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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 86ème jour de séance, 207ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 15 MAI 2003

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

        ÉGALITÉ DES CHANCES DES TERRITOIRES
        ET REVITALISATION DE L'ÉCONOMIE RURALE 2

        SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION 21

        FIN DE LA MISSION D'UNE DÉPUTÉE 22

La séance est ouverte à neuf heures trente.

ÉGALITÉ DES CHANCES DES TERRITOIRES ET REVITALISATION
DE L'ÉCONOMIE RURALE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Augustin Bonrepaux et de plusieurs de ses collègues en faveur de l'égalité des chances des territoires et de la revitalisation de l'économie rurale.

M. Augustin Bonrepaux, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - C'est une joie pour moi que de vous présenter un texte d'origine parlementaire. C'est en effet assez rare pour y prêter attention et savourer cette séance.

L'égalité des chances des territoires est indispensable pour assurer l'unité nationale dont l'Etat est garant. Elle s'incarne dans l'égal accès aux services. Il ne s'agit pas d'opposer les territoires mais de mettre en avant leur complémentarité et leur solidarité.

Cette proposition de loi sur la revitalisation de l'économie rurale se limite aux zones rurales, et en particulier, aux plus fragiles d'entre elles. Elle répond aux préoccupations de nombreux élus ruraux : notre collègue Christian Menard, député UMP, a présenté une proposition identique le 13 février 2003 ; un collègue député de la Lozère a posé une question orale ; enfin, en Aveyron, plusieurs communes ont adopté des propositions identiques et plusieurs parlementaires de l'UMP leur ont apporté leur soutien.

Cette proposition se justifie par l'aggravation de la crise du monde rural. Les fermetures d'entreprises ne concernent pas que les villes. Ainsi de Pechiney en Ariège ou du GIAT dans les Hautes-Pyrénées et chacun de vous peut citer des fermetures dans la plupart des zones rurales.

En outre, les restructurations de services publics - Banque de France, France Télécom, Poste, EDF - se font essentiellement aux dépends des zones rurales.

A cela s'ajoute la crise agricole, particulièrement la crise de l'élevage, qui continue de se manifester.

On ne peut espérer de solutions alors que les crédits de l'Etat subissent une réduction drastique, les contrats de plan pour les grands aménagements routiers ou ferroviaires sont menacés. Le financement des contrats de pays n'est plus assuré car le fonds national d'aménagement et de développement du territoire subit une amputation de 30 % ; de ce fait, le financement des contrats de pays n'est pas assuré. Tout l'équipement rural est compromis par la réduction de 60 % à 75 % des crédits du fonds national pour le développement des adductions d'eau. Les crédits du fonds social du logement subissent une réduction de 25 % et ceux du logement sont amputés de 20 %. Concrètement, c'est moins de routes, moins d'équipements publics, moins de commandes publiques pour les entreprises locales ; c'est également l'impossibilité d'appliquer les projets que les pays ont conçus.

Les collectivités les moins favorisées, qui ont besoin que la solidarité joue grâce à la péréquation, sont donc paralysées. Est-ce l'annonce d'une grave crise de l'emploi dans ces territoires ? On peut le craindre.

Les perspectives du budget 2004 sont encore plus inquiétantes puisque le Gouvernement se prépare à limiter les dépenses, à réduire encore les investissements.

Pourtant, pour développer l'économie rurale, des opportunités existent. Les ressources naturelles - l'eau, la forêt, l'espace, l'air pur - sont des richesses qui doivent être entretenues. Seuls ceux qui travaillent dans les zones rurales sont à même de le faire. Grâce à leur travail, le tourisme vert peut se développer.

Le télétravail pourrait être lui aussi développé afin de permettre le maintien ou l'arrivée d'une population active. L'économie rurale, en effet, ne se limite pas à l'agriculture mais concerne aussi l'artisanat, les PME et l'ensemble des services publics.

Les récentes décisions du Gouvernement visant à reconduire les quarante-quatre zones franches urbaines existantes et à en créer quarante et une nouvelles accentuent la fracture entre les agglomérations et le monde rural. Les ZFU ne sont plus conçues comme un moyen de développer l'activité, mais comme une solution aux licenciements massifs, ce qui n'est pas leur objet.

Face à cet opportunisme politique dont le milieu rural est victime, le groupe socialiste propose des mesures simples et énergiques.

Je le rappelle, une proposition de loi ne peut comporter que des mesures conformes à l'article 40 de la Constitution et ne peut donc pas proposer de dépenses.

Notre proposition de loi tend d'abord à situer les territoires en grande difficulté, en définissant le PARI, périmètre d'aménagement rural incitatif. Sont concernées les zones qui connaissent les plus grandes difficultés et qui ne relèvent peut-être pas d'un zonage spécifique, telles que les zones de revitalisation rurale ou les territoires ruraux de développement prioritaire. Parmi toutes les zones où la densité de la population est faible, ce sont soit celles qui subissent des licenciements massifs ou des taux de chômage élevé, soit celles qui connaissent une grave crise de leur agriculture.

Un décret du Gouvernement devrait définir les PARI selon ces critères.

Ce classement devrait permettre à ces zones de bénéficier de mesures dérogatoires : moratoire pour les services publics, soutien en faveur de l'installation des jeunes et de l'équipement agricole, mais aussi des mesures fiscales dérogatoires pour les entreprises existantes qu'il convient de sauver, car elles correspondent à des formes de services publics lorsqu'il s'agit de la boulangerie, de l'épicerie ou de la boucherie et car les PME et les entreprises artisanales doivent avoir les moyens de se diversifier. Nous proposons à cet effet des allégements fiscaux et des réductions de charges patronales. Il faut également instituer des incitations plus fortes pour les activités nouvelles : réduction de l'impôt sur les sociétés, suppression de la taxe professionnelle, réduction des charges patronales pendant une durée beaucoup plus longue.

Le deuxième train de mesures représente un encouragement au télétravail. Au préalable, il convient d'équiper les zones rurales pour qu'elles soient desservies en téléphonie mobile et en haut débit. L'accès de nos campagnes à cette technologie n'est pas un luxe, mais une nécessité. Ainsi pour les producteurs de fleurs, la possibilité d'envoyer aux acheteurs potentiels les photos des fleurs disponibles est un atout décisif, comme en atteste la réussite des entreprises hollandaises, bien équipées en haut débit alors que les entreprises des bords de Loire n'en bénéficient pas. La réparation de cette inégalité ne devant pas se traduire par des charges nouvelles pour les collectivités rurales, il est indispensable que l'Etat et l'Europe la financent.

Mais au-delà de l'équipement, il faut aussi inciter à la pratique du télétravail, qui ne concerne en France que 2,2 % de la population active, alors que ce taux atteint 5,6 % en Europe et dépasse les 15 % dans des pays comme le Danemark, la Suède ou la Finlande. Nous proposons donc des déductions fiscales pour les investissements réalisés dans ce domaine et des réductions de charges patronales pour toutes les entreprises qui créeraient des emplois par le télétravail dans des zones de PARI.

Troisième mesure : nous proposons d'encourager les collectivités locales en accordant des moyens nouveaux à la coopération intercommunale.

La disparition d'une entreprise dans une zone rurale constitue un véritable cataclysme. La chute de ressources de taxe professionnelle qui en résulte se répercute sur les impôts locaux, qui subissent alors des augmentations excessives. C'est pourquoi nous proposons de porter à cinq ans la compensation de la taxe professionnelle dans les zones de PARI et d'accorder une bonification de DGF et de DDR aux communautés de communes chargées du développement économique et des services publics afin qu'elles puissent faire face à ces nouvelles charges.

Ces mesures simples et concrètes devraient être mises en _uvre de toute urgence, car l'économie rurale est en grave danger et ce n'est pas lorsque la plupart des activités auront disparu que nous pourrons y remédier.

J'insiste de plus sur leur caractère peu onéreux. En effet, de 1997 à 2001, les zones urbaines fragiles ont reçu 434 millions d'euros, somme qui devrait être doublée dans les cinq ans à venir, soit donc 900 millions d'euros. Nous demandons seulement la moitié de ces crédits pour les PARI. Avec seulement 450 à 500 millions d'euros, il serait possible de créer une zone de PARI sur les 500 cantons ruraux les plus fragiles, ce qui leur donnerait un nouvel élan et aurait un effet positif sur l'emploi...

Le coût de cette mesure serait inférieur à la réduction de l'impôt sur la fortune pratiquée en février dernier et dont je serais curieux de connaître les effets sur l'emploi.

C'est un PARI que nous proposons au Gouvernement, un PARI rural. Il y a en effet urgence pour le monde rural. C'est une chance que le Parlement ne peut pas lui refuser (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Nous venons d'entendre un plaidoyer intéressant et fondé sur de bonnes intentions, mais qui est avant tout politique et je voudrais, en tant que président de la commission, expliquer pourquoi il ne me paraît pas opportun de passer à la discussion des articles.

M. Bonrepaux a dressé un constat exact, mais je lui rappelle que c'est la majorité à laquelle j'appartiens qui avait créé en 1995, dans la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire, le dispositif de soutien aux territoires ruraux. Au risque de paraître prétentieux, j'ajoute que c'est même moi qui avais défendu l'amendement nocturne et consensuel sur les ZRR et les ZRU. Malheureusement, le gouvernement socialiste n'a ensuite pas fait ce qu'il fallait pour qu'elles trouvent les moyens de leur développement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) On ne peut pas faire aujourd'hui en quelques mois ce que vous avez refusé de faire pendant cinq ans et je trouve qu'il y a beaucoup d'audace à venir nous faire la leçon sur l'aménagement du territoire alors qu'en 1998, la loi Voynet a abrogé les principales dispositions que nous avions prises en la matière. La disparition de tous ces articles a créé la plus grande confusion dans ce domaine pendant cinq ans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je ne peux pas ne pas parler de l'héritage, car la gauche a bel et bien déstructuré la politique d'aménagement du territoire. Et voici qu'aujourd'hui elle vient nous expliquer comment il faudrait faire !

L'explosion des banlieues et la dévitalisation de certains territoires ruraux sont les deux faces d'un même mal : l'absence de politique d'aménagement du territoire.

Et je pense que l'égalité des chances entre les territoires passe par une inégalité de traitement.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Là, nous sommes d'accord.

M. le Président de la commission - Mais le dispositif proposé par M. Bonrepaux souffre de trois défauts : précipitation, complexité et aventure financière. Il n'est de surcroît guère original puisqu'il ne fait que calquer sur les territoires ruraux en difficulté ce que nous avons fait pour certaines zones urbaines. En effet, les PARI ne sont en réalité que des zones franches rurales. C'est une solution de facilité, mais c'est une erreur de penser que la même formule peut valoir pour ces deux types de territoires. Il faut au contraire chercher des solutions spécifiques.

Le Gouvernement est précisément en train de travailler dans cet esprit à un projet, qui sera présenté avant l'été et qui s'attache à répondre aux questions que nous avons posées en vain pendant cinq ans à la précédente majorité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Nous verrons, Monsieur Bonrepaux, comment vous soutiendrez cette initiative, fondée sur la réflexion, le partenariat et la mise en place d'une politique globale et coordonnée.

Si j'ai parlé de précipitation, c'est parce qu'il faudrait commencer par évaluer les résultats des ZRR et des autres dispositifs que nous avions créés. Et si j'ai parlé de complexité, c'est parce que vous vous contentez de superposer une nouvelle structure à celles qui existent déjà, alors que l'efficacité commande de simplifier.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Président de la commission - Aventure financière, enfin, car vous n'êtes pas en mesure de chiffrer le coût des exonérations fiscales et abattements dégressifs que vous proposez.

M. le Rapporteur - Puis-je vous interrompre ?

M. le Président de la commission - Je termine mon propos, si vous permettez.

En réalité, cette proposition de loi obéit avant tout à des considérations d'opportunité politique. C'est le droit de l'opposition de vouloir engager un débat sur cette base, mais il appartient à la majorité de ne pas la suivre dans cette voie démagogique. La commission ayant décidé de ne pas présenter de conclusions, j'invite l'Assemblée, en application de l'article 94, alinéa 3, du Règlement, à ne pas passer à l'examen des articles.

Cela donnera le temps au Gouvernement d'achever son travail et ainsi M. Gaymard pourra ouvrir avec nous, avant l'été, le vrai débat de l'aménagement du territoire et du soutien aux zones rurales, qui est une ardente volonté de la majorité de cette assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Rétablir l'égalité des chances entre les territoires, et revitaliser l'économie rurale est l'une des priorités qui nous ont été assignées par le Président de la République qui avait précisé, dans son discours d'Ussel en avril 2002, sa vision d'un développement économique ambitieux des territoires ruraux. C'est dans cet esprit que le ministère de l'agriculture s'est vu confier la charge des affaires rurales et que j'ai présenté dès novembre dernier, dans une communication au Conseil des ministres, nos orientations en ce domaine. Le Gouvernement a également annoncé pour l'automne prochain un projet de loi d'orientation qui s'inscrit dans un ensemble de mesures en faveur du monde rural. Dans l'intervalle, il ne reste pas inactif.

Dressons tout d'abord un constat lucide des réalités du monde rural et des politiques mises en _uvre.

Le monde rural est souvent bien éloigné de l'idée que s'en font nos compatriotes. De rurale, la France est devenue en moins d'un siècle essentiellement urbaine. Les agglomérations urbaines concentrent désormais 80 % de la population...

M. Henri Nayrou - 60 % !

M. le Ministre - ...sur le tiers du territoire métropolitain. Pour autant, le monde rural ne se réduit pas à ces chiffres : diversité de nos territoires, richesse de notre espace, rôle dans l'équilibre de notre pays, en métropole et outre-mer - où se posent des problèmes spécifiques.

Le monde rural et ses problématiques sont de plus en plus divers. « La France se nomme diversité », écrivait déjà Fernand Braudel dans l'Identité de la France. Tous les vingt ou trente kilomètres, un paysage cède la place à un autre. Les pays conservent leur singularité : la réalité économique et sociale des territoires est loin d'être homogène. En lisière des villes, un tiers des terres agricoles est soumis à la pression grandissante de l'urbanisme commercial et de la spéculation foncière. A l'inverse, les communes les plus isolées, notamment en zone de montagne, perdent chaque année des habitants. Nombre d'entre elles voient leur espace agricole abandonné et souffrent d'une mauvaise connexion aux réseaux modernes de communication. Leurs habitants profitent moins du progrès que ceux des villes.

Ces différentes parties du monde rural ont peu de chose en commun, sinon le sentiment d'abandon que partagent à des degrés divers leurs habitants.

M. François Sauvadet - Ah oui !

M. le Ministre - Voilà longtemps que le monde rural n'est plus au c_ur des préoccupations. Beaucoup me l'ont dit au cours de mes déplacements dans près de cinquante départements, la politique d'aménagement du territoire a délaissé le monde rural.

Si l'espace rural ne saurait être analysé à travers un prisme unique, il ne faut pas non plus en entretenir une vision misérabiliste.

L'agriculture n'est plus toujours son activité dominante, mais l'espace rural regagne chaque année des habitants qui recherchent à la campagne une qualité de vie et de travail qu'ils ne trouvent plus dans les grandes métropoles urbaines. Le déclin des campagnes n'est donc pas inéluctable.

Cependant, si le monde rural est fort divers, les politiques conduites en sa faveur sont éclatées. Aussi le Gouvernement a-t-il souhaité en priorité évaluer l'efficacité de ces politiques. Le retard des cinq dernières années ne pourra pas, le président de la commission vient de le dire, être rattrapé à court terme. Cependant, à la suite du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire de la fin de l'année dernière, des études ont été engagées sur ma proposition et leurs premières conclusions sont riches d'enseignements. Selon un récent rapport de l'instance interministérielle d'évaluation des politiques de développement rural, les dispositifs en faveur du monde rural obéissent à des logiques sectorielles trop cloisonnées. Elles s'appuient sur de nombreux mécanismes insuffisamment articulés entre eux. Au moins 71 procédures étaient ainsi en vigueur fin 1998, la tendance étant à l'empilement des dispositifs. De leur côté, les collectivités locales ont lancé des politiques de développement des territoires ruraux, sans toujours trouver les dispositifs d'accompagnement nationaux et européens nécessaires. La superposition de ces outils manque désormais de lisibilité, pour plusieurs raisons : insuffisante coordination entre les administrations, multiples échelons de conception et de mise en _uvre, superposition des territoires et des périmètres d'intervention, multiplication des zonages, critères de définition obsolètes ou inappliqués, sources de financement abondantes mais dispersées - aux effets très relatifs -, insuffisante articulation rural/urbain dans le cadre de l'intercommunalité.

Dernier texte majeur, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a institué une exonération fiscale pour les activités exercées dans les territoires ruraux prioritaires et les zones de revitalisation rurale que Patrick Ollier connaît bien.

Aucun bilan de ces dispositifs n'ayant été dressé jusqu'ici, nous avons, avec Jean-Paul Delevoye, confié au conseil général du génie rural, des eaux et forêts, et aux inspections générales des finances et des affaires sociales, une mission d'étude dans trois départements : la Haute-Marne, le Tarn et la Creuse. Selon le rapport d'étape qui vient de m'être remis, les zonages se fondent sur des données démographiques parfois obsolètes, qui n'intègrent pas suffisamment la nouvelle donne des pays et des regroupements communaux. La sédimentation des dispositifs leur ôte toute lisibilité.

Les conclusions provisoires de ce rapport suggèrent d'abord de simplifier et d'actualiser les zonages, d'étendre les dispositifs d'aide à la création d'activité à la reprise d'activité et à la pluriactivité. Mais elles invitent à moyen terme à repenser la stratégie présidant au zonage, à relever certains plafonds, à fusionner les ZRR et les TRDP, à conforter le rôle des régions et à substituer au zonage la démarche de projet que souhaite d'ailleurs l'Union européenne.

Pour l'heure, la proposition de loi du parti socialiste tend essentiellement à créer un périmètre d'aménagement rural incitatif - PARI, assorti d'exonérations fiscales et sociales et d'un mécanisme de compensation pour les collectivités des zones rurales les moins dynamiques ou en proie à de graves difficultés d'activité ou d'emploi, afin d'y encourager le télétravail. Elle comporte également un volet sur le financement des collectivités.

Avec tout le respect que je dois à son rapporteur, M. Augustin Bonrepaux, dont je partage, en tant qu'élu de la montagne, beaucoup de combats, j'ai le regret de dire qu'elle appelle les plus expresses réserves.

La création d'avantages fiscaux nouveaux dans le cadre d'un nouveau zonage serait privée de toute lisibilité. Elle aurait pour principal effet de complexifier à outrance l'environnement fiscal des entreprises.

M. le Président de la commission - Très bien !

M. le Ministre - Le PARI viendrait en effet s'ajouter aux zonages existants en matière d'impôts - ZRR et TRDP, zones éligibles à la prime à l'aménagement du territoire pour les projets industriels et tertiaires, territoires ruraux de développement prioritaire, zones de revitalisation rurale, avec leurs conséquences fiscales propres.

La création d'un nouveau zonage devrait au moins s'accompagner de la suppression d'un zonage existant, mais cette substitution paraît difficile, l'exonération proposée ayant un champ plus large, mais un taux moins avantageux que celles en vigueur. Par ailleurs le dispositif proposé serait difficile à mettre en _uvre car il reposerait sur un indice synthétique fluctuant, calculé à partir de données complexes et pas toutes disponibles aujourd'hui.

L'extension aux PARI du régime fiscal des zones franches urbaines repose sur le postulat d'une identité des problèmes, qui ne correspond pas à la réalité. Le simple décalque de la politique de la ville n'est pas une solution pertinente pour la campagne.

La mise en _uvre de mesures dérogatoires efficaces suppose une analyse préalable approfondie des caractéristiques économiques et sociales des zones concernées, à partir de l'évaluation en cours des dispositifs existants.

Le coût des exonérations proposées pour l'Etat est impossible à chiffrer, compte tenu des incertitudes sur le périmètre des PARI. En outre, le développement des mécanismes de compensation par l'Etat n'irait pas dans le sens de la récente révision constitutionnelle, aux termes de laquelle les recettes propres des collectivités locales doivent représenter une part déterminante de leurs ressources.

Le principe même de zones franches en milieu rural est très discuté et les clivages en la matière n'ont rien de partisan, ce qui suffit en soi à refuser une « urgence » artificielle. Une politique rurale ne peut être que globale et c'est ce que je vous proposerai dans quelques mois.

J'ai d'ailleurs peine à comprendre le soudain empressement du groupe socialiste, alors que le précédent gouvernement n'a même pas procédé à l'évaluation de l'efficacité du ZRR (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) et a porté quelques mauvais coups, comme l'a rappelé M. Ollier, à certains outils utiles de l'aménagement du territoire, supprimant notamment le Fonds de gestion de l'espace rural (Mêmes mouvements).

Ce gouvernement a inscrit le développement rural au programme législatif de l'automne. Ce calendrier sera respecté. Le services de la DATAR sont mobilisés et au sein de mon ministère, une direction générale des affaires rurales a été créée. J'ai engagé de nombreuses consultations avec toutes les grandes associations d'élus locaux et avec les organisations professionnelles et syndicales concernées par le développement rural : beaucoup m'ont adressé des contributions de grande qualité.

A la fin de l'été, un projet de loi sera discuté au sein du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire rural...

M. le Président de la commission - Très bien !

M. le Ministre - ...puis présenté au Conseil des ministres, avant d'être soumis à votre examen à l'automne. C'est donc un calendrier clair.

Je souhaite avant tout que ce texte réponde aux préoccupations les plus concrètes du monde rural : lever les obstacles économiques, favoriser les partenariats, soutenir les territoires les plus isolés, préserver le patrimoine naturel et bâti, favoriser l'accès de tous aux services.

Le projet confortera les politiques mises en _uvre par les régions et les départements, favorisera les expérimentations et comprendra des dispositions spécifiques pour la montagne et pour l'outre-mer.

La question foncière fera l'objet d'un examen particulièrement attentif et j'écouterai vos suggestions.

Pour toutes ces raisons, il ne me paraît pas souhaitable d'adopter cette proposition de loi et je partage la position du président de la commission.

L'objectif de l'action du Gouvernement, c'est d'assurer l'équité territoriale et d'accompagner et de fédérer les initiatives locales. L'enjeu dépasse de beaucoup les considérations techniques et financières : notre ambition est de restaurer l'égalité des chances et de sauvegarder un modèle de civilisation auquel nous sommes attachés car il touche à notre culture et à notre identité.

Le Gouvernement a décidé de consacrer à ce projet une partie de la session d'automne.

Je ne doute pas, Monsieur le rapporteur, que vous prendrez part à ce débat avec la même foi et la même énergie. Nous aurons alors rendez-vous avec la France des campagnes et des territoires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Rapporteur - Le président de la commission a évoqué la « disparition » d'outils, dans la loi Voynet - j'aimerais savoir de quoi il parle. Quant à « l'héritage », j'en suis fier ! C'est vrai, Monsieur Ollier, que vous avez créé les ZRR, mais nous vous avons incités à aller plus loin et nous avons ajouté plusieurs mesures fiscales, notamment pour les résidences de tourisme.

Les contrats de plan assuraient un avenir aux zones de montagnes : c'est la première fois, dans ce pays, qu'elles bénéficient toutes d'un contrat de massif. Le problème, c'est que vous avez fortement réduit les crédits du Fonds national d'aménagement du territoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Vous m'accusez de précipitation. Mais j'ai déjà proposé des amendements créant des zones franches rurales en octobre dernier ! Ne parlons pas de précipitation, mais plutôt de constance...

M. le Président de la commission - ...dans l'erreur !

M. le Rapporteur - J'ai amélioré ce dispositif, qu'avait d'ailleurs repris votre collègue Christian Menard.

Vous dites que je n'ai pas évalué les conséquences des zones franches que je propose : mais avez-vous évalué celles des zones franches que vous créez, en particulier à Toulouse, commune qui n'est pas endettée et où 3 000 emplois ont été créés en 2001, contre 100 dans toute l'Ariège ? C'est cela, votre politique d'aménagement du territoire ?

Vous voulez « simplifier » pour détourner.

Si les députés socialistes manifestent un tel « empressement », c'est parce qu'il y a des mesures nouvelles qui appellent des réactions.

Comment se réalisera le désenclavement routier et ferroviaire ? Et les contrats de pays ?

Et comment expliquez-vous, puisque c'est de votre compétence, que les crédits du fonds national pour les adductions d'eau aient été réduits de plus de 60 % ? Ils sont prélevés sur les consommateurs par solidarité nationale pour équiper les zones rurales (Assentiment sur les bancs du groupe socialiste) Vous les détournez ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Henri Cuq - Vous ne manquez pas d'air !

M. le Rapporteur - Est-ce là l'avenir des zones rurales ? Est-ce la réduction des crédits du logement ? Vous nous annoncez un projet de loi pour l'automne prochain. Mais avec quels moyens, puisque vous vous entêtez à réduire la fiscalité sur les revenus les plus élevés,...

M. Thierry Mariani - Caricature !

M. le Rapporteur - ...alors que le Conseil d'analyse économique vient de reconnaître qu'elle n'est pas excessive. Vous réduisez les recettes, donc les dépenses. Comment financerez-vous des mesures pour les zones rurales ? De surcroît, elles vous paraissent « compliquées », alors qu'une zone franche urbaine ne le serait pas. Entendre le ministre du développement rural parler ainsi ne peut qu'accroître notre inquiétude (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président de la commission - Malgré le profond respect que j'ai pour votre action d'homme de terrain en faveur des zones de montagne, Monsieur Bonrepaux, je déplore les propos que vous inspire la passion politique.

Vous parlez de déstructuration de la politique d'aménagement du territoire. Mais c'est vous qui avez remis en cause la loi d'orientation.

M. le Rapporteur - Elle ne contenait rien !

M. le Président de la commission - Vous avez supprimé le schéma national d'aménagement du territoire, ce qui nous prive de toute vue d'ensemble sur les politiques locales. Vous avez supprimé le fonds de gestion de l'espace rural, vous avez supprimé le fonds d'intervention pour les transports terrestres et les voies navigables.

M. le Rapporteur - Il n'y avait plus rien !

M. le Président de la commission - Nous l'avions créé ensemble, parce qu'il faut accéder aux zones rurales avant de penser à les développer. C'était donc une base essentielle de toute notre politique. Mais en supprimant le fonds, vous n'avez pas supprimé la taxe, et les 7 milliards ainsi récupérés par le budget général ont permis de mettre des rustines sur le budget de l'équipement de M. Gayssot (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Alors, un peu de modestie !

Je pourrais donner bien d'autres exemples, mais le temps nous manque..

Plusieurs députés UMP - Continuez, Monsieur Ollier !

Mme la Présidente - Essayons d'écouter l'ensemble des parlementaires.

M. le Président de la commission - J'ai du mal à résister à l'appel de la majorité, mais vous avez raison. Simplement, quelle audace de nous parler des contrats de plan quand nous devons aujourd'hui trouver les financements que vous n'avez pas prévus. Des promesses, oui, à longueur de journée, mais des crédits, non. Un mot encore sur le FIATA, le fonds pour le transport aérien : dans ce domaine également, faute de crédits nous n'avons pu engager d'initiative.

De la constance, vous en avez, Monsieur Bonrepaux. Vous en avez dans votre action de fond, je le répète. Malheureusement, vous en avez aussi sur le plan politique, mais c'est la constance dans l'erreur, dans les solutions de démagogie, de facilité. S'agissant de l'eau par exemple, qui a mis en place la politique qui a aujourd'hui ces conséquences sur le FNDE ? C'est bien vous ! Cette année, nous subissons la politique menée pendant cinq ans.

Les Français nous entendent. Ils connaissent l'héritage que vous nous avez laissé (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) Alors, aidez-nous à reconstruire ce que vous avez démoli pendant cinq ans, plutôt que de nous proposer cette opération politique. La majorité soutient la politique du Gouvernement et le ministre, qui est dans la bonne voie. Elle ne votera pas le passage aux articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Philippe Martin - A défendre la belle idée de ruralité, on risque de susciter des sourires entendus de citadins incrédules ou les haussements d'épaule de technocrates dont le monde ne s'étend pas au-delà du boulevard périphérique. Le bonheur est dans le pré.. au cinéma peut-être. La télévision nous présente bien des citadins quittant tout pour embrasser la cause rurale. Mais si la ruralité est « tendance », cette tendance est au déclin.

Par pudeur, par fierté, les ruraux gardent pour eux leur amertume et leurs ressentiments. Mais s'ils se décident à protester, qu'on y prenne garde, ils ne se tairont plus ! Je ne sous-estime nullement l'ampleur de l'effort à consentir pour les villes et les banlieues. Mais si l'on ne propose rien aux campagnes, après un ministère de la ville, il faudra créer un ministère des champs.

La politique agricole commune est de plus en plus incertaine, de moins en moins de jeunes s'installent, le service public devient virtuel. La liste est longue des renoncements qui fragilisent le monde rural. Zones d'ombre de la téléphonie mobile, inégalité dans l'accès à la santé et à la culture, aux nouvelles technologies... Elu du Gers, département rural s'il en est, je peux illustrer à satiété l'écart entre une image pastorale idyllique et la réalité.

Pour autant, je ne cultive pas la nostalgie, souvent réactionnaire, d'un pays de cocagne où le soleil et les fêtes locales tiendraient lieu de développement - même si j'en profite, Monsieur le ministre, pour vous inviter au championnat du monde des mangeurs de magret à Saramon mardi prochain. La ruralité regorge de talents, d'ambitions. Elle manque de moyens pour qu'ils s'expriment. Peut-on s'en remettre aveuglément à un projet de loi annoncé à grand renfort de clarines, mais qui inquiète déjà tous ceux qu'il concerne ? Attendre que le Gouvernement continue de rogner les crédits des contrats de plan ? Dans ces conditions, je me félicite de l'initiative du groupe socialiste pour répondre à la situation.

Le périmètre d'aménagement rural incitatif n'est pas un outil qui oppose zones urbaines et territoires ruraux ; il vise à organiser leur complémentarité. Nous appelons de nos v_ux cette discrimination positive, car un effort concentré sur le renforcement des zones franches urbaines aurait des effets négatifs pour les campagnes. Bien sûr, les quartiers de Toulouse touchés par la catastrophe d'AZF doivent bénéficier de mesures incitatives. Mais qu'on tienne compte de leurs conséquences pour des territoires ruraux limitrophes comme le Gers.

Les majorations de dotations aux collectivités que vous proposez et, en particulier, la compensation dégressive de taxe professionnelle que vous souhaitez instituer en faveur de celles qui perdent des entreprises, seraient les bienvenues. Il est tout aussi nécessaire d'accorder des incitations fiscales aux entreprises qui ont le courage de s'installer dans les zones économiquement peu rentables.

L'union fait la force, dit-on, mais les collectivités rurales n'ont pu ces derniers temps qu'unir leurs faiblesses sans parvenir à en faire une force : on regroupe les communes, les écoles, les bureaux de poste, les gendarmeries et même les paroissiens, mais on ne peut pour autant envisager l'avenir avec plus de sérénité. Je vous demande donc à tous de faire avec nous un pari sur l'avenir de la ruralité en rendant à peu de frais ces territoires économiquement attractifs. En votant cette proposition, vous montrerez que vous avez entendu les attentes de ce monde, auquel vous redonnerez un peu d'espoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Sauvadet - J'ai le sentiment que cette proposition arrive soit un peu tard, soit un peu tôt ! Un peu tard : vous avez gouverné pendant cinq ans et, durant tout ce temps, nous n'avons cessé de dénoncer l'absence d'une politique d'aménagement du territoire rural. Je me souviens que, lors du débat sur la loi d'aménagement et de développement du territoire, votre première préoccupation allait aux quartiers sensibles. Cette politique de la ville était nécessaire, mais vous négligiez par trop le sentiment d'abandon qui prévalait dans les campagnes - et qui s'est manifesté par un vote en faveur des extrêmes, de l'extrême-droite en particulier, il y a un an. Il faut prendre ce sentiment en considération et, plutôt que de donner des leçons, chercher ensemble comment rendre espoir.

Cela passera par le développement des activités, par une aide à la transmission des entreprises, par la création de services. Il importera notamment de simplifier des procédures aujourd'hui si complexes qu'elles découragent les élus - j'en puis témoigner en ce qui concerne les 344 communes qui jouxtent Dijon. Or votre proposition va rajouter à cette complexité !

Mais cette proposition arrive peut-être un peu tôt, aussi. Nous souhaitons tous une vraie loi pour le développement rural. Vous ne voulez pas faire, pour les campagnes, le pendant de la politique de la ville, ce en quoi vous avez raison, mais on ne peut oublier que cette politique a produit des résultats et que les zones franches urbaines, pour lesquelles un de vos amis s'est beaucoup battu à Dijon, ont permis d'implanter des activités et des services là où il n'y en avait plus. Il faut en tirer les leçons...

M. Henri Nayrou - C'est ce que nous demandons !

M. François Sauvadet - Je suis, pour ma part, un fervent partisan de la politique de zonage, non telle que vous la concevez, empilant les zones et oubliant d'ailleurs les pays, mais parce que je la crois indispensable pour attirer les investisseurs. Redéfinissons donc les zones de revitalisation rurales, mettons en place une fiscalité incitative, facilitons les transmissions d'entreprises.

Il ne suffit pas de s'accorder sur le constat : il faut simplifier. Or vous superposez les dispositifs. Je me souviens d'un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire qui, sous M. Jospin, avait annoncé la couverture en trois ou quatre ans des zones « blanches », c'est-à-dire non desservies par la téléphonie mobile : les procédures employées étaient si lourdes que ce n'est qu'aujourd'hui et grâce à M. Delevoye que des pylônes vont être construits ! Or il y va de la mobilité...

Il faut se garder d'afficher des objectifs qu'on ne peut atteindre, si l'on veut donner aux habitants de nos campagnes le sentiment que les choses bougent. Rien ne serait pire que d'alimenter le sentiment de désespérance !

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Mais nous sommes d'accord !

M. François Sauvadet - Importent également beaucoup les services au public : éducation et formation, sécurité... On pourrait sans doute imaginer, à partir des maisons de services existantes, des lieux regroupant tous ces moyens. Mais il faudrait commencer par faire en sorte que les postes créés soient pourvus : je suis toujours étonné que des employés d'entreprises ou d'établissements publics répugnent à venir occuper des fonctions dans nos territoires. Cela mériterait réflexion, par exemple sur les perspectives de carrière à offrir à ceux qui feraient ce choix. Nos territoires ruraux sont après tout des territoires d'avenir, grâce à la qualité de vie qu'on y trouve.

M. Henri Nayrou - Mais vous ne remplacez qu'un fonctionnaire sur deux !

M. François Sauvadet - Si tout allait si bien avant nous, vous seriez encore aux commandes ! Maîtriser la dépense publique est indispensable, mais cela n'exclut certainement pas la solidarité ni n'implique un lent déshabillage des territoires ruraux, tel que nous l'avons observé au cours des cinq dernières années. Le moratoire de M. Balladur en est d'ailleurs la preuve !

Il n'y a pas que les villes qui offrent un avenir. Pourtant, aujourd'hui, on débute à la campagne comme si c'était un purgatoire, de sorte que chacun n'a qu'une hâte : repartir vers la ville pour faire enfin carrière. Il faut que cela change !

Cette proposition est donc à bien des égards prématurée. Je la considère comme une contribution utile, mais l'aménagement du territoire n'est pas affaire de mots, de politique politicienne et de « coups ». Il exige beaucoup d'audace et d'ambition - mais aussi beaucoup de moyens financiers et des redéploiements - : c'est à ce prix que nous aurons, je l'espère, une véritable loi, dont les habitants sentiront les effets, grâce à quoi ils désespéreront moins de la politique !

L'UDF entend bien contribuer à cette réflexion. En attendant, nous nous rangerons à l'avis de M. Ollier mais, si cette proposition vient trop tôt, il faut remercier M. Bonrepaux de l'avoir élaborée. On peut simplement regretter qu'il ne l'ait pas fait plus tôt, ce qui revient à l'inviter à quelque peu d'humilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. André Chassaigne - La question du développement des campagnes se pose depuis des décennies : depuis que l'exode rural a marqué la fin d'une économie articulée autour des seules activités agricoles. Faute de maîtriser cette mutation, nous avons assisté, impuissants, à la désertification de ces territoires. Sans doute est-il grand temps d'organiser une revitalisation et il faut donc remercier M. Bonrepaux et ses collègues socialistes de nous permettre d'en débattre.

Certes, dans ce monde rural, le déclin démographique semble maintenant enrayé : la croissance y est devenue supérieure à celle des communes urbaines. Cette évolution ne doit cependant pas masquer des fractures nouvelles : en particulier entre les communes situées à proximité des grandes agglomérations et bien desservies par les transports, et les zones rurales isolées qui n'ont pas réussi à stopper le mouvement de désertification.

Ces évolutions démographiques ne doivent pas faire illusion : la question de la revitalisation rurale n'est pas près d'être résolue. Les espaces périurbains ne sont que le résultat des mutations urbaines, et les mouvements pendulaires que l'on observe entre ces espaces et les lieux de travail situés en ville montrent qu'ils peinent, eux aussi, à se développer de façon autonome.

Notre débat permet de poser les bonnes questions.

Comment le monde rural peut-il organiser son propre développement indépendamment de celui des villes, sachant qu'il existe une demande pour vivre dans les espaces ruraux ? L'aspiration à une meilleure qualité de vie ne trouve pas satisfaction, faute de services à la hauteur des besoins, mais aussi et surtout en raison de la faiblesse de l'activité économique rurale.

La revitalisation suppose de lever les obstacles au développement. Il s'agit, dans un premier temps, de poser la question de l'égalité des chances entre les territoires. La proposition de loi repose sur l'idée d'une discrimination positive. Cela se conçoit, mais encore faut-il que soit garantie la simple égalité des droits - qui, bien que proclamée par les textes, reste largement fictive.

Nos territoires ruraux ne bénéficient pas des mêmes services que les zones urbaines, et cette inégalité est encore aggravée par la fermeture de succursales de la Banque de France, de perceptions, de bureaux de poste, de services hospitaliers, ainsi que par l'absence de couverture de nombreuses zones pour la téléphonie mobile et l'internet à haut débit. Et la politique du Gouvernement ne fait rien pour y remédier.

Le dernier rapport d'audit sur les infrastructures routières et ferroviaires est très inquiétant. Le compte rendu du CIAT de décembre 2002 était riche de belles promesses, mais la politique menée depuis ne répond pas aux objectifs de revitalisation annoncés à grand renfort de publicité. Ainsi, l'Etat laisse France Télécom abandonner les unes après les autres ses missions de service public. On promet le haut débit pour tous en 2007, mais la couverture de nos territoires en téléphonie mobile ne s'est pas améliorée depuis un an !

L'Etat refuse d'exiger des entreprises de télécommunications une couverture digne de ce nom dans les zones rurales, sous prétexte que ce sont des entreprises privées. Mais alors, il ne fallait ni privatiser ni ouvrir ce marché ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Tout ce que le Gouvernement propose aux collectivités locales est de prendre acte de la défaillance du marché, de mettre la main à la poche et les autorise même à exercer elles-mêmes les fonctions d'opérateur ! Je conteste avec véhémence cette conception méprisante du service public, qui consiste à privatiser les profits réalisés dans les agglomérations et à socialiser les pertes en zone rurale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Autre obstacle au développement de l'économie rurale, la faiblesse de ses ressources financières. Pour les communes, les bases fiscales restent très faibles. Quant aux institutions privées de crédit, elles se sont depuis longtemps détournées de leur responsabilité et préfèrent les seules activités financières de court terme au financement des projets d'investissement des entreprises.

C'est une idée intéressante que d'instaurer des zones franches rurales, mais il faut être prudent : l'impôt ne doit pas être considéré comme trop élevé par nature.

Il est un symbole de la mutualisation des richesses et donc de la capacité des sociétés à répondre collectivement aux problèmes. La question fiscale doit donc être abordée du point de vue de la justice plutôt que du niveau global d'imposition, et la constitution de zones franches ne doit pas occulter l'importance d'autres obstacles au développement. Le renforcement des mécanismes de péréquation de la DGF en faveur de communes rurales isolées serait la vraie expression de la solidarité entre les territoires.

Il convient en vérité d'obliger les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d'accès au haut débit à assurer la couverture de tout notre territoire. Comme l'idée de solidarité nationale est absente de leurs stratégies, nous devons même poser la question de la réorganisation publique de ce secteur.

Un environnement favorable au développement économique ne suffira pas. Il est essentiel de s'interroger sur les moyens donnés aux acteurs locaux pour leur permettre de concevoir un développement effectif, car il reste difficile aujourd'hui de trouver des sources de financement des projets. Les établissements bancaires exigent des taux d'intérêt souvent prohibitifs ; ils ne sont plus en mesure de soutenir des projets de long terme, leur horizon temporel étant limité aux évolutions du CAC 40.

C'est pour résoudre cette difficulté qu'il est nécessaire de constituer un pôle financier public, soustrait à la domination des marchés boursiers, ancré dans les territoires, et compétent pour financer la réalisation de projets favorables à l'emploi, à travers notamment des crédits sélectifs, à taux d'intérêt réduit et de long terme.

Il faudrait, pour cela, s'appuyer sur un réseau local de succursales de la Banque de France renforcé et sur un réseau de caisses d'épargne dont la vocation publique serait réaffirmée. Le marché ne sortira pas le monde rural du sous-développement ; les efforts des élus locaux, des syndicats, des associations, des chambres d'agriculture et de métier pourraient, avec le soutien d'institutions financières sociales, réussir ce pari du développement et de l'emploi.

Si le dynamisme de l'économie rurale repose en grande partie sur une agriculture familiale durable, la promotion de nouvelles activités est fondamentale.

Ainsi, contrairement aux conclusions du Président de la commission des affaires économiques, il paraît important à notre groupe de pouvoir discuter de cette proposition de loi. Ce débat serait un bon préambule, voire une anticipation partielle du projet de loi sur les affaires rurales, dont nous attendons toujours le dépôt, et qui fait figure d'Arlésienne, à moins que, comme le sac fourre-tout du colporteur, elle ne peine à se remplir de bric et de broc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Frédéric Soulier - Comment ne pas être d'accord sur la nécessité de revitaliser et de redynamiser les territoires ? Hélas, la solution proposée par M. Bonrepaux et ses collègues socialistes est à la fois inapplicable en l'état et irréaliste dans son principe. Inapplicable par l'impossibilité de mettre en zonage des territoires définis par des critères aussi imprécis. Irréaliste car elle ne repose sur aucune vision d'ensemble mais se borne à des effets d'aubaine. Le périmètre d'aménagement rural incitatif ne fait que transposer en zone rurale les mécanismes d'incitation constatée en zones franches urbaines.

Une approche équilibrée de l'aménagement du territoire ne passe pas par des mécanismes d'incitation identiques à ceux en vigueur pour les zones urbaines quand les problèmes ruraux sont spécifiques et appellent des réponses au cas par cas, tributaires de la géographie locale. Votre proposition est un simple affichage, en contradiction avec la politique désastreuse pratiquée par le précédent gouvernement, qui n'a cessé d'opposer monde rural et monde urbain et de dévitaliser les territoires ruraux par la réduction drastique des primes à l'aménagement du territoire.

En commission, M. Brottes a d'ailleurs reconnu que la précédente majorité n'avait sans doute pas traité le problème de la ruralité de façon irréprochable. Il n'y a effectivement aucun doute à ce sujet, tant le gouvernement Jospin avait pour habitude, notamment à l'occasion des CIADT, de multiplier les annonces non suivies d'effets ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Dans votre proposition de loi, Monsieur Bonrepaux, vous parlez de ruralité sans citer ceux qui sont concernés en premier lieu, à savoir les ruraux, en particulier les agriculteurs, qui sont les acteurs économiques majeurs de ces territoires et qui assurent 23 % de la production agricole de l'Europe. Par ailleurs, vous négligez la dimension européenne de l'aménagement du territoire, alors qu'à l'évidence, nous devons nous situer dans une Europe qui est elle-même en mouvement.

Ce texte appelle les plus expresses réserves. D'abord parce que la création d'un nouveau niveau de zonage aurait pour principal effet de compliquer encore l'environnement fiscal des entreprises. J'observe à ce propos que l'un des critères de définition des nouveaux périmètres reposerait sur des données statistiques non disponibles : PIB par habitant au niveau communal, alors que l'INSEE ne le fournit actuellement qu'au niveau régional.

Surtout, on ne voit pas bien quelle serait la valeur ajoutée du PARI par rapport aux périmètres déjà existants - ZRR et TRDP - auxquels il ne fait que se juxtaposer, dans une démarche technocratique qui ne témoigne ni d'une vraie ambition ni d'une vision d'ensemble.

Ensuite parce que le développement des mécanismes de compensation ne va pas dans le sens de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, selon laquelle les recettes fiscales et autres ressources propres des collectivités territoriales doivent représenter, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. Les exonérations fiscales du PARI coûteraient cher, contrairement à ce qui a été dit - légèrement - par certains en commission. Il est vrai que c'est une tradition très socialiste que de faire des lois sans se soucier de leur financement : voyez les 35 heures ou l'APA ! Après, c'est à nous de trouver les crédits ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Chantal Robin-Rodrigo - A vous de démolir, surtout !

M. Frédéric Soulier - La dynamisation des territoires ruraux passe plutôt par une facilitation de la transmission des entreprises. La loi Dutreil contient des dispositions concrètes en ce sens, qui témoignent de la volonté du Gouvernement de se donner les moyens de son action. Nous ne restons pas, nous, dans un cadre théorique !

Les réductions de valeur locative que propose M. Bonrepaux en vue de promouvoir le télétravail présentent un inconvénient budgétaire majeur : en effet, actuellement, elles ne sont pas compensées. Il faudrait par ailleurs vérifier que les mesures proposées sont bien compatibles avec les règles communautaires en matière d'aides d'Etat.

Cette proposition de loi n'insiste pas assez, voire pas du tout, sur la nécessité de développer des partenariats avec les conseils généraux, qui ont pourtant vocation à définir des bases durables de l'aménagement du territoire. C'est ce qui se passe en Corrèze, où l'on a lié développement territorial et nouvelles technologies, en particulier en améliorant la couverture du territoire en téléphonie mobile.

Je déplore à ce propos que les engagements pris par M. Jospin, lors du CIADT de Limoges, au sujet de la réduction de la fracture numérique soient restés lettre morte.

M. André Chassaigne - Et depuis un an ?

M. Frédéric Soulier - Lors du CIADT du 13 décembre 2002, il a été décidé de remettre à plat les zonages économiques ruraux afin d'améliorer leur efficacité. Avant de créer de nouveaux dispositifs, il convient d'évaluer les effets des dispositifs précédents. Cette proposition de loi me paraît donc prématurée.

Les territoires ruraux méritent une approche exhaustive, que je ne vois pas dans la présente proposition mais qui forme en revanche l'ambition du projet de loi de M. Gaymard et des dispositifs réglementaires qui vont l'accompagner.

Le 13 avril 2002, Jacques Chirac, alors candidat à l'élection présidentielle, était venu à Ussel, en Corrèze, présenter son projet pour le monde rural : « Promouvoir une agriculture écologiquement responsable et économiquement forte, favoriser l'accueil des familles et la présence des services publics, encourager le développement économique des territoires ruraux, respecter les particularités et les modes de vie du monde rural ». Tels sont les objectifs de notre nouvelle politique en faveur de la France rurale.

Si, donc, je vous remercie, Monsieur Bonrepaux, de votre contribution au débat, le groupe UMP votera néanmoins contre le passage à la discussion des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Chantal Robin-Rodrigo - « Le moment est venu pour l'Etat de définir une politique nouvelle en faveur du monde rural et d'engager une nouvelle dynamique au profit des territoires ruraux, reposant sur la création d'activités nouvelles, encouragées par des mécanismes d'exonération ou d'allégement de charges et par une meilleure mobilisation des fonds communautaires ». Ces propos ont été tenus par le ministre de l'agriculture à l'issue du Conseil des ministres du 20 novembre 2002. M. Bonrepaux nous propose simplement de les mettre en application dès aujourd'hui.

Cette proposition de loi devrait donc rencontrer un large consensus et nous devrions tous approuver son objectif, qui est de revitaliser l'économie rurale en appliquant une politique de discrimination positive qui permette de donner plus à ceux qui ont moins, afin de rattraper le retard pris.

Depuis des décennies, bon nombre de dispositifs ont vu le jour. Force est de constater qu'aucun n'a apporté de remède suffisamment efficace. Puisque nous faisons tous le même constat, il est inutile d'attendre davantage : agissons !

Ce qui nous est proposé ce jour consiste à instituer, dans certaines de nos campagnes, le pendant de ce qui a été créé dans les zones urbaines sensibles. Ces nouvelles zones, les PARI, permettraient aux entreprises s'y installant de bénéficier d'incitations et d'exonérations fiscales ainsi que d'exonérations de cotisations patronales.

Dans les quartiers urbains sensibles, le Gouvernement a estimé que les résultats obtenus étaient probants puisque le ministre de la ville, M. Borloo, a décidé d'étendre à quarante et une autres zones ces mesures incitatives pour le développement économique des quartiers. Ce qui a fonctionné dans l'urbain doit être expérimenté, pensons-nous, dans le rural. Dotons-nous donc dès aujourd'hui de ces mesures de discrimination positive, c'est d'autant plus urgent que le chômage ne cesse de s'aggraver, mettant encore plus en péril nos zones rurales.

Il est bien évident que, lorsqu'on ferme un site industriel comme celui de Péchiney dans l'Ariège - 283 emplois en moins - ou celui de Tarbes dans les Hautes-Pyrénées - 642 emplois en moins -, cela n'a pas la même incidence sur le tissu économique que lorsqu'une fermeture du même ordre se produit dans une capitale régionale.

J'observe à ce sujet que le Gouvernement donne un bien mauvais exemple en restructurant le GIAT sans tenir compte des critères d'aménagement du territoire, ou en gelant 30 % des autorisations de programme pour les axes routiers structurants du contrat de plan Midi-Pyrénées.

La relance du processus de décentralisation fait que la question de la solidarité entre les territoires se pose aujourd'hui avec une acuité particulière. Faut-il rappeler que quatre régions françaises détiennent à elles seules plus de la moitié de la richesse nationale ? Au niveau infrarégional aussi, les disparités se sont aggravées : voyez par exemple la région Midi-Pyrénées, où Toulouse concentre les richesses au détriment des départements ruraux tels les Hautes-Pyrénées, le Gers ou l'Ariège.

Garant de l'unité nationale et responsable de la politique d'aménagement du territoire, l'Etat doit faire porter en priorité ses efforts sur les zones rurales fragiles s'il ne veut pas voir se creuser la fracture entre territoires ruraux et urbains.

En l'absence de soutien public, le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment de l'internet à haut débit, suscite de nouvelles inégalités territoriales.

Laissé à la seule dynamique du marché, l'essor du haut débit creuse le fossé entre des agglomérations largement desservies et des zones rurales oubliées. Paradoxalement, donc, le développement des réseaux renforce la concentration des activités dans les zones les plus « rentables » et les plus développées.

A l'inverse, la situation économique se dégrade dans les zones rurales déjà frappées par la restructuration de services publics, qui entraîne la suppression de services de proximité - comme l'école, la Poste, EDF-GDF, les services de santé. Le principe d'égalité des citoyens devant le service public ne résiste pas longtemps à l'analyse purement financière. Il est pourtant une condition incontournable de l'équité territoriale et de l'attractivité de nos territoires.

Cette proposition de loi a le mérite de tenter d'enrayer la crise du monde rural, à travers le maintien de l'emploi et de l'attractivité économique et le soutien aux services publics. J'invite donc notre assemblée à refuser toute politique politicienne : au lieu d'accuser ce texte de tous les maux, travaillons ensemble à le faire devenir réalité. Il y a urgence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Peut-être serai-je quelque peu impulsif, passionné, mais le sujet me tient à c_ur. Si je m'exprime aujourd'hui, c'est parce que nous allons enfin parler de ruralité. C'est d'ailleurs le seul mérite de la proposition de loi de M. Bonrepaux, qui vient, si j'ose dire, comme un cheveu sur la soupe (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et ne saurait répondre aux nombreuses problématiques de la ruralité.

Monsieur le rapporteur, vous avez tenté un « coup » politico-politicien, un PARI - pour reprendre votre formule - audacieux afin, sans doute, de vous refaire avec vos amis une virginité dans un domaine où vous avez péché par abstention (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Pourquoi ne pas l'avoir proposé entre 1981 et 2002 ? Sans doute par peur de ne pas être suivi par la majorité de gauche. Une rapide rétrospective des vingt dernières années nous montrera qu'elles n'ont vu aucune grande loi sur l'aménagement du territoire, à l'exception de la loi Pasqua de 1995. L'idéologie socialiste a délibérément ignoré la ruralité et l'espace au profit de l'urbain. L'aménagement du territoire n'était pas une priorité : les gouvernements qui se sont succédé l'ont dilué dans la bureaucratie, ils ont réduit drastiquement les crédits de l'Etat et défendu le sacro-saint principe selon lequel les crédits doivent être distribués en fonction du nombre d'habitants et non de critères liés à l'espace, ce qui est la négation même de toute politique d'aménagement du territoire.

Les exemples abondent. La loi « montagne » de 1985 est un véritable carcan juridique. Le plan national de développement rural, par lequel devaient transiter 80 % des crédits européens, n'a abouti qu'à ajouter au système communautaire un système franco-français très complexe. Résultat : ce sont 233 millions d'euros de crédits non consommés en 2000, 295 millions en 2001, qui sont repartis à Bruxelles, sans compter la pénalité de 23 millions d'euros qui nous a été infligée.

Autres exemples encore : les CTE, la baisse des crédits du FIAM, du FIDAR et du FNADT, la suppression totale du FGER - doté de 500 millions de francs en 1995 - à compter de 1999, et la scandaleuse levée du moratoire de 1993 sur la fermeture des écoles publiques rurales et des services publics locaux.

Pour prendre le cas d'un département qui je connais bien, la Lozère a perdu 117 emplois publics entre 1997 et 2001 et vu disparaître de nombreuses petites écoles rurales. Mende-centre a été exclue du programme Objectif 2 (« Et depuis un an ? » sur les bancs du groupe socialiste) alors même que la Lozère avait toujours été reconnue comme un laboratoire expérimental des politiques communautaires depuis l'obtention du premier PDI en 1980. Enfin, la Lozère s'est vu supprimer l'éligibilité à la PAT. Comment le plus petit département rural, qui est aussi le moins peuplé de France et présente tous les handicaps de la ruralité peut-il honnêtement être exclu du bénéfice de cette mesure ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je ne puis non plus oublier les propos outranciers de l'ancien délégué de la DATAR, M. Jean-Louis Guigou, affirmant qu'il valait mieux aider Biarritz que Mende ! Voilà, Monsieur Bonrepaux et consorts, tout ce que vous avez fait contre la ruralité, et en particulier contre la Lozère depuis 1981.

Aussi, Monsieur le rapporteur, êtes-vous totalement disqualifié à mes yeux pour défendre la ruralité alors que vous n'avez pas su le faire pendant les vingt ans d'idéologie socialiste ! Vous rompiez ainsi avec la politique nationale pour la ruralité qu'avaient portée, depuis les années 60, les gouvernements de droite. Rappelez-vous la loi dite de rénovation rurale de 1967, la loi pastorale de 1972, la création en 1975 de l'ICHN, de la DJA, de la prime au ramassage du lait et de divers soutiens au commerce et à l'artisanat !

M. le Rapporteur - Vous datez un peu !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Rappelez-vous la grande loi d'aménagement du territoire, dite loi Pasqua...

M. le Rapporteur - Il n'y avait rien dedans !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - ...malheureusement détricotée par la loi Voynet.

Le résultat est là : 80 % de la population vit sur 20 % du territoire. Dans le même temps, la France est passée du troisième au douzième rang des PIB européens et s'est payé le luxe de passer, seule, des 39 à 35 heures (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP).

Croyez-vous sérieusement, Monsieur Bonrepaux, que le PARI puisse pallier les difficultés structurelles de certaines zones rurales Sur quels critères objectifs définirez-vous ce nouveau zonage De grâce, ne revenons pas au tripatouillage que nous avons connu à l'occasion du décret d'avril 2001 sur la PAT : on avait distribué une fausse carte, qui avait dû être retirée !

Quel peut être l'impact du dispositif que vous proposez, alors que nous en sommes encore à évaluer les TRDP et les ZRR, ce que vous vous êtes bien gardés de faire ? Quel en sera le coût global ?

Avant de créer un nouveau zonage, ne convenait-il pas plutôt de tirer les enseignements de l'existant ? Où est la cohérence avec le nouvel élan de la décentralisation ? Où est la prise en compte de l'intercommunalité, fortement ancrée aujourd'hui dans la ruralité ? Où est la conformité avec le droit communautaire, que vous semblez oublier, et avec son évolution à l'horizon 2006 ?

En définitive, je conteste votre vision simpliste qui ne répond pas aux véritables problématiques du monde rural, l'attractivité économique n'étant qu'un aspect d'une réalité globale.

Outre son effet d'aubaine, ce texte intervient trop tôt ou trop tard, à un moment où notre pays s'ouvre à la diversité du monde rural, suite au discours de Jacques Chirac à Ussel, et où le Gouvernement s'est doté d'un ministre aux affaires rurales que l'on chercherait en vain dans les gouvernements socialistes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

C'est donc avec un certain plaisir que je m'adresse au ministre des affaires rurales. J'ai bien compris que le Gouvernement avait son calendrier - c'est peut-être ce qui gêne M. Bonrepaux - avec des parlementaires en mission, un CIADT rural en août prochain et une grande loi au second semestre. Nous aurons enfin la possibilité d'y aborder tout ce qui fait notre quotidien de ruraux (« Demain, toujours demain ! » sur les bancs du groupe socialiste). La représentation nationale pourra ainsi faire connaître ses revendications et ses espoirs, ce que votre proposition de loi bâclée, Monsieur le rapporteur, ne saurait permettre.

Permettez-moi de saluer, en conclusion, la volonté du Président de la République, celle du Premier ministre qui a parlé de « solidarité des territoires » dans son discours de politique générale et enfin votre volonté, Monsieur le ministre. Les propos que vous avez tenus à Rodez, à la fois fermes et empreints de sensibilité pour la chose publique, pour la montagne et pour la ruralité, autorisent tous les espoirs quant au projet que vous préparez, et pour lequel vous avez souhaité la plus grande concertation. Au-delà du ministre, c'est l'homme que je salue aujourd'hui, celui qui fait _uvre utile en faveur des espaces ruraux, ces espaces infiniment petits que l'idéologie socialiste a sacrifiés pendant vingt ans ! Vous avez une éthique et une volonté. Sachez que nous vous soutiendrons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Nayrou - J'irai au c_ur du débat, ne serait-ce que pour prendre au mot le président Ollier.

Cette proposition de loi de mon collègue ariégeois est très favorable aux zones rurales, que l'opposition d'hier se targuait de mieux défendre que la gauche, mais que la majorité d'aujourd'hui n'aidera certes pas.

Notre « pari », si j'ose dire, est de démontrer aux députés de droite, notamment à M. Ollier, porte-parole à la fois de l'UMP, de ses antécédents et de sa commission (Sourires) qu'ils auraient bien tort d'empêcher la ruralité de prendre le convoi de l'avenir qui passe ce matin dans l'hémicycle.

Il y a du concret dans ce texte : des cantons victimes hier de l'exode rural, aujourd'hui de l'implacable logique du profit - voyez Pechiney dans mes montagnes de l'Ariège - se voient proposer des mesures porteuses de revitalisation.

Non seulement le dispositif existe déjà, mais il a fait ses preuves dans le cadre des zones franches urbaines instituées par la loi du 14 novembre 1996, à en croire le jugement de valeur qui suit : « Maintenir et développer des activités économiques dans les zones en grande difficulté, favoriser l'insertion professionnelle et l'emploi de leurs habitants, c'est tout l'enjeu du dispositif des ZFU que le Gouvernement vient de relancer au vu des succès enregistrés sur les 44 zones créées sur ces sites en 1996. Le bilan de ces premières zones franches urbaines est largement positif. Entre 1997 et 2001, le nombre des entreprises installées sur ces sites est passé de 10 000 à plus de 20 000 et le nombre des emplois de 25 000 à plus de 75 000. » Ces mots et ces chiffres ne sortent ni de mon imagination, ni d'un plaidoyer pro domo de la gauche, mais de la Lettre du Gouvernement du 13 février 2003 !

M. Jean-Claude Perez - Il fallait le dire !

M. Henri Nayrou - Vous ne pouvez pas à la fois vanter les mérites des 44 ZFU, approuver la création de 41 de plus et refuser un rééquilibrage de même type dans nos cantons ruraux !

M. le Président de la commission - Il faut des régimes différenciés ! Vous n'avez rien compris !

M. Henri Nayrou - Vous ne pouvez pas vous féliciter de l'efficacité des ZRR et qualifier la proposition de M. Bonrepaux de nouvelle usine à gaz (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Je rappelle que les ZFU ont été créées sous le Gouvernement Juppé, appliquées sous le Gouvernement Jospin et multipliées sous le Gouvernement Raffarin.

Bien sûr, on peut débattre de la discrimination positive et de ses effets d'aubaine parfois éphémères. Mais quand la situation est grave, il faut savoir ce que l'on veut ! Je suis pour la discrimination positive qu'a constitué l'abaissement à 5,5 % de la TVA sur les travaux dans les logements. Je suis aussi pour la discrimination positive en faveur des zones en grande difficulté, qu'elles soient situées dans les banlieues ou en campagne, parce qu'il n'y a pas d'alternative.

M. le Président de la commission - C'est un mauvais procès !

M. Henri Nayrou - Il est désormais évident qu'on ne peut plus y créer d'emplois sans incitations fiscales et financières du type PARI.

M. le Président de la commission - C'est un pari perdu !

M. Henri Nayrou - En laissant le marché dicter sa loi, nous transformerons nos campagnes et montagnes en déserts. Est-ce ce que vous recherchez ? Je ne le pense pas.

La ruralité n'est plus une idée passéiste, elle est redevenue porteuse de renouveau, territoire de vie. Mais son développement ne sera possible que si l'Etat lui donne les moyens de lutter à armes égales avec les territoires plus riches et avec les rigueurs du marché.

Une partie de ces moyens se trouve dans le texte de M. Bonrepaux. Pour être crédibles quand vous retournerez dans vos circonscriptions, votez-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marylise Lebranchu - Chers collègues de la majorité actuelle, j'ai appris, au cours des cinq dernières années, qu'on peut être persuadé de la justesse de sa position et faire quelques erreurs ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)

L'extrême certitude de M. Ollier me fait un peu peur. Nous sommes dans une période difficile, avec l'accélération des licenciements, en milieu urbain comme en milieu rural. Si nous ne prenons pas des mesures d'urgence, les dégâts seront tels, dans certains cantons, qu'il sera impossible de retrouver un seuil d'activité viable.

Le fait générateur de la proposition de M. Bonrepaux, ce sont les drames économiques actuels. Dans la communauté d'agglomération à laquelle j'appartiens, et dont la ville-centre a moins de 20 000 habitants, nous venons de subir trois plans sociaux très lourds, et il n'y a pas d'entreprise pour accueillir les personnes licenciées : le taux de reclassement est inférieur à 10 %.

L'ère de la production de masse est terminée, aujourd'hui c'est la valeur ajoutée qui compte et, dans ce contexte, le milieu rural a toutes ses chances, à condition qu'on lui donne un coup de pouce pour être attractif.

Dans ma circonscritpion, une entreprise de 25 salariés a préféré s'installer en milieu urbain plutôt qu'en milieu rural parce que l'internet à haut débit y fait défaut. Même l'administraiton va se trouver confrontée à ce problème : avec la réduction des effectifs de Bercy, il n'y a plus que deux personnes, dans mon département, pour s'occuper des budgets de 20 communes et de leurs groupements, et le télétravail va devoir se développer.

En période de dépression économique il est urgent de préserver toutes les activités qui peuvent l'être. Quand une petite entreprise textile située près de Landernau, et qui commerce avec Singapour, s'apprête à déménager parce que la transmission des informations est trop lente, on doit se poser des questions !

Les entreprises ne demandent pas de subventions, mais des services et un coup de pouce à l'installation sous forme de crédit fiscal, ce qui est plus facile à réaliser pour Bercy que des subventions.

Il ne s'agit pas d'opposer milieu rural et milieu urbain, ils sont liés. Donnons ce coup de pouce pour limiter la casse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Génisson - Je me félicite que le groupe socialiste ait, sous l'impulsion de M. Bonrepaux, utilisé sa « fenêtre » parlementaire pour déposer une proposition très attendue dans le monde rural. Monsieur le ministre, vous nous promettez depuis un an un projet de loi, mais quand nous sera-t-il enfin présenté ?

Le groupe socialiste a donc souhaité défendre un texte visant à rétablir l'égalité de traitement et de moyens sur le territoire. Il ne crée pas de dépenses supplémentaires : seulement une diminution des recettes de l'Etat, mais pour une cause juste. L'objectif est de remédier au déséquilibre induit par la politique gouvernementale, qui relance les ZFU sans prendre de mesures pour les cantons ruraux.

Le PARI ne résoudra pas tout, mais c'est un outil de valorisation des ressources du monde rural, qui ne se réduit pas aux activités agricoles. Je suis l'élue d'une circonscription comportant 79 communes, dont beaucoup sont rurales, et les mesures proposées y encourageront le maintien et le développement des petites entreprises. J'ai pu mesurer les conséquences catastrophiques de fermetures d'entreprises sur l'ensemble de la population : fermeture de commerces, disparition de services publics, etc.

Le PARI se propose d'attirer et fixer des entreprises sur les territoires ruraux par des exonérations fiscales qui bénéficieront aussi, et c'est très important, aux entreprises déjà implantées. Je note d'ailleurs, Monsieur le ministre, que vous avez retenu cette orientation dans votre rapport d'étape.

Le texte veut aussi promouvoir l'accès aux nouvelles technologies et le télétravail. Si le télétravail n'est pas la panacée pour tous et peut entraîner un risque d'isolement, il offre le moyen de mieux articuler vie professionnelle et vie privée, notamment pour les femmes et les personnes handicapées.

Cette proposition de loi me paraît donc très importante et il serait temps de sortir d'un débat politicien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Présidente - La commission n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94-3 du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi. Si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

M. le Rapporteur - Les arguments avancés par le président de la commission pour ne pas voter le passage aux articles ne sont guère pertinents, et l'exemple du Fonds d'investissement des transports terrestres est à coup sûr le plus mauvais qu'il pouvait trouver ! La majorité l'a crée en 1995, et en 1996, elle a institué une taxe pour le financer - mais en supprimant les crédits équivalents au budget de l'Etat, ce qui ne faisait pas un franc de plus ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP) En 1999, c'est à l'unanimité que la Mission d'évaluation et de contrôle a jugé que mieux valait réintégrer ces crédits dans le budget de l'Etat.

M. le Président de la commission - Funeste erreur !

M. le Rapporteur - Quant aux crédits du Fonds national pour l'adduction d'eau, on ne nous a toujours pas expliqué pourquoi ils diminuaient. Or, sans assainissement et sans adduction d'eau, on ne peut plus construire ! Le président de la commission évoque à ce propos le rôle des agences de bassin. Mais sans elles, qui financerait aujourd'hui le développement rural ? Cette question mérite réponse.

M. le Président de la commission - Que votre proposition de loi n'apporte pas !

M. le Rapporteur - On nous reproche de n'avoir rien fait pour les zones rurales. Quelques rappels s'imposent : Monsieur Morel-A-L'Huissier, comment fonctionnerait la Lozère si nous n'avions pas créé, en 1991, la péréquation pour les départements ruraux les plus pauvres ? Qui a créé la dotation de solidarité rurale et la dotation de développement rural, que vous envisagez aujourd'hui de supprimer ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) Et qui a restauré la péréquation en faveur des régions pauvres, sinon un gouvernement socialiste ?

On nous dit : il faut supprimer les crédits car vous avez laissé une situation financière exécrable (« Hélas ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP), lisez donc la dernière résolution de la Commission européenne : elle estime que le déficit est dû à des dépenses militaires excessives - or, qui a augmenté les crédits militaires ? (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) - ainsi qu'à des réductions fiscales inopportunes (Huées sur les bancs du groupe UMP). Le Conseil d'analyse économique a expliqué, d'autre part, que la fiscalité sur les hauts revenus n'était pas excessive, et pourtant, vous baissez l'impôt sur le revenu.

Plusieurs députés UMP - Et on continuera !

M. le Rapporteur - Etonnez-vous, dans ces conditions, de devoir diminuer les crédits d'investissement !

Certains d'entre vous ont estimé qu'il fallait des moyens supplémentaires, comme M. Sauvadet qui a quelques idées sur la répartition des fonctionnaires dans le monde rural. Mais quand on supprime un poste sur deux, qui assurera le service ? Nous avions levé le moratoire sur les postes d'instituteurs, c'est vrai, mais nous avions alors créé des emplois.

M. Frédéric Soulier - Grâce à la croissance !

M. le Rapporteur - Monsieur Soulier, vous trouvez que nos propositions vont coûter cher. Mais elles ne coûteront que si des entreprises se créent, apportant du même coût des recettes supplémentaires au fonds des retraites et à la sécurité sociale. Le coût des emplois à créer ne sera certainement pas supérieur à celui des zones franches urbaines, et il sera moins élevé que ce que représente la suppression de l'ISF.

Vous diminuez les crédits du fonds national d'aménagement du territoire, et vous comptez sur les fonds européens pour financer la téléphonie mobile - je n'ai toujours rien vu venir - et le haut débit. Mais avec quoi financera-t-on les contrats de pays et les projets de territoires ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) Si votre projet est vraiment présenté à l'automne, Monsieur le ministre, quels moyens aurez-vous donc ? M. Raffarin nous a dit qu'on ne dépensera pas plus en 2004 qu'en 2003, et qu'on réduira encore les impôts. Vous pouvez toujours nous expliquer tout ce qu'on va faire pour le monde rural ; j'ai bien peur qu'on ne fasse rien...

C'est pourquoi nous présentons cette proposition. Pourquoi maintenant ?

M. le Président de la commission - Parce que vous n'aviez rien fait !

M. le Rapporteur - C'est vrai : nous n'avons pas renouvelé les zones franches urbaines, nous n'avons pas non plus supprimé les crédits du FNDAE, ni les crédits du logement, ni ceux du FNADT, ni baissé l'impôt sur le revenu ou l'ISF ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Fromion - Vous avez ruiné la défense nationale !

M. le Rapporteur - Aujourd'hui, nous vous proposons une mesure d'urgence pour le monde rural. En la refusant, vous prendriez une grave responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission - Monsieur Bonrepaux met de nouveau son talent au service de la démagogie. Je lui ai déjà répondu point par point, je me contenterai donc d'observer qu'on ne peut pas nous reprocher de baisser les impôts tout en présentant une proposition dont le seul objet est de les baisser encore plus..

M. le Rapporteur - Mais non !

M. le Président de la commission - ...Le « PARI » que vous voulez créer est un pari perdu d'avance, en raison de sa complexité, de l'absence de prévision financière et d'évaluation ; décidément, l'opposition n'a pas grand chose à proposer. Nous misons plutôt sur le projet que M. Gaymard présentera avant la fin de l'été. Nous tiendrons nos engagements, qui s'inscrivent dans une logique globale où cette proposition démagogique n'a pas sa place. Je vous demande donc de voter contre le passage aux articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Je voudrais évoquer un souvenir de président de conseil général. Le 19 mars 2002, veille du début de la campagne électorale officielle, M. Gayssot avait convoqué les présidents de conseils généraux de ma région, pour soumettre à leur signature, une liste d'engagements sur des équipements qui devaient recevoir un financement d'Etat. Nous avons signé et M. Gayssot également. Quelques semaines plus tard, en arrivant aux affaires, nous avons pu constater que, si les collectivités locales avaient été mises à contribution, la signature de M. Gayssot n'engageait en rien du tout !

M. Bernard Accoyer - C'était un chèque en bois !

M. le Ministre - Il n'y avait pas un franc prévu pour l'aménagement du territoire. Nous n'avons donc aucune leçon à recevoir.

En ce qui concerne le calendrier, un CIADT est prévu pour les derniers jours d'août. J'y présenterai le projet de loi d'orientation pour les territoires ruraux, qui viendra en discussion au Parlement à l'automne (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Sur le fond, de la concertation que je mène ressortent trois grandes préoccupations : l'attractivité économique des territoires ruraux, grâce aux équipements comme le numérique et aux exonérations fiscales ; le service public, et en particulier les services aux personnes ; la question foncière, surtout dans les zones périurbaines. Rendez-vous, donc, à l'automne pour assurer l'avenir de nos territoires ruraux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Je mets au voix le passage à la discussion des articles.

L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

Mme la Présidente - J'informe l'Assemblée que la commission des affaires étrangères a décidé de se saisir pour avis du projet de loi modifiant la loi du 25 juillet 1952 relatif au droit d'asile.

FIN DE LA MISSION D'UNE DÉPUTÉE

Mme la Présidente - Par lettre du 5 mai, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire confiée à Mme Arlette Franco, députée des Pyrénées-Orientales, prenait fin le 15 mai 2003.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 15.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE


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