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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 2ème jour de séance, 7ème séance

3ème SÉANCE DU VENDREDI 2 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      ASSURANCE MALADIE ( suite) 2

      ART. 3 2

      ORDRE DU JOUR DU LUNDI 5 JUILLET 2004 16

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

ASSURANCE MALADIE ( suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

ART. 3

Mme Martine Billard - On a beaucoup parlé de l'alourdissement du coût des ALD, mais que peut-on faire ? Certes, il est lié à l'augmentation de la prise en charge, mais si l'on se réfère au rapport de la CNAM, il apparaît que les maladies les plus onéreuses sont les maladies cardio-vasculaires, le diabète et le cancer, et il est alors difficile de limiter les dépenses.

En commission spéciale a été soulevé le problème de la prise en charge à 100 % intégrale de pathologies non directement liées à l'ALD : ainsi, un médecin diagnostique une angine chez une personne souffrant d'une maladie cardio-vasculaire, et, sans faire de différence, enregistre l'ensemble en ALD. Je m'attendais à ce que le Gouvernement nous apporte des solutions, mais la loi est muette sur ce point. Pourquoi ?

Par ailleurs, dans la suite logique de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année dernière, vous cherchez encore à réduire le périmètre des ALD. Quelle est votre véritable intention ? Moduler selon le type de maladie déclarée ? Selon sa durée ? J'aimerais que vous vous expliquiez car l'article 3 évoque à quatre reprises la limitation de la prise en charge, et je sais qu'une loi n'est pas innocemment bavarde...

J'en viens au protocole de soins. En soi, le principe n'est pas choquant, mais si on se lance dans l'informatisation, pourquoi conserver des protocoles papier ? Vous me faites penser aux débuts de l'informatique où, par sécurité, on conservait tous les documents papier, au cas où l'ordinateur tomberait en panne ! C'est en tout cas contraire à votre volonté de modernisation. Si c'est une question de délai, autant prévoir par décret que le protocole papier n'a qu'une vocation transitoire.

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article 3 est dicté par le seul souci de réaliser des économies, même si vous prétendez qu'il s'inscrit dans une démarche de justification médicale des dépenses prises en charge au titre des affections de longue durée, ce qui sous entend qu'aujourd'hui des prestations qui ne sont pas directement liées à l'ALD seraient intégralement prises en charge.

Permettez-moi d'en douter, surtout après la lecture du dernier rapport sur l'exécution de l'ONDAM, publié par la CNAM. Selon ce rapport, l'augmentation des dépenses de santé liées à la prise en charge des ALD serait tout d'abord liée au vieillissement de la population. 45% des admissions à l'ALD sont des malades de plus de 65 ans, et la prise en charge intégrale de leurs frais de transport ne paraît pas, dès lors, abusive.

La deuxième raison est la nature même des affections de longue durée. Quatre affections se partagent 84,1 % des entrées dans le dispositif ALD : les affections cardio-vasculaires, les tumeurs malignes, les troubles mentaux et le diabète. Nous savons qu'une angine, une grippe mal soignée peuvent avoir des conséquences graves sur l'état des patients atteints d'une ALD. L'être humain est un tout. C'est pourquoi nombre de médecins considèrent que les soins liés à la grippe ou à l'angine doivent être pris en charge dans le cadre de l'ALD : c'est une conception cohérente, que vous voulez remettre en cause.

Enfin, la troisième raison est le progrès des sciences et des techniques. Les innovations thérapeutiques qui ralentissent l'évolution des maladies et améliorent le confort de vie des patients concernent presque exclusivement les pathologies graves, par exemple aujourd'hui la maladie d'Alzheimer, les infections au VIH ou la sclérose en plaques. Ces innovations coûtent cher mais sont médicalement efficaces.

Les trois causes de l'évolution des dépenses liées aux ALD identifiées par la CNAM sont donc on ne peut plus médicales. Pourquoi, dès lors, réduire des dépenses qui répondent à des besoins vitaux ? L'augmentation du nombre d'ALD correspond simplement à l'évolution de notre société : on diagnostique plus tôt, on vit plus longtemps et la science progresse. Voilà les vraies raisons du développement des ALD. On ne voit donc pas en quoi leur augmentation serait invraisemblable ou abusive. C'est pourquoi nous proposons de supprimer cet article qui, sous couvert de médicaliser les ALD, vise à réduire le périmètre des prises en charge, et porte atteinte à des aides dont beaucoup de nos concitoyens ont besoin.

M. Maxime Gremetz - Tout au long de la discussion générale, nous avons montré que votre projet ne faisait que remettre au goût du jour de vieilles recettes - toujours les mêmes, qui échouent toujours, et on recommence, et on s'enfonce... N'est-il pas temps de tenter quelque chose de nouveau ?

Depuis des décennies les ALD sont la cible de toutes les attaques. Comme l'a rappelé notre Président de Commission dans son rapport, des dispositions ont déjà été prises pour limiter leur coût, ou comme on dit pour les "médicaliser" - cela passe mieux... Ce fut le cas avec le dispositif de l'ordonnancier bizone, destiné à mieux cibler ce qui relève ou non de l'affection exonérante. Puis ce fut l'arrêté du 7 mars 2002 créant le protocole inter-régime d'examen spécial. Plus récemment, la loi de financement pour 2004, en son article 38, a voulu renforcer la maîtrise des dépenses en redéfinissant les critères d'exonération du ticket modérateur des personnes atteintes d'une ALD et le périmètre de soins nécessaires au traitement.

Or, que constatons-nous ? Vous vous alarmez toujours de l'accroissement des dépenses d'ALD. Pourquoi ? Parce que notre système est responsable et ne sacrifie pas les malades sur l'autel de l'austérité financière ! Chercher sans cesse à réduire le périmètre des ALD est incohérent : c'est chercher à réduire le coût que représentent pour l'assurance maladie les maladies les plus graves ou les plus chroniques.

Le rapport du Haut conseil pour la réforme de l'assurance maladie nous rappelle que le régime des ALD concerne plus de 12% des personnes assurées et mobilise 48% des dépenses de soins. La Cour des Comptes note que les remboursements effectués aux patients en ALD ont contribué à hauteur de 62% à l'augmentation des dépenses de soins de ville. A travers la question des ALD, c'est celle de l'avenir de l'assurance maladie et de notre système de santé qui est posée. Allons-nous persister à vouloir réduire les dépenses et renforcer les contrôles, pour nous étonner chaque année que ce soit un échec ? Ou allons-nous augmenter la part des richesses consacrées à la santé en réformant le financement de la sécurité sociale ? Tel est l'enjeu.

Cet article 3, qui renforce l'encadrement de la prise en charge des affections de longue durée, est donc voué à l'échec. En outre il joue dangereusement avec la santé des malades et remet en cause l'égal accès aux soins. Votre politique à courte vue est marquée du sceau de l'échec. Toutes les organisations, y compris la CNAM, pensent d'ailleurs que votre réforme ne résoudra rien. C'est aussi ce que montre une note du ministère de l'Économie que vous vous évertuez à décrédibiliser.

Et c'est ainsi que vous préparez le terrain de la privatisation - certes rampante - du système. En effet, avec l'amélioration de l'état sanitaire et le vieillissement de la population, le nombre de personnes en ALD ne fera que croître. Déjà 300 000 personnes par an entrent dans le dispositif. Pensez-vous qu'en multipliant les contrôles et les protocoles vous réussirez à comprimer les dépenses ?

Nous ne nions pas l'existence d'abus, mais quelle est leur part dans les dépenses que nous venons de citer ? Cet argument ressemble surtout à un alibi pour réduire le périmètre des ALD et éviter de faire d'autres choix, qui vous incommodent, en vue de trouver les financements, dont nous reparlerons.

M. Jean-Marie Le Guen - Cet article aurait dû être l'objet principal de nos discussions. En effet, les ALD représentent plus de 50 milliards d'euros et plus de 60 % de la progression des dépenses, alors même que la prise en charge diminue. C'est là que nous trouvons les malades les plus chroniques et les plus lourds, et la plus forte progression des dépenses. C'est donc là qu'il faudrait agir.

Cet article n'est pas le plus choquant du projet. Mais d'un certain point de vue c'est le plus triste : alors qu'il y a là un vrai sujet, vous allez passer à côté. En particulier la médicalisation que vous proposez est, comme toujours, une médicalisation du traitement assurance maladie. Pour l'essentiel, vous proposez de mettre l'assurance maladie en mesure de trier le bon grain et l'ivraie. Elle continuera donc à rembourser : pas de privatisation à craindre ici ! Ce n'est pas demain qu'un assureur privé voudra se charger de ces cas. De ce point de vue, vous ne proposez donc pas un recul de la protection sociale obligatoire, au moins dans l'affichage. Vous essayez de départager les dépenses légitimes, c'est-à-dire issues du protocole de soins lié à la maladie principale, des autres relevant de soins annexes.

Je pense que cette analyse est très insuffisante. Les gains annexes que vous recherchez sont problématiques, et à tout le moins marginaux. Les personnes d'un certain âge, qui sont en ALD sans être dans un état physique trop dégradé, peuvent certes être plus tentées que d'autres par le nomadisme médical, parce qu'elles ont plus de temps et qu'elles sont plus inquiètes. Mais vous n'avancerez pas en abordant cette affaire sous le seul angle du traitement de l'assurance maladie, et en reprenant ce que proposent ses experts, c'est-à-dire ce qu'ils appellent délicatement la liquidation médicalisée. Déjà les protocoles et les échéanciers bizones n'ont pas résolu le problème.

Qu'aurait-il fallu faire ? Pour nous, il fallait d'abord travailler sur la manière d'accueillir le patient et de le guider dans son parcours de soins, plutôt que d'attendre qu'il consomme pour essayer de supprimer une partie de sa consommation. Ce type de malade est par excellence celui qui devrait être intégré dans un réseau de soins et, avant que ces réseaux existent, être pris en charge par un médecin référent, ou traitant, comme on voudra. Il y aurait là un véritable lieu d'accueil pour la personne, au lieu qu'elle soit confrontée à un quelconque programme informatique qui dira ce qui est légitime ou non. En assurant ainsi un accueil et une confiance, ainsi qu'une responsabilisation du praticien, nous pourrions alors avancer à la fois vers la qualité dans l'accueil du malade et la certitude que sa prise en charge serait maximisée. Mais non : on agit par le biais de la liquidation sécurité sociale, on s'en remet aux ordinateurs qui diront ce qui est ou non remboursable... Cela ne marchera pas, et c'est dommage, car nous aurions pu faire une réforme qui garantisse à la fois une meilleure qualité des soins pour le malade et des gains de productivité pour notre société.

Mme Jacqueline Fraysse - Par les amendements 688 à 699, nous demandons la suppression de l'article. Celui-ci tend en effet, dans le même esprit et pour le même résultat que la dernière loi de financement, à réduire encore le périmètre des ALD. Afin d'éviter tout abus, le médecin devra, lors de chaque prescription, certifier qu'il a pris connaissance d'un protocole qui, élaboré suivant les recommandations d'une Haute autorité qui sera tout sauf indépendante et signé par toutes les parties, fixera les prestations prises en charge. Cela signifie que le patient sera obligé de présenter ce protocole pour bénéficier des prestations !

Plutôt que de s'orienter vers une médicalisation des soins libre de toute préoccupation comptable, le Gouvernement préfère privilégier les économies à tout prix. On peut certes revoir le fonctionnement de ce dispositif des ALD pour corriger d'éventuels abus, mais il ne faudrait pas oublier que les patients en cause, souvent âgés, souffrent de pathologies lourdes et ont besoin avant tout de soins nombreux et d'un suivi sérieux.

M. Maxime Gremetz - Cet article 3 est révélateur de la philosophie qui sous-tend votre réforme - une petite réforme qui, de l'avis de tous, ne résoudra rien et qui n'est même pas financée, une réforme qui touchera une fois de plus les salariés, les personnes âgées et, en l'espèce, de surcroît, les malades atteints d'une affection de longue durée. Avec vous, ce sont toujours les mêmes qui paient. En l'occurrence, ils fourniront quatorze des quinze milliards annoncés, ce qui n'en laissera qu'un à la charge de ceux qui possèdent et font des profits ! Il est vrai qu'il est toujours plus rentable de taxer les plus nombreux...

Il est d'autant plus injuste de réduire le périmètre des ALD que, tout le monde le sait, les causes du déficit sont à chercher ailleurs. Mieux vaudrait s'intéresser aux vingt milliards d'exonérations de cotisations patronales ou aux deux milliards de la dette qu'ont les grandes entreprises auprès de la sécurité sociale ! Mieux vaudrait consacrer effectivement à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme les recettes qu'on prétend avoir dégagées à cet effet - cela permettrait au moins de rembourser les « patchs » aux jeunes désireux de se libérer de la cigarette !

Décidément, cette réforme est aussi inhumaine qu'inefficace !

M. le Président - Sur le vote de ces amendements 688 à 699, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - M. Le Guen a raison de souligner l'importance de cet article : les 30 ALD touchent 5,7 millions de personnes, dont 42 % des plus de soixante ans, et sont à l'origine de près de la moitié des dépenses d'assurance maladie. Et aucune n'est comparable à l'autre : non seulement il n'y a rien de commun entre un diabète, une tumeur maligne et les suites d'une transplantation rénale, mais il n'y a rien de commun non plus entre cette dernière et une transplantation pulmonaire ou entre un cancer de la prostate, qu'une intervention guérit, et un cancer du pancréas, qui continue d'emporter le malade en six mois. Cet article vise donc à promouvoir, via la Haute autorité, la qualité et la coordination des soins là où elles sont les plus indispensables. Je suis donc très heureux d'avoir à rapporter ce texte !

Quant aux réseaux, Monsieur Le Guen, c'est en effet pour ces affections de longue durée qu'il s'impose le plus de les organiser. L'article 6 nous en donnera les moyens.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Cet article n'a en effet qu'un objet : coordonner les soins. Rien ne serait pire pour un malade atteint d'une affection de longue durée que de ne pouvoir compter sur cette coordination, dont son médecin traitant sera chargé.

Vous l'avez fort heureusement reconnu, nul ne remet en cause le remboursement à 100 % des soins relevant de l'ALD. Mais il arrive que des personnes se fassent rembourser intégralement d'autres soins, et il n'y a pas de raison de laisser faire.

La Haute autorité sera chargée de définir des protocoles de soins que nous souhaitons voir respecter. D'autre part, nous souhaitons favoriser la constitution de réseaux. Je ne vois là rien qui ressemble à une culpabilisation des patients ou à une obligation de présenter le protocole à tout médecin : il ne s'agit que de mieux coordonner les soins en impliquant les patients dans leur traitement.

Mme Catherine Génisson - On nous propose un intitulé qui parle de qualité et de coordination des soins, mais est-il bien logique ensuite de disposer que « le médecin traitant et le médecin-conseil établissent conjointement un protocole » ? Il y aura, d'un côté, le médecin-conseil qui établira un protocole, comptable ou administratif, de prise en charge et, de l'autre, le médecin traitant qui prendra le patient en charge.

M. le Ministre - C'est ainsi que les choses se passent aujourd'hui.

Mme Catherine Génisson - Ce n'est en rien de la coordination ou la création d'un réseau !

M. Jean-Marie Le Guen - En effet, rien ne changera.

Mme Catherine Génisson - Il y a donc tromperie dans le titre du chapitre.

Par ailleurs, la réduction éventuelle de la prise en charge, lorsque le patient n'entrera pas dans le cadre fixé pour les ALD, se fera sous la responsabilité, non de l'Etat, mais de la nouvelle UNCAM. Celle-ci devant avoir la charge des comptes de l'assurance maladie, nous sortons de la maîtrise médicalisée pour entrer dans la maîtrise comptable !

M. Jean-Marie Le Guen - Cet article ne change pratiquement rien au PLFSS de novembre dernier : tout ce qu'il ajoute, c'est le caractère opposable du protocole ! Désormais, un cardiaque âgé devra se présenter devant le médecin en apportant son protocole...

La notion de médecin traitant reste floue. Ce praticien ne sera pas chargé de gérer véritablement le dossier du patient et il ne sera même pas rémunéré alors qu'il devra prendre le temps d'expliquer ! Or la carte de la sur-prescription se recoupe largement avec celle des ALD, médecin et malade se poussant réciproquement à la surconsommation. Il eût donc fallu agir sur cette relation, mais ce n'est pas ce que vous ferez en vous bornant à rendre le protocole opposable. Celui-ci existe d'ailleurs déjà, la seule différence consistant dans le fait qu'il sera désormais « renégocié ».

Le seul résultat de cette mesure sera peut-être un programme informatique qui refusera un remboursement à un diabétique atteint d'une grippe... Il ne peut être en tout cas que marginal. Lorsqu'on est atteint d'une affection chronique, seule une prise en charge globale peut assurer l'efficacité humaine et économique du système.

A la majorité de 29 voix contre 8 sur 37 votants et 37 suffrages exprimés, les amendements 688 à 699 ne sont pas adoptés.

Mme Jacqueline Fraysse - Les amendements identiques 2284 à 2295 visent à supprimer le premier paragraphe de l'article, qui remplace le Haut comité médical de la sécurité sociale par la Haute autorité de santé, chargée de donner un avis sur la liste des affections de longue durée et qui sera instituée à l'article 19. Il est d'ailleurs étonnant que la représentation nationale ait à voter cette disposition avant d'avoir statué sur la création de la Haute autorité. Celle-ci sera composée de membres nommés par le Président de la République et les présidents des deux assemblées et du Conseil économique et social : quelle garantie pour son indépendance ! Nous sommes loin du conseil scientifique réclamé par certaines organisations syndicales. La Haute autorité aura plusieurs missions : vérifier le service médical rendu, réfléchir aux niveaux de remboursement et au périmètre de prise en charge, ou élaborer des référentiels de bon usage des soins ou de bonne pratique. Vous essayez en fait de justifier de nouveaux déremboursements, qui seraient recommandés par cette institution, en faisant valoir un critère scientifique, mais rien n'assure que les experts ne seront pas influencés par des critères autres que thérapeutiques.

M. Maxime Gremetz - Franchement, il y a un problème. Tout le mécanisme que vous mettez en place a des conséquences importantes, notamment dans le domaine des ALD. Il est tout entier en défaveur des mêmes personnes - augmentation de la CSG et du forfait hospitalier, forfait d'un euro par consultation... - et vous comptez l'imposer par le biais d'une Haute autorité dont l'indépendance est, pour le moins, relative. S'il y a des abus qui rapporteraient gros, ne faudrait-il pas les rechercher auprès des entreprises qui volent deux milliards à la sécurité sociale, ou qui ne déclarent pas les accidents du travail pour payer moins de cotisations ? Vous préférez stigmatiser les personnes âgées et les personnes handicapées. C'est un choix de classe.

Les amendements 2284 à 2295, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Jacqueline Fraysse - Les amendements identiques 2296 à 2307 visent à supprimer le deuxième paragraphe de l'article, qui rédige ainsi l'intitulé du chapitre IV du titre II du livre III du code de la sécurité sociale : « Qualité et coordination des soins des patients atteints d'une affection de longue durée ». Quelle tromperie ! Tout votre texte a pour objet de réduire le périmètre des soins pris en charge pour les personnes atteintes d'ALD, donc leur qualité. Pour être pris en charge à 100 %, un malade doit par exemple justifier d'une hypertension artérielle « grave ». Mais les critères de gravité sont variables suivant les patients, et les différents médecins des caisses ne les apprécient d'ailleurs pas de la même façon. J'ajoute que l'hypertension artérielle doit être traitée toute la vie, sans quoi les malades s'exposent à un accident vasculaire et à une hémiplégie qui coûtent très cher. Les prendre entièrement en charge me paraît une bonne façon de prévenir des accidents plus graves. Votre préoccupation financière à court terme méconnaît l'intérêt non seulement des patients, mais de la société elle-même.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, ne faites pas cela ! Oserez-vous vraiment désigner les personnes âgées en longue maladie comme ceux qui volent la sécurité sociale ? Moralement, ce n'est pas possible ! Comment pouvez-vous vous attaquer aux ALD, après avoir érigé les personnes âgées et handicapées en grande cause nationale ? C'est indécent.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Notre intention n`est pas de soigner moins ! Tout au contraire, si les protocoles étaient appliqués plus rigoureusement, les malades ne s'en porteraient que mieux. Mais peut-on sérieusement imaginer que tous les soins peuvent être délivrés à l'infini ? Il faut faire la part de ce qui relève des ALD et de ce qui n'en relève pas. Dois-je vraiment rappeler que la France se caractérise bien davantage par une consommation abusive de médicaments que par l'insuffisance des prescriptions ?

Mme Catherine Génisson - Votre approche, Monsieur le ministre, est fausse et réductrice. S'il y a des abus, ils tiennent avant tout à la méconnaissance de la procédure par les malades et à un manque de coordination entre les médecins. Mieux vaudrait donc privilégier la prévention et rémunérer les médecins qui se font pédagogues pour faire comprendre aux malades atteints d'affections de longue durée comment suivre au mieux la thérapeutique qui leur est proposée et comment améliorer leur hygiène de vie. Quant aux protocoles proprement dits, ce sont d'évidence des outils majeurs d'amélioration de la qualité des soins, à condition toutefois qu'ils soient définis au niveau national par des compétences reconnues, en concertation avec les associations d'usagers. En résumé, le débat est nécessaire, mais les questions en suspens doivent trouver de bonnes solutions.

M. Jean-Marie Le Guen - Cet article n'apporte rien en matière de santé publique. Son seul objectif est comptable, comme le sont les protocoles de la CNAM, principalement conçus pour définir ce qui est remboursable au titre des ALD et ce qui ne l'est pas. Des prescriptions contradictoires ou des surdosages, par exemple, rien n'y est dit ! (Le ministre proteste) Mais, Monsieur le ministre, c'est un fait : ces protocoles sont rédigés par des gens dont le métier est bel et bien de déterminer s'il est juste et nécessaire de rembourser tel acte ou telle prescription, et c'est ce qu'ils font. Comment s'explique l'échec de l'ordonnancier bi-zone ? Par le fait qu'un médecin n'aura pas le cœur d'expliquer à un patient habituel, malade et fatigué, qu'il connaît et soigne depuis quinze ans, que telle prescription ne lui sera remboursée qu'à 75 % alors qu'il a l'habitude d'être remboursé à 100 %. Et puis tel autre médecin, parce qu'il est payé à l'acte, préférera ne pas s'aliéner un patient en le contrariant... Tout cela entre en jeu. Autrement dit, ces fameux protocoles ne seront pas davantage respectés demain qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Les amendements 2296 à 2307, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 2308 à 2319 sont identiques.

Mme Jacqueline Fraysse - M. Bur explique que l'on ne peut distribuer des soins à l'infini ; qui prétend le contraire ? Mais, à l'entendre, on a le sentiment que les ALD seraient distribuées larga manu, sans principe ni contrôle !

M. le Président de la commission spéciale - C'est en effet le sentiment de la CNAM.

Mme Jacqueline Fraysse - Mais c'est faux ! En ma qualité de cardiologue, je peux témoigner que l'octroi d'une ALD est obtenu de haute lutte, au terme d'une procédure strictement encadrée, et que la demande doit être renouvelée. Autant dire que ce que vous visez en réalité avec cet article, c'est de redéfinir le périmètre des protocoles pour en réduire le champ.

M. le Président de la commission spéciale - Donc, si l'on vous entend bien, il n'y a pas de surconsommation médicale en France.

M. Maxime Gremetz - Penchons-nous un instant sur les conventions passées avec les entreprises au niveau régional : on constate qu'elles peuvent bénéficier d'aides publiques sans conditions...

M. Alain Gest - C'est faux !

M. Maxime Gremetz - ...et, surtout, sans contrepartie en termes d'emplois. Qu'elles bénéficient de fonds publics, soit, mais qu'au moins elles les remboursent si elles ne respectent pas leurs engagements !

M. Alain Gest - C'est exactement ce qui se passe !

M. Maxime Gremetz - Ici, que voit-on ? Que l'on veut faire des économies pour réduire le déficit et que, pour cela, on va durcir les conditions d'accès à l'ALD...

M. le Président de la commission spéciale - Mais non !

M. Maxime Gremetz - ...au prétexte d'abus dont on ne sait par qui ils sont évalués...

M. le Président de la commission spéciale - Par le service médical de l'assurance maladie.

M. Maxime Gremetz - Les dépenses d'assurance maladie augmentent inéluctablement, pour des raisons démographiques bien connues. Mais, au lieu de l'admettre, le Gouvernement explique que les dépenses de santé des Français sont de plus en plus élevées, alors que nous sommes exactement dans la moyenne des vingt-cinq pays membres de l'Union européenne et que la part de ces dépenses dans le PIB a diminué. Vous envisagez le problème par le petit bout de la lorgnette et, oubliant de vous en prendre à ceux qui doivent tant à l'URSSAF et qui ne paient pas leurs contributions, vous frappez les pauvres et les personnes âgées et handicapées (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Les amendements 2308 à 2319, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Le Gouvernement ne répond jamais ? Je vais devoir réunir mon groupe pour définir comment réagir à ce silence persistant...

M. le Président - Etant donné votre nombre, la réunion sera brève... (Sourires)

Nous en arrivons aux amendements identiques 2320 à 2331.

Mme Jacqueline Fraysse - Ils tendent à supprimer le premier paragraphe du III. Le système est déjà très encadré aujourd'hui ; s'il y a ici ou là des abus, il faut y mettre fin, mais il n'y a pas lieu de changer la procédure. La vérité est que vous voulez faire des économies sur la santé des Français. M. Mattei avait déjà ciblé les ALD dans le dernier PLFSS pour réduire le déficit, mais cela n'a pas empêché celui-ci de se creuser... Réduire le périmètre des ALD est mauvais tant pour la santé publique que pour les finances de la sécurité sociale, cette qualification permettant à des personnes de se soigner correctement, et par là d'éviter de graves complications.

M. Maxime Gremetz - L'assurance maladie a-t-elle produit un rapport faisant état d'abus dans ce domaine ? Non ! (M. le rapporteur montre un document) En tout cas, ce n'est pas elle qui a proposé de modifier le protocole. Ne prenez pas de faux prétextes : vous voulez faire des économies pour boucher le trou, c'est un choix politique.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - Egalement.

Mme Martine Billard - Le rapport de la CNAM ne parle pas d'abus ; il relève que les dépenses des patients atteints de ces affections augmentent plus vite que celles des autres assurés. Pourquoi ? Parce que les quatre affections entre lesquelles sont partagées 84 % des entrées dans le dispositif sont les maladies cardio-vasculaires, les cancers, les troubles mentaux et le diabète. Tant qu'on ne s'attaquera pas aux causes de ces maladies, cette évolution se poursuivra. Soit on mène une politique volontariste en ce domaine, et on peut espérer que le nombre d'entrées en ALD diminuera, soit on fait de la maîtrise comptable. Par ailleurs, pour éviter la surconsommation médicale, il faut aussi s'intéresser aux pratiques des médecins : nous proposons que pour les affections de longue durée, ils soient payés au forfait, pour éviter qu'ils disent à leurs patients de revenir tous les deux mois pour renouveler l'ordonnance...

M. Jean-Marie Le Guen - Vous essayez de vous attaquer, par le biais des ALD, au problème de la surprescription de certains médecins, qui coûte 2,5 milliards à la CNAM. Comme vous ne voulez pas envisager la pénalisation de cette fraction du corps médical, vous prenez les choses autrement... Pourquoi ne voulez-vous pas dire qu'un médecin qui ne respecte pas le protocole qu'il a signé peut être sanctionné ? Au moins faudrait-il prévoir, pour les médecins surprescripteurs, un dialogue, une formation, une remise à niveau. Mais non : vous ne voulez pas agir sur l'offre, en prétendant tout traiter par le biais des réseaux informatiques...

Les amendements 2320 à 2331, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 35 précise que le mécanisme du protocole s'applique à tout médecin traitant, qu'il exerce en ville ou dans un établissement de santé.

M. le Ministre - Avis favorable.

Mme Martine Billard - Les malades en ALD vont parfois voir un spécialiste à l'hôpital alors qu'ils ont par ailleurs un médecin traitant...

M. le Rapporteur - Nous verrons cela à l'article 4.

L'amendement 35, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 22 heures 55, est reprise à 23 heures 5.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 7761 précise que les protocoles sont élaborés sur le plan national en relation avec les associations d'usagers. De ce point de vue, le projet est en recul sur l'ensemble des pratiques associatives en vigueur.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Outre que rien n'empêche une concertation avec les associations, les conférences nationales et régionales de santé favoriseront leur participation active.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Marie Le Guen - Si les associations de patients font du bon travail, pourquoi ne les faites-vous pas participer à la définition des protocoles ? Je suis très étonné.

M. le Ministre - Il est évident que les associations participent de plus en plus à cette élaboration. La Haute autorité, que les usagers pourront saisir, va précisément les associer.

L'amendement 7761, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - Vous proposez de redéfinir « périodiquement » le protocole. Nos amendements 2332 à 2343 visent à supprimer cet adverbe car d'une part, c'est déjà le cas et d'autre part, que signifie au juste « périodiquement » ? Chaque semaine ? Tous les mois ? La variabilité dépend-elle des affections ? Ce terme, beaucoup trop vague, peut être source de conflit et générateur d'iniquités.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il va de soi que les protocoles doivent être révisés, modifiés, voire interrompus, à un système variable selon les pathologies.

Les amendements 2332 à 2343, repoussés par le Gouvernement , mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 8381 vise à préciser juridiquement les conditions dans lesquelles s'effectue la révision des protocoles.

L'amendement 8381, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - Nos amendements 2344 à 2355 visent à supprimer les mots « par l'autorité mentionnée à l'article L.161-37 ». Vous voulez faire passer la Haute autorité pour une institution parfaitement morale et désintéressée. Or, les nominations de ses membres ne seront pas sans incidences sur les décisions prises. En outre, certaines instances qui n'ont pas démérité remplissent actuellement la fonction qui sera dévolue à cette nouvelle structure.

M. Maxime Gremetz -Vous désavouez en effet les institutions existantes, qui ont fait du bon travail comme je l'ai montré cet après-midi à propos de la commission de la transparence : elle a notamment démontré que tel médicament qu'on présentait complaisamment comme miraculeux n'était en fait qu'une molécule très ordinaire, méritant à peine le nom de médicament !

Je peux vous expliquer comment vous vous apprêtez à renforcer le centralisme au détriment de la démocratie, pour mieux préparer les évolutions que vous voulez engager.

M. le Président - Tout à l'heure, Monsieur Gremetz... (Sourires)

Les amendements 2344 à 2355, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Jacqueline Fraysse - Nos amendements 2356 à 2367 sont rédactionnels. Il s'agit de préciser que l'article L.161-37 visé par l'article 3 du projet de loi est bien un article du code de la sécurité sociale.

Les amendements 2356 à 2367, repoussés par la commission et le Gouvernement ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Il faut que la commission et le Gouvernement répondent !

M. le Président - C'est moi qui préside ! Nous en venons aux amendements identiques 2368 à 2379.

Mme Jacqueline Fraysse - Ils tendent à supprimer l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa du III de cet article, qui participe d'une philosophie que nous dénonçons.

M. Maxime Gremetz - J'aimerais que l'on nous réponde sur le précédent amendement !

M. le Rapporteur - Je vous renvoie Monsieur Gremetz au I de l'article 3...

Les amendements 2368 à 2379, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

Mme Jacqueline Fraysse - Les amendements 2380 à 2391 sont rédactionnels, et tendent à compléter l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa du III de cet article par les mots : « mentionnée à l'article L.161-37 du code de la sécurité sociale ».

M. le Rapporteur - La commission a adopté, à votre initiative, l'amendement 36 qui tend au même objet.

M. le Ministre - Je marque une préférence pour celui adopté par la commission.

L'amendement 36, mis aux voix, est adopté.

En conséquence, les amendements 2380 à 2391 tombent.

Mme Jacqueline Fraysse - Nos amendements 2392 à 2403 tendent à supprimer l'avant-dernier alinéa du III de cet article, qui revient à mettre fin au remboursement intégral. Lorsque, en 1967, le ticket modérateur a été créé pour résorber le trou de la sécurité sociale, certaines maladies de longue durée ont néanmoins continué à bénéficier de la couverture à 100 %. Vous remettez aujourd'hui en cause cette protection, en prévoyant qu'un protocole déterminé suivant les recommandations de la Haute autorité en santé, et signé par toutes les parties, fixera les prestations prises en charge. Or, comment mesurer l'évolution et la prise en charge thérapeutique des longues maladies ?

Aujourd'hui, la loi exclut du remboursement les médicaments qui ne seraient pas directement liés à la maladie de longue durée. Mais comment affirmer que la bronchite dont souffre un transplanté n'est pas la conséquence de son mal ? Du reste, beaucoup de médecins n'appliquent pas cette règle.

Les amendements 2392 à 2403, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heures 25, est reprise à 23 heures 30.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 7759 tend à préciser qu'en cas d'impossibilité majeure, le patient ne sera pas tenu de communiquer son protocole au médecin.

M. le Rapporteur - Cela relève d'un décret.

M. Jean-Marie Le Guen - Lequel ?

M. le Rapporteur - Il est à venir.

M. le Président - M. le rapporteur veut dire qu'en vertu des articles 34 et 37 de la Constitution, cette question est du domaine réglementaire.

L'amendement 7759 mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - A quoi bon créer le dossier médical personnel, s'il faut en plus que le patient pour bénéficier de la limitation ou de la suppression de sa participation, justifie d'un protocole ? Aussi l'amendement 7662 tend-il à rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa du III de cet article : « Sauf en cas d'urgence, le patient ou son représentant légal est tenu d'autoriser la consultation de son dossier médical personnel pour bénéficier de la suppression de sa participation ».

Cela me semble plus cohérent avec l'institution du dossier médical personnel.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, car il introduirait de la confusion.

M. le Ministre - Même avis.

Mme Martine Billard - La réponse de M. le rapporteur est surprenante : loin d'introduire de la confusion, cet amendement apporte une clarification. On a prévu que le compte rendu d'hospitalisation ferait partie du dossier médical personnel. Mais pour le protocole on maintient un papier à part, que le patient ne devra surtout pas oublier d'avoir sur lui lors de chacun de ses déplacements - alors qu'il a déjà, avec sa carte Vitale, la clé d'accès à son dossier médical personnel ! Mon amendement relève du simple bon sens, mais celui-ci ne semble gère partagé...

Mme Catherine Génisson - Mme Billard pose un vrai problème. Ne peut-on le résoudre en décidant que le protocole sera partie intégrante du dossier médical personnel ?

L'amendement 7662, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - Nos amendements 2404 à 2415 tendent à supprimer, dans l'avant-dernier alinéa du III, les mots : "pour bénéficier de la limitation ou de la suppression de sa participation". Si l'on a droit à l'ALD, on est pris en charge à 100 %, et il n'y a pas de place pour une "limitation". Que signifie ce mot ? Est-ce à dire que vous voulez introduire une telle limitation, tout comme vous instaurez un protocole afin de limiter, dans les faits, les prises en charge à 100 % ? C'est une démarche que nous ne pouvons accepter.

M. Maxime Gremetz - Il est anormal que M. le rapporteur ne nous ait pas donné de réponse sur l'amendement de Mme Billard. S'agissant des nôtres, le membre de phrase que nous voulons supprimer est contradictoire - non pas, certes, avec votre logique libérale et vos objectifs financiers, mais avec le dispositif ALD. Vous introduisez l'idée qu'une ALD ne sera pas nécessairement prise en charge à 100 % ; pour cela il faudra remplir un certain nombre de conditions. C'est une tentative de multiplier les obstacles à la prise en charge intégrale, et de faire des économies sur le droit à la santé : nous ne pouvons être d'accord.

M. le Rapporteur - Le texte a pour but de responsabiliser tous les acteurs de la santé, y compris les patients. Le membre de phrase que vous visez est un élément de cette responsabilisation. C'est pourquoi la commission a repoussé ces amendements.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 2404 à 2415, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Nous n'insisterons jamais assez sur la grave question des ALD. Les propos tenus dans cet hémicycle, l'absence de réponses à nos questions confirment nos inquiétudes. L'article 3 tend à redéfinir l'attribution des ALD. Dans le même esprit que la loi de financement pour 2004, et avec le même résultat prévisible - échec de l'économie escomptée, mais réduction des droits -, le Gouvernement cherche encore à réduire le périmètre des ALD. Il prévoit un protocole déterminé suivant les recommandations de la Haute autorité en santé, créée par le présent projet, et qui n'est en rien indépendante. Ce protocole sera signé par toutes les parties et fixera les prestations prises en charge. Le médecin devra certifier lors de chaque prescription qu'il a bien pris connaissance du protocole, que le patient devra présenter pour bénéficier des prestations au titre de l'ALD. A une réforme du financement et une médicalisation des soins déconnectée de toute vision comptable, le Gouvernement préfère donc une démarche de culpabilisation des malades, et des malades les plus atteints.

En outre cet article, en particulier le dernier alinéa du III, transfère la responsabilité des abus d'ALD aux professionnels de santé. Chaque professionnel devra certifier - ô bureaucratie ! - que sa prescription est conforme au protocole ALD : c'est une remise en cause inacceptable du droit et de la capacité à prescrire.

Ici commence une série d'articles du projet qui font porter une lourde responsabilité aux médecins dans le contrôle de leur actes, sous-entendant qu'ils prescrivent trop, en dépit du bon sens, et surtout sans responsabilité ni cohérence : c'est une remise en cause du droit de prescription et du savoir. Certes ce plan ne prévoit pas de sanction des médecins, mais il organise un contrôle démesuré de leur activité. Voilà qui nous rappelle un passé récent, et certain plan de 1996... Nous souhaitons vous éviter de connaître la même destinée. C'est pourquoi nos amendements 700 à 711 tendent à supprimer le dernier alinéa du II de cet article.

M. le Président - Sur ces amendements, le groupe communiste et républicain a demandé un scrutin public.

M. le Rapporteur - Je le répète, le texte a pour but de responsabiliser tous les acteurs de la santé - ici les médecins. C'est pourquoi la commission a repoussé ces amendements.

M. le Ministre - Même avis.

A la majorité de 26 voix contre 7 sur 33 votants et 33 suffrages exprimés, les amendements 700 à 711 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 8374 tend à préciser que l'obligation faite au patient de présenter le protocole à tout médecin consulté ne s'applique qu'aux consultations ayant trait à son ALD.

L'amendement 8374, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 7663 a pour objet de supprimer la mention de cette « limitation » sur laquelle nous n'avons toujours pas obtenu d'explication. Il y a peu, quiconque était dans le dispositif ALD était pris en charge à 100 % pour les actes et prestations nécessités par le traitement de l'affection. Or, voici qu'on introduit l'idée que, pour ces mêmes actes et prestations, la participation de l'assuré peut être simplement « limitée », et que la prise en charge peut donc être inférieure à 100 %. Qu'y a-t-il derrière cela ? Envisagez-vous que pour certaines pathologies, qui continueraient cependant à être considérées comme des affections de longue durée, il puisse y avoir à terme des différences de prise en charge ? Je pense par exemple à l'hypertension artérielle. Est-ce votre intention ? Je ne sais pas. Il faut que vous le précisiez.

M. le Rapporteur - C'est l'UNCAM qui propose, après avis de la Haute autorité, et le Gouvernement qui décide.

M. le Ministre - « Limitation ou suppression de sa participation », c'est la rédaction même du code de la sécurité sociale, en son article L.322-3.

Mme Martine Billard - Mais cet article résulte de la loi de financement pour 2004 ! Quand une nouveauté est introduite, on peut se demander dans quel but.

M. le Ministre - Cela remonte aux ordonnances de 1967 !

Mme Martine Billard - Non, cela a été introduit par le PLFSS pour 2004 ! D'autre part, Monsieur le Rapporteur dit : l'UNCAM propose, le Gouvernement décide. Voilà qui est clair : c'est le Gouvernement qui décidera des déremboursements.

L'amendement 7663, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - Le IV de l'article 3 confie à la Haute autorité de santé et à l'UNCAM la définition des ALD. Ces deux instances, nouvellement créées, n'ont aucune légitimité pour définir ces affections, ni pour déterminer leur périmètre de prise en charge. Votre but inavoué est en fait d'instaurer un panier de soins restrictif, qui sera défini - d'une façon que l'on voudrait nous faire croire indépendante - par la Haute autorité, puis repris par l'UNCAM et son directeur nommé par le Gouvernement, les organismes complémentaires de santé étant bien sûr, en embuscade. Tout cela constitue un réel recul, et menace la sécurité sociale d'une privatisation qu'on peut encore dire rampante - mais pour combien de temps? C'est pourquoi nos amendements 712 à 723 ont pour objet de supprimer le IV de cet article.

M. Maxime Gremetz - Le IV, dont Mme Fraysse vient de démontrer la nocivité, vise à imposer cette nouvelle gouvernance dont on parle tant - sans même, comme nous, chercher à la promouvoir. Nous avons en effet déposé une proposition de loi qui pose comme premier principe de la sécurité sociale et l'assurance maladie doivent être gérées par les cotisants. Ceux qui paient doivent diriger ! Car, contrairement à ce que vous pouvez dire, les salariés en sont capables ! Et, après tout, n'est-ce pas de leur argent qu'il s'agit ?

Nous voulons revenir à une réelle démocratie, nous voulons redonner pouvoir et légitimité au conseil d'administration - ce qui passe par le rétablissement des élections à la sécurité sociale : quelle légitimité aurions-nous, ici, si nous étions désignés ? La décision doit revenir aux partenaires sociaux, non à je ne sais quelle Haute autorité dont le directeur serait désigné ! La belle démocratie que celle que vous proposez ! Que ne faites-vous appel à des banquiers ? Eux, c'est certain, savent gérer : ils connaissent les bons placements ! Vous n'avez que le mot « responsabilité » à la bouche, mais vous faites tout l'inverse de ce que vous dites, parce que vous entendez garder la haute main pour imposer la privatisation...

Les amendements 712 à 723, repoussés par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Jacqueline Fraysse - J'ai peur que M. Gremetz n'ait pas convaincu. Peut-être devrait-il recommencer sa démonstration... (Sourires).

Les amendements 2428 à 2439 tendent à supprimer, dans le dernier alinéa du IV, les mots : « Sur proposition de l'union nationale des caisses d'assurance maladie ».

M. le Rapporteur - Ce qui est contradictoire avec ce que vient de soutenir M. Gremetz !

Mme Jacqueline Fraysse - Pas du tout. Je vais vous expliquer.

Créée dans le dessein d'organiser un pilotage prétendument plus responsable - ce qui témoigne de peu de considération pour ceux auxquels elle se substituera ! -, l'UNCAM, qui « chapeautera » les trois caisses d'assurance maladie, se trouvera elle-même sous la coupe d'un directeur général, nommé tout à fait démocratiquement par le Gouvernement ! Ce paragraphe organise en outre, pratiquement, une gestion conjointe de l'assurance maladie par le régime obligatoire et par les assurances complémentaires, de sorte que ces dernières pourront désormais peser sur le niveau de couverture sociale. S'agissant de décisions aussi importantes que celles qui touchent aux taux et au périmètre des remboursements, nous ne saurions accepter qu'on les mette ainsi sur le même plan que le régime obligatoire !

M. Maxime Gremetz - Je viens de prendre connaissance d'une déclaration de la fédération des organismes sociaux s'élevant contre le racket que constitue à son sens le financement de l'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire par les fonds de la sécurité sociale. Elle souligne l'impropriété de l'expression « crédit d'impôt » en l'occurrence, faisant valoir que les fonds sociaux ne sont pas les fonds de l'Etat. Il fallait en effet que ce fût dit car, reconnaissez-le, vous y êtes allés un peu fort !

Les amendements 2428 à 2439, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 7760 est défendu.

L'amendement 7760, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - Les amendements 2440 à 2551 sont défendus.

Les amendements 2440 à 2451, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Les amendements 2452 à 2463 visent à préciser la rédaction. En droit, en effet, la précision importe. Combien de lois n'a-t-on pas dû remettre sur le métier parce qu'elles avaient été écrites dans l'urgence ? Notre ordre du jour se trouve ainsi encombré par des questions qu'on croyait déjà réglées...

Mais la précision contribue aussi à l'intelligibilité de la loi et favorise l'accès au droit. Tous ceux qui ont lu le vingtième rapport du Conseil des impôts ont pu relever que, selon ce dernier, la codification actuelle du droit fiscal ne respecte plus ces deux impératifs. Le Conseil regrette l'absence de projet de refonte du code général des impôts, devenu largement inintelligible en raison d'un vocabulaire souvent désuet, d'une rédaction obscure, d'articles trop longs et de renvois trop nombreux. Pourtant nul n'est censé ignorer la loi... Ne perdons donc pas de vue cette exigence citoyenne et efforçons-nous à une rédaction aussi peu ésotérique que possible !

Ces amendements tendent donc à insérer, dans le dernier alinéa du IV, après les mots « de la haute autorité mentionnée à l'article L. 161-37 », les mots : « du code de la sécurité sociale. »

Les amendements 2452 à 2463, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard - L'amendement 7664 est défendu.

L'amendement 7664, repoussé par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 37 de la commission est défendu. Il est identique aux amendements 7831 et 7973 de M. Evin et du groupe socialiste.

Les amendements 37, 7831 et 7973, acceptés par le Gouvernement et mis aux voix, sont adoptés.

Mme Martine Billard - Si notre amendement 7665 était repoussé, nous risquerions de nous trouver dans une situation absurde. Il convient donc de compléter l'article par les mots : « ,sauf en cas d'urgence. »

M. le Rapporteur - Rejet : cela relève du décret.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 7665, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Je vais finir par penser que le rapporteur a défini des quotas et qu'ayant déjà eu satisfaction une fois, je n'ai plus rien à espérer !

L'amendement 7667 ne vise pas à supprimer systématiquement le paiement à l'acte, mais à introduire, dans le cas des ALD, la possibilité d'un paiement forfaitaire dont le montant sera déterminé par convention. Vous le voyez, nous ne nous en remettons pas qu'à la loi. Mais la loi a déjà ouvert cette faculté et la disposition serait favorable aussi bien au médecin, qui saurait combien de patients il suit dans ce cadre, qu'aux malades eux-mêmes, qui seraient assurés d'un suivi et n'auraient donc pas à multiplier les visites inutiles.

M. le Rapporteur - Cette faculté est déjà prévue dans le cadre de la convention et je m'inquiète de cette insistance de la gauche pour limiter le paiement à l'acte.

L'amendement 7667, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu lundi 5 juillet, à 9 heures 30.

La séance est levée à minuit.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU LUNDI 5 JUILLET 2004

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 1675) relatif à l'assurance maladie.

Rapport (n° 1703) de M. Jean-Michel DUBERNARD, au nom de la commission spéciale.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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