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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 93ème jour de séance, 224ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 3 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      INITIATIVE ÉCONOMIQUE (deuxième lecture) - suite - 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 2

      QUESTION PRÉALABLE 7

      DEMANDE DE CONSTITUTION
      D'UNE COMMISSION SPÉCIALE 19

      OPPOSITION À UNE DEMANDE
      DE CONSTITUTION D'UNE COMMISSION SPÉCIALE 19

      INITIATIVE ÉCONOMIQUE (deuxième lecture) - suite - 19

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 4 JUIN 2003 22

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

INITIATIVE ÉCONOMIQUE (deuxième lecture) - suite -

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour l'initiative économique.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité.

M. Gérard Bapt - Le groupe socialiste défend cette motion d'irrecevabilité avec une conviction encore renforcée depuis la première lecture. Après son passage au Sénat, l'irrecevabilité de ce texte nous apparaît en effet encore plus irrémédiable. Ce projet de loi est détourné des intentions initiales du Gouvernement. Il a été transformé en texte fiscal et est devenu un emblème de la politique d'injustice fiscale et sociale de la majorité.

Ce texte est en effet détourné des intentions que le Gouvernement avait affichées dans son exposé des motifs. Car, si ce n'est le coût de certaines mesures eu égard à une situation budgétaire que vous avez largement dégradée, nous aurions pu les partager : encourager la création d'entreprise et ainsi l'aspiration à la réussite sociale de nos compatriotes, faciliter la reprise alors que 500 000 entreprises vont changer de dirigeants d'ici dix ans, simplifier les démarches, alléger les coûts, drainer l'épargne de proximité... Mais votre texte, au départ incomplet, est aujourd'hui très loin de ces objectifs.

Nous avions espéré que vous vous appuieriez sur le travail de vos prédécesseurs, Marylise Lebranchu et François Patriat, et sur la discussion du projet de loi sur le développement des petites entreprises et de l'artisanat qui a eu lieu à la fin de la dernière législature. Il s'agissait alors de favoriser le financement et la transmission des PME, de donner un statut moderne à leurs dirigeants, d'améliorer l'environnement fiscal et réglementaire et de privilégier la dimension sociale et territoriale de l'entreprise... Mais tout cela est, pour le moins, reporté.

Certes, la commission spéciale avait pu adopter des amendements sur l'étalement des cotisations sociales ou le guichet unique, qui ont d'ailleurs été supprimés au Sénat. Mais la très petite entreprise, le statut du dirigeant et de son conjoint, la formation et l'artisanat en général sont oubliés. Le texte ne traite que de la liberté d'entreprendre, et surtout de la liberté d'investir dans des conditions fiscales avantageuses. La dimension sociale en est absente. L'opposition était hier plus ambitieuse, notamment en ce qui concerne le reste à vivre, renvoyé à de lointaines échéances... Certes l'incessibilité de la résidence principale pour les entrepreneurs qui y adhéreront devant notaire sera une protection...

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Ah !

M. Gérard Bapt - Mais les difficultés à la création seront accrues lorsque les banques demanderont d'autres garanties ou augmenteront leurs taux d'intérêt ! Il eût été souhaitable de faire un bilan du prêt à la création d'entreprise mis en place par votre prédécesseur. Mais l'aide à la création et à la très petite entreprise ne semble pas en fait une priorité...

Vous refusez également de mettre en place le comité aux activités sociales et culturelles voulu par François Patriat. Il est vrai que l'opposition de l'époque l'avait déjà combattu au prétexte qu'il empiétait sur les prérogatives des partenaires sociaux. Mais, la loi encadrant la négociation, cette mesure aurait été une avancée sociale. Elle aurait renforcé l'attractivité de la PME pour les salariés qualifiés et réduit les discriminations avec les grandes entreprises dans le domaine social. L'article 9 du texte permet, lui, aux entreprises de moins de 200 salariés de refuser l'aménagement de leur temps de travail à ceux qui veulent créer leur propre entreprise. Les disparités entre salariés de grandes ou de petites entreprises sont là aussi aggravées... Vous dérogez par là aux articles premier, 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme relatifs à l'égalité des citoyens. L'article 8 du projet fait de même en instituant un traitement différent entre salarié entrepreneur et créateur indépendant.

Ensuite, ce projet, bien loin du soutien à la création d'entreprise, a été transformé en texte fiscal. Il comprenait déjà des dispositions fiscales dans sa version initiale, dont 245 millions pour le relèvement du seuil d'exonération des taxations des plus values réalisées lors d'une cession d'entreprise, ou encore des mesures de réduction de l'impôt sur le revenu au titre de l'investissement ou de déductibilité des pertes. Mais la majorité parlementaire est passée et le souci de la maîtrise budgétaire a trépassé... Incitations fiscales, exonérations, privatisation des profits, mutualisation des risques... Ce texte est entièrement tourné vers le profit et les grandes entreprises, les rentiers et les gros patrimoines. Il est devenu un texte de réforme de l'impôt sur la fortune.

L'incroyable histoire de l'amendement 58 en est un exemple révélateur. J'avais été stupéfait par l'arrivée, en février, à la commission spéciale, d'un amendement 249 du Gouvernement visant à exonérer de l'impôt de solidarité sur la fortune les titres reçus en contrepartie de la souscription en numéraire au capital d'une PME. Cet amendement venait en substitution de l'amendement 58 de la commission spéciale, qui provenait lui-même, en fait, du Gouvernement. L'amendement 58 contredisait les déclarations du Premier ministre, qui voulait reporter à une loi fiscale la réforme de l'ISF, mais il avait déjà été précédé par de nombreux autres, parlementaires ceux-là, qui visaient à réformer - pour ne pas dire démanteler - l'impôt sur la fortune. Puisqu'il s'agissait désormais de discuter d'une loi fiscale, pourquoi ne pas commencer par l'ISF ? Le Gouvernement s'est engouffré dans cette brèche avec une telle délectation que sa fougue exonératrice a surpris sa propre majorité !

L'amendement 249 du Gouvernement reprenait en partie l'amendement 58. Mais dans ce dernier le rapporteur général, comme il l'a dit lui-même, avait, dans un souci de maîtrise de la dépense fiscale, restreint le dispositif aux entreprises de moins de quinze ans, et limité l'exonération à cinq ans. A l'évidence le Gouvernement n'a pas eu le même souci de la recette fiscale. Siégeant depuis quelques années à la commission des finances, c'est la première fois que je vois un gouvernement aller plus loin que les députés dans la voie de l'exonération fiscale, et se montrer si peu soucieux de ses recettes ! Comment argumenterez-vous cette mesure, comme d'autres, devant la Commission européenne, quand il s'agira de respecter nos engagements communautaires ?

J'ai évoqué, Monsieur le ministre, la contradiction dans laquelle vous vous placez par rapport à la position du Premier ministre sur la réforme de l'ISF. Mais, par les nouvelles exonérations que vous allez faire voter, vous tombez dans une autre contradiction, par rapport à la thèse, largement développée par les députés de la majorité, selon laquelle il s'agirait d'éviter les délocalisations d'entreprises. En effet, cette exonération de l'apport au capital d'une PME s'appliquera à toutes les sociétés dont le siège est dans un Etat membre de la Communauté européenne. Il ne s'agit donc pas de lutter contre les délocalisations d'entreprises françaises. On peut même penser que la mesure favorisera la délocalisation de certains capitaux, si l'on considère l'état de certaines législations fiscales en Europe. Et l'on peut être sûr que certaines officines dites de conseil, dont la fonction est de nourrir l'évasion fiscale, trouveront là des occasions d'accentuer ce mouvement, néfaste à l'emploi et aux finances publiques.

Pour poursuivre l'histoire de l'amendement 58, devenu 249, il faut maintenant passer au Sénat. Le Gouvernement avait tout de même exclu de son dispositif les capitaux investis dans des PME exerçant une activité bancaire, financière, d'assurance, de gestion ou de location d'immeubles. Le Sénat n'a pas eu cette pudeur : il a étendu l'exonération à ces sociétés. Dans le même élan, il l'a même élargi aux apports en nature.

M. Xavier de Roux - Il a eu raison !

M. Gérard Bapt - De la sorte, vous mettez en place un redoutable mécanisme d'évasion fiscale au profit des redevables de l'ISF. D'autant que, dans le même temps, invoquant des raisons budgétaires, vous réduisez les moyens de contrôle de l'administration fiscale...

Mais l'irrésistible histoire de l'amendement 58 de la commission, devenu amendement 249 du Gouvernement, devenu article 26 ter du texte du Sénat, ne s'arrête pas là. Notre excellent collègue Charles de Courson, bien que membre de votre majorité, a été choqué par les dispositions exorbitantes du Sénat. Il a proposé deux amendements à l'article 26 ter, dont l'un supprimait l'apport en nature, cependant que l'autre rétablissait l'exclusion des PME exerçant des activités bancaires, financières et d'assurances. Ses exposés des motifs rejoignent les critiques de l'opposition en commission comme en séance. Il note que ces dispositions « permettraient de nombreux contournements » : comment contrôler l'activité d'une PME située en Grèce ou bientôt en Lituanie ? Il dénonce encore « un dispositif ouvrant la voie à de multiples montages défiscalisants qui ne seraient pas dans l'esprit du dispositif initial, visant à encourager l'emploi et l'activité économique ». Ainsi MM. de Courson, Sauvadet et Thomas rejoignent-ils mon second argument d'irrecevabilité : le détournement de texte. Il est fort dommage que leurs amendements n'aient pas été adoptés.

Le troisième argument d'irrecevabilité est celui de la rupture d'égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques, car votre texte confère des avantages fiscaux particuliers, sans rapport direct avec son exposé des motifs, et disproportionnés. Vous êtes en train de vider l'ISF de son contenu...

M. Xavier de Roux - Oui !

M. Gérard Bapt - ...sans autre justification que votre aversion pour tout ce qui toucherait au patrimoine. Quel sera le coût pour les finances publiques ? Le projet de loi avait été évalué à 300 millions d'euros par le rapporteur général, dont 245 millions pour la seule exonération des plus-values en cas de cession d'entreprise. Encore cette mesure coûteuse a-t-elle une justification économique même si son ampleur peut apparaître inopportune dans l'état actuel des finances publiques. Mais comment justifier le démantèlement de l'ISF ? Car c'est bien au début de son démantèlement que nous assistons aujourd'hui : la liste des amendements du Sénat est à cet égard très révélatrice, qu'il s'agisse de ceux qui ont été acceptés ou de ceux qui ne l'ont pas été !

Parmi les premiers, citons ceux qui entendent « améliorer » le dispositif introduit en première lecture avec l'article 26 bis. La majorité de l'Assemblée aurait pu prendre en compte la totalité des biens professionnels en contrepartie d'une éventuelle baisse du taux. Elle a préféré permettre une large défiscalisation en introduisant la notion de pacte d'actionnaires. Les actionnaires possédant 25 % au moins des parts d'une société cotée ou 34 % d'une société non cotée, peuvent, si l'un d'eux est le dirigeant et s'ils s'engagent à conserver leurs titres pendant six ans, bénéficier d'un abattement de 50 % sur ces parts au titre de l'ISF. Le Sénat a voulu aller plus loin, pour faire « respirer », selon ses termes, l'engagement collectif. Avec l'accord du Gouvernement, il a donc ramené de 25 à 20 % le seuil pour les sociétés cotées, au prétexte que le seuil de 20 % définit une minorité de contrôle. C'est oublier que l'exonération de principe est basée sur la notion d'outil de travail, et non pas d'entreprise possédée. Le Sénat a également permis des cessions entre membres de l'engagement, ouvert la possibilité d'une prolongation de celui-ci au-delà de six ans, et réformé le régime des sanctions : en cas de non-respect des engagements par un membre du pacte, ou de sortie individuelle du pacte, les autres membres ne seraient pas sanctionnés. Le dispositif présenté comme « corrigeant » certaines imperfections est devenu ainsi un véritable véhicule de défiscalisation à long terme pour des groupes d'actionnaires. Désormais, les actionnaires n'ont qu'à signer un pacte avec le dirigeant actionnaire de l'entreprise pour être exonérés.

L'article 26 quater, adopté conforme, ajoute une exonération d'ISF à celle de l'article 26 bis. Les dirigeants qui ne satisferaient pas à la condition prévue par cet article, pourtant ramenée de 25 à 20 % par le Sénat, seront exonérés si leurs parts représentent plus de 50 % de leur patrimoine contre 75 % actuellement. La commission spéciale a chiffré à 50 millions d'euros le coût annuel de cette seule mesure... Et n'oublions pas tous les amendements qui tendaient au démantèlement de l'ISF et que la commission des finances du Sénat n'a finalement pas osé amener en séance publique... La pensée de la droite n'en a pas moins été excellemment résumée par son président, M. Arthuis, quand il a déclaré que « la seule réforme de l'ISF qui vaille, c'est sa suppression ! ».

M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale - Très bien !

M. Gérard Bapt - Cette pensée est aussi celle de la majorité de notre commission spéciale. C'est ainsi qu'un amendement de notre rapporteure et de son président propose, non plus une exonération d'assiette, mais une réduction de cotisation ! Voilà qui est significatif de votre volonté de supprimer l'ISF par étapes, insidieusement, votre projet n'est pas de le réformer, pour en corriger certaines dispositions, comme voulait le faire notre ancien rapporteur général. Didier Migaud, tenant compte du nouvel environnement économique et fiscal européen ainsi que des méfaits de la mondialisation libérale, avait proposé une réforme à rendement constant, soucieux qu'il était des finances publiques, et de la lutte contre les inégalités. Mais vous, vous voulez supprimer l'ISF : pour certains d'entre vous, par réflexe de classe ; pour d'autres, au nom d'une théorie économique erronée, celle d'une prétendue perte globale de compétitivité de la France.

C'est en effet un thème de propagande constant de la droite et du MEDEF, que la perte d'attractivité de la France. On utilise au besoin, avec la plus grande mauvaise foi, des arguments ou de prétendus sondages fallacieux, comme ceux d'Eurostat ou du World economic forum. Depuis, Eurostat a reconnu des erreurs dans ses statistiques, qui avaient été largement utilisées par la droite et le MEDEF contre la gauche, qu'ils rendaient même responsable de l'aggravation actuelle du chômage. Pourtant, entre 1997 et 2002, la croissance dans notre pays a été supérieure à la moyenne européenne, et des records de créations d'emplois ont été enregistrés !

Le rapport du conseil d'analyse économique remis début mai au Premier ministre contribue d'ailleurs à tordre le cou à certains thèmes de propagande. S'appuyant sur la définition de la compétitivité d'une nation retenue par les organismes internationaux, à savoir « la capacité à améliorer et accroître durablement le niveau de vie de ses habitants », le conseil juge les performances commerciales de la France « plutôt satisfaisantes ». Avec 52 milliards d'euros, elle figure au second rang mondial en terme de volume d'investissements étrangers, derrière la Chine certes, mais devant l'Allemagne et les Etats-Unis. En France, 17 % de la production et 15 % de l'emploi sont le fait de groupes étrangers. Le conseil avance plusieurs explications à l'attraction de la France : sa position stratégique pour accéder au marché unique, la qualité de ses infrastructures et de ses services publics, la qualité de sa main-d'_uvre et les effets d'agglomération générant la proximité des consommateurs...

Pour les socialistes, la compétitivité, au XXIe siècle, dépend de la capacité d'un pays à concilier développement économique et cohésion sociale. On ne peut la mesurer seulement en termes de productivité horaire. Elle n'est d'ailleurs pas une fin en soi, mais un outil au service d'un modèle de société. Pour garantir notre modèle républicain de société, la cohésion sociale, la justice fiscale, la lutte contre d'excessives inégalités, une protection sociale égale pour tous sont des dimensions essentielles. En matière de retraite, aujourd'hui, comme en matière d'assurance maladie, demain, ce n'est pas la voie que vous avez choisie ! Pourtant la couverture sociale et la qualité des services publics sont garanties de compétitivité, au même titre que les investissements industriels.

Ainsi votre texte est irrecevable parce que détourné de son objet. Il l'est parce que transformé en texte fiscal, alors même que, dans un contexte de déséquilibre grave des finances publiques, de gels et annulations budgétaires massives, après les injonctions de la Commission européenne exigeant un rétablissement du budget de l'Etat pour 2003, notre assemblée n'a encore été saisie d'aucun collectif budgétaire. Il est irrecevable enfin parce qu'il déroge gravement aux articles premier, 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme, relatifs à l'égalité des citoyens devant la loi et devant l'impôt.

Ce texte va devenir emblématique de la façon dont cette majorité traite les citoyens les plus modestes par rapport à ceux qui disposent des revenus les plus élevés et des plus gros patrimoines. Il introduit des avantages fiscaux disproportionnés par rapport à l'objectif affiché. Ainsi en est-il de l'article 24 qui aboutit au cumul des articles 789 A et B avec l'article 790 du code général des impôts. Leur combinaison permettra à une personne bénéficiant de la donation d'une entreprise de prétendre à une économie d'impôt pouvant aller jusqu'à 75 % ! L'octroi d'un tel avantage manifestement disproportionné aboutit à une rupture caractérisée du principe d'égalité devant l'impôt.

Combien coûtera votre loi aux finances publiques ? 500 millions d'euros ? ou 600 ? Le rapporteur général lui-même s'est dit incapable d'en chiffrer le coût sur trois ans. Peut-être atteindra-t-on 800 millions en fin de législature. En cumul, certainement, plusieurs milliards d'euros...

M. Xavier de Roux - Cela fera un chiffre rond !

M. Gérard Bapt - A contrario, ce texte comporte un dispositif scélérat pour les plus modestes, l'article 19, qui retire aux allocataires sociaux le bénéfice de la prime à la création d'entreprise qui constitue pour beaucoup un ballon d'oxygène. Aussi le nombre d'échecs à moyen terme est-il au total négligeable.

Vous citiez le nombre d'entreprises créées depuis le début de l'année. Vous vous en octroyez le mérite...

M. le Secrétaire d'Etat - Tout à fait !

M. Gérard Bapt - ...alors que vous rendez responsable le gouvernement précédent de la hausse du chômage, vous vous glorifiez des effets d'une disposition qui n'est pas encore entrée en vigueur : curieux raisonnement ! Dans le cadre des activités d'aide à la création d'un comité de bassin d'emploi du nord-est toulousain que je préside, quarante immatriculations d'entreprises ont eu lieu en 2002...

M. Jean-Michel Fourgous - Et vous-même, vous avez créé combien d'entreprises ?

M. Gérard Bapt - En fondant mon entreprise libérale de médecin-cardiologue, j'ai créé plusieurs emplois. Mais nous parlons ici de l'intérêt général, en tant que représentants du peuple, et pas de telle ou telle démarche individuelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Il y a bien des fonctionnaires dans votre majorité qui n'ont jamais créé d'entreprise.

Sur les quarante immatriculations dont je parlais, trente émanaient de demandeurs d'emploi, dont les deux tiers étaient allocataires sociaux ou jeunes en insertion. Et vous transformez cette modeste prime en avance remboursable, sous prétexte de responsabilisation. Quelle méconnaissance des motivations des créateurs de petites entreprises ! Peut-être ces derniers ont-ils été nombreux depuis le début de l'année parce qu'ils savent que vous allez supprimer la prime et qu'ils se sont dépêchés de se faire immatriculer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Michel Fourgous - Il fallait oser le dire !

M. Gérard Bapt - Votre texte est irrecevable pour des raisons d'éthique sociale : infinie générosité pour les plus riches, infinie rigueur pour les plus pauvres !

Le baromètre 2003 des salons des entrepreneurs réalisé pour l'IFOP avait pourtant indiqué que la baisse du pourcentage des actifs souhaitant créer leur entreprise avait pour motif le manque de capitaux pour 67 %, le montant des charges sociales pour 20 % et la complexité des démarches administratives pour 15 % seulement. Votre politique est emblématique de la façon dont la France d'en haut traite la France d'en bas, celle qui peine redoute le chômage et la baisse du niveau de ses retraites. Le grand quotidien du soir concluait récemment son éditorial non signé, au sujet de l'éducation nationale : « ce qui manque à ce gouvernement, c'est une écoute sociale, actuellement remplacée par une forme de distance et d'indifférence aux malheurs et aux soucis des moins favorisés ou des plus démunis » (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Ce propos s'applique parfaitement à ce qui est devenu votre texte, un texte irrecevable au regard des articles premier, 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme, et de nombreux arrêts du Conseil d'Etat.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 27 décembre 1973, a déjà sanctionné une rupture d'égalité devant la loi fiscale. Si l'Assemblée ne vote pas l'exception d'irrecevabilité, le Conseil aura à se prononcer sur un texte qui ne présage rien de bon lorsque nous en viendrons à la réforme de l'assurance maladie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Chantal Brunel - Le groupe UMP votera contre cette motion. Il ne s'agit pas en effet d'un texte idéologique mais d'un texte pratique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui tend à faciliter le rôle des entrepreneurs et donc à favoriser la création d'emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Vergnier - Après nos mises en garde en première lecture, nous nous attendions à ce que le Sénat modifie votre projet. Il l'a fait, mais pas dans le sens que nous souhaitions, bien au contraire ! Nous en sommes donc à plus de deux milliards d'exonérations fiscales.

Les remarques émises pendant l'intervention technique et paisible de Gérard Bapt laissent croire que seuls certains ici seraient fondés à parler d'entreprise et d'économie. Je vous rappelle, Monsieur Fourgous, à davantage de modestie.

Ce qui nous anime, c'est la lutte contre l'injustice fiscale. Nous allons essayer encore d'améliorer le projet mais nous craignons que vous ne soyez guère porté à suivre nos conseils. A l'issue du débat, nous aurons à rendre compte de votre action. En 1986, vous aviez essayé de supprimer l'ISF. Votre échec ne vous a pas instruits, et vous recommencez. Supprimez donc l'ISF, au même moment où vous faites payer aux salariés leurs retraites en sorte qu'ils cotiseront plus pour toucher moins ! Allez-y ! Ne comptez pas sur nous pour nous y aider ! Sur la création d'entreprise, nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous, et nous voterons donc dans le sens indiqué par Gérard Bapt (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et de membres du groupe socialiste une question préalable.

Mme Marylise Lebranchu - Monsieur le ministre, la dernière phrase de votre intervention m'a surprise : « L'arrivée de la nouvelle majorité marque la fin d'une barrière idéologique à la création d'entreprise ». Ce propos a dû vous échapper.

En effet, avec Eric Besson et Michel Vergnier, nous avions, dans un rapport, bien avancé sur le terrain de la création d'entreprise. J'ai eu un prédécesseur qui n'était pas dans ce cas ! Les syndicats représentant les entrepreneurs m'avaient aussitôt demandé de prendre le problème à bras-le-corps et de faire quelque chose.

M. Michel Vergnier - Comment s'appelait ce prédécesseur ?

Mme Marylise Lebranchu - Nous avions alors abouti au prêt dont vous parliez et à d'autres mesures dont je reconnais qu'elles n'étaient pas suffisantes. Il est des successions difficiles et même la fameuse loi sur la boulangerie n'avait pas été adoptée, jusqu'à ce que je la fasse voter en mars 1998. L'histoire n'est donc pas toujours ce que l'on raconte. Aujourd'hui, la situation économique est difficile. Aussi l'essentiel de l'effort devrait-il porter sur la consommation, comme nous l'avons fait en 1997 avec l'appui de certains membres de l'opposition d'alors. Les indices publiés quelques semaines plus tard ont montré l'efficacité de cette relance, en particulier dans le textile.

Or, sur la relance par la consommation, on ne vous a guère entendu, alors que nos entrepreneurs attendent des clients sur le marché national. Dans les moments d'incertitude, comme actuellement, l'argent circule moins dans l'économie et se dirige davantage vers l'épargne de précaution. Les perspectives dans le domaine de la sécurité sociale poussent à une capitalisation individuelle qui porte atteinte à la bonne santé de nos entreprises. Or, une conjoncture économique, cela se pilote, par le marché du travail, par l'encouragement à la consommation et à l'investissement.

Il aurait par exemple été possible d'aménager les règles d'amortissement, comme nous l'avions nous-mêmes entrepris, de manière sans doute insuffisante, je le reconnais. Ce type de mesures aurait été d'une part, mieux accueilli par les PME, lesquelles ne sont guère touchées par l'ISF, d'autre part plus favorable à la relance de la consommation.

Pour le reste, trêve de manichéisme et de raccourcis, non seulement faux mais dangereux ! A nous prétendre responsables du chômage qui sévit actuellement et à vous imputer la paternité du redémarrage des créations d'entreprises, comme vous le faites, c'est-à-dire à accepter ou non l'héritage, selon ce qui vous arrange, vous laissez à penser à nos concitoyens que la politique n'est qu'affaire de mots et querelles politiciennes...

M. Jean-Michel Fourgous - Et les 35 heures !

Mme Marylise Lebranchu - Je sais que vous êtes expert sur ce dossier et je suis sûre que le ministre vous écoutera. Oui, les 35 heures ont été source de difficultés dans les petites et moyennes entreprises et nous avons, avec d'autres, cherché les moyens de les surmonter. Je recevais encore tout à l'heure des chefs d'entreprise qui m'ont dit avoir apprécié les allègements de charges sociales qui accompagnaient la mise en place des 35 heures mais aussi, en entrepreneurs avertis, savoir qu'une avancée sociale devait nécessairement en être la contrepartie (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Moi, je ne suis pas certaine de détenir la vérité. Et j'écouterai tout au long de cette soirée.

Vos mesures concernant l'ISF seraient destinées à éviter les délocalisations, dites-vous. Je ne mets pas en doute votre volonté, simplement l'argument ne tient pas car la majorité de nos entreprises, notamment artisanales et de services, ne sont pas soumises à la concurrence internationale et donc aux menaces de délocalisations. Dans le contexte actuel de l'élargissement de l'Union européenne, vous commettez une erreur, en disposant que ces incitations fiscales pourront concerner les investissements sur l'ensemble du territoire européen. En effet, cela risque de favoriser les délocalisations d'entreprises vers les pays candidats, notamment dans les secteurs de l'informatique, de la bureautique, de l'agro-alimentaire - je ne parle pas de l'industrie textile qui y est depuis longtemps délocalisée...

M. Jean-Michel Fourgous - Et la micro-technique, et l'automobile !

Mme Marylise Lebranchu - La première plus encore que la seconde. Voilà des sujets dont j'aurais aimé que nous débattions.

J'aurais aimé également que, sans cet a priori idéologique de revanche qui pousse cette majorité à rejeter violemment tout projet entamé par le gouvernement précédent, vous poursuiviez le travail que nous avions commencé sur les nouvelles régulations économiques. Car il s'agissait d'abord d'aider ceux qui souffrent des nouvelles formes de sous-traitance et de cette spirale infernale de prix toujours tirés vers le bas, dont le Président de la République lui-même reconnaît qu'elle est un problème clé. Nous avions commencé de mettre en place une éthique pour casser cette spirale qui amène des entreprises, de l'agro-alimentaire essentiellement, à vendre leurs produits sans tenir compte de la réalité de leurs coûts, si bien qu'elles déposent ensuite le bilan et sont rachetées par des investisseurs, étrangers le plus souvent. Voilà bien le principal problème aujourd'hui.

M. Jean-Michel Fourgous - Et la loi de modernisation sociale ?

Mme Marylise Lebranchu - Une régulation est indispensable, les chefs d'entreprise sont eux-mêmes nombreux à le demander. Ils ne constituent pas une classe monolithique solidaire : ils s'entretuent malheureusement parfois, au plus grand détriment de l'emploi et de la production dans notre pays.

Pour encourager les PME, la clé n'est pas aujourd'hui dans les incitations ou les exonérations fiscales. Elle est dans la formation, la couverture sociale, sachant que cette dernière question se posera inévitablement aux PME si on réforme l'assurance maladie dans un certain sens. Les PME risquent en effet de subir alors une rude concurrence des grandes entreprises qui pourront, elles, prendre en charge une assurance privée pour leurs salariés. Aux Etats-Unis, les petites entreprises parviennent à embaucher des jeunes qui acceptent, au début de leur carrière, de n'avoir pas de couverture sociale mais ceux-ci, une fois formés, les quittent au profit de plus grandes entités capables de leur offrir une assurance, quand ce n'est pas une crèche ou une école maternelle. C'est autant de perdu pour elles ! Un film récent de Ken Loach illustre bien cette triste réalité pour les entreprises de services.

Par ailleurs, les nouveaux marchés publics globaux desserviront les petites et moyennes entreprises. Seules les entreprises d'une certaine taille pourront soumissionner et les plus petites seront contraintes d'accepter la sous-traitance en cascade. Elles n'auront pas d'autre choix que de tirer leur prix vers le bas, ce qui risque de les amener à déposer le bilan et à être rachetées, avec à la clé délocalisations de siège social et d'emplois. Beaucoup de chefs d'entreprise s'inquiètent de ces futurs marchés globaux. Ainsi l'Etat s'apprête à lancer des appels d'offres concernant à la fois la construction et la gestion d'établissements pénitentiaires. Alors même que les petites entreprises sont extrêmement qualifiées et performantes dans les secteurs du bâtiment, des systèmes informatiques ou du nettoyage, elles ne répondront pas à ces appels d'offres car elles ne peuvent pas prendre en charge la gestion des établissements. Une grande entreprise sera, elle, retenue, mettant ses sous-traitants à genoux en exigeant des prix toujours plus bas. Les PME seront bien les grandes perdantes.

Ce n'est pas la création que vous encouragez, mais la reprise de ceux qui se casseront la figure, si vous me passez l'expression. Pourtant, c'est le tissu existant qu'il conviendrait de conforter.

Alors que la production de masse cède la place à la production à haute valeur ajoutée, il faut favoriser la création de petites structures aptes à réagir rapidement, plutôt que de grandes unités où les compétences se diluent.

Pour cela, les signes à donner ne sont pas uniquement fiscaux. Pourquoi ne pas étudier l'investissement-embauche ?

Beaucoup d'entreprises s'interrogent sur la durée du travail.

M. Xavier de Roux - Le travail est une aliénation. Il faut le supprimer !

Mme Marylise Lebranchu - Comment penser que quelqu'un qui commence sa carrière à 1 000 € par mois et qui la finira à 1 500 vit bien et n'a rien à espérer ? Le laisser croire provoque le malaise social. Les PME ont du mal à recruter, faute de proposer des carrières attrayantes. Elles doivent donc privilégier la durée et les conditions de travail, la qualité de vie.

Nous voulons tous encourager le travail manuel et l'artisanat, mais combien d'entre nous conseillent à leurs enfants de passer un CAP, un BEP, un bac professionnel, un BTS ?

Il faut aussi que l'assiette des cotisations sociales prenne davantage en compte les salaires, il en va de l'avenir de nos PME. Il est vrai que nous-mêmes n'avons pas élargi cette assiette. Nous avons fait beaucoup mais nous n'avons pas tout fait.

M. Jean-Michel Fourgous - Vous détenez quand même le record des dépôts de bilan, en 2002 !

Mme Marylise Lebranchu - Mettre dans le bilan le chômage mais pas les créations d'emplois, ce serait refuser d'aller au fond des choses (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Chantal Brunel - Je répondrai simplement sur deux points. Tout d'abord, c'est parce que la consommation a été relativement bonne que le taux de croissance ne s'est pas effondré. Ensuite, en ce qui concerne les délocalisations, s'il est vrai que la France ne peut pas lutter contre la concurrence des pays où la main-d'_uvre est très bon marché, elle peut encourager l'enseignement professionnel, afin que les jeunes apprennent à apprendre, car c'est la valeur ajoutée qui peut être notre arme dans ce combat.

Convaincu que ce texte peut permettre de réhabiliter l'entreprise, de créer des emplois, le groupe UMP votera contre cette question préalable défendue avec courtoisie et compétence par Mme Lebranchu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Eric Besson - Mme Lebranchu a bien montré les faiblesses de ce texte idéologique, qui n'apporte pas grand-chose aux créateurs d'entreprises et qui marque même un recul pour les moins fortunés d'entre eux.

La gauche avait créé la PCE, accordé une prime aux chômeurs-créateurs. Dans la continuité de M. Juppé, qui avait supprimé l'ACCRE, vous revenez sur la prime en la transformant en avance remboursable. Ce faisant, vous êtes incohérents avec votre propre approche libérale, qui voudrait que vous encouragiez toutes les créations...

Votre texte constitue une litanie d'exonérations et d'abattements. Et il n'a même pas été adaptée entre la première et la deuxième lecture afin de tenir compte de la dégradation de la situation économique, sociale et budgétaire dont vous êtres responsables (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Nous savions bien qu'il vous serait impossible de tenir les promesses contradictoires du candidat Chirac, entre l'augmentation des dépenses publiques, la baisse des impôts, la diminution des cotisations, que vous vous obstinez à appeler « charges ».

Dès l'origine, ce texte était une erreur de justice sociale. Il est aussi désormais une faute de pilotage macro-économique. En persévérant dans l'erreur, vous ne servez pas la cause des créateurs d'entreprises et vous risquez la sortie de route.

M. Jean-Michel Fourgous - Et les 35 heures, ce n'était pas une « sortie de route » ?

M. Eric Besson - Suivez donc le conseil de Mme Lebranchu : repassez par les stands pour réparer ce qui peut encore l'être (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Rodolphe Thomas - En matière de justice sociale, nous n'avons pas de leçon à recevoir des socialistes qui ont imposé les 35 heures de façon autoritaire.

M. Michel Vergnier - Supprimez-les !

M. Rodolphe Thomas - Si ça ne tenait qu'à moi...

Vous n'avez pas su donner aux petites entreprises et à l'artisanat la chance de s'adapter à leur environnement économique, mais vous rejetez a priori un projet pragmatique. Laissez donc le Gouvernement faire ce que vous n'avez pas voulu faire, vous jugerez aux résultats.

Pour sa part, le groupe UDF votera contre cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Pierre Goldberg - Notre opposition à ce projet n'est ni dogmatique ni sectaire. Dès la première lecture, nous avons affirmé la nécessité de favoriser l'activité économique dans les PME et l'artisanat et fait de nombreuses propositions en leur faveur. Tout le monde s'accorde aujourd'hui sur la nécessité de soutenir la création et le développement de ces entreprises. Les PME et l'artisanat sont dynamiques, avec 270 000 entreprises créées ces derniers temps. Malheureusement beaucoup ne survivent pas à leur troisième année. Pourquoi, alors, n'avoir pas prévu, ou si peu, de conforter les réseaux d'accompagnement et les dispositifs de soutien au développement de ces entreprises ? De nombreuses expériences, menées par les collectivités locales, ont pourtant eu lieu avec succès, et elles traduisent un besoin social certain.

M. le Secrétaire d'Etat - Avez-vous lu le texte ?

M. Pierre Goldberg - Nous partageons l'idée qu'il convient de renforcer les dispositifs en faveur des petites entreprises et de l'artisanat, sources d'emplois, créateurs de liens sociaux et outils d'aménagement du territoire. Notre opposition à votre projet résulte de notre profond désaccord avec les solutions que vous proposez et qui ne résoudront pas les difficultés des petites entreprises. Vous vous servez de ce texte pour proposer des dispositions dangereuses, libérales et finalement anti-économiques.

Vous ne souhaitez ni le dialogue, ni la recherche de solutions communes : tous les amendements que nous vous avons proposés en première lecture ont été balayés d'un revers de main, et vous avez refusé tout débat sur nos propositions qui visaient à écarter les risques d'essaimage organisé pour contourner le code du travail ou à différencier l'activité des véritables PME, c'est-à-dire des entreprises indépendantes des grands groupes. Pour les aider il faut avoir le courage de modifier en profondeur le comportement des grands groupes mais aussi des banques.

Le projet relatif à la sécurité financière aurait pu être l'occasion d'ouvrir un débat sur ce thème, il n'en a rien été. Nous proposons, pour notre part, la création d'institutions nouvelles pour permettre le partage efficace des ressources au lieu de la mise en concurrence des territoires. Il faut créer des conférences financières au niveau régional, intercommunal ou par bassin d'emplois, pour favoriser des contrats à long terme, pour la production, la recherche et les services.

Par ailleurs, nous souhaitons l'installation d'un pôle financier public, auquel participeraient la BDPME et EULIA ; ainsi pourrait-on développer un nouveau service public pour l'emploi et la formation. La promotion de l'emploi et des qualifications reste, trop souvent, vécue comme une contrainte. Au mépris de l'intérêt général, les organismes bancaires préfèrent favoriser les profits à court terme et miser sur la spéculation. Il est urgent d'en finir avec cette logique destructrice - les exemples des LU, de Metaleurop et des autres licenciements boursiers ne nous le rappelle que trop fortement. Ce nouvel organisme public pourrait créer une bonification sélective du crédit, dont le critère d'accès déterminant serait la promotion de l'emploi et des qualifications. Ce pôle financier public pourrait en outre amorcer la refonte des relations entre banques et entreprises dans le cadre européen.

Que propose votre projet ? Des fonds d'investissement de proximité, dont l'unique objectif est de consentir de nouveaux avantages fiscaux et qui, réservés aux seules sociétés, excluent 60 % des entreprises artisanales. Vous prétendez vouloir libérer l'initiative, mais votre projet traduit une vision ultra-libérale de la liberté d'entreprendre.

Votre texte a aussi été « enrichi » de dispositions néfastes pour les salariés, puisqu'elles assouplissent le système de protection des travailleurs dits indépendants. En fait, cette réécriture masquée de notre législation du travail est destinée à institutionnaliser, voire à généraliser, la fausse sous-traitance et l'externalisation de la main-d'_uvre. Votre projet va favoriser le démantèlement des activités des grandes entreprises en les transférant artificiellement à des PME dépendantes des donneurs d'ordre.

Nous voulons favoriser le développement et la pérennisation des PME-PMI et de l'artisanat et nos propositions vont dans ce sens, en favorisant l'emploi et la formation.

Servi par une « avant-garde » de députés de votre majorité, vous voulez construire une société conforme aux aspirations du Medef, et une activité économique débarrassée du droit du travail et des contraintes sociales. La liberté d'entreprendre se confond souvent, pour vous, avec la liberté de licencier ! Et, prétendant ainsi favoriser l'emploi, vous tentez de faire adopter un allégement de l'impôt sur les grandes fortunes !

Votre projet comporte bien quelques mesurettes généreuses ou de bon sens, mais il ne tient aucunement compte des besoins respectifs des PME et des artisans.

Les véritables moyens d'assurer le développement durable des entreprises sont absents de votre projet, qu'il s'agisse de la formation, du soutien aux entrepreneurs et aux salariés, de leur statut respectif, ou de l'aménagement du territoire.

Vous multipliez les mesures d'exonérations fiscales et, ultime provocation dans le contexte social que nous vivons, vous diminuez l'ISF. Cet allégement, qui résulte d'un amendement lors de la première lecture, a même été augmenté par vos amis du Sénat pour environ 50 millions. Ce cadeau fait aux plus riches est indéfendable.

M. Jean-Michel Fourgous - Aux entreprises !

M. Pierre Goldberg - Je vous rappelle d'ailleurs que son efficacité économique n'a jamais été prouvée. Comme sur les retraites et la décentralisation, vos efforts de communication font de moins en moins illusion. Comment peut-on diminuer cet impôt juste alors que les licenciements massifs se multiplient en totale liberté, alors que les plans sociaux déferlent, alors que les plus démunis sont toujours davantage mis à contribution ? Cet allégement de l'ISF correspond, je vous le rappelle, au montant que le Gouvernement va faire payer aux bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie en augmentant la participation des personnes âgées dépendantes - et principalement des plus démunies. C'est un nouvel exemple, scandaleux, de votre mépris pour la fameuse « France d'en bas » dont vous parlez tant.

M. Jean-Michel Fourgous - Les caisses de l'Etat seraient donc pleines ?

M. Pierre Goldberg - Par ce texte, vous livrez une fois de plus les très petites entreprises, les commerçants, les artisans, les PME et les PMI au jeu, souvent mortel et toujours socialement négatif, de la financiarisation. C'est pourtant cette financiarisation, combinée à la mainmise écrasante des grands groupes, qui détruit tant de nos PME. Ainsi, dans mon département, plusieurs de ces petites entreprises viennent de mettre la clé sous la porte ou de licencier après avoir été étranglées par les donneurs d'ordre.

M. Jean-Michel Fourgous - Et que pensent-elles des 35 heures, ces petites entreprises ?

M. Pierre Goldberg - Encore ! Mais qu'attendez-vous donc pour les supprimer ? Allez-y ! Allez-y donc ! Vous vous employez à casser les retraites, continuez !

Quant à votre volonté d'exonérer toujours davantage de l'ISF, elle est bien singulière, surtout si l'on considère la politique de rigueur qui touche de plein fouet les catégories sociales les moins favorisées.

C'est donc sans illusion, mais avec combativité que les députés communistes aborderont l'examen de ce texte en seconde lecture. Sans illusion, car vous avez démontré votre incapacité à écouter et à tenir compte des projets alternatifs à votre projet libéral. Combatifs, car nos sommes convaincus que sur de nombreux sujets touchant à l'organisation économique et sociale de notre pays, nos concitoyens attendent d'autres choix, ceux de l'intérêt général, ceux que l'on ne trouve pas dans votre texte (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Mme Chantal Brunel - Alors que les difficultés s'amoncellent, dues à la stagnation de la croissance et à un contexte international perturbé, le groupe UMP se félicite de ce texte. Nous savons tous que beaucoup de nos concitoyens voudraient créer leur entreprise, mais que des obstacles de tous ordres entravent leur réalisation. Ce projet les dynamisera et les encouragera à franchir le pas. Trop longtemps, l'assistanat a prévalu sur le travail et la redistribution sur l'investissement. Ce temps n'est plus, et l'on ne peut que se féliciter du changement de mentalité que traduit un texte qui aura un impact certain sur les créations d'emplois, que nous souhaitons tous. Les très nombreuses mesures constructives qui nous sont proposées feront que le pays retrouvera le goût d'entreprendre.

Je ne doute pas que l'accord se fera entre les deux assemblées sur les conditions de délivrance du récépissé de création d'entreprise. Quant au guichet unique, il sera mis en _uvre par ordonnance...

M. Pierre Goldberg - Hélas !

Mme Chantal Brunel - ...ce qui traduit le souci d'efficacité du Gouvernement.

Mais, même si ce projet répond à nombre de nos attentes, il nous tarde de connaître les mesures que prendra le Gouvernement à propos du statut du chef d'entreprise, de l'accès des PME aux marchés publics... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Pierre Goldberg - Trop tard !

Mme Chantal Brunel - ...ou de la formation. Les enquêtes conduites depuis deux ans révèlent les faiblesses des entreprises françaises : incompréhension de la mondialisation de par le trop petit nombre d'emplois ouverts sur l'international ; incapacité, face au retournement des marchés, à redéployer la production et à réorienter la formation des salariés ; soutien aux créateurs d'entreprises trop frileux et attirance réelle pour l'emploi protégé ; incapacité à comprendre que le poids des dépenses publiques, qui se répercute dans les charges des entreprises, les handicape lourdement dans un milieu concurrentiel.

Ce texte n'est donc qu'un premier pas vers la reconnaissance du travail de l'entrepreneur pour améliorer l'attractivité de notre territoire. C'est avec enthousiasme que le groupe UMP le soutiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Vergnier - En première lecture, nous avions déjà critiqué l'aspect précipité de ce texte et son volet fiscal trop favorable à ceux qui acquittent l'ISF. Nous avions essayé de vous proposer certains amendements qui devaient l'amener à plus d'équité. Devant votre refus, nous avions espéré que le Sénat, dans sa grande sagesse, allait faire une partie du travail. Mais s'il a bien modifié le texte, c'est pour y inclure encore plus d'exonérations fiscales ! A l'époque où les salariés sont les seuls mis à contribution pour le maintien de leurs retraites, est-ce une provocation ou de l'indécence ? Exonérer ceux qui payent l'ISF et taxer les ouvriers tout en les faisant travailler plus longtemps sont des orientations que nous ne pouvons soutenir. Mais en politique, le but est de défendre ses idées tout en respectant celles des autres. Pourquoi ne serait-ce pas le cas ici ? Sans doute n'avons-nous pas les mêmes fréquentations, mais je suis convaincu, Monsieur le ministre, que vous n'êtes pas de mauvaise foi. Vous aimez les ouvriers vous aussi, à votre manière... mais c'est une manière que nous ne pourrons partager (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

C'est pourquoi nous nous opposerons à tout ce qui nous semble injuste. Le texte voté au Sénat est en retrait pour tout ce qui concerne les créateurs d'entreprises les plus en difficulté, mais il favorise les autres.

Ce texte est d'essence libérale. Pourquoi ne l'admettez-vous pas ? Il n'y a pas de honte ! Il est essentiellement composé de cadeaux fiscaux, soit, mais ayez le courage de le reconnaître ! Nous n'avons encore reçu aucune réponse quant à son financement. Les chiffres que vous nous avez communiqués sont largement sous-estimés, et ils n'ont par ailleurs rien de commun avec ceux qui ont été évoqués au Sénat ! Mais votre majorité vous a soutenu, et il n'y a rien de plus normal. Elle a dévoilé votre volonté de supprimer l'ISF, comme cela avait déjà été le cas en 1986. M. Marini a très clairement indiqué au Sénat que le texte d'initiative économique n'est qu'un premier pas qu'il faudrait approfondir lors de la prochaine loi de finances. Et M. Arthuis estime que le seul avenir de l'ISF est de disparaître... Voilà qui est dit, et voilà ce que nous combattons.

Nous réaffirmons avec solennité que les avantages fiscaux que vous concédez sont excessifs et n'ont aucun rapport avec la création d'entreprise. Aucune étude d'impact, aucune estimation des effets attendus n'ont été produites ! Nous ferons le point dans quelque temps. Vous distribuez des cadeaux à votre électorat traditionnel : dans le contexte économique et social, c'est dangereux, parce que c'est injuste et injustifiable. Quant au reste des mesures, elles n'apportent que peu d'améliorations, en dehors de l'amendement voté par le Sénat qui reprend une de nos propositions, qui avait été refusée ici, sur la réorientation des livrets d'épargne entreprise vers la création d'entreprises.

M. le Secrétaire d'Etat - Ah !

M. Michel Vergnier - Etait-ce moment de sagesse ou d'égarement de la part du Sénat, je ne saurais le dire...

Il est bien de vouloir créer des entreprises, mais encore faut-il pérenniser les emplois !

M. Bertho Audifax - Et les emplois-jeunes ?

M. Michel Vergnier - Mais vous n'assurez pas l'avenir. Vous n'avez même pas pris la peine d'insérer un article sur la formation des créateurs d'entreprises, alors que c'était un de vos fers de lance ! Les dispositions sur l'aménagement du territoire sont absentes. Écoutez donc les conseils d'Augustin Bonrepaux, c'est un homme d'expérience ! Les préoccupations sociales sont bien trop discrètes et les salariés des PME et de l'artisanat sont les grands oubliés du texte. Allez donc sur le terrain discuter avec les artisans ! Je ne vous rappellerai pas de quelle origine je suis, je ne vous referai pas le coup du maréchal-ferrant... mais je vous assure qu'un petit artisan, à la campagne, pense plus à ses fins de mois qu'à être exonéré de l'ISF !

Ce texte manque de concertation avec les acteurs sociaux. Il a été élaboré dans la précipitation. Vous pouviez pourtant profiter de l'excellent travail de vos deux prédécesseurs. Le texte de François Patriat pouvait servir de base de travail, et c'est pourquoi nous avions souhaité qu'il soit voté avant la fin de la précédente législature. Votre projet devait améliorer l'attractivité du territoire et favoriser la création et la transmission d'entreprise. Il ne sera malheureusement qu'un texte d'exonération fiscale et de réforme de l'ISF : plans sociaux et avances remboursables pour les uns, exonérations pour les autres ; gel des crédits pour les entreprises d'insertion et cadeaux fiscaux de l'autre côté... L'avenir nous dira ce qu'il en ressortira (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Rodolphe Thomas - Face au sentiment de découragement des entrepreneurs, vous avez décidé de vous atteler aux difficultés qu'ils rencontrent au quotidien. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette volonté de simplifier la vie des PME. Les démarches administratives avaient atteint ces dernières années un tel niveau qu'il était urgent de réagir. Entreprendre une réforme en profondeur implique de s'attaquer de front aux lourdeurs administratives, mais permettra de promouvoir l'esprit d'initiative et de poser les bases d'une société plus entreprenante et plus audacieuse.

La création d'entreprise est un processus complexe qui engage fortement l'avenir de celui qui s'y lance. Sans être banalisé, il doit cesser d'être un parcours du combattant. C'est pourquoi vous proposez aux créateurs de s'immatriculer par internet, de domicilier leur société pendant cinq ans à leur propre domicile ou de fixer librement le montant du capital social de l'entreprise... Que le capital d'une SARL soit librement fixé par les associés encouragera la création d'entreprise. La liberté de choix entre entreprise individuelle et forme sociétaire deviendra effective. La proportion des entreprises individuelles, certes majoritaires, a baissé de 15 % entre 1990 et 1999, au profit notamment des SARL. Néanmoins, il faudra rappeler aux entrepreneurs la nécessité de disposer de fonds propres et d'avoir un minimum de formation juridique et comptable.

L'immatriculation par internet représente un gain de temps certain, mais qui ne doit pas éloigner les créateurs d'entreprises des réseaux de conseil et d'accompagnement. Par ailleurs, la protection de la résidence principale de l'entrepreneur individuel est une avancée, même si pour l'octroi d'un crédit, le créancier pourra exiger une garantie sur ce bien personnel.

Contrairement aux gouvernements successifs, qui ont souvent eu du mal à prendre la mesure du problème, vous avez _uvré dans le bon sens, allant jusqu'à faciliter la transmission des entreprises à leurs salariés. C'est d'autant plus courageux que cette pratique n'est pas réellement entrée dans les m_urs - alors qu'elle est, tout comme la transmission familiale, une solution réellement adaptée. Compte tenu de l'évolution sociologique et démographique de notre pays, il nous fallait intervenir pour protéger le tissu économique local, mis à mal par le départ à la retraite d'un grand nombre de dirigeants d'entreprise. Vous vous êtes fait l'écho de cette préoccupation et nous vous avons suivi sans hésitation ! Notre espoir est que votre projet, Monsieur le ministre, permette d'insuffler, comme vous le dites si bien, « le souffle de la liberté de choisir sa vie et d'entreprendre » : susciter l'enthousiasme et l'initiative dans notre pays, c'est créer un véritable espace de liberté. Ne l'oublions pas, la création d'entreprise est le premier vecteur de création nette d'emplois !

Mon collègue Charles de Courson présentera la position du groupe UDF sur le volet fiscal du projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Le 4 février, lors de la première lecture de ce projet, j'exprimais ma satisfaction de le voir appréhender avec pragmatisme les difficultés des acteurs économiques de nos territoires - commerçants, artisans, chefs d'entreprise. Je veux aujourd'hui redire ma satisfaction face à vos initiatives.

Le Sénat a enrichi ce texte de dispositions qui, pour la plupart, vont dans le bon sens. Je me félicite notamment des articles 27E et 27F nouveaux. A l'heure où la filière viti-vinicole française réfléchit à sa stratégie de développement, il fallait redynamiser les démarches interprofessionnelles dans les bassins de production. En Languedoc-Roussillon, nous connaissons l'importance de ces démarches pour assurer l'avenir des vins du pays d'Oc.

Plus globalement, ce projet promeut la valeur travail et l'esprit entrepreneurial. Il faut donc être très attentifs aux conditions de sa mise en _uvre au niveau local. J'insiste, Monsieur le ministre, sur les actions que vous devez entreprendre pour informer et soutenir ceux qui sont nos relais sur le terrain, aux côtés des services de l'Etat, pour la création d'entreprises : établissements publics consulaires, comités d'expansion ou de développement, collectivités locales, réseaux d'accompagnement de la création et de la reprise d'entreprises, organisations professionnelles. Ces démarches novatrices, que vous préparez, favoriseront la culture entrepreneuriale et donc l'emploi.

Ce projet constitue d'autre part un pas de plus en faveur des artisans, commerçants et chefs d'entreprise, après la réforme du FISAC. Le nouveau dispositif favorisera le maintien des services de proximité, donc du tissu social. Je vous félicite, Monsieur le ministre, d'avoir ouvert le FISAC au financement de l'acquisition des véhicules de tournée. Ce sera un soutien à ceux qui parcourent quotidiennement nos campagnes et à l'attractivité de celles-ci.

M. Louis Giscard d'Estaing - Absolument !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Pour autant, ce texte n'est qu'une étape. Je sais que vous en préparez une autre pour la fin de l'année. Il faut en effet faciliter l'accès des PME aux marchés publics, améliorer le statut de l'entrepreneur individuel et en reconnaître enfin un à son conjoint. J'insiste sur la nécessité d'instaurer une discrimination positive en faveur du maintien et du développement des activités en milieu rural. La notion de zone franche, adaptée à l'urbain et aux territoires insulaires, pourrait l'être également à la ruralité. M. Gaymard prépare un grand projet sur le monde rural : je souhaite que votre vision de l'entreprise vienne enrichir ce futur projet. Continuez votre combat pour libérer les énergies et redonner confiance à tous ceux qui veulent investir dans le vrai travail, donc dans l'emploi durable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. David Habib - En première lecture, j'avais considéré que la situation de l'emploi, la fragilité de notre tissu productif, les défaillances dramatiques de certaines de nos entreprises rendaient louable l'objet de votre projet de loi. Vous voulez relancer l'initiative : nous y souscrivons. La France a besoin d'un secteur privé puissant, bien réparti sur le territoire, dynamique, créateur de richesses et d'emplois. Nous partageons l'idée que la prise de risque doit être encouragée et mieux valorisée. Ainsi, votre projet aurait pu être une formidable occasion d'avancer vers ces objectifs et d'organiser de nouvelles relations entre les acteurs économiques, en plaçant l'entrepreneur au centre du dispositif.

Malheureusement, votre démarche relève d'une autre logique, purement idéologique, inspirée par un patronat caricatural (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Votre texte souffre d'abord de deux insuffisances. Vous favorisez la multiplication d'entreprises, mais non leur pérennité, puisque vous écartez les questions liées à la formation des chefs d'entreprise, aux réseaux d'accompagnement, à l'essaimage ou à la sécurisation des concours bancaires. D'autre part, vous privilégiez l'approche fiscale, en ignorant ce qui fait aussi le quotidien d'une entreprise : les délais de paiement, les relations entre les distributeurs et fournisseurs, les questions liées aux transferts technologiques, par exemple.

A ces deux insuffisances, s'ajoute une faute, qui est de démanteler l'impôt sur la fortune. Ne pensez-vous pas que notre pays, qui connaît un chômage croissant, une situation sociale conflictuelle, des restructurations industrielles lourdes, attend autre chose de ses gouvernants ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) N'est-il pas injuste d'accorder ces « cadeaux fiscaux » à 268 000 contribuables alors que vous venez de réduire le remboursement de 616 médicaments, pénalisant ainsi les moins fortunés de nos concitoyens ? Certaines concomitances sont fâcheuses. Des milliers de Français ont exprimé aujourd'hui leur inquiétude pour leurs retraites, mais aussi leur désir de voir ces problèmes sociaux traités avec équité. Et voilà que vous vous engagez dans la suppression d'un impôt pourtant juste et légitime.

Nous avons reçu de très nombreuses contributions visant à améliorer ce texte. Je n'ai pas souvenance que la chambre de métiers de mon département, ni même la hambre de commerce et d'industrie de Pau, m'aient recommandé une réforme de l'ISF ! Cette demande est bien éloignée des préoccupations du terrain et du monde des entreprises. Pourtant, demain, ces « amendements ISF » seront tout ce qu'on retiendra de ce projet... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C'est dommage ! Vous réduisez l'entreprise à une « bulle fiscale », alors qu'elle est un lieu formidable d'échanges et de création.

En ces temps où l'économie est troublée, je veux évoquer les difficultés que rencontrent certains territoires où tout semble se déliter. Nous avions évoqué en première lecture les plans sociaux et les fermetures d'unités industrielles qui se multipliaient depuis huit mois. Depuis février, cette situation s'est encore dégradée. J'en veux pour preuve les annonces du groupe Alsthom à Belfort, du GIAT à Tarbes et ailleurs et celles d'Atochem, filiale du groupe Total, à Brignoud dans l'Isère et à Lacq, en Béarn. A chaque fois, des décisions sauvages, implacables s'abattent sur des centaines de salariés, mais aussi des milliers d'habitants qui bénéficiaient de ces implantations industrielles. Aujourd'hui, ces territoires sont en crise. Les entreprises sous-traitantes, notamment, sont parmi les premières victimes de ces restructurations, et attendent autre chose que ces péripéties fiscales. Quant à l'Etat, sur ces sites, et notamment à Lacq, il est « aux abonnés absents »... Il était de mon devoir d'évoquer ici ces situations.

Vous voulez relancer l'initiative économique. Face à la crise de l'emploi, il est temps de relancer une autre initiative : celle de l'action publique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C'est aussi ce qu'attendent les salariés et la majorité des dirigeants d'entreprise dans ces territoires aujourd'hui fragilisés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - En première lecture, j'avais noté ainsi ce projet : bien mais peut mieux faire. Son examen a permis de lui apporter de sensibles améliorations. Sur un point précis, cependant, il n'a pas été amélioré au Sénat. Mais il n'est pas trop tard. Ce projet vise surtout, en effet, les sociétés de capitaux, mais pas assez les entreprises individuelles. Le groupe UDF l'avait souligné lors de la première lecture, et le Gouvernement s'était engagé à présenter des dispositions propres à rééquilibrer le texte.

La création d'entreprises individuelles, c'est 45 % du total des créations en France. Or le bilan des aides à la création est très contrasté. Les sociétés de capitaux bénéficient d'avantages fiscaux notables, que ce soit le dispositif Madelin - que nous avons amélioré dans ce projet - ou celui des FIP, qui devrait drainer une masse importante d'épargne. Du côté des entreprises individuelles, on constate en revanche une certaine pénurie d'incitations. Nous avons tout juste permis l'extension des FIP aux sociétés de cautionnement. Pour l'UDF, il ne faut pas, au nom de la simplicité, laisser ainsi de côté 60 % des entreprises de notre pays. Certains pensent que toutes les sociétés devraient être des sociétés de capitaux. Le Gouvernement se défend de partager cette idée ; il lui reste à le prouver par des actes.

Nous avions proposé en première lecture d'étendre le dispositif des FIP aux prêts à la création d'entreprises individuelles. Le rapporteur et le Gouvernement y étaient défavorables, en raison de la difficulté de connaître la juste affectation des investissements, faute de séparation entre les patrimoines personnel et professionnel. Le Gouvernement avait alors annoncé qu'il présenterait des mesures précises, avant la discussion au Sénat, pour améliorer le financement des entreprises individuelles, notamment en étudiant le système des prêts à la création d'entreprise. Il avait annoncé son intention d'étudier des améliorations susceptibles d'intervenir par voie réglementaire.

Il serait donc intéressant, Monsieur le ministre, que vous nous donniez quelques précisions sur ce sujet, car je n'ai rien vu qui le concerne dans les débats du Sénat. Il est en effet important de donner un signe fort aux entreprises individuelles. C'est pourquoi, malgré la difficulté d'application d'une telle mesure, le groupe UDF propose d'étendre l'éligibilité des FIP aux prêts favorisant la création d'entreprises individuelles. La charge de prouver la juste affectation pourrait incomber à l'entrepreneur, afin de ne pas compliquer la tâche de l'administration fiscale.

Un autre sujet nous tient à c_ur : le provisionnement des sommes versées au fonds de garantie. J'avais retiré mon amendement à la suite de votre engagement, Monsieur le ministre, de chercher une solution avec moi et avec la commission. Or aucun dispositif n'a été proposé au Sénat. Celui que nous suggérons est simple, et l'Assemblée devrait pouvoir l'adopter comme l'a fait la commission spéciale.

Enfin, sur l'ISF, les mesures que nous avons adoptées en première lecture favorisent le maintien de richesses et d'emplois sur notre territoire. Cependant une réflexion plus approfondie est nécessaire. Un premier problème est le suivant : le dispositif visant à exonérer de l'ISF 50 % de la valeur des parts détenues dans le cadre d'un pacte d'actionnaires permettra certes de limiter la fuite des capitaux, mais il est apparu, en refaisant les calculs, que, du fait de la pression fiscale générale, il faut afficher un taux d'exonération de 75 % si l'on veut obtenir un taux réel de 50 %, objectif de notre assemblée.

Deux autres handicaps demeurent. Le premier est le plafonnement du plafonnement, sur lequel nos préoccupations, en première lecture, étaient largement partagées par l'UMP et par le Gouvernement. A ceux qui critiquent Alain Juppé, je veux indiquer qu'il m'a dit, à ce propos, avoir fait à l'époque une erreur, avoir essayé de la réparer l'année suivante, mais en avoir été empêché par la CMP. Alain Juppé est donc favorable à la suppression du dispositif qu'il avait fait adopter, et sur lequel la gauche n'a jamais voulu revenir.

Il en va de même du barème de l'ISF, qui est le seul à ne pas être indexé sur l'inflation. Il faudra également réexaminer ce point en loi de finances.

En conclusion, nous souhaitons que le projet soit rééquilibré en faveur des entrepreneurs individuels.

La discussion générale est close.

M. le Secrétaire d'Etat - Je remercie les députés de la majorité d'avoir, avec sagesse et bon sens, enrichi considérablement le projet.

Certaines approximations paraissent néanmoins subsister, en particulier sur le financement des entreprises individuelles. C'est à elles que bénéficie principalement la mesure fiscale la plus coûteuse du projet, à savoir la baisse de la taxation sur les plus-values de cession, qui passera dans 80 % des cas de 26 % à 0 %, le taux le plus bas que j'aie réussi à trouver... Cette véritable révolution fiscale profitera essentiellement à des entrepreneurs individuels.

Le plan d'épargne logement sera désormais ouvert aux créations d'entreprise, à condition que le local professionnel soit contigu à l'habitation. Les FIP pourront bénéficier aux sociétés de caution mutuelle, et la sécurisation du patrimoine du travailleur indépendant figure enfin dans la loi. Enfin, Monsieur de Courson, le prêt à la création d'entreprise, conçu par le gouvernement précédent, n'a pas tenu toutes ses promesses, puisque 10 000 PCE seulement ont été distribués, sur 30 000 escomptés.

M. Gérard Bapt - Alors, améliorez-le !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous le ferons par des dispositions réglementaires. De même, le PRE, jusqu'à présent expérimenté dans certaines régions, sera généralisé à l'ensemble du territoire. Le provisionnement des sommes versées aux sociétés de cautionnement mutuel sera mis en place, avec l'accord d'Alain Lambert.

A l'opposition, je dis que les différences qui nous séparent sont la respiration normale de la démocratie - et nous avons largement respiré au cours de la discussion. La première de ces différences est que le nouveau Gouvernement a déposé un projet sur la création d'entreprise six mois après son arrivée, alors que son prédécesseur l'a fait six mois avant son départ. Ce n'est pas un hasard ! Pour nous, le progrès social n'a de réalité que si on peut le financer. Nous commençons donc par élargir l'assiette de financement du progrès social avant de distribuer un argent qui n'existe pas encore. Voilà entre nous une différence substantielle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

En outre, notre texte a reçu le ferme soutien de toutes les organisations professionnelles (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) : l'APCM a considéré que 2003 était véritablement « l'année des artisans », et l'UPA a salué le projet comme l'un des plus importants depuis longtemps. Je ne dirai rien des commentaires qu'avait suscités le projet de François Patriat... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Pour nous, il ne suffit pas de modifier la loi ; il faut modifier la foi, c'est-à-dire la confiance des acteurs économiques. Or voici des chiffres que même votre mauvaise foi ne peut contester. La comparaison entre le niveau de cette confiance au premier trimestre de 2003 et au premier trimestre de 2002 fait apparaître un changement de comportement à l'égard de la création d'entreprise, qui dénote chez nos concitoyens le sentiment que le Gouvernement est là pour les aider et les encourager : l'augmentation est de 12 % dans le commerce, de 8 % dans l'immobilier, de 7,4 % dans la construction, de 5,5 % dans les services aux particuliers. La hausse atteint 11,6 % dans votre région, Madame Lebranchu, depuis que nous sommes arrivés et de 12,4 % dans la vôtre, Monsieur Bapt !

M. Michel Vergnier - C'est grâce à lui !

M. le Secrétaire d'Etat - Ce mouvement exprime une modification des comportements. L'esprit d'entreprise qui est le nôtre est différent de l'esprit de prime qui vous caractérise.

Nous n'avons pas non plus la même conception de la fiscalité : la vôtre est punitive, la nôtre est contributive (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). J'ai relevé 47 fois le terme d'ISF dans votre bouche, à croire qu'il s'agit pour vous d'une obsession (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Pour nous, l'ISF est un impôt comme un autre, et nous nous demandons simplement s'il est suffisamment contributif pour le maintenir en l'état, ou s'il faut le modifier pour favoriser l'emploi, comme nous avons choisi de le faire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

L'ISF a donné lieu à des dérapages verbaux. Mme Ségolène Royal n'a-t-elle pas prétendu que nous l'avions aboli ? Peut-être prenait-elle ses désirs pour des réalités (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - C'est bien ce que vous avez l'intention de faire !

M. le Secrétaire d'Etat - Nos concitoyens ont bien compris le sens de notre démarche : distribuer non pas des cadeaux fiscaux, mais des vitamines fiscales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Eric Besson - De la foi et des vitamines !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous différons encore sur la conception de l'égalité. Pour nous, la création d'entreprise participe de l'égalité des chances. La France n'est pas un pays propice à l'égalité. Un fils d'enseignant a 90 % de chances d'obtenir le baccalauréat, un fils d'ouvrier 37 % seulement. C'est l'inégalité à la naissance (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il existe chez nous un autre capital que l'argent, c'est le savoir. Certaines catégories sociales le possèdent, et savent le transmettre à leurs enfants, alors que d'autres catégories y accèdent difficilement.

M. Pierre Goldberg - C'est par manque de moyens !

M. le Secrétaire d'Etat - Or, la création d'entreprise fait plus large place à l'égalité des chances. Près de la moitié des créateurs d'entreprises n'ont pas le baccalauréat et nous connaissons tous de nombreux exemples de grandes réussites obtenues par des personnes qui ont commencé comme apprentis, sans être bardées de diplômes. Cette dimension égalitaire de la création d'entreprise mérite d'être soulignée.

Notre projet traite non seulement de la création mais aussi de la pérennité des entreprises, et donc de leur transmission. Près de 500 000 chefs d'entreprise vont partir à la retraite sous peu. Il était temps de s'en préoccuper !

Cette loi sera féconde. Je vous donne rendez-vous dans un an, et vous verrez que la création d'entreprise sera le vrai moteur du progrès social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DEMANDE DE CONSTITUTION D'UNE COMMISSION SPÉCIALE

M. le Président - Le président du groupe des députés communistes et républicains a demandé la constitution d'une commission spéciale pour l'examen du projet de loi portant réforme des retraites.

Il vient d'être procédé à l'affichage et à la notification de cette demande. Elle sera considérée comme adoptée en vertu de l'article 31, alinéa 3, du Règlement, si la Présidence n'a été saisie d'aucune opposition avant la deuxième séance que tiendra l'Assemblée suivant la présente séance.

La séance, suspendue à 23 heures 45, est reprise à 23 heures 55.

OPPOSITION À UNE DEMANDE DE CONSTITUTION D'UNE COMMISSION SPÉCIALE

M. le Président - L'Assemblée a été informée de la demande de constitution d'une commission spéciale, présentée par le président du groupe des députés communistes et républicains, pour l'examen du projet de loi portant réforme des retraites. Mais une opposition, déposée par le président de la commission des affaires culturelles, est parvenue à la Présidence. L'Assemblée sera donc appelée à statuer sur la demande à la fin de la séance de demain après-midi.

INITIATIVE ÉCONOMIQUE (deuxième lecture) - suite -

M. le Président - Je vous informe que la séance sera levée ce soir à une heure, comme le prévoit le Règlement.

J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.

M. le Secrétaire d'Etat - Maintenant que nous savons que le débat ne pourra s'achever ce soir et reprendra nécessairement demain après-midi, le Gouvernement souhaiterait, si l'Assemblée en est d'accord, réserver les articles jusqu'à l'article 25, afin qu'ait lieu maintenant le débat qui intéresse sans doute le plus une partie de l'hémicycle, à savoir celui sur la fiscalité, et que tous ceux qui souhaitent intervenir sur le sujet, et avaient prévu de le faire ce soir, le puissent.

M. le Président - La réserve est de droit.

M. Michel Vergnier - Nous ne sommes pas opposés à cette réserve sur le fond. Mais nous souhaitons une brève suspension de séance pour voir comment organiser nos travaux.

M. le Président - La suspension est également de droit.

La séance, suspendue à minuit, est reprise le mercredi 4 juin à 0 heure 5.

M. Michel Vergnier - Nous ne comprenons pas pourquoi l'on renonce à l'ordre normal d'examen des articles alors que tous nos collègues de la majorité ont déclaré que l'ISF n'était pas la partie centrale du texte.

Nous refusons cette façon de procéder, même si la réserve est évidemment de droit.

M. Pierre Goldberg - J'étais dans mon bureau et j'ignorais la demande de réserve. Je demande une nouvelle suspension pour en débattre avec mon groupe (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

La séance est suspendue. Elle est reprise à 0 heure 10.

M. le Secrétaire d'Etat - Ayant écouté avec attention les orateurs de l'opposition, je me suis aperçu que seul l'ISF les intéressait (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) et qu'ils se focalisaient sur le seul article 26 bis. C'est afin d'apaiser cette démangeaison (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), et de leur permettre de se libérer ensuite, que j'ai demandé la réserve. J'espère qu'une fois cet article voté, nous en viendrons au vrai débat, celui qui intéresse vraiment les Français (Mêmes mouvements).

M. Augustin Bonrepaux - En êtes-vous sûr ?

M. Michel Vergnier - Le ministre ne nous avait guère habitués à de tels procédés. Il est inacceptable qu'il donne une interprétation aussi discourtoise de nos interventions et se permette de dire à notre place ce qui nous intéresse !

En lisant le compte rendu, il verra d'ailleurs qu'il se trompe et que, s'il était normal que nous traitions de l'ISF, nous avons aussi abordé d'autres sujets.

Au cours de la suspension de séance qui a suivi la discussion générale, nous avons rencontré le président de l'Assemblée, qui nous a informés que nos travaux seraient interrompus à 1 heure, ce qui est raisonnable si l'on veut qu'ils soient sérieux. Mais il ne nous a pas avertis que l'ordre d'examen des articles serait bouleversé...

M. Jean Proriol - Ce n'est pas lui qui demande la réserve, mais le Gouvernement !

M. Michel Vergnier - C'est en effet une prérogative du Gouvernement, mais c'est la nôtre que d'exprimer notre appréciation sur son comportement et ses propos ! Je demande une suspension de séance.

M. Xavier de Roux - Pour quoi faire ?

M. le Président - La suspension est de droit. Je vous accorde trois minutes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 0 heure 15, est reprise à 0 heures 18.

M. Pierre Goldberg - J'avais demandé une suspension de séance de dix minutes, la présidence m'en a accordé cinq, qui se sont réduites à trois. De ce fait, je n'ai pas eu le temps de réunir mon groupe (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La suspension de séance est de droit, mais dans des conditions définies par la Présidence. Vous aurez tout le temps nécessaire pour vous exprimer lors de l'examen des articles.

M. Pierre Goldberg - Je demande une suspension de séance de dix minutes (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Elle sera de deux minutes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

La séance, suspendue à 0 heure 20, est reprise à 0 heure 22.

M. Didier Migaud - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58, alinéa 3, relatif à l'organisation de nos travaux. Je tiens à le redire : nous sommes choqués par l'insistance mise par le ministre à inverser le déroulement de l'examen des articles pour, nous explique-t-il, « nous faire plaisir », alors même que nous avons exprimé notre désaccord. Il y a quelque inconvenance à procéder de la sorte, et à nous proposer d'examiner en premier ce que lui-même ne tient pas pour un point central - l'allégement de l'ISF - à partir de minuit 20 alors que nous devrons interrompre le débat à 1 heure (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Vous nous avez, Monsieur le ministre, habitués à plus de courtoisie, et je vous demande instamment que le débat reprenne le cours prévu. Bien que n'ayant pas de délégation de mon groupe, je demande une nouvelle suspension de séance, qui nous permettra de définir avec le Gouvernement les conditions d'une reprise harmonieuse de la séance.

M. le Président - La suspension de séance vous est accordée.

La séance, suspendue à 0 heure 25, est reprise à 0 heure 28.

M. le Président - Il résulte d'une lettre que je viens de recevoir de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement que la discussion du projet reprendra cet après-midi, après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 0 heure 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 4 JUIN 2003

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement(1).

2. Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 760) pour l'initiative économique.

Mme Catherine VAUTRIN et M. Gilles CARREZ, rapporteurs au nom de la commission spéciale. (Rapport n° 882).

3. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 826) renforçant la lutte contre la violence routière.

M. Richard DELL'AGNOLA, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 865)

4. Discussion du projet de loi (n° 810) modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.

M. Jean LEONETTI, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 883)

M. Eric RAOULT, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères.

(Avis n° 872).

-  En fin de séance :

Décision de l'Assemblée sur la demande de constitution d'une commission spéciale pour l'examen du projet de loi portant réforme des retraites.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

(1) Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.


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