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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 84ème jour de séance, 204ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 13 MAI 2003

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      CHASSE (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 16

      ORDRE DU JOUR DU DU MERCREDI 14 MAI 2003 20

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

CHASSE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la chasse.

M. Stéphane Demilly - La loi du 26 juillet 2000 avait, à n'en pas douter, constitué un acte de défiance et de mépris à l'égard des chasseurs. Elle mettait littéralement sous tutelle les associations cynégétiques et la pratique même de la chasse. Depuis un an, et comme il s'y était engagé durant la campagne électorale, le gouvernement de M. Raffarin s'est employé à restaurer un climat de confiance entre chasseurs et pouvoirs publics, et aujourd'hui, ce projet apporte des mesures concrètes et attendues.

Néanmoins, en l'état, ce texte ne va pas jusqu'au bout de la logique de confiance et de responsabilisation. D'où les amendements présentés tout à l'heure par Charles de Courson, au nom de l'UDF, et qui tendent à donner aux chasseurs la libre administration de leurs fédérations. Pour ma part, je consacrerai l'essentiel de mon propos à l'article 16, inacceptable selon nous en ce que, s'il supprime l'obligation de faire du mercredi un jour de non-chasse, il maintient l'obligation d'une journée sans chasse, arrêtée à l'appréciation du préfet. Cette disposition n'est pas conforme à l'engagement que nous avons pris vis-à-vis des chasseurs. D'inspiration démagogique et idéologique, elle doit être purement et simplement supprimée.

Soyons fidèles à notre message de confiance et de défense de la chasse : les fédérations sauront prendre leurs responsabilités et fixer elles-mêmes les jours avec ou sans chasse, selon les espèces et les territoires, comme cela s'est toujours fait sans qu'il soit besoin d'une loi ! Je soutiendrai pour ma part l'amendement de M. de Courson, qui vise à supprimer le jour de non-chasse dans des conditions de sécurité juridique maximale. Ce geste que les chasseurs attendent, nous devons le faire ce soir !

D'autre part, et toujours pour nous conformer à nos engagements, il nous faut aussi mener ce combat de la confiance et de la responsabilité au niveau européen, sur la question des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs. La récente décision de la Cour européenne de justice relative aux dérogations à la directive de 1979 prouve que seul un dialogue clair et scientifiquement motivé avec la Commission peut, soutenu par une volonté politique forte, débloquer la situation. Ouvrons donc ce dialogue sans tarder, en nous appuyant sur les travaux de l'Observatoire de la chasse et de la faune sauvage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Jérôme Lambert - Quoi qu'on en ait dit, l'application de la loi de juillet 2000 n'a pas bouleversé la pratique de la chasse. Au contraire, bien que votée dans un climat de passion savamment entretenu - mais la période était sans doute propice à toutes les démagogies ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) -, elle a contribué à moderniser le droit de chasse, comme le reconnaît d'ailleurs le rapporteur au détour d'une phrase.

Cette loi-ci, en revanche, ne suscite manifestement aucune passion. A vrai dire, elle n'offre presque aucun intérêt pratique pour les chasseurs ! Les chasseurs que j'ai rencontrés récemment ne m'ont jamais interrogé sur ce qui fait débat aujourd'hui entre nous ; plusieurs fois, j'ai pris la peine de les en informer mais je n'ai constaté qu'indifférence - ou inquiétude devant l'ignorance dans laquelle on les avait tenus. De fait, ces chasseurs qui ne chassent que pour le plaisir et qui sont étrangers aux conflits de pouvoir ou d'intérêt ne verront pas leur pratique profondément changée par ce texte.

Qu'en est-il par exemple de la directive Oiseaux de 1979 ? Alors que le Gouvernement avait promis monts et merveilles et nommé un émissaire à Bruxelles, son action est restée cantonnée au domaine médiatique. Je participais cet après-midi à une réunion de la délégation pour l'Union européenne consacrée au sujet : nous fûmes unanimes à estimer que la Commission devrait préciser le sens de cette directive sans en remettre le fondement en cause ! Gardons donc à l'esprit cette position de l'Assemblée pour éviter que, demain, certains n'en appellent à des faux-semblants sur un sujet qui ne suscite les passions qu'en apparence !

Si ce projet ne dit mot de cette directive, que vous reste-t-il à proposer aux chasseurs ? La suppression du contrôle public sur la gestion des organes administratifs ? La belle affaire ! Quand j'ai évoqué cette question avec les chasseurs, je n'ai pas éveillé le moindre intérêt.

Selon le rapporteur, la loi de 2000 aurait déresponsabilisé les fédérations départementales en soumettant leur gestion au contrôle d'organismes publics indépendants, tels que les cours des comptes régionales. Mais le même rapporteur mentionne aussi des « écarts de gestion », antérieurs à la loi de 2000. Ce constat ne justifiait-il pas un contrôle économique et financier ? Et les collectivités ou même le Gouvernement, soumis à un contrôle de gestion et même de légalité, sont-ils déresponsabilisés pour autant ? Je crois au contraire que ce contrôle responsabilise et que la suppression proposée risque d'entraîner le retour des écarts dénoncés. En tout cas, la mesure ne sera d'aucun bénéfice pour la quasi-totalité des chasseurs, qui n'a pas d'intérêt dans la gestion des fédérations.

Autre belle affaire : la suppression de l'obligation de faire du mercredi un jour sans chasse. Dans mon département, avant la loi de 2000, il existait déjà deux jours de non-chasse. Aujourd'hui, il y en a encore deux - dont le mercredi. Le choix de ce dernier jour, qui a résulté de la saisine du Conseil constitutionnel par certains d'entre vous, a mécontenté un petit groupe d'instituteurs chasseurs : on comprend leur intérêt à chasser un jour où les autres chasseurs travaillent, mais cet intérêt ne saurait prévaloir sur l'intérêt général. L'instauration d'un jour de non-chasse n'a donc eu qu'un effet négligeable dans mon département.

Cela dit, si on peut trouver des dispositions permettant de mettre tout le monde d'accord, j'en serai ravi. Mais la pratique de la chasse n'en sera pas révolutionnée pour autant.

Vous voulez supprimer les dispositions propres à rendre plus transparent et démocratique le fonctionnement des fédérations. La règle « un homme, une voix » passerait ainsi aux oubliettes. Je ne comprends pas que les démocrates que nous sommes tous y consentent. Interrogez les chasseurs dans vos communes et vous verrez ce qu'ils en pensent. Enfin, ce n'est pas parce que vous adopterez ce texte qu'il y aura davantage de gibier et de plaisir à chasser (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Au contraire, la situation est loin de s'arranger pour de multiples espèces. L'interdiction d'empoisonner les ragondins serait plus utile que bien des mesures que vous proposez, de même qu'un meilleur usage des produits phytosanitaires en agriculture, ou l'encouragement à restaurer les haies. Voilà qui intéresserait vraiment les chasseurs qui se promènent dans les bois et les champs plutôt que dans les bureaux et les antichambres. M. de Courson indiquait que les socialistes n'étaient pas toujours bien compris dans le monde rural.

Un député UMP - C'est bien vrai !

M. Jérôme Lambert - C'est faux et injuste. Mais certains d'entre nous ont sans doute eu des difficultés à faire face à une démagogie sans limites. Oui, une démagogie, lorsque nous mesurons aujourd'hui la distance qui sépare ce projet de vos promesses, s'agissant en particulier des dates de chasse.

Votre texte ne fait pas progresser la chasse, et n'intéresse pas les chasseurs eux-mêmes. Il occupe le Parlement bien inutilement, à l'heure où de graves problèmes se posent à notre pays, y compris pour de nombreux chasseurs qui sont aussi des citoyens que vous allez priver de plusieurs années de chasse en les faisant travailler plus longtemps (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C'est plus grave que de perdre une journée par semaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Antoine Carré - La loi du 26 juillet 2000 n'a pas apaisé la pratique de la chasse et a marqué l'esprit des chasseurs comme étant source de nouvelles contraintes injustifiées. Il était donc indispensable, comme nous nous y étions engagés, de revenir sur certaines de ses dispositions. Ce projet le fait en partie, et c'est tout à votre honneur. Même si ce texte ne règle pas tout,...

M. Jean-Claude Perez - Loin s'en faut !

M. Antoine Carré - ...les questions qui ne sont pas à l'ordre du jour figureront dans le projet relatif aux affaires rurales, auquel s'ajouteront toute une série de mesures réglementaires qui apporteront d'utiles simplifications, à commencer par le guichet unique pour la validation du permis de chasser, mis en place dès cette année dans dix départements. Je pense aussi à d'autres mesures à l'étude, comme la création du timbre-amende, la destruction des nuisibles, en particulier des ragondins, la chasse de nuit, ou le transport de la venaison. Merci de faire ainsi évoluer le dossier chasse et de considérer les chasseurs comme des acteurs responsables.

Désormais, le dialogue est renoué avec les fédérations, et leur énorme travail est reconnu.

En effet, tous les articles et amendements adoptés par la commission vont dans le bon sens. Celui qui fait référence au principe de subsidiarité permettra peut-être, après avoir démontré que l'espèce col vert est en France un gibier sédentaire, de fixer comme nous le souhaitons ses dates d'ouverture et de fermeture. Ce qui a trait au fonctionnement et aux missions des fédérations reçoit dès à présent l'accord des intéressés. La transmission aux fédérations des procès-verbaux d'infractions répond à une demande ancienne, refusée en 2000.

Préciser que l'adhésion obligatoire aux fédérations départementales ne concerne que les bénéficiaires de plans de chasse n'est que justice. Le débat s'était ouvert il y a trois ans sur la notion « un chasseur, une voix ». Ce texte va restaurer l'expression des gestionnaires ou détenteurs de territoires, qui pourront détenir jusqu'à cinquante voix dans les assemblées générales.

La précédente majorité, sous de mauvais prétexte, avait voté un dispositif véritablement vexatoire de contrôle a priori du budget des fédérations. Ce contrôle sera désormais limité à deux missions de service public, l'indemnisation des dégâts du gibier et la formation à l'examen du permis de chasser. Voilà qui est satisfaisant.

Enfin la constitution d'un fichier national des permis, géré par l'ONCFS et, pourquoi pas ?, transmis à la fédération nationale des chasseurs, aidera les fédérations départementales à lutter contre la fraude.

L'article 16 traite du jour de non-chasse. La chasse est une activité qui n'est pas plus dangereuse qu'une autre. Dans beaucoup de départements, les fédérations, dès avant 2000, avaient institué des jours de non-chasse. Beaucoup ont pris l'engagement de les reconduire si elles étaient libres de leur décision. Ayons donc la volonté de décentraliser et de responsabiliser à l'échelon du département. Le retour à la situation d'avant 2000 le permet. C'est l'amendement déposé par notre excellent rapporteur, et signé par plus de 150 députés, qui semble le mieux à même de régler cette question.

Le moment n'est pas venu de parler des dates d'ouverture et de fermeture. Nous ne sortirons de ce problème délicat qu'en plaidant la cause de la chasse en France au niveau européen, en nous appuyant sur des études incontestables, fruit des travaux de l'Observatoire de la faune sauvage que vous avez créé. Votre projet est bon. Il témoigne de la considération que vous portez au monde de la chasse. Il apportera l'apaisement. Il doit recueillir notre assentiment (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Perez - Le gouvernement de M. Raffarin vient de fêter sa première année d'existence, et c'est la deuxième fois déjà que notre assemblée se saisit du dossier chasse - il y en aura une troisième bientôt. Nous attendons donc impatiemment les prochains épisodes pour voir à quel moment cette majorité va enfin prendre ses responsabilités et répondre aux légitimes attentes que ses promesses électorales avaient fait naître (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

La chasse est un art de vivre enraciné dans des traditions populaires héritées de la Révolution française. Notre pays, avec 1 400 000 chasseurs, occupe dans ce domaine le premier rang en Europe. Le problème de la chasse dans notre pays est symbolique des difficultés rencontrées par le monde rural et de la fracture territoriale qui le frappe. Il est vrai que vous avez déjà échoué sur la fracture sociale... Les ruraux en ont assez. Après leurs emplois et leurs services publics, voilà que l'on s'attaque à leur art de vivre (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Cela manquait dans le tableau. Concernant le jour de non-chasse par exemple, pourquoi, puisque la majorité d'aujourd'hui était contre et rivalisait de démagogie, ne pas l'avoir tout bonnement supprimé ? Sur le mercredi sans chasse, nous avions déposé un amendement à l'article 24 de la loi de juillet 2000 permettant aux chasseurs de choisir leur jour de non-chasse. Il est cocasse de retrouver cette disposition dans votre projet, présentée comme une avancée alors qu'elle se contente de remettre les choses à leur place.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - Vous allez donc la voter !

M. Jean-Claude Perez - On peut comprendre que les chasseurs se sentent floués.

Ce projet est parfaitement inacceptable. En effet, le chasseur voyait dans cette mesure inique de la loi de juillet 2000 le symbole d'une ségrégation dans l'usage de la nature. Non seulement, le projet ne l'abolit pas, mais il lui donne crédit en augmentant les risques de contentieux. Pourquoi pas, demain, le samedi ou le dimanche ? La sagesse des chasseurs a toujours prévalu sur la passion. Sur ce jour de non-chasse et la gestion de la faune, les chasseurs appliquent déjà des plans de chasse et de gestion qui donnent plus de résultats que l'arrêt de la chasse un jour par semaine. En fait, dans la grande majorité des territoires, les jours sans chasse sont déjà beaucoup plus nombreux que les jours de chasse. Mais depuis la loi de juillet 2000, on chasse deux fois plus qu'avant. L'Aude par exemple, avant cette loi, comptait deux jours de fermeture par semaine, contre un aujourd'hui, le mercredi. L'assemblée générale de la fédération des chasseurs de l'Aude a décidé d'ailleurs de revenir aux deux jours de fermeture si le mercredi était supprimé. La chasse ne fonctionne bien que par les outils qu'elle se donne et non pas ceux qu'on lui impose.

Comment en effet ne pas donner raison aux chasseurs lorsqu'ils s'estiment victimes de décisions discriminatoires à leur encontre ? Ainsi le renouvellement des membres du conseil d'administration sera total en 2004 puis, par moitié tous les trois ans ! Et que penser de l'arrêté ministériel interdisant à une personne âgée de moins de vingt et un ans ou de plus de soixante-douze ans d'être candidate au conseil d'administration ? Dans les départements ruraux, ce sont les retraités qui font vivre les fédérations. Au moment où le Gouvernement va allonger la durée de cotisations pour la retraite, cette mesure aurait dû être supprimée. Aucune limite d'âge n'est fixée à aucune élection, y compris à la charge suprême de la République.

Avec mes collègues de l'Aude, Jacques Bascou et Jean-Paul Dupré, nous avions eu le courage de nous prononcer contre la loi de juin 2000, contre notre propre majorité. J'espère, mes chers collègues de droite, qu'après avoir rivalisé d'audace lorsque vous étiez dans l'opposition, vous aurez le courage de dire au Gouvernement que les programmes électoraux sont faits pour être appliqués. Les chasseurs attendaient autre chose que ces réformes, et ils ne tarderont pas à vous le faire savoir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe de Villiers - La majorité avait annoncé un grand nettoyage de la loi Voynet mais nous n'examinons ce soir qu'un texte bien mince, les réformes de fond étant renvoyées à un projet qui nous sera soumis cet automne. Pourquoi traiter avec tant de mépris les chasseurs, ces hommes et ces femmes de conviction, qui en ont marre de ces politiques, de droite comme de gauche, qui ne tiennent jamais leurs engagements ?

Bien sûr, plusieurs articles vont dans le bon sens, notamment en reconnaissant le rôle fondamental des fédérations de chasseurs dans la gestion de la faune sauvage. Mais il fallait aller plus loin sur la voie de la liberté associative retrouvée après cinq longues années de purge verte, et donner un triple signal aux chasseurs.

Il convenait, d'abord, d'abroger purement et simplement cette mesure démagogique qu'est le jour de non-chasse. Nous serons nombreux à suivre la commission sur ce point. Cela ne signifiera d'ailleurs pas la fin des jours de non-chasse : nous savons que les fédérations prendront des décisions conformes à l'intérêt de tous et aux pratiques locales.

Il faut, ensuite, sortir du carcan que nous impose Bruxelles avec la directive Oiseaux de 1979.

M. Jean Lassalle - Très bien !

M. Philippe de Villiers - Ce texte, fondé sur la seule idéologie,...

M. Jean Lassalle - Absolument !

M. Philippe de Villiers - ...coupé des réalités de terrain,...

M. Jean Lassalle - C'est vrai !

M. Philippe de Villiers - ...doit être renégocié.

M. Jean Lassalle - Bien sûr !

M. Philippe de Villiers - Dans certains départements, les dates ne correspondent même pas au passage du gibier...

M. Jean Lassalle - C'est exact !

M. Philippe de Villiers - La fixation des dates par le législateur serait donc la solution la plus efficace, elle mettrait un terme aux contentieux à répétition. Et ce choix doit être fait dès maintenant car nous sommes à moins de trois mois de l'ouverture de la chasse au gibier d'eau.

Les dates proposées par le Gouvernement ont reçu un accueil favorable à Bruxelles, mais le Conseil d'Etat les a jugées catastrophiques et il est même allé plus loin dans sa décision du 5 mai, dont l'application signifierait la fin de toute chasse aux oiseaux migrateurs.

Enfin, il faut revenir sur une des ordonnances de simplification, destinée en fait à donner discrètement satisfaction aux syndicats de gardes du ministère de l'écologie qui voulaient ainsi empêcher, pour le plus grand bonheur des braconniers, les gardes des fédérations de contrôler les carniers des chasseurs.

Sur ce dossier politiquement sensible, voilà donc une nouvelle occasion manquée. Après le débat pour rien du 11 février, cette petite loi chasse qui oublie l'essentiel, des mesures de simplification prises en catimini, on attend un grand projet rural dont on ignore tout. Cela correspond trop bien à ce vieil adage paysan du Maine-et-Loire : moins on en fait, plus on l'étale (Murmures désapprobateurs sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Mme la Ministre - Il est venu dans ma circonscription dire que ma défaite était un devoir national. Eh bien, désolée, je suis là !

Mme Josette Pons - Je veux ici marquer mon attachement à certaines valeurs et vous faire part de ma vision dans ce débat majoritairement masculin.

Mme la Ministre - Ne vous excusez pas !

Mme Josette Pons - Depuis ses origines, la chasse est liée à la survie de l'espèce humaine. Elle est ensuite devenue un privilège réservé à une caste et il a fallu attendre la Révolution de 1789 pour qu'elle devienne un droit pour tous. C'est dire si elle est profondément enracinée dans nos traditions, dans la culture et dans l'identité de nos régions.

M. Bernard Accoyer - Très bien !

Mme Josette Pons - Aujourd'hui il nous faut « corriger le tir » et revoir une loi dont la rigidité a scellé le clivage entre les chasseurs et les autres usagers de la nature. En instaurant un jour de non-chasse, elle a ignoré les responsabilités de chacun dans la sécurité et la gestion équilibrée de la faune. Pire, elle a vidé de leur sens les chasses traditionnelles aux oiseaux migrateurs, aux grives, palombes et autres bécasses lors de leurs brefs survols de nos territoires.

M. Bernard Accoyer - Très bien !

Mme Josette Pons - Qui plus est, la fréquentation de nos sous-bois et futaies ne s'est pas sensiblement accrue le mercredi. On le voit, cette mesure était surtout symbolique.

M. Bernard Accoyer - Et dogmatique !

M. Bernard Accoyer - Je souhaite donc un retour au régime antérieur, c'est-à-dire à l'application des articles R. 224-3 et R. 224-7 du code rural. Ainsi, le préfet, après consultation étroite du conseil départemental de la faune sauvage et des fédérations de chasseurs, pourra, dans un cadre plus « déconcentré » arrêter les conditions d'une meilleure protection du gibier, tout en assurant la sécurité de tous.

Un mot enfin de ce fameux syndrome franco-français, s'agissant des dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs et, plus spécialement, pour la provençale que je suis, celles de la chasse aux grives. Cette chasse est une de nos coutumes, elle fait partie intégrante de notre art de vivre et se pratique à l'agachon, c'est-à-dire à l'affût, depuis un poste fixe, au milieu de la garrigue.

Que diraient aujourd'hui Giono ou Pagnol en nous voyant plus drastiques encore que Bruxelles qui ne s'oppose pas à une prolongation ?

M. Yves Cochet - Les temps changent !

Mme Josette Pons - Ni Bruxelles, en effet, ni d'éminents scientifiques - sans préjuger le résultat de l'étude menée par l'Observatoire national de la faune sauvage - ne s'opposent à ce que cette date doit prorogée. Les Espagnols et les Portugais bénéficient déjà de dérogations. Les excès de quelques-uns ne justifient pas la discrimination dont sont victimes nos chasseurs. Permettons-leur simplement de pratiquer leur activité et de se comporter en citoyens responsables. Faisons en sorte que cette petite loi chasse soit la loi de la confiance restaurée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Kléber Mesquida - La chasse déchaîne les passions dans nos travées comme dans la société. Y voir une manipulation des lobbies chasseurs serait une grave erreur de jugement.

La loi chasse doit être revue car elle est à l'origine de trop de contentieux, mais cette révision doit être le fruit d'une concertation respectueuse de toutes les parties.

Le droit de chasser pour tous est un des premiers acquis de la Révolution française contre la noblesse. Toute restriction imposée à ce loisir démocratique est ainsi vécue comme une entrave aux libertés individuelles.

La chasse, tradition ancestrale, est devenue un loisir rural dont la pratique se transmet souvent de génération en génération. Pour nombre d'entre nous, nos grands-parents chasseurs étaient des écologistes avant l'heure, ils connaissaient bien les régulations des écosystèmes.

La judiciarisation de nos sociétés impose un encadrement législatif plus strict de nos pratiques, afin d'éviter les contentieux. Et la chasse doit s'adapter à l'évolution des modes de vie, à l'urbanisation croissante, à une fréquentation accrue de la nature. Mais l'équilibre à trouver doit respecter la tradition et rester souple, puisque les pratiques varient d'un département à l'autre.

Je m'en tiendrai aux dispositions du projet concernant le jour de non-chasse. La loi du 26 juillet 2000 permettait que l'autorité administrative fixe ce jour en fonction de circonstances locales. A cette époque, les députés de droite, dont une dizaine de ministres actuels, mais aussi Jacques Barrot, Patrick Ollier, Jean-Claude Lemoine, avaient saisi le Conseil constitutionnel, et ce sont les conclusions de ce dernier qui ont conduit à imposer le mercredi comme jour de non-chasse. Vous aviez donc mis le feu aux poudres.

C'est dans un esprit d'apaisement qu'avec des collègues socialistes, auxquels se sont joints Jean-Claude Leroy, Michel Lefait et Philippe Martin du Gers, j'ai déposé un amendement pour supprimer le jour de non-chasse, laissant ainsi les fédérations, dans l'esprit de l'article R. 224-7 du code rural et dans le cadre d'un arrêté préfectoral, décider elles-mêmes du nombre de jours de non-chasse pour mieux protéger les espèces (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Le même article prévoit des mesures de sécurité pour les chasseurs et les non-chasseurs. Un effort de compréhension réciproque devrait permettre aux passions de céder le pas à la raison.

Certains collègues de l'UMP ont déposé un amendement identique. Mais iront-ils vraiment contre votre article 16 ? Vous proposez de maintenir un jour de non-chasse, ce que Jacques Chirac a confirmé le mois dernier en réponse à quatre associations. Qui cèdera, qui aura le dernier mot ? Nous jugerons aux actes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jérôme Bignon - Plutôt que de paraphraser l'excellent rapport de Jean-Claude Lemoine, ou de répéter ce que mes collègues de l'UMP ont dit avec talent, laissez-moi vous raconter mon rêve. En réalité, il commence plutôt comme un cauchemar. Dans la brume d'un petit matin, ou du soir qui tombe, quand on déhutte ou à l'heure de la passée, c'est en baie de Somme peut-être, ou peut-être en Brenne, en Camargue ou en Médoc, je ne sais. Autour d'un feu, des hommes simples, le visage buriné, les mains calleuses, entourés de leurs chiens, racontent, qui avec colère, qui avec tristesse, la passion de leur vie, la chasse, leur liberté. Que disent-ils ? Que ce droit que leurs pères ont conquis de haute lutte à la Révolution, qui donne un sens au mot égalité, leur a été confisqué de loi en règlement, de décret en directive, de jugement en arrêt ; comment lorsqu'ils ont dit liberté, confiance, responsabilité, on leur a répondu contrôle, méfiance, jour de non-chasse ; leur sentiment d'avoir, année après année, donné leur voix à des enchanteurs Merlin qui leur ont tout promis, mais peu donné.

Pourtant, l'un d'eux se lève - et je distingue où je me trouve : c'est en baie de Somme, et c'est Chutt le Hutteux. Il parle, et le ciel s'éclaircit, le cauchemar tourne au rêve. Chutt le Hutteux est cleftier. Il fait des clés à l'atelier le jour et passe la nuit en baie. Chutt le Hutteux est un malin, il a compris que « le hable » d'Ault est à tout le monde. En bon Picard, il sait que s'il tire tous les « oignes » - les canards siffleurs -, ses fils n'en tireront plus. Il a compris que toutes les observations faites au fil des siècles par ses pères devaient servir à mieux gérer - en fait ce chasseur de la baie de Somme a compris avant l'heure ce qu'est le développement durable. Avec lui, la tristesse laisse place à un certain optimisme.

Bien sûr, la vie gouvernementale n'est pas un rêve. La route est longue et difficile. Mais la voie est tracée, même si au début elle était encore un peu floue, même si l'on y cheminait un peu lentement. Aujourd'hui, Chutt le Hutteux me le confirme, cette voie est la bonne. L'assise scientifique manquait cruellement ; elle est en cours de constitution. Méfiance et contrôle étaient les maîtres mots pour vos prédécesseurs ; confiance et responsabilité l'emportent aujourd'hui avenue de Ségur. Il faut poursuivre avec détermination votre action à Paris et à Bruxelles, sans opposer les uns aux autres, mais dans le dialogue. C'est ainsi qu'avec le temps, vous rendrez heureux Chutt le Hutteux (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Briat - Pour ma part, je n'ai pas rêvé. Mais depuis la mise en place du nouveau gouvernement, le temps a paru long aux chasseurs. Madame la ministre, vous nous avez fait languir. Nous voulions voir régler rapidement un contentieux créé de toutes pièces par vos prédécesseurs par idéologie. Les chasseurs avaient très mal vécu l'atteinte à leur loisir favori par les tenants d'un écologisme vert teinté de rouge. Il était urgent de leur donner un signe fort.

Certes, vous n'étiez pas restée inactive, nommant un Monsieur Chasse, abrogeant le décret Cochet, créant l'Observatoire de la faune sauvage, modifiant la liste nationale des espèces nuisibles, reprenant contact avec la Commission européenne. Surtout vous avez pris le temps de dialoguer pour désamorcer la bombe à retardement laissée par vos prédécesseurs. Les chasseurs ont retrouvé confiance, nous l'avons senti lors des assemblées générales des fédérations. Ce projet est une première étape pour répondre à leurs attentes fortes qui se sont parfois exprimées avec violence, et il sera complété par le volet chasse de la loi sur les affaires rurales.

Mais ce qui nous importe le plus dans l'immédiat, c'est de revenir sur le jour de non-chasse, ressenti comme une provocation par la majorité des chasseurs. Dans l'article 16, vous laissez au préfet le soin de déterminer ce jour au cas par cas. C'est trop limité. Les chasseurs n'ont pas besoin de la loi pour encadrer les périodes de non-chasse dont ils prennent déjà eux-mêmes l'initiative. Allez jusqu'au bout de votre logique : la disposition actuelle est mauvaise, supprimez-la pour revenir au système antérieur qui a fait ses preuves. Faites confiance aux chasseurs, tout en sanctionnant les abus et les dérives. Les ruraux connaissent trop la valeur de la terre, des animaux, des plantes, pour qu'on leur donne sans cesse des leçons.

Certes, dans notre société, le rapport à la mort et à la souffrance, y compris celles des animaux, est de plus en plus troublant. Mais les mutations ne sauraient s'opérer par la provocation ni la contrainte. La chasse est un loisir, un plaisir, voire une passion, une tradition, et une nécessité pour la régulation de certaines espèces.

Les chasseurs nous ont fait confiance, faisons leur confiance à notre tour. Supprimer le jour de non-chasse, ce n'est pas revenir en arrière, c'est leur donner la possibilité de réguler eux-mêmes les prélèvements.

D'autres combats difficiles nous attendent, en particulier sur la directive de 1979 relative aux dates d'ouverture de la chasse...

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jacques Briat - La démocratie suppose le respect et la tolérance. Sachons ne pas irriter les uns, mais surtout ne pas décevoir les autres. Pour cela, Madame le ministre, vous êtes sur la bonne voie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Robert Lecou - Je suis maire d'une commune de l'Hérault où la chasse est inscrite dans la culture. Cette commune a choisi de promouvoir, par ses actions de développement économique, le tourisme, et notamment les loisirs axés autour de la nature. Je peux donc vous affirmer que chasse et randonnée peuvent cohabiter, et notre intervention doit favoriser cet esprit.

Votre projet de loi ambitionne de réconcilier ce qui se confond souvent : chasseurs et environnementalistes. Si j'ai tenu à intervenir dans ce débat, c'est que des notions fortes sont concernées : liberté et responsabilité par exemple, deux valeurs fondamentales et intimement liées. J'y ajouterai la confiance, sur laquelle se base ce projet de loi.

Le congrès des chasseurs de l'Hérault, qui s'est tenu le 27 avril, fut révélateur du sens des responsabilités des chasseurs. L'assemblée générale avait atteint un quorum confortable. Elle a examiné des rapports sérieux sur la gestion cynégétique et prouvé l'attention que les chasseurs portent aux problèmes de l'environnement, de la sécurité et de la gestion de la faune. Vous avez raison, Madame la ministre, de leur faire confiance et d'amplifier leurs responsabilités. La plus grande autonomie conférée aux fédérations et la réforme de leur statut, l'allègement de la tutelle, la suppression du contrôle a priori sur le budget et la possibilité pour les fédérations de fixer le montant de leurs cotisations, l'assouplissement des conditions de représentation au sein des fédérations sont autant d'évolutions favorables au rétablissement de la confiance. Les acteurs de la chasse, ainsi responsabilisés, sauront réaffirmer leur capacité à respecter leurs devoirs.

A l'extrême rigidité, vous avez préféré la modération et l'équilibre. Dans cet esprit, l'intervention du législateur se justifie pleinement. La pratique de la chasse s'inscrit dans l'histoire de l'humanité. Ne fut-elle pas l'un des premiers gestes de l'homme, et l'une des activités les plus anciennement réglementées de notre civilisation ? Le privilège de la chasse, accordé à la noblesse, ne fut-il pas le premier à être aboli lors de la nuit du 4 août 1789 ? Redonner aux chasseurs leur place dans une société harmonieuse était donc nécessaire, et ce projet de loi, écrit dans un esprit de confiance et de proximité, doit aboutir à la réconciliation autour de la chasse.

En ce qui concerne l'article 16, il ne suffit pas de revenir sur l'instauration du mercredi comme jour de non-chasse : il faut revenir à la pratique antérieure, qui laissait aux fédérations le soin d'en décider avec le préfet. On constatait alors plus de jours de non-chasse que depuis la loi du 26 juillet 2000, ce qui favorisait une gestion responsable et efficace du gibier.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Robert Lecou - On voit ainsi que la liberté et la confiance engendrent la responsabilité. La suppression de cette mesure permet également de redonner son importance à la notion de proximité, qui est beaucoup plus adaptée à la diversité de la faune.

Ce projet de loi s'inscrit dans une démarche plus globale, comprenant débats au Parlement, textes réglementaires et réforme de la directive Oiseaux, qui est peu satisfaisante. Il permettra donc à la chasse de redevenir cette activité de notre patrimoine culturel dont la pratique libre est à la fois une conquête démocratique de la Révolution et un mode de gestion responsable de la faune. Ainsi, chasseurs et non-chasseurs progressent-ils dans une démarche de responsabilité, de proximité et de liberté dans la confiance et le respect mutuel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Je demande aux orateurs de respecter leur temps de parole.

M. Thierry Mariani - Le temps est précieux, et les chasseurs, victimes d'un interminable feuilleton rocambolesque, le savent bien. Je ne me lancerai donc pas dans un discours lyrique : le temps est à l'action. Les chasseurs en ont assez des discours de surenchère, des débats procéduriers et des valses hésitation. Ils ont été suffisamment stigmatisés, voire diabolisés. La loi Voynet, votée au détour d'alliances de circonstance peu glorieuses, a été l'objet de marchandages inavouables. Elle a été l'os à ronger qu'il a bien fallu donner à une partie turbulente de la majorité, et ses conséquences pour le monde de la chasse ont été néfastes. Ces temps sont révolus. La page est tournée, il faut maintenant dépassionner et dépolitiser le débat.

Ce projet de loi constitue une rupture radicale avec la politique du précédent gouvernement. La concertation et le dialogue ont été rétablis, et la plupart de ses dispositions répondent à des attentes exprimées par les chasseurs. Il est le symbole de l'engagement du Gouvernement, de sa volonté de faire de la chasse une liberté et d'écarter toute polémique. Si la faune et le territoire sont suffisamment préservés pour faire le bonheur des promeneurs et des enfants, c'est grâce au dynamisme de la chasse qui, comme l'agriculture, est un acteur essentiel de l'environnement. Au-delà de la volonté de rétablir les principes de responsabilité et de liberté, les mesures du projet de loi sont aussi la juste contrepartie de leur contribution à la préservation de notre patrimoine naturel.

M. François Liberti - Bla-bla-bla !

M. Thierry Mariani - Mais il ne faudrait pas, à la fin de la discussion, que nous restions avec une impression de verre à moitié plein et à moitié vide.

Plusieurs députés socialistes - Et voilà !

M. Thierry Mariani - Ces principes ne donneront leur pleine mesure que si l'ensemble du projet de loi est à la hauteur des ambitions.

L'article 16 permet de redonner sa sérénité à la chasse. La suppression du jour de non-chasse serait une avancée considérable si elle n'était un simple retour à un réalisme qui avait déjà prévalu, l'abrogation d'une mesure, due à des a priori idéologiques, et qui n'a aucune justification en matière de sécurité ni de préservation de la faune. Cette abrogation est _uvre de bon sens. Les fédérations peuvent fixer elles-mêmes les jours de non-chasse, sans l'aide d'un texte arbitraire.

L'article L. 424-2 du code de l'environnement est au c_ur d'un lourd contentieux sur les dates de la chasse aux oiseaux migrateurs. Il crée une instabilité juridique permanente. Je vous exposerai au cours du débat des éléments parfaitement objectifs, qui devraient permettre d'apaiser les tensions, et je proposerai d'inscrire dans la loi les périodes de chasse lorsque les données scientifiques sont suffisamment sûres. Rien n'interdit d'inscrire dans la loi des dates de fermeture allant jusqu'à la troisième décade de février.

J'ai évoqué deux points sur lesquels les chasseurs espèrent des résultats. L'occasion nous est aujourd'hui donnée de répondre à leurs attentes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Lang - La loi sur l'organisation de la chasse votée en 2000 aurait dû être un bon texte. Certaines de ses dispositions allaient dans le bon sens. Malheureusement, elle a été totalement dévoyée par Mme Voynet, ministre de l'environnement, sous la pression de l'extrémisme vert. Les contrôles a priori et a posteriori, la limitation des réserves et des ressources, l'encadrement des élections font penser au traitement réservé à une organisation terroriste ou mafieuse, non à l'organisation d'un sport de loisir pratiqué par 1,4 million de nos concitoyens des plus respectables, attachés à la terre, à la nature et au respect des équilibres naturels.

En tant que député mais aussi président d'une fédération de chasseurs, je tiens à vous féliciter, Madame la ministre, ainsi que vos collaborateurs, pour le travail considérable que vous avez accompli. Ce texte reflète équilibre, raison et bon sens. Ces qualités observées chez les chasseurs, vous les possédez toutes, si bien que vous pourriez être des leurs, j'allais dire des nôtres (Sourires).

Vous proposez de confier aux préfets le soin de fixer un jour de non-chasse, après consultation des fédérations départementales, et de moduler ce jour en fonction des modes de chasse et des territoires concernés. Cela reprend à quelques nuances près, certes d'importance, la proposition de loi que j'ai déposée et qui a été cosignée par quelque cent députés et approuvée par nos collègues présidents de fédération départementale. Le président du groupe d'études parlementaire sur la chasse, rapporteur de votre texte, a pensé, suivi par nombre d'entre nous, qu'il valait mieux supprimer toute référence à un jour de non-chasse et en revenir à la situation d'avant la loi de 2000. En réalité, sur presque tous les bancs de l'Assemblée, nous avons le même souhait, celui de rendre aux fédérations l'initiative du jour ou des jours de non-chasse. Mais quelle rédaction nous protégera le mieux des recours que ne manqueront pas d'intenter les opposants irréductibles à la chasse ? Laquelle nous évitera d'avoir un jour à revenir sur le sujet ici ? Seul l'avenir nous le dira.

Enfin, la commission a adopté l'amendement que j'ai déposé avec notre collègue du Haut-Rhin, Jean-Louis Christ, afin d'autoriser de nouveau la chasse de nuit au sanglier dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle. En effet, la prolifération de cette espèce met en danger les cultures et favorise les épizooties de peste porcine qui menacent l'élevage du porc. Le tir de nuit, pratique traditionnelle dans ces départements, permettra de la limiter. Les chasseurs concernés sont équipés, et ils ont reçu l'éducation cynégétique nécessaire pour cette chasse.

En un mot, faisons confiance aux chasseurs, hommes du terroir, simples, attachés aux vraies valeurs. Contrairement aux extrémistes Verts, ils n'échafaudent pas d'idéologies de salon, variant au gré des phénomènes climatiques, et qui peuvent pousser les plus illuminés d'entre eux, comme l'actualité vient de nous l'apprendre, à tirer au lance-roquettes sur des centrales nucléaires, mettant en danger des millions de personnes. Au fait, était-ce un mercredi ?

M. Pierre Ducout - Ce n'est pas drôle.

M. Pierre Lang - C'était assurément le fait d'un irresponsable, tout le contraire d'un chasseur.

Encore merci, Madame la ministre, de vos efforts pour restaurer la confiance avec le monde de la chasse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Hervé Novelli - Je m'exprime aussi au nom de mes quatre collègues UMP de l'Indre-et-Loire qui ont souhaité être associés à mon propos ce soir. Le texte qui nous est présenté permettra de mettre un terme à l'incompréhension qui prévalait entre les chasseurs et le ministère de l'environnement, et de nouer un nouveau dialogue - la loi du 26 juillet 2000, n'en déplaise à certains, avait en effet aggravé les difficultés. Au-delà, ce projet de loi restaure les principes de liberté et de responsabilité, oubliés depuis des années dans le domaine de la chasse. En allégeant les contrôles exercés par les préfets sur les fédérations départementales, en modifiant le mode de représentation à leurs assemblées générales, ce texte rétablit pleinement la liberté d'association. Il responsabilise aussi les fédérations, notamment en abrogeant l'institution du mercredi comme jour de non-chasse sur l'ensemble du territoire national. L'article 16 du texte prévoit que dorénavant, les fédérations seront consultées par les préfets pour fixer un ou des jours de non-chasse. J'ai, pour ma part, cosigné avec le rapporteur un amendement visant à supprimer toute référence à un jour de non-chasse afin que les fédérations puissent, comme elles le faisaient avant la funeste loi de 2000, fixer elles-mêmes le jour de non-chasse.

Dialogue, liberté, responsabilité, tels sont les maîtres-mots de ce texte, nous ne pouvons que nous en féliciter. Il devra être complété après que l'Observatoire national de la faune sauvage et la mission sur la chasse aux oiseaux migrateurs auront rendu leurs conclusions. Ainsi le volet chasse du futur projet de loi relatif aux affaires rurales devra porter plus spécifiquement sur les territoires, l'organisation et la pratique de la chasse. Au-delà, le Gouvernement devra entamer avec les instances européennes une renégociation de la directive Oiseaux de 1979. Depuis quelques mois, ce gouvernement a su défendre avec talent et pugnacité plusieurs dossiers à Bruxelles - je pense en particulier au taux de TVA réduit dans certains secteurs. Puisse-t-il faire preuve de la même combativité, s'agissant de la chasse aux migrateurs.

Vous avez ouvert la voie, Madame la ministre, pour résoudre les problèmes que nous a légués le précédent gouvernement. Nous serons à vos côtés pour rechercher un nouvel équilibre entre chasseurs et défenseurs de l'environnement, lesquels sont souvent les mêmes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Francis Saint-Léger - Lors du débat sur la chasse du 11 février dernier, vous nous aviez promis, Madame la ministre, un texte avant l'été, de façon qu'il soit applicable avant la prochaine saison de chasse. Je vous remercie d'avoir tenu parole.

Ce texte, qui n'est qu'une première étape et n'a pas la prétention de régler tous les problèmes, était néanmoins très attendu du million et demi de chasseurs de notre pays. En effet, ceux-ci s'étaient sentis profondément humiliés par la loi Voynet, qui avait jeté la suspicion sur eux. Ils attendent de nous aujourd'hui que nous leur redonnions liberté et responsabilité, et que nous allégions les contraintes que le précédent gouvernement leur avait illégitimement imposées. Ce texte répond à leurs inquiétudes en revenant sur les dispositions les plus contestées de la loi Voynet. Ainsi en va-t-il de l'adaptation des modalités de vote dans les assemblées générales des fédérations départementales, où les aspirations des sociétés de chasse seront mieux prises en compte, de l'allégement du contrôle économique et financier exercé par l'Etat sur les fédérations, qui pourront utiliser librement leurs réserves...

M. Yves Cochet - C'est la Cour des comptes qui va s'amuser !

M. Francis Saint-Léger - Enfin, et surtout, ce texte revient, à juste titre, sur l'institution arbitraire du mercredi comme jour de non-chasse sur l'ensemble du territoire, décision aussi idéologique qu'absurde. Sur ce point, même si elle va dans le bon sens, votre proposition de supprimer la référence au mercredi et de déconcentrer la décision au niveau des préfets, demeure insatisfaisante. En faisant allusion à la conciliation des différents usages de la nature, ce texte non seulement n'abolit pas la ségrégation établie par la loi Voynet, mais laisse craindre des contentieux. C'est pourquoi je soutiens l'amendement présenté par le rapporteur, et visant à supprimer toute référence à un jour de non-chasse.

Les chasseurs, en particulier ceux de mon département, la Lozère, ne veulent plus en entendre parler, et souhaitent revenir à la situation antérieure. Ils attendent de nous un signal fort et clair. Les chasseurs n'avaient pas attendu la loi de 2000 pour instituer des jours de non-chasse, en application d'ailleurs de l'article R. 224-7 du code rural. Ainsi, en Lozère, la chasse était-elle jusqu'alors interdite les mardis et vendredis. De même, par le biais des plans de gestion de la ressource, les sociétés de chasse n'hésitent pas, lorsqu'il faut protéger le gibier, à n'en autoriser la chasse que quelques jours par saison, voire à l'interdire totalement si nécessaire. C'est grâce à de telles mesures que la perdrix grise a pu être sauvegardée en Lozère. Faisons donc confiance aux chasseurs, qui connaissent mieux que quiconque le terrain, et à leur sens des responsabilités.

Le présent texte doit être complété par d'autres dispositions législatives et réglementaires, relatives notamment à l'aménagement et à la simplification de la pratique de la chasse, à la fixation des dates d'ouverture et de fermeture, à l'indemnisation des dégâts du gibier et à la clarification des missions de l'ONCFS. Nous devrons veiller, lors des débats futurs, à préserver les divers modes de chasse, dans le respect des coutumes propres à chacun de nos territoires. Pour l'heure, je suis persuadé que ce texte répondra aux attentes les plus urgentes des chasseurs, apaisera les conflits qui s'étaient fait jour ces dernières années et restaurera la confiance nécessaire à une pratique sereine de la chasse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Etienne Mourrut - Depuis l'adoption de la loi chasse par la gauche plurielle, les relations entre chasseurs et non-chasseurs se sont dégradées et les divergences entre eux accentuées. Et pour cause : une chasse originale, et particulièrement véhémente, a été ouverte depuis la loi Voynet - la chasse, non au gros gibier ou au gibier d'eau, mais au Nemrod, qu'il fallait anéantir sous prétexte qu'il dégradait les espaces et les équilibres naturels et qu'il menaçait la sécurité des personnes ! Ces affirmations gratuites ont fait grand tort aux chasseurs, dont il nous appartient maintenant de restaurer la vraie image, en réaffirmant leur rôle de gardiens de la nature. Cette loi y contribuera, me semble-t-il, en supprimant les dispositions les plus controversées de la loi du 26 juillet 2000.

Cependant, pour que cette réforme soit comprise et acceptée par le plus grand nombre, il me faut insister sur certains points en m'appuyant sur la connaissance que j'ai de mon département du Gard et de ses 23 000 chasseurs. Ceux-ci prennent une part active à la gestion durable de notre patrimoine naturel camarguais, aménageant et finançant pour partie des habitats fauniques. Grâce à ces plans « cultures-gibiers », plusieurs dizaines de milliers d'hectares sont mis en culture chaque année. En outre, les fédérations maintiennent des réserves qui sont de vrais viviers pour le gibier : ainsi, la société de chasse d'Aigues-Mortes a-t-elle classé 47 hectares en réserve. Des chasseurs qui _uvrent ainsi pour la faune et la flore méritent notre respect, et les pouvoirs publics doivent les considérer comme des partenaires dignes de confiance.

S'il est nécessaire de réglementer la pratique de la chasse, il faut aussi prendre en compte la diversité de notre patrimoine cynégétique et des pratiques locales, ainsi que les spécificités du gibier de chaque région. A ce titre, il convient de rendre aux fédérations le rôle qui était le leur avant la loi Voynet, en particulier s'agissant de déterminer le fameux jour de « non-chasse ». Je ne suis pas un tenant du libéralisme sauvage en la matière, loin de là, mais des organismes qui ont démontré leur sérieux doivent avoir voix au chapitre. Nos sociétés de chasse locales n'élaborent-elles pas, d'ailleurs, des plans de chasse souvent plus restrictifs que la loi Voynet, mais mieux adaptés aux spécificités locales ? Et ne sommes-nous pas à l'heure de la décentralisation ?

En soutenant ce projet, l'élu gardois, non-chasseur, que je suis entend participer à la réhabilitation de nos authentiques chasseurs. Adopter cette loi, une fois judicieusement amendée par le groupe UMP, ce sera annoncer la fermeture définitive de la chasse inique au Nemrod ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christophe Priou - Perdreau de l'année 2002, j'ai été un peu choqué que, lors des questions d'actualité, cet après-midi, M. Ayrault nous reproche d'examiner cette loi un jour de mouvement social. Nous aurions certainement tous souhaité qu'en 2000, il y ait eu, au lieu d'une loi « chasse », une loi sur les retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), ce qui aurait évité à M. Liberti et à son groupe de ne pas manger deux fois leur chapeau : une fois au moment de la loi chasse, et l'autre lorsqu'on a rejeté leur proposition permettant aux personnes ayant cotisé quarante ans de prendre leur retraite ! Mais sans doute le groupe socialiste ne voulait-il pas alimenter la chasse en accordant trop de temps libre (Rires sur les bancs du groupe UMP).

Venant après le débat de février, ce projet constitue une première étape, qui en appelle d'autres, notamment à la faveur de la discussion de la loi sur les affaires rurales. Il conviendra aussi d'intensifier les discussions avec l'Europe, notamment sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse - et à cet égard, nous attendons avec impatience le rapport de notre collègue Garrigue, car il existe sans doute des marges de négociation. En tout état de cause, les chasseurs attendent d'autres gestes, leur bonne santé autorisant sans aucun doute la chasse de la foulque macroule ou le déclassement du col vert, par exemple. Il faudrait enfin penser aux jeunes, en leur permettant de passer leur permis de chasse dans de meilleures conditions.

Des nuages s'amassent déjà à l'horizon, ne serait-ce que parce que la date de l'ouverture de la chasse au gibier d'eau sera probablement maintenue au 1er septembre alors que la nidification s'annonce précoce. Il nous faut néanmoins tout faire pour rétablir la confiance en ces vrais usagers et défenseurs des espaces naturels que sont les chasseurs et les pêcheurs : ce sont eux en effet qui régulent les espèces nuisibles, animales comme le ragondin ou le grand cormoran, ou végétales comme la jussie ou le myriophylle du Brésil, et qui jouent un rôle moteur dans la constitution du réseau Natura 2000.

Parce qu'il existe plusieurs types de chasse, je milite comme le président Lemoine pour la suppression de l'article 16 : pour la chasse terrestre, les fédérations fixeront sans aucun doute plusieurs jours de non-chasse et, pour la chasse au gibier d'eau, la suppression totale de telles obligations est la seule avancée concevable.

La loi doit en effet viser à rétablir le dialogue avec les gestionnaires des espaces naturels, et non imposer une vision urbaine ou virtuelle de nos campagnes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Garrigue - Ce projet ne résout peut-être pas tous les problèmes de la chasse, mais il apporte des solutions que nos chasseurs attendaient impatiemment. Il a d'abord le mérite de reconnaître les responsabilités des fédérations en substituant à un contrôle a priori un contrôle a posteriori. Ensuite, si le Gouvernement suit la commission, ces mêmes fédérations pourront administrer librement les réserves, ce qui réglera leurs problèmes d'investissements immobiliers. Enfin, nous en aurons fini avec le problème du jour de non-chasse : les chasseurs n'avaient pas attendu la loi Voynet pour renoncer à chasser un ou plusieurs jours de la semaine lorsque cela leur apparaissait nécessaire, et ce sens de la responsabilité doit être reconnu. Il est anormal que les contorsions de la jurisprudence priment sur la volonté du législateur, c'est-à-dire sur le suffrage universel.

M. Jean Lassalle - Très bien !

M. Daniel Garrigue - Je suis d'accord avec M. de Villiers lorsqu'il dit que les problèmes de dates d'ouverture et de fermeture de la chasse proviennent davantage de l'attitude du juge administratif que de la volonté de Bruxelles, et lorsqu'il exprime son désaccord à propos des récents arrêts du Conseil d'Etat. De fait, la façon dont le commissaire du Gouvernement a qualifié certain rapport de « scientifique » évoque fâcheusement l'époque de Lyssenko (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Yves Cochet - C'est incroyable !

M. Daniel Garrigue - Je le maintiens. En revanche, je ne puis accepter les solutions simplistes et « désordonnées » préconisées par M. de Villiers : par sa complexité, ce problème ne peut être réglé qu'en s'appuyant sur des données scientifiques plus fournies, ce qui impose de recourir au travail de l'Observatoire de la faune sauvage, mais sans doute aussi de constituer un réseau au moins à l'échelle de l'Europe.

La solution passera également par une relecture de la directive Oiseaux, afin de revenir à son esprit d'origine, qui était celui de la conservation des espèces, non de la protection systématique des individus. Un guide interprétatif est déjà en cours de réalisation et nous devons y prêter la plus grande attention.

Si le juge administratif ne modifie pas son attitude, nous n'aurons peut-être d'autre recours que de remettre en cause la directive elle-même et de la remplacer par une convention couvrant trois continents. Mais, Monsieur de Villiers, pour y parvenir, il faudra obtenir la coopération de nos partenaires européens et, certainement aussi, profiter de l'élargissement.

Tout cela ne peut se faire dans l'immédiat, mais ce projet répond déjà, je le répète, aux attentes des chasseurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

Mme la Ministre - Curieux débat ! Certes, les orateurs de l'UMP et de l'UDF ont témoigné d'une grande cohérence dans leur engagement en faveur d'une chasse démocratique, populaire et durable, ce dont je leur sais gré. J'ai particulièrement apprécié l'approche technique et documentée des orateurs de la majorité, et surtout la passion et l'affection que suscite la chasse, activité structurante du monde rural. Le rapporteur Jean-Claude Lemoine a même utilisé le mot « amour », rejoignant en cela Jérôme Bignon. Pardonnez-moi de ne pas vous citer tous, mais vos interventions me seront précieuses pour continuer le travail qui nous attend.

En revanche, j'oscille entre l'amusement et l'indignation devant le choix des orateurs socialistes et communistes. J'excepte M. Chanteguet qui « s'y est collé », avec un bel esprit de sacrifice, pour défendre la loi de juillet 2000 sur l'air de « Tout allait bien, Madame la marquise », au mépris de toutes les constatations sur le terrain. Il a été très vite démenti par ses collègues de gauche, le prix de la démagogie revenant à M. Gremetz - mais avec de nombreux accessits aux orateurs socialistes, qui se sont succédé pour démolir la loi présentée par M. Jospin. Ce n'est plus du droit d'inventaire que vous vous prévalez, c'est du permis de démolition ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Kléber Mesquida - C'est inacceptable !

Mme la Ministre - J'ai construit une politique de la chasse sur la confiance que je fais aux acteurs de terrain. Beaucoup auraient voulu que le dossier avance plus vite.

M. Jean-Claude Perez - Oh oui !

Mme la Ministre - C'est aussi mon avis. Mais il nous a fallu d'abord régler des problèmes urgents : nouvelles dates de chasse, contentieux à répétition au Conseil d'Etat, travail de Georges Dutruc-Rosset auprès de la Commission européenne avec l'appui de mes services, décision sur les mustélidés, suppression du timbre sur le gibier d'eau.

Ensuite il a fallu renouer les fils du dialogue avec les chasseurs. Comment ne pas comprendre leur méfiance ? Nous avons pris le temps de nous apprivoiser, de nous connaître. Si je suis une femme de dialogue, je ne cherche pas la complaisance. Je respecte mes interlocuteurs s'ils sont de bonne foi et s'ils connaissent bien leurs dossiers.

J'ai veillé aussi à consulter les associations naturalistes, les grands élus territoriaux, et surtout j'ai travaillé avec les parlementaires, à commencer par le président du groupe chasse, Jean-Claude Lemoine.

J'aurais pu imaginer une cathédrale législative. Mais l'exercice est long et périlleux, et nous n'aurions rien aujourd'hui sur le métier législatif. J'ai choisi une approche pragmatique, prenant les problèmes les uns à la suite des autres, en veillant à ne pas confondre aspects réglementaires et dispositions législatives.

C'est vrai, nous ne sommes qu'à la moitié du chemin. Outre le projet relatif aux affaires rurales et au patrimoine naturel, deux dossiers m'attendent. D'abord celui des dates d'ouverture et de fermeture ; je présenterai de nouvelles dates début juillet. Ensuite le dossier européen ; M. Dutruc-Rosset nous a bien déblayé le terrain, les contacts sont constants avec la Commission. J'ai eu à Athènes, à l'occasion du conseil des ministres de l'environnement, une conversation approfondie avec la commissaire Margot Wallström. Je compte emmener une délégation de parlementaires, à commencer par Jean-Claude Lemoine, pour discuter de nos problèmes à Bruxelles et faire valoir nos arguments (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le 13 juin, je ferai au Conseil des ministres une communication très complète sur les directives Oiseaux et Habitats.

Je vous remercie tous pour cette discussion générale franche, ouverte, généreuse, qui contribue à donner une autre image de la chasse.

J'ai parlé en commençant de responsabilité, de décentralisation, de développement durable. Mais un mot est revenu, que je veux utiliser en faveur de la chasse : celui de confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Christophe Masse - J'interviens moi aussi au nom du million et demi de chasseurs dont je fais partie, et dans l'intérêt de tous les Français attachés à nos campagnes.

Personne ne peut vous contester le droit d'élaborer une nouvelle législation afin de poursuivre la réconciliation entre défenseurs et contradicteurs de la chasse, pratique traditionnelle, alors que les médias attisent les hostilités à tort et à travers. Votre autosatisfaction, à l'instant, était cependant surprenante, alors que la chasse au gibier d'eau vient de connaître sa saison la plus courte...

Le débat sur la chasse doit toujours revêtir la plus grande honnêteté. Que dire alors des artifices du débat sans vote qui a eu lieu ici le 11 février, puis des arrêtés de prolongation pris rapidement selon l'habitude de l'UMP - « avec nous, on va voir ce qu'on va voir » - et cassés tout aussi tôt par le Conseil d'Etat ?

M. Jean-Claude Perez - Eh oui !

M. Christophe Masse - Ce ne sont pas de tels procédés de dupes qui vont favoriser le retour de la confiance dont vous avez parlé, et dépassionner la discussion. Telle doit pourtant être notre démarche, afin de permettre à tous les utilisateurs de territoires naturels d'assouvir leurs passions de façon équitable et cohérente.

Non, les chasseurs n'ont pas le droit de s'approprier un domaine public aux motifs de chasse, au détriment des randonneurs ou promeneurs, qui eux-mêmes n'ont pas le droit d'exclure les chasseurs en se constituant en associations de défense d'espaces naturels, et en les faisant passer pour des violents et des sanguinaires, même s'il est indispensable de distinguer, au sein de la grande famille des chasseurs, le bon grain de l'ivraie.

Non, les chasseurs ne veulent pas être confondus avec leur image médiatique souvent primaire, ignoble ou ridicule. Non, les chasseurs ne sont pas hermétiquement fermés à tout débat sur leur rôle, leurs droits et leurs devoirs.

La chasse, qui rythme la vie de nos campagnes, représente un poids économique considérable, contribue à l'équilibre écologique et biologique de l'espace naturel, et relève d'un profond amour des traditions que les chasseurs ont reçues de leurs pères.

Ainsi, en Provence, se pratique, comme l'a dit Josette Pons, une chasse traditionnelle aux grives, la chasse au poste, symbolique des valeurs qui animent les chasseurs. Si nous devons dépassionner nos débats, qu'elle est belle, en revanche, la passion qui entraîne les pratiquants et pratiquantes de nos grandes chasses traditionnelles et démocratiques.

Je reviens un instant sur la chasse en poste. Il faut avoir connu les petits matins brumeux chers à Jérôme Bignon (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), dans un bois et non pas dans la garrigue (Sourires), chère Josette Pons, pour la chasse aux grives, lorsque les appelants sont fixés au pied des arbres, lorsque la glu est prête pour la capture des grives vivantes et lorsque l'aube point, pour parler véritablement de passion. S'il était donné au million et demi de chasseurs la possibilité de faire partager une fois par an cette passion à une personne non convaincue, je suis sûr qu'au fil des ans les relations seraient beaucoup moins tumultueuses entre les chasseurs et leurs opposants.

Il faut aussi rappeler le rôle indispensable de la pratique cynégétique dans la régulation de la faune sauvage, et dans la préservation de notre patrimoine naturel.

La chasse joue également un rôle économique majeur, en générant des milliers d'emplois induits. De plus le chasseur dépense plus de mille euros par an pour vivre sa passion. Il est le seul utilisateur payant de l'espace naturel.

La chasse joue un véritable rôle culturel dans notre pays rural, alors que, nous le savons, sur 80 % du territoire ne vit que 20 % de la population.

Au total, on voit combien la chasse mérite d'être respectée dans notre démocratie, même si elle ne compte que 2 % d'amateurs. Nous sommes donc tous d'accord pour faciliter les relations entre chasseurs et non-chasseurs.

Votre projet a la prétention de résoudre l'ensemble des problèmes posés aux chasseurs et à leurs contradictions. Or ce sujet si sensible est « saucissonné » entre le projet d'aujourd'hui et le projet sur les affaires rurales, et l'on annonce même pour 2004 un texte sur l'habitat et le patrimoine naturels. Où est la lisibilité tant attendue ?

Au lieu de tant parler du soutien massif que vous apporteriez aux chasseurs, vous feriez mieux de désamorcer les conflits et d'organiser cette pratique. Comment donc allez-vous tenir les promesses qui ont permis à de nombreux collègues d'être ici ? Et comment ferez-vous en sorte qu'ils soient encore là demain ?

Quelles sont donc les modifications du texte qu'ont dit attendre le rapporteur, le président de la commission et M. de Courson ? Quelle sera l'issue de ce débat entre l'UMP et l'UMP ?

Jean-Paul Chanteguet a montré comment, par sa saisine du Conseil constitutionnel, l'opposition d'alors a transformé un jour de non-chasse hebdomadaire en un jour imposé : le mercredi. Parmi les signataires de cette saisine, on relève les noms de MM. Ollier, Lemoine, de Courson et Estrosi...

Votre texte ne répond en rien aux attentes de ceux que vous prétendez défendre et que vous bernez une fois de plus. Vous ne mettez nullement les chasseurs à l'abri des décisions du Conseil d'Etat et des tribunaux administratifs. Vous ne tenez donc pas vos promesses électorales. Est-ce ainsi que vous entendez rétablir la confiance ?

N'avait-on pas annoncé aussi que vous régleriez le problème des dates d'ouverture et de fermeture, comme si une majorité, de droite ou de gauche, pouvait le faire sans encourir les frondes de Bruxelles, via les juridictions administratives ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Au lieu de laisser de prétendus écologistes stigmatiser la chasse, ...

Mme la Ministre - Et la majorité plurielle ?

M. Christophe Masse - ...vous devriez vous interroger sur la responsabilité de l'évolution de la société dans la disparition de certaines espèces. L'urbanisation à outrance, la multiplication des routes et des autoroutes, certaines pratiques agricoles, la pollution industrielle causée par ceux qui montrent les chasseurs du doigt et qui financent une émission de télévision intitulée Histoire naturelle, sont infiniment plus dommageables que les prélèvements opérés par les chasseurs.

Mme la Ministre - Ça, c'est vrai !

M. Christophe Masse - Le saucissonnage de ce dossier en plusieurs textes, l'absence de toute garantie contre les contentieux - je suis d'ailleurs persuadé que les chasseurs seraient prêts à quelques concessions en échange d'une vraie sécurité juridique -, le non-respect de l'article 86, alinéa 7, de notre Règlement, qui fait obligation d'annexer un bilan écologique au rapport sur tout projet susceptible d'avoir un impact sur la nature : tels sont les motifs qui fondent notre demande de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre - Comment prétendre que ce texte n'a pas fait l'objet d'une concertation préalable ou qu'il n'a pas été suffisamment examiné par la commission ? Ce n'est pas défendable !

En outre, j'ai eu bien du mal à situer votre position, entre ceux qui jugent ce projet nocif et ceux pour qui il ne va pas assez loin. Vous vous êtes même « payé » une charge contre vos anciens alliés écologistes. Les pauvres, ils ne sont déjà pas bien nombreux...

M. Yves Cochet - Nous reviendrons !

Mme la Ministre - Ce projet faisait suite au débat du 11 février, au cours duquel nous avions dégagé les actions que nous allions mener ensemble. Il a donné lieu à une concertation longue et approfondie ainsi qu'à une riche discussion en commission.

Je demande donc à l'Assemblée de repousser cette motion de renvoi injustifiée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Il n'y a, en effet, aucune raison de renvoyer ce texte devant la commission, qui a déjà pris beaucoup de temps pour l'étudier.

Je m'étonne par ailleurs que M. Masse ait dit qu'il n'était pas attendu, alors que certains de ses collègues ont jugé qu'il venait trop tard ! Parce qu'il avait justement fait l'objet d'une large concertation et était de bonne qualité, nos travaux ont été grandement facilités.

Enfin, je n'ai nullement exigé des modifications : j'ai simplement demandé à Mme la ministre d'accepter quelques amendements de précision et de simplification (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Stéphane Demilly - Nous avons fort bien travaillé en commission, et je félicite le rapporteur pour ses qualités d'écoute et de pédagogie et le président pour sa rigueur.

Nous ne voyons donc aucun intérêt à renvoyer ce texte en commission. Passons donc aux actes, et que chacun assume son vote ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Je voterai le renvoi en commission, non que cette dernière ait mal travaillé, ni que ce texte soit nocif, mais parce qu'il est vide et ne répond donc en rien aux attentes des chasseurs (« Absolument ! » sur les bancs du groupe socialiste). Faute de régler par la loi le problème des dates d'ouverture et de fermeture, celles-ci seront à nouveau contestées et annulées, les contentieux perdureront et vous promettrez encore une solution à l'approche des futures élections...

Mme la Ministre - Vous auriez dû faire preuve d'un peu de courage et voter contre la loi de 2000...

M. Maxime Gremetz - Si je n'ai pas voté contre, c'est parce qu'elle légalisait la chasse de nuit (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Le rapporteur n'est guère ambitieux, il se contente de quelques amendements de précision, et le texte demeurera donc une coquille vide. Utilisons plutôt le renvoi en commission pour mettre dans la loi les dispositions essentielles pour lesquelles, en juillet 2000, vous aviez voté contre le texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Joël Hart - Ceux-là même qui nous reprochaient de débattre de la chasse quand tant d'autres sujets importants nous préoccupent ont largement usé de la possibilité qui leur était offerte : sans doute le sujet en valait-il quand même la peine... Mais maintenant, après toutes ces contorsions, il faut reconnaître que le recours à la procédure a atteint ses limites. Nous avons débattu en février, le groupe d'études a tenu de nombreuses réunions de travail, nous en avons tenu d'autres pour rédiger ce texte. Nous sommes arrivés au terme. Discutons des articles, votons le texte, c'est à cela que nous serons jugés. Le groupe UMP, soucieux d'efficacité, s'opposera au renvoi en commission.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, mercredi 14 mai, à 15 heures.

La séance est levée à 23 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU DU MERCREDI 14 MAI 2003

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 758) relatif à la chasse.

M. Jean-Claude LEMOINE, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. (Rapport n° 821)

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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