Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2002-2003)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 104ème jour de séance, 252ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 18 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      RÉFORME DES RETRAITES (suite) 2

      AVANT L'ART. 4 (suite) 2

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 19 JUIN 2003 16

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites.

M. le Président - Nous allons attendre que nos collègues communistes soient présents puisque ce sont leurs amendements qui arrivent en premier.

AVANT L'ART. 4 (suite)

M. le Président - Je vous fais aimablement remarquer, Monsieur Gremetz, que je vous attends depuis cinq minutes. J'aurais pu profiter de votre absence pour « avaler » plusieurs articles. Je ne l'ai pas fait, et hier non plus, par respect pour l'opposition et je vous prie de vous en souvenir au cours du débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Maxime Gremetz - Je vous remercie, Monsieur le Président, mais je tiens à vous faire remarquer que la reprise de la séance n'a pas été annoncée par la sonnerie habituelle. Nous venons juste d'en être avertis.

M. le Président - La séance a repris à l'heure prévue, et vous étiez déjà en retard hier soir.

M. Maxime Gremetz - Je vous présente mes excuses.

L'amendement 3463 vise, dans un premier temps, à étendre les droits des salariés quant aux heures supplémentaires. Il soumet la décision d'effectuer des heures supplémentaires à la discussion entre employeur et délégués du personnel, pour éviter un recours abusif à ce procédé qui nuit à la création d'emploi.

Cet amendement permet également de mieux définir les heures supplémentaires, en les réservant aux cas où l'entreprise ne peut recruter le personnel nécessaire pour faire face au surcroît d'activité, ce qui n'est guère autre chose que l'application normale du code du travail. Son adoption représenterait une avancée en faveur de l'emploi et augmenterait donc les recettes disponibles pour la protection sociale et les retraites.

M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Avis défavorable. Cet amendement est en dehors du champ de ce projet de loi.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Même avis.

L'amendement 3463, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 3409 à 3415 sont identiques.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 3412 revient sur la question du licenciement économique. Le maintien d'un haut niveau d'emploi, avec des postes bien rémunérés et qualifiés, est la clef de voûte du système de retraite par répartition. L'abus du licenciement économique par les grandes entreprises suscite de grandes inquiétudes chez les salariés. C'est pour améliorer le régime juridique du licenciement que la loi de modernisation sociale avait été élaborée, mais elle a été vidée de sa substance par une censure odieuse du Conseil constitutionnel.

Alors que la situation de l'emploi se détériore et que la richesse s'accumule pour certains, mais rarement pour les salariés, il est urgent de légiférer. La liste noire des plans sociaux n'autorise aucune passivité : Michelin, Elf, Alstom, Moulinex, Lu, Danone, et encore aujourd'hui Alcatel, Whirlpool ou Hewlett Packard. La censure du Conseil constitutionnel n'a fait que mettre en lumière la nécessité de légiférer, pour répondre aux attentes des salariés.

Les attendus de sa décision sont contestables : il évoque le droit d'entreprendre, qui doit certes être encouragé, mais pas au détriment du droit à l'emploi, principe tout aussi constitutionnel ! D'autre part, la décision donne droit à l'employeur de licencier pour sauvegarder les emplois subsistants. Que fait-elle du principe constitutionnel de droit à l'emploi ? Faire du licenciement un moyen de sauvegarder l'emploi est assez incroyable !

Cet amendement, qui diffère de la formulation qui a été cassée, donne la chance au législateur de revenir sur la question du licenciement et, le cas échéant, au Conseil constitutionnel de revenir sur sa décision. Qui fait la loi, les représentants de la volonté nationale, ou neuf juristes ? Soucieux d'accroître la sécurité des salariés, cet amendement n'a pas pour but d'interdire tout licenciement économique, mais de mettre fin rapidement aux abus les plus criants. Il privilégie le pragmatisme et l'efficacité. Pensez à tous ceux qui subissent les conséquences du licenciement économique, et à qui on prépare un avenir bien sombre !

M. Alain Bocquet - Très bien !

M. le Rapporteur - La commission n'a pas accepté l'amendement pour les raisons déjà dites. Comme Mme Fraysse l'a elle-même souligné, la proposition, par ailleurs sans rapport avec le texte, a été censurée une première fois par le Conseil constitutionnel, et elle le serait à nouveau si l'amendement était adopté.

M. le Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Je pourrai défendre l'amendement identique 3414 mais, pour vous remercier, Monsieur le Président, je ne le ferai pas. Nous sommes donc quittes.

M. le Président - Non ! Il n'y a pas lieu à marchandage dans cette enceinte !

L'amendement 3409, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Si vous souhaitez réellement améliorer le déroulement de nos travaux, vous pouvez renoncer à prendre la parole sur l'amendement 3416 et les six amendements identiques... (M. Alain Bocquet proteste) Monsieur Bocquet, parce que je respecte l'opposition, j'ai attendu plus de cinq minutes l'arrivée des membres du groupe communiste avant de commencer la séance !

M. Alain Bocquet - Il est d'usage qu'une sonnerie annonce la séance. Cela n'a pas été le cas cette fois.

M. le Président - Quoi qu'il en soit, les membres des autres groupes étaient présents à l'heure dite.

M. Maxime Gremetz - Si ce qui a trait au licenciement économique a été censuré par le Conseil constitutionnel, ce qui touchait au droit d'opposition des représentants de salariés à des licenciement irréguliers ne l'a pas été. Seulement, vous avez suspendu l'application de cette disposition et, du même coup, le droit de proposition qui permettait aux comités d'entreprise de présenter des projets alternatifs à la décision de licencier. Cette suspension n'a pas empêché les plans de licenciements, qui n'ont jamais été aussi nombreux. Inspiré du droit allemand, l'amendement a bien toute sa place dans le texte, car on ne peut traiter du financement des retraites sans parler en même temps de la politique de l'emploi et donc de la lutte contre le chômage et les licenciements. Nous demandons un scrutin public sur cet amendement et les amendements identiques.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 3419 tend à accorder aux salariés le droit d'opposition aux licenciements injustifiables, ceux qui n'ont pas un motif économique admis par la loi et qui ne s'expliquent que par une course effrénée à la valorisation boursière. Inspiré du droit allemand, l'amendement donnera aux salariés un pouvoir réel de contrôle et de contestation de décisions illégitimes, et il permettra aussi une vraie concertation, par la présentation de projets alternatifs aux licenciements. C'est donc un encouragement donné au développement d'entreprises citoyennes.

A la majorité de 93 voix contre 14, sur 107 votants et 107 suffrages exprimés, les amendements 3419 et 3421, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Et le rapporteur ? Et le Gouvernement ? Ils n'ont rien à dire ?

M. Alain Bocquet - La loi impose aux employeurs qui procèdent à des licenciements économiques une obligation de reclassement des salariés concernés. Or, certains employeurs s'en acquittent a minima, et certains pas du tout. C'est pourquoi l'amendement 3423 tend à frapper de nullité un licenciement lorsque l'employeur a manqué à cette obligation. Il contribue ainsi à la sauvegarde de l'emploi et garantit la qualité des plans de reclassement proposés. C'est un message fort à l'intention de tous les employeurs qui ne font pas tout ce qu'ils devraient ou qui disparaissent tout simplement dans la nature, comme l'ont fait les dirigeants de Metaleurop, se défaussant ainsi sur l'Etat, qui n'a pas à se faire le pompier social de ces prédateurs. De tels agissements, inadmissibles, créent de très fortes tensions sociales au sein d'une population plongée dans la détresse, et l'Etat n'a pas à se substituer à ces fauteurs de trouble, comme le souhaite le Medef (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Si vous ne faites rien à ce sujet, il est évident que les 5 % de chômage que vous annoncez tiendront toujours plus du mirage et que, de ce fait, votre réforme illusoire, car son financement est insuffisant, conduira tout droit à la création de fonds de pension.

M. Maxime Gremetz - Je défends l'amendement 3428...

M. le Président - Allez-vous demander un scrutin public ?

M. Maxime Gremetz - Je vous le dirai plus tard.

M. le Président - Monsieur Gremetz, vraiment ? Cette façon de travailler n'est pas satisfaisante, et je prends acte de votre refus de me répondre.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 3428 tend à sanctionner les employeurs qui ont manqué à leurs obligations de reclassement. Ainsi d'Air Lib qui, en dépit des engagements pris par votre gouvernement...

Plusieurs députés UMP - Par Gayssot ?

M. Maxime Gremetz - Ah bon ? Et qui, sinon M. de Robien a assuré publiquement que personne ne resterait sur le carreau ? Or, le taux actuel de reclassement des salariés d'Air Lib est de 13 % !

M. le Rapporteur - C'est faux !

M. Maxime Gremetz - Pourquoi dites-vous cela ? Les chiffres émanent du ministère des transports !

Chez Magneti-Marelli, un an et trois mois après la suppression de 550 emplois, il n'y a que 12 % de salariés reclassés. Et je pourrais multiplier les exemples ! Le reclassement doit donc être une obligation, d'autant que ces comportements ne sont pas le fait de PME, mais de groupes, au sein desquels on devrait trouver des emplois de substitution. Mais on préfère jeter les salariés comme des kleenex après les avoir pressurés comme des citrons !

Compte tenu de l'importance du sujet, nous demandons un scrutin public.

M. le Président - Dont acte.

M. le Rapporteur - L'amendement modifiant le code du travail, il n'a pas sa place ici et la commission l'a donc rejeté.

Il est triste de voir le groupe communiste - et cependant républicain - essayer de faire ainsi traîner en longueur notre discussion ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre - Même position.

A la majorité de 123 voix contre 23 sur 146 votants et 146 suffrages exprimés, les amendements 3423 et 3428 ne sont pas adoptés.

M. François Liberti - L'amendement 3450 concerne les salariés précaires. Employés le plus souvent de façon illégale, ce sont les plus exposés aux suppressions d'emplois. Leurs contrats pourraient en général être requalifiés mais, espérant être embauchés, ils n'engagent pas les procédures nécessaires. Il convient donc de modifier la législation. D'où cet amendement qui ne vise que la précarité motivée par de prétendus surcroîts d'activité et ne remet pas en cause celle qui est justifiée par le remplacement des absents, non plus que le travail saisonnier. Nous ne proposons d'autre part qu'une moyenne annuelle, ce qui permet d'aller au delà de ces 5 % sur une période limitée, pour faire face à un surcroît d'activité conjoncturel. Et, bien entendu, nous n'entendons pas autoriser à employer en permanence 5 % de travailleurs précaires : il s'agit, on l'aura compris, d'un maximum. 

Moyennant cette disposition, la législation actuellement détournée de son objectif pourra enfin être respectée.

M. le Président - Monsieur Gremetz, avant de vous donner la parole, puis-je me permettre de vous demander si un scrutin public sera nécessaire ?

M. Maxime Gremetz - C'est si gentiment dit que je répondrai : non.

M. le Président - Je vous suis très reconnaissant de cette information (Sourires).

M. Maxime Gremetz - L'INSEE et la DARES recensent 639 000 emplois précaires, 639 500 emplois intérimaires et, parmi les contrats en tous genres, ici 576 000, là 413 000, ailleurs 266 000. Les chiffres officiels font donc la preuve d'une précarité croissante, en même temps que d'un recours accru à l'intérim. L'amendement 3449 vise à donner aux salariés la sécurité de l'emploi : cela s'impose d'autant plus que le « turnover » fait obstacle à des embauches et réduit d'autant les ressources de notre protection sociale.

M. le Rapporteur - Cet amendement aussi concerne le code du travail. Rejet, par conséquent.

Je note que, si notre Président n'avait pas fait preuve d'une largeur d'esprit dictée par son attachement à la démocratie, nous n'aurions même pas eu à discuter de ces propositions du groupe communiste.

M. le Ministre - Même position.

Les amendements 3450 et 3449, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 3440 vise à réaffirmer le droit de tous à une formation initiale et continue...

M. Pierre Lellouche - Quel rapport avec la retraite ?

Mme Jacqueline Fraysse - Beaucoup de personnes ne peuvent trouver d'emploi faute de formation suffisante. Tous ces chômeurs ne cotisent pas !

Nous préconisons donc un dispositif d'emploi-formation, un plan d'action destiné à remédier à l'insuffisance de la formation et à la pénurie de personnel qualifié. En effet, les dispositifs existants - plans de formation, congés individuels ou capital-temps - ne répondent pas toujours aux besoins des salariés. Cette formation ne doit pas viser simplement à une meilleure adaptation aux postes de travail : elle doit préparer aux évolutions des métiers et des technologies et permettre aux salariés de changer d'emploi s'ils le souhaitent.

Les salariés licenciés voient trop souvent les portes se fermer devant eux, faute de formation. Nos amendements esquissent donc une véritable politique de la formation, en particulier en faveur des jeunes, dont cent mille sortent chaque année de l'enseignement secondaire sans aucun diplôme, 30 % se retrouvant encore au chômage trois ans après ! La formation qualifiante doit devenir une priorité. Cela passe par la remise en cause de votre contrat jeune-entreprise, au profit d'une formation initiale et complémentaire conforme à l'article 8 de la loi d'orientation du 16 juillet 1971 sur l'enseignement technologique. Il s'agira pour certains d'une remise à niveau, leur permettant ensuite d'accéder à une formation professionnelle, dans le cadre d'une convention conclue avec un établissement d'enseignement ou avec un organisme de formation agréé. Quant aux jeunes de 18 à 25 ans inscrits dans un projet de formation à finalité professionnelle, nous souhaitons les faire bénéficier d'une allocation égale à 65 % du SMIC mensuel, de sorte que tous aient un égal accès à l'apprentissage et au savoir. Trop nombreux sont en effet les étudiants qui abandonnent leurs études parce qu'ils doivent subvenir à leurs besoins.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 3442 vise à assurer cette formation tout au long de la vie dont on ne fait guère que parler...

M. Xavier de Roux - Et même après la vie !

M. Maxime Gremetz - J'imagine que cela se voulait drôle.

La validation des acquis professionnels a marqué un progrès, mais la question de la formation reste entière. On évoque à ce propos une révision de la loi de 1971...

M. Xavier de Roux - Et la loi sur la pêche ?

M. le Président - A quoi sert ce genre d'interruption ?

A se faire plaisir ? On perd du temps, c'est tout ! Et si vous croyez désarçonner M. Gremetz...

M. Maxime Gremetz - La formation est un investissement essentiel, et l'efficacité économique dépend de salariés bien formés et bien payés.

Mais qui paie la formation initiale ou continue ? Le patronat ne veut plus participer à cet effort, qu'il renvoie à la solidarité nationale. Lui tire les profits, exploite les salariés, et la nation paie. C'est aux entreprises de payer.

Les amendements 3440 et 3442, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. André Chassaigne - L'amendement 3496 vise à débattre d'une question fondamentale, celle de la formation des salariés et du rôle des comités d'entreprise.

Depuis le début de l'année, plusieurs études montrent que les entreprises retardent d'un an environ la mise en _uvre de leur plan de formation. Les budgets sont réduits et les salariés ont de plus en plus de difficultés à obtenir satisfaction.

Les règles d'attribution des formations sont durcies et de nombreuses sessions reportées. Le directeur des ressources humaines du cabinet Orga Consultant note d'ailleurs : « En rupture avec les années 1995-2000, les entreprises serrent aujourd'hui les boulons », conséquence supplémentaire de l'ouverture de la boîte de Pandore en leur faveur.

Pourtant, il faut faire face aux défis du papy-boom en réduisant les inégalités d'accès à la formation et en créant un droit individuel à la formation tout au long de la vie.

Nous comptons aujourd'hui quatre à cinq millions de salariés quadragénaires dont le niveau de qualification ne sera pas en adéquation avec les besoins.

Il faudra donc engager une véritable politique de formation et de validation des acquis de l'expérience professionnelle. Il s'agit à la fois de sécuriser l'emploi des salariés les plus âgés, d'améliorer la gestion des carrières et d'améliorer l'employabilité des jeunes.

Nous proposons de donner aux salariés, par une réelle implication des comités d'entreprise, un pouvoir sur l'élaboration des plans de formation.

L'amendement 3496, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Bocquet - Rappel au Règlement. Deux dépêches tombent, qui posent un problème sur la clarté de nos débats.

Je cite : « Le débat sur les retraites à l'Assemblée nationale a pris un tournant inattendu mercredi après la proposition de parlementaires UMP d'augmenter l'impôt sur les sociétés des grandes entreprises. Ces seize parlementaires, qui se défendent d'être des trublions de l'UMP, proposent de faire passer l'impôt sur les sociétés de 33,5 % à 34,5 %, ce qui rapporterait plus d'un milliard d'euros par an pour financer les retraites ». Une autre dépêche assure que le ministre des affaires sociales a immédiatement fait savoir qu'il était en désaccord (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)...

M. Pierre Lellouche - Il a raison !

M. Alain Bocquet - ...avec cette proposition et qu'il la rejetterait. J'ai cru comprendre que vos collègues et amis avaient prévu de déposer un amendement à l'article concerné, le moment venu. Or, dès aujourd'hui, la consigne semble être : « Rentrez dans le rang, ne discutez plus, circulez, il n'y a rien à voir » (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Richard Cazenave - Mais enfin, ce n'est pas un rappel au Règlement !

M. le Président - Monsieur Cazenave, calmez-vous ! Laissez-moi conduire les débats !

M. Richard Cazenave - Le Règlement est pourtant précis !

M. le Président - Je suspends la séance.

La séance, suspendue à 22 heures 25, est reprise à 22 heures 30.

M. le Président - Pardonnez-moi, Monsieur Bocquet, de vous avoir interrompu. Le calme étant revenu, je vous prie de reprendre.

M. Alain Bocquet - Je cite à nouveau la dépêche : « Le président du groupe UMP Jacques Barrot a affirmé que la proposition de ces élus n'engageait que quelques députés qui ont des intentions généreuses mais qui ne sont pas en cohérence avec le projet Fillon ». La seconde dépêche précise : « L'idée de taxer les entreprises pour financer les retraites, émise mercredi par un groupe de parlementaires UMP, a été rejetée par le ministre des affaires sociales et par le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale. François Fillon est en désaccord avec cette proposition et la rejettera en séance, a fait savoir l'entourage du ministre dans les couloirs de l'Assemblée ».

Plus loin : « C'est une intention qui n'engage qu'un groupe de députés avec lesquels on va s'expliquer », a déclaré M. Barrot, pour qui il n'est pas question de solliciter les entreprises. « Ils ont des intentions généreuses mais qui ne sont pas en cohérence avec le projet Fillon. Il n'y a pas lieu d'aller au-delà », a ajouté M. Barrot. La position du groupe, dans sa très grande majorité, est qu'il ne faut surtout pas solliciter les entreprises, car leur objectif est de développer l'emploi ».

A la lecture de toutes ces déclarations, je me dis que mieux eût valu que ces propos soient tenus dans l'hémicycle plutôt que dans les couloirs de l'Assemblée ou livrés à des journalistes. C'est ici que le débat devrait avoir lieu. Je suis donc consterné que l'on nous refuse le débat de fond que nous, députés communistes et républicains, ne cessons d'appeler de nos v_ux. Dans ces conditions, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement. Je serais tenté, mais ce n'est là qu'une boutade, de solliciter une suspension de séance pour le compte du groupe UMP (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Auberger - Dieu nous en préserve !

M. Jean-Marc Ayrault - Sur le fond, les déclarations auxquelles il est fait allusion donnent une perspective nouvelle à notre débat. Lorsque plusieurs députés UMP expriment le souhait d'orientations moins libérales, cela rejoint les arguments de l'opposition - même si, bien entendu, je ne pense pas que les députés en question seraient prêts à changer de bancs ! (Interruptions sur divers bancs) Mais il serait souhaitable que la majorité clarifie ses positions ici, devant la représentation nationale. Dans la mesure où plusieurs députés signataires de cette dépêche sont présents ce soir, je souhaiterais qu'ils puissent faire entendre leur point de vue.

M. le Président - Nous examinons un projet de loi, c'est-à-dire un texte d'origine gouvernementale, sur lequel le ministre s'est exprimé. Nous statuons sur des articles de loi, non sur des déclarations.

Cela étant, la suspension demandée par M. Bocquet est de droit. Je lui accorde deux minutes.

La séance, suspendue à 22 heures 35, est reprise à 22 heures 37.

M. le Président - Le président Barrot m'a demandé la parole pour un rappel au Règlement (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jacques Barrot - Chers collègues, reconnaissez que je n'interviens pas souvent ! Je demanderai seulement aux présidents Ayrault et Bocquet, pour lesquels j'ai la plus grande estime, de me laisser le soin, avec ses vice-présidents, d'animer le groupe UMP. Je ne tente pas, pour ma part, de m'immiscer dans les affaires du groupe socialiste ou du groupe communiste. Ayez donc, chers collègues, la gentillesse, la courtoisie, la délicatesse de ne pas venir me remplacer aujourd'hui ! Chacun chez soi, et la démocratie sera bien gardée. Elle n'en sera que plus sereine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Cela étant dit, si l'un de nos collègues souhaite déposer un sous-amendement, il n'en sera pas empêché. Les députés du groupe UMP sont libres. Mais soyez assuré, Monsieur le ministre, que nous soutenons totalement la démarche du Gouvernement et, chers collègues de l'opposition, ne nourrissez pas d'espoirs inconsidérés en une quelconque division de notre groupe (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marc Ayrault - Je n'aurais jamais la prétention de m'immiscer dans les affaires du groupe UMP, dont je laisse au président Barrot le plaisir de gérer les 365 députés. Celui-ci a encouragé certains de ses collègues à déposer un sous-amendement...

M. Jacques Barrot - Je n'ai jamais dit cela !

M. Jean-Marc Ayrault - Je redis seulement qu'il serait plus clair et plus cohérent que le débat ait lieu ici plutôt que par le biais de dépêches de l'AFP. Si un sous-amendement est déposé, bien entendu nous le soutiendrons.

M. le Président - Chaque député a le droit de déposer un amendement ou un sous-amendement lorsqu'il le souhaite. Je suis le gardien de ce droit imprescriptible (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Jacqueline Fraysse - Nous n'ambitionnons nullement de diriger le groupe UMP à la place de M. Barrot, d'autant que cela n'a pas l'air facile ! Nous ne voudrions pas compliquer votre tâche et nous saluons la démocratie qui prévaut dans le fonctionnement de votre groupe. Là n'est pas la question.

Il existe indéniablement un débat au sein de la majorité... (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Calmez-vous donc ! Pourquoi êtes-vous si énervés ? Le débat est normal sur un sujet aussi fondamental qui touche tous nos concitoyens. Nous souhaitons seulement qu'il puisse avoir lieu ici, que les députés de la majorité qui font des propositions alternatives puissent les exposer et que ceux qui s'y opposent expliquent pourquoi. Notre démarche se veut constructive.

M. François Liberti - L'amendement 3492 concerne le rôle des comités d'entreprise (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Les salariés doivent être mieux associés à la gestion des entreprises, notamment pour les questions touchant à l'emploi - il est bien dommage à cet égard que ce gouvernement ait vidé de sa substance les principales dispositions de la loi de modernisation sociale.

Le rôle actuel des élus du personnel, qui se limite à de simples avis, d'ailleurs rarement suivis, n'est plus adapté. Nous proposons par cet amendement que le comité d'entreprise puisse s'opposer à toute décision du chef d'entreprise concernant des suppressions d'emplois, le recours à des emplois précaires, la sous-traitance ou l'externalisation des productions ou services assurés par l'entreprise, étant entendu que la décision du comité devra reposer sur des « motifs réels et sérieux », et permettre notamment la pérennité de l'entreprise, le développement de son activité ainsi que son adaptation à la conjoncture.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 3492, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - Nous persistons dans notre vision progressiste de la vie dans l'entreprise en proposant, par l'amendement 3433, d'accorder des pouvoirs nouveaux aux salariés. Il est temps, en effet, de mettre en _uvre les principes de l'entreprise citoyenne : les salariés doivent être associés de façon efficace à la gestion de l'entreprise, à ses choix stratégiques, à toutes les décisions concernant l'emploi, y compris le recours à la sous-traitance et à l'externalisation.

L'employeur et ses salariés ont un objectif commun, la pérennité de l'entreprise ; il n'y a donc pas à craindre que les avantages accordés aux salariés soient incompatibles avec la compétitivité de l'entreprise.

Actuellement, le rôle des élus du personnel se limite à un simple avis, d'ailleurs rarement suivi, ce qui n'est pas normal car les salariés sont intelligents et capables de propositions utiles. Il faut leur donner les moyens de prendre part aux décisions qui assureront le développement de l'activité de l'entreprise et son adaptation aux mutations technologiques et à la conjoncture. Notre économie et notre démocratie ont tout à y gagner.

M. Maxime Gremetz - Mon amendement 3435, identique, vise à en finir avec la coupure entre l'employeur, doté de tous les droits, et les salariés, qui ne sont pas associés à la réflexion et aux objectifs de l'entreprise, ce qui nuit à l'efficacité économique. De ce point de vue, l'Allemagne est en avance sur nous.

Une participation effective des salariés comme force de proposition et d'imagination, tel est l'objet de cet amendement qui se veut constructif. L'efficacité économique ne se réduit pas à réduire le « coût » du travail, à infliger des cadences insupportables et à réduire les acquis sociaux pour satisfaire les actionnaires. M. Gandois parlait de « l'entreprise citoyenne », mais il est vrai que M. Seillière a d'autres conceptions...

Les amendements 3433 et 3435, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Avec l'amendement 3374, nous allons engager le débat ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il prévoit une cotisation additionnelle sur les revenus financiers : cela rejoint la proposition de quelques-uns de vos amis, qui ont estimé qu'il ne fallait pas faire supporter l'essentiel de la réforme par les salariés, mais impliquer aussi les revenus du capital. Ils sont sur la bonne voie ! Ils se rendent compte que l'opposition des deux tiers des Français à la réforme est due à cette injustice.

J'ai rappelé à M. Barrot que l'idée n'était pas nouvelle puisque M. Juppé, en son temps, avait instauré une surtaxe sur le capital qui avait rapporté 12,5 milliards de francs. La mesure que vos amis proposent représente 1 milliard d'euros par an : ce n'est pas beaucoup, mais c'est un début et surtout cela remet en cause toute votre argumentation selon laquelle les retraites ne peuvent être financées que par les cotisations.

Je rappelle que le taux des cotisations patronales n'a pas augmenté depuis 25 ans, contrairement à celui des cotisations salariales, et que les exonérations se sont multipliées.

Notre proposition va plus loin que celle de vos amis puisqu'elle vise à taxer les 236 milliards de profits financiers qui ne servent ni à l'investissement ni au progrès social, mais seulement à la spéculation, et à inclure dans l'assiette des cotisations l'ensemble de la valeur ajoutée. Cela ferait 56 milliards de recettes nouvelles.

Nous demanderons un scrutin public sur cet amendement.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas accepté cet amendement. La logique du parti communiste est de faire supporter par les entreprises le financement de la protection sociale, en particulier des retraites.

Cette taxation, outre qu'elle ne couvrirait pas les besoins (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), aurait un effet négatif sur l'emploi et aboutirait finalement à réduire les recettes de cotisations.

M. le Ministre - Puisque nous revenons au débat sur les retraites, que nous avions quitté depuis plusieurs heures, cet amendement me donne l'occasion de réaffirmer l'opposition du Gouvernement à toute augmentation des prélèvements obligatoires, en particulier de la fiscalité sur les entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Elle est déjà l'une des plus élevées d'Europe...

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas vrai !

M. le Ministre - Je vous transmettrai un excellent rapport du Conseil d'analyse économique qui le démontre !

Tout à l'heure le président du groupe socialiste a pris à partie l'UMP : il sera intéressant de voir les résultats du vote sur cet amendement. Le tract du parti socialiste sur le financement des retraites n'évoque en effet aucunement l'augmentation de 200 % de l'ISF, que ses membres ont pourtant votée tout à l'heure, ni la taxe sur la valeur ajoutée qu'ils ont votée hier soir, ni une telle augmentation des prélèvements sur les entreprises. Le parti socialiste doit être aussi cohérent qu'il nous demande de l'être. Il doit s'en tenir aux choix qu'il a présentés aux Français, que nous ne partageons pas mais qui sont moins graves pour notre économie que ceux du parti communiste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Liberti - Notre amendement pose une question essentielle, et l'initiative prise cet après-midi par certains membres de l'UMP le démontre. Vous déclarez vouloir sauver la répartition, mais vos actions ne visent qu'à mettre en _uvre la capitalisation. Pourtant, des moyens existent, et ceux que nous vous avons présentés suffiraient à sauver la retraite par répartition.

Le premier consiste à élargir l'assiette aux revenus financiers des entreprises. Cela constituerait une mesure aussi bien de justice vis-à-vis des salaires que d'efficacité économique. La cotisation additionnelle sur les revenus financiers a progressé après la bataille de décembre 1995 contre la tentative de casse de notre système de retraites du plan Juppé, mais elle est encore mal maîtrisée et pourrait être dévoyée. Il ne s'agit pas seulement de taxer un trésor, mais surtout de jouer sur la dynamique de la croissance.

Le deuxième moyen est la modulation des prélèvements, qui a l'avantage d'influencer la gestion même de l'entreprise. Le taux de cotisation retraite serait abaissé pour les entreprises qui augmentent la part des salaires et de la formation dans la valeur ajoutée et augmenté dans le cas contraire. On engage ici une logique de compétition concernant les dépenses sociales, vers lesquelles les revenus financiers seraient réorientés. Cette mesure serait donc essentielle.

M. Jean-Marc Ayrault - Je tiens à préciser que le groupe socialiste n'a pas voté l'augmentation de 200 % de l'ISF.

M. le Ministre - J'étais là !

M. Jean-Marc Ayrault - Je ne l'ai pas votée, et la majorité de mes collègues non plus. Cessez donc de caricaturer les positions du groupe socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Nous ne sommes pas partisans d'une augmentation systématique des prélèvements obligatoires, mais nous ne sommes pas non plus enfermés dans une position dogmatique, ainsi que vous l'êtes. L'équilibre de votre réforme est basé sur l'hypothèse d'une baisse massive du chômage, qui serait ramené à 4,5 % en 2008. Que se passera-t-il si cet objectif n'est pas atteint ? Si votre majorité demeure au Gouvernement et continue à refuser d'autres recettes, elle sera amenée à baisser de nouveau le niveau des pensions et à augmenter le nombre d'années de cotisation ! Nous sommes au c_ur de ce qui nous sépare (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Maxime Gremetz - J'aimerais avoir les références du rapport cité par le ministre. Pour ma part, je peux lui en citer un autre, selon lequel les prélèvements sociaux sont en France de 45 %, contre 52 % en Suède et 50 % en Norvège. C'est indiscutable ! Et aux Etats-Unis, la part du capital dans la richesse créée est de 33 %, de 31 % en Grande-Bretagne, alors qu'elle est de 40 % en France. Le capital se porte bien chez nous, on peut en prélever un petit peu !

M. le Ministre - Ce débat est trop long : certains en oublient ce qui a déjà été dit pourtant plusieurs fois ! M. Ayrault parle d'une hypothèse de 4,5 % de chômeurs en 2008, alors que nous retenons un taux de 5 à 6 % en 2020, obtenu d'après les estimations du COR, dégradées pour tenir compte de la situation.

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas clair !

M. le Ministre - Si nous voulons que ce débat soit utile, et surtout qu'il profite aux Français, il faut un minimum de respect mutuel. Quand le Gouvernement répète depuis huit jours que ses hypothèses sont de 5 à 6 points de chômage en 2020, il est clair que cela ne veut pas dire 4,5 en 2008 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

A la majorité de 148 voix contre 35 sur 191 votants et 183 suffrages exprimés, l'amendement 3374 n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 3391 prévoit la modulation des contributions des entreprises. Il s'agit d'une réelle réforme des cotisations patronales qui, outre qu'elle dégage des moyens pour la retraite, permet d'influer sur la politique conduite par l'entreprise. Nous proposons en effet d'alléger la contribution des entreprises à fort taux de main-d'_uvre et d'augmenter celle des entreprises hautement capitalistiques. Celles-ci seraient ainsi dissuadées de la spéculation et réorienteraient leurs ressources vers l'investissement et la création d'emplois.

M. Jean-Claude Lefort - L'amendement 3388 est identique. Il est porteur d'une vision extrêmement moderne qui allie efficacité sociale et efficacité économique : la modulation des cotisations patronales en fonction du ratio entre les salaires et la valeur ajoutée globale de l'entreprise.

Le financement du système par répartition impose d'augmenter l'emploi. C'est l'objectif principal de la modulation, qui favorisera également un emploi de qualité. Plus d'emplois font plus de cotisations, et des emplois de meilleure qualité, tenus par des salariés rassurés sur leur avenir et bien formés, sont plus productifs. Au bout du compte, il y a plus de ressources pour l'ensemble de la protection sociale. Nous proposons donc de réduire le taux de cotisation dans la mesure où les entreprises augmentent la part des dépenses consacrées aux salaires et à la formation dans leur valeur ajoutée globale.

La modulation ainsi introduite serait un facteur de progrès puisqu'elle inciterait les entreprises à investir davantage en faveur de l'innovation et de l'emploi qualifié et bien rémunéré. Elle contribuerait aussi à conforter les retraites, alors que le texte les fragilise.

Contrairement à ce que d'aucuns prétendent, il ne s'agit pas de taxer les seuls revenus financiers non réinvestis, mais de faire en sorte qu'au lieu d'être utilisés dans un but spéculatif, ils favorisent les investissements créateurs d'emplois de qualité. Ainsi permettra-t-on un meilleur partage de la valeur ajoutée ; ainsi agira-t-on, aussi, en faveur de relations renouées entre les entreprises et le système bancaire. En toute logique, cette réforme du financement de notre système de retraite, parce qu'elle stimulerait l'emploi, ne peut qu'être adoptée par l'Assemblée.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 3388 et les amendements identiques.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement, considérant qu'une analyse économique approfondie s'impose sur pareil sujet et qu'en l'état le dispositif proposé handicaperait de très nombreuses entreprises alors même que notre pays est tenu de concentrer son savoir-faire sur la technologie et l'innovation pour résister à la concurrence des pays où les charges sociales sont très faibles.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Eric Besson - Je reviens sur l'intervention précédente du ministre, qui a cru bon de caricaturer les propos de Jean-Marc Ayrault. Le projet du Gouvernement repose sur l'hypothèse d'une baisse du chômage ; seulement, la politique qu'il mène aura l'effet inverse à celui escompté, comme on s'en rend déjà compte, puisque le chômage va franchir la barre des 10 % avant la fin de cette année. Puisque vous voulez un débat utile, Monsieur le ministre, commencez donc par vous appliquer à vous-même les exigences de vérité et de vertu que vous attendez des autres ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Ne faites pas dire au Conseil d'analyse économique ce qu'il ne dit pas ! Pour l'avoir lu intégralement, je sais combien il est nuancé, et que ses arguments peuvent apporter de l'eau à bien des moulins. Mais, contrairement à ce que vous avez dit, ce rapport situe la France dans la moyenne des pays européens en matière de compétitivité. Et contrairement à vos assertions, la compétitivité de notre pays ne s'est pas dégradée entre 1997 et 2002 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; mieux : elle a progressé par rapport à la période 1993-1997 ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Du reste, je ne comprends pas l'acharnement mis par les ministres de votre gouvernement à dénigrer les performances de l'économie française, le premier d'entre eux allant se livrer à cet exercice jusqu'au Québec, en se moquant, à l'étranger, d'une France supposée paresseuse ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) Mais les mânes des grands gaullistes doivent frémir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Proriol - Mais lisez donc le rapport Charzat !

M. André Chassaigne - Je ne comprends pas l'attitude du rapporteur, qui refuse les uns après les autres toutes nos propositions, et qui finira par nous dire, soyons-en sûrs, que les plats ne sont pas assez nombreux pour qu'il soit rassasié !

Un député UMP - On peut ne pas les aimer !

M. André Chassaigne - Je ne comprends pas davantage la contradiction qui consiste à refuser cette proposition particulière alors que, dans toutes nos circonscriptions, artisans et PME appellent à des contributions différenciées ! A quoi tend cet amendement, sinon à favoriser les petites entreprises de main d'_uvre ? C'est qu'à chaque fois que l'on cherche d'autres sources de financement de la réforme, on s'entend répondre : « Touchez pas au grisbi ! » (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

A la majorité de 122 voix contre 32 sur 154 votants et 154 suffrages exprimés, les amendements 3388 et 3391 identiques ne sont pas adoptés.

M. François Liberti - Après avoir touché à la durée légale du travail, ce qui, nous l'avons démontré, nuit à la création d'emploi, ampute le pouvoir d'achat et fragilise la croissance, vous avez modifié les règles du financement d'aide à la réduction du temps de travail et à la création d'emploi, en déconnectant les aides publiques de l'application de la durée légale du travail liée à la création d'emploi. C'est un non-sens économique inacceptable car cela encourage à ne pas créer d'emploi.

De plus, les entreprises qui ont embauché du fait de la RTT vont se trouver victimes de la concurrence d'entreprises restées à 39 heures qui seront avantagées par ces exonérations sans conditions. Nous savons tous les modérations salariales qui en résulteront. Au moment où la croissance fléchit, vous faites le contraire de ce qu'il faudrait faire pour la soutenir, en incitant à embaucher à faible rémunération !

Nous avions réussi à imposer un principe fondamental que vous avez supprimé : subordonner les aides aux créations d'emploi.

Jamais depuis vingt ans, le dispositif que vous proposez n'a servi l'emploi : plus il y a d'aides inconditionnelles, plus il y a de chômage. Combien de chômeurs en moins pour 16,6 milliards. Presque aucun ! En outre, certaines aides ciblées sur les publics les plus en difficulté vont s'éteindre si bien que de nombreuses personnes vont voir leur avenir s'assombrir encore.

Cette multiplication de risques pour l'emploi et le coup porté aux ressources de notre protection sociale nous conduisent à présenter l'amendement 3401 qui tend à supprimer les exonérations de charges patronales sans contrepartie en terme d'emploi au profit d'une autre forme de financement.

Ce qu'a dit mon collègue Chassaigne à ce sujet devrait inciter l'Assemblée à le voter.

Mme Jacqueline Fraysse - Le ministre fait preuve d'une volonté inébranlable : celle de refuser l'augmentation des prélèvements obligatoires tout en élargissant l'exonération des charges sociales patronales. Ces principes intangibles ne souffrent pas le débat, même au sein de la majorité. Et même si l'on prétend ouvrir une modeste possibilité de financement alternatif, elle est catégoriquement refusée. Cette attitude dogmatique est préoccupante (Protestations sur les bancs du groupe UMP), d'autant qu'elle semble valoir pour bien d'autres sujets. C'est pourtant une affirmation gratuite de dire que les exonérations sont utiles pour l'emploi ! Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'en 2002 seulement, la compensation des exonérations de la part salariale de taxe professionnelle se sera élevée à 10 milliards, ce qui représente une baisse de 4 % de la fiscalité des entreprises. Où est la contrepartie en termes de création d'emplois ?

La Tribune a comptabilisé, pour 2002, 25,6 milliards d'euros d'allégements de charges patronales : 15,6 au titre des 35 heures et des réductions liées aux bas salaires, et 10 au titre des exonérations de taxe professionnelle. En 1993, on n'en était qu'à 600 millions d'euros... Pourtant, vous avez encore accru ces exonérations de 6 milliards lorsque vous avez assoupli la loi sur la réduction du temps de travail. Dans ces conditions, vous ne nous ferez pas croire qu'il n'y a pas d'argent pour financer les retraites et que toute la charge doit reposer sur les salariés.

Pendant que les cadeaux pleuvent sur le patronat, le chômage s'aggrave, la sécurité sociale voit ses recettes grevées et voici que vous lancez une réforme qui va amoindrir les pensions de retraite. Non contents, vous déconnectez baisse des cotisations sociales et réduction du temps de travail et vous généralisez et amplifiez les réductions Juppé sur les bas salaires, accordées aux entreprises n'appliquant pas la loi sur les 35 heures.

Le groupe communiste s'est toujours prononcé contre les allégements systématiques de cotisations sociales, d'autant qu'ils ne sont en général assortis d'aucune contrepartie en termes d'emploi, de formation ou de durée du travail. Les aides instituées par la loi Aubry avaient au moins le mérite de préserver les rémunérations et de favoriser la création d'emplois ainsi que la conclusion d'accords majoritaires. Vous avez supprimé tout cela et, de plus, vous interdisez de suspendre les aides lorsque les engagements pris ne sont pas respectés. La fixation du plafond à 1,7 fois le SMIC va accentuer l'effet « trappe à bas salaires » et le calcul horaire de l'aide va accroître le recours aux heures supplémentaires.

Le temps est à l'humilité et au pragmatisme, dites-vous, mais considérer que le coût du travail nuit à l'emploi n'est guère conforme à cette profession de foi. C'est au contraire un présupposé idéologique. En général, les pays les plus compétitifs sont en effet ceux où le coût du travail est le plus élevé, tels l'Allemagne et le Japon, et, en Europe, au cours des dix dernières années, les créations d'emplois ont été les plus nombreuses là où les salaires augmentaient cependant que le sous-emploi restait le lot des pays sous-développés et à très bas salaires.

C'est pour toutes ces raisons que l'amendement 3398 vise à revenir sur la déconnexion entre exonérations de charges patronales et obligation de négocier une réduction du temps de travail (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, vos chiffres et les miens ne concordent pas : quels sont les bons ? J'ai étayé les miens, faites de même ou nous ne pourrons pas avoir un débat constructif ! J'ai par exemple évalué à 45 % nos prélèvements sociaux, contre 52 % en Suède et 50 % en Norvège, et à 40 % la part des revenus du capital en France, contre 33 % aux Etats-Unis et 31,5 % en Grande-Bretagne : est-ce vrai ou faux ?

Une de vos premières décisions a été d'abroger la loi permettant de contrôler l'utilisation de fonds publics. Or ces aides sont nombreuses, puisqu'aux aides nationales il faut ajouter celles qui sont distribuées à l'échelon des régions ou des départements, et même à l'échelon local. Désormais, on continuera de donner aux mêmes - aux plus riches - sans se soucier de ce que devient l'argent des Français, alors que le moindre contribuable est soumis à toutes sortes de vérifications. Cette politique des deux poids, deux mesures est inacceptable. D'où l'amendement 3400, d'autant plus nécessaire que la première loi Aubry associait réduction du temps de travail et créations d'emploi en fixant un objectif chiffré - malheureusement, bien que nous nous soyons battus, la deuxième ne comportait qu'une formule qui a posé bien des problèmes mais, contrairement à d'autres, je n'y reviendrai pas car je préfère dire ce qu'il faut en temps voulu !

M. le Rapporteur - Ces amendements tendent à revenir sur les allégements Juppé qui ont créé 400 000 emplois malgré une croissance particulièrement faible, alors que la création du FOREC a asséché le fonds de solidarité vieillesse, qui finance les prestations non contributives, et mis en péril nos finances sociales. Ce fut le plus mauvais coup porté à notre protection sociale ! Rejet, par conséquent.

M. le Ministre - Je confirme que les allégements décidés en 1993 par M. Balladur, puis confortés par Alain Juppé, ont permis d'enrichir la croissance en emplois, c'est-à-dire d'abaisser le point à partir duquel elle crée des emplois. C'est si vrai que personne ne les a remis en cause. Quant aux allégements visés par les amendements, ils ne prendront effet qu'au 1er juillet et il est donc prématuré de juger de leur efficacité. Décidés par le Parlement, ils visent surtout à compenser le relèvement important du SMIC, rendu nécessaire par un gel de plusieurs années, dû au passage aux 35 heures. Les supprimer serait dangereux, mais aussi, comme l'a relevé le rapporteur, incohérent : ces allégements sont en effet intégralement compensés aux caisses de sécurité sociale alors que les 35 heures ont mis en difficulté le fonds de solidarité vieillesse.

Si nous voulons débattre utilement, il faut être rigoureux. Tout à l'heure, on a proposé d'augmenter les prélèvements sur le capital et l'impôt sur la fortune mais, s'agissant des premiers, la France se situe au quinzième rang des pays européens lorsqu'ils concernent les particuliers et au quatorzième lorsqu'ils touchent les entreprises ; s'agissant du second, elle est avant-dernière, juste devant la Belgique. Ces mesures ne seraient donc pas réalistes dans le contexte européen.

Enfin, je me suis fait communiquer les résultats du scrutin public demandé par M. Bocquet : l'amendement tendant à majorer l'ISF de 200 % a bien été voté par dix membres du groupe socialiste ! Il faut que chacun assume ses choix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pascal Terrasse - Monsieur le ministre, on ne peut parler de « charges » dans le domaine social...

M. Arnaud Montebourg - Très juste !

M. Pascal Terrasse - ...il convient plutôt de parler de cotisation. Ni la vieillesse ni la santé, en effet, ne sont des charges (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Je rappelle à M. le rapporteur que le FOREC, ce sont 105 milliards, dont 60 sont dus aux ristournes Juppé 1 et 2. Il faut être prudent avec les chiffres.

Les besoins de financement pour le régime général sont de 15 milliards d'euros. Près de 5,2 milliards sont financés ; 9,2 milliards ne le sont pas. Hypothétiquement, ils seraient financés grâce à la baisse du chômage. Or, cette baisse sera progressive, et les besoins de financement devraient se situer aux alentours de 6 %, dès 2010.

La proratisation et l'allégement de la décote, la création de la surcote font que si les recettes s'élèvent à 6,2 milliards, ce ne pourra être là encore que progressivement.

En outre, le bénéfice des recettes ne sera pas effectif, a priori, avant 2008 ou 2010, s'agissant de l'allongement de la durée de cotisation. Pour financer les 9,2 milliards d'euros manquant, un taux de chômage de 6 % dès 2010 serait nécessaire.

Jean-Marc Ayrault et Eric Besson ont eu raison de le rappeler : entre des chiffres hypothétiques et la réalité du chômage, nous craignons que vos orientations ne mettent à mal rapidement les comptes de l'assurance vieillesse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 3401 et les amendements identiques défendus, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Liberti - L'amendement 3457 vise à majorer de 10 %, pour trois ans, les cotisations patronales prévues par le code de la sécurité sociale pour les entreprises qui sont condamnées pour infraction à la législation sur le travail dissimulé et illégal.

Dans ma région, le Languedoc-Roussillon, dans mon département, l'Hérault, le travail illégal est un véritable fléau, en particulier dans le secteur de la construction, des services et de l'industrie du tourisme.

M. le Rapporteur - Les 35 heures n'ont rien arrangé !

M. François Liberti - Nous cumulons les bas salaires, le travail dissimulé et des conditions de travail dangereuses. Cette situation pèse sur les cotisations.

Des dispositions existent pour lutter contre le travail illégal, mais elles sont largement insuffisantes. Il convient donc d'adopter de nouvelles mesures, rapides, dissuasives et efficaces, à l'instar de celles qui ont été prises dans la loi d'orientation pour l'outre-mer et qui contribuent à la lutte contre l'emploi non déclaré.

Le vote de cet amendement faciliterait de plus le travail des GIR et des COLTI.

M. Alain Bocquet - L'amendement 3452 est identique. Je ne reviendrai donc pas sur l'excellente argumentation de mon collègue. Ayant été victime de votre présidence « agile », Monsieur le Président, je préfère prendre les devants : je demande la vérification du quorum, en application de l'article 61, alinéa 2, du Règlement. Il ne s'agit pas de satisfaire au besoin de sommeil de l'un de mes collègues qui m'appelle sympathiquement « camarade marchand de sable », mais, tenant comme vous une comptabilité rigoureuse, je constate une fois de plus que, proportionnellement, les députés de l'opposition sont plus nombreux que ceux de la majorité...

M. le Rapporteur - Mensonge ! C'est de la désinformation ! Le parti communiste n'a pas changé depuis 60 ans !

M. Alain Bocquet - ...24 % contre 12 %. Vous portez donc deux fois moins d'intérêt que nous au débat.

M. le Président - Je suis donc saisi d'une demande de vérification de quorum.

La séance, suspendue à 23 heures 55, est reprise à 0 heure 5, le jeudi 19 juin.

M. le Président - Je constate que le quorum n'est pas atteint. Conformément à l'article 61, alinéa 3, du Règlement, je vais lever la séance. Le vote sur l'amendement 3451 est reporté au début de la prochaine séance.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce matin, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 5.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 19 JUIN 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 885) portant réforme des retraites.

M. Bernard ACCOYER, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Rapport n° 898)

M. François CALVET, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

(Avis n° 895)

M. Xavier BERTRAND, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Avis n° 899)

Mme Claude GREFF, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

(Rapport d'information n° 892)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


© Assemblée nationale