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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 104ème jour de séance, 251ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 18 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

RÉMUNÉRATION DES GRÉVISTES 2

DÉROULEMENT DU DÉBAT SUR LES RETRAITES 2

POLITIQUE DE LA FRANCE EN AFRIQUE 3

AVENIR DES MAISONS DE RETRAITE 4

DRONES 5

LOGEMENT SOCIAL 6

INDEMNISATION DES CHÔMEURS 6

LUTTE CONTRE LE TABAGISME 7

SOUTIEN A L'INNOVATION 8

DIPLOMATIE FRANÇAISE 9

POLLUTION DES CÔTES BRETONNES 10

RÉNOVATION URBAINE 10

PUBLICATION DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 11

RÉFORME DES RETRAITES (suite) 11

APRÈS L'ART. 3 12

AVANT L'ART. 4 18

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RÉMUNÉRATION DES GRÉVISTES

M. Claude Leteurtre - Nos concitoyens subissent depuis quelques semaines les désagréments des grèves. Ils les ont compris et parfois acceptés. La grève est en effet un droit constitutionnel, légitime et reconnu, mais qui trouve sa contrepartie dans le non-paiement des jours non travaillés, principe qui lui confère toute sa force symbolique.

Des aménagements existent pour étaler dans le temps les retenues sur salaires. Mais, si la loi ne doit pas être trop rigide, le groupe UDF estime qu'elle doit s'appliquer dans son intégralité. Nos concitoyens ne comprendraient pas qu'il en soit autrement. Dans ce domaine aussi, c'est la justice qui doit guider l'action publique.

L'attitude du Gouvernement sera d'autant plus importante qu'elle aura valeur d'exemple pour les autres employeurs, notamment les collectivités locales (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Quelles sont les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - La loi, toute la loi, rien que la loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Personne, au demeurant, ne songe à demander qu'elle ne soit pas appliquée... La loi est simple, claire, précise et surtout connue de tous ceux qui prennent la responsabilité de faire grève ou d'inciter à faire grève.

Les fonctionnaires sont payés après service fait. Quand le service n'est pas fait, en raison de la grève, le fonctionnaire n'est pas payé. Nous appliquerons la loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La loi doit cependant être appliquée avec discernement (Mouvements divers), et il appartiendra à chaque gestionnaire d'étaler les retenues, dans les limites admises par la pratique et par la jurisprudence.

Que les choses soient claires : chacun doit assurer ses responsabilités et en accepter les conséquences ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

DÉROULEMENT DU DÉBAT SUR LES RETRAITES

M. Michel Vaxès - Une retraite à taux plein avec trente-sept annuités et demie de cotisation : irrecevable ! Aucune pension de retraite inférieure au SMIC : irrecevable ! La validation gratuite, dans tous les régimes, des années de formation : irrecevable ! La même sentence est tombée trop souvent, au nom de l'article 40, pour rejeter sans examen des propositions alternatives au projet du Gouvernement. Refus de vraies négociations hier, refus d'un débat sur l'essentiel aujourd'hui. Monsieur le Premier ministre, vous bridez la délibération de la représentation nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Allez-vous aussi museler l'expression de nos concitoyens et faire obstacle à la volonté de négocier de la majorité des organisations syndicales ? Allez-vous refuser plus longtemps la tenue d'un grand débat public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et l'ouverture des négociations que la majorité de nos concitoyens réclame aujourd'hui ? Allez-vous, enfin, refuser de consulter notre peuple par référendum ?

Les députés et sénateurs communistes et républicains se sont rendus ce matin à l'Elysée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) pour faire part au Président de la République de l'exigence de démocratie qui monte du plus profond de la nation. Un choix de société mérite un verdict populaire. Dans une démocratie, personne ne doit craindre l'expression du suffrage universel ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Quelle est votre question ?

M. Michel Vaxès - Vous vous êtes adressé aux Français ! Accepterez-vous qu'ils vous répondent par leur vote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Ce n'est pas au parlementaire chevronné que vous êtes que je rappellerai que l'article 40 existe dans notre Constitution depuis 1958, et qu'il a été appliqué avec la même rigueur par toutes les majorités, sans aucune intervention des gouvernements. Celui-ci s'est d'ailleurs engagé vis-à-vis du groupe communistes et républicains à répondre à toutes les questions de fond soulevées.

Quant au référendum, vous avez eu raison de vous adresser au Président de la République, car c'est à lui, et non au Gouvernement, qu'appartient la décision. Vous me permettrez, cependant, de vous donner mon avis personnel. Les Français ont choisi une majorité pour qu'elle gouverne, et non pour qu'elle se défausse ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) La longue histoire du parti communiste aurait dû vous apprendre que, si les Français sont souvent nombreux à protester contre les réformes, ils sont encore plus nombreux à sanctionner ceux qui ne les font pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La majorité a décidé de gouverner et de prendre ses responsabilités. C'est ici, à l'Assemblée nationale, que bat le c_ur de la démocratie. Vous devez en être d'ailleurs vous-mêmes convaincu, sans quoi vous ne nous auriez pas conduits à passer plus de 60 heures pour examiner trois articles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

POLITIQUE DE LA FRANCE EN AFRIQUE

M. Antoine Herth - L'Afrique est en proie à des crises régionales successives, qui frappent durement les populations et menacent de s'étendre aux régions limitrophes. La France s'est réengagée avec force sur le continent africain, afin d'y favoriser l'émergence de la paix, en recherchant des solutions justes et équilibrées. Refusant l'indifférence, vous avez, Monsieur le ministre, depuis votre arrivée au Quai d'Orsay, participé à plusieurs tentatives de résolution de crises : en Côte d'Ivoire, au Congo, à Madagascar ou encore dans la région des Grands Lacs.

L'Afrique a besoin de partenariats avec des pays comme la France pour relever les défis de la mondialisation, du développement et de la démocratie. La semaine dernière, au quatrième forum de l'IHEDN, vous avez présenté un plan de relance de notre politique économique en faveur de l'Afrique, qui prévoit un effort important pour aider les régions en crise à retrouver le chemin de la paix. Pouvez-vous nous dire quels sont les principes qui guident cette politique, et quel est le cadre concret de notre engagement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - L'engagement de la France sur le continent africain est motivé, tout d'abord par l'urgence : près de la moitié des Etats africains sont aujourd'hui en guerre, et il ne pourra y avoir en Afrique de progrès durable qui ne repose à la fois sur le développement, la démocratie et la paix.

L'Afrique dispose d'atouts importants, qui sont trop souvent passés sous silence. C'est un continent jeune, au potentiel économique considérable, à la forte croissance, et au patrimoine naturel immense.

L'Afrique est donc une chance pour la France. Elle élargit son horizon et son ambition sur la scène internationale, tant du point de vue diplomatique que culturel ou économique. Notre engagement repose sur une volonté de dialogue et sur des principes clairs, au premier rang desquels l'exigence de légitimité, et s'agissant de l'accès au pouvoir comme de l'exercice de celui-ci - ce qui signifie le respect des droits de l'homme et le refus de toute impunité...

M. Jean-Claude Lefort - Comme au Togo !

M. le Ministre des affaires étrangères - ...et la défense de la souveraineté, de l'intégrité territoriale des Etats et de la stabilité régionale, et enfin, l'appui aux médiations africaines, qui sont une condition de l'efficacité et de la légitimité.

Telle est notre politique. Vous avez rappelé les événements de Madagascar, de Côte d'Ivoire, du Congo : chaque fois, nous nous sommes engagés politiquement, voire militairement lorsque c'était nécessaire, et sur le plan économique nous nous employons à renforcer l'aide publique au développement, avec une priorité à l'action des pays africains eux-mêmes dans le cadre du NEPAD. Ainsi la France entend-elle montrer sa solidarité, sa fidélité, et son ambition pour l'Afrique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

AVENIR DES MAISONS DE RETRAITE

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Ma question s'adresse au Ministre de la santé, et non au Secrétaire d'Etat aux personnes âgées (Protestations sur les bancs du groupe UMP), puisqu'elle concerne le budget de l'assurance maladie. Aujourd'hui, l'ensemble des organisations représentant les maisons de retraite, publiques ou privées, se mobilisent pour nous alerter sur le sort des personnes âgées vivant en établissement.

Le gouvernement précédent avait lancé un plan pour la période 2001-2005, plan qui devait permettre d'améliorer l'encadrement en personnel soignant.

Plusieurs députés UMP - Il n'était pas financé !

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Nous savons combien il est important de moderniser l'accueil, combattre la maltraitance et d'améliorer la qualité de vie à laquelle ces personnes ont droit.

Nos maisons de retraite, qui accueillent 680 000 résidants et emploient 250 000 salariés, sont confrontées à de réelles difficultés. Un important retard reste à rattraper, en particulier par rapport à d'autres pays européens.

En 2001 et 2002, les 180 millions d'euros promis ont effectivement été versés. En 2003, après les avoir dans un premier temps annulés, vous ne les avez rétablis qu'à hauteur de 80 millions d'euros, dont une grande partie au détriment des soins à domicile et des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Le Gouvernement ne devrait-il pas pourtant défendre une population trop souvent oubliée sous prétexte qu'elle est âgée, malade et silencieuse, plutôt que de stigmatiser le vieillissement comme étant la cause principale du dérapage des dépenses de santé ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Inscrirez-vous dans le PLFSS pour 2004 les crédits nécessaires au rattrapage du retard pris en 2003 et pour améliorer la qualité des soins aux personnes âgées vivant en établissement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mon collègue Jean-François Mattei s'occupe fort bien de la santé ; j'essaie, quant à moi, de m'occuper des personnes âgées un peu mieux que vous ne l'avez fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Je suis stupéfait de l'arrogance avec laquelle vous parlez de gel des crédits, alors que, des années durant, vous vous êtes payés de mots ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) En 2001, vous aviez signé 330 conventions. Nous en avons signé 1 200 à la fin de 2002, dont 700 dans le dernier semestre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Liberti - Vous n'y êtes pour rien !

M. le Secrétaire d'Etat - Et nous en signerons 1 800 en 2003.

M. François Liberti - Vous n'avez pas d'argent pour les financer !

M. le Secrétaire d'Etat - 80 millions d'euros nous permettront d'en signer 600 pour les maisons de retraites déjà médicalisées et 600 autres en vertu de l'article 32 du décret de 1999, pris par le précédent gouvernement.

Une fois de plus, nous ferons ce que vous n'avez pas fait (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Vous n'avez pas de leçons à nous donner sur la dignité des personnes âgées. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de ceux qui ont parlé pendant des années, alors que nous, nous agissons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

DRONES

M. Yves Fromion - Le salon du Bourget offre une occasion unique de faire le point sur l'évolution des techniques et des matériels en service ou en préparation dans toutes les armées du monde. A cet égard, nous pouvons être fiers des positions tenues par nos industriels.

Nous avons constaté cette année la place grandissante des drones, aéronefs militaires dépourvus d'équipage humain et télécommandés. La France a acquis, dans leur conception et leur utilisation, une expérience remarquable, notamment à l'occasion des conflits dans les Balkans et la loi de programmation militaire prévoit que nos forces seront dotées de drones de reconnaissance, équipements indispensables au renseignement, au soutien tactique et à la supériorité aérienne.

Allant au-delà des engagements de l'actuelle loi de programmation militaire, vous venez d'annoncer, Madame la ministre de la défense, le lancement d'un programme français de démonstrateurs d'avions de combat non pilotés, doté d'un budget de 300 millions d'euros (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Il s'agit là d'une initiative majeure, qui illustre l'ampleur des efforts voulus par le Président de la République et par le Gouvernement pour conforter notre défense et notre place dans le monde. Pouvez-vous préciser les modalités de cet engagement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Préparer l'avenir est une exigence essentielle, tant pour nos armées que pour notre industrie de défense, et la maîtrise de la technologie des drones est à cet égard un enjeu majeur. Nous sommes à la fin d'un cycle de recherches sur les avions de combat de quatrième génération, et une vingtaine d'années seront probablement nécessaires avant le développement des appareils de cinquième génération. Nous devons donc assurer le maintien de nos compétences dans ce domaine et c'est pourquoi j'ai décidé de lancer le programme UCAV de démonstrateurs d'avions de combat.

Il s'agit d'une initiative française, reposant sur l'association de Dassault et de Thales, mais ouverte, bien entendu, à des partenaires européens, qui seront choisis sur des critères d'excellence. Le suivi du programme, auquel j'attache une attention particulière, s'appuiera sur une étroite coopération entre l'Etat et les industries et nous permettra de faire voler un premier démonstrateur à la fin de 2008.

La France démontrera ainsi son rôle moteur dans la construction de l'Europe de l'armement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

LOGEMENT SOCIAL

M. Alain Ferry - Depuis le débat de la législature, le Gouvernement multiplie les actions en faveur du logement social (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

La politique menée dans ce domaine doit répondre à un double objectif : satisfaire une demande de plus en plus forte ; réhabiliter les logements devenus insalubres. Notre majorité a donc voté, à l'automne dernier près de 360 millions d'euros de crédits pour financer la construction de 54 000 nouveaux logements (« Ils ont été gelés » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Aujourd'hui, le mouvement HLM est inquiet. Le Gouvernement a suscité un formidable espoir, notamment dans les quartiers sensibles, mais les rumeurs les plus folles circulent : les crédits pourraient être gelés, voire annulés (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le plan annoncé par le Gouvernement verra-t-il bien le jour en 2003 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Parce que la demande est considérable, le logement social est bien une priorité du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). En ce qui concerne le secteur locatif, nous dialoguons en permanence avec l'Union sociale de l'habitat, présidée par M. Delebarre, pour que les maîtres d'ouvrage et les bailleurs sociaux puissent agir plus efficacement et les premières réponses apportées par M. Delebarre me paraissent d'excellente qualité (« Ah ! » sur divers bancs). M. le Premier ministre m'a autorisé à utiliser les marges de man_uvre budgétaire de mon ministère pour tenir intégralement les engagements pris. En 2003, nous construirons donc au moins autant de logements sociaux qu'en 2002, c'est-à-dire plus qu'en 2000 et en 2001 (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Mais, parce que chacun rêve d'être propriétaire, j'ai présenté ce matin une communication au Conseil des ministres sur l'accession sociale à la propriété et j'espère vous soumettre un projet de loi à l'automne, afin de permettre à chaque Français, quels que soient ses revenus, de devenir un propriétaire heureux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

INDEMNISATION DES CHÔMEURS

M. Daniel Vaillant - M. le Premier ministre devrait rappeler à ses ministres ou secrétaires d'Etat que, lorsqu'un député de l'opposition pose une question, comme l'a fait Mme Hoffman-Rispal, cela n'a rien d'arrogant. La santé des personnes âgées mérite mieux que la réponse de M. Falco ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La nouvelle convention d'indemnisation du chômage signée en décembre 2002 s'applique depuis le 1er janvier 2003. Or, ses dispositions sont inquiétantes pour trois catégories de chômeurs.

Les chômeurs couverts par l'ancien dispositif devront-ils eux aussi subir la nouvelle convention ? Si tel est le cas, ce sont les droits de plus d'un million de personnes qui seront brutalement réduits - jusqu'à dix-huit mois d'indemnisation pour certains. Quel plan social ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Avez-vous prévu, en second lieu, de mettre en place un revenu de substitution pour les chômeurs de plus de cinquante ans ? En effet, ceux âgés de plus de cinquante-cinq ans ne seront plus indemnisés, désormais, que pendant trois ans. Devront-ils demander le RMI en attendant de faire valoir leurs droits à la retraite ? Dans ce cas, comment voulez-vous qu'ils valident les annuités exigées, puisqu'ils ne cotiseront plus ? (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Vous engagerez-vous à rendre plus contraignant le licenciement des salariés âgés de cinquante à soixante ans, alors même que votre projet sur les retraites prévoit qu'ils devront travailler plus longtemps ? Pouvez-vous laisser se dégrader à ce point la situation de tant de chômeurs, alors que l'UNEDIC sera excédentaire dès 2004 ?

Enfin, inciterez-vous l'UNEDIC à redistribuer ses excédents en donnant la priorité aux chômeurs les plus démunis ayant occupé des emplois précaires de courte durée et qui ont souvent cotisé très longtemps avant d'être victimes d'un licenciement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communistes et républicains)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Merci, Monsieur Vaillant, d'avoir confirmé les prévisions du Gouvernement sur la reprise de l'activité, qui permettra aux comptes de l'UNEDIC d'être équilibrés en 2004 (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Les partenaires sociaux, gestionnaires de l'UNEDIC, ont conclu en décembre 2002 un accord pour sauver l'assurance chômage de la faillite. L'Etat, qui n'avait aucune raison de désavouer les signataires de cet accord courageux, l'a agréé. Cet accord prévoit une augmentation des cotisations, un emprunt de six milliards garanti par l'Etat et un aménagement des conditions d'indemnisation. L'un de ses objectifs, partagé par le Gouvernement et les partenaires sociaux, n'est d'ailleurs pas sans lien avec le débat sur les retraites, puisqu'il s'agit d'harmoniser les règles d'indemnisation entre les chômeurs de plus et de moins de cinquante ans, afin d'éviter les discriminations dont sont victimes les salariés âgés, que les entreprises préfèrent souvent faire partir avant l'âge de la retraite - aux frais de la collectivité. Je précise que la nouvelle réglementation ne concerne pas les demandeurs d'emploi indemnisés au 31 décembre dernier. L'accord maintient par ailleurs l'ensemble des moyens consacrés par l'UNEDIC à la formation et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Il étend même les aides à l'embauche en activant des dépenses passives d'indemnisation...

Plusieurs députés socialistes - Ce n'est pas la question !

M. le Ministre des affaires sociales - Comme dans bien des domaines, le gouvernement précédent voulait dicter sa loi aux partenaires sociaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ce gouvernement, lui, les respecte. Il en apportera encore une nouvelle preuve en les invitant à débattre de la formation professionnelle, de la suspension de la loi de modernisation sociale et de la modernisation des règles de la négociation collective. Quelles que soient les difficultés, le Gouvernement s'en tiendra à sa règle, qui est de respecter le dialogue social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

LUTTE CONTRE LE TABAGISME

M. Lucien Degauchy - Près de cinq millions de personnes meurent chaque année, dans le monde, de maladies liées au tabac. L'OMS a travaillé durant quatre ans à l'élaboration d'une importante convention-cadre de lutte contre le tabagisme. Celle-ci comporte des dispositions internationales concernant la prévention et le traitement du tabagisme, la publicité sur le tabac, l'étiquetage, la taxation, le commerce illicite des produits. Ouverte à la signature depuis lundi dernier, la convention doit être ratifiée par quarante pays pour entrer en vigueur dans chacun d'eux. Alors que de nombreux pays l'ont déjà signée et que l'Union européenne s'est engagée en ce sens, quelle est la position de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Le tabac est en effet une cause majeure de mortalité, d'autant plus inacceptable qu'elle est évitable. La France s'est engagée avec détermination dans la lutte contre les méfaits du tabac. Elle a notamment joué un rôle moteur dans l'adoption de la convention internationale que vous avez citée. Elle en a été, avec l'Union européenne, l'un des premiers signataires, voilà deux jours, et elle en appliquera bien volontiers les dispositions contraignantes.

Notre pays s'est également beaucoup impliqué dans l'élaboration de la directive européenne visant à interdire la publicité sur le tabac - avec effet transfrontalier. J'ai par ailleurs demandé, lors du dernier conseil des ministres de la santé de l'Union européenne, que la Commission présente, d'ici à la fin de l'année, des mesures concrètes pour lutter contre les effets pervers de la disparité de la fiscalité sur le tabac dans les différents pays. Enfin, dans le cadre des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, la France défend l'idée d'une compétence partagée élargie en matière de santé publique, souhaitant qu'à tout le moins les substances nocives pour la santé, comme le tabac, soient traitées davantage sous l'angle de la santé publique que sous l'angle commercial (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SOUTIEN A L'INNOVATION

M. Philippe Pemezec - Madame la ministre déléguée à l'industrie, la presse se fait régulièrement l'écho de délocalisations d'entreprises hors du territoire national (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), la plupart du temps justifiées par la législation rétrograde adoptée par le gouvernement précédent (Protestations sur les mêmes bancs).

Pourtant, la France dispose d'un atout majeur grâce à ses entreprises innovantes. Dix mille sont ainsi créées chaque année, contribuant à la création de plus de deux cent mille emplois qualifiés. Il faut encourager et soutenir davantage ces entreprises, qui constituent la richesse de demain. Cela passe par toute une panoplie de mesures : amélioration de l'environnement fiscal (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ainsi que du statut de créateur d'entreprise, recherche de nouveaux financements, incitations à la recherche et à l'innovation. Il faut aussi leur donner les moyens d'être plus compétitives. Une loi destinée à faciliter la création et le financement d'entreprises est sur le point d'être votée et vous-même, Madame la ministre, travaillez à des mesures en faveur des jeunes entreprises qui consacrent une part importante de leur chiffre d'affaires à la recherche-développement. Celles-ci attendent beaucoup de vous : pouvez-vous leur indiquer les grands axes de votre politique de soutien à l'innovation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Chacune de mes visites de terrain (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) me conforte, s'il en était besoin, dans ma conviction que les entreprises pourront d'autant mieux résister à la concurrence qu'elles seront en mesure de diversifier leurs produits, leurs services, leurs savoir-faire par leur créativité et leur innovation. Des pays comme les Etats-Unis, le Canada, le Japon, mais aussi l'Allemagne et le Royaume-Uni, ne s'y sont pas trompés, qui ont fait de l'innovation une priorité.

Malheureusement, la France a pris au cours de ces dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) un retard préjudiciable. Aussi avons-nous recherché, dès notre arrivée aux affaires, les mesures fiscales ou sociales les plus efficaces pour aider les entreprises innovantes. Ces mesures vous seront proposées en loi de finances, de façon qu'elles puissent entrer en application au 1er janvier 2004.

Au-delà, nous moderniserons le crédit d'impôt-recherche, auquel davantage d'entreprises pourront avoir accès, dès lors que sera pris en considération le volume de leurs dépenses de recherche-développement, et non plus seulement son accroissement (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Les dépenses éligibles seront également élargies, de façon à mieux correspondre aux exigences de l'innovation. Des propositions vous seront faites en ce sens très prochainement.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

Mme la Ministre déléguée à l'industrie - Toutes ces mesures renforceront la compétitivité de nos entreprises et l'attrait de notre territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DIPLOMATIE FRANÇAISE

M. Paul Giacobbi - Ma question s'adresse au ministre des affaires étrangères. Le 19 mars dernier, dans un communiqué à l'AFP, j'indiquais en substance que les dernières semaines avaient sans doute été un grand moment pour nos dirigeants mais qu'à moins de confondre le spectacle et l'influence, les mots et les actes, les applaudissements furtifs et les engagements diplomatiques, l'heure du bilan risquait d'être celui d'une importante perte de crédibilité internationale pour la France (Huées sur les bancs du groupe UMP). L'heure de ce bilan a sonné. Monsieur le ministre, vous qui vous illustriez alors par vos formules et vos attitudes flamboyantes, en êtes aujourd'hui à quémander un geste, un regard, une parole de la puissance dominante (Mêmes mouvements). Ce qui est en cause n'est pas le choix fondamental, parfaitement légitime de la paix, de la stabilité, du primat du droit sur la force - vous avez d'ailleurs bénéficié du soutien sans faille de l'opposition dans cette voie -, mais bien une diplomatie incohérente, brusquement passée des principes au pragmatisme, de la grandiloquence à l'effacement, de l'agressivité à la soumission, de la clarté à l'ambiguïté (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP).

Ainsi nous assurez-vous que l'ONU, que vous placiez alors au centre de tout, revient. Certes, mais dans quel état ? La résolution 1483, que vous avez soutenue, revient à renoncer à toute remontrance à l'égard de l'autorité occupante, à lui conférer un mandat quasiment illimité, à lui donner le contrôle des exportations de pétrole irakien, à réduire le rôle de l'ONU à celui d'observateur, et, au passage, à transférer un milliard de dollars de ses caisses à New York à celles des Etats-Unis à Bagdad (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Monsieur le ministre, vous avez évoqué, à la tribune des Nations unies, « la France debout » face aux hommes et face à l'histoire. Nous n'en sommes pas là, plus là. Nous ne sommes assurément plus debout. Mais au fait, où en sommes-nous ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Vous avez raison, la diplomatie n'est pas art de spectacle, mais détermination, persévérance, ténacité, et parfois même humilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

S'agissant de l'Irak, les principes que nous avons défendus hier, nous continuons de les défendre aujourd'hui. Quels sont-ils ? Exigence de légitimité, d'unité de la communauté internationale, de responsabilité. C'est pour avancer dans l'intérêt de l'Irak, mais aussi de tout le Moyen-Orient et de la stabilité dans le monde, que la France a voté la résolution 1483. Je vous invite à relire les projets successifs de résolution, qui vous permettront de mesurer le travail accompli et de constater que le texte final marque bien un retour des Nations unies.

Ce retour de l'ONU se traduit aussi par la nomination d'un représentant du Secrétaire général, M. Vieira de Mello, dont la personnalité exceptionnelle peut faire la différence (« Il n'a aucun pouvoir ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste), et par la définition d'un mécanisme transparent de gestion des ressources pétrolières. Certification du désarmement, respect de la souveraineté de l'Irak (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), installation d'une autorité irakienne légitime : tout ceci suppose une attitude à la fois vigilante et constructive de la communauté internationale, et c'est bien la démarche de la France.

Au niveau bilatéral, nous rétablissons notre présence en Irak par le rétablissement d'une section d'intérêts et par la nomination d'un coordinateur interministériel, qui suivra les opérations de reconstruction.

Au niveau multilatéral, nous participerons à la conférence des donateurs organisée par les Nations unies à New York le 24 juin. Nous restons engagés, enfin, dans les autres foyers de crise du Proche-Orient. Bagdad est essentielle pour la stabilité de la région, mais n'oublions pas Jérusalem : c'est le message que le conseil européen de Thessalonique donnera à la communauté internationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLLUTION DES CÔTES BRETONNES

Mme Hélène Tanguy - Madame la ministre de l'environnement, depuis quelques semaines, le littoral breton est souillé par la pollution du Prestige. Certes, il n'y a pas de marée noire, mais des arrivages récurrents de boulettes. Les communes concernées s'efforcent d'assurer le nettoyage, aidées par quelques pompiers volontaires. Mais le début de la saison touristique va mobiliser les services techniques et, devant ce travail répétitif, à recommencer chaque matin, les maires se sentent démunis et dépassés.

Les plages sont désormais propres, mais il faudra de la main-d'_uvre pour maintenir cette propreté tout l'été. Les rochers, eux, nécessitent des traitements particuliers, tout comme certaines grèves et les cordons de galets. L'association des maires du Finistère et le conseil général de Bretagne demandent des moyens matériels et humains accrus. Pouvez-vous accorder aux préfets une enveloppe supplémentaire (« Allô ? » sur les bancs du groupe socialiste) et affecter des renforts sur le terrain ? Il y a urgence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - Dès l'annonce du naufrage du Prestige, le Gouvernement a pris très au sérieux le risque de marée noire, et ce, à juste titre. Un état des lieux a été établi et des lieux de stockage prévus.

L'actuelle marée noire, diffuse et récurrente, qui affecte la Bretagne est très éprouvante pour les élus locaux et pour les équipes de nettoyage. C'est pourquoi les préfets ont mobilisé des pompiers supplémentaires, et dans quelques jours, Mme la préfète de la zone de défense Ouest va recevoir de nouveaux crédits. J'ai également demandé aux préfets des deux zones de défense concernées de se saisir de la question du nettoyage des rochers, qui est effectivement très difficile, et de procéder à une analyse fine de la situation : en cas de nouvelle pollution, des moyens supplémentaires seront dégagés.

Aujourd'hui comme hier, les communes bretonnes auront l'Etat à leurs côtés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

RÉNOVATION URBAINE

Mme Marie-Josée Roig - Ma question s'adresse au ministre de la ville.

Depuis plus de deux décennies, la crise sociale persiste dans des quartiers qui concentrent des familles fragiles, vivant dans un habitat très dégradé.

Vous avez su tirer les leçons des politiques précédentes et obtenu des crédits qui reflètent la priorité accordée à votre action par le Gouvernement. Parallèlement, vous avez décidé un programme de rénovation urbaine, qui sera l'un des axes forts du projet de loi d'orientation pour la ville examiné ce matin en conseil des ministres.

Ce texte traite en profondeur les causes de la violence urbaine, dans la droite ligne des engagements du Président de la République. Vous proposez en effet de modifier en cinq ans les conditions d'habitat et d'environnement dans ces quartiers, et c'est là une démarche essentielle pour prévenir les violences : il n'est pas d'éthique sans esthétique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mais on sait qu'en ce domaine l'éparpillement des ressources financières a parfois annulé l'effet de levier escompté. Malgré cela, beaucoup de maires se sont lancés dans des projets globaux de rénovation urbaine - comme nous l'avons fait à Avignon.

Comment les mesures contenues dans votre projet vont-elles permettre la reconquête des quartiers en difficulté et sortir leurs populations de la spirale de l'exclusion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine - C'est vrai qu'un certain nombre de quartiers de notre pays sont dans un état de délabrement inacceptable. Au congrès des HLM, hier, le nombre des logements concernés a été chiffré à 600 000 et la situation des équipements et services publics et privés dans ces quartiers est tout aussi dégradée ; certains ont même carrément disparu.

C'est pourquoi, ce matin, le conseil des ministres m'a autorisé à déposer un projet de loi de rénovation urbaine prévoyant une intervention massive dans tous les domaines - habitat, mais aussi écoles, crèches, équipements culturels et sportifs, etc. - : 1 200 millions d'euros par an seront consacrés à ces quartiers prioritaires, afin de régler le problème une fois pour toutes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Les procédures seront simplifiées par la création d'un guichet unique pour tous les partenaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Pour disposer du temps nécessaire, le conseil des ministres a accepté, pour la première fois sous la Ve République, que cette rénovation fasse l'objet d'une loi de programmation sur cinq ans.

Dernière condition du succès, il faut réaliser une union sacrée : les agences créées au service des maires seront conçues et pilotées par les partenaires qui ont signé un accord cette nuit même - HLM et Caisse des dépôts et consignations. Aux maires d'inventer le quartier de leur rêve, à nous d'apporter les crédits manquants !

Un mot enfin, sur les mesures d'accompagnement : 41 nouvelles zones défiscalisées seront créées dans ces quartiers, afin d'y attirer 80 000 à 100 000 emplois, et une nouvelle chance sera offerte aux 650 000 familles qui n'arrivent pas à sortir du surendettement et voient leurs revenus saisis, y compris l'allocation d'adulte handicapé !

Cette loi historique, s'ajoutant à l'augmentation de 5,5 % du SMIC, c'est vraiment une main républicaine tendue à nos compatriotes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de Mme Guinchard-Künstler.

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

PUBLICATION DU RAPPORT D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Mme la Présidente - Le jeudi 12 juin, M. le Président a informé l'Assemblée nationale du dépôt du rapport de la commission d'enquête sur les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib.

M. le Président n'a été saisi, dans le délai prévu à l'article 143, alinéa 3, du Règlement, d'aucune demande tendant à la constitution de l'Assemblée en comité secret afin de décider de ne pas publier tout ou partie du rapport.

En conséquence, celui-ci, imprimé sous le n° 906, a été distribué.

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites.

APRÈS L'ART. 3

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 10817 a pour objet d'accroître les ressources de notre régime solidaire de retraite par un financement provenant de la majoration de l'impôt sur les plus gros patrimoines. Ne me répondez pas, Monsieur le ministre, que cela ne suffirait pas à financer la réforme. Nous le savons bien tous les deux, mais je propose là une ressource nouvelle parmi d'autres - comme, par exemple, les 112 milliards que rapporterait l'élimination des exonérations non justifiées de cotisations patronales. L'élargissement de l'assiette des cotisations, une vraie politique de l'emploi et une hausse des salaires amèneraient également des ressources nouvelles à la protection sociale.

Par cet amendement, nous proposons de majorer de 200 % la cotisation due au titre de l'ISF. Cela permettrait de dégager 4,920 milliards d'euros de recettes nouvelles, qui seraient affectés à la Caisse nationale d'assurance vieillesse ou au fonds de réserve des retraites - ce qui vaudrait mieux que de l'alimenter à coups de privatisations et de bradage des biens de la nation. Nous ne pouvons bien entendu que préconiser que ne s'appliquent pas à cette cotisation majorée les principes de plafonnement posés par l'article 885 V bis du code général des impôts.

Cet amendement fiscalise une partie du financement de la protection sociale. S'il est de la responsabilité de la nation d'assurer aux vieux travailleurs les moyens d'une retraite heureuse, il est logique que la puissance publique prenne le relais en période de crise.

On nous objectera que la majoration d'un impôt « anti-économique » n'est pas sans risque. Mais l'instauration de l'ISF a-t-elle conduit à une dévalorisation des patrimoines imposables ? Non. Pour une Mme Bettencourt, cet impôt ne pèse d'ailleurs pas lourd. Rien ne justifie donc que l'on agite l'épouvantail de la fuite des cerveaux et des capitaux.

M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires sociales - La commission a rejeté cet amendement. La multiplication par trois du produit de l'ISF ne couvrirait même pas 10 % des besoins de financement en 2020. Elle serait en revanche contre-productive pour notre économie en pénalisant l'investissement et en poussant à la délocalisation.

Mme la Présidente - Sur le vote de l'amendement 10817, je suis saisie par le groupe communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Hier après-midi, Mme Billard nous proposait une taxe de 1 % sur l'ISF. M. Gremetz fait plus fort : il propose 200 % ! Cela représente un peu moins de 5 milliards d'euros, soit 10 % des besoins de financement supplémentaires qu'exige le projet du groupe communiste. La ressource n'est donc pas à la hauteur des enjeux. Qui plus est, elle rompt avec la philosophie de la répartition, que nous entendons préserver. Rejet.

M. Maxime Gremetz - J'avais pourtant pris soin de vous demander de ne pas m'objecter que notre proposition n'était pas à la hauteur des besoins ! En regard des 50 milliards de dépenses, nous proposons des ressources, à commencer par l'élargissement de l'assiette des cotisations. En effet, non seulement celle-ci se réduit...

M. François Goulard - C'est faux !

M. Maxime Gremetz - ...mais on multiplie les exonérations de charges patronales !

M. François Goulard - A cause des 35 heures !

M. Maxime Gremetz - Je me fonde sur les chiffres de votre ministère : 16,6 milliards d'euros, qui vont à la spéculation et aux restructurations sauvages ! Nous proposons également une modulation de la taxation, qui rapporterait 16 milliards d'euros.

Enfin les revenus financiers qui ne sont pas taxés devraient être intégrés dans l'assiette des cotisations : voilà 4,5 milliards de recettes en plus. Nous arrivons bien à 56 milliards au total. Puisque nous augmentons les recettes, nous échapperons cette fois à l'article 40 !

M. François Goulard - Et une taxe sur les grâces présidentielles, cela devrait rapporter !

A la majorité de 85 voix contre 16 sur 101 votants et 101 suffrages exprimés, l'amendement 10817, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Puisque vous avez refusé de financer la réforme par l'ISF, l'amendement 10818 vous propose une autre solution : affecter le produit d'une augmentation de cet impôt au fonds de réserve des retraites, qui aurait dû être alimenté par une partie de la vente des licences UMTS.

M. Jean-Claude Lenoir - C'est Jospin qui l'avait dit, et il n'y a rien !

M. Maxime Gremetz - Nous refusons d'abonder ce fonds qui est un fonds de lissage, avec les recettes des privatisations. La vente du patrimoine national dépossède le pays de ses moyens économiques et industriels. En revanche, je ne vois que des avantages à notre proposition.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement. D'abord parce qu'elle entend préserver le principe de la répartition et que la proposition de notre collègue n'est pas à la hauteur des besoins. La surtaxation conduirait à un effondrement du produit de l'impôt. Avec le produit attendu pour les 17 années qui nous séparent de 2020, on n'arrive même pas à la somme hypothétique de 150 milliards avancée par M. Jospin en 2000.

M. Pascal Terrasse - Répondez sur l'amendement !

M. le Rapporteur - Si toutefois elle était atteinte, en l'absence d'autre réforme, le besoin de financement annuel reste évalué à 50 milliards d'euros. Le fonds de réserve des retraites ne comblerait donc le déficit que pendant trois ans. Que fait-on avant ? Que fait-on après ? Cet amendement n'aboutirait qu'à plomber notre économie.

M. le Ministre - Même avis.

M. Alain Néri - Je voterai cet amendement. Il permet de revenir sur la baisse de l'ISF que vous avez orchestrée, qui est totalement inéquitable. C'est donc une mesure de justice. Nous sommes convaincus qu'une réforme des retraites est indispensable (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Arnaud Montebourg - Pas celle-là !

M. Alain Néri - Mais vous ne faites pas une réforme des retraites, vous faites une _uvre de régression sociale ! Nous avons proposé de modifier l'assiette des cotisations sociales (« Elle est vide ! » sur les bancs du groupe UMP). Nous avons le courage de reconnaître qu'il faut majorer les cotisations ouvrières... (« Mais pas celui de le faire ! » sur les bancs du groupe UMP) Mais nous voulons que l'effort soit partagé. Votre pseudo-réforme le fait peser sur les seuls salariés. Nous défendons une augmentation des cotisations patronales, et nous avons proposé hier de taxer la richesse produite - à ne pas confondre avec la TVA ! Cette dernière, M. Juppé l'avait augmentée de deux points, alors que nous l'avons diminuée, et que nous avons mis en place en outre une baisse ciblée à 5,5 % sur les travaux de rénovation du bâtiment, pour la plus grande satisfaction des entreprises de ce secteur et de l'UPA. J'ai même cru comprendre que la majorité actuelle souhaitait conserver cette mesure.

J'invite l'Assemblée nationale à voter l'amendement de M. Gremetz, premier pas vers le partage de l'effort.

M. Maxime Gremetz - Si vous acceptiez mon amendement, ce serait 5 milliards de moins à payer pour les salariés. Si ce n'est pas la panacée, au moins est-ce une bonne _uvre !

Pour ce qui est de l'impôt sur la fortune, j'ai fait preuve de curiosité : le produit de l'ISF est passé de 2,66 milliards en 2001 à 2,46 milliards aujourd'hui, alors que, dans le même temps, le nombre de contribuables augmentait ! Les taux sont dérisoires, à peine 1 % pour un patrimoine compris entre 2,3 et 3,6 milliards d'euros (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Novelli - Ce sont des millions ! Pas des milliards !

M. Maxime Gremetz - Dès qu'on parle de l'ISF, vous vous fâchez ! Si vous demandez à ceux qui ont le moins de financer une réforme injuste, ne vous étonnez pas que plus de la moitié des Français s'opposent à votre projet !

L'amendement 10818, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Hier soir, nous avons longuement débattu de la nécessité d'inscrire ou non dans la loi la notion de pénibilité. Dans la mesure où vous retenez, pour répondre au défi démographique, la seule option de l'allongement de la durée de cotisation, les inégalités ne pouvaient que s'accentuer, et c'est tout à l'honneur de la représentation nationale de s'attacher à cette question.

Vous nous avez répondu que cette disposition n'était pas à inscrire dans la loi, mais que les partenaires sociaux avaient toute votre confiance. Raison de plus pour faire figurer dans la loi le mécanisme qui leur permettra de se saisir de la question.

Tel est l'objet de notre amendement 11173, qui précise que les organisations visées au premier alinéa de l'article L. 132-12 du code du travail se réuniront pour négocier tous les trois ans sur la pénibilité.

M. le Rapporteur - Défavorable, cet amendement étant satisfait par les articles 12 et 54 du projet, complété d'ailleurs par plusieurs amendements de M. Xavier Bertrand.

M. le Ministre - Même avis. Un amendement du rapporteur de la commission des finances renforce en effet l'obligation de négocier, et cette question sera débattue à l'article 16.

M. Denis Jacquat - C'est vrai, la pénibilité doit être inscrite dans la loi, et elle l'est aux articles 12, 16, et 54 ! Hier, parmi les nombreux intervenants, seule Mme Catherine Génisson l'a reconnu.

L'article 3 ne concerne que l'équité entre les mono-pensionnés et les pluri-pensionnés. A part les Pays-Bas - et encore est-ce par le biais de l'invalidité - aucun pays n'a inscrit la notion de pénibilité dans la loi, du fait de la difficulté à la définir objectivement. Grâce au travail mené avec les partenaires sociaux, notre pays sera à l'avant-garde. La France nous regarde, cessons de faire du surplace !

M. Alain Néri - J'ai écouté les explications embarrassées de notre rapporteur (Protestations sur les bancs du groupe UMP), les rares éclaircissements du ministre, et les propos confus de M. Jacquat (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - C'est une insulte !

M. Alain Néri - On nous parle d'article 12, puis 16, puis d'autres encore ! Quelle confusion ! Cet amendement aura le mérite de rendre effective la négociation avec les partenaires sociaux.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Vous vous êtes déjà longtemps exprimé sur ce sujet, ne provoquez pas en outre vos collègues ! Essayez d'éviter la mauvaise foi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pascal Terrasse - Depuis une dizaine de jours, M. le rapporteur et M. le ministre se réfèrent à M. Michel Rocard...

M. le Rapporteur - Il s'est encore exprimé dans la presse aujourd'hui !

M. Pascal Terrasse - Justement. Et il donne une leçon au Gouvernement dans Le Monde. La négociation, note-t-il, aurait pu être plus longue et la pénibilité prise en compte dans la réforme. C'est d'ailleurs là un des quatre points forts développés par François Hollande dans ses propositions.

Sur ce point, vous avez tout faux. Vous dites que la législation d'aucun autre pays européen n'a pris en compte la pénibilité. Voulez-vous dire que notre république sociale serait à leur remorque ? Il me semble que M. Fillon, lors du débat sur Maastricht, faisait preuve d'exigences plus fortes.

Je suis prêt à voter cette loi si vous me prouviez que le terme de pénibilité apparaît au moins deux fois. Il ne s'y trouve qu'une fois, à l'alinéa 4 de l'article 12 qui dispose que la pénibilité pourrait être prise en compte dans le cadre des départs anticipés à la retraite.

Nous, nous pensons que certaines catégories professionnelles pourraient bénéficier de bonifications. Mme Guinchard-Kunstler a évoqué hier le cas des infirmières, qui travaillent de nuit. Vous-mêmes admettez du reste la pénibilité du travail des enseignants. Pourquoi pas d'autres catégories ?

Oui, nous souhaitons l'ouverture de véritables négociations sur ce sujet. Ce qui est bon pour les militaires doit être bon pour tous les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre - Ce texte comporte une véritable innovation sociale : pour la première fois, nous invitons les partenaires sociaux à engager des négociations sur la pénibilité.

Aucun autre pays européen, c'est vrai, ne s'est aventuré sur ce terrain difficile. Légiférer sur la pénibilité, c'est fixer d'en haut, pour longtemps, la liste des métiers considérés comme pénibles. Je pourrais commencer l'exercice dans cet hémicycle : le travail des personnels du compte rendu analytique est-il plus pénible que celui des employés du compte rendu intégral ? (Sourires)

Par ailleurs, nous n'avons pas l'intention de faire payer à l'ensemble des cotisants l'existence de métiers pénibles qui pourraient être modernisés. Un système de mutualisation doit être mis en place dans chaque branche, afin d'inciter les entreprises à agir dans ce sens.

Nous avons proposé l'ouverture de négociations sur la pénibilité parce que c'était l'avis unanime des partenaires sociaux. Faut-il inscrire dans la loi un délai ? Le rapporteur pour avis proposera un amendement en ce sens à l'article 16. L'amendement 11173 sera donc satisfait, et nous en débattrons à loisir à l'article 16.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement. Je souhaite poser une question concernant les préretraites des salariés qui ont été en contact avec de l'amiante...

M. le Président de la commission - Hors sujet !

M. Pierre Lellouche - Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Maxime Gremetz - Je voudrais être rassuré. Il ne s'agira pas de nous dire, quand nous aborderons la discussion du PLFSS, que cette question concernait le projet sur les retraites !

Le Parisien a publié ce matin un article très éclairant. Il prenait l'exemple d'un ouvrier de maintenance - qui fait donc un travail pénible - gagnant 1 067 €, travaillant depuis l'âge de vingt et un ans, ayant connu deux ans de chômage à 46 et 47 ans, et deux années mal payées. Il prendra sa retraite en 2031 à l'âge de soixante trois ans. Dans le système actuel, sa pension de base serait de 718 €, sans compter la retraite complémentaire.

Avec votre réforme, s'il ne veut pas travailler au-delà de 63 ans, sa pension diminuera de 14 %. Est-ce juste ? Pour maintenir sa retraite actuelle, il devrait travailler jusqu'à 65 ans. Il importe donc que la loi - qui s'applique à tout le monde - prenne en compte la pénibilité du travail.

L'amendement 11173, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Vous venez de dire, Monsieur le ministre, que la négociation devait aussi avoir pour objectif de limiter les emplois pénibles. Or, notre amendement 11173, qui vient d'être repoussé, affirmait précisément que la négociation devait porter sur la limitation du nombre des emplois pénibles. Et sauf erreur de ma part, aucun autre amendement n'aborde ce point.

Puisque vous acceptez le principe de renvoyer à la négociation pour définir la pénibilité, je ne comprends pas, Monsieur le ministre, que vous refusiez de l'inscrire dans la loi. Notre amendement 11174 exige simplement des employeurs qu'ils organisent chaque année une négociation sur la limitation des emplois pénibles et les conditions de sortie de ces emplois. Cette négociation devra bien sûr être ouverte au niveau de la branche. Si elle avait lieu au niveau de l'entreprise, le remède serait pire que le mal. Rien ne se ferait à cause de la concurrence entre entreprises. Je crois vraiment qu'il nous faudrait aujourd'hui adresser un signal fort aux employeurs, les obligeant à négocier au niveau des branches, étant entendu que la négociation pourra se poursuivre au niveau des entreprises.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas accepté cet amendement pour les raisons que j'ai déjà exposées tout à l'heure. Nous ne souhaitons pas donner d'injonctions aux partenaires sociaux. Des amendements plus réalistes de la commission viendront ultérieurement.

M. le Ministre - Un amendement du rapporteur renvoyant à la négociation de branche sera en effet discuté après l'article 16.

L'amendement 11174, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Notre amendement 11176, déclinaison des deux précédents, exige que les employeurs organisent chaque année une négociation sur les actions de formation nécessaires au maintien dans l'emploi de leurs salariés âgés. En effet, les récents propos de M. Seillière ne sont pas pour nous rassurer. Le Medef se livre à un chantage : si les entreprises sont contraintes de limiter les licenciements de salariés âgés de plus de 50 ans, elles exigent en contrepartie, dit-il, que l'âge auquel un employeur pourra mettre d'office un salarié à la retraite soit ramené de 65 à 60 ans. Satisfaire cette demande du patronat reviendrait à laisser l'éventuelle surcote à la seule initiative de l'employeur. C'est tout de même un problème majeur.

Puisque vous exigez, Monsieur le ministre, que des résultats soient obtenus au niveau des branches, s'agissant de la pénibilité, pourquoi refuser notre proposition qui va dans le même sens s'agissant de la formation ? Seraient seules sanctionnées les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas accepté cet amendement. Le texte comporte de nombreuses dispositions visant à favoriser le maintien des seniors dans l'emploi, au premier rang desquelles des exigences de formation continue. Le Gouvernement a par ailleurs d'importants projets en matière de formation professionnelle.

M. le Ministre - Cet amendement témoigne bien de la conception de la négociation sociale que certains se font à gauche, menaçant de sanctions avant même que la négociation n'ait commencé ! Nous en avons, pour notre part, une tout autre en invitant d'abord les partenaires sociaux à nous faire des propositions.

L'article 5 du projet instaure un mécanisme extrêmement dissuasif pour les entreprises. En effet, la durée de cotisation ne sera allongée en 2008 que si le comportement des entreprises a évolué pour ce qui est de l'emploi des salariés âgés. C'est là un excellent moyen de stimuler la négociation sociale.

M. Alain Néri - Le ministre ne dit pas que nos amendements ne sont pas bons mais qu'ils n'ont pas leur place dans ce texte. S'ils sont bons, il faut y donner suite.

M. Richard Cazenave - Bla-bla !

M. Alain Néri - Sans formation initiale de qualité, on ne peut escompter profiter efficacement d'une formation continue. Le chantier est donc vaste.

M. Richard Cazenave - Oui, nous devons faire tout ce que vous n'avez pas fait !

M. Alain Néri - De surcroît, ce sont, hélas, le plus souvent ceux qui ont eu la formation initiale la moins poussée qui bénéficient de la formation continue la plus modeste.

Pour qu'un salarié de plus de 50 ans, usé, parfois démotivé, puisse continuer avec un autre emploi, il n'est pas d'autre solution que de lui apporter une formation continue. Notre amendement vise seulement à aider les entreprises à valoriser l'expérience et le savoir-faire de leurs salariés âgés, et à les rendre plus performants. Pourquoi ne pourrions-nous pas avancer, ensemble, dans cette voie ?

Vous invitez, Monsieur le ministre, à la négociation au sujet de l'emploi des seniors, mais M. Seillière, lui, ne veut pas en entendre parler. « Je veux pouvoir mettre un salarié à la porte à 60 ans, si je le veux », voilà ce qu'il vous dit et voilà le diktat que nous ne pouvons accepter.

L'amendement 11176, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Notre amendement 11175 tend à insérer un alinéa 5° bis à l'article L.933-2 du code du travail, concernant les formations à conduire afin de favoriser l'évolution professionnelle des salariés âgés de plus de 50 ans.

Vous nous avez reproché, Monsieur le ministre, de prévoir dans l'amendement précédent des sanctions à l'encontre des entreprises, avant même le début de toute négociation. Nous demandions seulement qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de majoration de la participation au financement de la formation professionnelle continue prévue à l'article L.951-1 du code du travail pour l'employeur qui n'aurait pas engagé une telle négociation. Et voilà que l'on crie à l'archaïsme des terribles socialistes !

M. François Goulard - A juste titre !

M. Alain Vidalies - Or, s'agissant de la pénibilité, vous avez vous-même spontanément convenu que certaines entreprises refuseraient sans doute l'effort, et qu'il faudrait en tenir compte au niveau de la branche.

C'est exactement la même chose ! Ces amendements ne devraient donc pas susciter d'opposition frontale. Mais si vous avez décidé, avec votre majorité, de refuser tous les amendements présentés par le groupe socialiste, mieux vaudrait le dire, cela éclairerait le débat !

M. le Rapporteur - Cet amendement comporte une injonction, avec obligation de négocier. On croyait que l'opposition avait tiré quelques leçons de l'expérience des 35 heures obligatoires, d'ailleurs résumées hier par Dominique Strauss-Kahn lui-même, mais on voit qu'il n'en est rien ! La commission a repoussé l'amendement.

M. Maxime Gremetz - Je soutiens l'amendement. Les publications de votre ministère le disent : la formation va aux mieux formés ; 18 % seulement des salariés sans diplôme ont bénéficié d'une formation entre janvier 1999 et février 2000.

S'il n'y a pas obligation de formation, cela continuera. Pourtant la formation peut être un investissement productif pour l'entreprise.

Mme Martine Billard - Je soutiens aussi l'amendement. Le rapporteur et le ministre disent qu'il faut faire confiance à la négociation. Mais les comités d'entreprise sont simplement informés des plans de formation, ils n'ont aucune possibilité de les renégocier.

Aujourd'hui, les plans de formation ne sont pas efficaces, ils ne permettent pas aux salariés, notamment âgés, d'évoluer comme ils le pourraient. On voit là les limites de la négociation.

M. le Ministre - On en voit tellement les limites qu'en ce moment même se déroule, à l'initiative du Gouvernement, une négociation sur le compte individuel de formation qui débouchera à l'automne sur un projet de loi ! L'objectif de ce texte est que la formation ne soit plus seulement décidée par l'entreprise en fonction de ses besoins, mais prenne en compte les projets des salariés et qu'elle soit aussi accessible aux salariés des PME.

Il serait paradoxal, au moment même où les partenaires sociaux mènent une discussion très constructive, de vouloir leur mettre le revolver sur la tempe. Attendons l'issue de ces négociations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

L'amendement 11175, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 3140 concerne les personnes titulaires d'un contrat emploi-solidarité. Bien qu'il soit considéré comme un contrat de travail à part entière, le CES n'ouvre pas droit à l'affiliation à un régime de retraite complémentaire, contrairement à tous les autres contrats de travail. Les CES ont concerné 240 000 salariés depuis 1989, plusieurs millions depuis leur création, il y a quinze ans ; 77 % sont des femmes - une fois de plus, elles sont les principales victimes d'un oubli qu'il faut rattraper.

A un moment où les statuts précaires se multiplient, essayons au moins de garantir à tous une retraite complémentaire.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas accepté cet amendement. De nombreuses professions indépendantes ont déjà des régimes de retraite complémentaire et le projet en crée pour les artisans et commerçants.

Quant aux CES, il s'agit de dispositifs à vocation sociale et de courte durée, destinés à faciliter l'insertion. D'ailleurs, si le créateur des CES avait jugé utile d'affilier les bénéficiaires à un régime complémentaire, il n'aurait pas manqué de le faire.

M. le Ministre - Effectivement, ces contrats ont été créés en 1989 par Michel Rocard et s'il n'a pas jugé utile de prévoir un régime de retraite complémentaire, c'est parce qu'il s'agit de dispositifs d'insertion, et non pas de vrais contrats de travail.

Je fais remarquer à Mme Billard que nous, nous venons de créer les CIVIS pour les jeunes en entreprise, qui sont de vrais contrats, avec affiliation à un régime complémentaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pascal Terrasse - Ils ne marchent pas tellement...

M. André Chassaigne - Vos réponses, Monsieur le ministre et Monsieur le rapporteur, montrent votre méconnaissance de la réalité : certaines personnes sont en CES depuis dix ans ! Les critères sont larges et évolutifs, de sorte qu'il est possible de passer d'un CES à l'autre à condition de changer d'employeur. Ces personnes auront une retraite misérable et connaîtront une situation encore plus difficile que pendant leurs années d'activité.

M. Alain Néri - Aujourd'hui, les CES sont les seuls contrats à ne pas bénéficier de retraite complémentaire. Quand ils ont été mis en place, personne ne pensait qu'ils auraient une durée de vie aussi longue (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), car normalement ils devaient déboucher sur un CEC, assorti d'une retraite complémentaire.

Monsieur le ministre, vous faites valoir que vous avez prévu l'affiliation à un régime complémentaire des jeunes titulaires d'un CIVIS. Dans le même souci d'équité, vous devriez accepter l'amendement.

L'amendement 3140, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pascal Terrasse - L'amendement 11171 est défendu.

L'amendement 11171, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

AVANT L'ART. 4

M. Alain Bocquet - L'amendement 3465 est particulièrement important car il concerne les CDD et les contrats d'intérim.

En principe, ces contrats sont réservés aux remplacements d'absences et aux activités saisonnières. Mais les employeurs font une utilisation abusive des CDD, à la limite du travail illégal. Or, l'emploi précaire est l'une des premières causes d'exclusion, en particulier des jeunes, et il rend toute la vie précaire. Il interdit toute vie familiale, il empêche d'acquérir un logement, d'obtenir un crédit. Bref, il constitue un facteur de déstabilisation sociale qu'il convient de combattre par une mesure radicale, comme celle que nous proposons dans notre amendement, à savoir ne plus autoriser le recours aux CDD pour « accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise », notion qui est en général invoquée de façon tout à fait abusive.

M. le Rapporteur - Cet amendement ne vient en discussion que grâce à l'indulgence du Président de l'Assemblée : se rapportant au code du travail, il constitue en effet à l'évidence un cavalier.

M. le Ministre - L'amendement est en effet assez éloigné du texte, même si tout ce qui touche au travail a un rapport avec les retraites. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent recourir aux CDD ont été définies par l'accord interprofessionnel du 24 mars 1990. Enfin, le Gouvernement a mis en place dans les entreprises un contrat aidé qui est à durée indéterminée.

M. André Chassaigne - L'amendement 3468 est identique. Le problème est en réalité étroitement lié à la question des retraites, car ces personnes qui ont des longues périodes non travaillées entre deux CDD se retrouveront au final avec des retraites misérables ! Nous en voyons beaucoup, dans nos permanences, de ces jeunes et moins jeunes qui sont ainsi exploités. Les employeurs invoquent les aléas de la production, les recrutent pour trois ou six mois puis les renvoient à l'ANPE, puis les recrutent à nouveau, parfois sur le même poste ! En réalité, la production est régulière mais les employeurs jouent artificiellement sur les CDD et sur l'intérim. Il se crée ainsi dans ce pays une sorte d'esclavage moderne. C'est un abus colossal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Pascal Terrasse - J'ai sous les yeux une dépêche AFP intéressante. Un groupe de parlementaires UMP - neuf députés et sept sénateurs - se plaint que l'on entende trop, sur les retraites, la voix des libéraux de leur parti et pas assez celle des modérés. Il veut faire passer l'impôt sur les sociétés de 33,5 à 34,5 %, ce qui rapporterait plus d'un milliard d'euros par an. Voilà ce qui se passe, Monsieur le ministre, dans votre majorité. Certains commencent à comprendre, au bout de dix jours de débat...

Plusieurs députés UMP - Des noms !

M. Pascal Terrasse - ...le sens de votre projet, ultra-libéral, et il y a des courageux qui osent maintenant parler ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Nous les saluons. Encore quelques semaines de débat et ces seize résistants seront trente, quarante, cinquante ! Petit à petit, les choses avancent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Les amendements 3465 et 3468, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Claude Lefort - Dans un reportage publié il y a quelques mois dans le journal Le Monde ( murmures divers bancs )...

Mme la Présidente - Je vous prie d'écouter M. Lefort.

M. Pascal Terrasse - Nous cherchons les résistants !

M. Jean-Claude Lefort - Il n'est pas possible de s'exprimer dans ces conditions. Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 55, est reprise à 18 heures.

M. Jean-Claude Lefort - Il y a quelques mois, Renault avouait publiquement dans Le Monde que le recours à l'intérim lui permettait d'éviter d'appliquer des plans sociaux. Daniel Paul m'a parlé d'un drame qui se joue actuellement dans la région havraise : la direction a annoncé la suppression de 900 des 1 800 postes d'intérimaires. On ne connaît pas encore les noms, aussi chacun redouble-t-il de zèle. Dans quelques jours, les 900 victimes seront désignées. Il n'y a pas de mots assez durs pour qualifier pareil procédé. Nombre de ces intérimaires sont en effet des jeunes issus des quartiers difficiles. Certains ont un passé de délinquant. Ils commençaient leur insertion, ils avaient retrouvé espoir, et on leur annonce que c'est fini ! C'est insupportable.

Cet exemple n'est malheureusement pas isolé. Sans plan social, reclassement ni formation, sans délai, des milliers de jeunes adultes vont se retrouver sans rien. Sur le plan du droit, nous nageons en pleine illégalité. Les raisons pour lesquelles les entreprises recourent à l'emploi précaire tombent normalement sous le coup de la loi. Embaucher des intérimaires pour échapper aux licenciements économiques ou aux conventions collectives, cela s'appelle en effet le délit de marchandage. Certes, l'inspection du travail obtient souvent que les contrats illégaux soient requalifiés et la Cour de cassation a élaboré une jurisprudence remarquable. Mais le phénomène de la précarité est devenu une maladie endémique qu'il faut éradiquer.

Aussi l'amendement 3472 propose-t-il de fixer un taux maximal de CDD et d'intérim par entreprise pour assumer un surcroît d'activité, les contrats excédentaires étant requalifiés de plein droit en CDI. En Seine-Maritime, cela conduirait à titulariser les deux tiers des intérimaires. L'entreprise pourrait toujours faire face à des pics d'activité et recourir à l'intérim et aux CDD pour les motifs légitimes : remplacement, insertion, formation en alternance, saisonniers et professions particulières. Quant aux salariés qui choisissent cette forme de travail, ils n'en seraient pas empêchés.

M. Maxime Gremetz - Je défends l'amendement 3477. M. le ministre nous dit qu'il n'a pas grand-chose à voir avec les retraites. Au contraire ! Car qui dit CDD et intérim dit bas salaires, donc moindres recettes pour la protection sociale, succession de périodes de chômage... Sur les 10 000 salariés de la zone industrielle d'Amiens, 1 200 sont en CDD. Il s'agit en majorité de jeunes, qualifiés, employés par de grandes entreprises comme Valeo ou Dunlop, qui travaillent parfois depuis des années ! Or c'est illégal : les CDD ont vocation à faire face aux pics d'activité, non à se substituer à des emplois permanents comme le dicte hélas la loi du profit ! Voilà des années qu'on promet à ces jeunes taillables et corvéables à merci, de les embaucher. N'oubliez pas qu'ils ne participent pas aux élections professionnelles et n'ont pas les mêmes droits que les autres salariés. C'est tout bénéfice pour les entreprises, mais ils se demandent, eux, ce qu'ils vont devenir ! Comment peut-on penser que cela n'a pas d'influence sur les retraites ? Aujourd'hui, seule une ultra minorité d'embauches se fait en CDI. Cette insécurité dans l'emploi qui rejaillit sur toute la vie personnelle est l'un de nos grands problèmes de société.

Mme la Présidente - Veuillez conclure, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz - Voilà des années que nous dénonçons ce problème. Rien n'a été fait ! D'où notre amendement qui tend à limiter le nombre de salariés en CDD ou intérimaires dans une entreprise.

Mme Jacqueline Fraysse - Je défendrai l'amendement 3475. Les CDD sont nocifs pour la personne humaine, pour la société et pour nos caisses de retraite. Comment pouvez-vous affirmer, Monsieur le ministre, que nous sommes hors sujet ! Une personne qui ne travaille que quelques semaines ou quelques mois, vit dans l'inquiétude, sans perspective d'avenir, incapable de former des projets. De plus, dans l'intervalle entre deux contrats, elle ne cotise pas
- c'est autant d'argent en moins pour le financement des retraites - et n'accumule pas non plus les annuités dont vous avez décidé d'augmenter le nombre. M. André Chassaigne le disait très justement, il faut lutter contre les emplois précaires pour financer les retraites.

M. Richard Cazenave - N'importe quoi !

Mme Jacqueline Fraysse - Aussi notre amendement propose-t-il de limiter le recours aux CDD et de sanctionner les entreprises qui en abuseraient.

M. Richard Cazenave - Tout ce que vous n'avez pas fait lorsque vous étiez aux affaires !

M. Alain Néri - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58, alinéa premier. Tous les députés ont eu à se prononcer, tout à l'heure, sur un amendement qui tendait à augmenter l'impôt sur la fortune pour financer le fonds de réserve des retraites. Cet amendement, défendu par tous les groupes de l'opposition, a été repoussé par la commission et par le Gouvernement, et l'Assemblée l'a rejeté.

Or, voici un fait nouveau qui justifie une suspension de séance : une dépêche de l'AFP révèle aujourd'hui que les « démocrates » UMP seraient favorables à une hausse de 1 % de l'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises, afin de financer le fonds de réserve des retraites (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Cazenave - C'est ici que l'on décide, pas à l'AFP !

M. Alain Néri - Pour débattre dans la clarté, nous devons connaître la position du groupe UMP. Est-ce celle que traduit le vote dont je viens de parler, ou celle de M. Joyandet et de ses amis qui disent vouloir déposer un amendement instituant cette taxation supplémentaire ? Le cas échéant, quand l'examinerons-nous ? M Raffarin en informera-t-il les Français par un envoi complétant la lettre d'information qu'il leur a adressée ? Pour obtenir des réponses à toutes ces questions, nous demandons une suspension de séance.

Mme la Présidente - Ni M. Néri, ni M. Terrasse n'ont délégation pour demander une suspension de séance.

M. le Rapporteur - L'amendement du groupe communistes et républicains est hors sujet, c'est à nouveau un cavalier législatif. Par ailleurs, Monsieur Néri, dans le Journal du Soir, un de vos amis, M. Rocard (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), déclare que « l'impôt sur le capital ne saurait répondre à l'ampleur du problème », mais risquerait d'inciter à la délocalisation et à la hausse du chômage. S'agissant de l'attitude du groupe socialiste, qui prétend qu'il y aurait une autre solution, il ajoute qu' « elle laisse croire aux salariés qu'une solution différente beaucoup plus avantageuse est possible. Or, c'est faux et cela constitue donc une faute grave » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Sur le vote de l'amendement 3472 et des amendements identiques, je suis saisie par le groupe communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

M. Pascal Terrasse - L'attitude du rapporteur est indigne de ses fonctions ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) Lorsque j'étais rapporteur, je prenais la peine de répondre sur le fond ! Nos collègues communistes et républicains ont déposé un amendement très intéressant sur la formation et les CDD, auquel le rapporteur ne répond pas, se contentant de citer un article du Monde. Je lui rappelle que M. Rocard a lui-même qualifié cette réforme de brutale et insisté sur la nécessité de trouver d'autres sources de financement, ce que seize parlementaires résistants de l'UMP ont eu le courage de faire aujourd'hui, en reconnaissant que le projet n'était pas financé. Ils vont même plus loin que nous en proposant d'augmenter le taux de l'impôt sur les sociétés. Nous devons connaître la position du groupe UMP.

M. le Ministre - Je suis défavorable à ces amendements, trop éloignés du projet de loi. Pour le reste, Monsieur Terrasse, nous débattons d'un projet de loi, et non de dépêches d'agence ! Quant aux prétendues incohérences de l'UMP, que sont-elles au regard des vôtres ! Cet après-midi, le groupe socialiste n'a-t-il pas voté une augmentation de 200 % de l'impôt sur les grandes fortunes alors que, au pouvoir il y a à peine quelques mois, il nous expliquait que toute augmentation de l'ISF était impossible et renonçait, à l'occasion du débat sur les 35 heures, à élargir l'assiette des cotisations.

Alors, occupez-vous de vos incohérences, l'UMP s'occupera des siennes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - En tous cas, vous ne trouverez pas d'incohérence au sein de notre groupe !

Nous n'avons cessé de faire des propositions cohérentes sur la protection sociale et son financement. Elles n'ont jamais été appliquées. C'est parce que les problèmes ne sont jamais résolus au fond que l'on en est arrivé au 21 avril.

Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas dire que l'emploi, la précarité, les conditions de travail n'ont aucun rapport avec les retraites. 3,5 millions de CDD, plus de 2 millions de travailleurs à temps partiel, plus de 1,5 million d'intérimaires : et il n'y aurait aucun rapport avec le financement des retraites ?

Nos amendements, parfaitement fondés, ne sont pas des cavaliers législatifs.

M. Alain Néri - J'ai posé une question à l'occasion de mon rappel au Règlement : qu'en est-il de l'amendement de M. Joyandet et de M. Jego, lequel a déclaré que « les démocrates ont vocation à incarner l'aile sociale qui existe très profondément au sein de l'UMP » ? Cet amendement a-t-il été déposé ? Quand sera-t-il examiné ?

Est-ce un simple « coup » pour dédouaner l'UMP et faire accroire qu'elle a un souci social alors même qu'elle mène une politique de régression sans précédent ?

M. Denis Jacquat - MM. Terrasse et Néri sont extrêmement charmants hors de l'hémicycle...

M. Pascal Terrasse - Fait personnel !

M. Denis Jacquat - ...et ce sont de surcroît des parlementaires expérimentés, ils savent donc que tous les amendements ont été examinés en commission. Si un groupe de réflexion a des propositions à faire, il ne peut le faire qu'avec un sous-amendement. Personne ne dispose donc d'un quelconque document à ce sujet.

A la majorité de 134 voix contre 47 sur 181 votants et 181 suffrages exprimés, l'amendement 3472 et les amendements identiques défendus ne sont pas adoptés.

M. Michel Vaxès - Nous nous sommes toujours battus pour que des droits nouveaux soient accordés aux salariés, pour que la démocratie pénètre dans l'entreprise. Une dynamique pour l'emploi est indispensable pour assurer le financement de notre système par répartition. Nous présenterons des amendements en ce sens au cours de notre discussion.

L'amendement 3406 propose, comme en Italie, que la législation sanctionne un licenciement abusif légalement constaté par le juge. Aujourd'hui, seule une indemnité est prévue. En aucun cas, la législation n'ouvre la perspective d'un retour à l'emploi, mais elle dédouane l'employeur de ses responsabilités.

Le principe du droit à l'emploi, dans ce contexte, doit être réaffirmé car les dommages et intérêts ne couvrent pas le préjudice subi par le salarié. Un droit absolu à l'emploi doit être créé, qui est un droit à la réintégration.

La question de l'emploi, nous le répéterons, est au c_ur de notre débat. Prétendre sauvegarder le système par répartition et ne rien faire contre les délocalisations abusives, les patrons voyous, les licenciements abusifs, c'est ne pas se donner les moyens de faire baisser le chômage.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement. Nous demandons une suspension de séance. Nous ne pouvons pas continuer à travailler ainsi.

M. le Rapporteur - Pourquoi ?

M. Maxime Gremetz - On ne s'entend pas ! (Rires sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Nous avons le droit de défendre des amendements et de faire des propositions. Vous ne pouvez prétendre que nous n'avons pas de projet alternatif et ne pas nous écouter !

Nous demanderons une suspension de séance chaque fois que vous ferez du chahut pendant qu'un député communiste a la parole.

La séance, suspendue à 18 heures 45, est reprise à 18 heures 55.

M. Alain Bocquet - Rappel au Règlement. Après notre collègue Alain Néri, je souhaite revenir sur la dépêche dont nous avons pris connaissance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Elle pose un problème de fond, car elle apporte un début de démenti à l'argumentation qu'oppose le Gouvernement depuis plus d'une semaine au projet alternatif des députés communistes et républicains.

Que nous apprend cette dépêche ? Que seize parlementaires UMP - neuf députés et sept sénateurs -, rassemblés au sein d'un groupe de réflexion « Les Démocrates » et dont une dizaine a tenu une conférence de presse mercredi à Paris, proposent de porter de 33,5 % à 34,5 % le taux de l'impôt sur les sociétés acquitté par les entreprises réalisant un chiffre d'affaires annuel au moins égal à trois millions d'euros, pour financer les retraites, ce qui rapporterait plus d'un milliard d'euros par an. D'ici à 2020, le fonds de réserve des retraites pourrait ainsi être abondé de 20 milliards d'euros, explique Alain Joyandet, député-maire de Vesoul, à l'origine de ce groupe. « L'UMP ne doit pas être un parti de droite libérale débridée », poursuit-il. « On ne cherche pas à embêter Alain Juppé, président de l'UMP, mais à l'aider à avoir un discours audible sur un spectre électoral plus large » (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Voilà donc que certains députés de la majorité commencent à comprendre ce que nous, communistes et républicains, défendons depuis longtemps comme l'idée d'élargir l'assiette des cotisations sociales et taxer les revenus financiers des entreprises. Je m'en félicite (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Gorges - Ces députés-là, on vous les donne bien volontiers !

M. Alain Bocquet - A M. Fillon qui m'avait répondu lors d'une séance de questions au Gouvernement que notre projet coûterait 50 milliards d'euros, je dis aujourd'hui : voilà déjà un milliard de trouvé ! La crédibilité des arguments qui n'ont cessé de nous être opposés est mise à mal, des élus de votre majorité enfonçant eux-mêmes un coin.

C'est aussi la preuve que le débat est constructif et mérite, ô combien, d'être poursuivi. Après cette avancée - petite avancée certes - d'une partie des membres de la majorité, il nous faut voir comment étayer mieux encore le financement de notre projet alternatif. Je demande donc une suspension d'une heure pour que notre groupe étudie avec sérieux cette proposition, laquelle montre qu'il est possible de taxer les bénéfices des entreprises sans mettre à mal ni l'emploi ni l'investissement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ne vous en déplaise, cette proposition émane de vos rangs !

M. le Président de la commission - Pure obstruction !

M. Alain Bocquet - Je ne vous permets pas de me parler de la sorte. Depuis des semaines, vous répétez en commission qu'il serait impossible de financer nos propositions.

Plusieurs députés UMP - Il a raison !

M. Alain Bocquet - Et voilà que de vos rangs émane une proposition analogue à la nôtre ! Une partie de la majorité commence donc de faire preuve de sagesse en préconisant un moyen efficace de garantir durablement le financement des retraites (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ce n'est pas pour moi là polémique subalterne.

Oui, c'est un événement que des députés libéraux (« Ce ne sont pas des libéraux ! » sur les bancs du groupe UMP) réfléchissent à une méthode marxiste de financer les retraites !

Mme la Présidente - La séance est suspendue pour dix minutes (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 19 heures, est reprise à 19 heures 10.

Mme la Présidente - Je rappelle que nous en sommes aux amendements 3 402 à 3 408.

M. Maxime Gremetz - Je défends l'amendement 3 407.

Mais auparavant, comprenez que nous sommes assez bouleversés. Il nous a fallu une semaine pour gagner un milliard d'euros de recettes, il faudra encore quarante-neuf semaines de débats pour arriver aux cinquante milliards nécessaires au financement des retraites.

Mais comme le disait Saint-Just : on ne gagne que les batailles que l'on mène.

J'espère que le rapporteur ne nous dira pas que notre amendement n'a rien à voir avec les retraites, car si lutter contre les licenciements dits « économiques » mais en réalité boursiers n'a rien à voir avec les retraites, alors...

M. Francis Delattre - A L'Humanité, vous licenciez 50 % du personnel, non ?

M. Maxime Gremetz - L'Humanité est une PME, pas un grand groupe ! Nous parlons ici de ces patrons voyous contre lesquels Jacques Chirac recommandait de légiférer, ceux de Metaleurop ou de Whirlpool par exemple. D'ailleurs, les députés UMP qui proposent de taxer les entreprises pour financer les retraites ne visent que celles réalisant trois millions d'euros de bénéfices.

Lors de la discussion de la loi de modernisation sociale, nous avions obtenu au prix d'une bataille mémorable une définition restrictive du licenciement économique ainsi que la possibilité pour les salariés de contester le bien-fondé économique d'un licenciement et de faire des contre-propositions. Malheureusement, la première chose que vous avez faite en arrivant au pouvoir, Monsieur le ministre, a été de suspendre cette loi. On a assisté ensuite à une multiplication des plans dits sociaux.

Rappelons qu'un million d'emplois représentent vingt milliards de rentrées pour la protection sociale. Quand on parle d'emploi, on parle donc bien aussi de retraites. C'est pourquoi nous proposons d'insérer l'alinéa suivant : « Lorsque le licenciement est prononcé pour une cause non réelle ou sérieuse ou sans respect des procédures prévues légalement ou conventionnellement, le tribunal, si un salarié en fait la demande, prononce la nullité du licenciement et ordonne la poursuite du contrat de travail sous astreinte de la valeur de deux jours de travail par jour de retard ».

M. le Rapporteur - En vertu de l'article 98, alinéa 3, de notre Règlement, cet amendement, qui se rapporte plus au code du travail qu'à celui des pensions, aurait pu ne pas venir en discussion. Je rappelle par ailleurs à nos collègues communistes qu'ils avaient déjà présenté cet amendement sous la précédente législature et que leurs alliés de la gauche plurielle l'avaient repoussé.

M. le Ministre - Je suis défavorable à cet amendement et un peu préoccupé, car je constate que nous allons passer plusieurs heures sur des amendements très éloignés de l'objet du texte. Revoir la législation sur le licenciement et refaire le code du travail nous emmèneraient dans un tout autre débat que celui sur les retraites. Je ne nie pas qu'il y ait des liens avec le sujet mais j'aimerais que le groupe communiste revienne davantage dans le débat et que nous puissions ainsi en arriver à ses propositions de fond concernant les retraites.

M. Jean-Claude Lefort - Ce n'est pas notre amendement qui est un cavalier mais la réponse qui est cavalière !

Personne ne peut en effet contester que la capacité des caisses de retraite à distribuer de l'argent est directement liée à la situation de l'emploi dans ce pays. Vous ne devriez donc pas procéder par séquençage partiel, Monsieur le ministre. En 2040, Il y aura peut-être seulement dix actifs pour sept retraités, mais on aura aussi doublé les richesses de ce pays.

M. Francis Delattre - En tout cas, il n'y aura sans doute plus de communistes.

M. Jean-Claude Lefort - Et si les retraites représentent alors 20 % du PIB, au lieu de 12 % aujourd'hui, cela ne fait jamais que 0,2 % par an de richesses supplémentaires à leur consacrer.

Puisque M. le président de la commission des finances se trouve pour une fois parmi nous, j'en profite pour lui demander s'il va déclarer recevable l'amendement de l'UMP visant à taxer d'un 1 % supplémentaire les entreprises .

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - J'aurais aimé que vous soyez là quand j'ai expliqué par deux fois les conditions d'application de l'article 40. Je ne vais pas me répéter dix fois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Vous devriez être là en permanence, comme nous.

M. Alain Bocquet - Le ministre nous dit que nos amendements n'ont pas suffisamment à voir avec le sujet des retraites. Il me semble au contraire que cela a beaucoup à voir.

Une dépêche nous annonce qu'Alstom va supprimer 5 000 emplois. Que vous le vouliez ou non, cela fera bien des cotisations en moins pour la Caisse d'assurance vieillesse et des dépenses sociales en plus pour la puissance publique. Si l'on ne ferme pas le robinet des licenciements, le coût humain, social et financier sera énorme. Je rappelle qu'un million d'emplois représentent vingt milliards de ressources...

MM. Francis Delattre e t Jean-Jacques Descamps - Créez donc des entreprises !

M. Alain Bocquet - Vous pouvez venir voir ce que nous avons fait pour l'emploi dans l'agglomération de la Porte du Hainaut !

En voulant bloquer les licenciements et pérenniser l'emploi, nous sommes bien en plein au coeur du débat sur les retraites. Et je vous fais observer, Monsieur le ministre, que les salariés licenciés sont en général des travailleurs autour de cinquante-cinq ans, ce qui apporte un démenti cinglant à votre choix de prolonger la durée d'activité et d'assurance.

L'amendement 3 402 et les amendements identiques défendus, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente - Nous en arrivons aux amendements 3 479 à 3 485, identiques.

Mme Jacqueline Fraysse - Toutes les études montrent que la majorité des salariés à temps partiel n'ont pas choisi cette forme d'emploi. Ils subissent ainsi un chômage obligé. Pour des raisons de rentabilité, de grands groupes de la distribution ou chargés de l'entretien de locaux ont érigé le temps partiel en stratégie. Nous voilà bien loin de la loi de 1973. L'amendement 3482 vise à combattre ces abus sans empêcher ceux qui le souhaitent vraiment de travailler à temps partiel.

Mme la Présidente - Les autres amendements sont-ils défendus ?

M. Maxime Gremetz - Il va de soi que nous défendrons tous nos amendements ! Je viens de me souvenir que c'est la deuxième fois que l'UMP propose de taxer le capital. Souvenez-vous de la surtaxe Juppé - 12,5 milliards ! Nous n'en sommes qu'à un milliard : il y a de l'espoir !

M. Jean-Luc Warsmann - Nous sommes passés à l'euro !

M. François Goulard - M. Gremetz mélange les francs, les euros et les roubles !

M. Maxime Gremetz - Je le dis pour la postérité. On nous dit que l'amendement 3484 n'aurait pas plus à voir avec le problème des retraites que les précédents. La preuve du contraire, c'est que votre réforme se fonde sur l'hypothèse d'un taux de chômage de 4,5 %, soit une diminution de moitié par rapport au taux actuel. Si on laisse libre cours aux licenciements, cela change la donne !

Le temps partiel est une forme de précarité puisque 90 % des salariés à temps partiel ne l'ont pas choisi : ce million et demi de salariés à temps partiel, c'est autant de faibles revenus et de rentrées en moins pour les caisses de retraites et de sécurité sociale ! Le nombre d'emplois à temps partiel n'a cessé d'augmenter. Il représente désormais 22 % de l'emploi total. Cet amendement préserve le libre choix des salariés, mais restreint la possibilité de faire appel à ce qui est devenu une forme d'exploitation.

M. André Chassaigne - Je défends l'amendement 3481. De grands groupes de l'entretien ou de la distribution recourent de manière abusive au temps partiel. Mais nous pouvons tous constater dans nos circonscriptions que des entreprises industrielles embauchent désormais elles aussi des salariés à temps partiel, notamment pour pouvoir tourner le week-end. Il y a là un contournement des dispositions du code du travail qui constitue une vraie dérive. Je crains que la décentralisation n'encourage le phénomène. Le jour où certaines collectivités territoriales de tendance libérale confieront l'entretien des collèges ou des lycées à des entreprises privées en lieu et place des emplois que vous qualifiez de « privilégiés », ce sera la porte ouverte à tous les abus. Notre amendement est donc extrêmement important. Il a un impact direct sur les retraites.

M. le Rapporteur - Cet amendement tend, comme les précédents, à réécrire le code du travail. Conformément à l'article 98, alinéa 5, du Règlement, il n'a donc pas sa place dans ce texte. Le gouvernement Jospin avait du reste rejeté en son temps un amendement identique. Les difficultés d'application d'une telle mesure seraient, de surcroît, innombrables. Rejet.

M. le Ministre - Même avis. J'ajoute que l'article 23 améliore considérablement les conditions de préparation de la retraite des salariés à temps partiel.

L'amendement 3479 et les amendements identiques défendus, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 40.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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