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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 112ème jour de séance, 274ème séance

3ème SÉANCE DU LUNDI 30 JUIN 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 2

      LOI DE PROGRAMME POUR L'OUTRE-MER (CMP) 2

      RÉFORME DES RETRAITES (suite) 11

      ART. 52 (suite) 11

      ART. 53 19

      CLÔTURE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003 20

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - Il résulte d'une lettre que je viens de recevoir de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement que l'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra demain, mardi 1er juillet, est ainsi fixé :

Eventuellement à 0 heure, puis à 9 heures 30, 15 heures et 21 heures 30 : suite du projet portant réforme des retraites.

A minuit, la session ordinaire sera close, et j'ouvrirai immédiatement la session extraordinaire.

LOI DE PROGRAMME POUR L'OUTRE-MER (CMP)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il soumet à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi.

M. Philippe Auberger, rapporteur de la CMP - Les trois volets essentiels de ce projet de loi de programme pour l'outre-mer consistent en des allégements de charges sociales destinés à développer les emplois dans le secteur productif, en des dispositions pour simplifier et améliorer la défiscalisation et enfin en des mesures assurant la continuité territoriale. Ce texte a été examiné en première lecture par le Sénat puis par l'Assemblée, puis par la CMP le 19 juin. Il restait 37 articles en discussion.

L'article 4 qui résulte de la CMP prévoit à la fois une évaluation annuelle du coût de l'exonération de cotisations sociales, dans les jaunes budgétaires, et un rapport spécial tous les trois ans. L'article 13 concerne la défiscalisation des opérations de construction ; la CMP a décidé que les nouvelles dispositions s'appliqueraient soit à partir de la date d'agrément, pour les opérations qui y sont soumises, soit à partir de l'ordre de service pour les autres. L'article 13 bis, qui prévoyait le cumul de la défiscalisation d'Etat et des avantages fiscaux des collectivités locales, a été supprimé, de même que la possibilité, à l'article 14, de financer par défiscalisation du crédit-bail immobilier. La compensation par l'Etat de l'abattement de taxe foncière pour travaux dans les immeubles comportant des risques naturels avait été refusée par le Sénat puis adoptée par l'Assemblée nationale, à l'article 34 ; elle a été maintenue par la CMP. En ce qui concerne le contrôle de la concentration des surfaces de commerce à la Réunion, à l'article 41 bis, la rédaction du Sénat a été retenue. Enfin, l'article 47, qui concernait le statut civil de droit local à Mayotte, et notamment l'interdiction de la polygamie, a été réservé par la CMP, dans l'attente d'une analyse complémentaire de la part du Garde des Sceaux. Il fera l'objet de l'amendement 1 du Gouvernement.

Je vous invite donc à approuver la rédaction issue de la CMP, approuvée par le Sénat le 25 juin.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - Nous voici arrivés à l'ultime étape de l'examen de ce projet de loi de programme. La CMP est en effet parvenue à un accord sur le texte qui est aujourd'hui soumis à votre vote.

La CMP a décidé de supprimer l'article 47 nouveau du projet de loi, adopté par l'Assemblée sur la proposition courageuse de Mansour Kamardine, député de Mayotte. Cet article était consacré à la modernisation du statut personnel des Mahorais, et les présidents des deux commissions, MM. Arthuis et Méhaignerie, m'avaient avertie que la CMP désirait que le Gouvernement propose un nouveau texte fondé sur l'analyse approfondie de tous les ministres concernés. Les sénateurs ont approuvé à l'unanimité l'amendement que je leur ai présenté et qui était rédigé dans des termes très proches que ceux que vous aviez adoptés. J'aurai l'honneur de le défendre dans quelques instants devant vous. On ne peut en effet que souscrire à l'extinction de la polygamie et de la répudiation unilatérale de l'épouse, à l'égalité des enfants devant l'héritage ou à la liberté pour les Mahorais de statut personnel de droit local de porter leurs litiges devant le juge ordinaire ou devant le cadi, à leur choix. En confirmant le vote du Sénat, l'Assemblée confortera l'ancrage de Mayotte au sein de la République.

L'adoption de ce projet de loi de programme marquera la réalisation du deuxième engagement pris par le Président de la République en faveur des collectivités d'outre-mer. Après la réforme constitutionnelle qui concernait leurs institutions, il vise à créer les conditions d'un développement économique durable. Il s'inscrit donc dans une durée de quinze ans, destinée à créer un climat de confiance pour les acteurs économiques.

Deux dispositions visent à assurer la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole : l'allégement des charges sociales pour les compagnies aériennes et l'octroi à chaque collectivité d'une dotation de continuité territoriale, pour aider au passage aérien des résidents. Ce dernier dispositif repose sur un critère objectif et rationnel : celui de la résidence. C'est le seul qui ne porte pas atteinte au principe constitutionnel d'égalité. Il est en effet, par exemple, très difficile de se fonder sur la notion d'« originaire »: la naissance, la parenté ou même une certaine durée de résidence ne sauraient, même combinées, la déterminer. Un tel critère comporterait un risque d'arbitraire qui ruinerait l'efficacité de la mesure.

C'est la première fois que la question de la continuité territoriale est traitée. Le développement de l'outre-mer et l'égalité économique avec la métropole passent en effet non seulement par des mesures financières, mais aussi par la meilleure desserte des collectivités et l'offre à ceux qui y résident de moyens de transport abordables. C'est un objectif que le Gouvernement poursuit résolument.

J'ai particulièrement apprécié la qualité du travail de votre assemblée sur ce texte. Je tiens à remercier tout particulièrement les rapporteurs MM. Auberger et Beaugendre, dont l'analyse était éclairée et pertinente. Je voudrais également remercier M. le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie. Certaines de ses demandes n'ont pas été satisfaites, et les sujets qu'il a évoqués doivent faire l'objet d'une réflexion. Les dispositions relatives à l'outre-mer doivent en effet soulever le consensus, sous peine de rompre des équilibres qui demeurent fragiles. J'invite donc M. Méhaignerie à se rendre dans les collectivités d'outre-mer pour y rencontrer les acteurs du développement économique et les décideurs politiques. Les conclusions qu'il pourra en tirer seront précieuses pour le Gouvernement.

L'adoption de cette loi de programme pour l'outre-mer marquera une étape décisive pour que nos compatriotes d'outre-mer puissent, après avoir accédé à l'égalité sociale, parvenir à l'égalité économique avec la métropole. Tel est l'engagement pris par le Président de la République, et que le Gouvernement s'honore de pouvoir tenir aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilbert Gantier - Le groupe UDF a voté la quasi-totalité des articles de la loi de programme pour l'outre-mer, notamment les dispositifs d'incitation à l'investissement et à l'emploi, car nous considérons qu'ils vont permettre à l'outre-mer de compenser ses difficultés structurelles et que nous devrions rapidement en constater les effets positifs.

Néanmoins, nous nous abstiendrons sur l'ensemble du texte, non parce que nos amendements n'ont pas été retenus, mais parce qu'il nous semble qu'un projet de loi de programme pour quinze ans aurait dû prendre en compte d'autres priorités, en particulier l'éducation et l'égalité au regard de la continuité territoriale.

Le projet n'aborde que trop partiellement la question de l'égalité à l'école. Pourtant, le constat présenté par le rapporteur était édifiant. Nous souhaitons donc que le Gouvernement prenne rapidement la mesure de cette situation et ne laisse pas un tel écart se creuser entre l'école de la métropole et celle de l'outre-mer. Une action volontariste en faveur de l'école constitue en effet l'unique solution à long terme pour résorber le chômage et offrir aux ultramarins les mêmes chances de réussite qu'aux métropolitains.

Quant au principe de continuité territoriale, le projet de loi le reconnaît, mais en instaurant une inégalité dangereuse entre les résidents d'outre-mer et les ultramarins résidant en métropole. Nous pensons qu'il aurait fallu étendre ce dispositif à l'ensemble des ressortissants d'outre-mer, et nous regrettons, d'autre part, que le principe de continuité territoriale s'arrête à une aide financière, là où il aurait dû avant tout favoriser les échanges entre les résidents d'outre-mer et la métropole.

Un mot enfin de la disposition mettant un terme à la polygamie à Mayotte. Cette disposition était éminemment souhaitable et représentait une avancée sociale et culturelle forte, pour Mayotte comme pour la France. Elle recueillait d'ailleurs un large consensus. Malheureusement, l'absence de concertation locale préalable a empêché son adoption en CMP.

M. Jacques Brunhes - Le texte issu de la CMP ne modifie en rien l'appréciation que le groupe des députés communistes et républicains avait portée sur ce projet en première lecture, au vu de ses limites.

La première tient au fait qu'en matière de rattrapage économique, ce projet n'innove pas mais reste fidèle à la logique classique de la réduction du coût de travail et de la défiscalisation qui - toute l'expérience passée le démontre - ne peut répondre au défi concurrentiel que représentent des pays - ceux qui entourent les collectivités ultra-marines - où les coûts de travail sont de quatre à trente fois inférieurs.

Depuis plusieurs années, les plans de développement fondés sur cette stratégie se sont succédé sans enrayer le mal-développement des économies ultra-marines, et n'ont eu qu'un succès très limité D'ailleurs, le Conseil économique et social souligne que l'impact sur l'emploi de toutes ces mesures fiscales et leur efficacité pour le développement endogène et durable de l'outre-mer n'ont jamais été évalués avec précision.

Ce qui est par contre indiscutable, c'est le coût budgétaire exorbitant de chaque emploi direct créé par le dispositif de défiscalisation : selon le rapport du Sénat, il est compris entre 150 et 270 millions d'euros ! Quant au coût par emploi de l'ensemble des mesures fiscales en faveur du secteur marchand, il est vraisemblablement plus considérable encore...

La deuxième limite du projet tient à la modestie de l'effort consenti, infime en comparaison du saut qualitatif et quantitatif que la LOOM a représenté par rapport à la loi Perben de 1994. La LOOM avait en effet quadruplé le montant budgétaire annuel consacré aux mesures incitatives à l'investissement et à l'emploi. Son coût annuel était de 600 millions d'euros, tandis que cette loi programme ne prévoit que 240 millions d'euros, dont 164 pour la seule défiscalisation et 40 pour les exonérations de charges sociales.

Vous n'améliorez donc la LOOM qu'à la marge. La contrainte budgétaire vous prive, Madame la ministre, d'aller au bout de votre propre logique ! Nous déplorons en particulier qu'aucune augmentation des moyens de la formation, de la recherche ou de l'exportation des services ne soit prévue, alors que ce sont les atouts les plus importants des collectivités de l'outre-mer par rapport à leur environnement régional.

Vous avez présenté la mesure relative à la continuité territoriale comme une innovation importante. Elle n'a cependant qu'une portée réduite, car le principe de la continuité territoriale n'est retenu que pour les trajets entre les collectivités d'outremer et la métropole, et non entre les collectivités elles-mêmes. Par ailleurs, l'avantage consenti est bien moindre que celui dont bénéficie la Corse ou dont disposent les autres régions ultra-périphériques de l'Union européenne.

La cherté du billet en pleine saison estivale - on parle de plus de 1 400 € pour les Antilles - empêchera nos compatriotes d'outre-mer résidant en métropole de rendre visite à leur famille restée au « pays ». Tous nos amendements sur le sujet ont malheureusement été rejetés, qu'il s'agisse de celui tendant à subordonner les exonérations fiscales consenties aux lignes aériennes à une baisse réelle des prix, de celui demandant que la dotation territoriale concerne tous les ressortissants d'outre-mer ou encore de celui engageant les compagnies aériennes à publier leur comptabilité par destination afin de connaître les bénéfices engrangés par région desservie...

Au total, malgré certains aspects positifs ce projet n'est pas l'instrument requis pour atteindre l'égalité économique, tant s'en faut. Il n'est pas la grande loi que l'outre-mer attendait. Certes, il peut consolider à court terme la croissance que la LOOM a permise, mais à long terme rien n'est moins sûr. De surcroît, la croissance ne se confond pas avec le développement, ce dernier exigeant une transformation des structures économiques et mettant au premier plan l'amélioration du niveau de vie et le bien-être. On en est loin outre-mer, où la situation sociale devient de plus en plus dramatique et explosive, avec l'approfondissement des inégalités socio-économiques liées à votre politique. Quant au développement durable, sa finalité ne peut jamais être réduite aux buts propres à l'activité économique et encore moins à l'accroissement des indicateurs monétaires. Autant de raisons pour lesquelles le groupe des députés communistes et républicains votera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Mansour Kamardine - Il y a cent soixante ans, le sultan Andrantsouli vendait Mayotte à la France. Dans l'acte de cession, la France monarchique s'engageait à respecter la religion, la culture et les traditions de la population indigène. Le respect de cet engagement survécut à tous les régimes qui se sont succédé dans notre pays. La France républicaine et moderne devait même le consacrer à l'article 75 de la Constitution de 1958.

Dans le même temps, cette population musulmane mais si française dans sa chair se modernisait. C'est ainsi qu'un décret de 1939 opérait une répartition de compétences entre la justice dite de droit commun et la justice cadiale ou le droit local, en interdisant notamment la lapidation. Plus récemment, une ordonnance du 8 mars 2000 a fixé les règles de détermination du nom patronymique et de célébration du mariage par-devant un officier d'état civil - lequel peut être une femme. Elle permet également aux parents de reconnaître leur enfant naturel, d'établir leur lien de filiation et de l'admettre au partage du patrimoine successoral.

La loi du 11 juillet 2001 a reconnu ensuite à la femme le droit d'exercer un travail rémunéré, d'avoir un compte bancaire, de disposer librement de ses biens propres, le tout sans autorisation préalable de son conjoint. La même loi a engagé la collectivité départementale et l'Etat à tout mettre en _uvre en vue de réaliser l'égalité des droits entre l'homme et la femme à Mayotte.

Cette évolution a fait l'objet d'un large débat, lancé par le Gouvernement dès 1996 au moyen de deux commissions de réflexion, nationale et locale, conduites respectivement par MM. Bonnelle et Boisadam, deux anciens préfets de l'île.

La commission locale a finalement conclu en faveur de la modernisation du statut de la femme mahoraise, compte tenu de l'ouverture de l'île sur le reste du monde et du développement des mariages mixtes, qui échappent au droit local et donc à la répudiation. A la vérité, aujourd'hui seule la femme d'origine mahoraise reste soumise aux affres de la polygamie et de la répudiation. Nous ne pouvions la laisser plus longtemps enfermée dans un statut de « sous-citoyenne ».

En octobre, lors de votre visite, Madame la ministre, plusieurs centaines de ces femmes vous ont fait part de l'espoir qu'elles fondaient en vous pour améliorer leur sort et leur assurer toute leur place aux côtés des hommes, dans l'intérêt même d'une société en mouvement. L'amendement que vous avez accepté de défendre est la meilleure réponse à leur attente.

Votre projet reprend quasiment à l'identique ma proposition, adoptée en première lecture. Cette réforme équilibrée, étalée dans le temps, prend en compte les familles polygamiques actuelles, puisque la monogamie entrera en vigueur à partir de 2005, au profit des seuls jeunes en âge de se marier à cette date.

Elle instaure une dualité de juridiction : désormais, les justiciables auront le choix entre justice de droit commun et justice de droit local, la compétence de cette dernière étant pleinement reconnue en matière d'état civil et de capacité des personnes, de régimes matrimoniaux, de successions et de libéralités.

Enfin, à la satisfaction des jeunes, elle met fin à la règle qui voulait que l'héritage du garçon soit double de celui de la fille.

De retour dans l'île, j'ai pu constater l'adhésion massive de nos concitoyens à ces évolutions. Les échanges que j'ai eus avec l'autorité religieuse ont permis de lever les inquiétudes que celle-ci pouvait nourrir.

Depuis qu'elle est française, c'est-à-dire depuis 1841, Mayotte a connu une seule vraie réforme de société : celle de 1846, _uvre de Victor Schoelcher, qui abolit l'esclavage et interdit la traite des nègres. L'histoire retiendra cet amendement comme la deuxième réforme de fond de cette société attachée à ses traditions mais, en même temps, décidée à se moderniser - car, à la différence de celle de 1846, cette réforme est voulue par les Mahorais eux-mêmes avant d'être portée par le Gouvernement.

Je veux la dédier à toutes les femmes mahoraises, car elle les rétablit dans leur statut de victimes d'une tradition de moins en moins acceptée.

Et, à chacun de vous, mes chers collègues, je demande de voter ce texte qui s'inscrit tout normalement dans le combat que livrent les Mahorais pour Mayotte française et pour leur accession au statut départemental. En l'adoptant, vous garantirez aux femmes actuellement tenues dans des liens polygamiques des droits nouveaux et la possibilité de faire arbitrer leurs litiges matrimoniaux par un juge impartial et indépendant. Vous offrirez à la jeunesse mahoraise des raisons d'espérer pour demain. Vous mettrez un terme à la tyrannie masculine tout en permettant à cette société de pratiquer des traditions renouvelées et une foi musulmane pleinement assumée.

Surtout, vous accepterez les Mahorais dans la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Jack Queyranne - Avant toute chose, je tiens à souligner devant vous, Monsieur le Président, à quel point notre discussion de première lecture s'est tenue dans des conditions peu conformes à l'idée que nous nous faisons d'un débat digne de l'outre-mer. J'ai été successivement ministre de l'outre-mer et ministre chargé des relations avec le Parlement, et je sais combien il est difficile de bâtir un ordre du jour, mais c'est certainement une mauvaise façon de légiférer pour ces territoires que de le faire nuitamment, d'un jeudi soir à un samedi, veille de Pentecôte. Beaucoup d'entre nous ont ainsi été empêchés de suivre jusqu'au bout cette discussion (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ministre, j'ai quant à moi veillé à ce que les textes relatifs à l'outre-mer ne soient pas examinés en fin de séance, après tous les autres...

M. le Rapporteur - Et ce budget examiné la veille de la Toussaint ?

M. Jean-Jack Queyranne - En tout cas, on ne peut ainsi bâcler en fin de semaine une loi de programme censée organiser l'avenir sur quinze ans !

Contrairement à ce que vous avez dit, Madame la ministre, Christian Paul et moi-même sommes intervenus dans le respect de la tradition républicaine. Nous avons pensé que d'anciens ministres de l'outre-mer devaient ainsi marquer leur estime pour leurs compatriotes ultra-marins. Faire connaître notre position s'imposait d'ailleurs d'autant plus que votre projet est marqué par le souci d'effacer l'action des gouvernements précédents. A ce titre, il est beaucoup moins inspiré par cet esprit de mai dont se prévaut le Premier ministre que par un esprit de revanche, comme si l'outre-mer était la chasse gardée de la droite ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Sur la cause qu'a défendue avec beaucoup de brio M. Kamardine, nous continuons de légiférer dans des conditions déplorables.

M. le Rapporteur - C'est la situation que vous avez laissée qui est déplorable !

M. Jean-Jack Queyranne - Nous avons tiré Mayotte d'un statut de précarité qui était le sien depuis vingt-cinq ans et dont les femmes étaient les premières victimes ! En revanche, vous naviguez dans l'à-peu-près : après que la CMP a supprimé l'article 47, voici que vous nous demandez d'en examiner une nouvelle rédaction que nous découvrons en séance ! Comme vous, nous tenons beaucoup à ce que le statut des femmes mahoraises évolue, mais l'importance du sujet exigeait que la commission des lois fût saisie. Nous voterons bien sûr cet amendement, mais en déplorant de n'avoir pu en discuter comme il conviendrait, que ce soit aujourd'hui ou en première lecture, où nous avons dû nous prononcer un samedi, à 6 heures du matin !

Mais parlons maintenant de l'ensemble de ce projet. Il est bien en deçà des espoirs suscités lors de la campagne électorale et ne répond guère aux ambitions qu'annoncerait son titre de « projet de loi de programme ». Il est même totalement indigent en matière financière (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Pour ce qui est du soutien à l'économie, toutes vos propositions ne bénéficieront que du vingtième de ce que le gouvernement Jospin avait consacré aux départements d'outre-mer dans sa loi d'orientation. Vous ne parvenez même pas à effacer le recul des crédits constaté dans l'exécution du budget pour 2003. Déjà, l'an passé, plus de 150 millions d'euros avaient manqué pour l'alignement du RMI. Cette année, ce sont 250 millions qui sont gelés ou annulés, au détriment notamment de l'emploi et du logement. Au total, l'outre-mer perd donc 400 millions d'euros, en échange de simples mesurettes. Quelle politique de Gribouille !

Le deuxième volet de ce projet, la défiscalisation, n'est guère convaincant non plus. La décision finale reviendra en effet au ministre des finances et, surtout, vous renoncez au souci de moralisation qui inspirait notre réforme de 2001. A l'instar de la loi Pons, celle-ci risque bien de favoriser des investissements improductifs, dans des constructions vouées à rester inoccupées, et l'effet levier attendu fera défaut.

Vous prétendez enfin innover en légiférant en faveur de la continuité territoriale. Or, depuis la disparition d'Air Liberté, prévaut dans les Antilles notamment une situation de duopole, au sein duquel Air France occupe une position dominante. De ce fait, le prix du billet pour Fort-de-France ou Pointe-à-Pitre est deux fois plus élevé que celui d'un billet pour les Etats-Unis. On ne peut y remédier par des mesures qui font figure de mascarade : ces 30 millions d'euros ne représentent qu'un peu plus de 11 € par habitant, alors que le chiffre est de 616 €pour les Corses ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Eric Raoult - Que signifient ces comparaisons ?

M. Jean-Jack Queyranne - Non seulement les dispositions prévues à ce sujet sont bien modestes mais aucune garantie de transparence et d'équité n'est donnée, puisque l'on ne sait rien de la manière dont les collectivités territoriales seront chargées de répartir l'aide. Nous saisirons le Conseil constitutionnel car, sous prétexte de continuité territoriale, vous établissez une inégalité entre les Français (Protestations sur les bancs du groupe UMP), inégalité dont les chiffres donnés par notre collègue Brunhes dressent un tableau édifiant.

Et puis, faute que nos amendements aient été adoptés, votre texte méconnaît les possibilités reconnues par l'Union européenne en matière d'obligations de service public, qu'il s'agisse de prix ou de capacité. Certes, les aménagements prévus profiteront à quelques-uns de nos compatriotes ultra-marins, mais les aides serviront principalement à subventionner les compagnies aériennes, et plus particulièrement l'une d'elles.

Un député UMP - Et Air Lib ?

M. Jean-Jack Queyranne - De mars 2002 à mars 2003, le trafic vers les Antilles a chuté de 12 %, alors que le trafic international ne baissait que de 3,7 %. C'est que le prix des voyages vers les Antilles est beaucoup trop élevé, Jacques Brunhes l'a souligné à juste titre, puisqu'il équivaut à un SMIC métropolitain pour un passage. Et vers Mayotte, c'est pire encore !

Pour ces raisons aussi, le projet est décevant et, là encore, le Conseil constitutionnel tranchera.

Autant dire, déjà, que les quelques mesures égrenées sont loin de constituer une politique de l'outre-mer, politique que vous pouviez amplifier, car l'outre-mer a besoin de développement durable, de solidarité et de dignité, tous éléments qui manquent à votre texte. Pourtant, la situation de l'outre-mer s'aggrave, la défiance s'installe à l'égard du Gouvernement, et même la colère, notamment à la Réunion. Ce projet est un rendez-vous manqué, et le groupe socialiste se prononcera évidemment contre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Kossowski - On en a des idées, quand on est dans l'opposition !

Mme Huguette Bello - Nous voici parvenus au terme de la procédure législative. L'exercice étant à présent purement formel, le temps des propositions est donc passé, et celui des critiques aussi, bien que celles formulées au cours des lectures successives restent d'actualité. Entre le projet initial et la loi qui va être votée, les différences sont en effet minimes : malgré ces longues heures de débat, peu d'amendements parlementaires ont été adoptés.

Passons donc à l'étape suivante. Après tant d'ambitions affichées, de certitudes proclamées, d'affirmations réitérées, votre texte va subir l'épreuve redoutable de la réalité. Autrement dit, ce soir, le plus dur commence. Reconnaissons volontiers que vous n'êtes aidée, pour aborder cette épreuve, ni par la conjoncture économique, ni par le contexte législatif.

Le plan de gel des crédits budgétaires n'a pas épargné votre ministère. Plus grave, les réformes successives, d'inspiration ultra-libérale, décidées par le Gouvernement, sont autant de coups portés à nos équilibres sociaux, en grand risque de déstructuration. Si les grèves ont eu une telle ampleur à La Réunion, et un si important soutien populaire, c'est que les menaces que les projets gouvernementaux font peser sur la société réunionnaise sont ressenties par tous.

Plus que d'autres sans doute, les sociétés multiculturelles réagissent à la pensée unique. Une protestation s'exprime alors dans la rue, par un malaise diffus, par une exaspération tantôt silencieuse, tantôt furieuse. Et plus l'attaque est précise, plus la réaction sera vive.

En manière d'épilogue, je souhaite mettre l'accent sur l'image des régions d'outre-mer qui sous-tend votre texte. Les mesures qu'il contient donnent à penser que ces régions seraient restées à l'écart des grands bouleversements qui ont marqué la dernière décennies du vingtième siècle.

Comment expliquer, sinon, que la défiscalisation vers laquelle sera dirigé l'essentiel des financements programmés par ce texte, continue d'être considérée comme l'alpha et l'oméga du développement ultra-marin ? Près de vingt ans après la loi Pons, une alternative à la défiscalisation a-t-elle même été envisagée lors de la rédaction de ce texte ?

Et que dire de la continuité territoriale ? Alors que les prévisions de Mac Luhan se vérifient un peu plus chaque jour, le projet se limite à en affirmer le principe. Les modalités d'application que vous nous avez présentées n'ont strictement rien à avoir avec ce qui a été mis en _uvre pour la Corse. Et nous devrions, sous peine d'être traités d'ingrats et d'irresponsables, nous féliciter de cette discrimination !

La libre circulation des personnes dans l'espace national et communautaire est un droit fondamental. Développer des moyens de communication et faciliter les déplacements sont devenus des nécessités évidentes. Se limiter à la seule affirmation du principe de continuité territoriale rend donc l'article 42 à la fois redondant et anachronique.

Il faudra bien s'habituer à l'idée que les îles participent du village planétaire, que les évolutions mondiales ne les contournent pas et que les insulaires ne sont pas moins capables que d'autres de faire la différence entre une réalité et un faux-semblant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - Conformément à l'article 113, alinéa 3, du Règlement, j'appelle l'Assemblée à statuer d'abord sur l'amendement dont je suis saisi.

Mme la Ministre - En plein accord avec le Garde des Sceaux, je soumets à l'Assemblée l'amendement 1, qui tend à moderniser le statut civil personnel en vigueur à Mayotte. Ainsi que je l'ai fait valoir au Sénat, ces dispositions s'insèrent parfaitement dans le titre VI, qui contient déjà une habilitation relative à la justice. La constitutionnalité de l'amendement ne fait donc aucun doute. Par ailleurs, le recours à une loi organique n'est pas nécessaire en cette matière.

Enfin, l'article 75 de la Constitution ne rend pas immuable le statut personnel, qui peut être modifié par la loi - il l'a d'ailleurs été récemment par deux fois, le 8 mars 2000 à propos du nom patronymique, et le 11 juillet 2001 à propos du statut de Mayotte. La substance de l'article 75 est d'autant mieux respectée que nous avançons avec prudence, et progressivement. De plus, nous ne portons nulle atteinte à notre code civil, puisque la réforme porte sur le droit local autonome.

Les dispositions contenues dans l'article rétabli, parce qu'elles mettent fin à la polygamie, à la répudiation unilatérale des femmes et à l'inégalité des enfants devant l'héritage, et parce qu'elles donnent aux Mahorais le choix entre la justice de droit commun et la justice cadiale, confortent la place de Mayotte dans la République et au sein de l'Union européenne. Elles améliorent aussi considérablement la condition des Mahoraises, qui ont joué un rôle majeur lorsque la décision a été prise que Mayotte resterait française.

Ce problème, quoi qu'en dise M. Queyranne, on ne le découvre pas aujourd'hui, et la concertation date de nombreuses années, mais ils n'avaient jamais été réglés. Ils le seront désormais ; en votant ce texte, l'Assemblée sera fidèle à ses valeurs, et l'ancrage de Mayotte dans la République sera renforcé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - Convoquée à 20 heures 45, la commission a eu tout le loisir d'examiner l'amendement. S'il n'a pas été adopté en première lecture, c'est que sa rédaction devait être revue, qu'il fallait s'assurer de la cohérence du projet avec la réforme du divorce à l'étude à la Chancellerie et que des précisions étaient nécessaires pour ce qui a trait à la justice cadiale.

L'exposé de Mme la ministre et notre discussion en commission des finances ont levé appréhensions et incertitudes. Le dispositif, en effet, s'inscrit dans le statut civil de droit local ; de plus, la réforme sera mise en _uvre très progressivement puisqu'elle ne s'appliquerait qu'aux personnes qui auront l'âge requis pour se marier à compter du 1er janvier 2005 ; enfin, le maintien d'un double système de juridiction est conforme aux habitudes et au droit local.

Dans ces conditions, et après avoir entendu le plaidoyer de Monsieur Kamardine, la commission a approuvé cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Brunhes - Le problème du statut de Mayotte est très ancien. Il y a eu la loi du 11 juillet 2001 ; une délégation de la commission des lois conduite par Mme Tasca, s'est rendue sur place à l'époque, pour rencontrer des représentants de tous les groupes, et même les représentants de la justice cadiale. Vous comprendrez donc que nous trouvions étrange que l'on s'attaque à la résolution de ce problème en fin de session, par le biais d'un amendement aussi important, que la CMP a refusé d'adopter, et dont le rapporteur nous apprend que la commission des finances s'était réunie à 20 heures 45 seulement pour l'examiner (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse - Il a raison ! Ce n'est pas sérieux !

M. Jacques Brunhes - L'amendement comporte, au demeurant, quelques extravagances. Ainsi, au paragraphe 6 de l'exposé des motifs, on peut lire : « Le comité de réflexion sur le statut personnel, créé par l'article 63 de la loi du 6 juillet 2001, n'a plus, pour le moment, d'utilité avérée : il peut donc être supprimé. S'agissant d'une disposition de nature réglementaire indûment insérée dans une loi, sa suppression n'interdit pas que soit recréée, si le besoin s'en faisait sentir, telle ou telle instance de réflexion sur le statut personnel à Mayotte. Le Gouvernement n'en exclut pas la possibilité. ». Si nous devions supprimer toutes les mesures réglementaires que notre Assemblée a votées, nous aurions beaucoup de travail. Comble de l'absurdité, enfin, vous n'excluez pas de recréer, si besoin est, ce comité que vous menacez de supprimer !

M. Pascal Terrasse - Ce n'est pas clair du tout ! Cela cache des choses !

M. Jacques Brunhes - En revanche, l'abrogation de la polygamie, de la répudiation unilatérale de la femme, des discriminations entre enfants au regard de l'héritage constituent des progrès importants. C'est la raison pour laquelle, malgré les conditions dans lesquelles il nous est soumis, nous voterons l'amendement (Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Jack Queyranne - J'ai souligné tout à l'heure les conditions déplorables dans lesquelles nous légiférons. A titre personnel, je suis en accord avec l'esprit des propos de M. Kamardine (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Je vous renvoie cependant au deuxième paragraphe du nouvel article 52-1 : « L'exercice des droits, individuels ou collectifs, afférents au statut civil de droit local ne peut, en aucun cas, contrarier ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité du citoyen français ».

Il y a là une contradiction fondamentale. Si la Constitution elle-même reconnaît un statut du droit local, ce n'est pas pour que ce dernier s'estompe ou disparaisse ; il est vrai que seule est prévue son extinction progressive, au profit d'un statut de citoyenneté française...

Mme la Ministre - Justement !

M. Jean-Jack Queyranne - ...mais il n'en est pas moins juridiquement périlleux de légiférer dans ces conditions, non pas sur le statut de la femme à proprement parler, mais sur le droit local général.

Cela dit, nous sommes en accord avec le contenu de l'amendement, et nous le voterons, mais je veux vous mettre en garde quant à l'application extensive de certaines dispositions. Mieux vaudrait élaborer un projet de loi spécifique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), en recherchant un consensus reposant sur des bases juridiques solides (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Huguette Bello - Très bien !

M. Mansour Kamardine - Je suis déçu par M. Brunhes. Il est venu à Mayotte, et il y a rencontré une population soucieuse d'évoluer, de se rapprocher plus encore de la France. Déçu aussi par M. Queyranne, avec qui j'ai travaillé lorsqu'il était ministre : j'étais dans l'opposition, mais l'intérêt de Mayotte était en jeu, et j'ai su faire la part des choses.

M. Jean-Jack Queyranne - Nous avons fait beaucoup de choses ensemble pour Mayotte.

M. Mansour Kamardine - Aussi aurais-je souhaité, aujourd'hui, vous avoir à nos côtés, car il s'agit de conforter les droits des femmes et d'encadrer les compétences du cadi. J'entends bien que tous deux voteront l'amendement, mais je déplore que l'on me conteste la capacité de le déposer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Jack Queyranne - Ce n'est pas vous qui êtes en cause, mais le Gouvernement !

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP modifié, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 22 heures 25, est reprise à 22 heures 30.

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites.

ART. 52 (suite)

M. Pierre Goldberg - Nos amendements 8678 à 8684 tendent à supprimer cet article. Nombre de propositions ont été faites sur l'avenir des retraites des fonctionnaires d'Etat. L'hypothèse de la création d'une caisse spécifique a été avancée à plusieurs reprises, notamment par M. Juppé lors de sa tentative avortée de réforme des régimes spéciaux en 1995. Alors Premier ministre, il déclarait ici-même, le 15 novembre 1995 : « A l'instar de la caisse des retraites des agents des collectivités territoriales, il est envisageable de créer une caisse de retraite des agents de la fonction publique d'Etat. Je convoquerai sans délai une commission de réforme des régimes spéciaux qui me rendra des propositions sous quatre mois. Ainsi progressera l'équité entre les salariés de ce pays ». La logomachie du gouvernement actuel n'a rien à envier à celle de M. Juppé : l'objectif est le même, « harmoniser » par le bas les droits de tous les salariés.

L'idée d'une caisse spécifique n'est plus avancée, mais il faut rester vigilant, car l'article 52 peut être un cheval de Troie. En toute hypothèse, nous y sommes opposés. Une telle évolution conduirait à la banalisation complète des régimes spéciaux, voire à leur intégration dans le régime général.

En outre, quel que soit le type de caisse retenu, l'option pour un tel système supposerait que l'Etat employeur y cotise, ce qui ne manquerait pas d'entraîner une forte augmentation de ses dépenses. Puisque l'on nous serine que l'objectif est de maîtriser la dépense publique, l'institution d'une caisse de retraite pour les fonctionnaires de l'Etat n'est pas la solution à privilégier. En outre, il est patent que la part de cotisation laissée au fonctionnaire serait plus forte que dans le régime actuel, d'où une réduction mécanique du pouvoir d'achat des fonctionnaires.

Or les mécanismes de fixation des rémunérations dans la fonction publique d'Etat sont fragiles, du fait de l'absence de conventions collectives. Le droit à la négociation n'est pas véritablement reconnu dans la fonction publique, les protocoles d'accord restant dépourvus de statut juridique.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. Pascal Terrasse - Notre amendement 3056 également, car la création d'un régime additionnel obligatoire n'est pas de nature à rassurer les fonctionnaires. En rejetant toute intégration des primes dans le calcul des droits à pension, vous optez de la manière la plus explicite pour une baisse du niveau des pensions. Pour autant, le dispositif instauré, à l'_uvre dès 2005, crée une dépense nouvelle évaluée à 800 millions d'ici à 2020. Comment sera-t-il financé ? Pouvez-vous vous engager à ne pas reporter la charge sur les collectivités locales ?

Pour les fonctionnaires, l'obligation de cotiser se traduira nécessairement par un affaiblissement du revenu disponible. Le système pèse donc sur la dépense publique comme sur le porte-monnaie des fonctionnaires !

Au reste, l'estimation du coût à 800 millions est-elle réaliste ? Intègre-t-elle l'évolution normale du montant des primes d'ici à 2020 ?

Je rappelle que M. Jospin avait écarté l'option d'instituer un régime additionnel, privilégiant une prise en compte partielle des primes dans le calcul des retraites. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 52.

M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires sociales - La commission a conclu au rejet de ces amendements. L'institution d'un régime additionnel répond à une demande ancienne des fonctionnaires, et constitue l'une des avancées majeures du texte.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - Je m'exprimerai maintenant sur l'ensemble de cet article important. Depuis longtemps, les fonctionnaires demandent que le problème de l'intégration des primes soit traité. Le point 11 du relevé de décisions du 15 mai dernier stipule ainsi qu'est institué, dans la fonction publique, un régime de retraite additionnel obligatoire par répartition, provisionné et par points, assis sur les éléments de rémunération de toute nature non pris en compte dans l'assiette de calcul des pensions.

Les six groupes de travail mis en place par le Premier ministre Lionel Jospin étudiaient les six options suivantes : le statu quo - c'est-à-dire le système de la PREFON -, l'extension de l'épargne volontaire Fabius à la FPE, l'institution d'un régime additionnel distinct - c'est l'option que nous avons privilégiée -, une NBI généralisée...

M. Pascal Terrasse - C'est notre choix !

M. le Ministre de la fonction publique - ...l'intégration ciblée des primes pour certaines catégories ou, enfin, l'intégration totale des primes dans le calcul des droits à pension (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Il est plus facile d'y être favorable dans l'opposition !

Nous avons tenu compte de plusieurs paramètres. D'abord, le régime de la fonction publique est très spécifique puisqu'il cumule pension de base et part complémentaire, en se fondant sur le seul traitement indiciaire, primes exclues. Autre point à considérer, la part des primes dans les rémunérations est très variable d'un corps à l'autre : près de 40 % du traitement pour certains agents hospitaliers, très peu dans l'éducation nationale.

Nous avons écarté l'intégration pure et simple des primes dans le calcul des droits à pension, car il en coûterait plusieurs dizaines de milliards. Dès lors, nous avons décidé de prendre le problème à bras-le-corps. Ainsi, pour les aides soignants, les primes ont été intégrées à concurrence de 10 % du traitement indiciaire...

M. Pascal Terrasse - Très bien !

M. le Ministre de la fonction publique - Pour les autres corps, il est proposé que le régime additionnel intègre les primes à concurrence d'au plus 20 % du traitement indiciaire. Nous avions envisagé qu'il soit facultatif ; à la suite des accords du 15 mai, il a été décidé de la rendre obligatoire. Il s'agit bien d'un régime « additionnel » et non d'un régime de retraite complémentaire de type AGIRC, ARRCO ou IRCANTEC - ce n'est donc pas un « cheval de Troie » ! Il donnera lieu à une pension distincte et non à un versement complémentaire.

Deuxième caractéristique, c'est un régime par répartition obligatoire, qui ne remet pas en cause le système facultatif de prévoyance existant dans la fonction publique.

Ensuite, le régime est provisionné. Le taux de cotisation est réparti à part égale entre employeurs et employés. Cela représentera un effort important pour les employeurs : collectivités locales, hôpitaux et Etat. Les cotisations serviront à accumuler des provisions financières pour garantir les droits des bénéficiaires et assurer la fiabilité du régime à très long terme. En outre, s'agissant d'un régime par points, les fonctionnaires pourront connaître tout au long de leur carrière l'état de leurs droits.

Enfin, l'assiette comprendra tous les éléments de la rémunération des fonctionnaires, y compris l'essentiel des primes - indemnité pour travaux supplémentaires, prime de rendement, indemnité d'enseignement ou de résidence, supplément familial ou heures supplémentaires, qui intéresse beaucoup l'éducation nationale -, qui ne sont pas prises en compte actuellement. Sont exclus en revanche les éléments qui ouvrent un droit à pension, tels que la nouvelle bonification indiciaire ou les indemnités de sujétion spéciale. Ce dispositif permettra donc aux fonctionnaires d'augmenter leur retraite dans une proportion qui a été estimée, pour une carrière complète, à 5 %.

Le taux de cotisation sera fixé par décret et devrait être de l'ordre de 5 % - pour le salarié comme pour l'employeur. Le coût pour l'Etat est estimé à 800 millions en 2020. Contrairement à ce que certains affirment, les organisations syndicales sont très favorables à l'intégration des primes. Ce n'est pas possible dans le régime de base, mais à chaque fois que nous avons évoqué un régime additionnel de répartition provisionné, elles ont estimé qu'il s'agissait d'une avancée, ainsi que cela figure dans le relevé de décisions du 15 mai.

M. Dutoit a cru pouvoir dénoncer une amorce de capitalisation, mais le système juridique de la caisse, son organisation paritaire, son mécanisme de répartition provisionnée sont tout sauf un système de capitalisation ! Il a également évoqué les placements financiers sur des titres de la dette publique. Il serait très intéressant que nous ayons un débat sur ce sujet. Raisonnons par l'absurde : les placements financiers d'un certain nombre de fonds d'épargne se font sur des obligations ; merci donc aux Etats qui font des déficits, car cela permet de sécuriser les placements ! Mais d'un autre côté, le déficit est totalement antisocial, puisque l'argent est avancé par les gens qui en ont beaucoup et la dette remboursée par les travailleurs ! Laisser déraper les dépenses publiques et les déficits, c'est non seulement charger la barque des générations montantes, mais en outre enrichir par le travail des salariés les rentiers ou les boursiers qui placent leur argent sur des obligations !

Il faut se garder de croire que le financement par le déficit est indolore. Notre pays a connu trois ans de croissance. Sur 15 milliards d'euros de rentrées supplémentaires, 5 sont allés au service de la dette et 5 au financement des retraites. L'asphyxie est en marche ! Notre dispositif - un placement sécurisé, une organisation paritaire, un effort partagé entre employeurs et salariés, les inégalités entre fonctionnaires réduites par l'intégration d'une partie de leurs primes - me paraît donc une avancée sociale, d'ailleurs reconnue comme telle par beaucoup (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse - Un taux de cotisation de 5 % pour les employeurs comme pour les salariés, ce n'est pas équitable ! Dans le régime complémentaire privé, les pourcentages sont très différents. Par ailleurs, les groupes de travail sur le sujet avaient tous conclu à l'intégration des primes - certes pas totale, car le coût aurait été considérable, mais partielle, notamment pour ceux qui ont les revenus les plus modestes.

Ainsi que le COR et le rapport de la commission des affaires sociales l'ont rappelé, nous avons trop longtemps laissé croire que les retraités de la fonction publique étaient des nantis. Pour une grande partie, leur niveau de pension est inférieur à celui du privé : les comparaisons ne prennent en effet en compte que le régime général, et pas la part complémentaire du secteur privé. Il faut expliquer à l'opinion publique qu'à revenu identique, les traitements des fonctionnaires en fin de carrière et à la retraite sont généralement plus faibles.

Enfin, rassurez-moi : un régime par points n'a-t-il vraiment rien à voir avec la capitalisation et n'est-il vraiment pas question de placements sur les marchés financiers ? Votre réponse à M. Dutoit laisse planer le doute. Or, les risques qui pèseraient sur le système seraient trop importants !

Les amendements 8678 à 8684 et l'amendement 3056, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Bocquet - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Il semblerait que nous tenions séance demain matin à 9 h 30. Or la Conférence des présidents a lieu à 10 heures et vous n'avez pas, Monsieur le Président, le don d'ubiquité (Sourires). Par ailleurs, mon groupe se réunit traditionnellement le mardi matin à 10 h 30. Ne pourrait-on différer la séance de deux heures ?

M. le Président - Cela dépendra de l'état d'avancement de la soirée, puisque nous en sommes réduits à passer la soirée ensemble...

M. Alain Bocquet - Nous avons tout l'été devant nous !

M. Frédéric Dutoit - L'article 52 nous laisse perplexes : l'idée de régime public additionnel semble être inspirée par les régimes complémentaires du privé, l'AGIRC et l'ARRCO. Elle devient un non-sens quand on considère que le régime de la fonction publique n'a qu'un étage. Par ailleurs, vous ne tenez aucun compte des effets pervers des accords AGIRC-ARRCO qui ont miné les pensions du régime général.

Ils ont en effet réduit de manière drastique les droits à retraite. Le prix d'achat du point de retraite a été relevé de 3,5 % pour l'ARRCO et de 4 % pour l'AGIRC. Le nombre de points attribués chaque année a donc été mathématiquement diminué de 16,3 % et 18,5 % respectivement. Par ailleurs, la revalorisation annuelle de la valeur du point est inférieure d'un point à l'évolution des salaires et, en tout état de cause, plafonnée. Le pouvoir d'achat des retraites en est dévalorisé d'autant. Toute choses égales par ailleurs, ces accords font diminuer les pensions de 20 % pour l'ARRCO et de 22 % pour l'AGIRC par rapport à la situation antérieure. Est-ce ce que vous voulez pour les fonctionnaires ?

Selon vous, ce régime permettrait de prendre en compte, entre autres, les primes. C'est une fausse bonne idée, d'abord parce que tous les fonctionnaires ne bénéficient pas de primes, et ensuite parce qu'elles pourraient être prises en compte lors de la constitution du droit à pension et de la liquidation. Enfin, ce système ne pourra avoir aucun intérêt tant que le taux de remplacement ne sera pas susceptible d'assurer un niveau de vie décent.

Telles sont les raisons de nos amendements 8713 à 8719.

M. le Rapporteur - La commission ne les a pas acceptés, non plus que les suivants, qui sont de repli et visent à supprimer l'article morceau par morceau. Il est faux de dire que le dispositif ne répond pas à une demande des fonctionnaires.

M. Maxime Gremetz - Ne dites pas que cet article correspond à la demande des fonctionnaires ! Nous avons préparé nos amendements en nous fondant sur la plate-forme commune à l'ensemble des fédérations qui les représentent et nous savons donc bien qu'il n'en est rien.

Les amendements 8713 à 8719, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 1179 limite la compétence réglementaire à la détermination de la part maximale des primes et indemnités entrant dans l'assiette.

L'amendement 1179, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous passons aux amendements 8720 à 8726.

M. Alain Bocquet - La mise en place d'un système d'acquisition de droits fondé sur la durée de cotisation est incompatible avec l'une des caractéristiques majeures du droit à pension, à savoir l'obligation pour le fonctionnaire de quitter son emploi à un moment donné. Le mécanisme du traitement continué est lié à cette obligation de départ, dont il constitue la juste compensation. Ces deux éléments sont complémentaires et permettent à l'Etat de se séparer des agents âgés sans les laisser dans le besoin.

La suppression de facto de ce mécanisme conduirait à une incongruité : les fonctionnaires seraient tenus de partir à un âge donné, quel que soit le montant des droits acquis.

D'autre part, si la création d'une caisse ne concerne que les nouveaux fonctionnaires, la réforme n'aura de plein effet que lorsque ceux-ci partiront à la retraite, ce qui ferait coexister deux statuts pour un même poste, avec probablement des rémunérations majorées pour ceux qui se verraient appliquer le système de cotisation. Et si la réforme concerne tous les actifs, cela pose la délicate question des régimes transitoires pour les fonctionnaires ayant déjà une certaine ancienneté.

Les obstacles techniques, financiers et juridiques sont donc très importants. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 8720, de supprimer le II de cet article.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement de repli.

M. le Ministre de la fonction publique - Même avis.

Les amendements 8720 à 8726, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Le paragraphe II de l'article 52 précise les catégories pouvant « bénéficier » des retraites additionnelles. Il s'agit de l'ensemble des fonctionnaires civils et militaires à l'exception des militaires servant au titre d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité.

Mais il ne dit rien de la valeur du point et de la méthode de calcul. Vous prévoyez certes un rendement de 6 %, mais ce n'est possible qu'à effectifs constants. Or, vous avez annoncé que vous ne remplaceriez qu'un fonctionnaire sur deux. D'où ce flou sur la valeur du point. Reconnaissez tout de même qu'il aurait été plus simple d'intégrer directement les primes dans le calcul du droit à pension.

Voilà ce qui motive notre amendement 8727.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé.

M. le Ministre de la fonction publique - Même avis négatif.

Ce n'est pas du tout un système qui s'équilibre à effectifs constants, puisque c'est un système de contribution par points qui fait que le fonctionnaire ne perd rien et jouit au contraire d'une sécurité totale, la provision assurant le versement.

Les amendements 8727 à 8733, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Pierre Goldberg - Rien ne garantit que l'énumération faite au paragraphe II soit exhaustive. Les contractuels sont-ils concernés et si oui, dans quelle mesure ? Qu'en est-il des agents des établissements publics à caractère industriel ou commercial ? Toutes ces incertitudes motivent notre amendement 8734.

M. le Rapporteur - S'il était adopté, il écarterait 90 % des fonctionnaires du bénéfice du régime complémentaire. Avis défavorable.

M. le Ministre de la fonction publique - Les contractuels ne sont pas concernés, Monsieur Goldberg. Même avis défavorable.

Les amendements 8734 à 8740, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Nous arrivons aux amendements identiques 8741 à 8747.

M. Maxime Gremetz - Nous proposons de supprimer le 2° du II de cet article, qui suscite de si nombreuses questions. Ce régime public de retraite additionnel n'a en effet aucune raison d'être, dans la mesure où le niveau du traitement continu offert aux agents de la fonction publique est satisfaisant.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement qui exclurait les magistrats de l'ordre judiciaire du bénéfice du nouveau régime.

Les amendements 8741 à 8747, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 8748 tend à supprimer le 3° du II. Ne nous répondez pas comme vous le faites, Monsieur le rapporteur : vous savez bien que nous sommes obligés de proposer la suppression de bouts d'article pour présenter notre contre-projet.

M. le Rapporteur - L'adoption de cet amendement aboutirait cette fois-ci à exclure du bénéfice du nouveau régime les militaires de tout grade possédant le statut de militaire de carrière ou servant en vertu d'un contrat. Avis défavorable donc.

M. le Ministre de la fonction publique - Même avis.

Les amendements 8748 à 8754, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Je ne comptais pas présenter l'amendement 8760 mais je suis obligé de le faire, compte tenu de la faiblesse et de la fausseté de la réponse du rapporteur. Il s'agit en quelque sort d'un amendement de ténacité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - De fait, vous méritez le prix de la ténacité !

M. le Rapporteur - Si cet amendement était adopté, cela supprimerait la pension de réversion dont pourront bénéficier les veuves et les orphelins ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lellouche - C'est scandaleux !

M. le Ministre de la fonction publique - Rejet.

M. Maxime Gremetz - Je ne puis laisser dire une telle horreur, à laquelle d'ailleurs personne ne croit. Ce n'est pas notre faute, Monsieur le rapporteur, si l'article 40 a annihilé toutes nos propositions en faveur d'un financement autre et si, par conséquent, cette réforme va peser pour l'essentiel sur les salariés ! Nous militons pour qu'on cherche l'argent où il se trouve en quantité, ce qui permettrait d'avoir un système de retraite par répartition moderne, juste et équilibré, mais vous refusez de nous suivre. Ensuite, il vous est facile de nous critiquer en prenant nos amendements l'un après l'autre sans considération du contexte ! Le dogmatisme peut alors l'emporter sur la dialectique - et ce n'est pas M. Lellouche qui me contredira car il s'est heurté au même problème, s'agissant de l'Irak !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires sociales - Il est inacceptable de prendre ainsi à partie le rapporteur !

L'amendement 8760 et les amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Pierre Goldberg - L'amendement 8705 vise à préciser, conformément à la rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 9 du code des pensions proposée dans ce projet, que les orphelins visés dans le présent article sont non seulement les orphelins enfants légitimes, mais aussi les orphelins enfants naturels ou adoptifs. La formulation proposée par le Gouvernement est infiniment trop restrictive.

M. le Rapporteur - Rejet. On nous a déjà présenté, aux articles 31 et 37 à 41, pas moins de cent soixante-deux amendements défendant cette conception. Or, c'est elle qui est restrictive, car il y a d'autres catégories d'orphelins.

M. le Ministre de la fonction publique - En effet : ce peuvent être aussi des enfants recueillis, tels que les mentionne le II de l'article L. 18.

L'amendement 8705 et les amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Frédéric Dutoit - Les conditions d'ouverture des droits mentionnés dans cet article ne sont pas satisfaisantes. Les bénéficiaires devront en effet avoir atteint l'âge de 60 ans. Sont donc très certainement concernés les agents occupant des emplois classés en services sédentaires, dont la limite d'âge est fixée à 65 ans, mais quid de ceux qui occupent des emplois classés dans la catégorie active ou dans la catégorie C, dite insalubre, pour qui cette limite est fixée respectivement à 60 et à 55 ans ? Devront-ils attendre 60 ans ? Si tel était le cas, on aboutirait pour les derniers à une situation absurde : ils devraient attendre cinq ans après avoir pris leur retraite pour jouir de leur retraite additionnelle ! Par l'amendement 8764, nous proposons donc de supprimer le paragraphe III.

L'amendement 8764 et les amendements identiques, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Bocquet - Aux termes du premier alinéa du III, employeurs et bénéficiaires devront cotiser à part égale pour mettre en place une caisse complémentaire. Cependant, le rendement de ce système par points sera loin de compenser la chute des retraites qu'entraîneront vos décisions. En outre, le régime actuel se trouvera cassé en deux. Non-renouvellement des effectifs, incertitude sur le rendement et sur la valeur du point, mode de calcul obscur, perte de spécificité du régime, alignement sur le privé et désengagement de l'Etat : cette réforme cumule bien des défauts ! D'où l'amendement 8770.

L'amendement 8770 et les amendements identiques, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 5050 est de précision.

L'amendement 5050, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Goldberg - Les prestations visées au deuxième alinéa du III consistent en une retraite additionnelle versée en principe sous forme de rente, mais qui peut l'être en capital si le nombre de points acquis est inférieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat. Cette dernière disposition devrait fréquemment jouer au cours des premières années mais que d'incertitudes ! A quel niveau se situera le seuil ? Le dispositif est-il bien solide juridiquement ? Ce qui est en revanche certain, c'est que les agents qui n'auront pu cotiser depuis le début de leur carrière se trouveront lésés. Par l'amendement 8782, nous demandons donc la suppression de cet alinéa et, plus généralement, d'un régime de retraite additionnel bien compliqué !

L'amendement 8782 et les amendements identiques, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances - L'une des principales revendications des fonctionnaires était que soient prises en compte les primes dans le calcul des pensions. C'est ce que permet pour la première fois l'article 52. Cependant, ces primes sont très inégalement réparties et l'amendement 25 rectifié autorise donc les agents qui le souhaitent à cotiser au-delà de la limite. Cette surcotisation n'entraînera pour l'Etat aucune obligation d'abondement mais, pour limiter le risque financier, nous prévoyons que l'ensemble des droits ainsi financés seront intégralement provisionnés dans le régime.

M. le Rapporteur - Amendement en tout point remarquable !

M. le Ministre de la fonction publique - Avis favorable.

L'amendement 25 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Pascal Terrasse - L'amendement 62 permettrait d'exonérer du bénéfice du régime complémentaire, sur leur demande, les fonctionnaires qui liquideront leurs droits au plus tard le 31 décembre 2008. En effet, s'il est évident que, dans un régime par points, le montant de la pension est fonction de la durée de cotisation, nous ignorons toujours ce que toucheront les agents qui liquideront leurs droits en 2008, en 2015 ou en 2020, par exemple. Ce sera certainement bien peu : quelques francs ! Le gain ne sera sensible que pour ceux qui partiront en 2030 ou 2035. Ne pourriez-vous nous donner des précisions ?

M. le Rapporteur - La commission n'a pas accepté l'amendement, estimant la crainte de nos collègues infondée. En effet, aux termes du deuxième alinéa du III, lorsque le nombre de points sera insuffisant, les intéressés pourront opter pour une sortie en capital.

M. le Ministre de la fonction publique - Même position. Ce système par répartition provisionné montera en charge pour atteindre son plein effet au bout de quarante ans mais, comme c'est aussi un système par points, les cotisants ne perdront rien. Le rendement sera progressif : au bout de dix ans, on en sera entre 1,2 et 1,6 - le calcul va être affiné et nous vous communiquerons alors des résultats plus précis.

M. Pascal Terrasse - Ce régime ne produira donc ses effets qu'en 2030 ou 2040. En 2010, la valorisation se fera automatiquement en capital, les droits étant ridiculement bas, et l'allongement de la durée de cotisation ne sera par conséquent pas compensé.

L'amendement 62, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Frédéric Dutoit - Chacun sait ici que les communistes ont rompu avec la conception étatiste de la gestion des affaires publiques (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Or, aux termes des paragraphes IV et V, le nouveau régime sera sous tutelle de l'Etat, sa gestion étant assurée par un établissement public administratif dont le conseil d'administration sera composé de façon non exclusive de représentants des employeurs et des bénéficiaires.

La précision est un peu courte ! Quel sera le vrai pouvoir du conseil d'administration, quelle sera sa composition, et quelle garantie aura-t-on de la transparence de sa gestion ? Voilà qui justifie les amendements 8783 à 8789.

Les amendements 8783 à 8789, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis - L'amendement 26 confie à la Caisse des dépôts et consignations la gestion administrative du régime complémentaire de retraite pour les fonctionnaires.

M. le Rapporteur - La commission a accepté l'amendement, qui offre un gage de sécurité supplémentaire.

M. le Ministre de la fonction publique - Le Gouvernement comprend l'esprit de l'amendement, et il souhaite, lui aussi, que le nouveau régime soit géré par un établissement public, de manière paritaire. Toutefois, en l'état des négociations, dire que la gestion est attribuée à la CDC serait prématuré. Je demande donc le retrait de l'amendement.

L'amendement 26 est retiré.

M. Maxime Gremetz - Je défendrai l'amendement 10805 de M. Brard à sa manière, qui n'est pas la mienne. La création d'un régime de retraite additionnel obligatoire pour les fonctionnaires, assis sur les primes qui, aujourd'hui, n'entrent ni dans l'assiette des cotisations, ni dans celle de la liquidation des pensions, est une innovation importante, mais sa rédaction comporte des éléments critiquables. On ne peut en effet qu'être surpris de la création d'un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle de l'Etat pour gérer ce régime, alors que les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers relèvent, pour leur retraite, de la CNRACL. On peut aussi s'étonner de l'institution d'un régime complémentaire par points, mécanisme nouveau qui n'a pas de raison d'être. D'autre part, les cotisations qui vont être versées seront très importantes, et elles sont susceptibles d'attirer bien des convoitises... Un chiffrage serait précieux, d'autant que, les premières années, les prestations servies seront très faibles, mais les cotisations intégralement prélevées. Les sommes prélevées viendraient utilement alimenter la CNRACL, d'autant que les collectivités seront appelées à cotiser en qualité d'employeurs, ce qui représentera une charge nouvelle pour elles. Cela conduit à poser la question de la représentation des collectivités dans la gestion du dispositif.

C'est pourquoi, M. Brard propose, par l'amendement, de charger la CNRACL de la gestion du régime complémentaire pour ses ressortissants.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement.

M. le Ministre de la fonction publique - Même avis. La totalité des employeurs sera représentée.

L'amendement 10805, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Les amendements 8790 à 8796 sont défendus.

Les amendements 8790 à 8796, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés

M. Maxime Gremetz - Les amendements 8797 à 8803 tendent à supprimer le V de l'article.

La représentation nationale doit être informée par le conseil d'administration de l'état et des perspectives d'évolution de ce régime public de retraite additionnel obligatoire, puisque ce régime sera alimenté par de l'argent public. Or, le paragraphe V de cet article ne le prévoit pas. En l'état, il est donc préférable de supprimer ce paragraphe.

Les amendements 8797 à 8803, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Pierre Goldberg - Le catastrophisme dont fait preuve le Gouvernement sur le dossier des retraites ne vise qu'à précipiter l'enterrement du système par répartition. Pour éviter la propagation de mensonges sur la réalité des enjeux, il importe de disposer de données incontestables. Le COR produit un travail dont la qualité est unanimement saluée. Le conseil d'administration du régime public de retraite additionnel, s'il est installé, devra donc fournir des informations de qualité, en liaison avec le COR. Tel est le sens des amendements 8706 à 8712.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement, qui remet en cause le système d'évaluation annuelle de la réserve.

Les amendements 8706 à 8712, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur l'article 52.

M. Pierre Goldberg - L'idée d'un régime de retraite additionnel obligatoire n'est pas acceptable en l'état. Non seulement le caractère indispensable de ce dispositif doit être encore démontré, mais l'imperfection manifeste de l'architecture juridique proposée est telle que, même s'il était avéré que l'idée était bonne, il serait dangereux d'essayer de l'appliquer en l'état.

En conséquence, la copie doit être revue en profondeur ; dans l'intervalle, les amendements 8804 à 8810 proposent la suppression du titre VI.

Les amendements 8804 à 8810, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis - L'application du nouveau dispositif dès le 1er janvier 2004 semble difficile. L'amendement 10806 tend à la repousser au 1er janvier 2005.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas accepté l'amendement, mais elle entendra avec intérêt l'avis du Gouvernement.

M. le Ministre de la fonction publique - Ce report permettrait à la concertation nécessaire d'aller à son terme. Avis favorable.

M. le Rapporteur - Il est vrai qu'il s'agit d'un mécanisme complexe à mettre en _uvre, et que des raisons matérielles peuvent justifier ce report. Avis finalement favorable, après avoir entendu le ministre.

L'amendement 10806, mis aux voix, est adopté.

A la majorité de 84 voix contre 17 sur 101 votants et 101 suffrages exprimés, l'article 52 modifié est adopté.

ART. 53

M. Denis Jacquat - L'allongement de la durée d'activité doit ouvrir des possibilités nouvelles d'évolution de carrière, notamment dans la fonction publique. Si l'on souhaite encourager les fonctionnaires à travailler plus longtemps, il faut leur donner d'autres perspectives. Cela vaut notamment pour les enseignants, ce qui suppose de décloisonner les statuts de la fonction publique, comme nous nous y étions engagés. Une fois de plus, le groupe UMP tient ses promesses (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Gaëtan Gorce - Si l'UMP tient ses promesses, les fonctionnaires concernés peuvent craindre le pire. L'article 53 tire sans doute les conséquences de conditions de travail pénibles, mais au fond, il témoigne de ce que vous ne croyez pas à la réussite de l'allongement de la durée de cotisation.

Nous savons en particulier qu'elle ne sera pas possible pour les enseignants : les deux tiers d'entre eux partent à l'âge de 60 ans sans avoir liquidé la totalité de leurs droits. Demain, ils partiront plus tôt avec des droits plus faibles. Vous les encouragez donc à une seconde carrière. Par ailleurs, pourquoi introduisez-vous le terme de « pénibilité » pour cette seule catégorie de fonctionnaires ?

M. Maxime Gremetz - L'article 53 présente l'avantage de prendre en compte le vécu professionnel et la pénibilité du métier d'enseignant.

Le rapport Vallemont de juin 2001 a bien identifié ce qui caractérise cette profession : répétitivité, remise en cause, parfois, de l'autorité du maître par les élèves et les parents, stress, fatigue, lassitude. Le métier d'enseignant a considérablement évolué. Les problèmes auxquels la société est confrontée ne s'arrêtent pas à la porte de l'école. Les tensions sont réelles et les exigences de plus en plus fortes.

La question de la retraite se pose dans un contexte particulier. Avant la création du corps des professeurs des écoles, ceux qui entraient dans l'enseignement primaire pouvaient cesser leur activité à 55 ans après 15 ans de service actif.

Cette spécificité est passée à la trappe, alors que la pénibilité n'a pas diminué pour autant. L'âge de la retraite des professeurs des écoles recule jusqu'à 62 ans et plus encore. Ils pensent qu'ils ont pourtant déjà beaucoup donné.

L'âge moyen de départ à la retraite des professeurs des écoles est aujourd'hui de 56 ans. Les enseignants du second degré n'ont qu'une hâte : partir dès qu'ils atteignent 60 ans et ce, quel que soit le nombre d'annuités. Les professeurs certifiés, en 2002, sont partis à 60,3 ans ; seuls un tiers d'entre eux totalisait trente-sept annuités et demi.

Le COR a constaté qu'en 2000, 64 % des professeurs du second degré avaient atteint les 60 ans sans réunir les conditions d'une pension à taux plein et que 90 % sont partis à la retraite à 60 ans plutôt que de prolonger leur activité. Ce sont eux qui ont le plus utilisé les dispositifs du CFA et du CPA.

Envisager une seconde carrière pour les enseignants implique d'accroître leur mobilité professionnelle, d'augmenter les dispositifs de réadaptation et de reclassement, de maintenir les droits acquis par des agents publics qui ont quinze ans de services actifs.

L'article 53 est purement déclaratif. Nous attendons de connaître les garanties que le Gouvernement entend apporter dans l'application de cette mesure.

M. le Président - L'amendement 3057 et les amendements 8811 à 8817 tendent à supprimer l'article.

M. Pascal Terrasse - Comme l'a dit Gaëtan Gorce, l'évolution professionnelle des enseignants aurait mérité un travail plus approfondi.

Votre dispositif reconnaît la nécessité d'une seconde carrière professionnelle, vraisemblablement en raison de la pénibilité du métier. Mais comment l'envisagez-vous ? Un détachement pour un à deux ans ne constitue pas une seconde carrière. Il faudrait envisager des mesures de formation ou de requalification, alors que les crédits de l'éducation nationale baissent. Les effets de cette mesure seront en réalité très limités.

En outre, ce dispositif aurait dû être étendu à l'ensemble de la fonction publique, alors que les passerelles entre les trois fonctions publiques sont encore, hélas, embryonnaires.

Enfin, vous voulez étendre le dispositif aux enseignants dépendant du ministère de l'agriculture. Pourquoi pas à ceux qui dépendent, par exemple, du ministère de la santé ?

Pour toutes ces raisons, l'amendement 3057 tend à supprimer l'article 53.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

CLÔTURE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

M. le Président - Nous sommes arrivés au terme de la session ordinaire.

Je rappelle qu'au cours de la première séance de ce jour, il a été donné connaissance à l'Assemblée du décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2003.

Ce décret a été publié au Journal officiel du samedi 28 juin 2003.

Conformément à la lettre de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement communiquée à l'Assemblée ce soir, la prochaine séance va avoir lieu dans quelques instants pour poursuivre la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

En application de l'article 28 de la Constitution, je constate la clôture de la session ordinaire de 2002-2003.

La séance est levée à minuit.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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