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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 100ème jour de séance, 241ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 13 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      RÉFORME DES RETRAITES (suite) 2

      AVANT L'ARTICLE PREMIER (suite) 2

      ERRATUM 19

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites.

AVANT L'ARTICLE PREMIER (suite)

M. le Président - Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles s'arrêtant aux amendements identiques 399 à 547 portant article additionnel avant l'article premier.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 469 pose le problème de l'évolution du pouvoir d'achat des retraités. Les dispositifs en vigueur provoquent déjà un décrochage de leur niveau de vie par rapport à celui des actifs. Les mesures prises par le gouvernement Balladur, et que vous maintenez, lient en effet l'évolution des pensions à l'évolution des prix. Si l'on fait l'hypothèse, pour les vingt prochaines années, d'une augmentation de 37 % à 47 % du pouvoir d'achat, le niveau de vie des retraités se dégradera d'autant.

Cette question est particulièrement sensible pour les salariés bénéficiant du minimum contributif : que se passera-t-il après sa triple revalorisation de 3 % ? Continuera-t-il à être revalorisé ? Si oui, le sera-t-il en fonction de l'évolution des prix, ou du pouvoir d'achat ? La garantie de 85 % du SMIC, accordée aux salariés au moment de leur départ en retraite, suivra-t-elle l'évolution ultérieure du SMIC ?

Nous n'ignorons pas le coût de ces mesures. Ce que nous voulons, c'est que toutes leurs conséquences et leurs incidences soient étudiées précisément, et non pas traitées par-dessus la jambe (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Une discussion annuelle, associant les partenaires sociaux, serait de nature à apporter plus de garanties que celles que vous annoncez. De nombreux pays européens pratiquent ainsi d'autres modes d'indexation, par exemple sur salaire net, ou sur une partie du pouvoir d'achat. Reste à savoir, enfin, ce qu'il se passera si l'un des partenaires sociaux bloque les négociations, ou si les pouvoirs publics négligent de revaloriser régulièrement le SMIC.

M. Pascal Terrasse - Hier soir, M. le ministre n'a pas répondu à nos questions, en particulier sur le taux de remplacement. Qu'il nous dise clairement : « Oui, le taux de remplacement diminuera pour les salariés » ! Qu'il nous donne les chiffres de la dégradation annoncée des pensions ! Ceux qui circulent, en effet, ne correspondent pas à la réalité. La seule indexation des pensions sur les prix se traduira par une baisse de douze points du taux de remplacement en 2020, de vingt points en 2030. Ce Gouvernement confirme-t-il ou infirme-t-il cette estimation ?

J'ai fait une simulation sur la base d'un salaire de 175 000 F en 2000.

M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Parlez en euros !

M. Pascal Terrasse - Je peux même parler en dollars, si vous voulez ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Richard - Capitaliste !

M. Pascal Terrasse - J'ai cru comprendre que le Premier ministre souhaitait maintenir le double affichage quelques mois encore... (Sourires)

Je souhaite, pour ma part, que le Gouvernement nous dise quel sera, selon lui, le montant de la pension d'un salarié qui gagne aujourd'hui 175 000 francs par an ? Nous pourrons ainsi comparer ses chiffres aux nôtres.

L'évolution des prix, ces douze derniers mois, a été, je crois, de 1,8 %. Dans le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, j'avais déjà indiqué que le pouvoir d'achat des retraités diminuait désormais, alors qu'il avait largement augmenté les années précédentes. Ce simple rattrapage commanderait que les pensions soient revalorisées de 1,7 % à 1,8 %, compte tenu de l'évolution des prix dans le prochain PLFSS. Pouvons-nous avoir l'assurance qu'il en sera ainsi ?

Il est d'usage, par ailleurs, que le minimum vieillesse augmente dans des proportions plus importantes que les autres pensions. Est-ce que ce sera encore le cas ? C'est pour toutes ces raisons que je défends mon amendement 539.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58. Alors que nous discutons de ce grand dossier, le Premier ministre a indiqué, hier, que le service public minimum était à l'ordre du jour.

M. Yves Bur - Enfin ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz - Au moment où la contestation sur un projet que refuse la majorité de nos concitoyens bat son plein, c'est une provocation ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Pas pour les usagers !

M. Maxime Gremetz - Ce service minimum est un vieux rêve du Medef et de la droite la plus revancharde (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Et le voilà à l'ordre du jour ! Le Gouvernement a beau prétendre appeler de ses v_ux un débat serein, c'est de l'huile - et de l'huile bouillante ! - qu'il jette sur le feu ! On vient perturber notre débat (Rires sur les bancs du groupe UMP) sur un projet qui est un projet de société !

En réalité, cette provocation vise à détourner l'attention de ce qui se passe ici : on ne parle plus, ce matin, sur toutes les radios, que du service minimum ! Nous avons déjà eu droit, hier matin, à une ingérence étrangère inadmissible dans les affaires françaises : après M. Bush, c'est M. Blair qui salue le courage personnel de M. Raffarin ! Et une dépêche m'apprend que la Banque centrale européenne encourage le Gouvernement à continuer et même à aller plus loin. Vous avez peut-être besoin de soutiens, tant vous en avez peu dans l'opinion publique, mais M. Blair, M. Bush, la BCE plus le service minimum, c'est trop ! Nous nous élevons vigoureusement contre ces façons qui ne sont pas conformes à notre tradition politique (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - Mon amendement 420 est semblable à ceux de mes collègues. On ne cesse de nous dire qu'il faut un débat : il faut donc que nous ayons des réponses ! Et, pour le moment, il n'y en a pas ! En déposant ces amendements qui visent à garantir le niveau des pensions, nous vous avons interrogé, Monsieur le ministre. Et vous ne répondez pas !

Cela veut dire que le niveau des pensions ne sera pas maintenu, et c'est bien pourquoi, d'ailleurs, le rapporteur de la commission des affaires sociales s'est soigneusement abstenu de toute simulation. Si l'on allonge la durée de cotisation, il est clair que ceux qui veulent prendre leur retraite plus tôt verront leur pension réduite. C'était le rôle du rapporteur au fond d'en informer les parlementaires ; il ne l'a pas fait. Je remercie en revanche le rapporteur pour avis de la commission des finances, dont les simulations font apparaître cette baisse. Je vous cite un extrait très objectif de son rapport : « Le salaire annuel moyen est inférieur, avec une indexation sur les prix, à ce qu'il serait avec une indexation sur le salaire moyen. Cet effet est amplifié par le fait que le calcul du salaire annuel moyen retiendra, au terme de la réforme, les vingt-cinq meilleures années au lieu des dix meilleures, et donc qu'un nombre plus important d'années anciennes seront utilisées pour le calcul du salaire annuel moyen.

L'allongement de dix à vingt-cinq ans pour le calcul du salaire annuel moyen accroît par ailleurs le risque que soient pris en compte des aléas de carrière, volontaires ou non ». Quand on sait l'importance qu'ont prise, ces temps derniers, lesdits aléas de carrière, on voit bien que la diminution des pensions est inéluctable. Votre conclusion, Monsieur Bertrand, est malheureusement moins objective : vous écrivez qu'un taux de remplacement de 66 % en 2020 donnera un niveau de pension beaucoup plus élevé qu'un taux des 78 % en 2000. Je vous réponds : c'est encore heureux ! Le rapport pour avis de la commission des finances est donc sans appel : le taux de remplacement diminuera. Nous demandons, nous, que le pouvoir d'achat des pensions soit garanti. Nous vous avons donné des arguments, et les meilleurs qui soient : ceux de la commission des finances ! Nous attendons donc ceux de la commission des affaires sociales et de M. le ministre.

M. Philippe Vuilque - Je défendrai mon amendement 547 en revenant sur un sujet important, qui n'a pas été suffisamment évoqué : la situation des salariés âgés qui ont commencé à travailler très tôt et vont voir diminuer leur pouvoir d'achat de leurs pensions.

Cet aspect est l'une des principales faiblesses de votre réforme. Dans ma circonscription, de nombreux salariés de la métallurgie ont commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans et cotisé pendant quarante ans. Ils souhaitent légitimement partir à la retraite le plus tôt possible. Les préretraites, qui font partie de la panoplie des dispositifs de traitement social du chômage, ont été utilisées par les entreprises pour se débarrasser de leurs salariés âgés, au prix d'un véritable gâchis économique et humain. La branche métallurgique du Medef n'a guère la fibre sociale. En disant cela, je ne fais pas du Zola : venez donc voir dans ma circonscription !

Vous souhaitez, dites-vous, assurer à ces salariés âgés un taux de remplacement correct. Or, le taux d'activité des plus de 55 ans est, en France, l'un des plus bas d'Europe, et le COR a estimé que la solution au problème des retraites passait par une inversion de cette tendance. Aussi propose-t-il de développer une politique de l'emploi spécifique en direction des plus de 55 ans - à l'instar de la Finlande ou du Danemark. Vous entendez, dites-vous, inciter le Medef à négocier sur cette question. Mais vous savez fort bien que la position des entreprises est ambiguë : elles prétendent que leurs salariés âgés souhaitent prendre leur retraite, tout en soutenant l'allongement de la durée de cotisation ! Et l'attitude du Medef n'est pas de très bon augure.

Avec votre réforme, les entreprises auront la possibilité de licencier, par exemple, des salariés de 54 ans ayant cotisé 39 annuités, afin qu'ils soient indemnisés durant trois ans par le régime d'assurance chômage !

C'est pourquoi il faut maintenir le taux de remplacement et le pouvoir d'achat des retraites, notamment pour les salariés âgés.

M. François Brottes - Nous débattons, pour le moment, des principes, du fondement même du pacte social. Et il y a entre nous, de ce point de vue, des différences fondamentales : vous l'avez montré en rejetant notre premier amendement, par lequel nous nous interrogions sur l'avenir du pacte social, du pouvoir d'achat, de l'espérance de vie... La question posée par votre projet est bien celle de la société de demain. Les Français sentent bien que nous sommes à un tournant, et que l'obstination du Gouvernement est à la mesure de l'enjeu social.

En fait, votre réforme aura pour conséquence de fragiliser encore les plus vulnérables et les plus modestes. C'est pourquoi nous ne pouvons adhérer à votre conception dévoyée de la retraite par répartition. Mon amendement 424 vise à préserver le socle d'un pacte social durable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jacques Bascou - Il faut réaffirmer que notre régime de retraite est fondé sur la solidarité entre tous les Français. Depuis que le débat s'est engagé, les députés de la majorité ne cessent d'opposer les Français entre eux, tentent de les diviser, en accusant certains d'entre eux d'égoïsme ou de corporatisme.

Dans le même temps, le Gouvernement propose une réforme si peu financée qu'elle aura pour conséquence inéluctable l'apparition de nouvelles formules qui ne serviront que ceux qui ont les moyens de financer eux-mêmes leurs pensions. Or, nombreux sont les retraités de la fonction publique qui ont de très modestes pensions. Cessez de les présenter comme des nantis, dans un pays où 50 % du patrimoine est concentré dans 50 % des mains ! Comment les Français pourraient-ils, d'autre part, ne pas s'interroger sur l'avenir des régimes spéciaux ? M. de Charette et d'autres orateurs de la majorité ont montré plus de franchise que le Gouvernement, en expliquant que la réforme présentée aujourd'hui n'est qu'une première étape. Et son financement étant ce qu'il est, on voit bien qu'au fil des ans, on imposera progressivement aux salariés de la fonction publique un allongement supplémentaire de la durée de cotisation. Enfin, en parlant de liberté de l'âge de la retraite, le Gouvernement remet en fait en cause la retraite à 60 ans. Il faut donc adopter l'amendement 408, qui réaffirme le principe sur lequel doit être fondé notre système de retraite : la solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen - En dépit de nos interrogations répétées, nous n'obtenons aucune réponse du Gouvernement...

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Vous parlez tout le temps !

M. Jean-Marie Le Guen - ...ce qui donne à penser qu'il entend traiter la représentation nationale comme il a traité les organisations syndicales : en escamotant le débat.

M. Jean Leonetti - Caricature !

M. Jean-Marie Le Guen - Mais nous prendrons le temps qu'il faudra...

Un député UMP - Nous avons le mois d'août à disposition !

M. Jean-Marie Le Guen - ...jusqu'au mois d'août s'il le faut, mais dans ce cas, les Français jugeront comme il doit l'être ce gouvernement qui, en multipliant les provocations, transforme le débat sur l'évolution du régime des retraites en véritable machine de guerre contre le mouvement social (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Pendant quinze ans, vous nous avez expliqué qu'il n'était pas de réforme possible sans que soit abordée la question des fonds de pension ; aujourd'hui, vous nous présentez un projet de réforme qui n'en dit mot. Vous êtes-vous trompés pendant quinze ans, ou avancez-vous masqués ?

M. Michel Delebarre - Excellent !

M. Jean-Marie Le Guen - J'observe que vous faites régresser les droits des salariés, et ce sans même garantir une réforme durable, puisqu'elle n'est pas financée ! Les hypothèses sur lesquelles vous avez fondé votre projet sont irréalistes, si bien qu'année après année vous continuerez d'allonger la durée de cotisation tout en diminuant le niveau des pensions, créant ainsi les conditions de l'introduction des fonds de pension.

Un député UMP - Tartufferie !

M. Jean-Marie Le Guen - Il y a six mois, Monsieur le ministre, vous avez, en présentant le projet de loi de financement de la sécurité sociale, évalué le besoin de financement de la protection sociale à 7 milliards. Dans son rapport du mois de mai, la commission de comptes de la sécurité sociale l'estime, elle, à 16 milliards ! Si un ministre peut faire une erreur d'évaluation de 9 milliards en six mois, de combien sera l'erreur en vingt ans ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Répondez donc, Monsieur le ministre, à nos questions précises, vous qui avez ainsi organisé le déficit de 16 milliards de la sécurité sociale entre 2002 et 2003 ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Il convient, bien sûr, d'adopter l'amendement 492.

Mme Muguette Jacquaint - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58 de celui-ci. Selon les chiffres qui émanent de votre ministère, on apprend ce matin que la France a perdu 50 000 emplois en un mois.

M. Dominique Richard - Les 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Muguette Jacquaint - Certainement pas ! Au moment où le Gouvernement présente une réforme des retraites assise sur l'hypothèse du retour au plein emploi...

M. le Président - Je vous rappelle qu'un rappel au Règlement fondé sur l'article 58 a trait au déroulement de la séance.

Mme Muguette Jacquaint - C'est bien de cela qu'il s'agit, et j'y viens. Quel âge ont ces 50 000 salariés dont l'emploi a été supprimé ? Il est très important pour la représentation nationale de le savoir. Ainsi pourra-t-elle juger en connaissance de cause de la cohérence des propositions du Gouvernement, cohérence qui ne nous apparaît pas, puisqu'il s'agit, nous dit-on, de faire travailler les salariés plus longtemps. Je demande donc une suspension de séance pour que nous analysions ces statistiques.

La séance, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 40.

M. Michel Françaix - Monsieur le ministre, nous aimerions vous faire confiance mais je ne crois pas à votre capacité de garantir le pouvoir d'achat des pensions de retraite. C'est la raison pour laquelle je défends mon amendement 462.

L'augmentation des cotisations des entreprises, nous dites-vous, serait leur mort. C'est un vieux disque usé : nous avons déjà entendu maintes fois cet argument, dans la bouche de gens moins brillants que vous. Vous ne pouvez pas prendre à votre tour le relais de ces hommes et de ces femmes de droite qui ont dit « L'interdiction d'employer des enfants de moins de dix ans, c'est la ruine des entreprises » (Protestations sur les bancs du groupe UMP), « La sécurité sociale, c'est la banqueroute » (Mêmes mouvements), « Les congés payés, c'est la faillite », « Les comités d'entreprise, c'est la mort de la liberté d'entreprendre » et qui disent aujourd'hui « Le droit de grève, c'est l'anarchie » ! (Mêmes mouvements)

Dans le même esprit, M. Raffarin nous déclare qu'il faut « en finir avec la culture de la paresse » et vous-même, Monsieur le ministre, venez de nous affirmer que la réduction du temps de travail est responsable de l'augmentation du chômage... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Il faut être un peu simpliste, et même, permettez-moi de le dire, un peu simplet (Protestations sur les bancs du groupe UMP) pour croire que les avantages sociaux nuisent à la performance économique.

Notre logique est différente de la vôtre. Nous, nous pensons que pour résoudre les problèmes de société auxquels nous sommes confrontés - qu'il s'agisse des retraites, de l'assurance maladie ou du plein emploi -, il faut mettre tout le monde à contribution, et notamment les entreprises.

M. David Habib - Mon amendement 473 relève d'une vraie logique, celle du pacte républicain qui lie les Français. Nous avons l'impérieuse obligation de préserver la solidarité intergénérationnelle. Or vos déclarations trompeuses marquent votre désir de faire évoluer sournoisement notre système de retraites vers la capitalisation.

M. Madelin, et hier M. Bur, ici-même, ont confirmé leur attachement aux fonds de pension, qui bouleverseraient l'assurance vieillesse et nuisent déjà au financement de notre économie. Rassurez les Français, Monsieur le ministre, en acceptant mon amendement. En refusant de garantir le pouvoir d'achat des pensions de retraite, vous fragilisez notre société et vous handicapez le développement économique de notre pays.

Il est essentiel que cette réforme, non seulement réponde aux besoins d'aujourd'hui, mais aussi préserve le lien de solidarité qui évitera aux retraités de se trouver demain exclus de la communauté nationale. C'est ce principe que j'entends réaffirmer par mon amendement 473, en rupture avec une logique libérale dont on a pu observer les méfaits dans d'autres sociétés occidentales. Nous devons sauvegarder les acquis sur lesquels, à l'issue de la seconde guerre mondiale, s'est édifiée dans ce pays une démocratie, une République fidèle aux idéaux de la Résistance et de la Libération.

Il est temps de lever le masque : ou vous acceptez de garantir le pouvoir d'achat des pensions, ou vous ruinez cet édifice social dont notre collectivité est légitiment fière ! Dans le premier cas, agréez cet amendement qui est, à sa façon, un hommage à ceux qui ont beaucoup travaillé, mais également à ceux qui, dans cette Assemblée, ont construit la République que nous aimons (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Alain Néri - La grande question, ici, est de savoir si vous souhaitez ou non maintenir notre système de retraite par répartition.

M. Denis Jacquat - Oui !

M. Alain Néri - La main sur le c_ur, vous répondez par l'affirmative mais, comme je l'ai dit hier, votre conversion est bien tardive - et je me méfie des conversions tardives ! D'ailleurs, à peine avais-je fini de parler que MM. Préel, de Courson et Bur exprimaient leur intérêt pour les fonds de pension. Pour cette raison et parce que vous avez été d'une discrétion assourdissante lors du vote de l'amendement abrogeant la loi Thomas, notre inquiétude demeure vive. Allez-vous la lever ?

Les Français, qui se mobilisent de plus en plus (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), constatent que ce gouvernement refuse de négocier avec les partenaires sociaux et de traiter les questions de fond. Essayez de vous montrer ici un peu moins sourd et aveugle, et répondez : allez-vous, oui ou non, préserver ce système par répartition, qui est au c_ur de notre contrat social et qui, comme l'a rappelé M. Habib, formait déjà le fondement de la République sociale voulue par le Conseil national de la Résistance ? Allez-vous enterrer une nouvelle fois le général de Gaulle ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mon amendement 515 vise à garantir le pouvoir d'achat des pensions. Vous affirmez que ce sera fait, à hauteur de 85 % du SMIC. Je suppose que, dans ce calcul, vous faites intervenir la retraite complémentaire, avez-vous l'accord du Medef à cet effet ? C'est une précision qui éclairerait utilement le débat et nous permettrait d'améliorer cette réforme superficielle et bâclée !

M. Michel Delebarre - Très bien !

M. le Ministre des affaires sociales - Si vous voulez débattre utilement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), il faut écouter les réponses faites par le Gouvernement ! Hier soir, j'ai dit que cette garantie à 85 % sera obtenue par une augmentation de la retraite servie par le régime général, c'est-à-dire par un relèvement du minimum contributif. Les régimes complémentaires ne seront donc pas sollicités.

Je réponds à vos questions, écoutez les réponses ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Je rappelle qu'aux termes de l'article 31 de la Constitution, les membres du Gouvernement « sont entendus quand ils le demandent » !

M. Augustin Bonrepaux - Encore faut-il qu'ils aient quelque chose à dire ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies - La question des conditions de départ à la retraite s'est posée en des termes divers au cours de notre histoire. Jusqu'aux années soixante, le minimum vieillesse était d'un niveau si faible que ce départ s'accompagnait d'un véritable traumatisme. Puis des lois ont été votées et la situation est devenue plus acceptable. Aujourd'hui, la retraite n'est plus une mise à l'écart, mais un troisième temps de la vie, où s'ouvrent à tous des possibilités que la vie professionnelle excluait auparavant. Or votre projet risque de rompre ce nouvel équilibre. En effet, quoi que vous disiez, il ne préserve pas le système par répartition: il ne fait que préserver une retraite minimale par répartition ! D'où l'amendement 545.

A terme, affirmez-vous dans vos publicités - mais cela se retrouve dans le rapport du COR et dans celui de la commission des finances -, la réforme Balladur et celle-ci permettront un taux de remplacement de 60 %, régime général et régimes complémentaires additionnés. Dans le même temps, vous garantissez un minimum égal à 85 % du SMIC net. Mais, pour apprécier la portée de ce texte, il importerait de savoir combien de Français seront concernés par cette retraite minimale. Mathématiquement, la réponse semble claire : ce sont tous ceux dont le salaire de référence sera inférieur à 140 % du SMIC, soit, si l'on se reporte à l'échelle des salaires actuelle, de 35 à 40 % des retraités. Pouvez-vous confirmer ce calcul ?

A l'heure où, aux Etats-Unis, étant donné la faillite des systèmes par capitalisation, des personnes âgées de 70, voire de 75 ans, sont obligées de se remettre au travail, vous annoncez aux Français que votre réforme assouplit les conditions dans lesquelles ils pourront toucher leur retraite tout en continuant à travailler ; nous ne pouvons que nous interroger sur vos intentions, tant la similitude est grande avec les régimes par capitalisation, qui obligent les retraités à continuer de travailler.

Pour sauver les retraites par répartition, il faut maintenir un haut niveau de pension. Or vous avez bien conscience que celles-ci seront très faibles et c'est pourquoi vous proposez une orientation différente (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Catherine Génisson - Je défends l'amendement 465. Quand on parle du contrat social et du pouvoir d'achat des retraités, il faut évoquer la situation particulière des femmes. Celles-ci, qui représentent 45 % des actifs, savent ce qu'est l'articulation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Je préfère d'ailleurs le terme « articulation » à celui de « conciliation », car elles assument plutôt qu'elles ne choisissent.

Les femmes contribuent au développement de notre pays. Ainsi, 80 % des femmes de 25 à 35 ans ayant deux enfants travaillent, et 55 % de celles qui ont trois enfants. Elles sont aussi de plus en plus nombreuses à créer leur entreprise. Mais elles restent plus longtemps au chômage que les hommes. Leur salaire est en moyenne inférieur de 20 % à celui de leurs homologues masculins. S'agissant enfin de la formation professionnelle et tout particulièrement de la validation des acquis de l'expérience - que nous avons créée mais qui tarde à se mettre en place - la situation est également inégalitaire.

En outre, 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Il en résulte que 10 % des femmes qui travaillent sont en-dessous du seuil de pauvreté.

Le gouvernement de Lionel Jospin avait fait de l'égalité entre les sexes une priorité : je pense à la loi sur la parité, à la loi sur l'égalité professionnelle, à la convention signée par le ministère de l'éducation nationale et le secrétariat d'Etat aux droits des femmes sur l'orientation des filles et des garçons. Je pense aussi à la politique familiale menée alors, qui visait à accorder des avantages familiaux aux parents et non aux seules femmes.

La situation des femmes est particulièrement difficile à l'orée de la retraite. Seulement 39 % d'entre elles ont fait une carrière complète, contre 84 % des hommes. Actuellement, les femmes âgées de 60 à 64 ans perçoivent une retraite de 773 € par mois, contre 1 524 pour les hommes. Entre 50 et 59 ans, seulement 65 % des femmes sont encore en activité, contre 80 % des hommes.

La réforme des retraites ne peut, certes, corriger à elle seule ces inégalités, mais il n'est pas acceptable qu'elle les aggrave. Or l'allongement uniforme de la durée de cotisation et l'article 5, qui établit un rapport constant entre le nombre d'annuités et la durée moyenne de la vie à la retraite, vont pénaliser les femmes. En outre, vous pérennisez le système de décote - que même M. Madelin, qui n'est pas socialiste, a critiqué - et vous l'étendez au secteur public.

Comment voulez-vous que les femmes puissent accepter ce projet ? Vous supprimez même la bonification d'un an par enfant dont bénéficient les femmes dans la fonction publique, alors que cette bonification est de deux ans dans le régime général.

Vous avez expliqué hier que cette mesure était rendue nécessaire par la jurisprudence européenne. Elle n'en pénalise pas moins les femmes fonctionnaires. Il faut prévoir une compensation, comme l'a demandé la délégation aux droits des femmes, dont je salue le travail.

Qu'allez-vous proposer aux femmes qui auront cotisé 122 trimestres, qui seront lourdement pénalisées par la décote ? Vous leur parlez d'égalité professionnelle, mais cela n'a plus de sens en fin de carrière.

Je suis fière de défendre mon amendement.

Mme Odile Saugues - Je défends l'amendement 534 pour dénoncer l'allongement de la durée de cotisation. Vous êtes en effet en pleine incohérence et les Français le comprendront très vite.

Il y a deux jours, un manufacturier clermontois bien connu, qui est aussi une multinationale - j'ai nommé Michelin - a annoncé plus de 300 suppressions de postes. Ce sont autant de salariés qui partiront en préretraite. Vous répondrez qu'il s'agit là d'une mesure douce. Mais ce sont 6 000 à 8 000 suppressions de postes qui sont prévues pour les années à venir ! Les salariés qui travaillent dans des conditions difficiles, sont naturellement heureux de partir plus tôt que prévu, mais ils s'interrogent : avec votre projet, quelle retraite leur sera versée ? Pourront-ils vivre dans la dignité ?

Ce gouvernement, en ne garantissant pas aux retraités un pouvoir d'achat décent, témoigne d'un grand mépris pour le monde du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Nicolas Forissier - Il est honteux de dire cela !

M. Jean-Yves Le Déaut - Monsieur le ministre, vous avez déclaré que le temps de la négociation était fini et que le temps du débat parlementaire était venu. Je m'étonne donc que certains députés, comme M. Denis Jacquat cette nuit, nous accusent de faire de l'obstruction (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Peut-on parler obstruction, quand 150 députés s'efforcent de garantir le pouvoir d'achat des retraités ? (Même mouvement) Sur un sujet de cette importance, comment imaginer que nous puissions revenir dans nos circonscriptions sans avoir seulement débattu ? Les arguments de nos orateurs, au reste, ne sont pas répétitifs. Ainsi, Mme Génisson a évoqué la situation des femmes ; j'ai parlé hier de votre politique de la recherche et des risques qu'elle fait peser sur la croissance future : c'était un argument qui n'avait pas été avancé auparavant.

Certes, une réforme est inévitable (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) mais vous voudriez faire payer les seuls salariés. On aurait pu répartir équitablement l'effort entre les entreprises et les salariés, mais le Gouvernement a préféré la solution du Medef. Celui-ci, totalement satisfait par ce choix, est resté très discret depuis deux mois.

Rappelons qu'il prônait l'allongement de neuf ans de la durée des cotisations pour préserver les retraites au niveau actuel, et de six ans si l'on prenait pour base la réforme Balladur.

La réforme de Guillaume Sarkozy - le frère de l'autre... - c'est de passer à quarante-cinq annuités de cotisation, d'instaurer une décote élevée pour chaque annuité manquante et de ne pas toucher aux revenus du capital, arguant que les entreprises ne pourraient plus supporter le moindre prélèvement supplémentaire. Il oublie de rappeler que, depuis vingt-cinq ans, la part du PIB dévolue au capital a augmenté de dix points, ce qui représente 150 milliards d'euros par an !

La réforme proposée est injuste, car elle aura pour conséquence d'aggraver les inégalités entre retraités. L'augmentation uniforme de la durée de cotisation ignore complètement les inégalités d'espérance de vie selon les professions ; la situation défavorable des femmes ainsi que les difficultés d'accès à l'emploi pour les jeunes. Enfin, les statistiques ne prennent pas en compte les parcours individuels : un ouvrier ou un employé a, en moyenne, une espérance de vie inférieure de sept ans à celle d'un cadre ou d'un professeur d'université.

Entre un cadre et un ouvrier, la probabilité de décéder entre 35 et 60 ans passe de 8,5 à 16 %. A soixante ans, l'espérance de vie d'un ouvrier, est de dix-sept ans ; celle d'un cadre ou d'un professeur d'université de vingt-trois ans. CQFD !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Obstruction ou non ? Man_uvres de retardement ou non ? Chacun peut interpréter comme il le souhaite la situation de notre débat. Nous avons tout le temps devant nous.

Plusieurs députés socialistes - Nous aussi !

M. le Président de la commission des affaires sociales - Vous aussi. Ne pourrait-on élever ensemble le débat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Henri Emmanuelli - Avec vous, ce n'est pas possible !

M. le Président de la commission des affaires sociales - Il faut sortir des procès d'intention, de la mauvaise foi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous ne nous écoutons pas.

M. Henri Emmanuelli - Vous cherchez des incidents !

M. le Président de la commission des affaires sociales - Monsieur Gorce, gardons à l'esprit l'image que nous devons donner de la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58. M. le Président de la commission cherche des incidents en portant des jugements de valeur sur les opinions émises par les uns et les autres. Nous avons le souci d'exposer nos arguments. Que le Gouvernement cesse de juger la façon dont l'opposition conçoit le travail parlementaire.

Je sais que la majorité souhaiterait présenter ce projet tout ficelé avant le 14 juillet pour que le Président de la République puisse en parler (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), mais ce dossier est plus important que des considérations de calendrier.

Les orateurs socialistes auront le souci de rester dans une argumentation propre à faire progresser le débat (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - La garantie des pensions comprend un enjeu essentiel dont nous n'avons pas parlé : la qualité de la vie pendant la retraite et la vieillesse. Il y a un lien entre niveau du salaire et conditions de travail d'une part, niveau des pensions et qualité de la vie d'autre part.

Ceux qui n'ont pas la possibilité de vivre correctement leur vieillesse sont davantage exposés à la maladie et à la dépression, les médecins le savent.

Tout se passe comme si le dossier des retraites n'était considéré que d'un point de vue financier - essentiel, certes - alors qu'il est indissociable de la qualité de vie pendant cette période de l'existence.

M. Pierre Hellier - C'est pour cela que nous sauvons les retraites !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - En ne garantissant pas les pensions, vous provoquez l'angoisse de la majorité des gens quant à leur qualité de vie. Tel est l'enjeu de l'amendement 472. J'en suis fière et je suis prête à me battre bec et ongle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58. Comme M. Dubernard, le groupe communistes et républicains pense qu'il faut un vrai débat.

Des solutions alternatives existent, qui ont d'autant plus de valeur qu'elles ont été élaborées avec le mouvement social.

Il faut élever le débat, mais entre l'article 40 qui s'abat sur des amendements de fond et des paquets d'amendements qui traitent de sujets différents, comment assurer la continuité du débat ? Le débat sur le financement a ainsi été engagé mais interrompu. Bref, pour élever le débat, encore faut-il en avoir les moyens !

M. Michel Delebarre - Je partage assez la remarque de M. Gremetz.

Cela dit, j'hésite à intervenir, pour plusieurs raisons. M. le président de la commission a mis la barre un peu haut en excluant que je puisse utiliser des arguments de mauvaise foi (Sourires). S'il est juge de la bonne ou mauvaise foi de mes arguments, je risque de ne pas avoir beaucoup d'avenir dans ce débat. Entre l'article 40 et les jugements de M. Dubernard, nous en aurons vite fini !

L'amendement 442 est cohérent avec un certain nombre d'autres amendements, et j'en ai été soulagé (Sourires). Dès lors que nous sommes cohérents - avenir des retraites par répartition, évolution du pouvoir d'achat - les réponses pourront être utiles.

Hier, M. le Président de la République s'est exprimé à l'assemblée des mutuelles, et il a bien fait, les mutuelles étant un important système de garanties collectives. Alors que nous débattons des retraites, il a annoncé un autre ensemble de réformes portant sur une autre partie de notre système de protection sociale. Ne croyez-vous pas que la présentation de l'ensemble de la géographie de la réforme aurait été utile ? Croyez-vous que l'on puisse aborder la question des retraites et renvoyer à l'automne d'autres éléments relatifs à nos systèmes sociaux ?

S'agissant du financement, vous ne voulez pas de la CSG. Dont acte. Mais nous aimerions en savoir un peu plus ! Monsieur le ministre, vous avez certainement eu connaissance des déclarations du Président de la République. Il serait bon que vous nous donniez une explication d'ensemble...

Hier, j'ai dû me priver de notre débat : je présidais le conseil de la communauté urbaine de Dunkerque. Comme chaque jour, des hommes et de femmes manifestaient. J'ai accepté de recevoir une délégation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C'est une tranche de vie, mes chers collègues ! Dans un département comme le Nord-Pas-de-Calais, où l'espérance de vie - 72 ans - est inférieure de trois ans à la moyenne nationale, devoir travailler deux ou trois ans de plus pour toucher une retraite éventuellement satisfaisante est loin d'être une donnée négligeable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Serge Janquin - La transformation inéluctable d'un système qui fonctionne depuis des dizaines d'années et avait jusqu'à présent toujours su s'adapter n'est certes pas chose aisée. Le débat sur le financement et la répartition de l'effort est légitime. Celui sur les garanties ne l'est pas moins. Encore faudrait-il que l'effort ne pèse pas sur les seuls travailleurs et que nos débats ne soient pas troublés par de nouvelles menaces. A écouter les déclarations du Président de la République sur le déficit de l'assurance maladie ou du Premier ministre sur le droit de grève, qui constituent autant de provocations - le pire est à venir ! Mais l'insupportable est déjà là. Les effets de votre réforme ne se feront sentir que dans quelques années. Cela ne l'empêche pas de nourrir l'inquiétude de nos concitoyens. Dès lors que vous orchestrez la baisse du pouvoir d'achat des retraites, la capitalisation ne tardera pas à apparaître comme inéluctable. Reste que les plus modestes auront bien du mal à y souscrire.

Un jour ou l'autre - le plus tôt sera le mieux - nous serons confrontés à votre héritage. Nous remettrons alors l'ouvrage sur le métier, nous rouvrirons le dialogue social. L'équité, la croissance et l'emploi que vous compromettez, nous les restaurerons en mettant à contribution ceux que vous privilégiez aujourd'hui ! Nous reconstruirons ce que vous avez détruit ! Voilà ce que je souhaitais dire pour défendre l'amendement 479 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Dufau - La loi Thomas - que le précédent gouvernement a heureusement abrogée - et les propos naguère tenus par l'actuelle majorité sur les fonds de pension et la capitalisation justifient à eux seuls l'amendement 452. Aujourd'hui la majorité ne nous vante plus guère les fonds de pension et la capitalisation. Si elle a vraiment changé d'avis, ce dont je doute, le Gouvernement devrait pouvoir accepter sans difficulté notre amendement.

La retraite par répartition est à la fois le fondement et la finalité du contrat social entre les générations. C'est parce que nous sommes attachés à la justice et à la solidarité que nous exigeons que la loi le reconnaisse expressément .

Mais les principes doivent déboucher sur une réalité concrète. La garantie du pouvoir d'achat des retraites est donc indispensable. D'abord pour défendre la dignité des travailleurs retraités : leur assurer une vie décente, reconnaître qu'ils ont un rôle à jouer dans la société. Les peuplades primitives font monter les anciens aux cocotiers en les abandonnant. Nous, nous faisons le choix de la dignité. La garantie du pouvoir d'achat des retraites a aussi un intérêt économique. La croissance ne dépend pas du pouvoir d'achat des plus riches - que vous favorisez - mais de celui de l'ensemble de la nation. Les retraités aident souvent leurs enfants ou leurs petits-enfants dans les passes difficiles. Ils sont eux-mêmes des consommateurs. Garantir leur pouvoir d'achat, c'est, donc, si j'ose dire, un investissement rentable. N'oublions pas que le système de retraite par répartition est fondé sur l'emploi. L'intérêt individuel des retraités et l'intérêt collectif se rejoignent. Tirons-en les conséquences en organisant, comme pour les salaires, une conférence annuelle sur les pensions de retraite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Marylise Lebranchu - La majorité répète à longueur de temps que nous n'aurions rien fait ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Selon vous, un groupe majoritaire a la légitimité nécessaire pour approuver en quelques jours une vaste réforme sans même prendre la peine d'accompagner la société dans cette réforme.

Lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement en 1997, le chômage avait atteint un tel niveau qu'il était devenu une violence faite à notre société. Nous l'avons combattu avec un certain succès. Dans le même temps, nous avons compris qu'il fallait, pour réformer les retraites, passer par une phase de concertation et de débat qui a donné naissance à un document. Ce document, vous l'avez repris - j'avoue que nous n'avions pas prévu de nous retrouver dans l'opposition - mais vous persistez à penser que l'on peut débattre de la réforme à l'écart de la société. Pour ma part, je ne le crois pas, et je vous incite à la plus grande prudence. Quand en plein débat sur les retraites, le Président de la République annonce aux mutuelles qu'il est temps de penser à l'assurance maladie (Protestations sur les bancs du groupe UMP), l'inquiétude est légitime.

J'en viens à l'amendement 494. Vous faites le choix idéologique de ne pas inscrire la garantie du pouvoir d'achat des retraités dans le texte, lequel ne tient compte que d'une seule variable du dossier : l'allongement de la durée de cotisation. Ce choix est dangereux, même s'il est soutenu par une des organisations patronales. L'UPA, en particulier, n'y adhère pas.

Après la réunion du 15 mai, vous avez dressé un relevé de décisions.

La lecture des commentaires faits par chacune des organisations sur le relevé montre un premier grain de sable dans votre mécanique : l'impossibilité de garantir le pouvoir d'achat.

Il est donc grand temps de dire quelle politique de l'emploi le Gouvernement entend définir, au moment où, pour la première fois depuis sept ans, le nombre des suppressions d'emplois a excédé, en France, celui des créations. On ne peut poursuivre le débat sur la réforme des retraites sans parler des créations d'emploi, qui conditionnent le maintien du pouvoir d'achat ! J'ajoute que votre texte, par les multiples inquiétudes qu'il suscite, conduit à la constitution d'une épargne de précaution dramatique pour la croissance.

M. le Ministre des affaires sociales - Mme Lebranchu vient, habilement, de tenter de faire croire que le projet ne serait pas approuvé par toutes les organisations patronales. Or, que dit l'UPA dans son communiqué de presse du 12 juin 2003 ?

Qu'elle « appelle l'ensemble des représentants de l'artisanat à réaffirmer partout en France les raisons de leur adhésion aux mesures actuellement examinées par le Parlement » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean Le Garrec - Je défends l'amendement 491, en soulignant, comme mon collègue Michel Delebarre, que le pacte social est fondé, en particulier, sur la solidarité entre les générations et sur la sécurité sociale et l'assurance-maladie. Or, tous les citoyens savent très bien que la réforme engagée par le Gouvernement leur demande un effort considérable et de grands sacrifices. Ils n'ignorent pas non plus - d'autant que les propos du Président de la République ont été très clairs - que, dans très peu de temps, le Gouvernement leur demandera un effort tout aussi considérable à propos de la sécurité sociale. Dans ces conditions, comment n'auraient-ils pas un formidable sentiment de rage et d'impuissance ? Bien entendu, les grèves s'essouffleront, comme il est naturel, mais ces sentiments demeureront, et cela m'inquiète fortement car je crains l'avenir politique du pays.

J'ajoute qu'il est normal que l'opposition s'exprime autant qu'elle le peut, dans le respect du Règlement. Nous avons d'ailleurs pris des leçons magistrales, à ce sujet, de l'ancienne opposition, et notamment de M. Accoyer, notre rapporteur, auprès duquel nous faisons figure de petits élèves (Sourires).

Cessez, aussi, de prétendre que nous attaquerions les organisations syndicales. Notre collègue Gaétan Gorce a d'ailleurs souligné la légitimité de l'action de la CFDT qui est dans son rôle lorsqu'elle décide de signer un accord. Il reste à ses adhérents de dire s'ils approuvent, ou non, cette signature. Ancien délégué du personnel, j'ai moi-même le plus grand respect pour les syndicats.

Sur le fond, M. le ministre nous a expliqué hier que le taux de remplacement du SMIC serait de 85 %, dont 25 % seraient assurés par les retraites complémentaires. Mais quelle sera l'attitude du Gouvernement si l'issue des négociations qui vont s'engager sur les retraites complémentaires n'est pas celle-là ? Comment assurera-t-il ses engagements ?

M. François Loncle - Le ministre devra répondre à Michel Delebarre qui a formulé une remarque fondamentale. Lorsque, au début des années 1980, nous avons engagé le débat sur la retraite à 60 ans, nous avons d'emblée décidé qu'il s'agirait d'un débat global. Une telle approche est encore plus justifiée aujourd'hui - surtout lorsque l'on entend le Président de la République au congrès de la mutualité.

Non seulement grèves et manifestations ne cessent plus depuis plusieurs semaines, mais chacun de nous est interpellé, à tout moment, dans sa circonscription, par des citoyens de tous âges qui s'inquiètent terriblement de ce que le Gouvernement leur réserve.

M. Jean-Pierre Brard - Même dans la Sarthe !

M. le Ministre des affaires sociales - Dans la Sarthe, j'entends : « Tenez bon ! »

M. François Loncle - Si je ne veux pas voter ce projet, c'est pour ne pas entendre mes enfants et mes petits-enfants me reprocher un jour d'avoir contribué à une régression sociale. Et puis, la plus grande confusion règne dans les arguments du Gouvernement, qui va jusqu'à ignorer, contrairement à ce qu'affirment les médias, toute une série de recommandations du COR. Pire : parfois, le projet les contredit ! Il en est ainsi de ce qui a trait à la disparité des situations face à la retraite, des facteurs qui déterminent l'équilibre des retraites, de l'évolution du rapport entre activité moyenne et pension moyenne, sans parler d'un point fondamental, qui fait l'objet d'une fiche spéciale du COR : le rapport entre âge et travail. Le COR établit en effet qu'il ne suffit pas d'augmenter la durée de cotisation pour augmenter les années travaillées.

Il y a donc non seulement besoin d'explication, mais besoin de renégociation afin que les conclusions du COR soient mieux prises en compte. Le débat doit concerner l'ensemble de notre protection sociale et aboutir à des solutions consensuelles. Tout ceci justifie mon amendement 502.

M. Jean-Louis Bianco - Je suis d'accord avec le rapporteur lorsqu'il dit que nous devons éviter les procès d'intention, mais si chaque fois ou presque qu'un membre de l'opposition avance un argument, on lui répond qu'il est de mauvaise foi, le débat démocratique n'est pas possible.

Monsieur le ministre, je vous crédite de la volonté que vous affirmez être la vôtre de sauver la répartition. Mais les fonds de pension auxquels vous fermez la porte, n'allez-vous pas les réintroduire par la fenêtre ?

Je défends mon amendement 413 car même après votre réforme, la dégradation du niveau des retraites sera de l'ordre de 20 % en 2008 par rapport à 1993. Le taux de remplacement baissera jusqu'à 64 % du denier salaire. Et que sera le pouvoir d'achat des retraites si vous ne prévoyez pas d'indexation annuelle ?

S'agissant de la situation de l'emploi, vous avez en partie raison lorsque vous invoquez le contexte international pour l'expliquer, mais force est de constater qu'entre 1997 et 2002, la performance de la France était meilleure que la moyenne européenne, et que depuis que vous êtes au pouvoir, elle est plus mauvaise. Le fait que l'emploi salarié recule pour la première fois depuis 1996 est profondément inquiétant.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré être ouvert, alors ne vous butez pas. Acceptez au moins une conférence annuelle sur les pensions de retraite afin de garantir leur pouvoir d'achat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Muguette Jacquaint - Je voudrais parler contre l'amendement.

M. le Président - Ce n'est pas le moment.

Mme Muguette Jacquaint - J'ai le droit de m'inscrire contre un amendement !

M. le Président - Nous avons engagé le débat sur une série d'amendements identiques. Il faut d'abord achever leur présentation.

Mme Muguette Jacquaint - Alors j'interviendrai tout à l'heure !

M. Jean-Paul Bacquet - Je défends mon amendement 404.

Pour préserver la retraite par répartition, il faut avant tout sauvegarder l'emploi. C'est la première des préoccupations des Français, même si pendant la campagne présidentielle on a mis la sécurité en avant. Il n'est plus une famille qui n'ait été touchée par le drame du chômage. Sous le gouvernement de Lionel Jospin, deux millions d'emplois avaient été créés, et le nombre de chômeurs avait été réduit d'un million ; malheureusement, les mesures que vous avez prises provoquent une forte remontée du chômage : les cadeaux fiscaux aux plus riches, en effet, se transforment en épargne, et non en consommation.

Il faut se méfier des projections des experts. On invoque les perspectives démographiques, mais gardons à l'esprit que la France a, parmi les pays occidentaux, l'un des taux de natalité les plus élevés, et surtout qu'on ne saurait tout prévoir : pouvait-on en 1910 imaginer ce que serait la démographie en 1950, alors qu'entre-temps il y a eu deux conflits mondiaux ? De même, qui imaginait que le boom économique de l'après-guerre allait être suivi par vingt-cinq ans de chômage de masse et par un blocage de l'ascenseur social ?

Vous nous avez reproché à tort, et de façon injurieuse, d'entretenir une culture du non-travail. Pourtant, entre 1997 et 2002, nous avons prouvé qu'on pouvait faire évoluer l'emploi de manière positive, et qu'on pouvait sortir les jeunes de leur ghetto en leur offrant le moyen d'entrer dans le monde du travail ! Alors, ne nous donnez pas de leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Claude Beauchaud - Pour défendre mon amendement 411, je voudrais revenir sur les propos de M. le Président de la commission, qui a déclaré que l'opposition faisait de l'obstruction.

M. le Président de la commission des affaires sociales - Je me suis interrogé...

M. Jean-Claude Beauchaud - Je vais donc répondre à votre interrogation.

Les citoyens que nous rencontrons dans nos circonscriptions nous disent « Comment ça va, là-haut » ? Ces gens sont inquiets, mais je le suis également, et je le leur dis, lorsque je vois que nous ne pourrons en rien modifier un projet tout ficelé. Nous devrons le voter tel quel, bien qu'il ne garantisse pas à nos concitoyens retraités une vie décente malgré l'allongement de la durée de cotisation et qu'il n'ait pas reçu l'accord d'une majorité des syndicats ! Le Gouvernement persiste dans sa promesse de diminuer les impôts et un de mes collègues a calculé qu'il y gagnerait 7 000 F. Lui ne va pas acheter un peu plus souvent du bifteck : il placera cet argent. Mais ceux qui ne gagnent que 7 500 ou 8 000F par mois et qui ne paient pas d'impôt n'ont aucune chance de faire de même, pour s'assurer une retraite plus décente ! Je déplore donc que nous ne puissions poser le problème du financement.

Demain, et cela justifie mon amendement 411, le fossé se creusera encore entre les Français qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont pas. Des ménages ne pourront plus envoyer leurs enfants à l'école alors que d'autres continueront de recourir à des écoles pour riches, si paisibles à ce qu'on rapporte - comme si mes collègues de l'Education nationale n'avaient pas veillé au bon déroulement des derniers examens !

Il n'est que temps de garantir le pouvoir d'achat des retraités, dans un souci d'équité mais aussi pour faire vivre l'idéal républicain et l'idéal de la Résistance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Bataille - Ce projet remet en cause la retraite par répartition au nom d'une idéologie que l'on ne saurait adéquatement qualifier de libérale, le modèle qui vous inspire étant plutôt celui d'une compétition hargneuse ! Vous n'avez en effet que sarcasmes pour l'Etat providence, qui visait à garantir aux Français un revenu décent tout au long de leur vie. Mais peut-être avez-vous puisé aussi chez M. Madelin qui, durant la campagne, préconisait, lui, le modèle de la tombola ou du loto : à l'entendre, il ne serait pas injuste qu'il y ait des gagnants et des perdants, mais ce le serait que tous n'aient pas la même chance de gain !

Cependant, à votre tombola de la retraite, il est clair que tous n'ont pas les mêmes chances a priori ! Par une sorte de subterfuge intellectuel, vous essayez de faire accroire que, sous l'effet de la démographie, le gâteau à partager se réduirait fatalement alors même qu'il faudrait le diviser en davantage de parts. Pour notre part, nous refusons cette fatalité car il est possible d'accroître le nombre de cotisants : il suffit, comme l'a montré M. Bacquet, de faire de l'emploi notre priorité. Ce n'est pas dans ce sens que s'oriente le Gouvernement, qui se contente d'une politique au fil de l'eau. Certains se résignent même à produire moins. D'autres, dans le même temps, ne voient dans l'immigration qu'une invasion en oubliant qu'elle a contribué à l'équilibre de nos régimes de retraite...

M. Jean Leonetti - En effet.

M. Christian Bataille - On ne peut s'étonner de voir nos concitoyens manifester ou faire grève : comment ne seraient-ils pas inquiets lorsqu'on remet en cause un Etat providence qui garantissait retraites et protection sociale, au profit d'un modèle libéral, d'un modèle américain qui condamne des gens de plus de 70 ans à servir dans des restaurants, mais que vous ne critiquez que lorsque cela vous arrange ? D'où mon amendement 409 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Nayrou - Votre projet conduira à faire reposer pour 91 % le financement des retraites sur les salariés et, pourtant, vous ne renoncez pas aux discours bon chic bon genre sur le thème de l'effort partagé ! De tels propos ont bien mauvaise saveur quand on charge ainsi la barque d'un seul côté...

Vous avez fait le choix d'agir sur le seul troisième levier : la durée de cotisation. Par dogmatisme économique, par suivisme politique et par imprévoyance, vous avez écarté toutes les autres pistes et ce sera catastrophique pour nos retraités. Pas pour tous cependant : derrière vos arguments en trompe-l'_il, on voit en effet poindre la capitalisation ! Lorsque le recours aux seuls salariés atteindra ses limites naturelles, l'aile libérale de votre mouvement aura beau jeu de vous souffler à l'oreille : « Vous vouliez réformer durablement notre système de retraite en vous appuyant sur une répartition omniprésente, vous avez fait travailler les Français plus longtemps, mais le fonds des retraites est en faillite. Il ne reste d'autre solution que la capitalisation ! » Déjà, des hommes d'affaires s'activent dans l'ombre à organiser toutes sortes d'inégalités et à casser le socle sur lequel repose notre pacte entre générations. Ils inoculent le poison de la retraite à plusieurs vitesses. Et vous vous étonnez que les gens descendent dans la rue pour dire non à votre projet !

Mon amendement 514 est là pour prendre rendez-vous pour l'avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Sur le vote des amendements identiques, le groupe socialiste a déposé une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur - Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que ces 149 amendements sont en effet strictement identiques : tous visent à « garantir le pouvoir d'achat des pensions de retraite », comme si ce n'était pas l'objet principal de cette réforme ! La man_uvre est grossière. Nos collègues ne peuvent ignorer que le texte garantit d'abord, lors de la liquidation, un taux de remplacement de deux tiers dans le régime général et de trois quarts dans celui de la fonction publique - la différence tenant à l'existence de régimes complémentaires obligatoires et à la non-prise en compte des primes versées aux fonctionnaires.

Au moment de la liquidation, les pensions vont augmenter, puisque le taux de remplacement va suivre l'augmentation des salaires. Celle-ci, de manière constante, accompagne l'augmentation du PIB (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Une seconde garantie est apportée par l'indexation des pensions sur les prix.

C'est l'immobilisme qui menacerait le pouvoir d'achat des retraités et qui creuserait l'écart entre les Français. Si rien n'est fait, en 2020, le besoin de financement sera sept fois plus important pour le régime général que pour les régimes de la fonction publique.

Au-delà des garanties apportées, il y a donc un problème d'équité à résoudre. C'est pourquoi la commission a repoussé ces amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances - M. Bonrepaux a bien voulu faire état de mon rapport. Je veux éviter tout amalgame, même si je suis convaincu que M. Bonrepaux ne recherchait rien de tel (Sourires).

C'est vrai, le COR a indiqué que nous allions assister à une baisse du taux de remplacement, en raison de la réforme de 1993 - une réforme dont chacun reconnaît par ailleurs qu'elle était nécessaire. Entre 1997 et 2002, personne n'a voulu revenir dessus.

Mais cette baisse trouve aussi son origine dans une autre réforme, dont seul M. Le Garrec a parlé : celle des régimes complémentaires, qui date de 1996. Cette réforme, qui relevait des partenaires sociaux, a eu aussi des effets sur le taux de remplacement.

Cela signifie que ceux-ci continueront de baisser s'il n'y a pas de réforme.

C'est pourquoi, au-delà du constat sur lequel tout le monde s'accorde, il faut s'orienter vers un effort partagé. Si rien n'est fait, le niveau de pensions aura diminué de moitié en 2040.

Par ailleurs, la baisse du taux de remplacement est une chose, celle des pensions en est une autre. Dans certains tracts, on mélange les choux et les navets...

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes un député rural !

M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis - Et j'en suis fier, Monsieur Brard.

Je veux dire que les rédacteurs de ces tracts confondent les salaires d'aujourd'hui avec ceux de 2020 et de 2040, qui seront plus élevés. Ainsi, même si le taux de remplacement évolue comme le prévoit le COR, le niveau des pensions continuera d'augmenter (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). C'est cela, la vérité.

S'agissant des garanties de pouvoir d'achat, il y a les discours et il y a les actes. Ces garanties figurent noir sur blanc à l'article 19 du projet.

M. le Ministre des affaires sociales - Comme l'a déjà dit le président de la commission, le débat sur les retraites méritait mieux que les caricatures du groupe socialiste, justement dénoncées par M. Gremetz.

Vous présentez 150 fois le même amendement, vous répétez à longueur du temps des contrevérités du reste contradictoires, jusqu'à nier, comme l'a fait M. Bataille, les phénomènes démographiques. Tout cela ne contribue pas à élever le débat.

Si vous défendiez des amendements comportant des mesures précises, nous aurions un vrai débat, technique, qui permettrait d'éclairer les Français. Mais tel n'est pas le cas. Ces amendements visent à insérer une formule vague et générale sur la garantie de pouvoir d'achat des retraités, alors que cette garantie figure déjà dans le projet, à l'article 19, qui prévoit l'indexation des pensions sur les prix.

Tous les trois ans, en outre, le Gouvernement réunira les partenaires sociaux pour négocier d'éventuels coups de pouce supplémentaires.

Ces mesures vont améliorer considérablement le dispositif en vigueur, dont les socialistes se sont satisfaits pendant des années.

La loi de 1993 avait prévu une telle indexation pour cinq ans. A l'échéance, le gouvernement de Lionel Jospin n'a pas voulu adopter de mécanisme précis d'indexation. C'est pourquoi, chaque année, c'est dans la loi de financement de la sécurité sociale qu'on revoit le niveau des pensions. Il n'y a plus de règles, plus de garanties.

Enfin, le taux de remplacement ne baissera pas, bien au contraire. Pour les petites pensions, nous avons prévu des dispositions tendant à corriger les effets des réformes précédentes. Je veux en outre redire à M. Le Garrec que la garantie des 85 % du SMIC sera obtenue par l'augmentation du minimum contributif. Elle ne reposera donc pas sur les régimes complémentaires, qui resteront au même niveau de 25 % qu'aujourd'hui.

Parmi les réformes anciennes qui ont eu des effets sur le taux de remplacement, je veux signaler l'indexation des salaires portés au compte, qui date de 1987. Depuis, les socialistes ont passé dix ans aux affaires : dix années, pendant lesquelles ils n'ont pas trouvé le temps de modifier la règle dont ils s'indignent aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, puisque les socialistes veulent faire peur aux Français avec les fonds de pension, je les mets au défi de trouver, dans les programmes de la majorité, une seule référence à la capitalisation (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Nous avons toujours été les défenseurs de la répartition (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Cela n'a pas toujours été le cas des socialises. J'ai cité hier Dominique Strauss-Kahn, qui a écrit un livre avec un représentant du Medef pour faire la promotion des fonds de pension. Je pense aussi à Laurent Fabius, qui est passé aux actes en créant ce cheval de Troie que sont les fonds d'épargne retraite.

M. Beauchaud l'a dit : « il n'y a pas d'alternative ». C'est en effet le cas, puisque vous n'en proposez pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement, sur le fondement de l'article 56, alinéa 3. Certains de mes collègues aimeraient répondre au seul rapporteur qui ait des arguments : celui de la commission des finances.

J'observe par ailleurs qu'il n'y a plus personne au banc des commissions (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Nous voulons débattre avec le rapporteur pour avis qui, dans son rapport, nous présente des tableaux précis sur les taux de remplacement.

Dans le rapport de la commission des affaires sociales, il n'y a rien !

M. le Président - Je vous lis l'article 56, alinéa 3, du Règlement : « Le Président peut autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission. »

M. Augustin Bonrepaux - Mais il y a deux rapporteurs !

M. le Président - Une seule commission est saisie au fond.

M. Denis Jacquat - M. Bertrand n'a quitté le banc des commissions que pour s'installer à son siège, en vue du scrutin public.

Réformer notre système de retraite n'est plus une nécessité, c'est une urgence. L'immobilisme tue la répartition ; la réforme la sauve.

Ce texte ne promet pas un big-bang ni le grand soir, mais le maintien et la consolidation du système par répartition. Il est évolutif, car l'avenir de la répartition doit être géré en continu.

J'ai beaucoup apprécié le propos de Mme Guinchard-Kunstler qui, parmi tous les intervenants, est la seule à avoir fait preuve d'une certaine hauteur de vue. Ses remarques doivent être prises en considération.

Un autre collègue a évoqué la question des emplois-jeunes. Mais ils s'adressaient d'abord à des jeunes en difficulté scolaire ou professionnelle, or, qu'a fait l'Etat ? Il a recruté des bacs +2, +3, +4.

M. Michel Delebarre - Ce n'est pas vrai !

M. Denis Jacquat - M. Cardo pourrait vous en parler !

Vous considérerez toujours comme mauvaises nos réponses à vos questions, quelles qu'elles soient.

C'est de la phobie obsessionnelle, et elle devient toujours chronique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communistes et républicains se préoccupe depuis des années du pouvoir d'achat des retraités. Depuis des années j'entends dire dans cet hémicycle qu'il faut le consolider et l'améliorer. J'en suis ravie.

Or, depuis 1993, les retraites - revalorisées sur l'indexation des prix et non des salaires - diminuent de 1 % par an.

Les retraités comme l'ensemble du pays ont besoin de la hausse des pensions, et pour la croissance, et pour la consommation, et pour l'emploi - je pense en particulier aux emplois créés dans le secteur du tourisme.

M. le Président de la République a dit, hier, qu'il n'y a ni perdant ni gagnant dans la réforme. C'est faux : il y a des perdants et des gagnants, dès lors que l'on se refuse à toucher au capital et aux revenus financiers. Les perdants sont toujours les mêmes. Ce sont les salariés qui paient 90 % de la CSG.

Le financement des retraites doit être fondé sur une autre réforme. Un économiste, il y a quelques jours, disait que la proposition communiste de taxation du capital et des revenus financiers n'avait jamais été tentée. Chiche !

M. Pascal Terrasse - Il est inadmissible de laisser croire que nous faisons de l'obstruction (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le Premier ministre a déclaré qu'il fallait donner du temps au débat, tout l'été si nécessaire.

Il est inadmissible de laisser croire que nos arguments seraient de mauvaise foi. Des amendements essentiels sont tombés sous le couperet de l'article 40. Nous pourrions d'ores et déjà quitter l'hémicycle et vous laisser entre vous.

Plusieurs députés UMP - Oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pascal Terrasse - Si c'est ce que vous souhaitez, pas nous ! Le débat n'a pas eu lieu avec les organisation syndicales. Vous ne voulez pas non plus qu'il ait lieu avec les parlementaires de l'opposition. Curieuse conception de la démocratie.

Quelle contradiction entre les arguments défendus par les deux rapporteurs ! Qui ment ? Pas l'opposition. Je remercie M. le ministre pour l'envoi d'un document du COR fort intéressant. M. Accoyer a prétendu, comme M. le ministre, que le taux de remplacement ne baissera pas. Or, la fiche 9 du document précise : « Le taux de remplacement des salariés du secteur privé baissera ».

Le tableau de l'évolution du taux de remplacement, entre 2000 et 2040, pour une personne ayant accompli une carrière complète à un taux de cotisations sociales et de CSG inchangé, est éloquent. Soit le cas d'un salarié non-cadre du secteur privé ayant toujours perçu le salaire moyen d'un non-cadre : son taux de remplacement, en 2000, est de 84 %, il sera de 71 % en 2020 et de 67 % en 2040.

M. Bertrand a eu l'honnêteté de le reconnaître : oui, le taux de remplacement diminuera. Vos mensonges sont inacceptables (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous souhaitons que les Français sachent la vérité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

A la majorité de 95 voix contre 59 sur 154 votants et 154 suffrages exprimés, l'amendement 469 et les autres amendements identiques ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du jeudi 12 juin 2003

Page 32, dans la deuxième phrase du sixième paragraphe, remplacer « inférieur » par « supérieur ».

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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