Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session extraordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 1er jour de séance, 1ère séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 1ER JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      OUVERTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE
      DE 2003-2004 2

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 1ER JUILLET 2004 6

La séance est ouverte à 0 heure.

OUVERTURE DE LA SESSION
EXTRAORDINAIRE DE 2003-2004

M. le Président - En application de l'article 29 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire de 2003-2004.

ASSURANCE MALADIE (suite)

M. Marc Bernier - Notre système d'assurance maladie, né par la volonté du général de Gaulle en 1945, constitue un modèle auquel nous sommes tous légitimement attachés. Cependant, son déficit croissant rend son avenir incertain. Si d'aucuns estiment que la réforme de l'assurance maladie ne doit rien toucher de leurs « privilèges sociaux » au point de suggérer que l'on n'y touche pas, je ne suis pas de ceux-là. Les déficits qui se creusent d'année en année ne nous permettent plus le luxe de raisonner en enfants gâtés. L'urgence de la réforme implique que la nation s'unisse, au-delà des clivages politiques. Mais pour réussir, la réforme doit être juste et responsabiliser les patients comme les médecins, libéraux et hospitaliers ; c'est d'ailleurs ce que nous propose le Gouvernement. Il faudra accepter aussi une évolution radicale de nos pratiques, et la réorganisation des soins, par un indispensable rapprochement entre l'hôpital et la médecine ambulatoire. Cela pourrait se traduire par la création de postes à temps partiel de praticiens hospitaliers en médecine générale, qui pourraient être occupés par des médecins libéraux.

M. Richard Mallié - Très bien !

M. Marc Bernier - Dans un autre domaine, la création du dossier médical personnel informatisé permettra d'améliorer la qualité des soins, mais aussi grâce à une meilleure coordination, des économies substantielles. L'expérience menée en ce sens dans la Mayenne, a été bien accueillie par les patients.

Mais la réforme de l'assurance maladie n'est qu'une étape, car la préservation d'un système de soins de qualité passe également par la redéfinition de la répartition territoriale des professions de santé, comme je l'ai fait valoir dans mon rapport sur « l'égalité des citoyens devant l'offre de soins ». Il nous faudra donc poursuivre la réforme engagée pour assurer la permanence des soins, tout particulièrement à la campagne. Nous devons en particulier renforcer les mesures incitatives destinées à favoriser l'installation de praticiens dans les zones sous-médicalisées.

La réforme structurelle proposée par le Gouvernement répond à une urgence : sauvegarder le régime d'assurance maladie tout en préservant les principes fondamentaux de la protection sociale. C'est pourquoi j'apporterai mon soutien sans réserve à ce projet ambitieux qui évitera l'implosion de l'assurance maladie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Simon Renucci - L'accès à des soins de qualité pour tous et sur tout le territoire constitue un élément essentiel de notre pacte social. Mais l'allongement de la durée de la vie, les nouvelles thérapeutiques et les nouvelles techniques d'exploration entraînent une croissance inéluctable des dépenses de santé. C'est une évolution somme toute assez heureuse... Notre société doit donc assumer l'évolution des dépenses avec l'ambition de garantir à chacun le même droit à la santé. Notons au passage que les dépenses de santé constatées en France sont dans la moyenne des pays de l'OCDE et, surtout, nettement inférieurs à celles constatées aux Etats-Unis - 2 500 € contre 4 600 -, ce qui tend à prouver qu'un système de protection sociale largement privé ne permet pas davantage d'économies...

M. Richard Mallié - La comparaison est hasardeuse !

M. Simon Renucci - Le Gouvernement avait le devoir d'élaborer une véritable réforme. Mais, selon tous les économistes de la santé, son projet ne réglera même pas le problème du financement de l'assurance maladie, traité isolément et selon une logique strictement comptable, alors qu'il aurait fallu réformer l'ensemble des politiques de santé. Le parti pris de démagogie fait que l'on stigmatise la fraude et que l'on culpabilise les assurés sociaux pour justifier le déremboursement subreptice des médicaments, une franchise sur chaque consultation et l'augmentation du forfait hospitalier. Tout aussi injustement, le Gouvernement fait porter l'effort sur les seuls salariés et retraités alors que les entreprises ne seront pas sollicitées. Malgré cela, les services du ministère des finances ont indiqué que la réforme envisagée ne règlera pas le problème en suspens ; de ce fait, la dette sociale sera reportée sur les générations futures.

D'autre part, le projet ne rénove pas le paritarisme : il donne tous les signes d'une apparente étatisation sans coordination visible, sans évaluation et sans contrôle : un « super directeur » de l'union des caisses d'assurance maladie prendra seul les décisions nécessaires. Quant à l'échelon régional, il est oublié, comme le sont les unions régionales des médecins libéraux, dont le rôle en matière de prévention, de formation et d'évaluation est pourtant reconnu.

Le projet n'engage en rien ce qui aurait dû être la véritable réforme : la réorganisation de l'offre de soins. Comment pourrait-il en être autrement, puisque l'hôpital est le grand absent de ce texte ? J'approuve le principe d'un dossier médical personnel, mais le calendrier prévu me paraît bien optimiste, et son impact financier largement surestimé.

Mieux aurait valu mettre en œuvre rapidement un plan global de formation pour toutes les spécialités, en ville comme à l'hôpital, et revaloriser les missions de service public de l'hôpital en renégociant la tarification à l'activité. Mieux aurait valu, aussi, décloisonner médecine de ville et hôpital, seul moyen de donner au dossier médical personnel sa pleine efficacité. Mieux aurait valu, encore, proposer une offre médicale géographique adéquate, dans le cadre d'un projet d'aménagement du territoire cohérent. Mieux aurait valu, enfin, donner toute sa place à la politique de santé publique, en y incluant un volet « prévention », source considérable d'économies à moyen terme, et ne pas oublier santé scolaire et santé au travail.

Le chantier est immense et passionnant. Mais le Gouvernement fait peser la charge de la dette et des réformes sur les générations futures, et il alimente l'idée d'un système structurellement déficitaire et incapable de se réformer. Or, la réforme est possible, urgente et nécessaire. Le groupe socialiste défendra donc ses propositions devant les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Hugon - Je déplore le manque de pédagogie des gouvernements successifs, qui n'ont pas su intéresser les citoyens aux questions touchant à leur protection sociale. Toute réforme de l'assurance maladie suppose de répondre à deux questions : comment favoriser la responsabilisation de tous ? Comment susciter l'attachement de chacun à ce système pour préserver l'indispensable solidarité ?

La sécurité sociale, c'est nous tous, les assurés sociaux, les ayants droits, les professionnels et les auxiliaires de santé, ainsi que tous les acteurs de la vie économique. Comme chacun de vous, je suis attaché au maintien de notre système de protection sociale qu'il faut cependant réformer : près de 13 milliards d'euros de déficit en 2004, des tricheries inacceptables, des abus incontrôlés, l'inaction du précédent gouvernement en pleine période de croissance.

Du nouveau mode de gouvernance que vous proposez, je retiens que l'Etat reste garant des principes fondamentaux de notre système de protection sociale, et se trouve confirmé dans sa mission régulatrice de l'institution sociale, tant pour ce qui concerne la santé publique, l'égal accès à des soins de qualité que le maintien dans des conditions viables des différents régimes sociaux.

Je retiens encore que l'instauration d'une Haute Autorité de santé permettra d'évaluer les pratiques médicales et de favoriser des accords avec les professionnels sur les conditions de remboursement des soins. Ce n'est pas aux hommes politiques, ni aux syndicats, de dire quel médicament est efficace.

Je retiens que les trois principaux régimes seront regroupés au sein d'une Union nationale des caisses d'assurance maladie, qui jouera un rôle essentiel en matière de remboursement. Je défendrai à cet égard des amendements pour que les associations familiales y soient représentées.

Je retiens enfin que la création d'un Institut des données de santé permettra de centraliser l'ensemble des données disponibles sur les pathologies et les soins.

Permettez-moi de vous féliciter d'avoir enfin responsabilisé l'ensemble des acteurs en proposant une participation modique d'un euro par consultation, une sanction graduée des médecins qui prescrivent abusivement des arrêts de travail, une sanction des patients qui en profitent et des chefs d'entreprises qui confondent arrêts de longue durée et préretraite !

Cette réforme exige de nous tous un changement de comportement, et je fais confiance à nos concitoyens pour défendre une cause nationale dont les enjeux ont été clairement expliqués. Ils l'ont prouvé en matière de sécurité routière, et je suis persuadé que votre détermination les a déjà incités à modifier leurs pratiques.

Voter une loi, c'est bien, mais l'appliquer c'est encore mieux, aussi serai-je attentif au calendrier de la signature des décrets d'application et accompagnerai-je la réforme sur le terrain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Mallié - Après plusieurs semaines de concertation avec les partenaires sociaux, vous nous proposez une réforme globale structurelle, à même de pérenniser notre système de santé, et un plan de financement équilibré.

Il ne s'agit pas d'un 17ème plan de sauvetage qui préparerait le 18ème. En effet, vous refusez le recours à des déremboursements massifs, à une hausse brutale de la CSG ou à des transferts de charges sur les mutuelles. Surtout, avant de réinjecter de l'argent, vous bouchez les trous.

Pour la première fois, un gouvernement s'attaque à l'organisation des soins et au comportement des acteurs. Concrètement, il faut clarifier les responsabilités de gestion, et il me paraît essentiel, à cet égard, d'accorder aux professionnels de santé une meilleure reconnaissance institutionnelle, tout en les associant pleinement à la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie, qu'ils pourront faire profiter de leur expérience.

Permettez-moi de vous faire six propositions articulées autour de la création d'un numéro d'appel national, le « 33 », accessible sur Internet et délivrant des informations sur l'offre de soins. Ce service pourrait être relié aux services d'appel médicaux d'urgence. Tout d'abord, il s'agirait de créer une base de données unique dans le but d'informer les patients et d'aider à la décision des professionnels de santé. Ce site internet pourrait servir à surveiller les malades chroniques en affection de longue durée lors d'un retour à domicile, grâce au développement de la télémédecine. Le recours à des capteurs se développe ainsi en Belgique.

Il permettrait encore de tenir des statistiques sur les comportements de la population en matière de santé, dans le strict respect de l'anonymat des patients.

Il pourrait servir au dossier médical personnel qui doit contenir des données engrangées par les médecins eux-mêmes - radios, scanners, etc - mais aussi par le patient, par exemple s'il est donneur d'organes.

Il pourrait aider les médecins dans leur devoir d'information au sens de la loi du 4 mars 2002, mais aussi dans leur exercice, en leur permettant en particulier de préciser leurs horaires de consultation, ou d'accéder à certains documents administratifs.

Rien ne doit être négligé pour changer les comportements des patients. Il ne s'agit pas de remplacer les services de soins et d'urgence actuels, mais de répondre aux questions d'information, voire d'orientation des malades.

Ceux qui, comme moi, connaissent le beau et rude métier de maire me comprendront : quand on aménage une place, il y a toujours des Cassandre pour se plaindre, mais à la fin on vous félicite. Les Cassandre qui, aujourd'hui, vous font des procès d'intention, n'ont plus alors que des herbes amères à remâcher.

Laissons-les donc remâcher leurs herbes amères... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Lors de votre audition devant la commission spéciale, Monsieur le ministre, vous avez déclaré que votre réforme était ambitieuse mais qu'elle supposait un effort équitable, partagé par tous. Cette loi est tout le contraire. Inefficace, car elle ne règlera rien au fond. Injuste, car elle fait supporter le poids des prétendues économies aux seuls assurés sociaux. Inacceptable enfin, et c'est pourquoi nous tenterons de la transformer.

Cette réforme a été mal négociée et peu réfléchie. Tous les partenaires sociaux se plaignent du manque de concertation. Elle s'est faite trop vite pour remettre à plat toute l'organisation médicale et donc réaliser des économies d'échelle. Le manque de courage politique est évident : il fallait s'attaquer à trop de lobbies - professionnels, laboratoires, organisations médicales, patronat...

Alors, vous vous êtes transformé en prestidigitateur : un peu de poudre de perlimpinpin pour endormir les assurés sociaux qui pensent à leurs vacances bien méritées et, pour le reste, une excellente communication : culpabiliser les Français et les accuser d'être des tricheurs, ajouter une couche sur les arrêts de travail et terminer en stigmatisant les personnes âgées, qui consomment trop de médicaments et de visites médicales, sans oublier le nomadisme !

M. le Président de la commission spéciale- Caricature !

Mme Chantal Robin-Rodrigo - A peine !

Vous jouez cette soi-disant réforme en trois actes. Premier acte : les Français sont tricheurs, menteurs et fainéants. Ne viennent-ils pas en Mercedes pour demander la CMU, comme l'a dit une députée de l'UMP en commission spéciale ? Heureusement, le ministre veille ! Il ajoute des gadgets, avec la photographie sur la carte Vitale, pour un coût minimum de 20 millions, programme le déremboursement, pour nous aider à mieux consommer pour mieux nous soigner, et annonce un contrôle accru des arrêts de travail - mais combien de médecins contrôleurs engage-t-il ? Et au fait, qui signe les arrêts de travail ? Assurés sociaux, ne vous posez pas cette question : vous êtes coupables !

Deuxième acte : il s'agit de faire croire aux Français que tout va être réglé. D'un coup de baguette magique, le ministre balaye la poussière - les 34 milliards de déficit qu'il a laissés s'amonceler -, la planque sous le tapis et annonce que les premiers effets de la réforme se feront sentir en 2007, juste à temps pour les élections. C'était compter sans le démenti cinglant de Bercy, qui évalue le rendement de ses mesures à 8 milliards : avec le déficit tendanciel, le déficit resterait à 15 milliards en 2007,... soit à peu près comme aujourd'hui. Quelle réforme !

Troisième acte. La réforme ne sert certes pas à grand chose, mais les Français aux revenus modestes vont payer encore plus : un euro par feuille de maladie, augmentation de la CSG pour les retraités et de son assiette pour les salariés, augmentation du forfait hospitalier, déremboursement, report de la dette sur les générations futures, qui paieront vos erreurs... Mais quid des entreprise, des revenus des capitaux, des plus riches ? L'écart entre la contribution des entreprises et celle des ménages va de un à quatre ! Mais vous nous assurez que l'effort est équitable et partagé par tous...

Fin. Le rideau tombe. Cette pièce ressemble étrangement à la réalité. Les Français les plus modestes vont connaître un réveil douloureux. Vous n'aurez rien résolu en termes financiers. Pourtant, vous affirmiez permettre le retour à l'équilibre et surtout améliorer l'organisation des soins, au bénéfice de l'ensemble des assurés. Nous ne voulons que conserver notre système de protection sociale, en le modernisant. Il n'est pas trop tard pour nous écouter et transformer cette loi en une véritable réforme. Entendez-nous ! Arrêtez de prétendre que nous n'avons pas de propositions ! Les Français ne veulent pas être bercés d'illusions. Ils veulent un système de soins solidaire et performant pour tous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,
            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 1ER JUILLET 2004

A NEUF HEURES TRENTE / 2ème SÉANCE PUBLIQUE (1)

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 1675) relatif à l'assurance maladie.

Rapport (n° 1703) de M. Jean-Michel DUBERNARD, au nom de la commission spéciale.

A QUINZE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE

4ème SÉANCE PUBLIQUE : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

1 () La première séance du jeudi 1er juillet 2004 a été ouverte à 0 heure.


© Assemblée nationale