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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 96ème jour de séance, 230ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 6 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      LOI DE PROGRAMME POUR L'OUTRE-MER (suite) 2

      RÉUNION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS 26

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE PROGRAMME POUR L'OUTRE-MER (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence.

M. le Président - Hier, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans le discussion générale.

M. André Thien Ah Koon - Je voudrais d'abord dire les sentiments attristés qu'ont soulevé hier en moi les mots de notre ancien secrétaire d'Etat, Christian Paul. Il n'est pas là ce matin, mais je tiens à lui dire qu'il a manqué d'élégance, de hauteur de jugement et de grandeur (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Pis, compte tenu des fonctions qu'il a exercées, il a manqué de respect à notre égard. Je souhaite que les débats aient une meilleure tenue.

La France traverse une crise économique importante. A qui la faute ? A des charges fiscales et sociales accablantes, qui détruisent l'esprit d'entreprendre, à des lois tatillonnes et suspicieuses qui pèsent sur les élus sans qu'ils aient les moyens de mettre les réformes en _uvre, aux 35 heures, mises en place par Mme Aubry...

Aussi, dans un contexte de difficultés budgétaires, cette loi de programme est-elle un geste fort envers l'outre-mer. Elle consacre une vision réaliste et ambitieuse. Au nom des Réunionnais, j'exprime notre gratitude au Président de la République, au Premier ministre et à notre ministre de l'outre-mer, cheville ouvrière de cet excellent texte.

L'outre-mer, parmi tant d'autres richesses, apporte à la France 4 millions de kilomètres carrés d'espace maritime. Ses difficultés sont multiples, même si elles ne touchent qu'une faible part de la population française. La Réunion a beaucoup de retard à rattraper du fait de son passé colonial et de la lenteur de la départementalisation. Les enjeux sont majeurs pour sa population, mais ils ne représentent, à l'échelle de la France, qu'un petit défi.

Je remercie le président de notre groupe, Jacques Barrot, de nous avoir permis de défendre cette réalité auprès du président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, qui s'alarmait des « largesses » de l'Etat envers l'outre-mer. Nous avons mis cinquante ans à rattraper l'égalité sociale, et la responsabilité en est largement partagée par la gauche. La loi de programme contient l'ensemble des engagements pris par le candidat à la présidence de la République. M. Méhaignerie nous demande de faire des économies, notamment en ce qui concerne les avantages accordés à la fonction publique d'Etat. C'est son rôle, mais il est un point sur lequel nous ne transigerons jamais : les droits acquis des fonctionnaires qui servent actuellement outre-mer.

L'indexation des salaires, qui date de Mathusalem, le bonus d'une année de cotisations pour trois travaillées, c'est-à-dire la validation de 40 années pour 30 effectives, la majoration de 35 % des retraites prises à la Réunion ne doivent pas être remis en cause. Le combat qui se mène actuellement pour les retraites ne se justifie pas à la Réunion. Les personnes concernées ont des obligations familiales, des engagements de toute sorte, les études de leurs enfants à assumer... Les fonctionnaires de la Réunion travaillent bien. Il n'est pas juste de remettre en cause le déroulement de leur carrière, et il faudra trouver une solution qui ne touche en rien les fonctionnaires actuellement en poste et les natifs de nos régions.

En revanche, la suppression de la majoration des pensions des agents de l'Etat qui prennent leur retraite à la Réunion alors qu'ils n'y sont pas nés et n'y ont jamais travaillé est une question de morale politique. On ne peut pas se payer une « retraite cocotiers » sur le dos de la France alors qu'on n'a jamais servi outre-mer. Cette position devrait convenir au président de la commission des finances, même si une réforme ne pourrait concerner que les futurs retraités. Les droits acquis demeurent intangibles, et j'aimerais que le ministre de l'outre-mer le confirme.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - C'est ce que j'ai dit hier !

M. André Thien Ah Koon - Il est vrai que le pillage des fonds publics doit cesser, mais en l'occurrence, il est organisé par l'Etat lui-même. Ce n'est pas à nous qu'il faut le reprocher !

L'Éducation nationale, à la Réunion, est inquiète. Le transfert des techniciens et ouvriers de service n'est pas urgent, et le Premier ministre a eu raison de le remettre à plus tard. La priorité est que nos enfants puissent passer leurs examens, et nous ne pouvons accepter que des extrémistes ultra-minoritaires empêchent leur déroulement. L'autorité de l'Etat ne doit pas continuer à être bafouée, surtout lorsque l'avenir de nos enfants est en jeu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous attendons des réponses concrètes du ministre et comptons sur elle pour retrouver la paix sociale.

Ce projet de loi cherche à lutter contre les handicaps que représentent l'insularité et la distance avec la mère patrie. Nous apprécions à leur juste valeur les mesures qu'il propose, qui permettront aux populations d'outre-mer de prouver qu'elles ne sont pas assistées, mais au contraire très entreprenantes. Les dispositions prises en faveur de la création d'emplois, de l'insertion des jeunes, des investissements privés, du tourisme, du logement et de la continuité territoriale témoignent que vous avez su être à l'écoute des élus. Les exonérations concernant les SICA et les petits agriculteurs seront très utiles, tout comme la prolongation des contrats jeunes. C'est la gauche qui a mis en place des contrats de cinq ans. Nous gérons l'héritage, mais qu'on ne nous accuse pas d'en être à l'origine ! Vous avez également réussi le désenclavement aérien : vous avez diversifié l'offre et soustrait la Réunion aux tarifs prohibitifs pratiqués par Air France.

M. le Président - Je vous prie de conclure.

M. André Thien Ah Koon - Un centre hospitalier régional va aussi être créé. Nous attendons qu'une mission interministérielle fasse l'inventaire des possibilités et souhaitons que le processus soit engagé avant la fin de l'année.

Je proposerai toutefois quelques amendements complémentaires. Il faudra modifier l'article L. 720-4 du code du commerce : le Gouvernement soit s'interposer entre les grandes sociétés et le commerce traditionnel, afin de freiner l'exode rural. De manière plus générale, il faudra lutter contre les situations de monopole, tant dans le commerce que dans la distribution alimentaire, les services, les produits stratégiques tels que les carburants ou encore les transports aériens et maritimes.

J'ai également déposé un amendement visant à obliger les entreprises à assortir les contrats jeunes d'une formation qualifiante. Cette règle devrait s'appliquer aussi au RMA.

Le vieillissement démographique de la France et le départ à la retraite d'un million supplémentaire de travailleurs dans les quinze prochaines années se traduiront par des embauches : elles devraient bénéficier en priorité aux jeunes des DOM.

Inversement, il est regrettable que les jeunes Réunionnais lauréats des concours d'enseignement soient affectés en métropole, alors que l'académie de la Réunion recrute des enseignants, à grands frais, en métropole ! Il faut mettre fin à cette invention de la gauche !

M. Eric Jalton - Très bien !

M. André Thien Ah Koon - Je souhaite également que le bénéfice des fonds du FRDE soit étendu aux syndicats mixtes et aux communautés d'agglomération.

La Réunion dispose d'atouts non négligeables, en particulier sa position géographique, à mi-chemin maritime de l'Europe et de l'Asie, de l'Afrique et de l'Océan indien.

Madame la ministre, je souhaite que vous poursuiviez votre travail avec l'opiniâtreté que nous vous connaissons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alfred Marie-Jeanne - Il est un temps pour les promesses et un autre pour les honorer.

On sait d'expérience que les engagements annoncés sont toujours revus à la baisse au moment de passer à l'acte.

Quand ce décalage est trop important, l'espoir suscité laisse place à la frustration et au découragement.

Le projet de loi de programme pour l'outre-mer échappe-t-il à ce travers ? Certains l'applaudissent à tout va, tandis que d'autres récriminent, se sentant laissés pour compte.

Ces autres, ce sont les petites entreprises, de loin les plus nombreuses et les plus fragiles. C'est vers elles que, logiquement, l'aide aurait dû aller, car actuellement, nombre de secteurs « pissent le sang à blanc ». Surcoûts permanents, contraintes nombreuses, concours financiers aléatoires - que peuvent le savoir-faire, l'innovation, la formation, tous éléments que nous maîtrisons, face à de telles conditions ?

Madame la ministre, il ne s'agit nullement de vous supplier d'aider pour aider, mais plutôt de chercher qui aider et comment aider.

L'urgence imposait d'élaborer un plan de mesures pour parer au plus pressé : le projet y répond en partie, même si sa portée mérite d'être étendue. Mais, à terme, des réformes fondamentales sont nécessaires, pour permettre un développement endogène et sur ce point, le texte est muet.

Ne faudrait-il pas instituer une aide spécifique pour mettre en valeur des potentialités jusqu'alors délaissées ?

Comment remettre en selle les petites et moyennes entreprises martiniquaises quand 70 % d'entre elles n'ont pas vu traités leurs dossiers d'arriérés de dettes sociales et fiscales ? Quand 60 % d'entre elles ne sont pas concernées par les dispositions de ce projet de loi ? Les lois de la macro-économie ne sauraient être transposées sans discernement à notre micro-économie.

Il est urgent de différencier. Le commerce, en grande partie lié à l'import, et les services représentent à eux seuls 85 % des entreprises et 71 % des salariés ? Qu'est-il fait pour augmenter la production et assurer le développement durable, si à la mode ?

En dépit des efforts consentis depuis longtemps, seule la dépendance s'est développée.

Ce n'est pas ainsi qu'on parviendra à l'égalité économique.

Promouvoir un développement endogène et l'assortir d'un réel pouvoir de décision n'a rien de chimérique.

Madame la ministre, une fois la loi votée, ne refermons pas ce dossier si préoccupant.

Pas de moyens sans pouvoir transféré, pas de pouvoir sans moyens transférés, pas de développement sans législation appropriée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Frogier - Monsieur le Président, je tiens à saluer la considération que vous portez à notre assemblée en présidant cette séance sur l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Madame la ministre, ce texte traduit l'engagement du Président de la République et du Gouvernement de répondre au défi du développement économique de l'outre-mer français, et donc de la place de nos populations dans l'ensemble national. Leur dignité dépend en effet de leur possibilité d'accéder à un emploi.

Mon collègue Jacques Lafleur et moi-même saluons votre écoute attentive et votre détermination à mettre en _uvre ce projet de loi-programme, ainsi que l'efficacité avec laquelle vous êtes intervenue pour aider à réparer les dommages causés par le cyclone qui a récemment frappé notre territoire.

Cette loi-programme est conforme à notre attente, même s'il serait illusoire de penser qu'il n'y a qu'un outre-mer français. Dans cette logique, le dispositif économique devrait, lui aussi, mieux coller à la spécificité de chacune de nos collectivités.

Ce plan, néanmoins, nous agrée car il repose sur une logique de responsabilité et de relance de l'investissement privé.

Avec la défiscalisation, il ne s'agit pas pour l'Etat de s'appauvrir, mais d'accepter un manque à gagner pour promouvoir la croissance économique et un niveau d'emploi satisfaisant.

Nous nous félicitons donc que le dispositif de défiscalisation, remanié et assoupli, soit consolidé dans le temps, au moment où la valorisation du patrimoine minier de la Nouvelle-Calédonie est en passe d'aboutir.

Après les années d'affrontements, nous avons, grâce aux accords de Matignon et de Nouméa, su trouver le chemin de la paix.

Il est donc temps maintenant de privilégier le développement économique, pour associer toute la population à ce mieux-vivre et donner tout son sens à la paix.

La Nouvelle-Calédonie a la chance exceptionnelle de disposer d'importantes richesses naturelles, le nickel et les hydrocarbures. Je souhaiterais d'ailleurs que nous soyons associés aux prochaines réunions d'experts visant à délimiter le plateau continental entre la Nouvelle-Calédonie et l'Australie, qui recèle ces réserves d'hydrocarbures. Quant au nickel, non seulement la Nouvelle-Calédonie dispose de plus d'un tiers des réserves mondiales, mais en outre, elle est située à proximité des marchés émergents que sont la Chine et l'Inde.

Après l'augmentation de capacité de 25 % de l'usine de Doniambo à Nouméa, ce sont deux projets d'usines métallurgiques qui se concrétiseront dans les mois à venir. D'un montant global d'environ 4 milliards de dollars, ils placeront définitivement la Nouvelle-Calédonie sur la voie de la croissance et du développement équilibré, en faisant d'elle - et donc, de la France - l'un des tout premiers producteurs mondiaux de nickel - métal dont la demande continuera à croître rapidement au cours des prochaines années.

A ce jour, la société Goro Nickel a déjà investi dans le projet du sud près de 900 millions de dollars. Les mises en production des usines du Sud et du Nord - qui profiteront de l'aide de l'Etat au travers de la défiscalisation - contribueront à l'accroissement du PIB et créeront des emplois. La réalisation de ces usines métallurgiques provoquera en outre l'émergence de tout un réseau de petites et moyennes entreprises, pour lesquelles l'accompagnement de l'Etat sera déterminant.

Nous avons nous-mêmes mis en place des aides pour les petites entreprises ainsi qu'un dispositif de crédit d'impôts pour encourager les investissements dans les secteurs les plus prometteurs. Je remercie le Gouvernement d'avoir accepté que les aides ainsi octroyées par la Nouvelle-Calédonie, dans le cadre de sa compétence fiscale, soient sans incidence sur la détermination du montant des dépenses éligibles à la défiscalisation nationale. Ainsi, les efforts consentis par l'Etat et la Nouvelle-Calédonie se complètent au lieu de se neutraliser.

Nous sommes parfaitement conscients, Madame la ministre, des difficultés budgétaires, mais l'avenir des populations françaises éparpillées autour du globe ne se réduit pas à une équation comptable. Nous qui vivons dans un ensemble peuplé de plus de 25 millions d'anglophones et qui voyons les Etats insulaires du Pacifique sombrer dans l'anarchie, nous avons l'ambition, avec le Président de la République et le Gouvernement, que la Nouvelle-Calédonie soit une fierté pour la France.

L'intelligence politique, qui nous a fait choisir le chemin de la réconciliation et de la paix, a déjà été reconnue et saluée. Demain, j'en ai la conviction, ce sont l'épanouissement et le rayonnement économiques de la Calédonie qui seront enviés dans le Pacifique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Louis-Joseph Manscour - La séance que vous présidiez hier soir s'étant terminée à deux heures du matin, je ne m'attendais pas à vous retrouver dès ce matin au fauteuil présidentiel, Monsieur le Président. Au-delà de toute considération politique, je suis d'autant plus sensible à ce geste (Applaudissements sur tous les bancs) que vous êtres le seul député « hexagonal » présent.

M. Didier Quentin et M. le Président de la commission des finances - Non !

M. Louis-Joseph Manscour - Ce projet de loi de programme avait suscité de nombreux espoirs. Après les différentes déclarations du Président de la République lors de sa campagne en outre-mer et après les nombreuses réunions préparatoires entre les élus, les socioprofessionnels et vous-même, Madame la ministre, nous nous attendions à un engagement fort de l'Etat.

Au fil des mois, les déceptions et les mécontentements sont apparus. La Fédération des associations de petites entreprises de Martinique estime ainsi que le texte manque de souffle et fait naître de faux espoirs.

Votre projet s'articule autour de trois axes : encourager la création d'emploi, favoriser la relance de l'investissement privé et renforcer la continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole. On ne peut qu'approuver ces objectifs et assurément l'allégement des charges sociales, les incitations à l'embauche, la défiscalisation, le soutien aux secteurs de l'hôtellerie et du logement, l'élargissement du champ des secteurs éligibles et la continuité territoriale constituent des mesures louables.

Mais j'ai bien peur que celles-ci soient insuffisantes pour renforcer les structures économiques et sociales de notre pays. Alors que l'outre-mer a besoin d'une loi globale et transversale, votre texte est indigent dans bien des domaines.

Le développement a certes besoin de mesures économiques et fiscales, mais il réclame surtout d'être accompagné de mesures structurantes. Or, le projet est muet sur les questions d'éducation, de formation, de recherche, d'aménagement du territoire, de coopération régionale. De même passe-t-il sous silence l'agriculture et la pêche, l'environnement et le développement durable.

Par ailleurs, vous stigmatisez la « LOOM », parée de tous les défauts possibles et imaginables (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et que vous proposez de corriger pour revenir à l'esprit de la loi Perben du 24 juillet 1994. Mais ces deux textes ne sont pas comparables, ni dans leur ambition, ni dans leur esprit. Si la loi Perben se proposait de diminuer sur cinq ans le coût du travail dans quelques secteurs, la LOOM, quant à elle, avait entamé une véritable « politique de l'entreprise » pour l'outre-mer. Portée par une vision globale, elle mettait en place une stratégie de renforcement du circuit socio-économique interne et donnait du sens à la décentralisation, qui devenait synonyme de responsabilité. Votre projet n'a pas cette ambition, car il pousse à l'extrême le raisonnement inverse, en faisant du libéralisme un quasi modèle de développement.

C'est ainsi que pour relancer l'investissement et l'emploi, vous vous en remettez principalement aux baisses de charges et aux mesures fiscales. Mais c'est une erreur que de laisser croire que ces baisses de charges vont automatiquement diminuer le chômage et amener les chefs d'entreprises de l'outre-mer à rendre plus compétitifs leurs outils de travail. J'ai bien peur en effet que les principaux bénéficiaires de ces mesures soient une fois de plus quelques grandes fortunes métropolitaines et non les chercheurs d'emplois ou les PME domiennes.

A l'évidence, le programme pour l'outre-mer devrait être plus ambitieux qu'un programme fiscal conçu pour ne pas contrarier les fonctionnaires de Bercy. En réalité, si votre gouvernement n'a pas d'autre proposition pour l'outre-mer, c'est parce qu'il est lié par le pacte de stabilité de l'Union européenne et parce qu'il a fait le choix du libéralisme. Force est de constater que le budget de l'outre-mer, présenté pourtant comme une priorité, a fait l'objet de coupes claires. Les secteurs touchés sont nombreux : FEDOM, FIDOM, LBU, FIDES, Fonds pour l'emploi, aide au logement... Au total, ce sont plus de 74 millions d'euros du budget 2003 de l'outre-mer qui ont été annulés.

D'autre part, je suis déçu par l'absence de toute disposition innovante concernant les collectivités territoriales. L'occasion vous était pourtant donnée de faire d'elles un véritable partenaire pour les politiques d'emploi et d'insertion. Vous connaissez la situation des personnels des collectivités territoriales en outre-mer : alors qu'en métropole, le ratio d'emplois publics dans les collectivités est de 17 pour 1 000 habitants, il atteint 28 pour 1 000 dans les DOM. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'exonérer les collectivités des charges patronales, dès lors qu'elles adopteront un « plan d'intégration des non-titulaires ».

S'agissant des ordonnances, je souhaite que la consultation des assemblées territoriales soit systématique, conformément aux principes de la décentralisation.

En ce qui concerne le grand principe de continuité territoriale, on est bien loin des engagements pris par le candidat Jacques Chirac.

Madame la ministre, lors du débat au Sénat, vous avez mis au défi M. Claude Lise de vous citer un seul des engagements pris par le Président de la République dans ses discours de Madiana et de Champ-Fleuri qui ne serait pas tenu. Avec tout le respect que je vous dois, je relève volontiers ce défi en citant ces mots prononcés par lui à Capesterre-Belle-Eau le 6 avril 2002 : « Je m'engage à faire bénéficier les collectivités d'outre-mer d'un dispositif d'abaissement du coût des transports. Ce système, que nous mettrons en place en partenariat avec l'Europe, l'Etat et les collectivités locales, vaudra non seulement pour les billets d'avion, mais aussi pour les liaisons maritimes ou pour le fret à l'exportation ».

Plusieurs députés UMP - C'est ce qui est prévu !

M. Louis-Joseph Manscour - Peut-être aviez-vous oublié ce discours, Madame la ministre ? Que reste-t-il de ces engagements ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Le principe de continuité territoriale méritait certainement mieux qu'un article et trois alinéas flous, sans aucun critère d'utilisation des fonds - d'où le risque d'une dérive clientéliste. Vous n'offrez, qui plus est, aucune garantie en nous renvoyant à un futur décret en Conseil d'Etat. Chez nous cela s'appelle « acheter chat en sac ».

On est bien loin de ce que l'Espagne et le Portugal font pour leurs régions ultraphériphériques et de ce que la France fait pour les transports entre le continent et la Corse !

Madame la ministre, en dehors de toute considération politique, votre projet a le mérite d'exister. Il comporte, en effet, certaines mesures positives, mais il ne soigne aucunement les maux dont souffre l'outre-mer.

Je ne suis pas médecin, mais je sais qu'on ne soigne pas la fièvre atypique en prescrivant de l'aspirine. Je regrette donc votre refus d'une approche globale des problèmes : misère sociale, chômage, précarité, éloignement, paupérisation des personnes âgées, détresse des agriculteurs...

Nous demandons pour l'outre-mer la responsabilisation et le partenariat, non l'assistanat. Je présenterai quelques amendements mais je ne me fais guère d'illusions ; ils subiront le même sort que ceux déposés par mes collègues du Sénat.

Ce que je déplore dans ce projet qui a suscité tant d'espoir, c'est la volonté d'encadrer le fonctionnement de l'outre-mer dans des schémas centralisés. Pour se développer, l'outre-mer a besoin d'un esprit de partenariat entre l'Etat et nos collectivités, nos forces vives. Il faut aussi respecter le principe de subsidiarité, consubstantiel à la décentralisation. C'est ainsi que nous progresserons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Victor Brial - Permettez-moi tout d'abord d'adresser solennellement un message de soutien à l'action courageuse du Premier ministre et de son gouvernement en cette période de dialogue et de profondes mutations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je voudrais également remercier mes collègues, les présidents de commission et les rapporteurs, pour la qualité du travail effectué. Enfin, je voudrais féliciter Madame la ministre et ses collaborateurs.

Les engagements du Président de la République nous amènent à examiner un texte ambitieux qui engagera l'Etat pour les quinze années à venir.

Nos collectivités territoriales ultramarines avaient besoin que l'Etat encourage la création d'emplois dans le secteur marchand. Quelques secteurs prioritaires méritent une attention toute particulière de la part du Gouvernement : les énergies renouvelables, les moyens de télécommunications modernes comme le téléphone mobile, les transports aériens et maritimes, le tourisme, l'hôtellerie et le logement social.

Abaisser le coût du travail à l'aide d'un dispositif de prime à l'emploi me paraît une mesure juste et indispensable pour lutter contre le chômage. Cette aide de l'Etat représenterait, à Wallis-et-Futuna, un soutien appréciable à l'économie, car elle favoriserait l'émergence de micro-projets.

Le dispositif d'exonération de charges sociales confortera notre politique de formation dans les secteurs productifs et dans l'hôtellerie.

En généralisant le dispositif de défiscalisation, vous favorisez les projets dans les secteurs de l'hôtellerie et du logement notamment, générateurs de ces emplois directs et indirects si nécessaires à la relance de nos économies enclavées.

Notre éloignement et notre dispersion géographique, si longtemps considérés comme un avantage exotique, constituent désormais notre principal handicap.

Nous attendons de l'Etat qu'il garantisse la continuité du territoire national par-delà les océans, confirmant ainsi le principe de l'indivisibilité de la République. Nos populations souhaitent voir les tarifs aériens et maritimes diminuer de façon significative.

Les engagements du Président de la République portent aussi sur les dispositifs communautaires spécifiques, dans le cadre de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Vous venez de signer, Madame la ministre, le 2 juin dernier, le mémorandum sur les régions ultra-périphériques. Cette signature montre la volonté du Gouvernement de faire bénéficier les collectivités territoriales d'outre-mer, en fonction de leurs spécificités, des moyens communautaires. Ce document est une avancée significative pour nos régions ultra-périphériques. Qu'il me soit permis de remercier le commissaire Barnier et le Gouvernement, qui ne ménagent pas leurs efforts pour défendre à Bruxelles les intérêts de l'outre-mer.

Nous espérons que les collectivités du Pacifique Sud bénéficieront d'un abaissement du coût du transport maritime. Actuellement, le transport de l'Europe à Wallis d'un conteneur frigorifique de 30 mètres cubes coûte 12 000 € et celui d'un conteneur normal, 8 000 €.

Enfin, je sollicite pour ma collectivité quelques mesures spécifiques que le Gouvernement pourrait aisément prendre par ordonnance. Il faut étendre à Wallis-et-Futuna la législation en vigueur en matière de sociétés d'économie mixte, ainsi que le prêt à taux zéro. Vous n'ignorez pas la faible capacité d'emprunt des habitants de Wallis-et-Futuna.

Le développement durable de Wallis-et-Futuna nécessite des dotations spécifiques, au titre de la continuité territoriale, mais aussi une revalorisation de la dotation globale de fonctionnement pour corriger les inégalités dues à des transferts de charges sans compensation, comme la sécurité civile et la lutte contre les incendies, le traitement des déchets, les transports scolaires...

Je me félicite de la récente délégation des crédits au titre du fonds d'aide au développement de Wallis-et-Futuna. A cet égard, je voudrais signaler le précieux concours de vos collaborateurs.

Je terminerai en souhaitant que ce projet, qui est à la hauteur des défis que nous devons relever, aboutira à un véritable développement. En novembre 2000, un ancien collègue, spécialiste de l'outre-mer, avait appelé de ses v_ux un véritable plan Marshall pour Wallis-et-Futuna.

Je vous remercie pour votre action en faveur de l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Huguette Bello - L'annonce de ce projet avait suscité, il y a un an, de grands espoirs. Une fois le texte connu, ce fut la déception. Aujourd'hui, c'est l'indifférence, après le débat au Sénat qui a montré que bien peu d'améliorations étaient possibles. Il est vrai que la tempête sociale qui souffle sur la Réunion, depuis près de trois mois, a contribué à détourner l'attention. La dite tempête a atteint son paroxysme hier, avec l'intervention musclée des forces de l'ordre dépêchées spécialement de métropole. Nous tenons à dénoncer solennellement ces brutalités exercées au moment où l'urgence est au dialogue et à la négociation.

Les mesures contenues dans ce projet ne répondent pas aux besoins. Nous sommes loin de la véritable « stratégie de développement durable » annoncée par le Gouvernement. On attendait un projet ; on trouve les mêmes vieilles recettes, dont on connaît la portée, mais aussi les limites.

Un projet de loi ne peut certes résoudre tous les problèmes. Mais il faudrait au moins qu'il dessine une ligne directrice, que d'autres textes viendraient progressivement confirmer. On ne voit rien de tel. C'est d'ailleurs le principal reproche que nous ont fait les responsables des différentes organisations socio-économiques de la Réunion, au cours d'entretiens auxquels ont participé plus d'une centaine de personnes.

Ce texte, qui ne fait que rectifier ou conforter ce qui existe, est moins critiquable pour les39 mesures qu'il contient que pour son manque d'innovation.

Exonération des charges sociales et défiscalisation, voilà l'indestructible tandem de toute politique de l'outre-mer : tous les gouvernements l'ont enfourché ! Pour filer la métaphore cycliste, il semble que vous n'ayez fait que passer la vitesse supérieure, sur le braquet de la défiscalisation.

La durée du volet fiscal est apparemment devenue celle de l'ensemble de la loi. Je vous saurais gré, Madame la ministre, d'indiquer si les mesures d'exonération des charges sociales ont dorénavant une durée de vie de quinze ans ou si, au contraire, leur caractère illimité, prévu par la loi d'orientation, n'est pas remis en cause.

Il n'est aucune mesure qui ne soit envisagée sous l'angle des exonérations ou de la défiscalisation. Mais que d'impasses !

Je pense à l'agriculture : alors que ce secteur subit de plein fouet les conséquences de la mondialisation, un seul article lui est consacré, qui ne concerne presque personne.

Je pense au logement, tant les besoins sont immenses.

Que dire de l'emploi ? Alors que, selon toutes les prévisions, la jeunesse réunionnaise peinera encore longtemps à trouver sa place sur le marché du travail, l'économie alternative, dont les résultats sont indéniables, est à peine mentionnée. Vous dites choisir les emplois durables en entreprise contre les emplois précaires que symboliseraient les emplois-jeunes. Mais quand on est jeune et confronté au chômage, ce qui compte, Madame la ministre, c'est d'abord l'emploi. Et au fait, où sont-ils, ces emplois durables, quand les salariés sont devenus la variable d'ajustement des entreprises ?

A la Réunion, compter uniquement sur le secteur marchand pour lutter contre le chômage, c'est plus qu'un pari risqué, c'est un refus de la réalité. Parce que nous ne pouvons nous résoudre à ce que la jeunesse en soit la victime, nous insistons tout particulièrement pour que soit revu le traitement infligé à l'économie alternative.

Sur la formation, il n'y a rien dans votre projet : rien sur la formation initiale, rien sur la formation supérieure, rien sur la formation professionnelle - dans un texte qui prône pourtant le développement et l'égalité économiques. Ces carences inquiètent d'autant plus l'outre-mer que la tendance générale, dans ce domaine aussi, est aux restrictions de crédits.

Une innovation attendue depuis longtemps dans l'ensemble de l'outre-mer aurait pu prendre place dans votre projet : la continuité territoriale dont le principe, établi pour la Corse, est connu de tous : il s'agit de compenser financièrement l'éloignement et l'insularité. Nous nous sommes félicités de l'extension de ce principe à l'outre-mer, mais la mise en _uvre qui en est proposée, sorte de continuité territoriale discontinue, n'est pas acceptable.

Madame la ministre, pour remédier aux difficultés de l'outre-mer, qu'elles soient nouvelles ou héritées du passé, il ne faut négliger aucune piste. Votre texte a pour ambition de préparer l'avenir d'une génération : puisse-t-il ne lui fermer aucune porte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alfred Almont - Monsieur le Président, je veux tout d'abord saluer à mon tour votre présence dès le début de cette séance au fauteuil présidentiel, que vous aviez quitté à deux heures ce matin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Madame la ministre, c'est évidemment avec satisfaction que nous accueillons votre projet, dont l'objectif, dans une stratégie sur quinze ans, est de permettre à nos régions d'accéder enfin à l'égalité économique. Dans le droit fil des engagements du Président de la République, le Gouvernement apporte des réponses aux handicaps structurels de l'outre-mer, les résultats des politiques passées étant restés en deçà des attentes.

Ce projet intervient dans un contexte économique particulièrement dégradé. Le taux de chômage outre-mer est deux à trois fois plus important que le taux moyen enregistré en métropole, les investissements diminuent depuis quelques années et l'emploi ne progresse pas. Les pays en développement qui bénéficient de grands schémas d'aide et d'assistance comme les accords de Cotonou constituent pour nos collectivités une concurrence redoutable.

Les handicaps structurels de nos départements résultent essentiellement de l'isolement géographique.

L'éloignement par rapport à la métropole, qui demeure notre principal fournisseur, induit des coûts de transport élevés, fortement pénalisants. Le problème est aggravé, dans le secteur aérien, par la réduction à deux du nombre de compagnies assurant le trafic entre Paris et les Antilles, depuis la disparition d'Air Lib : il en résulte en effet une insuffisance de l'offre et une augmentation des tarifs. L'abaissement de ces coûts est indispensable si l'on veut atténuer outre-mer le sentiment d'expatriation et assurer l'attractivité des destinations caribéennes.

L'insularité est elle aussi un handicap car elle induit une étroitesse des marchés, qui empêche la réalisation d'économies d'échelle et freine les investissements. A cet égard, il est souhaitable de favoriser l'intégration des départements d'outre-mer dans leur environnement régional, à travers des dispositifs appropriés qui leur ouvrent des marchés extérieurs.

A ces handicaps s'ajoute une situation sociale explosive, liée à la forte croissance démographique qui entraîne une augmentation du chômage et la concentration de la population dans les agglomérations urbaines.

En outre, la conjoncture économique est marquée par la dégradation de l'investissement et la crise de l'activité touristique, qui entraînent de nombreuses défaillances d'entreprise. Les filières agricoles traditionnelles ont encore un poids économique important mais sont fragilisées par la concurrence de produits agricoles obtenus à moindre coût dans les pays en développement, et menacées par l'ouverture de l'Union européenne à des importations en provenance des PMA, dans le cadre de l'initiative communautaire « Tout sauf les armes ».

Le faible dynamisme économique de l'outre-mer s'explique enfin par diverses particularités : coût élevé du travail, niveau de formation insuffisant, coût des acheminements, nécessité de constituer des stocks qui pèsent sur les comptes d'exploitation, difficultés de financement liées à la cherté du crédit et à l'insuffisance de l'épargne locale. Même dans le secteur du tourisme, la situation se dégrade : la fréquentation est en baisse, y compris dans le tourisme de plaisance, filière porteuse qu'il nous appartient de soutenir et à laquelle le Sénat a proposé d'accorder le même traitement qu'à l'hôtellerie.

Ce projet de loi de programme s'inscrit dans une véritable logique de développement. Fruit d'une large concertation avec les milieux politiques et socioprofessionnels, il répond à des demandes récurrentes, à travers des dispositifs qui ne coûteront guère au budget national. Je m'étonne donc que certains concentrent leurs reproches sur les dépenses qui seraient imposées à l'Etat. Ne devraient-ils pas se préoccuper plutôt des objectifs stratégiques et des résultats, s'agissant de régions qui apportent tant à la nation et à la République ? Après avoir subi pendant trop longtemps les conséquences d'une politique fondée sur la demande, nos régions se voient offrir les moyens d'un vrai développement, qui vont désormais s'ajouter aux transferts sociaux de la solidarité nationale.

Madame la ministre, je compte sur vous et votre passion pour l'outre-mer pour améliorer encore ce projet, afin de répondre aux légitimes aspirations des populations, et celles-ci vous en sauront gré. La nécessité de la réforme des institutions passe par la mise en place des moyens de développement. C'est avec enthousiasme que je voterai ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christophe Payet - L'examen de ce projet intervient dans un contexte social marqué, dans toute la France, par des manifestations contre la politique du Gouvernement.

A la Réunion, le climat social devient de plus en plus tendu et les manifestations connaissent une ampleur sans précédent. Hier, l'intervention brutale des forces de l'ordre a aggravé les crispations, alors que l'heure devrait être au dialogue et à l'apaisement.

La perception des menaces contenues dans la politique du Gouvernement a participé à la prise de conscience d'un nécessaire élan collectif pour sauvegarder les acquis sociaux et élaborer des propositions réunionnaises afin d'engager définitivement notre île sur la voie du développement.

C'est ce que nous avons ressenti au cours des auditions auxquelles ont procédé ensemble les parlementaires de l'île. Ainsi avons-nous rencontré l'ensemble des forces vives de la société réunionnaise : syndicats d'ouvriers et de fonctionnaires, collectifs de chômeurs et d'emplois-jeunes, représentants du monde agricole, artisans et chefs d'entreprise, chambres consulaires, acteurs du logement. Vivement inquiets, tous attendent beaucoup de votre projet de loi de programme, la richesse de leur contribution en témoigne. Certaines d'entre elles vous ont été adressées, et vous conviendrez qu'une fois de plus la Réunion, fidèle à sa tradition, a su créer les conditions d'un débat sérieux. J'espère que ces efforts ne seront pas vains et que le Gouvernement ne repoussera pas d'un revers de main toutes ces propositions qui témoignent surtout d'une attente déçue.

Vous avez annoncé aux Réunionnais une grande loi de programme sur quinze ans. Or, au lieu d'un projet global innovant, tourné vers l'avenir et vers l'environnement régional, nous sommes saisis d'un texte qui, certes, porte sur quinze ans, mais qui nous ramène plus de quinze ans en arrière, à la loi Pons !

Les quelques mesures en faveur du logement ou de la mobilité ne sauraient cacher l'évidence : il ne s'agit que d'une loi de défiscalisation de plus !

Ne nous y trompons pas : la déception s'explique plus encore par les impasses du projet que par son contenu. Le Gouvernement a fait le choix exclusif du soutien à l'économie marchande pour lutter contre le chômage. Certes il faut favoriser la création d'emplois durables, mais l'économie marchande ne pourra à elle seule intégrer les milliers de jeunes qui, à la Réunion, arrivent chaque année sur le marché du travail, même le patronat local le reconnaît.

Or, la loi de programme fait l'impasse sur la structuration et le développement de l'économie solidaire et ne répond pas davantage à l'attente du collectif des emplois-jeunes pour lequel la mesure votée au Sénat, et qui du reste est déjà en application, ne règle rien. Je pense plus particulièrement aux 600 aides éducateurs dont les contrats arrivent à terme et qui, pour reprendre votre propre expression, Madame la ministre, « ne devront pas rester au bord du chemin » !

De même, rien n'est envisagé pour l'agriculture, pourtant menacée par la renégociation du règlement sucrier, alors qu'elle peut être un levier important du développement de notre économie, pour peu qu'elle soit soutenue et que nos agriculteurs ne soient pas découragés. A ce propos, quand le décret d'application relatif à la retraite complémentaire des non salariés agricoles paraîtra-t-il ? C'est chose faite en métropole depuis février...

De nombreux autres secteurs sont ignorés par la loi programme, puisque le Gouvernement a choisi une politique d'aides fiscales oubliant la dépense publique, et fermant la porte à tout rattrapage. Du reste, les amendements rejetés en première lecture au Sénat par le Gouvernement, rarement contestés sur le fond, ont été refusés parce que jugés trop coûteux !

En définitive, il manque à votre projet de loi une appréhension globale de nos problèmes, une véritable stratégie de développement, une cohérence, un sens.

Notre attente est déçue encore pour ce qui est de l'instauration d'une dotation de continuité territoriale. En réalité, le Gouvernement ne propose à l'outre-mer qu'un soutien à la politique de mobilité, déjà mise en _uvre par les collectivités territoriales. Parler de continuité territoriale relève, dans ces conditions, d'un abus de langage. L'article 42 se résume à une aide forfaitaire aux passagers, exclut le fret et ignore la compensation des handicaps structurels liés à l'insularité et à l'éloignement. Vous n'offrez à la Réunion, par tête d'habitant, que 2 % de ce que vous accordez à la Corse !

Votre projet ne peut qu'accentuer des inquiétudes déjà vives. Inquiétude des emplois-jeunes pour leur avenir, inquiétude des travailleurs du privé et des fonctionnaires face à la réforme des retraites, inquiétude des personnels de l'éducation devant la décentralisation dans l'éducation nationale, inquiétude des étudiants face à la perspective de l'autonomie des universités.

Au-delà, c'est l'ensemble de la société réunionnaise qui perd confiance. Comment pourrait-il en être autrement quand on sait que le taux de chômage est presque quatre fois plus élevé qu'en métropole, que plus de 30 % des foyers sont au RMI et que plus de 40 % de la population relève de la couverture maladie universelle ?

Ni votre texte, ni la politique générale du Gouvernement ne semblent de nature à rétablir cette confiance, préalable indispensable à la réussite de tout projet de développement. Aussi ne pouvons-nous, en l'état, le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bertho Audifax - La loi de programme pour l'outre-mer vient, quinze mois après sa réélection, concrétiser le programme proposé par le Président Jacques Chirac. Cette célérité est d'autant plus remarquable que douze mois seulement se sont écoulés depuis le début de la législature. Rarement engagements auront été tenus aussi rapidement et ce, grâce à votre volonté et à votre travail, Madame la ministre.

Déclinée selon cinq grands axes, cette loi se veut ambitieuse, généreuse et créatrice d'emplois durables dans le secteur marchand. Pour la première fois, en outre, est enclenchée une politique de continuité territoriale.

Cette loi est-elle utile, exceptionnelle, efficace ? A cette triple question, je répondrai pour le compte de la seule Réunion, car il n'y a pas un outre-mer mais des mers, avec pour chacun des problèmes particuliers et donc des réponses différentes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Cette loi sera-t-elle utile ?

Je ne détaillerai pas une nouvelle fois les problèmes de démographie de notre île, les chiffres du chômage, notamment des jeunes, le nombre des bénéficiaires du RMI et l'étendue des besoins en logement : les faits parlent d'eux-mêmes.

A la Réunion, nos entreprises, malgré l'éloignement de leurs sources d'approvisionnement en matières premières, ont réussi le pari de l'import-substitution. En dépit de l'étroitesse du marché local, des salaires plus élevés que dans les pays de la zone, elles créent 3 000 à 3 500 emplois par an, notamment grâce à l'octroi de mer et aux exonérations de charges. Les nouvelles mesures de la loi de programme et surtout leur pérennisation sur quinze ans, ne pourront que doper la création d'emplois et donc améliorer les comptes sociaux, car un chômeur ou un érémiste qui trouve du travail, c'est un débiteur social de moins et un cotisant de plus.

N'oublions pas aussi qu'arrivent chaque année sur le marché du travail, 8 000 à 9 000 jeunes, dans leur grande majorité sans formation qualifiante. Si c'est le tribut à payer encore pendant quinze ans à notre démographie vivace, c'est aussi, pour notre nation, la possibilité de pallier le futur déficit d'emplois dans l'hexagone.

Je regrette que la stratégie industrielle d'exportation ne fasse pas l'objet de mesures plus favorables. Si l'import-substitution est, depuis plus d'une dizaine d'années, le socle du développement industriel de la Réunion, seule l'ouverture sur les marchés extérieurs peut permettre demain de gagner la bataille industrielle. Or, cette ouverture est difficile car le degré d'exposition de nos entreprises est élevé, du fait de l'éloignement des sources d'approvisionnement, de nos structures de salaires et de charges sociales et des barrières protectionnistes.

Cette loi est-elle exceptionnelle ? Oui, mais elle ne fait que répondre à des situations exceptionnelles. Le Premier ministre a expliqué, à la suite du CIADT du 26 mai, que le Gouvernement s'attachait à anticiper les mutations des activités dans les territoires et, lorsqu'elles présentaient un caractère exceptionnel, à les accompagner, dans un souci de solidarité et de cohésion nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il a précisé que pour que les réponses soient adaptées aux réalités locales, il fallait mobiliser les acteurs et concentrer les moyens. Les départements et territoires d'outre-mer sont des adultes responsables, et non les enfants gâtés de la République. Ils se félicitent d'avoir un Président de la République, un Gouvernement et une ministre de l'outre-mer qui se sentent concernés par leurs retards structurels (Mêmes mouvements).

Cette loi, enfin, sera-t-elle efficace ? De la loi Pons à la loi Perben, l'efficacité des mesures d'abaissement du coût du travail a toujours été constatée. Il est d'ailleurs curieux que ceux qui en doutent n'aient jamais fait autre chose lorsqu'ils étaient au pouvoir. C'est donc que ces mesures doivent présenter quelques avantages...

Le monde économique est fait d'incertitudes. Il n'y aura pas de loi miracle pour l'outre-mer. La route sera longue et difficile. Le contexte social des DOM, et particulièrement de la Réunion, est si fragile que certains, après avoir décrit avec délices les écueils de notre quotidien, se projettent immédiatement en 2030 ou 2050 pour, selon l'humeur, plonger la Réunion dans un chaos écologique et économique ou pour en faire l'épicentre de l'Océan indien. Ils ne risquent pas de se tromper, si rien n'est fait entre 2003 et 2030 ! Responsables du blocage de nombreux dossiers mais porteurs de projets pharaoniques, ils échappent aux contingences de l'immédiat, surfant sur les difficultés sociales qu'ils ont créées, jouant des peurs du changement et multipliant les déclarations démagogiques. Ils sont adeptes d'une décentralisation extrême pour mieux en refuser les premières mesures. Ils défendent aujourd'hui dans la rue les privilèges des fonctionnaires qu'ils dénonçaient hier.

Nous avons choisi de répondre aux difficultés quotidiennes. Les réformes n'ont que trop tardé, mais elles ont besoin, à la Réunion, d'un effort pédagogique particulier pour écarter les dérapages démagogiques de l'opposition. L'image d'une Réunion désemparée est réelle. Parallèlement à la loi de programme, il faut donc mener une réflexion de fond sur la politique sociale dans chacun des DOM. On peut faire mieux avec ce que l'on a !

Ne laissons pas nos adversaires jouer des contradictions héritées du passé. Ne donnons pas à nos jeunes le sentiment que le système est bloqué. Cette société, qui marie sous-développement économique et avantages sociaux de pays développé, ne doit pas être une machine à exclure. La création d'emplois marchands ne suffira pas, pendant de nombreuses années encore, à compenser le chômage structurel. Économique et social sont indissociables pour une société de justice. Le soutien aux emplois aidés restera donc indispensable tant que la loi de programme ne produira pas ses pleins effets. Le Gouvernement ne peut ignorer les difficultés des collectivités locales, qui portent le poids quotidien du chômage.

La réflexion doit englober des domaines tels que le logement social, la formation professionnelle ou l'insertion des jeunes en situation d'échec scolaire. A ce propos, je regrette de n'avoir pu maintenir un amendement que j'avais déposé à l'article 11. Il est indispensable de resociabiliser tous ces jeunes de 16 ans qui n'ont d'autres perspectives que les contrats aidés puis, à partir de 26 ans, le RMI. Leur exclusion est à la fois insupportable et dangereuse, et nous devons y remédier de toute urgence. La réflexion doit également porter sur la connexion entre RMI et RMA ou entre emplois aidés, emplois des collectivités et emplois marchands. Par ailleurs, une politique de mobilité doit faire taire les querelles de clocher et ouvrir aux jeunes d'outre-mer l'espoir d'un travail qu'ils ne trouvent pas sur place. Tout cela ne relève pas de la décentralisation : l'effort doit être initié par l'Etat, même si les collectivités locales, les caisses d'allocations familiales ou les organismes d'insertion doivent y être associés.

Dans un contexte budgétaire difficile, il ne s'agit pas d'augmenter la masse des budgets sociaux mais de mieux la répartir, afin d'éviter par exemple que la politique d'harmonisation des SMICS entraîne des effets négatifs sur les exonérations de charges sociales prévues dans la loi de programme. Ces réformes dépendront de la réussite économique de la loi, dont la ministre a eu la sagesse de demander l'évaluation triennale et à laquelle nous apportons tout notre soutien. Je vous prie donc, Madame la ministre, de lancer ce vaste chantier social et d'y mettre le même tempérament qui nous vaut aujourd'hui de voir se réaliser les promesses électorales du Président Jacques Chirac (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Eric Jalton - Madame la ministre, votre texte se veut en rupture avec tous les précédents. Il fixe un cadre pour les quinze prochaines années, au terme desquelles l'égalité économique avec la métropole, souhaitée depuis fort longtemps, serait en vue.

Une de ses principales ambitions est de donner une lisibilité à la politique du Gouvernement. Je ne veux pas ouvrir un débat doctrinal sur vos priorités : la relance économique s'appuyant sur les deux piliers de l'offre que sont l'abaissement des charges et le soutien à l'investissement fait la quasi-unanimité. Sans ignorer les contraintes budgétaires, nous nous devons cependant de présenter des amendements visant à améliorer votre dispositif et à prévenir certaines injustices.

Nous attendons beaucoup du dispositif d'évaluation prévu, que nous voulons renforcer. En fonction des résultats obtenus en termes de créations d'emplois et - surtout dans le domaine du transport - de diminution des coûts et de diversification de l'offre, des ajustements doivent être effectués pour pousser les entreprises à se préoccuper davantage de leur environnement social et de leur responsabilité envers le territoire.

La situation de la plupart des communes de Guadeloupe est préoccupante. La commande publique frôle la panne, mettant en péril de nombreux commerçants, artisans et agriculteurs. Les mesures de soutien vont dans le bon sens, mais nous espérons que la modification prévue, à terme, du montant et de la répartition des dotations attribuées aux collectivités territoriales d'outre-mer permettra d'améliorer la structuration des communes et d'encourager celles qui font l'effort de se doter de l'encadrement nécessaire pour améliorer la qualité des services publics.

La récente sécheresse à la Guadeloupe a montré l'urgence de mettre en place l'Office de l'eau. Le projet a le grand mérite de lui donner les moyens de remplir sa mission. En ce qui concerne le logement, nous aurions souhaité l'amélioration des conditions d'éligibilité à l'avantage fiscal, ainsi qu'une augmentation du plafond de ressources pour les logements intermédiaires. En matière de défiscalisation, il est opportun de diversifier l'offre touristique et de rendre la réhabilitation de gîtes déclassés éligible à la réduction d'impôt. Nous ne comprenons par ailleurs pas que la pêche ne bénéficie pas du même taux de défiscalisation que la navigation de plaisance. Et comment Bercy peut-il évaluer le coût de la défiscalisation des investissements puisque, sans défiscalisation, il n'y aurait pas d'investissements outre-mer !

Il est indispensable de se préoccuper des territoires défavorisés par une double, voire une triple insularité, telles les îles du sud de l'archipel guadeloupéen, qui méritent un traitement spécifique pour que les inégalités ne se creusent pas dans une même région. Dans le même ordre d'idées, la continuité territoriale doit s'entendre pour les transports à l'intérieur de l'archipel, et non uniquement en direction de la métropole. Des surcoûts importants, en outre, grèvent les entreprises du sud de la Guadeloupe. Enfin, il faut nous expliquer comment le Gouvernement compte concilier les dispositions d'abaissement du coût du travail et d'intégration des RMistes avec les dispositions du même ordre contenues dans la loi Fillon et dans la future loi sur le RMA. Quant à la surrémunération des fonctionnaires évoquée par le président de la commission des finances, je pense qu'il y a d'autres injustices à corriger auparavant, à commencer par un taux de chômage trois fois plus élevé qu'en métropole. Ne mettons pas la charrue avant les b_ufs.

Ma position sur le vote du projet sera déterminée après la discussion des articles. Je salue toutefois sincèrement, Madame la ministre, la détermination singulière dont vous faites preuve, dans un contexte budgétaire et même parfois politique, dans votre propre majorité, difficile, pour défendre nos intérêts.

En moins d'un an, vous avez traité deux questions majeures, l'évolution institutionnelle et le développement économique, sans compter le passeport mobilité pour les jeunes et la continuité territoriale.

Bien sûr, beaucoup reste à faire, mais seul l'avenir dira si cette loi-programme aura servi à générer des profits pour quelques-uns ou, comme nous le souhaitons tous, à créer des emplois pour le plus grand nombre.

Je remercie le Président de l'Assemblée de sa présence parmi nous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric de Saint-Sernin - Je remercie Mme Gabrielle Louis-Carabin qui m'a laissé son tour. Nous avons en principe, en métropole, une continuité territoriale qui fonctionne... malgré quelques perturbations en ce moment ! (Sourires)

Je voudrais vous féliciter, Madame la ministre, d'avoir tenu vos engagements : vous nous aviez promis des réformes qui favorisent le développement des DOM-TOM, et cette loi-programme en est la traduction. En dépit du grand nombre de textes présentés ce printemps au Parlement, vous avez réussi à imposer votre calendrier. Nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française seront donc heureux d'accueillir le Président de la République, fin juillet, en sachant que ces mesures importantes ont été votées.

Cette loi rompt avec la politique d'assistanat qui a trop longtemps prévalu, au profit du soutien aux investissements et à l'emploi. J'approuve votre démarche, qui consiste à compenser les handicaps structurels de l'outre-mer par un accompagnement économique.

Outre qu'elle obéit à une logique de responsabilité, cette loi-programme présente l'avantage de s'inscrire dans le long terme - 15 ans. Aussi, l'important volet de la défiscalisation ne sera pas remis en question chaque année.

J'insisterai sur quelques mesures qui me paraissent porteuses d'avenir.

Le dispositif de congé-solidarité, qui lie la cessation d'activité d'un salarié âgé à l'embauche d'un jeune, est amélioré et élargi. Pour encourager l'insertion des RMistes, dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon, une aide sera versée à l'employeur qui leur proposera un CDI.

Le fait que les diplômes professionnels obtenus sur place par les jeunes Calédoniens et Polynésiens soient reconnues par l'Etat est une garantie essentielle.

Concernant l'allégement des charges sociales, j'approuve l'abandon, dans ce texte, des restrictions au cumul des aides nationales et locales, en particulier le fait que ne sont pas déduites de l'assiette fiscale éligible les aides locales aux investissements propres à la Nouvelle Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Sans doute aurait-on pu étendre aux TOM la réduction d'impôt pour la rénovation hôtelière appliquée dans les DOM. Rappelons que la défiscalisation ne vise pas à créer un régime fiscal d'exception pour l'outre-mer, mais à renforcer l'investissement local.

Le renforcement de la continuité territoriale est indispensable pour compenser les contraintes liées à l'éloignement des collectivités ultramarines et il est logique que la dotation de l'Etat prenne en compte cette distance. Nos territoires du Pacifique-Sud ne peuvent être traités comme les autres à cet égard.

En conclusion, ce texte qui encourage les créations d'emplois, relance l'investissement privé et préserve la continuité territoriale, répond aux engagements pris en faveur d'un développement durable outre-mer. Certains regretteront que l'on n'ait pas mieux pris en compte les singularités de chaque territoire. Mais le bilan qui sera effectué tous les trois ans permettra de prendre des mesures adaptées. C'est donc avec une totale conviction que je voterai ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Christiane Taubira - « Et si on envahissait les Etats-Unis ? » C'est la proposition d'un ministre d'un pays de la Caraïbe dans un roman très drôle publié en 1992 - les caisses de l'Etat sont vides et voilà l'idée géniale qu'il soumet au Président.

Et si l'outre-mer subventionnait l'Etat ? L'idée semble insolite. Pourtant, en 1994, c'est par le relèvement du taux de la TVA que furent financées la plupart des mesures de la loi Perben.

Et vous Madame la ministre, vous proposez de créer une redevance sur l'eau et de faire financer par les communes les opérations de numérotage des habitations. Le Sénat a supprimé la compensation de l'Etat pour le nouvel abattement sur le foncier bâti. Quant aux 150 millions d'euros de compensation prévus suite à l'alignement du RMI, ils se sont volatilisés, tout comme la bonification de 20 millions d'euros pour le passage aux 35 heures.

Il faut dire que ce principe d'autofinancement de l'outre-mer a des précédents fameux puisqu'il date de la Restauration et a abouti, en 1866, à la création de l'octroi de mer pour couvrir les dépenses des colonies, y compris celles concernant ces milices qui, jusqu'en 1848, avaient la mission de capturer les nègres « marrons ».

Depuis la loi Veil de 1974, l'Etat est censé compenser aux organismes de protection sociale les exonérations de cotisations qu'il accorde. Lors d'une émission que RFO vous a consacrée, vous avez précisé, Madame la ministre, que cette mesure coûterait à l'Etat 40 millions d'euros, ce qui correspondait au coût social de 4 700 chômeurs, lesquels chômeurs, s'ils retrouvaient un emploi grâce à cette mesure, cotiseraient pour 34 millions d'euros à l'UNEDIC : ce serait donc une opération sans risque, - mais qui vous dit que les emplois créés reviendront à ces chômeurs ?

Les autres mesures du titre I coûteraient environ 10 millions d'euros selon les spécialistes.

Le titre II prévoit le renoncement par l'Etat à des recettes hypothétiques que le Sénat évalue à 164 millions d'euros. Mais les dix dernières années, le ministère des finances n'a accordé d'agrément aux investissements que dans la limite de 300 millions d'euros par an, de sorte que quelques gros projets suffiront à épuiser ce quota.

Le titre V consacre 30 millions d'euros à la continuité territoriale, mais il est muet sur les critères d'attribution aux usagers, on peut craindre l'arbitraire.

Si on fait l'addition, on constate que ce sont 65 millions d'euros au plus qui seront consacrés au financement de cette loi-programme. C'est un grand changement d'échelle par rapport à la LOOM, qui prévoyait 700 millions d'euros !

Mais arrêtons-nous sur l'esprit et les finalités de ce texte. Nous avons souvent plaidé pour un engagement pluriannuel de l'Etat, même s'il est vrai que cela contribue à nous projeter hors de nous-mêmes, en faisant venir le salut de l'autre côté de l'Atlantique. Mais pourquoi quinze ans, et non pas dix ans renouvelables ? Comment cette durée va-t-elle s'articuler avec la prochaine décision de la Commission européenne sur la prolongation de l'octroi de mer, qui sera vraisemblablement de dix ans ? Dans le texte même, plusieurs dispositions ont une durée de cinq ans. Alors, ce que nous comprenons, c'est que les quinze ans ne sont qu'un affichage destiné à rassurer les futurs bénéficiaires de la défiscalisation.

En ce qui concerne l'emploi, vous vous concentrez sur le recrutement par les entreprises de jeunes en fin d'emploi-jeunes et de RMistes. Mais c'est une vision singulière de notre population que de la réduire à des hordes de chômeurs et à des escouades d'oisifs. Comme s'il suffisait de donner quelques exonérations fiscales aux entreprises pour que mécaniquement le développement durable soit au rendez-vous ! Comme s'il n'y avait pas de nouveaux champs à explorer, de nouvelles filières à développer ! Je voudrais donc vous dire que vous devriez faire confiance à notre créativité et à notre ténacité, que les jeunes attendent surtout des enseignements adaptés à leurs choix et à leurs capacités et qu'il n'y a aucune raison pour que ces enseignements se situent exclusivement dans les niveaux inférieurs.

Le titre II élargit et assouplit le dispositif de défiscalisation. Vous avez choisi de rétablir la « détunnelisation » et de déplafonner la réduction d'impôt sur le revenu. Or, il est prouvé que les bailleurs physiques ont été responsables, plus encore que les personnes morales, des dérives de la loi Pons. Il faut donc s'attendre à un retour en force de la religion du déficit d'exploitation systématique.

Mais surtout, par ces mesures, vous vous octroyez le droit de décider des filières et des secteurs d'activité. Et vous partez du principe que les entreprises d'outre-mer sont forcément de petite taille - l'outre-mer, nouveau Lilliput ? -, en oubliant que de nombreux chefs d'entreprise ont fait la preuve qu'ils sont capables de mettre en _uvre des programmes d'expansion jusqu'à ce que l'interruption de la commande publique vienne pulvériser leurs efforts.

Vous semblez prendre acte de la défaillance doctrinale du système bancaire et vous faites peser sur un dispositif fiscal, qui ne devrait être que d'accompagnement, l'essentiel du financement des activités économiques.

Lors de votre entretien sur RFO, le journaliste a fait écho à l'idée selon laquelle votre projet serait fait sur mesure pour les Antilles - et pour qui, aux Antilles ? Vous avez répondu par un éloge du « sur mesure », sans entendre le reproche implicite, à savoir que pour le reste de l'outre-mer, ce texte n'est que du prêt-à-porter. Il est de fait marqué par un tropisme fort, celui du tourisme haut de gamme, mais reste étrangement muet sur les enjeux d'aménagement du territoire. Et l'article 38, qui introduit les EPCI, ne sera probablement qu'une pétition de principe, si l'on en juge d'après le sort réservé au schéma d'aménagement régional. Vous ignorez les besoins spécifiques liés aux réalités locales, par exemple les petits commerces qui s'installent dans les zones enclavées.

Je salue cependant l'introduction des SOFIOM, sans être persuadée que cela va répondre à la totalité des besoins en capital, et je reconnais que l'application des dérogations fiscales au logement intermédiaire est une mesure de justice sociale - vous voyez que je ne suis pas sectaire !

S'agissant du titre V, sur la continuité territoriale, on a multiplié les comparaisons avec la Corse. Celles-ci ne visent pas du tout à remettre en cause ce qui a été fait pour la Corse, qui est tout à fait légitime, mais permettent simplement de prendre la mesure des besoins et de montrer que le présent texte demeure très en deçà du nécessaire. La situation des transports outre-mer - et singulièrement en Guyane, où elle atteint un paroxysme - ne pourra pas être corrigée par des tentatives affriolantes visant à allécher quelques compagnies concurrentes, pas forcément les plus sérieuses d'ailleurs, en espérant simplement qu'elles feront un effort pour le fret. Au moment où le Gouvernement choisit de privatiser la compagnie nationale, alors qu'il aurait pu continuer à exercer son contrôle sur le respect des obligations du service public, il me semble important de rappeler que l'enjeu n'est pas de mettre en concurrence des compagnies privées mais de garantir la libre circulation des citoyens d'outre-mer, sauf à les considérer comme assignés à résidence dans leurs contrées lointaines !

Avec AOM et Air Lib, nous avons bien vu que, lorsque les compagnies sont confrontées à la vérité du prix économique, ce sont nos destinations qu'elles ferment en premier lieu alors que pourtant la desserte de nos territoires a été l'un des arguments majeurs pour la création de ces entreprises et pour l'octroi d'avantages, voire de passe-droits !

Vous dites, Madame la ministre, que vous n'avez pas voulu encombrer ce texte de mesures réglementaires, et c'est cela qui justifierait l'absence de dispositions concernant l'éducation, la recherche, la culture, la coopération, la santé... Se pourrait-il vraiment qu'il n'y ait aucune disposition législative envisageable pour répondre par exemple au problème du déficit structurel de l'hôpital de Cayenne ? Se pourrait-il qu'il n'y ait rien à faire pour l'enseignement primaire, secondaire et supérieur ? Se pourrait-il que les collectivités soient suffisamment bien armées aujourd'hui pour édifier des marchés régionaux ?

Mais alors pourquoi ce titre VI qui vous permettra dans les dix-huit prochains mois de procéder par ordonnances dans des domaines aussi essentiels que le droit de la santé, le droit rural, domanial, foncier, forestier, le droit de la propriété intellectuelle ? En réalité, ce titre VI prouve bien qu'il y a matière à légiférer. Mais vous avez choisi de parer seulement au plus pressé. Et vous vous êtes aventurée à recentraliser et à reconcentrer quelques mois après la réforme constitutionnelle sur l'organisation décentralisée de la République !

Depuis votre prise de fonctions, nous avons été sensible, Madame la ministre, à vos déclarations d'affection et à votre indignation face aux injustices et aux calamités qui nous frappent. Et nous ne vous ferons pas l'injure de penser que vous les découvrez, puisque cela fait quinze ans que vous travaillez pour l'outre-mer.

Mais nous savons que ceux qui nous découvrent nous aiment. Il fut un temps où l'outre-mer appelait un certain nombre de clichés : les « danseuses » de la France, les confettis de l'empire, des terres sauvages, des repaires de moustiques, des sociétés éruptives (Sourires), des gens avec des revendications déraisonnables et une sensibilité à fleur de peau... Puis ce fut l'outre-mer comme destination paradisiaque. Puis des îles peuplées d'ingrats incapables de sourire aux touristes sympathiques. Et voici qu'aujourd'hui nous sommes devenus, par le miracle d'une promesse électorale, l'objet de toutes les attentions, et presque une cause de mobilisation nationale.

Frantz Fanon disait : « ceux qui aiment les nègres sont aussi malades que ceux qui les détestent ». Et de fait quelle raison aurait-on de nous aimer a priori ? Surtout si nous aimer dispense de nous respecter.

Nous, nous avons de la fierté et même parfois, je l'avoue, un peu d'orgueil, et c'est perchés sur les chefs-d'_uvre en tout genre de nos créateurs en tous arts que nous rappelons ce que nous avons offert au monde et ce que nous apportons aujourd'hui encore, dans la recherche universelle de solutions originales aux défis quotidiens. Et nous toisons la vie du haut de ce génie qui rend imaginatif chacun de nous pour détourner la déveine et chaque matin inventer l'avenir.

Nos territoires ne sont pas que des terres d'intérêt stratégique, une chance pour la France, une aubaine pour l'Europe. Nous refusons la chétive ambition d'être, comme le dit Aimé Césaire, « un jouet sombre au carnaval des autres ». Nous refusons d'être un passavant brinquebalant pour les puissants de ce monde. Nous n'avons pas renoncé à organiser, selon les termes de Léon Gontrand Damas, « l'évasion massive de l'infériorité ». Nous continuerons donc à paver le chemin de nous-mêmes et à exister au monde pour ce que nous sommes.

Il arrive que des gouvernements veuillent faire notre bonheur, même malgré nous. Il arrive aussi que nous soyons défaillants. Mais ce n'est pas par incapacité congénitale. Certes, nous avons des turpitudes, que nous assumons et n'imputons à personne, mais nous affrontons aussi cet essoufflement dû à une conspiration, peut-être bien intentionnée, qui engendre l'hébétude et qui de génération en génération nous dépouille résolument de la responsabilité. « Combien d'énergies gâchées, combien d'hommes et de femmes parlant à leur ombre aux croisées des rues, combien de délires, parce que cette responsabilité manque ? » demande Edouard Glissant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Mansour Kamardine - Il y a un an, Jacques Chirac prenait l'engagement de réaliser outre-mer, après l'égalité sociale consacrée en 1996, l'égalité économique, et ce grâce à une grande loi de programme d'une durée de quinze ans fondée sur une logique d'activité et de responsabilité. Aux yeux du chef de l'Etat, cette égalité économique constitue l'ultime étape de l'accès à la pleine citoyenneté.

Dès votre nomination à la tête de ce ministère, vous avez approfondi votre connaissance du dossier par une concertation poussée avec les parlementaires ainsi qu'avec les élus locaux et tous les partenaires économiques et sociaux, de sorte que le cadre tracé par les engagements présidentiels a pu être enrichi par l'apport du terrain. Le résultat, c'est le projet que nous examinons aujourd'hui.

Il comporte cinq volets principaux concernant l'emploi, le soutien à l'économie, le logement, la continuité territoriale, et l'actualisation du droit, essentielle pour les régions les moins avancées de la République, catégorie dans laquelle se range Mayotte.

Je salue le travail accompli pour donner corps aux promesses du chef de l'Etat malgré la morosité budgétaire et je vous en remercie, Madame la ministre.

Avec ce projet, on est loin de l'esprit de l'Adresse de l'outre-mer aux socialistes, signée par des élus de gauche qui dénonçaient « les préjugés des gouvernements de gauche et les réflexes caractéristiques d'une technostructure dont ils sont largement issus et pour laquelle l'outre-mer semble illégitime au sein de la République... »

M. Victorin Lurel - Nous ne sommes pas aussi complaisants que vous avec notre famille politique !

M. Mansour Kamardine - Vous parlez d'une « perception de l'outre-mer au seul prisme de l'ordre public », vous dites qu'il a fallu « défendre une politique de soutien en arguant pour s'en dédouaner de considérations électorales... ».

Nous, nous ne sommes pas ici par électoralisme ; nous voulons apporter des réponses aux problèmes de l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je comprends qu'un ancien ministre, lisant cela, éprouve le besoin de faire quelques effets de manche. A l'inverse les rapports que vous entretenez avec l'outre-mer reposent sur un legs commun reçu de l'histoire de France et de la République.

L'esprit du projet est clair. Il s'agit de réaliser outre-mer l'égalité économique après l'égalité sociale. Permet-il d'atteindre cet objectif à Mayotte ? Il faut attendre la fin des débats pour répondre, car sur bien des points ce texte peut encore évoluer.

Nous devons d'abord améliorer le statut de la femme. Certains aspects du statut personnel - comme la polygamie, la répudiation unilatérale ou l'inégalité des enfants devant l'héritage - sont de moins en moins acceptables dans une société mahoraise en pleine évolution. Tout en étant attachée à ses traditions, la société mahoraise a besoin de se moderniser. Le rôle de la femme dans la conduite de la famille doit être renforcé grâce à la planification familiale.

Je pense aussi à tous ces jeunes quittant l'école sans formation et aux femmes, exclues de facto de l'emploi. A Mayotte, le chômage culmine à près de 50 %, et ce phénomène est aggravé par une immigration clandestine qui défie tout projet de développement. Vous l'avez constaté par vous-même à chacune de nombreuses visites, Madame la ministre : la misère est dans nos villages et dans nos familles, de sorte que les femmes qui cherchent à la fuir se rendent à la Réunion ou en métropole. Chaque année, 5 000 familles quittent l'île à la recherche d'une vie meilleure. Elles sont aussitôt accueillies par l'exclusion et la déception. Mais la place qu'elles libèrent est occupée par des clandestins. Telle est la situation. Au moment où on parle d'égalité économique, les Mahorais cherchent encore à convaincre que, malgré leur race, leur culture, leur religion, ils sont Français. Ils ne supportent plus d'être considérés comme des citoyens entièrement à part ; ils veulent être des citoyens à part entière.

Mais le débat au Parlement est fait pour améliorer le texte, c'est-à-dire poser les conditions d'un développement durable. Ce projet a ouvert à Mayotte, mais assez timidement, quelques perspectives dans le domaine de l'emploi avec l'extension du titre de travail simplifié. C'est une avancée même si le dispositif reste en décalage avec la réalité de l'artisanat local, seul capable de créer des emplois. Les chefs d'entreprise, dans leur immense majorité, ont franchi difficilement le niveau CM2 et ont donc une relation très éloignée avec l'écrit. Ce qui les intéresse, ce n'est pas de traiter la paperasserie, mais d'avoir une main-d'_uvre disponible à un coût supportable. Bien que le SMIG soit à 510 €, la main-d'_uvre est chère par rapport à Madagascar et aux Comores, il en résulte un développement exponentiel de l'économie souterraine.

Dans le domaine du logement, le projet reste muet, alors qu'on trouve à Mayotte plus de 15 000 logements insalubres.

En outre, 7 000 agents publics au service de l'Etat, des hôpitaux et des collectivités locales attendent depuis vingt-cinq ans un statut. Il y va du succès de la décentralisation qui se met en place. Le Centre national de la fonction publique territoriale doit intervenir d'urgence à Mayotte.

L'installation de l'ANPE, le développement de l'artisanat, et l'accession à la propriété doivent constituer la base de la dignité humaine à laquelle nous sommes tous attachés. Dans cette perspective, l'extension à Mayotte du dispositif de congé-solidarité aurait pu être le complément indispensable d'une vraie politique de l'emploi en faveur des jeunes Mahorais.

L'Etat ne peut trop longtemps faire l'économie d'une extension du code de la construction et de l'habitat. Prenons les mesures qui s'imposent. Dans ce domaine comme dans d'autres, je vous ai fait des propositions responsables pour le développement durable de cette future région ultrapériphérique. S'agissant de l'outre-mer, ce sont deux visions qui s'affrontent. La première est purement comptable : ce n'est ni la vôtre, ni la mienne. L'autre, plus dynamique, place l'attachement de ces populations à la France au c_ur de la politique solidaire. Elle prend en compte la dimension culturelle, historique et politique de ces collectivités si diverses, mais toujours unies à la mère-patrie par un même idéal au service de la grandeur de la France et du rayonnement de l'Europe. C'est de cette vision que procède mon engagement public. C'est au nom de ce même idéal que je défends des principes fondés sur la justice, même si cela, en ce moment de morosité budgétaire, peut paraître anachronique à certains.

Les Mahorais veulent gagner leur vie à la sueur de leur front. C'est pourquoi je forme le v_u que nous puissions, dans un avenir très proche, avec un calendrier préalablement débattu et accepté par tous, jeter les bases d'un développement durable de l'île.

Madame la ministre, il y a quelques jours, du haut de cette tribune, mon collègue Camille de Rocca Serra déclarait très justement que la violence ne pouvait pas être un partenaire de la République. L'injustice ne peut non plus participer à l'édification de la République, y compris à Mayotte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Béatrice Vernaudon - Monsieur le Président, votre présence nous honore.

Au nom de mon collègue Michel Buillard et en mon nom, je considère que la préparation de ce projet nous a donné l'occasion de faire le point sur les forces et les faiblesses de nos mécanismes incitatifs. Différents acteurs, éclairés par leur expérience, ont cherché de nouvelles orientations pour mieux compenser nos handicaps : le grand éloignement, l'étroitesse des marchés, la concurrence des pays voisins où le coût de la main-d'_uvre est très bas. Ainsi sont remontées vers vous nombre de suggestions.

Mais l'état des finances publiques vous a imposé raison et rigueur. Il vous a fallu faire des choix, mais vous les avez défendus, Madame la ministre, avec détermination face à vos homologues et je vous en remercie. Cependant, comme au Sénat, nous chercherons à compléter ce dispositif qui nous engage pour quinze ans. Notre rôle ne se borne pas à voter une loi ! Il nous commande l'action, avant et après.

Reconnaissons-le : l'aridité du texte nous a rebutés. Nous n'avons pas tous fait des études de droit fiscal... Des dispositions très techniques et sans âme pourraient même nous faire oublier ce qui sous-tend ce texte : la volonté du Président de la République.

Nous pourrions intituler notre séance : « Renouveau de l'outre-mer, acte II ». En effet, nous nous inscrivons bien dans l'engagement du Président de la République : « L'outre-mer français a droit à des engagements fermes, clairs et précis. Le temps des tergiversations, avec la commande de multiples rapports ou la convocation d'états généraux est révolu. Il est temps d'agir ».

Le premier acte a consisté, au mois de mars dernier, à ancrer nos différentes collectivités ultramarines dans la Constitution de la République. Cette lisibilité de l'avenir nous semble de nature à renforcer la cohésion sociale et culturelle dans chacune de nos collectivités d'outre-mer. Or, cette cohésion est nécessaire pour catalyser toutes les énergies. Il nous faut un moteur économique vertueux, susceptible de créer des emplois et d'assurer de la croissance.

C'est l'objectif des mesures prises par le Gouvernement : abaisser les charges sociales des entreprises, assouplir et augmenter les possibilités de réductions d'impôts des contribuables qui investissent outre-mer tout en élargissant le champ des secteurs éligibles, soutenir les compagnies aériennes qui assurent la desserte de l'outre-mer, démocratiser les voyages entre les collectivités et la métropole - vous aviez déjà innové dans ce domaine, avec le « passeport mobilité » pour les étudiants. Enfin, ce projet vient compléter le droit des collectivités territoriales pour adapter le fonctionnement de notre administration et de nos institutions à un environnement en constante évolution.

L'étude d'impact évalue à 40 millions d'euros le coût budgétaire des exonérations nouvelles. Ce dispositif d'allégement des charges sociales ne concerne pas la Polynésie, où l'organisation du droit social relève des autorités locales. Cependant, je souhaite à mes collègues des DOM que ces mesures substantielles atteignent rapidement leur but : endiguer le chômage des jeunes par la création d'emplois productifs.

La Polynésie est en revanche pleinement concernée par les autres dispositions et d'abord par la défiscalisation. Celle-ci représente le principal surcoût budgétaire mais ce terme entretient, à tort, l'idée de ponction dans le budget de la nation, alors qu'il s'agit de relancer l'investissement privé. Nous apprécions que le cumul des incitations nationales et locales soit expressément reconnu.

A Tahiti, le temps de l'après-nucléaire a été perçu par les élus et la population comme une chance unique pour développer de nouvelles activités en s'écartant résolument de l'assistanat. Le mouvement est bien enclenché, mais il n'est pas sans risques.

Le tourisme, pilier de notre reconversion, emploie aujourd'hui 8 500 personnes et trois fois plus indirectement. Il représente 70 % des ressources propres du territoire et 10 % de son produit intérieur brut. Au-delà de son rôle économique, il est un facteur de désenclavement de nos îles où il entraîne la création d'infrastructures. Il a subi comme ailleurs les effets du ralentissement de la croissance mondiale, et plus récemment la désaffection des touristes japonais craignant l'épidémie de pneumonie atypique, que les médias ont malheureusement beaucoup associée aux voyages en avion.

Dans ce secteur comme dans les autres, la défiscalisation constitue un outil indispensable. S'agissant des agréments, nous avons déposé des amendements pour améliorer la procédure ; je souhaite vivement qu'il en reste quelque chose.

Les améliorations substantielles apportées à l'article 199 undecies A et, je l'espère, l'autorisation de cumul des dispositifs d'exonération fiscale locaux et métropolitains devraient permettre de soutenir la construction de logements, ce dont je me réjouis.

En ce qui concerne la dernière partie du projet, relative au droit applicable outre-mer, permettez-moi de vous indiquer les domaines dans lesquels nos attentes sont fortes.

S'agissant des particuliers, il n'existe pas en Polynésie de dispositions sur le surendettement et devant les tribunaux de l'ordre civil, la vieille assistance juridictionnelle régit encore les rapports entre le modeste justiciable et l'avocat désigné.

Par ailleurs, les élus polynésiens attendent la réforme communale depuis plus d'une décennie. Les communes polynésiennes restent les seules avec celles de Mayotte à ne pas bénéficier de la décentralisation. La loi d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française avait affirmé dès 1994 que le personnel communal devait être doté d'un statut de fonction publique adapté.

Enfin, notre jeunesse est nombreuse et sa formation professionnelle est notre plus grand défi. Là encore, nous aurons besoin de votre soutien. Et je remercie sincèrement notre collègue Philippe Auberger, rapporteur de ce texte.

Il nous appartient de faire aimer l'outre-mer à nos compatriotes de métropole, et en premier lieu à nos collègues députés. Il nous faut les convaincre qu'il ne s'agit pas pour nous de disperser inconsidérément l'argent des contribuables en faveur de populations cupides. Les Domiens et les Tomisiens sont des Français à part entière et il est normal de tendre vers l'égalité économique par des dispositions spécifiques.

Pour que nous cessions d'être assimilés à des satellites et que nous nous imbriquions avec nos spécificités dans l'ensemble national, le Président de la République a voulu la réforme constitutionnelle et aujourd'hui cette loi de programme. Merci, Madame la ministre, et merci à vos collaborateurs, pour votre constance et votre détermination. C'est avec confiance que nous voterons ce projet, et avec conviction que nous nous impliquerons dans sa mise en _uvre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à midi cinq, est reprise à midi dix.

M. René-Paul Victoria - Dans « Mon engagement pour l'outre-mer », le Président de la République soulignait qu'après l'égalité sociale, son objectif était de réaliser l'égalité économique.

En faisant du développement économique des départements et territoires d'outre-mer une priorité, Madame la ministre, vous permettez à nos collectivités d'affirmer la dimension mondiale de la France et de constituer les nouvelles frontières de l'Europe. Ce texte est d'autant plus indispensable que nos territoires, et en particulier la Réunion, sont dans une situation économique et sociale difficile, malgré l'achèvement de l'égalité sociale et la mise en place de dispositifs d'aide à l'emploi.

Je regrette, au regard des difficultés structurelles que nous connaissons, que des propos outranciers aient été tenus hier dans cet hémicycle. Ils sont d'autant plus déplorables qu'ils émanent d'un ancien secrétaire d'Etat à l'outre-mer, auquel je voudrais répondre sans esprit polémique.

Le gouvernement précédent a mis trois années à élaborer une loi d'orientation pour l'outre-mer dont nous mesurons aujourd'hui les insuffisances et les contradictions. Il convient maintenant de corriger ces orientations, qui se voulaient moralisatrices, alors que nous recherchions le pragmatisme et l'efficacité.

Le gouvernement précédent s'est acharné pendant plus de deux années à imposer aux Réunionnais une réforme institutionnelle aux antipodes de leurs préoccupations économiques et sociales. Pendant ce temps, il ne répondait pas à nos problèmes de fond. Ainsi, des milliers de personnes âgées et handicapées ont été plongées dans la détresse parce que leurs revenus dépassaient de quelques euros le seuil fixé pour bénéficier de la part complémentaire de la CMU. On n'a rien prévu non plus pour assurer l'avenir de milliers de jeunes qui ont été recrutés pour cinq ans dans le cadre des emplois-jeunes. Il a fallu que vous-même, Madame la ministre, preniez ce dossier à bras le corps pour définir une ligne directrice, afin qu'aucun de ces emplois-jeunes ne reste sur le bord du chemin. L'ancien secrétaire d'Etat est mal placé pour nous faire la leçon aujourd'hui !

Parler d'inspiration coloniale pour cette loi est une injure à notre Constitution, qui a définitivement décolonisé nos territoires en reconnaissant au sein du peuple français, les populations d'outre-mer : c'est l'_uvre de ce gouvernement et le sens de mon amendement adopté par le Congrès à Versailles.

Permettez-moi de rappeler les propos tenus, voici plus de trente ans, par un illustre personnage de notre République, à propos de notre département dont il venait d'être élu député. Pour sauvegarder l'avenir de la Réunion, disait-il « il faudrait, de la part des responsables à Paris, un intérêt plus vif. Certes il faut des crédits de supplément, mais la Réunion, petite île, ne peut pas être source de dépenses importantes. Ce dont elle a surtout besoin, c'est d'un effort constant, qui suppose quelques décisions et une certaine passion pour les terres françaises d'outre-mer ». Vous aurez tous reconnu Michel Debré.

Ces propos sont toujours d'actualité, car nos difficultés sont sans commune mesure avec celles d'un département de l'hexagone. La pression démographique fait exploser les besoins. Près de 12 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail, la grande majorité d'entre eux n'ayant que peu de chances de s'insérer dans l'économie marchande.

Les propos tenus hier soir par le président de la commission des finances ont mis la population en émoi, et j'invite M. Méhaignerie à revenir à la Réunion pour mieux mesurer la complexité des problèmes avant d'émettre de telles propositions.

Votre projet est réaliste et ambitieux pour l'emploi. Grâce à l'allégement des charges salariales et sociales, et à un programme de quinze ans, les opérateurs peuvent anticiper, et bâtir des stratégies de développement.

Puissent ces mesures sociales et fiscales être accompagnées d'un effort significatif sur le coût des intrants dont dépendent nos entreprises, celles-ci devant importer l'essentiel de leurs matières premières. Je défendrai un amendement en ce sens.

Concernant la problématique des emplois aidés, vous avez accepté de maintenir les dispositifs afin qu'aucun jeune « ne reste sur le bord du chemin ».

Pour les aides-éducateurs, la question n'est toujours pas réglée, et une mesure d'exception nous aiderait à préparer la rentrée scolaire.

Quant aux personnes de plus de quarante ans, qui se retrouvent au chômage après un licenciement économique, il est essentiel que leur savoir-faire et leur expérience de l'entreprise leur permettent de se réinsérer.

Autre grande avancée de votre texte : l'aide au transport, fondée sur le principe de la continuité territoriale est pour la première fois inscrite dans un texte de loi. Espérons que le Gouvernement fera preuve d'audace pour permettre une baisse significative du prix du billet d'avion entre la métropole et la Réunion. Les tarifs actuels sont prohibitifs, malgré l'aide des collectivités locales, notamment quand il s'agit de maintenir le lien entre les jeunes qui partent, et leurs parents restés sur l'île.

L'ambition du Gouvernement et du Parlement doit être sans ambiguïté : amener les départements d'outre-mer vers un niveau de développement proche de celui des régions européennes.

Certains de nos collègues, y compris de la majorité, ne manqueront pas de souligner les « largesses » du Gouvernement vis-à-vis de l'outre-mer. Mais le ministre de l'intérieur ne disait-il pas, à propos de la Corse que « La République offre les mêmes droits à tous, mais ceux qui ont plus de problèmes que les autres doivent être davantage aidés » ? Cela vaut, a fortiori, pour les DOM.

Si l'outre-mer reçoit beaucoup de la métropole et de l'Union européenne, il participe aussi à leur enrichissement, que ce soit au niveau de la recherche, notamment médicale, ou dans les domaines de la vulcanologie, de la prévention des cyclones tropicaux, des études atmosphériques et de la lutte contre l'effet de serre, ou dans le secteur sucrier. Nos départements contribuent également au rayonnement culturel et technologique de la France dans la zone caraïbe et india-océanique.

Si, en notre qualité de citoyens français, nous avons des droits, nous avons aussi des devoirs à l'égard de notre pays, et notamment celui de faire de la France une nation dynamique, créative, et plus solidaire.

Cette loi de programme engage un véritable pari sur l'avenir, que nous pouvons relever. C'est pourquoi je la voterai. Il s'agit pour l'outre-mer d'une belle étape - et « les plus beaux jours sont ceux qui restent à vivre » ! L'avenir appartient aux acteurs du développement de nos territoires, il nous appartient, il appartient à la France et à l'Europe. Soyons tous fiers de servir nos compatriotes dans le respect et la dignité, avec la force du c_ur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Juliana Rimane - Votre projet de loi-programme décline les moyens à mettre en place, au cours des quinze prochaines années, en faveur des collectivités d'outre-mer, afin de leur permettre de s'engager dans la voie du développement durable.

Dans un contexte économique défavorable, comment ne pas se satisfaire d'une telle mobilisation du Gouvernement ? Je vous remercie d'avoir entrepris avec détermination, à la demande du Président de la République, cette délicate démarche et de l'avoir conduite devant le Parlement dans des délais aussi courts.

Votre démarche s'articule autour de plusieurs thèmes. Tout d'abord, vous améliorez le dispositif d'allégement des charges sociales pour les entreprises, en faveur de l'emploi. Il est en effet nécessaire de recourir, en ce domaine, à une discrimination positive.

Ensuite, vous renforcez la défiscalisation, expurgée de ses abus, pour compenser les handicaps des collectivités d'outre-mer. Ces mesures apportent des capacités financières aux activités productrices de richesse. Elle permettront aux collectivités locales de pallier leurs retards en matière d'infrastructures primaires et de réseaux divers. Elles favoriseront la politique du logement, en particulier dans le domaine du logement intermédiaire et de la réhabilitation. Elle contribueront à dynamiser le secteur économique local, et soutenir une filière d'activité de première importance outre-mer, la « filière tourisme ». Cependant, pour permettre à ces mesures d'être entièrement efficaces en Guyane, la densification du réseau financier est capitale. Il y a là un frein à desserrer.

Troisième enjeu, les dispositions relatives aux dotations de l'Etat en faveur des collectivités locales sont d'autant plus nécessaires si l'on veut qu'elles assument leur rôle de partenaires du développement. A ce titre, la Guyane est un cas d'espèce. L'attribution des dotations globales est fondée sur des critères qui ne correspondent pas à ses singularités, car la très grande superficie de son territoire et la forte croissance de la population ne sont pas prises en compte. Pourquoi ne pas envisager d'autres méthodes de recensement, telle l'imagerie satellitaire ? Par ailleurs, de très nombreuses communes sont dans une impasse financière, sans compter celles dépourvues de recettes fiscales propres. Cette situation n'est pas forcément le résultat d'une mauvaise gestion budgétaire, elle est aussi le fait d'un lourd héritage. Une partie de la Guyane, « l'ex-territoire de l'Inini », n'a pas bénéficié des bienfaits de la départementalisation, accumulant d'énormes retards. Comment lui demander de participer à des programmes d'investissement, alors que, depuis de longues années, 35 % du montant de l'octroi de mer sont abusivement prélevés par le département, lui-même confronté à des difficultés financières insurmontables, faute d'une péréquation lors des transferts de compétences dans les domaines social et éducatif.

Quatrième axe, la continuité territoriale facilitera les déplacements de nos compatriotes d'outre-mer. Quand une nouvelle compagnie aérienne verra-t-elle le jour pour mettre enfin un terme au monopole d'Air France sur la Guyane ? Il faut améliorer les tarifs et les capacités.

Ce texte consent un effort certain en faveur de l'outre-mer, qu'il faudrait prolonger en partenariat avec les collectivités locales. Il faut donner aux DOM les moyens de faire face à la libéralisation des marchés voulue par l'Union européenne. La révision de l'organisation commune des marchés du sucre et du riz affectera un emploi déjà bien fragilisé.

Les politiques de l'outre-mer sont fondées sur une vision globale. Elles effacent totalement la singularité des collectivités concernées. Il faudrait au contraire prendre en compte leur identité propre. C'est dans cet esprit que je déposerai quelques amendements visant notamment à doter les collectivités locales des moyens nécessaires pour remplir leurs missions, à remettre à niveau les secteurs de la santé, de l'éducation et du transport intérieur et à définir une politique de l'immigration visible et ferme. Il faut rappeler que les établissements hospitaliers ne sont plus en mesure de remplir leur mission de santé publique et que chaque année, en Guyane, des enfants ne sont pas scolarisés faute de places !

Quelques exemples concrets : pour se rendre à Saint-Elie, il faut deux heures, par temps sec, pour effectuer 27 kilomètres et les habitants n'y reçoivent l'électricité que sept heures par jour. A Camopi et Trois-Sauts, le suicide a fait son apparition dans la société amérindienne, isolée et peu considérée. A Grand-Santi, il faut sept heures de pirogue pour aller retirer des fonds dans le bureau de poste le plus proche. A Elahé, on consomme l'eau du fleuve, polluée par les activités aurifères, et les habitants de Mayman sont toujours privés de téléphone alors que le poste le plus proche, dans une autre commune, n'est qu'à deux kilomètres. Quoi d'étonnant à ce que nos compatriotes se sentent abandonnés ? Il ne s'agit pas d'exotisme, mais de pauvreté, tout simplement. Alors, comment ne pas être choqué lorsqu'on entend traiter ces gens de « quémandeurs permanents » ? (Approbations sur les bancs du groupe socialiste) Ce n'est pas le fait de ce gouvernement... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nos compatriotes ne demandent pas des faveurs. Ils veulent simplement avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que leurs concitoyens métropolitains. Il n'y a pas de progrès social sans une économie forte, et pas d'économie forte si l'homme n'en est pas le centre. Les richesses d'un territoire doivent être exploitées de façon raisonnée, et dans le respect de son patrimoine naturel et culturel. Ce n'est que comme cela que la Guyane pourra s'engager dans la voie du développement durable. Tous les acteurs doivent servir cette cause avec un sens aigu des responsabilités. Il ne faudrait pas que l'éloignement des centres de décision conduise les fonctionnaires à oublier ces principes et que l'arbitraire et l'abus de pouvoir prennent la place de l'équité et du bien public.

Parce que ce texte permettra d'assurer la continuité économique et de redonner des perspectives d'avenir à notre jeunesse, je le voterai avec le plus grand plaisir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Gabrielle Louis-Carabin - Les 5 et 6 juin sont des dates importantes pour l'outre-mer français. Un an après les élections et les engagements de Jacques Chirac, son développement se retrouve une fois de plus au c_ur des débats. Je veux souligner la promptitude avec laquelle ce texte a été élaboré, en étroite concertation toutefois avec les élus de tous bords et les acteurs socioprofessionnels. Ce projet était attendu, et je félicite tous ceux qui n'ont pas suivi hier soir notre collègue Victorin Lurel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Il est urgent de rompre avec l'immobilisme et les préjugés qui font méconnaître les richesses de l'outre-mer. Malgré une conjoncture économique difficile, il est capital que cette loi de programme puisse produire rapidement son plein effet. C'est pourquoi Joël Beaugendre et moi comptons sur le soutien de notre majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) comme nous lui avons apporté le nôtre sur les autres réformes qui intéressent la France entière. La loi de programme contient des mesures fortes et résolument tournées vers l'avenir.

Quinze ans devraient assurer la stabilité d'un dispositif qui nous aidera à sortir de la logique d'assistanat, à faire reculer la précarité et à encourager le développement. L'effort de la nation s'inscrit dans la durée, et des améliorations pourront être apportées progressivement au dispositif.

Revaloriser les secteurs productifs, encourager l'initiative privée, redonner le goût du travail à la jeunesse sont des objectifs honorables. C'est de la jeunesse que dépend le développement durable de nos régions, et je salue tout particulièrement les mesures qui lui sont consacrées. Ce texte, par ailleurs, énonce, pour la première fois, le principe de la continuité territoriale, qui permet de compenser les handicaps liés à l'éloignement et à l'insularité. L'ancien gouvernement l'avait concédé à la Corse, et les deux anciens ministres qui étaient là hier soir ont refusé de l'étendre à l'outre-mer, Monsieur Lurel, malgré l'insistance des présidents de région ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Ceux qui ne cessent de tout critiquer devraient considérer de temps en temps que c'est Madame la ministre Brigitte Girardin qui a mis en place le passeport mobilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Victorin Lurel - Il ne marche pas !

Mme Gabrielle Louis-Carabin - Et tous les étudiants qui en ont bénéficié pour leurs études, et qui ont pu ainsi réussir des concours ? Cela fait longtemps qu'un gouvernement ne s'était ainsi engagé. Madame la ministre, je voterai ce projet, dans lequel vous avez mis toute votre énergie, mais surtout votre c_ur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Quentin - Ce projet de loi de programme sur quinze ans traduit bien les engagements pris par le candidat à la présidence de la République en faveur d'un développement durable de l'outre-mer. Malgré les caricatures qu'on en a faites hier, il a fait l'objet d'une large concertation et tient compte des spécificités des territoires, afin que chacun puisse évoluer à son rythme. Son ambition est de réduire leurs handicaps en valorisant leurs atouts, en particulier leur belle jeunesse, et en comblant le fossé de l'éloignement. Après avoir réalisé l'égalité sociale avec l'alignement du SMIC en 1995, nous voulons parvenir à l'égalité économique avec la métropole, fondée sur la responsabilité et non plus l'assistanat.

L'égalité économique est l'étape ultime de l'accès à la citoyenneté, tout en gardant à c_ur de respecter les identités diverses. Il faut créer des conditions plus favorables à l'activité des entreprises, et donc à l'emploi. Personne ne peut se satisfaire que 20 % de la population aient besoin du RMI et que le chômage touche 30 % de la population active. Seul un effort constant de la nation peut permettre à l'outre-mer de rattraper son retard. Ses populations apportent à notre pays leurs compétences, leurs talents et leur richesse culturelle. Elles doivent pouvoir compter sur la solidarité nationale pour les aider à répondre aux défis de demain.

Ce texte rendra confiance aux investisseurs, en leur promettant un cadre stable, tout en relançant l'investissement privé. A cet égard, je tiens à défendre la défiscalisation des investissements dans le secteur de la plaisance, qui sont indispensables au développement des activités touristiques. Il faut prévoir des garde-fous, mais si rien n'est fait, en particulier dans les Antilles, ce sera tout bénéfice pour les autres îles, qui n'ont pas les mêmes scrupules !

Madame la ministre, vous allez mettre fin au zapping législatif et réglementaire que la loi d'orientation pour l'outre-mer avait encore accentué.

Vous rompez avec la logique de l'assistanat en soutenant l'emploi marchand par des exonérations et des incitations à l'embauche. A juste titre, vous voulez attirer les investissements dans quatre secteurs : l'hôtellerie, le logement, les énergies renouvelables, l'accès aux capitaux pour les entreprises. Vous retrouvez ainsi l'inspiration des lois Pons et Perben, qui avaient permis de créer des milliers d'emplois.

Vous avez eu raison de mettre l'accent sur les PME qui représentent 80 % des entreprises d'outre-mer.

Nous nous félicitons aussi des mesures spécifiques pour l'emploi des jeunes.

Enfin, après le passeport mobilité, qui représentait une première étape, vous instaurez véritablement la continuité territoriale, si longtemps attendue.

Au-delà de ces mesures, ce débat nous donne l'occasion de souligner la chance que représente l'outre-mer pour la France, à laquelle il donne une dimension mondiale, et aussi pour l'Europe qui doit continuer à le faire bénéficier de mesures spécifiques au-delà de 2006. J'espère, Madame la ministre, que vous pourrez nous donner des assurances à ce sujet. Il faut tordre le cou à certaines idées reçues et je le fais en tant que député métropolitain.

Première idée reçue, l'outre-mer nous coûte cher. En vérité, la dépense publique moyenne par habitant est de 4 132 € outre-mer, contre 4 220 € pour toute la France.

Seconde idée reçue, l'outre-mer ne crée rien. En vérité, le taux de création d'entreprises y est plus élevé, atteignant 18 % à la Réunion, contre 11,1 % en moyenne nationale.

Troisième idée reçue, l'outre-mer n'innove pas. En vérité, il a des atouts extraordinaires en matière de recherche, de développement des énergies nouvelles et de protection de l'environnement. M'étant rendu à Mayotte en tant que président du Conservatoire du littoral, j'y ai vu des actions exemplaires pour le sauvetage de la mangrove ou pour l'introduction de nouvelles pratiques culturales qui pourraient être transposées dans d'autres zones tropicales.

Madame la ministre, avec cette loi-programme, vous esquissez les contours de l'outre-mer que nous voulons dans quinze ans. En permettant à nos compatriotes ultramarins de prendre toute leur place dans notre destin commun, vous illustrez la formule du général de Gaulle : « C'est grand, c'est beau, c'est généreux, la France ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RÉUNION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le Président - Je réunirai la Conférence des présidents à 14 heures 30 pour aménager l'ordre du jour. En effet, compte tenu du programme chargé qui nous attend, nous devrons siéger cet après-midi et aussi, très vraisemblablement, ce soir. D'ailleurs je viens de recevoir une lettre du Gouvernement en ce sens.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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