutiens, notamment à la lumière de mon expérience de maire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Certaines des dispositions adoptées par le Sénat nous apportent de réels motifs de satisfaction. C'est le cas de celles qui sont relatives aux pays, institués par la loi de 1995 et mis en _uvre par la loi Voynet de 1999. En première lecture, et malgré les arguments développés par Pierre Cohen, l'Assemblée avait adopté un cavalier législatif qui taillait une croupière à ce dispositif de coopération intercommunale. Reconnaissons aux sénateurs la sagesse d'avoir su restaurer l'esprit de la loi Voynet. Ils ont ainsi rétabli dans le corps du texte la notion de charte de développement, qui marque une volonté politique de construire un projet durable. Ne plus y faire référence, c'était réduire le pays à un simple guichet pour financer des actions ponctuelles. Or, le pays est bien plus qu'un espace de répartition des subventions. Il doit faire naître une vision prospective du développement local.

De même, nous nous félicitons que le Sénat ait pérennisé les conseils de développement. Notre assemblée leur avait dénié tout rôle après l'avis sur l'élaboration du projet de pays, mais il est indispensable de les associer également au suivi du projet. Ils comprennent en effet des représentants de toutes les forces vives du territoire, qui sont les premiers acteurs de son développement. Ils sont aussi un précieux outil de démocratie participative, ce qui n'est pas négligeable à l'heure où chacun s'alarme du désintérêt pour la politique. Cependant, nous ne comprenons pas pourquoi les sénateurs se sont arrêtés au milieu du gué en refusant aux conseils de développement le droit d'être associés à la réalisation de la charte de développement. Nous proposerons des amendements tendant à combler cette lacune.

Toutefois, le texte issu du Sénat nous donne un grave motif d'inquiétude. Dans des conditions indignes d'un débat éclairé, un sénateur de la majorité a obtenu l'adoption d'un cavalier législatif qui porte une grave atteinte aux communautés d'agglomération, qui avaient été développées par la loi Chevènement de 1999. Une commune est désormais autorisée à quitter la communauté d'agglomération dont elle est membre. A l'occasion de règlements de comptes locaux, certains parlementaires ont donc fait preuve d'une coupable insouciance, alors que les EPCI sont aujourd'hui unanimement considérés, y compris par vous, Monsieur le ministre, comme l'un des instruments les plus performants de la coopération intercommunale.

Cette attitude est doublement blâmable. D'abord parce que la loi, expression de la volonté générale, ne peut être mise au service d'intérêts particuliers. Ensuite parce que cet amendement ouvre une boîte de Pandore. Comment pourra-t-on demain refuser à d'autres communes, qui invoqueront d'autres motifs particuliers, ce que l'on vient d'accorder à certaines d'entre elles ? Toute les communautés d'agglomération sont désormais menacées. On imagine les difficultés qui suivront une décision de retrait : la complexité des règlements financiers et fiscaux, la gestion du personnel transféré, le sort des équipements communs... Le principe de libre administration des collectivités locales n'est ici qu'un prétexte. D'aucuns ont voulu prendre le risque d'aggraver encore les inégalités territoriales. Fondées à l'origine sur des principes de cohérence et de solidarité, les communautés d'agglomération seront désormais constituées sur la base d'égoïsmes, d'intérêts particuliers, et comment ne pas le craindre, de calculs électoraux. Nous ne pouvons cautionner cela et proposerons donc la suppression de cette disposition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Sans revenir sur l'ensemble du texte, je voudrais saluer la volonté du Gouvernement de revoir l'ensemble des lois Voynet, Chevènement et Gayssot. Le dispositif doit en effet être simplifié et surtout rendu plus cohérent. Cela étant, la loi SRU posait de si grandes difficultés que le Gouvernement a dû répondre dans l'urgence au blocage des terrains. C'est l'objet du texte que vous nous soumettez, mais son examen au Sénat a débouché en outre sur des simplifications non négligeables, concernant les zones rurales et la liberté des communes, ce qui ne peut que nous satisfaire à la veille d'un grand mouvement de décentralisation.

Ces propositions, ainsi que le ministre vient de le dire, émanent du terrain. Voilà qui montre son esprit d'ouverture et son pragmatisme. La relance du locatif privé social correspond ainsi à la fois à votre éthique personnelle, Monsieur le ministre, et à la volonté politique de répondre aux besoins avérés.

M. Philippe Folliot - Très bien !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Les maires des plus petites communes, qui n'ont ni moyens, ni services techniques, se trouvent aujourd'hui confrontés aux services de l'équipement, qui eux-mêmes éprouvent la plus grande difficulté à interpréter le code de l'urbanisme et en particulier la loi montagne de 1985. La population rurale est excédée de se voir refuser des permis de construire pour des raisons confuses. Comment expliquer à un agriculteur qu'il ne peut construire sur son terrain parce qu'il est à plus de cinquante mètres de la dernière maison du village ? Ne pourrait-on assouplir quelque peu les règles de l'urbanisme sans se voir opposer le sacro-saint concept de respect de l'environnement ?

A cet égard, le projet de loi contient des disposition spécifiques à la montagne, issues du travail du docteur Jacques Blanc, président de la mission sénatoriale d'information sur la montagne, et de Pierre Jarlier. L'amélioration de la définition des ruines permettra de restaurer de nombreux bâtiments traditionnels aujourd'hui abandonnés et il sera possible d'autoriser, à titre dérogatoire, des travaux sur les bâtiments de style. Mais il est impératif d'élaborer des textes précis, afin que les services administratifs ne puissent opposer leurs arguties.

L'article additionnel avant l'article 5 bis D, qui assouplit les dispositions autorisant l'urbanisation en continuité des hameaux et des constructions, est un apport fondamental, même si j'aurais préféré les termes « d'une construction ». L'article 5 bis D, lui, ouvre la possibilité au conseil municipal d'une commune dénuée de PLU ou de carte communale d'autoriser les constructions isolées. Sur ces points en particulier, les décrets d'application et les circulaires doivent être suffisamment précis pour éviter des querelles d'interprétation. Les services administratifs ne sont pas en cause : ils ont à appliquer des dispositions particulièrement confuses.

La France est forte de ses 36 800 communes ; les maires ont une image positive dans l'opinion publique et veulent pouvoir gérer les affaires de leur commune. Je salue donc la modification de la loi Chevènement qui met fin à l'extension forcée du périmètre des communautés d'agglomération. Cet amendement, aux conséquences limitées, permet de renouer avec le principe de libre administration des collectivités locales, avec cette double garantie d'un terme fixé au 31 décembre 2004 et de l'intervention du préfet, qui n'autorisera les retraits qu'avec circonspection. Nous avançons à petits pas. Votre projet apporte incontestablement une pierre à l'édifice et je tiens à vous en remercier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Toutes vos interventions ont été très intéressantes. Je voudrais d'abord remercier très chaleureusement le rapporteur pour le travail remarquable qu'il a mené sur un texte dense et très technique, et pour l'accueil qu'il lui a réservé.

M. Grand a souligné que la ligne directrice du texte est la confiance portée aux élus locaux. Je note son intérêt pour le nouveau dispositif d'investissement concernant le logement locatif.

Je ne reprendrai pas les propos de Mme Saugues sur l'article 55, qui est étranger au présent texte. En revanche, en ce qui concerne la norme européenne, mes services sont particulièrement vigilants. Il faut en effet éviter la stigmatisation de certains quartiers.

M. Folliot nous a gratifiés d'une très jolie formule : le « parcours résidentiel ». Nous agissons en effet sur le foncier, sur l'investissement locatif et sur toute la chaîne du logement. Quant à la PVR, je pense comme lui que nous sommes arrivés à un point d'équilibre.

M. Braouezec n'est plus là, mais j'ai noté avec plaisir qu'il ne s'oppose pas au toilettage de la loi SRU. Or il ne s'agit de rien d'autre aujourd'hui : nous donnons quelques précisions, mais nous ne touchons pas à ses principes. En revanche, je suis extrêmement surpris que M. Braouezec, élu d'Ile-de-France, préfère « attendre » lorsqu'il s'agit de s'attaquer à la pénurie foncière.

M. Lecou a rappelé quelle richesse représentaient les communes. Je considère comme lui que les pays ne doivent surtout pas être un échelon administratif supplémentaire : les élus s'y perdraient eux-mêmes ! Je le remercie de soutenir le nouveau dispositif relatif au logement locatif.

Monsieur Le Bouillonnec, le Gouvernement partage votre enthousiasme pour les pays, du moment qu'ils sont librement consentis. Je ne crois pas que les communautés d'agglomération soient vraiment fragilisées par le texte. Celui-ci ne donne pas aux communes le droit de quitter une communauté ; il autorise le seul préfet à corriger des abus. C'est une nuance de taille par rapport à l'hémorragie que vous imaginez !

Monsieur Morel-A-L'Huissier, je vous remercie de soutenir notre politique en faveur du logement locatif. Vous avez raison de rappeler que les DDE ont parfois du mal, en dépit de leur dévouement et de leur savoir-faire, à appliquer des dispositions qui n'ont pas été clarifiées. Nous nous y employons aujourd'hui et je vous redis toute l'importance que j'attache au « service après-vote » : nous irons à la rencontre de ceux qui auront à appliquer cette loi - DDRE, DRE, DDE -, nous les inviterons à des séminaires au ministère. Bref, les élus locaux pourront se féliciter de voir ainsi mettre de l'huile dans les rouages et interpréter le texte de la même façon sur tout le territoire.

Mais nous reviendrons bien sûr sur tous ces points au cours de la discussion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

ARTICLE PREMIER A

M. le Rapporteur - L'amendement 8 vise à rédiger ainsi la fin du dernier alinéa : « lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment. ».

Il s'agit de limiter les possibilités de restauration aux bâtiments qui présentent un intérêt architectural - par exemple parce qu'ils correspondent à des traditions régionales - ou patrimonial particulier. Nous voulons éviter la restauration de bâtiments constituant des verrues dans le paysage montagnard.

M. le Ministre - Très utile précision. Avis favorable.

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

L'article premier A modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER B

M. le Ministre - Le Sénat a adopté contre l'avis du Gouvernement un amendement inscrivant les études des documents d'urbanisme et des SCOT à la section d'investissement des budgets locaux. Le Gouvernement comprend le souhait des communes de rendre ces dépenses éligibles au fonds de compensation de la TVA, mais les règles de la comptabilité publique exigent qu'elles soient inscrites à la section de fonctionnement. Par l'amendement 110, le Gouvernement demande donc la suppression de cet article.

Plusieurs députés socialistes - Soyez courageux, Monsieur le rapporteur, nous vous soutenons !

M. le Rapporteur - J'espère que vous irez jusqu'au bout de votre soutien !

Monsieur le ministre, entre la position du Sénat et la vôtre, nous devons faire un choix. Je soutiens celle du Sénat - à titre personnel, puisque la commission n'a pas examiné votre amendement éclos dans la fraîcheur matinale.

Les études engagées pour établir des documents d'urbanisme qui représentent de gros investissements constituent elles-mêmes la première étape de l'investissement. Leur coût est de plus en plus lourd d'autant qu'elles doivent parfois être revues...

M. Jean-Pierre Blazy - Souvent !

M. le Rapporteur - Il est donc tout à fait justifié qu'elles soient éligibles au FCTVA. Elles engagent l'avenir à moyen, voire à long terme de la commune. Aussi inviterai-je l'Assemblée à me suivre.

M. Jean-Pierre Blazy - Très bien !

M. le Ministre - J'étais à peu près sûr que le rapporteur choisirait la version du Sénat : elle coûte cher à l'Etat et va rapporter de l'argent aux communes. Mais vous demandez aussi à l'Etat de réduire ses dépenses : voilà une occasion de le faire. A vous de choisir !

L'amendement 110, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes - Monsieur le ministre, comme le rapporteur, j'ai ressenti comme un outrage cet amendement impromptu que nous avons heureusement rejeté. On ne peut pas à la fois demander aux communes de s'engager dans un aménagement concerté de leur territoire et refuser de les soutenir lorsqu'elles engagent des études aussi coûteuses et décisives pour l'avenir.

L'amendement 65 de M. Boisserie peut être considéré comme apportant une précision après le vote que nous venons d'émettre. Il vise à rendre éligible au FCTVA les documents annexés au plan d'ensemble comme les plans de référence, qui permettent de définir des objectifs d'investissement à moyen et long terme, et les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, qui concourent à la mise en valeur du patrimoine au profit des générations futures. Voilà qui va dans le sens du développement durable cher au Gouvernement.

M. le Rapporteur - J'avais cru comprendre que cet amendement serait retiré. Il a été, M. Brottes le sait bien, repoussé par la commission. Autant j'ai plaidé tout à l'heure pour l'éligibilité au FCTVA des études de documents d'urbanisme, autant cet amendement est « maximaliste ». Les plans de référence sont des documents de réflexion internes à la commune qui n'ont pas de valeur juridique.

Les études de ZPPAUP sont déjà cofinancées par l'Etat, et M. Brottes voudrait que celui-ci rembourse en plus la TVA ! Il faut savoir rester mesuré. Je souhaite que nous votions conforme l'article du Sénat, afin d'éviter tout risque en deuxième lecture. Je vous invite donc à retirer cet amendement.

M. le Ministre - Le Gouvernement ne peut que s'opposer à l'extension d'un article dont il avait demandé la suppression. Avis défavorable.

M. François Brottes - Je suis sensible aux arguments « massue » du rapporteur. Il ne faudrait pas que l'amendement de M. Boisserie soit perfidement adopté par certains pour permettre au Gouvernement de réintroduire au Sénat l'amendement précédent. Je retire donc l'amendement 65.

L'article premier B, mis aux voix, est adopté, de même que l'article premier.

ARTICLE PREMIER BIS A

M. Daniel Garrigue - Je souhaite obtenir une prévision sur les SCOT, outils de planification très utiles en matière d'aménagement. Le texte dispose que le périmètre des SCOT doit « tenir compte » des périmètres et structures déjà existants. Cette notion demande à être précisée. S'agit-il d'une mise en conformité, ou, comme je le pense, d'un simple souci de méthode ?

Dans le cas de groupements de communes incluant dans leurs compétences les questions de planification et d'aménagement, l'exigence de conformité se défend. En revanche, mieux vaut autoriser les SCOT à chevaucher les pays ou les parcs naturels, dès lors qu'ils prennent en compte les bassins de vie ou les projets d'une agglomération.

M. le Ministre - Il ne s'agit pas de conformité. Sur le plan juridique, « tenir compte » est beaucoup plus souple. On veut simplement éviter des périmètres contradictoires.

L'article premier bis A, mis aux voix, est adopté, de même que les articles premier bis B et premier quater.

ARTICLE PREMIER QUINQUIES

M. le Président - L'amendement 66 de M. Michel n'est pas défendu.

M. François Brottes - Avec l'amendement 67, M. Michel pose un vrai problème qui a été largement évoqué au Sénat. Les syndicats mixtes regroupent, outre des communes ou intercommunalités compétentes en matière de SCOT, des conseils généraux ou régionaux. Quant il s'agira des SCOT, ces collectivités ne pourront prendre part aux débats.

On a parfois parlé de « syndicats à la carte » : cette expression n'a pas d'existence juridique, mais elle recouvre des situations courantes, par exemple en Auvergne, région chère à notre rapporteur.

M. le Rapporteur - Et à M. Michel ! Et à Mme Saugues !

M. François Brottes - Et à nous tous, car cette région est surtout au c_ur du pays.

Ces syndicats mixtes vont devoir disparaître, ou bien les conseils généraux et les conseils régionaux devront en sortir. Le Gouvernement, pris de fièvre bureaucratique, va donc provoquer la création de nouvelles structures, ce qui coûtera cher au contribuable. Monsieur le ministre, vous avez exprimé le souhait de réduire la dépense publique ; nous partageons cet objectif sur ce point. Revenir au système dans lequel il y a un syndicat par type de compétence obligerait les collectivités locales à créer une série de nouveaux établissements publics, ce qui ne va pas dans le sens de l'histoire.

Mieux vaut autoriser les syndicats mixtes existants à gérer les SCOT, même si le conseil général et le conseil régional en sont membres. Tel est l'objet de l'amendement 67.

Je souhaiterais toutefois le modifier, même si la présidence n'aime guère les sous-amendements de séance. Après le mot « sauf », je propose d'ajouter : « si le syndicat mixte exerce déjà d'autres compétences que celles qui sont liées à un SCOT ».

M. le Président - C'est un nouvel amendement que vous nous proposez. Nous ne pouvons pas travailler dans ces conditions. Vous connaissez la procédure. Vous avez laissé passer l'amendement 66, vous nous présentez l'amendement 67, que vous voudriez modifier parce que vous avez eu une fulgurance tardive...

M. François Brottes - On peut amender en séance.

M. le Président - Il faut un texte. Au reste, c'est assez rare. Sous ma présidence, je n'accepte pas qu'on légifère sans texte.

M. le Rapporteur - Pour comprendre la tactique de M. Michel, il faut rappeler que son amendement 66 visait à supprimer les dispositions transitoires indispensables à la mise en _uvre des articles premier bis et premier ter, votés conformes. C'est trop brutal.

L'amendement 67 de M. Michel est un amendement de repli, qui vide le texte de sa substance. Il pose cependant un problème rédactionnel et c'est pourquoi M. Brottes a tenté d'en donner une nouvelle version, en vue de faire disparaître l'expression « syndicats à la carte ». On connaît en effet les menus à la carte, mais non les syndicats à la carte. Je ne peux accepter ni l'amendement 67, ni l'amendement oral de M. Brottes.

M. le Ministre - Le Gouvernement comprend la préoccupation de M. Michel. Quand il existe une structure chargée d'élaborer un SCOT, il ne faut pas interrompre son travail. La rédaction de l'article devrait donner satisfaction à M. Brottes, puisqu'elle permet à ces syndicats de poursuivre et de mener à bien la démarche en cours et qu'elle donne aux collectivités locales le temps de trouver la solution la plus adaptée, dans le respect du principe interdisant toute tutelle entre celles-ci.

Le Gouvernement souhaite donc le retrait de l'amendement 67.

M. François Brottes - Je ne retirerai pas l'amendement de M. Michel.

Mon sous-amendement semble gêner le rapporteur.

M. le Rapporteur - Il ne me gêne pas : je ne l'ai pas !

M. François Brottes - On m'oppose une raison de forme et je m'incline. Cependant, Monsieur le ministre, une fois que le SCOT aura été adopté, il faudra, si j'ai bien compris, soit que le conseil général et le conseil régional quittent le syndicat mixte, soit que les autres collectivités créent une autre structure pour le suivi et les éventuelles révisions du schéma ?

L'amendement 67, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier quinquies, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER QUINQUIES

M. le Rapporteur - L'amendement 9 est de coordination.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Grand - Lorsqu'un ancien schéma directeur est annulé pour vice de forme ou de procédure, l'établissement public qui le gère doit pouvoir le régulariser après enquête publique, sans attendre l'élaboration d'un schéma de cohérence territoriale. Cette faculté est ouverte pour régulariser les anciens POS par l'article 4 quater. Il paraît nécessaire de l'ouvrir aussi pour les anciens schémas directeurs. C'est l'objet de l'amendement 92.

L'amendement 92, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. Philippe Tourtelier - Le code de l'urbanisme autorise les communes à geler la constructibilité de certains quartiers. Ce gel dure alors cinq ans, ce qui est peu pour élaborer un plan d'urbanisme en zone sensible. Mon amendement 39 vise donc à prévoir que cette période est renouvelable une fois, ce qui permettra d'approfondir les projets de renouvellement urbain.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement autoriserait les communes à geler la constructibilité pour une période de dix ans. C'est vraiment très long et, dans une certaine mesure, attentatoire au droit de propriété.

M. le Ministre - Même avis. Le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé contre une telle atteinte au droit de propriété.

M. Philippe Tourtelier - Je ne propose pas un gel de dix ans, mais le renouvellement éventuel de la période de cinq ans. Par ailleurs, ne confondons pas droit de propriété et droit d'usage.

L'amendement 39, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Dionis du Séjour - En première lecture, nous avions déjà débattu de la transformation des bâtiments agricoles désaffectés en habitations. Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à travailler avec la représentation nationale d'ici à la deuxième lecture et vous avez tenu parole. Je vous en remercie, comme je remercie le rapporteur puisque nos travaux ont abouti à un dispositif satisfaisant.

La loi SRU interdit de telles transformations en zone « A ». Dans les zones d'habitat dispersé, la loi a donc été contournée et on a vu se multiplier les zones « N », ce qui a un effet de mitage sur le paysage.

Mon amendement 64 rectifié donne une plus grande liberté mais aussi une plus grande responsabilité aux élus. Il rendra possible le maintien des retraités agricoles à domicile et à proximité de leur famille. Il autorise la participation bénévole à l'activité agricole des membres de la famille installés à proximité, dans les limites prévues par la loi. Il garantit la sauvegarde du patrimoine bâti traditionnel qui, comme l'a souligné M. Folliot, fait partie de nos paysages ruraux et risque de tomber en ruine. Enfin, ce dispositif favoriserait le maintien de la population en milieu rural, ce qui n'est pas négligeable. Quand ils le jugeront opportun, les élus pourront donc autoriser la transformation en habitations des bâtiments agricoles désaffectés, si bien que le dispositif de la zone « N » retrouvera sa véritable vocation.

M. le Rapporteur - La commission, réunie ce matin au titre de l'article 88, a examiné cet amendement et émis un avis favorable. Il permettra de traiter la question du devenir du bâti agricole. La loi SRU avait créé sur ce point un blocage : nous allons réintroduire de la liberté.

M. Jean-Pierre Blazy - Et de la responsabilité !

M. le Rapporteur - Tout à fait, la responsabilité des élus. Chacun y trouvera son compte : le bâtiment lui-même, le monde rural, le propriétaire, et surtout la famille, qui pourra souvent installer à proximité un de ses membres.

M. le Ministre - Je remercie les auteurs de cet amendement, qui introduira une souplesse très attendue à la campagne, et permettra de réhabiliter des bâtiments autrement condamnés à disparaître. Il préserve en outre l'activité agricole. Avis très favorable.

M. François Brottes - Il faut que nos débats éclairent bien la portée de cet amendement. J'entends bien qu'il faut assouplir certaines situations figées ; j'entends aussi ce qu'on dit du désir des familles. J'observe simplement qu'un bâtiment du patrimoine familial peut très bien, plus tard, être vendu à l'extérieur ; ne nous faisons pas d'illusions.

Nous sommes tous attachés au maintien de l'agriculture dans le monde rural. Or, parfois, les néo-ruraux se plaignent de cette activité ; passé le premier émerveillement, le coq qui chante à l'aube dérange... L'amendement pourrait donc, à terme, poser un problème pour le maintien de l'activité agricole. Tout dépend du sens qu'on donne, dans l'amendement, à l'expression « l'exploitation agricole ». Quand on dit que le changement de destination du bâtiment ne doit pas compromettre cette exploitation, vise-t-on l'activité agricole de toute la zone environnante ? Dans ce cas, pas de problème. Vise-t-on l'unité qu'est une exploitation agricole ? On prend alors le risque de voir, unité après unité, l'agriculture disparaître du secteur concerné. Il importe donc d'être clair sur ce que vise l'expression.

M. le Ministre - Les deux ! C'est l'exploitation en tant qu'entité économique, et c'est l'environnement agricole qui ne doit pas être compromis - et auquel la revitalisation du bâti peut au contraire être bénéfique.

M. le Rapporteur - M. Brottes, élu lui aussi d'une région rurale, le sait : les agriculteurs aujourd'hui demandent à avoir plus de voisins, plutôt que plus de terrain ! Le problème de l'installation des jeunes, notamment, c'est la crainte de se retrouver isolés dans la nature, dans un monde sans relations sociales. Par ailleurs nous savons bien que les bâtiments ainsi récupérés seront peut être vendus hors de la famille. Mais il me semble que nous prenons nos précautions pour ne pas heurter l'article 111-3 du code rural, relatif à la distance entre une installation classée et une maison d'habitation. L'un des avantages de l'amendement est de respecter cette disposition ; mais je suis sûr qu'un jour nous serons conduits à revoir cet article 111-3, qui ne donne pas toute satisfaction au monde rural.

M. François Brottes - La réponse de M. le ministre a le mérite de la clarté : il s'agit bien de préserver l'environnement agricole du secteur concerné. C'était ma question.

M. Hervé Mariton - Nous sommes dans un domaine qui donne lieu à beaucoup de contentieux ; il importe donc que nos débats éclairent bien l'administration et le juge. C'est pourquoi je souhaite qu'un auteur de l'amendement - ou peut-être le rapporteur ou le ministre - précise le sens qu'il donne à la notion de « qualité architecturale ou patrimoniale ».

M. Philippe Tourtelier - L'intention de l'amendement est louable. Mais, comme l'a admis M. Dionis du Séjour, on peut déjà résoudre les problèmes, même si c'est par des voies un peu détournées. En revanche, l'amendement ouvre un boulevard à la revente et, tôt ou tard, comme l'a dit le rapporteur, il faudra modifier la règle des distances... Peut-être faut-il ici protéger l'agriculture contre les agriculteurs.

M. Philippe Folliot - Le souci de M. Brottes est légitime, mais n'oublions pas un point important : la notion d'antériorité de l'exploitation sur le secteur concerné. Le jour où le bien quittera la famille, l'acquéreur saura très bien qu'il y avait antérieurement une exploitation agricole ; il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter.

Quant à la qualité architecturale évoquée par M. Mariton, il est évident que la mesure ne s'appliquera pas à une ossature métallique de hangar désaffecté... Il s'agit ici du bâti traditionnel. Enfin, l'amendement répond à une attente assez forte : un problème de fond du monde rural, c'est le manque de population et permettre à des gens de s'y installer ne peut qu'être positif.

M. le Rapporteur - Dans notre esprit, Monsieur Mariton, il ne s'agit pas de réhabiliter un bâtiment qui offenserait le paysage comme une verrue et ne correspondrait pas au bâti traditionnel du secteur concerné. Une stabulation ouverte aux quatre vents, afin d'assurer l'aération des animaux, mais pas forcément des humains (Sourires), n'a pas vocation à être transformée en habitation. Nous visons le bâti traditionnel et non certaines constructions imposées à un paysage qui n'y était pas accoutumé.

M. Philippe Folliot - Pas de loft à la campagne !

M. Daniel Garrigue - Cet amendement est extrêmement intéressant : si l'on songe à la difficulté de créer de l'habitat à la campagne, il est très positif de partir de l'existant. Quant à la notion de qualité architecturale et patrimoniale, n'essayons pas de la définir trop précisément ici. Ce n'est pas du ressort de la loi. Les élus prendront leurs responsabilités ; et en cas d'erreur manifeste d'appréciation, il reste la possibilité de saisir le juge administratif.

MM. Jean Dionis du Séjour et Philippe Folliot - Très bien !

M. le Ministre - D'une façon générale, ce n'est pas depuis Paris que sera définie la qualité architecturale et patrimoniale. Paris fait de plus en plus confiance aux élus sur ces questions. Et ces élus respectent des procédures. Celle qui permet d'élaborer un PLU est une procédure démocratique, avec une enquête d'utilité publique, la publication d'un plan, un débat, enfin un vote du conseil municipal. A l'issue de tout cela, certaines parcelles seront déclarées réhabilitables ; ce ne sera probablement pas le cas d'un hangar en fibrociment... Enfin, en dernier recours, comme l'a rappelé M. Garrigue, il reste le juge.

L'amendement 64 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A la demande du Gouvernement, nous débuterons nos travaux à 15 heures par l'examen des articles 20 et 22 consacrés aux pays. Par conséquent, l'examen des articles, amendements et articles additionnels précédant ces dispositions, est réservé.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 30.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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