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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 84ème jour de séance, 203ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 13 MAI 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

RÉFORME DES RETRAITES 2

RÉFORME DES RETRAITES 3

RÉFORME DES RETRAITES 4

RÉFORME DES RETRAITES 5

JOURNÉES NATION-DÉFENSE 6

INDEMNISATION DE LA CATASTROPHE
DU
PRESTIGE 6

RÉFORME DES RETRAITES 7

SÉCURITÉ ROUTIÈRE 8

SÉCURITÉ ROUTIÈRE 8

RÉFORME DES RETRAITES 9

AVENIR DE L'ÉCOLE NATIONALE
DE SANTÉ PUBLIQUE DE RENNES 10

LUTTE CONTRE L'ILLETTRISME
AU COURS PRÉPARATOIRE 10

CHASSE 11

RAPPEL AU RÈGLEMENT 17

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 17

QUESTION PRÉALABLE 25

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RÉFORME DES RETRAITES

M. Alain Bocquet - Monsieur le Premier ministre, « ce n'est pas la rue qui gouverne », préveniez-vous la semaine dernière à la télévision...

Plusieurs députés UMP - C'est vrai !

M. Alain Bocquet - Certes, mais il est déjà arrivé que la rue conteste si fort les choix de gouvernements qu'elles les a fait chuter. Aujourd'hui, dans toute la France, s'exprime un rejet massif et déterminé de votre projet de réforme des retraites (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La grève est aussi largement suivie autant dans le privé que dans le public (Mêmes mouvements) et plus d'un million et demi de personnes manifestent dans plus d'une centaine de villes du pays. Depuis décembre 1995, jamais une telle mobilisation des travailleurs, des jeunes et des retraités n'avait eu lieu : il aura fallu votre obstination rétrograde ! D'après les sondages, 64 % des Français approuvent cette journée d'action (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Les députés communistes et républicains sont naturellement aux côtés de ceux qui refusent le recul social, pis le recul de civilisation auquel conduirait votre projet (Mêmes mouvements).

Les salariés n'acceptent pas de travailler plus longtemps aujourd'hui pour gagner moins demain en retraite, alors qu'ils sont aujourd'hui victimes des licenciements et qu'ils savent que leurs enfants et petits-enfants subiront eux aussi le chômage. Ils savent que les bénéfices financiers et boursiers des grandes sociétés, ainsi que les gains retirés de la spéculation par les privilégiés de la finance permettent d'envisager une réforme des retraites plus solidaire et plus juste, si d'autres choix économiques sont faits. Ils veulent leur part de l'accroissement de la productivité et des richesses auquel ils contribuent. C'est pourquoi cette journée de grève du 13 mai n'est qu'un début (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le Premier ministre, retirez donc purement et simplement votre projet dicté par le Medef. Acceptez de rouvrir le chantier d'une autre réforme, plus moderne, plus équitable et plus progressiste, élaborée en accord avec les représentants du monde du travail. L'argent existe dans notre pays pour sauver les retraites d'aujourd'hui et de demain. Encore faut-il avoir le courage de le prélever là où il est (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Il est un point sur lequel je suis d'accord avec vous : un important mouvement social a lieu aujourd'hui autour des retraites. Ce mouvement, le Gouvernement l'écoute et le respecte. Mais ma première pensée ira cet après-midi à tous ceux qui en ont été les victimes, empêchés d'aller travailler, de faire garder leurs enfants, de faire fonctionner leurs entreprises. Ces salariés, des petites entreprises le plus souvent, seraient les premières victimes si nous ne conduisions pas la réforme des retraites à son terme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Nous allons continuer à dialoguer avec les organisations syndicales, comme nous le faisons depuis plus de trois mois (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous écoutons les Français qui manifestent - mais aussi ceux qui ne manifestent pas, lesquels ne sont pas moins nombreux -, exprimant leur inquiétude et leur souhait d'un effort partagé pour sauver nos régimes de retraite, menacés par les évolutions démographiques mais aussi, il faut l'avouer, par l'immobilisme qui a prévalu ces dernières années. Les Français souhaitent plus de justice sociale : est-il acceptable que certains doivent cotiser seulement 37 ans et demi et d'autres 40 ?

Plusieurs députés UMP et UDF - Non !

M. le Ministre - Si nous sommes ouverts à la discussion, il est un point sur lequel nous ne reviendrons pas, c'est l'harmonisation de la durée de cotisation entre le secteur public et le secteur privé à l'horizon 2008. Cette mesure de justice sociale permettra aux fonctionnaires, à condition de travailler deux ans et demi de plus en 2008, c'est-à-dire comme tous les autres salariés, de maintenir intégralement le niveau actuel de leur retraite (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Il est un autre point sur lequel le Gouvernement ne reviendra pas, c'est celui des régimes spéciaux - dont les bénéficiaires sont pourtant nombreux à manifester aujourd'hui -, tout simplement parce qu'ils ne sont en rien concernés par cette réforme, ni aujourd'hui, ni demain. Il n'y a donc pas de raison d'en parler (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

RÉFORME DES RETRAITES

M. Mansour Kamardine - Monsieur le ministre des affaires sociales, plusieurs syndicats appellent aujourd'hui à la mobilisation contre la réforme des retraites. Il est normal que nos concitoyens s'expriment sur cet important sujet de société, et vous-même, Monsieur le ministre, n'avez jamais cessé de prôner le dialogue. Si l'on peut comprendre le mode d'expression choisi par les syndicats, la très forte mobilisation observée dans le secteur des transports, dont les personnels ne sont pourtant pas concernés par la réforme, peut aussi conduire à s'interroger.

Toutes les études et les rapports le démontrent : notre système de retraite par répartition est menacé. Il n'y a qu'une solution pour le sauver, c'est de le réformer. Quant à vous, Monsieur le Premier ministre, vous avez deux solutions : céder à la pression de la rue, comme on vous le demande à gauche, ou bien conduire la réforme à son terme. Sachez que l'UMP vous soutiendra sans faille dans la seconde voie. Face à la forte demande de dialogue exprimée encore aujourd'hui, que ferez-vous demain avec les syndicats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Ce Gouvernement a un devoir qui transcende les clivages partisans et les générations, celui de sauver les retraites. Il ne s'arrêtera pas en chemin et vous présentera avant l'été une réforme à cet effet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Aujourd'hui, beaucoup de Français manifestent, mais beaucoup aussi ne le font pas. Le rôle du Gouvernement est de définir et de faire prévaloir l'intérêt général.

Certains souhaitent empêcher toute réforme : ceux-là, nous ne sommes pas prêts à les entendre. D'autres, en revanche, souhaitent améliorer notre projet : avec ceux-là, nous sommes prêts à discuter. Je recevrai d'ailleurs demain à 18 heures, avec Jean-Paul Delevoye, l'ensemble des organisations syndicales pour poursuivre le dialogue. Nous sommes prêts à améliorer le texte sur les questions des petites retraites, du minimum contributif, de la situation des salariés qui ont commencé à travailler très tôt... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), de la prise en compte, d'une manière ou d'une autre, des primes des fonctionnaires dans le calcul de leurs pensions (Mêmes mouvements), du rachat des années d'études pour ceux qui entrent tardivement dans la vie professionnelle (Mêmes mouvements), enfin de la progressivité de la réforme, en particulier dans la fonction publique où ceux qui sont proches de la retraite ne doivent pas être bousculés.

Mais nos concitoyens doivent savoir que nous ne saurions accepter que l'addition des propositions qui nous sont faites conduise à des déséquilibres financiers plus graves que ceux d'aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Notre objectif est de mener à bien une vraie réforme des retraites, qui sauvegarde définitivement le régime par répartition. Le Gouvernement et sa majorité pourront être fiers d'avoir, enfin, assumé cette responsabilité propre de notre génération vis-à-vis des générations futures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

RÉFORME DES RETRAITES

M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur le Premier ministre, la France est aujourd'hui paralysée et vous en êtes le seul responsable (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP). Les millions de Français qui manifestent aujourd'hui ne sont pas contre la réforme, mais bien contre votre réforme. Ils ne défendent pas des privilèges, contrairement à ce que vous faites, vous, en épargnant la rente, le patrimoine, les portefeuilles boursiers : ils veulent seulement préserver le niveau de leurs pensions et le droit à la retraite à 60 ans. Ils n'opposent pas le public et le privé, comme vous le faites : ils veulent seulement que chacun puisse cesser son activité dans des conditions décentes.

Mais ils ne supportent plus que vous les preniez pour des naïfs : non, travailler plus longtemps pour une retraite inférieure ne saurait constituer un progrès social. Ils ne supportent plus que les sacrifices soient toujours demandés aux mêmes - il existe d'autres modes de financement, mais vous vous refusez obstinément à y recourir. Ils ne supportent plus que vous fassiez fi de la pénibilité des tâches, de la précarité et du chômage qui, hélas, jalonnent trop de carrières, ni que vous exigiez des jeunes qu'ils financent la retraite de leurs aînés et acceptent de voir la leur diminuée. En un mot, ils ne supportent plus que vous ne les écoutiez pas et que vous ne les compreniez pas, comme vous en apportez une fois de plus la preuve, puisque nous allons débattre ici cet après-midi, sur proposition du Gouvernement et de l'UMP, non pas des retraites, mais de la chasse... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Laissez M. Ayrault terminer.

M. Jean-Marc Ayrault - Ce n'est pas « la rue », comme vous le dites avec mépris, Monsieur le Premier ministre, qui s'exprime aujourd'hui, c'est le peuple de France (Protestations sur les bancs du groupe UMP) qui refuse que votre réforme brise un idéal de solidarité et rompe le pacte entre les générations.

Pas plus qu'en 1995, il n'y aura de consensus sur un recul social. Comme Alain Juppé alors, vous pouvez prétendre que ceux qui font grève ont tort ou que les premières victimes de la grève sont les usagers des services publics. Vous pouvez aussi passer en force, en vous faisant applaudir, comme M. Juppé en 1995, par une écrasante majorité, debout pour vous acclamer (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Mais si vous le faites, vous allez accroître la fracture entre les Français. Ce que ceux-ci demandent, ce ne sont pas de petits marchandages par ci-par là, mais une véritable réforme. Etes-vous prêt à les écouter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Le Gouvernement est ouvert à la discussion avec les partenaires sociaux, comme avec les parlementaires. Mais il n'y a pas d'alternance à la réforme que nous proposons (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) fondée sur un effort partagé et équitable pour assumer les risques provoqués par le retournement démographique pour le financement des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Vous le savez bien, Monsieur Ayrault, car avant 2002 M. Jospin, M. Hollande, M. Fabius, Mme Guigou, M. Rocard ont défendu, chacun à son tour, l'allongement de la durée de cotisation pour financer les régimes de retraite (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) et l'harmonisation entre le public et le privé (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP). La majorité d'alors a appliqué pendant cinq ans la réforme d'Edouard Balladur. Vous avez donc assumé la décision prise par le gouvernement qui vous précédait et qui a conduit effectivement à une baisse du taux de remplacement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Votre majorité a également créé, et elle a bien fait, le conseil d'orientation des retraites qui a abouti à des conclusions exactement semblables à celles dont s'inspire aujourd'hui le Gouvernement pour proposer sa réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A l'époque, vous aviez raison, parce qu'il n'y a pas d'alternative (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Que propose-t-on en effet ? Soit la capitalisation qui n'est pas notre choix, et qui est au surplus impraticable ; soit la retraite par point, procédé habile pour dissimuler une diminution drastique des pensions en fixant chaque année la valeur du point ; soit enfin le fameux « élargissement de l'assiette des cotisations » en taxant les bénéfices non réinvestis des entreprises (Approbation sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Outre que ce serait économiquement irresponsable (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), quelle sécurité offrirait un système de retraites fondé sur des recettes aussi mobiles et incertaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Il n'est pas trop tard pour que le parti socialiste revienne à un peu plus de cohérence, voire de décence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

RÉFORME DES RETRAITES

M. Maurice Leroy - Tout le monde voit bien que la réforme des retraites représente un rendez-vous crucial pour la France. Ce rendez-vous mérite mieux que l'invective et la polémique. Personne ne devrait oublier le 21 avril !

Il faut que la réforme réussisse. Elle réussira si les Français sont assurés qu'elle est juste. Pour l'UDF, la justice passe d'abord par l'égalité de tous devant la retraite. Nos concitoyens doivent avoir les mêmes obligations et les mêmes droits, quel que soit leur régime de retraite (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

La justice, c'est ensuite l'équité, c'est-à-dire la prise en considération des situations exceptionnelles. Pour l'UDF qui se félicite des propositions constructives que vous venez d'émettre sur ce sujet, les métiers pénibles et usants doivent bénéficier d'un départ anticipé, et les salariés qui ont travaillé très tôt partir avec une retraite à taux plein au terme de leurs quarante années de cotisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). La justice, c'est enfin que la retraite minimale permette de vivre décemment. C'est pourquoi nous défendons le principe d'une pension minimale représentant 90 % du SMIC. Etes-vous prêt à intégrer ces propositions de justice dans votre projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Je vous remercie de soutenir ainsi la réforme que le Gouvernement construit avec les partenaires sociaux, et bientôt avec les parlementaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Je vous remercie de soutenir l'idée d'un effort partagé et équitable, qui portera à la fois sur l'allongement de la durée de cotisation, comme le font tous les pays européens (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et sur une augmentation des cotisations lorsque le retournement démographique permettra d'alléger celles du chômage.

La question de la pénibilité devra être traitée entre les partenaires sociaux à l'intérieur de chaque branche. De même que le pollueur de l'environnement doit payer, ceux qui font travailler des salariés dans des conditions difficiles devront, de façon mutualisée, financer le surcoût du départ anticipé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Pour les plus petites pensions, le Gouvernement a retenu le taux minimum de 75 % du SMIC. Nous sommes toutefois ouverts à des propositions qui n'aggraveraient pas le déficit de l'assurance vieillesse. Pourquoi 75 % ? Parce que ce taux est celui retenu pour les retraites agricoles - et suggéré, qui plus est, par François Bayrou au cours de la campagne présidentielle (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP). Mais nous sommes prêts à le faire évoluer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

JOURNÉES NATION-DÉFENSE

M. Camille de Rocca Serra - La semaine dernière, dans de nombreuses villes, se sont tenues les premières journées « Nation-Défense ». Les Français ont ainsi participé à des démonstrations et visites d'équipements militaires et rencontré les professionnels sur lesquels repose la défense de notre pays. L'objectif de ces journées était de mieux faire connaître l'armée au public et d'établir un dialogue entre les Français et les militaires, afin de renforcer la cohésion entre les citoyens et ceux d'entre eux qui sont appelés à les défendre.

Quel bilan, Madame la ministre, tirez-vous de ces journées ? Quelles initiatives comptez-vous prendre pour resserrer le lien entre la nation et son armée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Oui, ces premières journées ont rencontré un vif succès. Dans une centaine de villes, les Français ont découvert les matériels et les savoir-faire dont disposent nos militaires. Surtout, ils ont dialogué avec ceux qui, de l'Afghanistan à la Côte-d'Ivoire en passant par les Balkans, défendent nos valeurs, sont prêts à endurer des contraintes et même à sacrifier leur vie pour défendre nos concitoyens.

500 000 Français sont ainsi venus à la rencontre des militaires ; 1 200 000 autres ont consulté le site internet de cette opération. Voilà qui démontre l'intérêt et l'attachement que portent les Français à leur armée. En même temps, de façon peut-être moins visible, ont été instaurés les « réservistes-jeunes », dispositif destiné à rapprocher la jeunesse de l'armée.

Pour la suite, nous comptons développer les réserves et rendre la journée d'appel et de préparation plus vivante et plus moderne. C'est ainsi que nous renforcerons les liens entre les Français et leurs armées, pour la plus grande satisfaction de tous.

Naturellement, nous renouvellerons ces journées Nation-Défense (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

INDEMNISATION DE LA CATASTROPHE DU PRESTIGE

M. Daniel Poulou - Grande est l'indignation des élus de la côte atlantique et de tous les professionnels et particuliers touchés par le naufrage du Prestige, depuis l'annonce du montant de l'indemnisation proposée par le FIPOL. Seuls 15 % des dommages seront en effet indemnisés, alors que le montant des indemnités demandées par l'Espagne, la France et le Portugal et par les personnes privées victimes du désastre, dépasse 1 milliard. Or le FIPOL ne dispose que de 184 millions d'euros.

Face à cette situation, vous avez demandé, Madame la ministre, que la France ne sollicite pas d'indemnité tant que les personnes privées ne seront pas indemnisées. Le geste est noble, mais le taux d'indemnisation reste faible. Qu'en est-il aujourd'hui de l'indemnisation ? Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - Le FIPOL est un fonds d'assurance alimenté par les contributions des pétroliers. Le plafond des indemnisations qu'il verse aux victimes des marées noires est fixé à 175 millions. Face aux dégâts provoqués par le Prestige, ce fonds ne suffira pas à couvrir les préjudices subis et nous ne connaissons pas exactement le montant des factures : ainsi, l'Espagne annonce des chiffres variant de 300 millions à 1 milliard. Nous devrons quant à nous attendre la fin de la saison touristique pour procéder à une évaluation précise.

Le Gouvernement a pris les dispositions nécessaires pour que les plages soient nettoyées au fur et à mesure de l'arrivée de la marée noire. Les Français doivent le savoir, nos plages sont propres, de l'Aquitaine à la Bretagne - sans oublier les Pays de la Loire ni, bien sûr, Poitou-Charentes... (Sourires) Ils peuvent y venir en vacances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Nous renforçons également, avec Gilles de Robien et Dominique Bussereau, notre dispositif de sécurité maritime : 25 % des bâtiments dangereux sont aujourd'hui inspectés ; nous avons éloigné de nos côtes plus de cinquante bateaux voyous qui risquaient de les polluer.

Nous poursuivons enfin la négociation avec le FIPOL - qui se réunit aujourd'hui même, à Londres, dans une conférence diplomatique que je suis au jour le jour - afin que soit relevé le plafond d'indemnisation. Celui-ci doit être porté à 275 millions au 1er novembre 2003, puis à un milliard d'euros.

L'Etat s'effacera devant les créanciers individuels pour hâter le processus mais, pour le Gouvernement, le seul taux convenable est de 100 % : celui de 15 % est honteux et inacceptable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

RÉFORME DES RETRAITES

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Les masques tombent. Les Français s'aperçoivent que votre politique économique et sociale n'est pas celle qu'ils espéraient (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Emploi, éducation, retraites : sur tous ces aspects de votre politique, les Français portent en effet un jugement très négatif.

Peu à peu, vous remettez en cause des éléments fondamentaux du pacte social. « L'avenir des retraites n'est ni de droite ni de gauche », dites-vous, mais votre réforme va contre les revenus modestes. Vous ne proposez rien d'autre aux Français que de travailler plus longtemps, et vous vous gardez bien de leur dire quel sera le montant de leurs pensions ! En refusant de vous engager sur ce point, vous rompez le pacte social, vous fragilisez l'activité économique, et vous préparez un bien mauvais vieillissement à une grande majorité de Français. Votre objectif est clair : ouvrir la porte aux financements individuels, privés, donc à la capitalisation (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Il y a d'autres solutions : un financement plus juste, un effort particulier pour ceux qui exercent des métiers pénibles, une prise en compte des inégalités d'espérance de vie. Ma question est donc simple : quel sera le montant des retraites des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - La réforme que nous proposons permet, en allongeant très progressivement la durée des cotisations pour tenir compte de l'allongement de la durée de la vie, de maintenir le niveau des pensions. Sans réforme, ce niveau chuterait de près de 50 % en 2020.

Le revenu moyen des retraites est aujourd'hui égal à celui des revenus des actifs. Dans les vingt ans à venir, le revenu des retraités continuera d'augmenter en fonction du coût de la vie. Ce sont les jeunes, en revanche, qui sont aujourd'hui les plus fragilisés ; nous ne voulons pas faire peser sur eux des cotisations supplémentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Vous oubliez, dans votre réquisitoire, qu'au 1er juillet le Gouvernement proposera une augmentation du salaire minimum...

Mme Martine David - Il y était obligé !

M. le Ministre - Oui, par les inconséquences de la loi sur les 35 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Le Gouvernement procédera donc à la plus importante augmentation du SMIC que l'on ait vue depuis des années. Contrairement à ce que vous prétendez, la très grande majorité des personnes qui gagnent le SMIC connaîtront une augmentation de salaire de 5 à 6 % (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La France, - je reprends le propos de Michel Rocard - est le pays d'Europe où il y a le plus d'épargne retraite. 700 milliards d'euros en assurance-vie, dans des conditions qui ne sont ni transparentes ni sécurisées. C'est pourquoi nous voulons remédier à cet inconvénient, en instituant les plans épargne salariés, dans le droit fil de ce qu'avait préconisé M. Fabius (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. Daniel Fidelin - La lutte contre la délinquance routière paraît se heurter à différents obstacles, dont ceux liés à l'espace judiciaire européen. Les sanctions prononcées par un Etat membre de l'Union se révèlent difficilement applicables dans les autres, faute d'accord exprès en ce sens. Il en va ainsi, en particulier, du recouvrement des amendes. Or, la semaine dernière, Monsieur le Garde des Sceaux, vous êtes parvenu à un accord avec vos homologues sur le principe d'une reconnaissance mutuelle des peines d'amende, couvrant une trentaine d'infractions dont les délits routiers.

M. Maxime Gremetz - Bridons les voitures ! Assez d'hypocrisie !

M. Daniel Fidelin - Pouvez-vous préciser la portée de cet accord ainsi que les dispositions adoptées pour assurer une plus grande efficacité aux sanctions prononcées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Jeudi dernier, nous sommes enfin parvenus, en effet, à un accord politique sur le système des sanctions financières entre Etats européens. Lorsqu'un ressortissant d'un Etat membre commettra une infraction routière, sur une route ou une autoroute françaises, passible d'une amende supérieure à 70 €, la justice française fera part de cette décision à l'Etat en question, et l'exécution y sera automatique.

Il y aura ainsi égalité de traitement entre les citoyens européens pour toute une série de délits et de contraventions, ce qui me paraît très positif pour la construction concrète de l'Europe.

On ne peut que se réjouir de cet accord, qui sera validé dans quelques mois et sera intégré dans nos législations nationales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. André Samitier - Le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, a fait de la lutte contre l'insécurité routière l'un des grands chantiers de son quinquennat (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

De nombreuses mesures de prévention, de contrôle et de sanction ont été prises, et le Parlement examine actuellement le projet de loi sur la lutte contre la violence routière.

Depuis quatre mois, le nombre de tués sur la route diminue. Cette tendance semble s'être poursuivie en avril, et le week-end pascal a été le moins meurtrier depuis quarante ans. Pouvez-vous confirmer cette tendance et détailler les résultats ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Les chiffres révèlent-ils un changement de comportement des conducteurs ? Quoi qu'il en soit, il est nécessaire de poursuivre l'effort. Avez-vous des perspectives d'action, notamment dans le domaine de la prévention, et plus particulièrement en direction de la jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Vous avez raison : les résultats du mois d'avril confirment une tendance que l'on observe depuis l'été de 2002. 405 personnes ont encore trouvé la mort sur les routes le mois dernier, mais c'est 175 de moins qu'en avril 2002. Le nombre de blessés a également baissé de 2 641, même s'il atteint encore les 10 000.

Il n'est donc pas question de relâcher notre effort.

Le Gouvernement a lancé une campagne de communication intitulée : « On n'a aucune bonne raison d'aller vite ». La ligue contre la violence routière, qui fêtera à cette occasion ses vingt ans d'existence, organisera jeudi et vendredi prochains « vingt-quatre heures d'actions pour sauver vingt-quatre vies ». Une minute de silence sera observée, dans les écoles, à la mémoire des victimes de la violence routière.

Quant au projet de loi contre la violence routière, il a déjà fait l'objet d'une lecture dans chaque assemblée. Il comporte de nouvelles mesures coercitives, mais aussi l'instauration d'un permis probatoire. Nous en attendons des résultats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

RÉFORME DES RETRAITES

M. Jean Le Garrec - Avec beaucoup de gravité et de calme, comme les millions de citoyens qui manifestent aujourd'hui, il est normal que je continue de vous interroger sur le très grave problème des retraites.

71 % des salariés sont hostiles à votre projet.

Plusieurs députés UMP - C'est faux !

M. Thierry Mariani - Qu'avez-vous fait ?

M. Jean Le Garrec - Nous ferons, le moment venu, des propositions alternatives (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

N'utilisez pas, Monsieur le ministre, des mots comme « indécence ». C'est insultant et déplacé. Le sujet mérite d'autres vocables et d'autres arguments.

Votre réforme, injuste, n'est même pas équilibrée à l'horizon 2008 : vous voulez la financer par le transfert des cotisations du chômage. C'est un pari risqué, comme le montrent les résultats de votre politique de l'emploi.

Vous refusez, par ailleurs, d'alimenter le fonds de réserve. Vous proposez un redéploiement des prélèvements obligatoires, mais sans donner aucun élément chiffré. Vous faites donc peser l'essentiel de l'effort sur les salariés du privé et du public.

Cette absence de cohérence dans le financement montre que vous avez une autre idée en tête : faire entrer par la fenêtre les fonds de pension auxquels nous avons fermé la porte, ce qui renforcera encore les inégalités.

Injustice aujourd'hui, projet non maîtrisé demain, voilà ce que les citoyens refusent, voilà ce que nous combattrons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Avec la même gravité et avec le même calme, je vous dis que je suis très curieux de connaître votre projet alternatif... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Si vous voulez que nous le prenions en compte, ne tardez pas : le projet sera examiné en Conseil des ministres dans quinze jours... (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

S'agissant de la cohérence des positions du parti socialiste, vous m'obligez à quelques rappels... « Il pourrait être envisagé de prendre en compte, et en contrepartie de l'allongement des cotisations, une partie des primes des fonctionnaires dans le calcul » : Lionel Jospin, 21 mars 2000 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). « Il faut discuter de l'allongement de la durée de cotisations » : François Hollande, avril 2002 (Mêmes mouvements). « La formule qui nous paraît mieux à même de maintenir le niveau des salaires d'aujourd'hui et des retraites de demain, c'est effectivement un allongement progressif de la durée de cotisation » ; François Hollande à RTL, en 2000 (Mêmes mouvements). « Je crois qu'on doit aller vers une certaine harmonisation entre les différents régimes, régime général et régime fonctionnaires » : Laurent Fabius, 20 mars 2000 (Mêmes mouvements ; huées sur les mêmes bancs).

J'en viens à vos deux questions précises. Vous dites que nous ne voulons pas abonder le fonds de réserve. Mais si : nous l'avons déjà fait presque autant que vous et nous continuerons. Mais ce fonds ne sera utile qu'entre 2020 et 2040, alors que notre réforme permettra d'aller jusqu'en 2020 (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Quant à l'idée que nous misons tout sur la baisse du chômage, on ne peut à la fois demander aux Français un effort en raison du retournement démographique et refuser qu'ils bénéficient des avantages de ce retournement. Quand, à partir de 2006, 300 000 personnes de plus partiront chaque année à la retraite, alors que des classes d'âge peu nombreuses arriveront en activité, il y aura bien un effet. Et si tel n'est pas le cas, nous serons dans une situation extrêmement difficile et il n'y aura pas d'autre solution que de baisser le niveau des pensions. C'est ce que nous voulons éviter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

AVENIR DE L'ÉCOLE NATIONALE DE SANTÉ PUBLIQUE DE RENNES

M. Philippe Rouault - Monsieur le ministre de la santé, certaines informations laissent entendre que, dans le cadre du projet relatif à la politique de santé publique, l'Ecole nationale de la santé publique, basée à Rennes, serait appelée à disparaître au profit d'une école des hautes études en santé publique qui naîtrait de la fusion entre l'ENSP et l'institut universitaire francilien de formation et de recherche en santé publique.

Une telle hypothèse suscite des inquiétudes à Rennes et en Bretagne, car l'ENSP est l'emblème d'une décentralisation réussie menée dans une démarche d'aménagement du territoire.

Je ne doute pas que votre politique de formation et de recherche prend place dans la définition d'une politique nationale de santé publique ambitieuse, rigoureuse et visible, destinée à améliorer la santé de toute la population. Pouvez-vous néanmoins nous rassurer quant à l'avenir de l'école et préciser vos intentions quant à la future école des hautes études en santé publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Je puis vous rassurer totalement : non seulement le Gouvernement n'a pas l'intention de supprimer l'ENSP de Rennes mais il est prêt à la renforcer en la dotant des capacités diplômantes qui lui font encore défaut.

Alors que nos besoins en santé publique s'accroissent - prévention, sécurité sanitaire, gestion des risques, lutte contre les épidémies -, nous ne disposons pas aujourd'hui des capacités de formation correspondantes. Or nous avons besoin de l'équivalent de Harvard ou de la London School. C'est donc autour de l'ENSP que nous voulons créer, avec Luc Ferry, le réseau de formation en santé publique qui répondra à nos exigences.

L'Ecole de Rennes n'est donc menacée ni dans sa localisation ni dans sa vocation pédagogique, qui est de former des administrateurs et des gestionnaires d'établissements, ainsi que des inspecteurs et des spécialistes en santé environnementale. Elle a donc tout à gagner à mener cette réforme avec nous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

LUTTE CONTRE L'ILLETTRISME AU COURS PRÉPARATOIRE

Mme Cécile Gallez - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, à l'entrée en sixième, 20 à 25 % des élèves ne comprennent pas ce qu'ils lisent, 10 % ne savent pas lire du tout. Cette situation inacceptable est incompatible avec la poursuite d'une scolarité normale, dont les premières années sont décisives.

Vous avez fait de la lutte contre l'illettrisme, une de vos priorités et, à la rentrée scolaire 2002, vous avez dédoublé 100 classes de cours préparatoire. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'impact de cette mesure ?

Par ailleurs, vous avez récemment manifesté votre volonté d'élargir cette expérimentation pour les élèves en difficulté dès la prochaine rentrée scolaire. Pouvez-vous nous préciser de quelle manière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - On le sait, 80 % des élèves qui n'apprennent pas à lire au CP n'apprennent jamais vraiment par la suite. C'est donc bien dans cette classe que tout se joue. C'est pourquoi j'ai décidé d'expérimenter, dès septembre 2002, 100 CP dédoublés, soit complètement, soit, aux moments d'apprentissage de la lecture. Les échos ont été si favorables que j'ai décidé de ne pas attendre 2004 pour procéder à un dédoublement massif.

Ainsi, dès la rentrée 2003, 20 000 élèves apprendront à lire par groupe de 10, dans 500 CP dédoublés complètement et 1 500 partiellement. 750 enseignants seront mobilisés, à cet égard, grâce aux 1 000 créations de postes inscrites dans la loi de finances 2003, alors que mon prédécesseur n'en avait prévu que 800.

En outre, et parce qu'il faut « mettre le paquet », 500 assistants d'éducation - utilisés sur le modèle des ASEM en maternelle, pendant le temps d'apprentissage de la lecture - permettront le dédoublement de 1 500 CP supplémentaires. Au total, ce sont donc 35 000 enfants qui apprendront à lire en petits groupes.

Enfin, je rappelle que la direction de la prospective du ministère a fait savoir dès 1996 que 25 % des écoliers ne savaient pas lire à l'entrée en 6ème. Depuis lors, on a beaucoup parlé de l'illettrisme, mais on n'a pratiquement rien fait (Applaudissements bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 15.

      CHASSE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la chasse.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - Au moment où notre pays est confronté à des tensions internationales et où nos concitoyens se préoccupent de l'avenir des retraites, on pourrait s'étonner que le Gouvernement présente un projet de loi sur la chasse.

M. Yves Cochet - On s'en étonne, en effet !

Mme la Ministre - Face aux menaces qui pèsent sur notre planète, aux immenses défis à relever pour préserver l'environnement, et sur lesquels tout mon ministère se mobilise, il pourrait paraître futile de s'intéresser à un loisir.

Mais parler de chasse, c'est aussi aborder les problèmes de la ruralité, de la gestion des territoires, de la préservation des habitats et de la biodiversité. Dans notre pays, il n'est pratiquement plus de territoire qui n'ait été façonné par l'homme. Ainsi les grands massifs forestiers ont été aménagés par lui pour la pratique de la vénerie et préservés au fil des siècles. Aux côtés des propriétaires et gestionnaires de ces territoires, les chasseurs ont une responsabilité qu'on ne saurait minimiser.

Je remercie le groupe UMP de m'avoir donné l'occasion, le 11 février dernier, de vous présenter ma vision de la chasse, des perspectives et un calendrier de travail. Depuis lors, la concertation a été élargie pour avancer dans la voie des réformes. L'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats a été installé, son organisation et sa composition précisées par l'arrêté du 15 février ; son conseil scientifique, composé de onze membres nommés par moi sur proposition des chasseurs et des institutions scientifiques, a commencé son travail, avec un programme qui porte notamment sur la connaissance des oiseaux migrateurs et de leurs habitats. J'en attends des éléments permettant de fixer dès cette année des périodes de chasse incontestables sur le plan scientifique.

M. Jérôme Bignon - Très bien !

Mme la Ministre - Je lui ai demandé en particulier de régionaliser les données. C'est pourquoi je ne propose pas de fixer les périodes de chasse dans la loi (Assentiment sur divers bancs), laquelle, de même que les directives européennes, doit fixer des principes, et non des dates qui dépendent de considérations naturelles, tels le climat et la dynamique propre des populations d'oiseaux. En outre, la gestion des populations et des territoires doit être intégrée et ne saurait reposer sur un calendrier de chasse. Elle passe par une connaissance des populations au niveau européen et, mieux encore, à celui du paléarctique occidental.

Le second principe est celui de la responsabilisation des acteurs. Ce projet y contribue grandement.

Mon troisième principe consiste à simplifier la réglementation. Comme je l'avais annoncé, un groupe de travail a été constitué et je remercie M. Antoine Carré d'y participer. Ce groupe m'a remis un rapport d'étape concernant les pratiques quotidiennes de la chasse, et ses propositions seront reprises dans le projet de loi concernant la ruralité ou par voie réglementaire.

Enfin, je voulais rétablir la confiance entre les chasseurs et les pouvoirs publics. Après s'être détournés de leur ministère de tutelle, les représentants des chasseurs ont repris leur place parmi ceux des institutions reçus avenue de Ségur.

M. Yves Cochet - Nous les avions reçus aussi !

Mme la Ministre - Au terme de nombreuses réunions de travail, la situation est désormais normalisée. Le discours critique que certains s'emploient à maintenir au niveau national est d'ailleurs démenti par la cordialité de l'accueil lors de mes rencontres avec les chasseurs, et nous n'entrerons pas dans le jeu de ceux qui ont intérêt à attiser les contestations. Un médiateur a été nommé pour résoudre le contentieux complexe entre l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et les fédérations, concernant les frais de garderie et les réserves. Au-delà il faut tracer de vraies perspectives à l'Office et rétablir la confiance entre lui et ses partenaires.

Ce projet est donc, dans le prolongement des orientations définies le 11 février, l'une des étapes législatives pour traiter de la chasse. La première a été la loi d'habilitation que vous avez examinée en première lecture, et dont l'article 9 autorise le Gouvernement à mettre en place par ordonnance un guichet unique pour la validation annuelle du permis de chasser. Les fédérations qui le souhaitent pourront le mettre en place dès cette année. La prochaine sera la loi sur la ruralité qui, dans son chapitre sur la chasse, traitera de la protection des territoires et des habitats, des schémas départementaux de gestion cynégétiques, de l'équilibre entre chasse, agriculture et forêt et de l'indemnisation des dégâts commis par le gros gibier dans les cultures et qui reprendra les propositions du groupe d'études. En 2004, enfin, une loi sur le patrimoine naturel comportera d'autres mesures sur la chasse et la gestion de l'habitat, au terme de la réflexion engagée en particulier sur les nuisibles. Nous pourrons donc traiter les sujets de façon progressive, par grands thèmes à mesure de l'avancement des travaux et des consultations. Par ailleurs, le travail sur les textes réglementaires se poursuit ; ainsi les textes d'application de cette loi vous ont été soumis, par souci de transparence.

J'en viens au projet lui-même, issu d'un long travail préparatoire avec les chasseurs et le groupe d'études parlementaire sur la chasse. Je les en remercie, en particulier Jean-Claude Lemoine, président du groupe et rapporteur de la loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le projet a également été soumis aux instances de conseil de mon ministère et aux associations de protection de la nature.

Il aborde principalement deux thèmes : la pratique de la chasse - avec l'abrogation de l'interdiction de chasser le mercredi - et la réforme des statuts des fédérations. Peut-être moins attendu, ce volet se compose des treize premiers articles de la loi - sur dix-sept. Il convenait en effet de restaurer la confiance en supprimant des dispositions, considérées comme vexatoires, de la loi du 26 juillet 2000. Le statut associatif des fédérations est rappelé, les différentes catégories d'adhérents précisées et le mode de scrutin adapté pour redonner leur place aux associations intermédiaires qui gèrent les territoires.

Par ailleurs, les conditions de représentation sont assouplies, afin de faciliter l'organisation des assemblées générales. Le nombre de pouvoirs autorisés passe de 10 à 50 pour un adhérent. Les contrôles, parfois redondants, sont allégés, et l'assemblée générale retrouve la pleine responsabilité de fixer le niveau des cotisations. Un contrôle a priori est institué en ce qui concerne l'indemnisation des dégâts de gibier et la formation à l'examen du permis de chasser. Enfin, le projet de loi soumet chaque fédération au contrôle d'un commissaire aux comptes. Ces réformes rétablissent un juste équilibre entre la confiance qu'il convient d'accorder à ces associations, dont les instances délibératives doivent pouvoir jouer pleinement leur rôle, et les contrôles permettant à l'Etat de s'assurer que les missions d'intérêt général ont été remplies.

L'article 14 concerne le statut des associations communales de chasse agréées, qui doivent intégrer à leur statut des clauses obligatoires prévues par un décret en Conseil d'Etat. Il donne un fondement légal à ce texte réglementaire. L'article 15 concerne le fichier national des permis de chasser, institué par la loi du 26 juillet 2000 et géré par l'ONCFS. Il sera élargi à la validation du permis de chasser. Ainsi, le fichier sera actualisé chaque année. Cette mesure, ajoutée à la mise en place du guichet unique, permettra aux fédérations de s'assurer qu'un chasseur demandant la validation de son permis n'est pas frappé d'une mesure de suspension dans un autre département.

L'article 16 concerne l'abrogation du mercredi sans chasse. Cette question est devenue omniprésente dans le débat car elle n'a pas bien été traitée. Elle est en tout cas emblématique de l'extrême complexité juridique du dossier. L'interdiction générale de la chasse le mercredi a été posée par la loi du 26 juillet 2000 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Yves Cochet - C'est votre recours devant le Conseil constitutionnel qui en est à l'origine !

Mme la Ministre - Elle ne correspond pas au texte initial, qui prévoyait la possibilité de fixer le jour de non-chasse en fonction des circonstances locales. L'interdiction du mercredi repose sur un malentendu : le partage de l'espace comme moyen de régler les questions relatives à la sécurité. Par ailleurs, elle laisse penser que la chasse est une activité dangereuse pour les non-chasseurs, ce qui est faux, surtout si on la compare à d'autres activités sportives (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). L'amélioration de la sécurité des chasseurs comme des non-chasseurs tient davantage à l'examen du permis de chasser, lequel comprendra à partir de cette année une épreuve pratique sur la sécurité, aux consignes données par les responsables de la chasse - je veillerai à ce que des dispositions concernent les personnes handicapées - et à l'information délivrée sur le terrain lors des chasses.

Les dispositions de la loi du 26 juillet 2000 n'ont d'ailleurs eu aucun effet sur les statistiques des accidents de chasse mettant en cause des non-chasseurs. Mais, en rigidifiant le système, la loi a abouti à ce que les préfets, qui avaient fixé un ou plusieurs jours de non-chasse dans leur département, à la demande des fédérations de chasseurs, s'en tiennent désormais au seul mercredi... Le porte-parole de l'une des principales fédérations régionales de protection de la nature avait lui-même qualifié cette mesure de « petite supercherie », car il existait déjà dans la plupart des départements un jour sans chasse... Rendons à chaque territoire sa vocation première, sans atteinte au droit de propriété et en respectant les principes d'ouverture et d'accueil chers à notre pays. Il n'est pas de territoire façonné par l'homme qui n'appartienne à quelqu'un, mais ils sont traditionnellement, sous certaines conditions, ouverts à tous. Dans les territoires ouverts au public, l'usage est de ne pas chasser les jours de forte fréquentation. L'Etat, dans ses forêts domaniales, ne fixe pas les jours de non-chasse, mais les jours de chasse ! L'ONF interdit, dans les forêts domaniales très fréquentées, la chasse à tir certains jours de la semaine. C'est pourquoi, dans le respect du droit de propriété, je souhaite rendre l'initiative aux acteurs de terrain, afin qu'ils parviennent à des solutions consensuelles et adaptées aux situations locales.

Je vous sais partagés sur ce sujet. Certains souhaitent l'abrogation pure et simple de cette mesure, alors que d'autres, conscients des difficultés, préconisent le statu quo. Le projet de loi abroge l'interdiction nationale du mercredi et conforte le dispositif antérieur à la loi de 2000, en rendant l'initiative aux fédérations pour proposer au préfet un jour sans chasse à tir. Je sais que certains ont d'autres solutions, et nous en discuterons au cours du débat. Enfin, le dernier article concerne le déplacement des hutteaux. Cette mesure de simplification permet de prendre en compte le caractère particulier de ces postes fixes installés pendant les périodes de chasse.

Ce projet n'a pas la prétention de régler tous les problèmes de la chasse : beaucoup sont d'ordre réglementaire ou relèvent de l'initiative des chasseurs, qu'il favorise. Il est un signe de confiance envers les chasseurs, acteurs de l'espace rural, qui apportent une contribution significative à la connaissance et au maintien de la biodiversité. C'est ainsi que les chasseurs doivent être perçus par la société. Ce projet répond à la double préoccupation de maintenir dans notre pays une chasse vivante, démocratique et durable et d'assurer la préservation d'une faune sauvage et d'habitats menacés par l'urbanisation, la pollution et certaines pratiques agricoles. Cette nouvelle vision de la chasse s'appuie sur trois principes : responsabilité, décentralisation et développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques - Il y a environ un an, Madame la ministre, vous avez fait un très bel héritage. Il y avait dans le fond de la corbeille de votre ministère le dossier ô combien passionnant de la chasse, cette activité qui a joué un rôle si important dans l'histoire de l'humanité, qui a acquis une dimension sociale et culturelle et est considérée comme une tradition populaire ou une activité sportive ou de détente.

M. Yves Cochet - C'est bien le cas de le dire !

M. le Rapporteur - Une activité considérée par tous comme étroitement liée à la vie de nos campagnes et à notre art de vivre. La chasse, son histoire vraie et légendaire, a inspiré nombre d'écrivains, de Chateaubriand à Dominique Venner qui écrit qu'« avec la chasse, le mot à retenir est amoureux ». C'est imprégnés de cette phrase que nous devons aborder ce sujet passionnant, mais qui doit être dépassionné. Après des décennies de contestation et de contentieux, tout est à rebâtir.

Reconstruire la chasse française est un défi enthousiasmant. La France dispose du plus bel espace naturel d'Europe. Elle a exporté moult traditions de chasse, mais elle est loin de tirer de son territoire les satisfactions que les chasseurs sont en droit d'en espérer et les revenus cynégétiques que les agriculteurs et les propriétaires sont en droit d'en attendre. Avec vous, Madame la ministre, nous savons que cette reconstruction est en route. Nous voulons mettre en place une chasse durable, respectueuse des espèces et de la liberté de tous, adaptée à l'évolution de la société et dans un environnement favorable. Nous attendions donc ce projet de loi avec impatience. Il ne traite qu'une infime partie des problèmes, mais nous arrive après de larges concertations et beaucoup de textes réglementaires qui étaient indispensables.

Il y a quelques semaines, vous avez rappelé l'important travail accompli : les actions engagées, comme la simplification de la validation du permis de chasser, ou celles qui ne sont encore que la source de beaucoup d'espoirs, telles les conclusions de l'Observatoire de la faune sauvage. Vous nous avez entretenus des nombreux problèmes à résoudre, qui sont absents de ce texte, comme ceux relatifs à l'ONCFS, à la garderie, aux dégâts de gibier ou aux dates d'ouverture de la chasse. Nous étudierons tous ces sujets dans les mois à venir et nous approuvons votre décision d'en repousser l'examen pour mener les concertations encore nécessaires. C'est pourquoi la commission a repoussé presque tous les amendements qui y étaient relatifs.

Ce texte représente une deuxième étape décisive : il permettra de réconcilier ville et campagne et de restaurer un climat serein. Il a pour ambition de responsabiliser les associations et fédérations de chasseurs, qui seront libres d'adapter leurs pratiques aux attentes de la société d'aujourd'hui et verront disparaître des contrôles humiliants et inutiles. Il vise également à déconcentrer nombre de décisions, car chaque territoire présente des spécificités qu'il faut respecter et des traditions qu'il faut conserver.

Mme Sylvia Bassot - Très bien !

M. le Rapporteur - Ces principes permettront de restaurer la confiance. Tous les acteurs bénéficieront de la meilleure lisibilité de la réglementation, qui fait appel à leur réalisme et à leur faculté d'adaptation. Redonner confiance est la première étape à franchir pour reconstruire la chasse.

En présentant votre texte, Madame la ministre, vous avez déclaré que rien n'était « figé ». C'est pourquoi les membres de la commission y ont apporté quelques modifications, sous forme d'amendements. Ceux qui ont été retenus ont été adoptés à une large majorité. Ce sont tous des amendements de précision ou de simplification.

Tous les amendements adoptés, y compris celui qui réécrit partiellement l'article 16, respectent la philosophie de votre texte, qui vise à responsabiliser davantage les acteurs de la chasse et à déconcentrer les décisions de façon qu'elles tiennent le plus grand compte possible des réalités locales. Ainsi avons-nous calqué la procédure de contrôle du budget des fédérations sur celle applicable au budget des collectivités, qui concilie autonomie de gestion et contrôle des missions de service public ; légalisé la chasse de nuit dans des départements où la loi de 2000 l'avait interdite, sans justification valable ; rétabli la tradition, ancestrale, de la chasse de nuit du sanglier en Alsace-Moselle, laquelle permet d'ailleurs de réguler l'espèce.

    M. André Schneider - Tout à fait !

M. le Rapporteur - La commission invite l'Assemblée à accepter cet excellent texte, avec les quelques modifications qu'elle y a apportées. Une fois ce texte adopté, les problèmes pendants pourront être traités sereinement, dans un climat apaisé, afin de réinventer, à la satisfaction de tous, une nouvelle chasse qui sera celle du XXIe siècle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - S'il est un sujet susceptible d'enflammer toutes les passions, c'est bien celui de la chasse. Passion des chasseurs, pour qui cette tradition ancestrale, profondément ancrée dans chacun de nos territoires, est à la fois un sport, un moment de détente et de convivialité, un art de vivre, comme vous l'avez dit vous-même, Madame la ministre, qui permet une osmose entre l'homme, la faune et le milieu, dans le respect des équilibres naturels. Passion des défenseurs de la nature, dont certains refusent obstinément de voir le rôle de la chasse dans la régulation des espèces. Ces passions ont, hélas, été exacerbées ces dernières années par les maladresses du gouvernement précédent, dont l'action en ce domaine était dictée par les Verts, membres de la majorité d'alors (M. Cochet s'exclame ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La loi provocatrice du 26 juillet 2000, loin d'apaiser les conflits entre chasseurs et opposants à la chasse, les a au contraire amplifiés.

Mme Sylvia Bassot - Tout à fait !

M. le Président de la commission - Le candidat Jacques Chirac s'étant opportunément engagé à revenir sur cette loi, le Gouvernement, sous votre tutelle, avec l'aide de plusieurs d'entre nous, a cherché le moyen d'en finir avec une situation à la fois incertaine sur le plan juridique et intenable sur le plan politique. La loi de juillet 2000 ne satisfaisait personne, allant même à l'encontre des objectifs recherchés par ses inspirateurs. De l'aveu même de certains porte-parole d'associations de défense de la nature, c'était une supercherie. En effet, alors qu'il existait, dans la plupart des départements, des jours de non-chasse, la loi, contraignant plutôt que de faire confiance, a abouti à ce qu'on les supprime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Dans ce contexte, vous avez, Madame la ministre, ouvert une large concertation en février dernier - un débat a eu lieu ici même - qui a permis de définir des objectifs, aujourd'hui repris dans ce texte, fruit à la fois du dialogue renoué dès mai 2002 avec la fédération nationale des chasseurs, des travaux conduits au sein du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, de la concertation engagée avec le groupe d'études parlementaire sur la chasse présidé par Jean-Claude Lemoine, auquel je tiens à rendre hommage, ainsi qu'à tous les membres du groupe, pour leur travail exemplaire. Le texte présenté aujourd'hui permettra de remédier aux dysfonctionnements nés de la loi Voynet.

M. Yves Cochet - Non.

M. le Président de la commission - Je vous remercie, Madame la ministre de l'écologie, d'avoir lancé, avec détermination mais aussi objectivité, cette concertation, et d'avoir su trouver les voies du consensus.

Votre texte redonne confiance aux acteurs de la chasse et les responsabilise. C'est un témoignage de confiance à leur égard et de reconnaissance de leur rôle dans les territoires. A l'heure où chacun célèbre les vertus de la décentralisation, les chasseurs ne comprendraient pas que la chasse demeure gérée au niveau central. Les futurs schémas départementaux de gestion cynégétique répondent à ce souci de proximité. Redonner confiance et responsabiliser exige aussi d'alléger les contrôles instaurés par la loi Voynet. Le contrôle a priori du budget des fédérations départementales sera ainsi supprimé, comme cela est normal : quel élu local accepterait une telle mise sous tutelle de sa politique budgétaire ? La confiance retrouvée avec les chasseurs devrait aussi permettre de régler le problème né de la disposition la plus contestée de la loi Voynet, l'institution d'un jour de non-chasse. La rigidité même de cette loi, incompatible avec la diversité des pratiques locales, la condamnait. Tout en comprenant que certains de nos concitoyens puissent souhaiter le maintien d'un jour hebdomadaire de non-chasse, je souscris à la position d'une large majorité de la commission qui a suivi son rapporteur en supprimant toute référence à un jour ou des jours de non-chasse. Dès que les fédérations, renouant avec la pratique ancienne, pourront fixer librement un jour de non-chasse, sans y être en rien contraintes par la loi, elles le feront d'elles-mêmes tout naturellement, j'en ai la certitude, et la lettre adressée au rapporteur par le président de la fédération nationale des chasseurs va dans ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Je les appelle à faire cet effort, mais je sais qu'elles n'ont pas besoin qu'on le leur demande.

S'agissant de la date de la chasse aux oiseaux migrateurs, je souhaite que l'Assemblée adopte la position de la commission, laquelle a souhaité distinguer entre ce qui relève de la loi et ce qui relève du règlement. Tous amendements tendant à revenir aujourd'hui sur ces dates seraient contraires à la directive européenne Oiseaux. A ma demande, la commission a donc repoussé les amendements sur le sujet et je souhaite qu'après débat, ceux-ci puissent être retirés en séance publique. Il nous faut légiférer en fonction des compétences du Parlement, et non des v_ux de tel ou tel. Le Gouvernement s'est engagé en ce domaine dans une démarche constructive. L'Observatoire mis en place permettra de disposer de nouvelles expertises scientifiques, sur la base desquelles certaines dates pour certaines espèces pourront être renégociées à Bruxelles. Sur ce point, nous vous faisons confiance, Madame la ministre.

De même, le texte de M. Gaymard, prévu pour juin, comportera certaines dispositions concernant la chasse. La commission a, là aussi, souhaité que les amendements y ayant trait par anticipation soient retirés. Il s'agit aujourd'hui de voter un texte répondant à l'urgence et donnant satisfaction aux chasseurs.

En conclusion, je formule le souhait que ce texte permette de mieux faire comprendre la chasse par notre société et de réduire la fracture entre chasseurs et non-chasseurs, encourageant au contraire au dialogue entre eux...

M. Jean-Claude Perez - Alors, ça !

M. le Président de la commission - Vous avez vous-même ce matin en commission adopté certains de nos amendements et nous avons approuvé certains des vôtres.

M. Jean-Claude Perez - C'est vrai.

M. le Président de la commission - Merci de le reconnaître.

Ce projet de loi supprime ce qui était ressenti comme une profonde injustice par les chasseurs. Qu'une tradition ancestrale, présente sur tout notre territoire, puisse vivre, telle est notre ambition. Qu'elle soit respectueuse des équilibres naturels, telle est aussi notre volonté. Nous remercions le Gouvernement de ce texte et Mme la ministre de son objectivité et de son esprit de concertation.

M. Le Garrec remplace M. Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Maxime Gremetz - Rappel au règlement. Il est vraiment surréaliste de débattre aujourd'hui de la chasse alors que la France est paralysée par un mouvement social. Il y a 15 000 manifestants dans les rues d'Amiens...(Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Mme Sylvia Bassot - Ridicule !

M. Maxime Gremetz - Moi, cela me gêne.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Maxime Gremetz - J'ai en main des documents, des déclarations, des citations émanant de la majorité. Ainsi nous pourrons éviter les faux débats !

Je dispose d'une heure et demie pour défendre l'exception d'irrecevabilité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je ne suis pas l'auteur du Règlement ! J'ai donc tout mon temps pour faire le tour de la question.

M. Christian Estrosi - C'est une provocation à l'égard de la France qui est dans la rue !

M. Maxime Gremetz - Cette France ne manifeste pas en faveur de votre projet sur la chasse, mais pour défendre la retraite par répartition !

Nous sommes favorables à une loi sur la chasse, mais une vraie, qui tienne compte de toutes les préoccupations quotidiennes des chasseurs. Or, le Gouvernement a décidé, pour des raisons politiciennes, de fractionner les mesures indispensables entre trois projets, comme s'il avait peur ou honte de parler de chasse de façon claire.

Le projet d'aujourd'hui ne comporte qu'un seul article portant directement sur l'existence quotidienne des chasseurs de France (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Peut-être n'êtes-vous pas pressés, mais les chasseurs le sont, après que vous leur avez promis pendant la campagne électorale de tout régler en quelques instants (Mêmes mouvements).

M. Jean-Claude Perez - Eh oui !

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas moi qui ai promis de régler d'un seul coup la question des dates d'ouverture et de fermeture, celle du mercredi jour de non-chasse...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - C'est ce que nous faisons dans le texte !

M. Maxime Gremetz - Ne vous avancez pas trop ! Nous en reparlerons tout à l'heure.

Comment dépolitiser enfin le dossier de la chasse, que vous avez tant politisé à l'occasion des dernières campagnes électorales ?

Déjà, le 11 février, l'UMP nous a fait ici le coup du débat sans vote, ce que je voyais pour la première fois (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous n'aviez donc rien à proposer ni à décider !

De fait, malgré vos promesses électorales et après neuf mois aux affaires, vous ne saviez toujours pas ce qui, dans la loi Voynet, devait être réformé. C'est une façon de dire aux chasseurs, qui attendent, que vous disposez de cinq longues années, et que les réformes courageuses attendront. Il est possible que certains des honorables parlementaires de la majorité soient d'accord pour que les débats traînent le plus longtemps possible, et que le projet soit voté à la veille des élections cantonales et régionales de mars 2004 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Je ne serais pas étonné que vous prépariez ainsi une nouvelle tromperie électorale dans le dos des chasseurs, comme celle qu'a réalisée le Premier ministre entre les deux tours des dernières élections législatives.

Au surplus, Madame la ministre, votre administration travaille avec une telle lenteur que je comprends pourquoi vous multipliez les déclarations de bonnes intentions. C'est que le cabinet ministériel me paraît enfermé dans une tour d'ivoire et cultiver la pratique du secret. Bien sûr, j'ai écouté les belles déclarations d'amour à l'égard des chasseurs, que je connais bien dans la Somme. Mais comme Saint Thomas, les chasseurs ne croient que ce qu'ils voient (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La preuve, c'est qu'ils m'ont brillamment réélu !

Il faut que cessent les promesses, et que vous fassiez travailler vos services. Vous êtes la ministre de la chasse depuis un an, et vous savez que la plupart des réformes demandées par les chasseurs sont toujours à l'étude, alors qu'elles sont très souvent de nature réglementaire. Vous auriez donc pu procéder à un toilettage des textes peu après votre arrivée, pour simplifier la vie des chasseurs.

De plus, vous avez perdu plusieurs mois en refusant de recruter un véritable « Monsieur Chasse » dans votre cabinet. Même nos amis Voynet et Cochet, que la chasse n'intéressait pourtant pas beaucoup, n'ont pas commis ce genre de bévue (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Il vous a fallu cinq mois pour trouver un expert, que vous êtes allée chercher dans les chasses présidentielles de Chambord, ce qui n'est pas le meilleur symbole de défense de la chasse populaire.

Le Premier ministre a été plus rapide que vous, puisqu'il a nommé à Matignon dès juin 2002 un Monsieur Chasse, sans même, je crois, vous demander votre avis.

Ce délai de cinq mois signifierait-il que personne à l'UMP ne connaît vraiment le dossier chasse ? Auriez vous-même nommé un expert à votre cabinet si la FNC n'avait pas tapé du poing sur la table ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Vous n'avez vraiment rien à dire !

M. Maxime Gremetz - Que la FNC ait dénoncé avec vigueur, en octobre 2002, votre immobilisme est inquiétant, car les dirigeants de l'organisation représentative des 1 400 000 chasseurs n'avaient guère caché leur sympathie pour la nouvelle équipe gouvernementale. Comme ailleurs, vous pratiquez la seule méthode que vous connaissiez : communiquer au lieu de décider.

De qui se moque-t-on quand on sait que les réformes relatives à l'ONCFS, à la police rurale, aux dégâts du gibier, donc à l'argent des chasseurs, sont renvoyées à la loi sur les affaires rurales, dont l'examen est repoussé à la fin de l'année et le vote à la veille des élections régionales ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Vous allez, je le sais, refuser de parler des dates de chasse, qu'il faut pourtant impérativement faire figurer dans la loi, comme le demandaient si vigoureusement naguère nos collègues Lemoine, de Courson, Carrez, qui déclaraient à l'époque : « Une loi sur la chasse sans dates d'ouverture ni de fermeture, c'est se foutre de nous ! ». Dois-je reprendre la même expression ?

Va-t-on continuer à « se foutre de nous » et des chasseurs ? Nous avons déposé un amendement sur ce point, sur lequel nous demanderons un scrutin public.

Où est le beau programme de l'UMP sur la chasse, que le Premier ministre a su si bien agiter au nez des électeurs du CPNT entre les deux tours des élections législatives ?

M. Jean-Claude Perez - Très bien !

M. Maxime Gremetz - La quasi-totalité des dispositions législatives et réglementaires relatives à la chasse pouvaient être mises en _uvre dans les six mois suivant votre arrivée. Hélas, les chasseurs vont devoir attendre deux ans, avec une réformette par ci et une déclaration d'amour par là. Alors que vous concoctez des mesures de rigueur et anti populaires, de nombreux sujets prioritaires pour les Français ne feront l'objet d'aucun débat au Parlement parce que l'ordre du jour est saturé. En revanche, nous aurons le grand plaisir de parler trois fois de chasse alors qu'un seul débat aurait largement suffi (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Nous avons bien compris votre stratégie politique : elle consiste à parler plusieurs fois du sujet sans toucher aux vrais enjeux qui nécessiteraient des choix politiques clairs et vous obligeraient à tenir vos promesses électorales. Les engagements du Président de la République et du Premier ministre n'ont pas été tenus. Communiquer vous tient lieu de politique en donnant l'impression que vous agissez. Vous êtes là, Madame la ministre, pour agiter ce leurre destiné à attirer l'électorat chasseur que vous allez priver par ailleurs de représentants avec la dernière manipulation des modes de scrutin pour les élections régionales et européennes.

L'Observatoire national de la faune sauvage illustre votre hypocrisie et votre double langage. Quoi de plus naturel que de vouloir bénéficier des données scientifiques les plus récentes pour pouvoir négocier avec la Commission européenne afin de modifier les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse d'oiseaux migrateurs en prenant en compte l'état des populations ?

Vous aviez fait de l'Observatoire une vitrine de votre engagement politique à l'égard des chasseurs de migrateurs, c'était même l'une des promesses du Président de la République, et c'est devenu, Madame la ministre, l'un de vos engagements depuis un an, puisque vous vous êtes battue pour que la chasse relève de votre ministère, ce qui me paraît être une erreur.

Le Premier ministre, dès le mois de juin 2002, a pris acte de l'urgence qu'il y avait à mettre en place cet Observatoire, affirmant que les marges de man_uvre pour l'ouverture de la chasse aux oiseaux d'eau en 2002 étaient réduites, à cause de l'héritage Voynet-Cochet.

Le chef du gouvernement s'est empressé d'ajouter que les premiers résultats des travaux de l'Observatoire permettraient d'avoir des dates d'ouverture et de fermeture très différentes en 2003. Matignon a donc publié un décret, le 17 juillet 2002, annonçant la création de cette instance miraculeuse, qui allait permettre d'élargir durablement les périodes de chasse, comme vous l'aviez promis lors de la campagne électorale.

Or, les chasseurs l'ont constaté : l'ouverture de 2002 pour la chasse aux gibiers d'eau a été la plus courte jamais connue, et sans vouloir jouer les Cassandre ni les oiseaux de mauvaise augure (Sourires), je crains que cette année il en aille de même.

Bien sûr, le Gouvernement fera porter la responsabilité sur le Conseil d'Etat qui, le 5 mai, vient de sanctionner les arrêtés de l'an dernier avec une approche encore plus restrictive.

Le Gouvernement ne nous dit pas tout. Entre la signature du décret et la publication de l'arrêté portant sur la composition des membres de l'Observatoire, il a fallu attendre sept mois, alors que quelques semaines auraient suffi. Pendant presque trente semaines, le cabinet a multiplié les projets visant à faire de cet Observatoire une véritable usine à gaz : trente organisations représentées, quatre collèges, deux secrétariats. Si l'on voulait que l'Observatoire échoue, on ne procéderait pas autrement.

Heureusement, quelqu'un a relu le décret que vous aviez signé, et découvert que tout y était écrit. Grâce à cette bonne âme, l'arrêté a été signé début février : l'Observatoire compte dix membres et un seul secrétariat. On y voit plus clair.

Lors du débat du 11 février, vous aviez annoncé que l'« Observatoire était sur les rails ». Encore un mensonge ! Un Observatoire sans programme, c'est comme un marais sans canards et sans chasseurs ! (Sourires)

Pour connaître les priorités du ministère de l'écologie quant à l'Observatoire, deux mois ont encore été nécessaires. La première réunion de travail a eu lieu à la mi-avril.

Votre remarquable directeur de cabinet a dressé le catalogue des travaux urgents en parlant du loup, de l'ours, du sanglier, et comme énième point seulement, des dates de chasse aux oiseaux migrateurs. Les scientifiques présents ont été atterrés. La prochaine réunion des scientifiques est annoncée pour le 28 mai.

Le premier programme d'études aurait pu être lancé en septembre 2002 et nous disposerions d'arguments scientifiques solides pour défendre les dates devant le Conseil d'Etat et la Commission. Au lieu qu'au début du mois de mai, sans aucune donnée nouvelle, le Conseil d'Etat a cassé les arrêtés, en rajoutant des motifs catastrophiques comme la confusion avec des espèces non chassables. Qui fera croire que tout cela n'est pas intentionnel ? Comment peut-on mentir à ce point aux chasseurs ? Mes amis de l'UMP, on ne vous a pas beaucoup entendu crier au loup devant pareille lenteur. C'est normal. Vous ne chassez l'électeur chasseur qu'en période d'ouverture électorale. Vous faites ensuite de votre mieux pour l'ignorer ou le mépriser. Un tel comportement désespère un grand nombre d'électeurs, notamment ruraux, qui se tourneront vers un vote protestataire de plus en plus extrême.

Depuis un an, le Gouvernement ne cesse de reprocher aux anciens ministres écologistes de ne pas avoir engagé une négociation permanente avec les services de la Commission européenne et d'avoir ainsi bloqué toute évolution. De nombreux députés de l'UMP, au sein du groupe « chasse » notamment, font le même grief. Mais vous n'avez mis en _uvre aucune stratégie sur le plan européen. J'ai même cru comprendre que le Monsieur Chasse du Premier ministre, Georges Dutruc-Rosset, avait été sur la touche, à la demande de votre cabinet, parce qu'il faisait de l'ombre à vos services à Bruxelles (Mme la ministre s'étonne). Je ne l'ai pas inventé !

Tout ceci ne me paraît pas sérieux de la part d'un gouvernement dirigé par un Premier ministre qui a été député européen.

Il faut en finir avec cet amateurisme qui caractérise toutes vos initiatives cynégétiques. Ou vous avez la volonté politique de parvenir à des solutions acceptables par une majorité de chasseurs et vous vous investissez en conséquence, ou vous ne cherchez qu'à gagner du temps en attendant un autre portefeuille... Il est temps, il est grand temps, de régler l'ensemble du dossier, sans a priori ni démagogie politicienne. Les 1,4 million de chasseurs sont des passionnés, qui défendent chaque jour la nature et s'investissent sans compter pour qu'elle soit gérée au mieux, sans que cela coûte un centime au contribuable. C'est grâce à eux que l'on voit à nouveau des chevreuils et des cerfs dans nos forêts. On est loin du temps où ils se contentaient de cueillir le gibier. Leur contribution à la préservation de ce patrimoine commun qu'est la faune sauvage mérite le respect. N'oublions pas que la chasse est un acquis de la Révolution, que la France est un des derniers pays où elle est démocratique et populaire.

Je regrette par ailleurs que vous vous apprêtiez à toucher au modèle associatif, dans lequel je vois un remarquable exemple de système autogéré, en revenant sur le principe démocratique un homme une voix. Nous nous sommes pourtant battus pour l'imposer dans la loi de 2000. Pourquoi revenir à un principe censitaire, fondé sur la propriété ? Je n'aime pas cela : ça me fait penser à l'élection des sénateurs... (Sourires) Nous défendrons un amendement à ce propos. Les chasseurs sont des citoyens comme les autres, ils n'ont pas à partir à la chasse au timbre pour tenir leurs assemblées générales. Ne pouvez-vous donc vous empêcher de tripatouiller les modes de scrutin ? Je suis d'ailleurs surpris par l'assourdissant silence de CNPT sur ce point. Serait-on déjà entré dans les transactions en vue de la récupération de ses élus sur les listes UMP, en particulier dans la région du Premier ministre ?

Mais revenons à nos canards et autres espèces menacées, non par les chasseurs, mais par les excès de la technocratie bruxelloise et par l'ignorance manifeste du Conseil d'Etat.

Le 12 décembre dernier j'ai, avec mes amis du groupe communiste et républicain, fait six propositions pour simplifier la vie des chasseurs, pour provoquer un réel changement dans la gouvernance de la chasse démocratique, pour permettre de sortir enfin de vingt ans de contentieux.

Nous demandons en premier lieu la suppression du jour de non-chasse, qui est vécu comme une atteinte aux libertés, comme une discrimination injuste. Vous êtes bien timide en proposant de supprimer le mercredi tout en conservant un autre jour. Vous avez tort de craindre les commentaires des journaux de 20 heures : ils seront plus intéressés par le million de salariés descendus dans la rue pour défendre les retraites... Il faut faire confiance aux fédérations et ne pas laisser croire qu'en dehors du jour de non-chasse, on chasse partout six jours sur sept.

M. François Vannson - Empêcher de chasser le mercredi pénalise les instituteurs !

M. Maxime Gremetz - La commission a déposé un amendement pour supprimer le jour de non-chasse.

Ma deuxième proposition est toujours d'actualité après les décisions du Conseil d'Etat : il faut que les dates figurent dans la loi. Nous sommes en mai et les chasseurs ignorent encore tout de ce qui va leur arriver.

M. Jean-Claude Perez - C'est grave !

M. Maxime Gremetz - Si nous ne réglons pas ce problème, ils vont penser que nous avons encore tenu un débat pour rien.

Puisque les anti-chasse combattent toutes les dates proposées, je défendrai un amendement à ce propos et je voterai ceux des autres groupes qui iront dans le même sens.

M. Jérôme Bignon - Pourquoi n'avez-vous pas voté les amendements à la loi Voynet ?

M. Maxime Gremetz - Parce que ce dossier est interministériel, je propose ensuite de créer un véritable secrétariat d'Etat à la chasse, rattaché directement au Premier ministre. Cette proposition n'est pas dirigée contre vous, Madame la ministre.

Vous avez assez à faire avec l'environnement, et les négociations avec Bruxelles sont si complexes qu'un secrétariat d'Etat à la chasse, qu'avait proposé aussi Chasse, nature, pêche et tradition, serait un gage d'efficacité. De plus, chacun veut, si j'ose dire, conserver sa chasse gardée, et entre Mme Bachelot, ministre des espèces, et M. Gaymard, ministre des espaces, il y a quelques conflits de voisinage. Pour moi, qu'on prévoie un volet chasse dans le projet sur les affaires rurales est incompréhensible.

M. Jean-Paul Chanteguet - Eh oui !

M. Maxime Gremetz - Cela fera trois volets chasse dans trois lois différentes ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Il faut mettre un terme à cette incohérence.

Ma quatrième proposition est de transformer l'Observatoire national de la chasse et de la faune sauvage en un vaste organisme de recherche regroupant tous les services actuellement dispersés entre l'INRA, le CEMAGREF, le CNRS, pour consolider le grand pôle scientifique qui nous fait défaut.

En complément, ma cinquième proposition est de confier la garderie de la chasse et de la faune sauvage à la gendarmerie nationale dans les départements. Nous disposerions ainsi de 1 400 gardes supplémentaires, et cette innovation s'inscrirait dans le cadre de la réorganisation de la police rurale voulue par M. Sarkozy. Les campagnes, elles aussi, ont droit à la sécurité, et il faut remettre en cause les polices spécialisées dont l'efficacité laisse à désirer.

En sixième lieu, il faut lever l'ambiguïté qui pèse sur la chasse de nuit au gibier d'eau, permise désormais, mais pour cinq ans, au terme desquels - dans un an et demi maintenant - sera établi un rapport, qui menace les chasseurs comme une épée de Damoclès.

M. Pierre Ducout - C'est nous qui l'avons légalisée.

M. Maxime Gremetz - Depuis la Révolution, ce n'était effectivement qu'une tolérance, et il s'agit donc d'un acquis de la loi de juillet 2000, mais vous l'avez légalisée pour cinq ans seulement (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Mais non, cela n'a rien à voir.

M. Maxime Gremetz - Eh bien, vous verrez. Avec ce rapport, de beaux esprits hostiles à la chasse auront beau jeu de la remettre en cause (Protestations sur divers bancs). Pour ma part, je fais plutôt confiance à ce qu'en disent de hauts responsables des chasseurs.

M. le Président - Ce point sera éclairci au cours du débat.

M. Maxime Gremetz - Il le sera lors du vote de notre amendement proposant de légaliser définitivement la chasse de nuit.

Au lieu d'un programme commun de la chasse, ce texte n'est qu'un nouvel épisode du feuilleton qui se déroule depuis le débat pour rien du 11 février, en passant par les quelques mesurettes de simplification du texte sur les ordonnances, cette petite loi sur les fédérations et le jour de non-chasse, et en attendant le « grand » volet chasse de la loi sur les affaires rurales à l'automne, puis la loi sur le patrimoine national après les élections régionales de 2004. Un seul vrai débat aurait permis de tout mettre à plat...

M. Jean-Claude Perez - Exactement.

M. Maxime Gremetz - Or, j'ai bien peur qu'en l'état, les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent. Mais l'heure de vérité est proche : c'est celle du vote sur nos amendements, par scrutin public. Chacun devra se déterminer, et ensuite on ne pourra plus raconter n'importe quoi aux chasseurs. Alors, chers collègues, préparez-vous à assumer pleinement votre position, car nous noterons les noms de ceux qui s'éclipsent ! (Sourires sur de nombreux bancs). D'autre part, je ne veux pas imaginer que la ministre nous réponde que ces amendements sont excellents, mais... nécessitent une étude approfondie pour être revus dans le cadre du projet suivant. Cela risquerait de faire durer très longtemps les débats.

Mon propos n'est donc pas de dire qu'il ne faut pas de loi sur la chasse, bien au contraire, mais que cette loi ne contient pas les dispositions essentielles attendues par les chasseurs sur les dates d'ouverture et de fermeture, la légalisation de la chasse de nuit, son extension de vingt et un à vingt-huit départements. Qu'on nous dise aussi - nous avons un amendement à ce sujet - si l'on engagera sans attendre la renégociation de la directive 79-409,...

M. Jean-Claude Perez - Eh oui !

M. Maxime Gremetz - ...qui empêche les chasseurs de dormir. Elle a été prise à l'époque de M. Giscard d'Estaing...

M. Pascal Terrasse - Un grand chasseur !

M. Maxime Gremetz - ...Et j'ai été à l'époque le seul député européen français à voter contre cette mise en cause de la chasse populaire.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de voter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre - Je ne sais si ce débat est surnaturel, mais il est vraiment surréaliste. M. Gremetz commence, dans une sorte de rappel au Règlement, par nous reprocher de parler de la chasse alors que certains Français sont dans la rue, pour terminer en réclamant un secrétariat d'Etat. Alors, la chasse a-t-elle de l'importance ou n'en a-t-elle pas ? On ne sait plus.

M. Gremetz a voulu défendre une exception d'irrecevabilité, et je ne veux pas croire qu'un parlementaire aussi chevronné que lui ignore qu'il s'agit de relever une ou plusieurs dispositions anticonstitutionnelles dans le texte proposé. Mais je n'ai pas entendu un mot, une allusion, un élément qui s'en approche ! Monsieur Gremetz, vous vous moquez du Parlement, en demandant une heure et demie pour plaider une exception d'irrecevabilité !

Vous aviez des choses intéressantes à dire, mais vous les avez mêlées à des ragots de couloir et à des attaques personnelles contre des fonctionnaires intègres et compétents. C'est indigne de vous, et vous m'avez beaucoup déçue. Mais le plus surnaturel était que les attaques sans pitié que vous avez menées contre le texte de Mme Voynet se sont déroulées sous les applaudissements masochistes des députés socialistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Monsieur le député, vous n'avez donné à cette motion ni la dignité à laquelle vous nous aviez habitués, ni fondement juridique. Surtout, comme l'aurait dit Supervielle, vous êtes doté d'une oublieuse mémoire ! Avez-vous oublié que vous n'aviez même pas eu le courage de voter contre ce texte, et que vous vous étiez abstenu ? Là, ce n'est plus de la déception que j'éprouve, mais une profonde tristesse... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Liberti - La motivation première de cette motion est que le projet de loi élude l'essentiel des problèmes de la chasse, et surtout celui des dates d'ouverture. Le double langage que l'on peut relever partout dans le texte justifie amplement une telle motion. Il n'est pas acceptable qu'un projet de loi sur la chasse ne traite pas des questions de fond qui sont en débat. La détermination des jours de chasse ou de non-chasse, la fixation du calendrier de la chasse aux oiseaux migrateurs, le secrétariat d'Etat à la chasse, la police de la chasse placée sous l'autorité de la gendarmerie, le respect du principe un homme-une voix, la chasse de nuit au gibier d'eau sont quelques-uns des sujets sur lesquels nous avons déposé des amendements, mais le projet ne les aborde pas. Et votre pirouette quant à notre position sur les précédents textes n'y change rien...

Maxime Gremetz a rappelé que tous les contentieux, depuis vingt ans, trouvent leur origine dans la directive Oiseaux votée au Parlement européen en 1979. Nous avons la fierté d'être le seul groupe parlementaire à avoir gardé une position cohérente. Le projet avait été présenté par la droite, par un Premier ministre nommé M. Barre, et voté à l'unanimité sauf le groupe communiste... Cette constance nous permet de continuer à exprimer nos opinions avec détermination. Nous vous invitons donc à voter cette motion d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président - Sur l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée.

M. Christian Estrosi - Maxime Gremetz, pour lequel nous avons, pour certains d'entre nous, une certaine sympathie, a un don du reniement de soi-même tout à fait exceptionnel. Mme la ministre lui a rafraîchi la mémoire, et je voudrais apporter quelque complément à son bêtisier. Au cours de la séance du 28 juin 2000, par exemple, il a déclaré que ce projet n'était qu'une étape sur la voie d'une vraie réforme de la chasse, qui donnera enfin toute sa place à la chasse populaire... Il a plaidé pour un homme-une voix, tout en déclarant qu'il avait toujours défendu l'originalité du système associatif avec les 50 000 associations locales de chasse, les fédérations départementales chargées de missions de service public, et en reconnaissant que le projet d'alors avait introduit des contrôles inutiles sur les fédérations départementales et nationale...

M. Maxime Gremetz - Quelle page ?

M. Christian Estrosi - Quant au vote, il a déclaré que beaucoup d'entre nous avaient voulu y échapper.

M. Maxime Gremetz - Vous n'y étiez pas !

M. Christian Estrosi - J'étais là jour et nuit, Monsieur Gremetz, et j'ai même fait l'explication de vote du groupe RPR de l'époque ! J'ai défendu des amendements auxquels vous vous êtes opposés. Je connais donc bien le résultat des votes : il y a eu 137 voix RPR contre le texte, sur 137 membres ; 241 voix socialistes pour, sur 254 ; 63 votes contre à l'UDF, sur 69 membres, et 44 contre sur 44 membres à Démocratie libérale. Quant au groupe communiste... (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) MM. Brard et Moutoussamy ont voté pour et MM. Carvalho et Hage, je salue leur courage, contre. Où était donc M. Gremetz, si ce n'est parmi les 27 abstentionnistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Ne nous donnez donc pas de leçons de morale ! Le texte du Gouvernement est d'abord animé par le souci d'apaiser un conflit artificiel entre les pouvoirs publics et les chasseurs. Il n'est jamais sain de désigner une catégorie de citoyens comme cible dans une démocratie. Or, pendant cinq ans, les chasseurs ont été les victimes des négociations d'arrière-cour d'une gauche plurielle devenue hétéroclite. Ils ont constitué le ciment tendant à recoller les morceaux de la défunte majorité. Ces années noires auront marqué pour eux une période de troubles, de dénigrement permanent de la part des écologistes mondains... La chasse s'est transformée en objet de marchandage et de basses man_uvres, bien loin des considérations d'intérêt général. Rappelons que vous avez concédé la loi chasse à Mme Voynet lorsqu'elle vous a concédé le troisième aéroport en Ile-de-France... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Grâce au courage de Roselyne Bachelot, ces temps sont révolus. Face à une situation politiquement et juridiquement intenable, le Gouvernement a voulu, dès les premières semaines, retisser le fil cassé avec le monde de la chasse. Il a rétabli le dialogue avec les chasseurs et les contacts avec la Commission européenne, que vous aviez coupés pendant cinq ans.

Plusieurs députés socialistes - C'est faux !

M. Christian Estrosi - Des avancées significatives ont été obtenues : retardement de la fermeture pour les bécasses et les tourterelles, suppression du timbre gibier d'eau, report des élections des fédérations départementales, réintégration des trois espèces de mustélidés sur la liste des espèces nuisibles... Au-delà de ces mesures d'urgence visant à effacer les dispositions les plus néfastes de la politique écolo-socialo-communiste, le Gouvernement a mis en place un véritable projet pour la chasse. Ce texte d'équilibre et d'apaisement revient sur les dispositions les plus controversées de la loi du 26 juillet 2000.

M. le Président - Monsieur Estrosi, il faut conclure.

M. Christian Estrosi - Il supprime en particulier le contrôle a priori sur les fédérations et le mercredi imposé comme jour de non-chasse. Je ne peux donc que demander le rejet de votre exception d'irrecevabilité : d'un point de vue juridique, rien n'est inconstitutionnel, et d'un point de vue politique, ce texte entend permettre aux chasseurs d'exercer leur passion avec justesse et équilibre, comme ils l'ont toujours fait (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Charles de Courson - Ainsi que Madame la ministre, je croyais que l'exception d'irrecevabilité rendait nécessaire de faire au moins semblant de croire à quelques points d'anticonstitutionnalité. Il n'y a rien eu de tel. Maxime Gremetz ne nous a rien livré d'autre qu'une petite saynète, qui trouve très vite les limites du genre. Pour avoir participé à toutes les séances publiques et en commission, pour avoir été présent jour et nuit, je peux vous rappeler que la loi Patriat a été votée avec 14 voix de majorité relative. Et le groupe communiste, sauf quatre de ses membres, s'est courageusement abstenu...

Si « loi Patriat » il y eut, c'est seulement parce que le groupe communiste s'est abstenu. Dès lors, comment M. Gremetz, qui fit partie de ceux qui s'abstinrent, peut-il logiquement défendre cette exception d'irrecevabilité ? Le groupe UDF, bien sûr, ne la votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Paul Chanteguet - M. Gremetz a rappelé avec beaucoup de justesse que ce Gouvernement n'a pas tenu les engagements pris, en particulier lors de la campagne pour les législatives. Le président de l'association des chasseurs de gibier d'eau a ainsi déploré que la saison de chasse qui vient de s'écouler ait été la plus courte jamais connue.

M. Gremetz a également souligné que ce texte rompait avec le principe, auquel nous sommes particulièrement attachés, « un chasseur, une voix », qui visait à démocratiser les instances de la chasse. L'octroi de voix aux titulaires de droits de chasse crée un déséquilibre.

M. Jérôme Lambert - C'est le retour à l'Ancien Régime !

M. Jean-Paul Chanteguet - Enfin, le saucissonnage des dispositions relatives à la chasse, puisque certaines figurent dans ce texte quand d'autres suivront dans ceux à venir relatifs, l'un aux affaires rurales, l'autre au patrimoine naturel, n'est pas sérieux. Mieux aurait valu une loi globale, comme en 2000.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera cette exception d'irrecevabilité.

A la majorité de 94 voix contre 21 sur 115 votants et 115 suffrages exprimés, l'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Paul Chanteguet - Après avoir accepté, sur proposition du groupe UMP, un débat ici même sur la chasse le 11 février dernier, vous nous soumettez aujourd'hui, Madame la ministre, un projet de loi sur la chasse. Les socialistes, qui se sont beaucoup investis sur ce dossier il y a plusieurs années, doivent rappeler quelle fut leur action, dans un contexte de vives tensions où chacun souhaitait « en découdre ». Si nous le faisions pas, qui le ferait à notre place puisque la loi de 2000 ne fut votée que par les seuls socialistes ?

Nous ne nous sommes jamais situés dans le camp des anti-chasse non plus que des « extrême-chasse ». Progressistes pragmatiques, nous avons toujours considéré que la question de la chasse devait être abordée en tenant compte des évolutions de notre société et, bien sûr, du contexte européen. Il n'y a pas d'un côté, ceux qui ne feraient pas confiance et toujours légiféreraient, et d'un autre, ceux qui, faisant confiance, ne légifèrent pas.

Pourquoi n'y a t-il pas lieu de délibérer sur ce texte ? Tout d'abord, parce qu'il y a moins de trois ans que notre assemblée a voté dans la plus grande clarté un texte global sur la chasse dont l'ambition était de permettre le développement d'une chasse durable. Ensuite, parce qu'en délibérant à nouveau sur un sujet aussi sensible, vous prenez le risque d'être confrontés à des propositions extrêmes. Le débat en commission a été fort instructif à ce sujet.

Permettez-moi de me livrer à un historique de la loi de 2000. Fin 1999, le dossier de la chasse étant dans l'impasse, le gouvernement d'alors a jugé opportun, dans un premier temps, de confier à François Patriat, la rédaction d'un rapport avant le dépôt d'un projet de loi. Il était demandé à François Patriat de présenter des propositions « pour rénover le droit applicable aux activités cynégétiques et établir les conditions d'un consensus durable entre les chasseurs et les autres utilisateurs des milieux naturels ». Celui-ci, au cours de sa mission, tient à rencontrer bien sûr les chasseurs - soixante présidents de fédérations départementales furent entendus -, mais aussi les élus locaux, les parlementaires, les organisations regroupant d'autres utilisateurs de la nature, les représentants de divers services de l'Etat, parmi lesquels le Conseil d'Etat, les DIREN, les DDAF, l'ONC, l'ONF, enfin, les membres de divers organismes scientifiques et techniques.

Comme il le montra, fort bien, il était urgent de légiférer parce que, d'une part, le droit de la chasse était ancien, d'autre part, les chasseurs, dont le nombre était tombé de 2,5 millions dans les années 1980 à 1,4 million en 1999, se sentaient menacés.

Le droit de la chasse remonte à la loi du 3 mai 1844 qui institua le permis de chasse, interdit la chasse sur le terrain d'autrui et la chasse de nuit, n'autorisa la chasse que pendant les périodes d'ouverture, définit les modes de chasse autorisés par le permis et interdit la commercialisation ainsi que le transport de gibier pendant les périodes de fermeture.

Quelques réformes furent adoptées en 1941, 1964 et 1975 qui créèrent les fédérations départementales des chasseurs et l'Office national de la chasse, ainsi que des outils de gestion de la ressource cynégétique, renforcèrent le contrôle de la chasse, avec l'institution notamment d'un examen préalable au permis de chasser, modernisèrent la garderie et adaptèrent la police de la chasse.

Le projet de loi sur la chasse présenté le 16 février 2000, reprenant de nombreuses propositions du rapport Patriat, visait à relégitimer la chasse en modernisant les institutions de la chasse et en adaptant ses règles au droit européen et à l'évolution de notre société.

Le projet fut largement discuté et amendé par l'Assemblée nationale. Le texte voté définitivement le 28 juin 2000 marquait bien la volonté du groupe socialiste d'aller vers une chasse apaisée, moderne, respectueuse de notre patrimoine commun et de nos valeurs. J'en veux pour preuve plusieurs dispositions qui ne figuraient pas dans le projet de loi mais furent néanmoins adoptés : définition de l'acte de chasse ; création d'un permis de chasse accompagné pour les jeunes ; institution du principe « un chasseur, une voix » pour les assemblées générales des fédérations départementales des chasseurs ; mise en place d'un fonds de péréquation géré par la fédération nationale des chasseurs ; clarification de l'indemnisation des dégâts de gibier, laquelle incombe désormais aux fédérations départementales ; organisation de la formation des candidats au permis de chasser par les fédérations départementales et de l'examen, à la fois théorique et pratique, par l'ONCFS ; légalisation, alors que le Gouvernement proposait seulement de la dépénaliser pendant cinq ans, de la chasse de nuit au gibier d'eau dans vingt et un départements et dans les cantons où cette chasse est traditionnelle.

A ces importantes avancées voulues par l'Assemblée, s'ajoutent la légalisation de la chasse à la passée à partir de deux heures avant le lever du soleil et jusqu'à deux heures après son coucher ; la reconnaissance du droit de non-chasse ; l'élargissement des missions de l'Office national de la chasse et des fédérations départementales des chasseurs ; enfin, l'instauration d'un jour de non-chasse afin de protéger le gibier et de concilier les différents usages de la nature, sachant que deux exceptions ont été prévues à cette interdiction, l'une concernant la chasse aux colombidés à partir de postes fixes du 1er octobre au 15 novembre, l'autre la chasse de nuit au gibier d'eau.

Je rappelle également que plus de soixante députés, dont vous n'étiez pas, Madame la ministre, de l'opposition d'alors, ont saisi le Conseil constitutionnel sur douze articles du texte, et que la plupart des dispositions furent déclarées conformes à la Constitution. Les arguments invoqués par le juge constitutionnel prouvent que les critiques formulées lors des débats au Parlement n'étaient pas fondées juridiquement et reflétaient seulement un courant de pensée sur la chasse particulièrement conservateur.

La requête invoquait quatre séries de griefs. Les premiers avaient trait à la procédure législative, les deuxièmes à l'atteinte au droit de propriété et à la liberté individuelle, les troisièmes à la liberté d'association, les derniers, enfin, à une atteinte au principe d'égalité.

Selon ces députés, la loi déférée violait à plusieurs titres le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Le « droit de chasse » est en effet indissociable du droit de propriété.

Ces députés font d'abord valoir que la disposition figurant à l'article 2 selon laquelle « la chasse s'exerce dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature dans le respect du droit de propriété » est contraire à l'essence du droit de propriété. Le Conseil constitutionnel a considéré qu'il s'agissait d'un énoncé général ne portant pas atteinte au droit de propriété.

En second lieu, étaient contestées les dispositions de l'article 14 relatives au droit d'opposition reconnu aux propriétaires de terrains compris dans le périmètre d'une association communale de chasse agréée, qui entendent interdire l'exercice de la chasse sur leurs biens. Le Conseil constitutionnel a conclu que ces dispositifs n'avaient pas la portée que lui prêtait la saisine. Ensuite, les mêmes députés ont considéré que l'instauration d'un jour de non-chasse par l'article 24 revenait à priver le propriétaire de faire un libre usage de ses biens sans aucune nécessité publique évidente. Le Conseil constitutionnel n'a pas été de cet avis, considérant qu'il était d'intérêt général d'assurer la sécurité des enfants et de leurs accompagnateurs le mercredi. En revanche, toujours selon le Conseil, la faculté ouverte à l'autorité administrative de choisir un autre jour de la semaine sans motif avéré d'intérêt général est de nature à porter au droit de propriété une atteinte contraire à la Constitution. Aussi cette faculté a-t-elle été supprimée.

Ces députés ont aussi soutenu que les modalités de constitution et de fonctionnement des fédérations des chasseurs, ainsi que les contrôles administratifs et financiers des fédérations prévus par les articles 5 et 7 sont « manifestement contraires » au principe constitutionnel de la liberté d'association.

Le Conseil constitutionnel a indiqué que cette liberté ne s'oppose pas à ce que des catégories particulières d'associations telles que les fédérations des chasseurs, fassent l'objet de mesures spécifiques de contrôle de la part de l'Etat, en raison notamment des missions de service public auxquelles elles participent, de la nature et de l'importance des ressources qu'elles perçoivent et des dépenses obligatoires qui leur incombent.

Le dernier grief soulevé visait l'article 28 de la loi, autorisant la chasse du gibier d'eau, la nuit, à partir de postes fixes, dans les départements où cette pratique est traditionnelle, mesure qui selon les mêmes députés introduit une inégalité de traitement injustifiée entre les départements où cette chasse est autorisée et les départements limitrophes où elle est interdite, alors que les mêmes usages traditionnels y existent. Un tel grief fut repoussé par le Conseil constitutionnel puisque la disposition critiquée dispose que « la chasse de nuit du gibier d'eau est également autorisée dans des cantons des départements, où elle est traditionnelle et confie à un décret en Conseil d'Etat la fixation de la liste des cantons concernés ».

J'en viens à la deuxième raison qui doit nous conduire à ne pas délibérer : si nous voulons que se développe une chasse durable, il convient de ne pas examiner ce texte, afin d'empêcher que soit mise en _uvre la technique de débordement à laquelle nous avons assisté en commission et qui ne peut que déboucher sur un texte de repli, comme le prouvent les amendements votés par la majorité.

Tout d'abord, la suppression de la dernière phrase de l'article L. 420-1 qui dispose que « la chasse s'exerce dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature, dans le respect du droit de propriété », ne peut que nous inquiéter, car il est acquis aujourd'hui que chaque catégorie d'usagers de la nature doit pouvoir exercer son activité sans empêcher les autres de faire de même. Seuls quelques députés pensent que cela nous engage dans une dangereuse logique de socialisation de la nature. Aussi ai-je plaisir à indiquer que le 23 mai à Amiens un colloque sur le thème « vivre ensemble la nature » sera organisé par la fédération régionale des chasseurs de Picardie, qui justifie ainsi le thème retenu : « 1 400 000 chasseurs, en diminution de 2 % par an, quinze millions d'usagers ludiques de la nature en progression de 10 % par an : le développement des usages non appropriatifs de la nature s'impose comme un véritable phénomène de société que les chasseurs seraient imprudents d'ignorer ». Une telle analyse se passe de commentaire.

Autre signe inquiétant, le fait que de nombreux députés de la majorité souhaitent voir le dossier de la chasse transféré du ministère de l'environnement à celui de l'agriculture, comme le montre l'adoption d'un amendement plaçant l'Office national de la chasse et de la faune sauvage sous la tutelle commune des deux ministres.

S'y ajoutent les nouvelles modalités du contrôle des fédérations départementales des chasseurs par le préfet.

Aujourd'hui, le budget de la fédération, avant d'être exécuté, est soumis à l'approbation du préfet. Demain, si les dispositions adoptées par la commission sont votées, le budget sera exécutoire de plein droit dès qu'il aura été transmis au préfet, lequel disposera de deux mois pour le déférer au tribunal administratif, s'il estime que ce budget ne permet pas à la fédération d'assurer ses missions d'indemnisation des dégâts de grand gibier et d'organisation de la formation préparatoire à l'examen du permis de chasse.

Il nous paraît inquiétant de ne pas donner au préfet les moyens suffisants pour saisir le juge. En effet, loin de se limiter à deux, les missions des fédérations sont nombreuses, comme le rappelle le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 juillet 2000, citant par exemple la mise en valeur du patrimoine cynégétique départemental, la prévention du braconnage, la conduite d'actions d'information et d'éducation ou l'élaboration des schémas départementaux de gestion cynégétique.

Ainsi le préfet ne contrôlera plus rien et sera même aux ordres du président de la fédération départementale des chasseurs puisqu'il est précisé dans l'article 6 que « sur demande du président de la fédération, le préfet l'informe de son intention de ne pas déférer au tribunal administratif le budget de la fédération ».

Pour clore ce chapitre « laissons aller, laissons faire », rappelons que la majorité a accepté deux amendements précisant que la fédération nationale comme les fédérations départementales « ont la libre utilisation de leurs réserves ». Doit-on conclure qu'elles pourraient les utiliser pour financer des actions ne relevant pas de leur objet social ou de leurs missions ?

C'est, enfin, la suppression du dernier alinéa de l'article L. 424-2 du code de l'environnement par les députés de l'UMP, suppression qui abroge le jour de non-chasse. Pour la justifier, M. le rapporteur indique que cette disposition est l'une des plus contestées de la loi Patriat de juin 2000, qu'elle n'a pas permis d'apaiser les relations entre chasseurs et non-chasseurs, ce qui reste à démontrer. Avec beaucoup d'assurance, il précise que son amendement ne supprime pas le jour de non-chasse mais déconcentre la fixation des jours de non-chasse en confiant aux préfets la possibilité de limiter le nombre de jours de chasse à des fins de protection et de conservation du gibier.

M. le rapporteur oublie que dans quarante-neuf départements sur cent, il n'y a aucun jour de non-chasse. Nous demandons le maintien d'un jour de non-chasse dont la fixation serait confiée à l'autorité administrative après avis du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage, disposition qui serait aujourd'hui en vigueur si la majorité actuelle n'avait pas jugé opportun de saisir le Conseil constitutionnel.

Madame la ministre, je constate que votre majorité ne partage pas le souci que vous aviez de favoriser la conciliation des différents usages de la nature comme le montre la rédaction que vous aviez retenue de l'article 16. Cette volonté d'ouverture disparaît et ce recul sera analysé négativement par l'opinion publique, laquelle avait interprété la mise en place d'un jour de non-chasse comme un geste fort de la communauté cynégétique.

En déposant ce projet de loi, vous pensiez satisfaire certaines demandes des fédérations de chasseurs qui vous semblaient légitimes ; vous pensiez peut-être aussi profiter de ce moment pour montrer tout l'intérêt que vous portez à la chasse et aux chasseurs, mais vous ne pensiez sûrement pas que votre propre majorité pratiquerait une politique de débordement que vous ne pourrez pas contrer si vous n'affirmez pas une ligne politique claire et n'acceptez pas de vous opposer à ces députés qui représentent l'extrême chasse et sont incapables de tenir compte des évolutions de notre société.

La grande machine qui réunit tous les groupes de pression liés à la chasse est en marche ; elle est en train de vous happer. Aujourd'hui, vous y laisserez la main, demain le bras car, après avoir cédé aux fédérations des chasseurs, vous serez obligée de céder aux chasseurs de gibier d'eau et d'oiseaux migrateurs et d'inscrire dans la loi les dates d'ouverture et de fermeture de cette chasse.

Les socialistes, sur ce dossier, avaient fait l'essentiel du travail et je ne crois pas que défaire ce que nous avons fait, comme s'y emploie votre majorité, soit de nature à instaurer dans notre pays une chasse apaisée, durable et équilibrée.

J'invite mes collègues à voter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre - Je remercie M. Chanteguet pour le ton qu'il a adopté, courtois et digne. M. Chanteguet, à l'évidence, connaît très bien la question.

Pour autant, je ne rejoins pas son analyse. Il a fait un long plaidoyer pro domo de la loi chasse de 2000, qui, à l'en croire, aurait réglé tous les problèmes. Ce n'est pas le cas. Un certain nombre de vos collègues qui ne sont pas là, hélas pour vous, Monsieur Chanteguet, pourraient en parler plus savamment que vous ne l'avez fait.

Certes, tout n'était pas mauvais dans la loi 2000. Nous sommes les premiers à le reconnaître.

Je signale cependant que la constitutionnalité d'une disposition ne préjuge en rien de son opportunité.

Nous savons que des éléments de la loi ont suscité colère et incompréhension. Ainsi du mercredi, jour obligatoire de non-chasse, du statut des fédérations, des associations communales de chasse agréées, des dispositions concernant le fichier des permis de chasse. Vous aviez eu la maladresse d'inclure dans la loi une disposition anticonstitutionnelle et le Conseil constitutionnel a jugé que le droit de chasse était inhérent au droit de propriété. Tant pis pour vous si vous aviez commis cette inadvertance ! Des corrections étaient donc nécessaires, quoi que vous en pensiez : nous vous les proposons.

Vous prétendez par ailleurs qu'il faudrait empêcher la « technique du débordement ». Quelle drôle de conception de la démocratie ! Il faudrait qu'une question préalable empêche une majorité de parlementaires de faire avancer les propositions sur lesquelles elle a été élue ?

M. Jean-Paul Chanteguet - Nous entendions manifester ainsi notre affection à votre égard !

Mme la Ministre - Je ne peux vous suivre dans ce qui m'apparaît comme un détournement caractérisé de la procédure parlementaire.

Des engagements ont été pris par le Président de la République, par le Premier ministre et par cette majorité. Nous allons les tenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Charles de Courson - Cette question préalable m'étonne : une partie de nos collègues socialistes ont eu beaucoup de difficulté à voter la loi Patriat. Certains ont eu le courage de voter contre ou de s'abstenir. Même en votre sein, on ne peut dire que cette loi faisait l'unanimité.

Cessez, d'autre part, de faire croire que l'opposition de l'époque a censuré la disposition relative au jour de non-chasse. Nous ne sommes pas le Conseil constitutionnel ! Celui-ci vous a censurés parce que vous aviez oublié de définir le motif pour lequel on pouvait décaler le jour de non-chasse du mercredi à un autre jour de la semaine.

Quand le rapporteur de l'époque faisait croire à l'apaisement, c'était de l'utopie ! Lorsque nous avions voté le texte en dernière lecture, je vous avais dit que vous organisiez « le grand merdier juridique ». Cette loi d'« apaisement » n'a fait que multiplier les recours !

M. Yves Cochet - C'est faux !

M. Charles de Courson - Monsieur Cochet, vous les alimentez vous-même !

Mme Voynet avait atteint un rare niveau de perversité (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) : elle acceptait de voter des textes dont elle déclarait qu'il n'étaient pas constitutionnels et qu'ils étaient anti communautaires. Elle organisait elle-même l'alimentation des contentieux !

Sur le plan européen, elle ne transmettait même pas les données scientifiques concernant, par exemple, la nidification. Elle ne se battait pas et venait nous dire que nous avions été condamnés.

A la place du groupe socialiste, je me serais donc abstenu de déposer une question préalable ! Le groupe UDF, en tout cas, votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Decool - La chasse fait partie des traditions ancrées dans le milieu rural, dont je précise que le domaine maritime est partie intégrante. Elle participe à l'entretien des espaces et doit être considérée comme un art de vivre.

La loi du 26 juillet 2000 a injustement stigmatisé les chasseurs. Il s'agit aujourd'hui de revenir sur ses dispositions, en réconciliant chasseurs et non-chasseurs, en redonnant à la chasse la place qui lui revient dans une société moderne à la recherche de son authenticité.

Entre autres avancées, ce projet de loi améliore le statut des fédérations. L'examen qui va s'engager nous permettra de débattre sur l'abrogation pure et simple du jour de non-chasse. Responsabiliser et reconnaître les chasseurs en tant qu'acteurs et utilisateurs du territoire, mettre en place une chasse de proximité afin de restaurer la confiance entre les chasseurs et la société, tels sont les objectifs sur lesquels nous allons échanger.

Le groupe UMP votera contre la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Charles de Courson - Remporter une bataille, ce n'est pas gagner la guerre ! La bataille législative que le précédent gouvernement a cru remporter le 28 juin 2000 contre les chasseurs et le monde rural en faisant voter aux forceps - quatorze voix - la loi chasse de Mme Voynet a en fait été une des causes de la déroute que les candidats de la gauche plurielle ont connue aux législatives l'année dernière, notamment dans le monde rural. Si la gauche a perdu la confiance de ces électeurs, c'est en grande partie à cause du bilan catastrophique de Mme Voynet sur le dossier de la chasse. Ces Français d'en bas, chasseurs ou simples acteurs du monde rural, ont été blessés par l'attitude et par l'idéologie de Mme Voynet et de ses amis Verts, qui n'ont jamais mis les pieds dans une société de chasse (M. Yves Cochet s'esclaffe), lieu où l'éloge de la nature et de sa faune va de pair avec un véritable savoir-vivre que Maupassant a si bien décrit dans ses Contes de la Bécasse.

Il a pourtant suffi d'une poignée d'ultras pour que cette chasse populaire, héritée de la Révolution française, soit montrée du doigt comme une activité d'un autre âge, pratiquée par de dangereux meurtriers que l'Etat devait surveiller de très près. Quel contresens ! Je puis témoigner comme beaucoup d'autres sur ces bancs que, dans nos campagnes, l'apprentissage de la chasse est aussi un apprentissage solennel de la vie et de la nature, car il y va de la vie et de la mort des gibiers. C'est pourquoi, si la chasse reste une communion avec la nature dans notre monde déshumanisé, elle est avant tout une exhortation à la responsabilité et à la maîtrise de soi. D'ailleurs, les chasseurs excluent de leurs sociétés ceux qui ne respectent pas les règles de l'art et les devoirs qui s'attachent au droit de chasser.

Fort de ces enseignements politiques et fidèles aux positions qu'il a défendues en 2000, le groupe UDF ne peut se satisfaire des seules propositions de ce projet. Certes, le texte va dans la bonne direction, il porte la marque d'une bonne volonté, et comporte des ouvertures par rapport aux attentes du terrain. Certes, il aborde courageusement les principales difficultés liées à la loi Voynet, comme le statut des fédérations et le jour de non-chasse. Néanmoins, il nous a paru nécessaire de revenir aussi sur des dispositions inacceptables de la loi Voynet, notamment la transformation de l'ONC en ONCFS, organisme déséquilibré dans sa composition et dans son mode de financement ; les contrôles renforcés de l'Etat sur les fédérations départementales et leurs actes budgétaires ; la restriction de l'autorisation de la chasse de nuit à vingt et un départements alors qu'elle était pratiquée traditionnellement dans vingt-huit ; l'interdiction de chasser du mercredi 6 heures au jeudi 6 heures.

Nous avons donc déposé un certain nombre d'amendements identiques à ceux que nous avions défendus, lors de la discussion du texte Voynet, aux côtés de l'actuel rapporteur Jean-Claude Lemoine, qui en a d'ailleurs, en toute logique, accepté un bon nombre.

La commission des affaires économiques nous a suivis sur la double tutelle de l'ONCFS, qui relèverait ainsi du ministère de l'agriculture et de celui de l'écologie. Je vous demande, Madame la ministre, d'appuyer cet amendement, afin d'adresser un signal fort aux chasseurs qui ne comprennent pas pourquoi l'agriculture n'a pas son mot à dire dans cette instance. Nous attendons aussi sans tarder des réponses précises à nos amendements sur les ressources et la composition du conseil d'administration de l'Office.

Beaucoup d'orateurs sont intervenus lors de notre débat du 11 février pour dénoncer les interminables contentieux sur l'ouverture et la fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs. Le groupe UDF a donc déposé, à nouveau, l'amendement que j'avais précédemment soutenu avec le Président Giscard d'Estaing. Il permettra au Gouvernement de mettre à profit ses démarches auprès de la Commission européenne pour mettre un terme à ces contentieux et pour appliquer strictement le principe de subsidiarité.

M. Louis Giscard d'Estaing - Très bien !

M. Charles de Courson - Nous avons également pris l'initiative de demander par voie d'amendement la ratification de l'accord AEWA qui donne de la directive Oiseaux une interprétation plus fidèle que celle de l'arrêt de la CJCE du 19 janvier 1994, qui énonce le funeste principe de protection complète.

Nous sommes d'accord pour limiter les contrôles sur les fédérations départementales aux seules missions de service public que sont l'indemnisation des dégâts et la formation au permis de chasser. Mais nous ne pouvons accepter que cette procédure vexatoire et autoritaire, instituée par Vichy, soit maintenue sur ces aspects du budget voté par l'assemblée générale des chasseurs. Cela va à l'encontre de l'objectif de responsabilisation et du message de confiance que le Gouvernement veut adresser au monde de la chasse. Pourquoi les chasseurs, qui respectent la nature et qui contribuent à ses équilibres, devraient-ils être plus surveillés que les ravers qui débarquent dans nos campagnes avec leurs sound systems, leur ecstasy et leurs buvettes sauvages et qui nous laissent des terrains défigurés, jonchés de détritus ?

Il est temps d'en finir avec ces humiliations et ces régimes d'exception qui frappent des gens honnêtes, dont beaucoup chassent de père en fils depuis que la Révolution leur en a donné le droit !

Pour mettre un terme à ces procédures d'un autre âge, celui d'avant la décentralisation, nous vous proposons, en nous inspirant du code général des collectivités territoriales, de rendre le budget de la fédération départementale voté par son assemblée générale exécutoire de plein droit, le préfet ne pouvant s'y opposer qu'après avoir saisi dans un délai limité le juge administratif qui l'aura autorisé à intervenir. Ce dispositif garantit les droits de la défense mieux que votre rédaction, qui donne les pleins pouvoirs au préfet. Sans remettre en cause le nécessaire contrôle de l'Etat, nous vous proposons d'appliquer un principe fondamental de notre démocratie : la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire, car le préfet ne saurait être juge et partie. Nous avons sur ce point le soutien de la commission et j'ai cru comprendre que vous étiez ouverte à ces propositions.

Il en va de même pour les réserves budgétaires des fédérations. Si vous reconnaissez le statut associatif des fédérations départementales des chasseurs, il est logique de leur donner les mêmes droits qu'aux autres.

Quelques mots sur le fameux article 16. Nous partageons les critiques de nos collègues de l'UMP et nous avons cosigné l'amendement du rapporteur visant à supprimer du code de l'environnement l'obligation du mercredi sans chasse. Mais il me semble que nous gagnerions à régler définitivement cette question en inscrivant dans la loi la procédure qui permet au préfet de limiter les périodes de chasse dans le temps et dans l'espace. Je défendrai donc un amendement qui permet aux fédérations départementales de motiver et d'encadrer la décision du préfet, car je suis convaincu que les chasseurs sont les mieux à même de réguler leurs pratiques cynégétiques. A défaut de tels garde-fous législatifs, je crains que nous ne puissions pacifier durablement l'exercice de la chasse car nous ne serions pas à l'abri de circulaires malveillantes. Sans doute serait-il encore préférable de transférer aux fédérations départementales le pouvoir de fixer les périodes de non-chasse.

Le groupe UDF votera ce projet à condition que les amendements qu'il a déposés soient retenus et en espérant que la loi entrera en vigueur avant la prochaine saison de chasse. Je suis persuadé que votre esprit d'ouverture et de dialogue, Madame la ministre, transformera ce qu'on a présenté comme une petite loi chasse en un texte de référence pour tous ceux qui aiment la chasse et qui respectent la nature (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. François Liberti - Ce texte a fait l'objet d'arbitrages interministériels sans que nous soyons consultés sur les points essentiels. Si plusieurs articles vont améliorer le fonctionnement des fédérations départementales, d'autres ne répondent absolument pas aux attentes du monde de la chasse et la seule réécriture de la loi Voynet est inacceptable. Il est donc impératif de simplifier, de clarifier, de poser les véritables fondements de la chasse, pilier de la ruralité. C'est ce qu'attendent la France rurale et les 1 400 000 chasseurs.

La chasse est à l'origine d'une activité économique estimée à 2 milliards d'euros. Elle occupe 23 000 salariés. Elle est avant tout un instrument de régulation de la faune sauvage dans le monde agricole et forestier. C'est une pratique sportive, un mode de vie qui a toute sa place dans la maîtrise écologique, sociale et économique du territoire. Elle répond aux objectifs du développement durable.

Nos modes et nos périodes de chasse traditionnelle ont été fortement remis en cause ces dernières années, sous la contrainte de la directive européenne que nous jugeons non conforme au traité CEE et que nous dénonçons.

Cette directive, approuvée, sous le gouvernement de M. Barre, par tous les députés français du Parlement européen, à l'exception des communistes, fait peser de lourdes menaces sur les périodes de chasse, sur la pratique même de la chasse populaire.

Au lieu d'apaiser les tensions et de lever les difficultés, la loi de juillet 2000 n'a fait qu'accroître les contentieux et durcir le débat sur la chasse.

En dépit de quelques acquis qui sont à mettre au crédit de notre groupe, ce texte a montré son inadaptation. Il est grand temps, dans un climat dépassionné, d'en tirer les conclusions et de proposer une réforme et une simplification du droit de chasse conformes aux intérêts de tous. Fort de son action constante en faveur de la chasse populaire, le groupe communiste et républicain a donc déposé le 3 février 2003 une proposition en ce sens.

Les principaux objectifs en sont la suppression du mercredi sans chasse, la détermination du calendrier des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs dans un cadre législatif, la création d'un secrétariat d'Etat à la chasse auprès du Premier ministre, le regroupement en un seul organisme de tous les services qui travaillent en ordre dispersé sur la chasse, la faune sauvage, le gibier et l'habitat naturel, une police de la chasse placée sous l'autorité de la gendarmerie nationale, la pérennité de la chasse de nuit aux gibiers d'eau. Sans doute cette initiative forte n'est-elle pas étrangère à la présentation de ce projet qui hélas n'a pas l'ambition de traiter l'ensemble des problèmes. Vous avez même dit, Madame la ministre, que vous feriez obstacle au règlement immédiat de l'ensemble des problèmes, et que vous seriez défavorable aux amendements relevant du futur projet relatif aux affaires rurales comme à ceux fixant les dates de chasse dans la loi et à ceux que vous jugeriez d'ordre réglementaire.

Pourtant cette question des dates d'ouverture et de fermeture est au c_ur du débat. C'est parce qu'elles n'y étaient pas inscrites que les parlementaires RPR et UDF ont voté contre la loi de juillet 2000. Aujourd'hui au pouvoir, ils ne défendent plus ce qu'ils défendaient dans l'opposition.

Sur le jour de non-chasse, le texte n'est pas clair et j'espère que les débats permettront de mieux cerner les choses. De même, vous ne corrigez pas les dispositions sur la chasse de nuit au gibier d'eau. Il s'agit donc d'un texte en demi-teinte qui ne répond pas aux attentes.

Notre ambition est de le modifier profondément, et c'est le sens de nos amendements. Nous proposons la suppression du mercredi sans chasse, disposition discriminatoire et injustifiée. Cessons de parler des jours de non-chasse, pour parler des jours de chasse autorisée, et laissons les préfets les fixer sur proposition des fédérations et groupements, dans le cadre du schéma départemental de gestion cynégétique.

L'insuffisance de l'article 16 réduit fortement la portée du projet. Il est nécessaire de fixer dans la loi le calendrier de la chasse aux migrateurs et gibiers d'eau. Pour mettre un terme définitif au contentieux, ce calendrier doit prendre en compte les données scientifiques et juridiques incontestables du rapport Ornis élaboré par le comité scientifique de la Commission européenne. Sur cette base, une chasse sélective peut être pratiquée de la mi-juillet aux derniers jours de février.

Il faut aussi ouvrir d'urgence les négociations avec la Commission européenne, pour donner à la loi une légitimité assurée au regard des objectifs fixés par la directive 79-409, qui est d'ailleurs contestée. Il faut absolument obtenir une interprétation claire des articles 7 et 9 de cette directive et appliquer en la matière le principe de subsidiarité. Nous proposons par amendement que le Gouvernement dépose avant la fin de l'année un rapport sur le principe de subsidiarité, réservant à la loi nationale la fixation de l'ensemble des règles qui s'appliquent à la chasse des mammifères et des oiseaux non migrateurs et réservent au droit communautaire la fixation des principes à observer dans la loi nationale pour la chasse aux oiseaux migrateurs. Un amendement identique a été adopté dans la loi de juillet 2000, mais non suivi d'effet. Ensuite, il faut ratifier l'accord AEWA, pour pouvoir appliquer de façon plus souple la directive Oiseaux.

Nous sommes favorables à la création d'un secrétariat à la chasse auprès du Premier ministre, pour négocier plus efficacement avec Bruxelles. Il convient aussi de rendre aux fédérations tous les droits associatifs et leurs missions et prérogatives de service public, et de maintenir le vote démocratique et non, comme vous le faites, de donner une prime à la propriété et à la superficie. Rétablir ainsi un suffrage censitaire est contraire à l'esprit démocratique de la chasse. Il faudrait encore examiner la question de la cotisation fédérale, de la suppression du contrôle a priori sur les budgets des fédérations, regrouper dans l'Office national de la chasse et de la faune sauvage les compétences scientifiques de nombreux organismes, confier la garderie nationale à la gendarmerie. De même faut-il se préoccuper de la simplification du permis de chasse, de l'arrêté sur le saturnisme, du transport du gibier, du carnet de prélèvement, de l'indemnisation des dégâts, d'une meilleure représentation des chasseurs dans toutes les instances qui les concernent.

Il faut aussi étendre la chasse de nuit aux vingt-huit départements où elle est pratiquée traditionnellement et la rendre définitive en abrogeant le délai de cinq ans prévu par la loi de juillet 2000.

Au cours du débat, il nous faudrait parler encore des dispositions relatives aux appeaux et appelants, à un système pratique de PMA, à la suppression du plafond du timbre fédéral, à la mise en place d'une police de proximité financée par la redevance cynégétique, etc.

A trois mois de l'ouverture de la chasse aux oiseaux migrateurs, il y a urgence à légiférer pour sortir de l'incertitude. Ce projet doit être fortement modifié pour reconnaître enfin à la chasse son rôle dans la gestion de l'espace rural et la préservation du patrimoine naturel. C'est ce que font nos amendements, dans l'intérêt de tous, chasseurs et non-chasseurs. Du sort qui leur sera réservé dépendra notre vote sur le texte.

M. Alain Gest - Ce projet s'inscrit dans la démarche engagée le 11 février dernier. Le groupe UMP souhaite qu'il soit un premier pas vers la dépolitisation du dossier de la chasse et la responsabilisation de tous ses acteurs.

Pourquoi, alors que tant de graves préoccupations s'imposent à nous, revenir maintenant sur le dossier chasse ? En raison de l'état dans lequel vous l'avez trouvé il y a un an. La loi du 26 juillet 2000 n'avait satisfait personne. Le dialogue était rompu entre une ministre qui avait clairement choisi des thèses extrêmes et les chasseurs. Ceux-ci, excédés, coupés du reste de la société, ne supportaient plus d'être pris en otage par la majorité plurielle pour donner des gages à sa minorité.

Devant ce bien triste héritage, que le numéro de funambule de Maxime Gremetz ne réussit pas à faire oublier, vous avez renoué le dialogue dès vos premières décisions, en retardant la fermeture de la chasse aux bécasses et aux tourterelles, en supprimant le timbre gibier d'eau, en renouvelant le conseil d'administration de l'Office national. D'autre part, l'excellent rapport de M. Dutruc-Rosset fournissait des bases scientifiques permettant de reprendre contact avec la Commission européenne. A ce sujet, nous sommes nombreux à l'UMP à souhaiter qu'à l'avenir certains de nos interlocuteurs ne semblent pas juger du caractère scientifique des données en fonction de l'origine de celui qui les présente.

S'agissant du calendrier, nous sommes d'accord avec vous pour privilégier les conclusions des travaux de l'office. Il faut en effet actualiser les données scientifiques sur lesquelles le Conseil d'Etat appuie invariablement sa jurisprudence, et par exemple, prendre en compte le caractère sédentaire du canard colvert. Certains voudraient même que les périodes de chasse soient inscrites dans la loi. Ils sont, comme moi, convaincus qu'il serait justifié d'ouvrir la chasse le 15 août pour les limicoles, les bécasses, les colverts, les sarcelles et les souchets sur le domaine public maritime et pour quelques autres espèces dans les marais intérieurs.

Néanmoins, l'UMP considère que l'inscription des dates dans la loi pourrait aboutir à l'inverse de l'effet recherché (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous préférons votre méthode, qui garantit l'évolution du dossier, à une décision ponctuelle qui serait inévitablement remise en cause et pourrait développer l'hostilité au principe même de la chasse au gibier d'eau. Mais cela ne doit pas vous laisser croire, Madame la ministre, que nous n'attendons pas une accélération des initiatives, d'autant que la mise en place de l'Observatoire est apparue longue et laborieuse. Nous vous demandons de veiller à ce qu'il programme un nombre suffisant de réunions pour obtenir des résultats tangibles avant l'été prochain.

Nous sommes également à votre disposition pour vous aider dans vos démarches auprès des instances européennes. Faire évoluer la directive est une tâche difficile, et nous sommes prêts à nous investir dans ce travail. Il en va de l'intérêt de la chasse, mais aussi de l'Europe, si elle veut regagner le crédit qu'elle a perdu dans le monde rural. En attendant, votre projet de loi va indéniablement dans le bon sens. Il repose sur des principes auxquels l'UMP est attachée : responsabilité, proximité, simplification et confiance. Le groupe de l'UMP se félicite notamment de l'autonomie qui est conférée aux fédérations, de la suppression du contrôle a priori de leurs budgets ou de la simplification des modes de scrutin. Certains amendements viendront utilement compléter le texte.

L'article 16 du projet traite de la mesure la plus contestée de la loi Voynet. Il propose de déconcentrer la fixation du jour de non-chasse vers les préfets. Un grand nombre de députés de l'UMP lui ont préféré l'amendement de notre excellent rapporteur, pour plusieurs raisons. D'abord, il reprend un engagement pris lors de la campagne des élections législatives. Le Gouvernement a tenu tous ses engagements, et la chasse ne doit pas faire exception. Ensuite, il revient sans ambiguïté sur une mesure qui n'avait rien réglé et qui avait même abouti à l'inverse de l'effet recherché, à savoir la diminution des jours de non-chasse. Cet amendement revient à la réglementation antérieure selon laquelle les préfets peuvent toujours prendre des arrêtés pour la protection du gibier, comme ils l'ont fait cet hiver.

Par ailleurs, à l'heure d'une nouvelle grande étape de la décentralisation, il ne semble pas opportun de confier aux préfets le soin de décider des dates de chasse. Enfin, nous soutenons le principe de responsabilité. L'UMP fait confiance au sens des responsabilités des chasseurs. Certaines fédérations avaient déjà décidé librement de jours de non-chasse, et nous ne doutons pas qu'une fois cet amendement voté, elles sauront justifier la confiance qui leur est faite. Nous sommes convaincus, Madame la ministre, que vous partagerez cette confiance en acceptant l'amendement que nous vous proposons.

Ce texte constitue la première étape d'un ensemble de mesures législatives qui doivent résoudre les problèmes de la chasse. Les deux lois à venir, sur les affaires rurales et sur le patrimoine naturel, la compléteront. Nous vous faisons confiance pour continuer à pacifier le dossier. Le groupe UMP souhaite que ce texte soit l'occasion d'engager une réflexion plus large sur le rôle de la chasse dans la société contemporaine. Les 80 % de nos compatriotes qui habitent en milieu urbain ne comprennent pas toujours qu'elle fait partie des traditions profondes du monde rural, qu'elle constitue une activité économique non négligeable et qu'elle est surtout, pour nombre de chasseurs, une véritable raison de vivre. Nous avons le devoir d'éviter la fracture entre citadins et ruraux et donc de rappeler, comme le faisait récemment le Conseil économique et social, que la chasse est légitime et nécessaire, et qu'une chasse renouvelée sera possible si chasseurs, opposants à la chasse et protecteurs de la nature acceptent de confronter leurs points de vue dans la sérénité. Le département de la Somme fait quotidiennement la démonstration qu'une telle responsabilisation est possible, à travers par exemple des conventions signées entre la fédération, les collectivités locales et le conservatoire du littoral.

Ce qui est possible dans un territoire de 30 000 chasseurs doit être reproduit sur l'ensemble du territoire français. Nous sommes à vos côtés, Madame la ministre, pour relever ce défi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Ducout - Vous nous présentez un projet de loi dont les médias ne retiennent que la suppression du jour de non chasse, avec la charge polémique que cela implique. Mais la droite fait une présentation mensongère de cette mesure. La gauche avait voté un jour de non-chasse fixé par le préfet après avis des fédérations, ne s'appliquant pas pour les chasses spécifiques. Imposer le mercredi a été le fait des parlementaires de droite, qui ont déféré le texte au Conseil constitutionnel.

Plusieurs députés UMP - C'est un peu facile !

M. Pierre Ducout - Cette mesure a été préjudiciable aux chasseurs, alors que la plupart des fédérations avaient déjà un ou plusieurs jours de non-chasse. Le texte que vous nous proposez correspond de fait à ce que nous avions voté, mais la décision du Conseil constitutionnel que vous avez provoquée est susceptible de déclencher des contentieux sans fin. Il faut trouver la moins mauvaise solution, la suppression pure et simple pouvant avoir un effet médiatique préjudiciable au monde de la chasse.

Il faut également rappeler que l'espace rural n'est que pour une faible part public. Il n'est ouvert à la promenade que par tolérance des propriétaires. Les chartes de territoire, en mettant tous les acteurs autour d'une table, doivent déboucher sur un partage de l'espace, sur sa protection et sur sa mise en valeur, auxquelles les chasseurs participent grandement. Dans nos régions, les panneaux « Attention sifflez, palombière » permettent de maintenir une pratique ancestrale sans interdire le passage aux promeneurs. Dans nos forêts, la promenade et la chasse à la bécasse ne sont pas incompatibles : en entendant le grelot du griffon, le promeneur peut s'écarter du chasseur. Les fédérations ont, de façon responsable, limité les périodes ou les prélèvements de bécasses en fonction de l'état de l'espèce.

En quelques décennies de responsabilité, j'ai vu les chasseurs évoluer dans un sens positif. Il est toujours inacceptable d'entendre des plombs contre sa toiture, mais la prolifération des chevreuils, sangliers, cerfs ou renards, et des accidents qu'ils provoquent, justifie les battues. Nous avons fait des progrès en matière de sécurité, même si l'information n'est pas toujours parfaite. La mission d'apaisement confiée à François Patriat a bien avancé en deux ans. Que notre rapporteur me permette donc de lui dire, en tant que membre, depuis quatre mandats, de notre groupe de travail sur la chasse, que, si j'apprécie son sérieux et sa pondération, je regrette les attaques sans nuance qu'il porte contre la majorité précédente, qui n'aurait pas mené de concertation.

En ce qui concerne la gestion des fédérations de chasse maintenant, si certaines dérives ont pu avoir lieu exceptionnellement avec des partis politiques, elles ne sont plus à l'ordre du jour. Il n'est donc pas anormal d'alléger la tutelle sur les fédérations. En revanche, la représentation des porteurs de droits de chasse que vous proposez est très exagérée. C'est la gauche qui a légalisé, dans la loi de 2000, la chasse de nuit au gibier d'eau, qui avait été interdite, mais tolérée, pour des raisons de sécurité intérieure. Le périmètre que nous avions fixé tenait compte des installations existantes et de la pratique traditionnelle dans vingt et un départements et dans des cantons de sept autres. L'étendre à l'ensemble de ces départements même lorsqu'il n'y a pas d'installation n'est qu'un effet d'annonce médiatique préjudiciable à l'intérêt des chasseurs.

Monsieur Gremetz, le projet de loi présenté par le gouvernement de l'époque limitait de fait à cinq ans la légalisation de la chasse de nuit. Cette limitation n'a pas été reprise dans la loi définitive. Un rapport a été prévu, et c'est une bonne chose. Le déplacement possible des hutteaux, qui nous est proposé aujourd'hui, va dans le bon sens.

M. Charles de Courson - Dont acte.

M. Pierre Ducout - Il n'y a aucune raison d'interdire systématiquement durant les mois d'août et de février la pratique de certaines chasses traditionnelles et populaires, dans des conditions de gestion responsables.

C'est la droite qui est responsable de l'adoption de la directive de 1979, aux objectifs certes louables, mais dont l'application n'a pas été entourée de garanties suffisantes. La fédération nationale des chasseurs au gibier d'eau constate ainsi que la dernière saison de chasse a été la plus courte jamais connue, et ce avec d'autant plus d'amertume que beaucoup de promesses lui avaient été faites à ce sujet au printemps 2002... Les récentes positions du Conseil d'Etat et de l'avocat général de la Cour européenne de justice sur les possibilités de dérogation sont par ailleurs extrêmement préoccupantes.

En parvenant au niveau national à marginaliser les extrêmes, en poursuivant au niveau européen la négociation entamée par le gouvernement de Lionel Jospin avec la Commission, en tirant parti des opportunités offertes par l'élargissement de l'Union, la France doit pouvoir trouver des solutions permettant aux chasseurs de pratiquer leur loisir en août et en février, dans des conditions respectueuses de la nature et des espèces. On peut imaginer à cet effet de compléter la directive de 1979 en sus du guide interprétatif.

Des solutions satisfaisantes pour les chasseurs responsables, comprises par les non-chasseurs ne s'opposant pas systématiquement à la chasse, ne pourront être durablement trouvées que si on légifère sans forfanterie ni visée électoraliste exclusive. Tel n'est pas le cas avec ce texte.

La majorité de nos concitoyens n'apprécient pas la corrida, qu'ils ne connaissent pas. Les médias ont pourtant su donner à cette pratique, fruit d'une culture et porteuse d'une éthique, ses lettres de noblesse, si bien qu'elle est tolérée et que les opposants farouches à la tauromachie ne font pas l'objet d'une médiatisation excessive, comme c'est le cas des opposants à la chasse.

Vous avez formé le souhait, Monsieur le rapporteur, que ce texte permette de retrouver une pratique sereine de la chasse dans un contexte apaisé. Nous le souhaitons tous mais force est de constater que c'est la directive de 1979 puis la jurisprudence, notamment la décision de la Cour européenne de 1994, qui ont interdit cette sérénité, ainsi d'ailleurs que certaines pratiques, heureusement de plus en plus rares, de chasseurs irresponsables. Il nous faut, ensemble, redonner toute sa valeur culturelle à la chasse, activité privilégiée de connaissance de la nature et des espèces mais aussi temps de convivialité. Il nous faut lui redonner un attrait pour nos enfants, afin que les chasseurs ne soient pas l'espèce réellement en voie de disparition. Il nous faut permettre que certaines chasses traditionnelles et populaires, qui font partie de la richesse de notre pays, puisse être pratiquées aussi en août et en février (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 50.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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