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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 3ème jour de séance, 9ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 5 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ 2

      RAPPELS AU RÈGLEMENT 2

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      ART. 2 (précédemment réservé) (suite) 3

La séance est ouverte à quinze heures.

PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ

M. le Président - M. Le Président de l'Assemblée nationale a reçu le 5 juillet 2004 de M. le ministre de l'intérieur une communication l'informant que le 4 juillet 2004, M. Laurent Wauquiez a été élu député de la première circonscription de la Haute-Loire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Jean-Marie Le Guen - Qu'en est-il, Monsieur le ministre, des informations rapportées dans la presse de ce jour sur le prix du tabac ?

Les industriels du tabac proposeraient en effet de baisser les prix afin de relancer la concurrence et d'accroître leurs ventes. C'est une décision très préoccupante sur le plan de la santé publique et qui irait à l'encontre de la politique de hausse des taxes que nous avons d'ailleurs soutenue.

Le Gouvernement a l'obligation morale et financière de contrecarrer cette annonce en rehaussant la fiscalité sur le tabac, non seulement pour décourager les fumeurs potentiels mais également pour lutter contre un manque à gagner qui s'élèverait à plus de 700 millions.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Les fabricants proposent les prix qu'ils veulent. Le ministre de la santé publique que je suis ne peut être favorable à l'annonce d'une baisse des prix qui entraînerait une hausse de la consommation et donc des cancers liés au tabac.

M. Jean-Marie Le Guen - Seriez-vous dès lors disposé à augmenter à concurrence la fiscalité sur le tabac ?

M. le Ministre - Ce n'est pas le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. Je vous ai donné mon point de vue quant à l'impact de cette mesure éventuelle sur la santé publique, il convient maintenant d'attendre les décisions des autres industriels.

M. Richard Mallié - L'augmentation du prix du tabac a eu un impact important sur les ventes mais il fut bien moindre sur la consommation réelle en raison du marché noir ou des ventes sur internet.

Je rappelle que la Suède a dû revenir sur une augmentation drastique des taxes sur le tabac suite à l'explosion de la contrebande.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Le Gouvernement s'est engagé à ne pas augmenter à nouveau les taxes sur le tabac.

Je rappelle de plus que les fabricants ont menacé de répercuter sur les prix de vente la hausse des taxes du 1er janvier . Nous constatons aujourd'hui que, une fois de plus, il n'est pas possible de leur faire confiance : c'est le même fabricant qui annonce vouloir baisser les prix et qui prétend que 20 % des cigarettes consommées seraient issues de la contrebande.

Nous avons à faire à une tentative de déstabilisation et de désinformation. Nombre de nos concitoyens ont arrêté de fumer, notre politique est donc efficace.

Enfin, si le Gouvernement n'intervient pas sur les prix, le Parlement a toute latitude pour décider du montant des taxes . Nous devons poursuivre une politique active, y compris en faveur des buralistes, comme nous nous y sommes engagés.

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

ARTICLE 2 (précédemment réservé) (suite)

M. le Président - Les amendements 2068 à 2079 sont identiques.

M. Jean-Claude Sandrier - Nos amendements visent à supprimer cet article et donc le dispositif du dossier médical personnel, à défaut de son amélioration significative.

En effet, cet article fait du dossier médical personnel un nouvel outil de contrôle et de maîtrise comptable des dépenses de santé - ce qui demeure votre objectif essentiel puisque vous affichez la volonté d'économiser 3,5 milliards. De plus, l'acceptation du dossier médical conditionne l'accès au remboursement.

Je serais tenté de vous dire : si vous ne voulez pas faire de maîtrise comptable, ne comptez pas !

Nous souhaitons une meilleure coordination des soins, et des soins de qualité. En ce sens, nous sommes favorables à la meilleure circulation des informations. Mais, en l'état, nous craignons que le dossier médical personnel ne soit un instrument de contrôle et de rationalisation plutôt qu'un outil de partage des connaissances médicales. Si ce nouvel instrument doit, au passage, permettre des économies, personne ne s'en plaindra ; mais ce ne peut être l'idée maîtresse du dispositif. A cet égard, on laisse entendre que ce dossier médical suscitera des économies considérables. Or, il est très vraisemblable que le changement prendra du temps et qu'il coûtera assez cher. Qui payera sa mise en place ? Et puis, le dossier médical personnel crée un risque important. Certes, ni les assureurs privés ni les employeurs n'y auront accès. Mais comment empêcher les pressions ? Comment être certain que les uns ou les autres ne sauront pas convaincre les patients d'ouvrir leur dossier médical en leur faisant miroiter un emploi ou l'acceptation d'un dossier d'assurance ? Enfin, rien, dans le dispositif proposé ne tend à améliorer la prise en charge des soins. En résumé, il est profondément regrettable de transformer une idée constructive en une mesure purement comptable. Je le répète, nous ne sommes pas opposés à un tel système, mais aussi longtemps que les garanties nécessaires n'auront pas été apportées, il convient de supprimer cet article. C'est l'objet de l'amendement 2068.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - La commission a rejeté l'amendement, car les amendements qu'elle a elle-même adoptés apportent toutes les garanties utiles.

M. le Ministre - Même avis.

M. Claude Evin - Les amendements de suppression sont parfaitement justifiés. Point n'est besoin de cet article pour créer le dossier médical personnel, puisque le code de la santé le permet déjà. La seule disposition qu'il ne permet pas, c'est la modulation du remboursement des soins, selon que le patient autorise son médecin à accéder à ses données de santé et à les compléter. Je le répète, le groupe socialiste ne formule aucune réserve sur le bien-fondé du dossier médical personnel...

M. le Président de la commission spéciale - Il s'aligne sur Kouchner !

M. Claude Evin - ...mais il s'interroge sur la manière dont le dispositif prévu peut s'articuler avec la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Nos interventions de ce matin l'ont montré, la protection des données personnelles nous inquiète. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de confondre les dispositions de l'article 2 et celles de l'article 12, comme certains, parlementaires de la majorité ou journalistes, le font à tort. En effet, l'article 12 prévoit que les médecins pourront accéder aux informations dont l'assurance-maladie dispose sur les soins dont ont bénéficié leurs patients au cours de la période récente. Il convient de préciser que l'utilisation, à cette fin, de la carte Vitale du malade d'une part, de la carte professionnelle du médecin d'autre part, ne donnera pas accès aux données médicales, mais seulement à la consommation de soins. Autrement dit, le médecin consulté saura qu'un examen de biologie médicale a été réalisé, mais rien ne sera dit des conclusions de l'analyse. Cela, au contraire, résultera de l'article 2. Il convient donc de préciser, dans cet article, les règles tendant à la protection des données médicales personnelles. D'autre part, le dossier médical personnel trouvera ses limites dans le fait qu'un médecin ne pourra pas le compléter si le patient s'y oppose. Autant dire que cet article nouveau, inutile, est aussi suspect d'inconstitutionnalité puisque vous conditionnez le remboursement des soins à l'acceptation, par le patient, du renoncement à la protection de son intimité.

Les amendements 2068 à 2079, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 2080 à 2091 sont identiques.

M. Jean-Claude Sandrier - Nous ne sommes toujours pas rassurés, d'autant que la création du dossier médical personnel entraînera de nouvelles contraintes pour le patient, et, plus grave encore, des risques liés à l'utilisation ultérieure potentielle des informations dont il aura accepté qu'elles complètent ses données médicales. Les conflits d'intérêt ne manqueront pas. Ainsi, un malade peut décider d'autoriser le médecin à mentionner sur son dossier qu'il est diabétique, car il peut supposer que la continuité des soins en sera améliorée. Mais qui peut affirmer qu'un jour ou l'autre, cette information confidentielle ne sera pas portée à la connaissance d'un médecin du travail ou d'une compagnie d'assurance ? De plus, un patient n'est pas toujours apte à définir ce qu'il convient de transmettre à un autre professionnel de santé et ce qui peut être éludé. Mais les conflits d'intérêt ne s'arrêteront pas là : il peut s'en déclarer entre patient et médecin, si ce dernier considère que sa responsabilité professionnelle peut être mise en jeu parce qu'un malade aura refusé l'inscription d'une information qu'il estime essentielle dans son dossier médical. On s'achemine donc vers la judiciarisation encore croissante des relations entre médecins et patients. En attendant que toutes ces ambiguïtés soient levées le I de l'article doit être supprimé. C'est l'objet des amendements 2080 à 2091.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces amendements. Je rappelle que le dossier médical personnel est créé dans l'intérêt du patient.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Marie Le Guen - Des précisions sont nécessaires sur les sanctions envisagées : s'agira-t-il d'une absence totale de prise en charge par l'assurance-maladie ? On voit bien qu'à l'impératif de santé publique se heurte le principe constitutionnel des défenses des libertés individuelles, les deux seules notions qui doivent être prises en compte en cette matière. Mais le Gouvernement en ajoute une troisième : la maximisation de l'efficacité de la dépense publique, alors que seule devrait être prise en compte l'exigence sanitaire.

M. le Ministre - Monsieur Le Guen, vous n'arriverez pas à me faire dire des choses que je ne pense pas ! Le dossier médical personnel sera obligatoire ; la loi du 4 mars 2002 sera respectée...

M. Jean-Marie Le Guen - Nous y reviendrons.

M. le Ministre - ...mais je n'ai aucune envie de rembourser en totalité...

M. Jean-Marie Le Guen - Précisez votre pensée !

M. le Ministre - C'est trop tôt : j'aurai le temps, au cours des prochains jours et des prochaines nuits, de préciser ce qui doit l'être. Je le répète : les patients pourront s'opposer à l'inscription de toutes les informations qu'ils souhaitent dans leur dossier médical personnel, mais comme ce dossier est obligatoire, il est évident que le remboursement des soins sera moindre pour les malades qui ne se plient pas à la nouvelle règle.

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement ! Nous ne sommes là ni pour jouer au chat et à la souris, ni pour perdre du temps...

M. Richard Mallié - Quel culot !

M. Jean-Marie Le Guen - Le ministre vient de dire qu'il allait nous fournir des informations dont nous ne disposions pas encore. Le mieux ne serait-il pas qu'il nous les donne de suite, de façon que nous puissions avancer ? Nous ne sommes pas là pour jouer la montre Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Claude Evin - Les droits conférés aux malades par la loi du 4 mars 2002 seront respectés, nous dit-on. Mais si le malade demande que ces droits fondamentaux soient respectés, il sera moins bien remboursé que s'il y avait renoncé ! Cette disposition soulève à l'évidence un problème de constitutionnalité. Comment dans ces conditions en effet la protection de la santé, garantie à tous d'après le préambule de la Constitution de 1946, lequel fait désormais partie du bloc de constitutionnalité, pourrait-elle être assurée, puisque le niveau de remboursement dépendrait de l'autorisation donnée ou non par le malade au professionnel de santé d'accéder à son dossier et de le compléter ? C'est le Conseil constitutionnel qui, le moment venu, tranchera.

Les amendements 2080 à 2091, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - Preuve que nous ne cherchons pas à jouer la montre, nous retirons l'amendement 8163 qui est en partie satisfait par un amendement adopté ce matin.

L'amendement 8163 est retiré.

M. Jean-Luc Préel - Pour nous, le dossier médical personnel a pour but premier d'améliorer la qualité des soins, et nous ne partageons pas les réserves formulées tout à l'heure par Claude Evin. La création de ce dossier médical personnel n'a rien d'inconstitutionnel.

Notre amendement 7479 dit que ce dossier est constitué auprès d'hébergeurs, et non d'un hébergeur, comme il est actuellement indiqué dans le texte, et précise que ces hébergeurs sont indépendants de tous organismes d'assurance, de base ou complémentaire.

M. le Rapporteur - La commission a adopté, à mon initiative, un amendement répondant à ces préoccupations. Aussi je vous propose de retirer cet amendement et de cosigner celui de la commission.

L'amendement 7479 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 8276 est purement rédactionnel.

L'amendement 8276, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 8097 à 8111 sont identiques.

M. Gérard Bapt - Le DMP ne doit être ni un gadget ni un instrument de régulation financière, mais un outil d'optimisation de la qualité des soins. Tel est le sens de ces amendements. La mise en place du DMP devrait être replacée dans le contexte plus large de la réorganisation de l'offre de soins. Sur ce point, le projet de loi est, hélas, bien faible. Sans un développement des réseaux de soins et un décloisonnement entre médecine libérale et médecine hospitalière par exemple, le DMP risque de ne pas donner davantage de résultats que les expérimentations déjà tentées en ce domaine.

M. Alain Claeys - L'originalité cette fois-ci, nous dit le ministre, est que le dossier médical personnel sera obligatoire. Nous avons essayé depuis ce matin de vous démontrer que pour diverses raisons juridiques et économiques, ce projet aboutira à une impasse. Le DMP, loin d'être un préalable à la réorganisation de l'offre de soins devrait être son aboutissement. Il ne pourra être efficace que s'il existe en effet des réseaux de soins et des liens plus étroits entre médecine de ville et hôpital.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Pour que le DMP concoure efficacement à l'amélioration de la qualité des soins, il faudrait qu'existe un langage commun entre les divers professionnels de santé appelés à l'utiliser. Et c'est en m'appuyant sur diverses expériences locales menées dans ma région que je le dis. L'URCAM de Franche-Comté a lancé une expérience semblable dans le domaine de la gérontologie. Celle-ci a montré d'une part qu'il fallait du temps pour élaborer ce langage commun, d'autre part que, faute d'un tel langage commun, le contenu du dossier n'était qu'a minima.

Ne croyez pas que l'on puisse imposer le dossier médical partagé d'en haut, selon une logique nationale. C'est à la base qu'il faut le construire, et ce ne peut être que dans les réseaux de soins. Sinon, nous n'aurons qu'un outil technique qui n'améliorera pas la qualité.

Mme Catherine Génisson - Pour changer les comportements des assurés comme des professionnels, il faut faire œuvre pédagogique. La coordination et la continuité des soins seront la garantie d'une bonne prise en charge. L'organisation de l'offre de soins est donc un préalable à l'introduction du dossier médical personnel. Mais comme l'a dit Mme Guinchard-Kunstler, cela nécessitera un langage commun. Le dossier ne peut être réservé aux professionnels. Il appartient au malade, celui-ci doit pouvoir le lire. Pour le mettre en place dans de bonnes conditions, agissons progressivement, en commençant par des sujets simples comme les maladies chroniques.

M. Alain Vidalies - Je reviens sur la question du statut de l'hébergeur. Pour la mise en place des réseaux ville-hôpital, la loi de 2002 prévoyait des hébergeurs agréés, mais le décret n'est jamais paru. Vous instaurez un système unique qui présente des risques. Il y aura appel d'offres : dans le respect du droit de la concurrence, comment éviterez-vous qu'une entreprise étrangère ne l'emporte ? Je ne crois pas que les Français aimeraient que l'ensemble de leurs données de santé soient stockées à l'étranger. Ensuite, quel que soit le cahier des charges, comment éviterez-vous les changements d'actionnaires, les délocalisations ? Que se passera-t-il en cas de rachat ou de dépôt de bilan ? C'est pour toutes ces raisons que nous souhaitions un hébergeur public. Imaginerait-on de confier le fichier de la direction nationale des impôts à des sociétés privées ? Une prudence plus grande encore s'impose pour les données de santé, dès lors que vous passez à un système centralisé.

M. le Rapporteur - La commission a considéré que les amendements identiques 8097 à 8111 étaient satisfaits par le premier alinéa de l'article 161-45 du code. Ne joue-t-on pas un peu à perdre son temps ? C'est aussi ce que semble croire un ancien ministre de la santé qui s'exprime dans un journal du soir daté de demain...

M. Gérard Bapt - C'est qu'il veut partir à l'ONU !

M. le Ministre - Nous ne voulons pas tout codifier, mais mettre dans le dossier ce qui correspond à la pratique quotidienne des médecins, en nous inspirant de ce qui existe dans les réseaux ville-hôpital. Avis défavorable.

M. Jean-Marie Le Guen - Vous voulez agir sur les comportements pour faire évoluer le système de soins. Pour nous, c'est sur les structures qu'il faut agir : cabinets de groupes, réseaux, ARH, décloisonnement des relations ville-hôpital. Le dossier médical personnel est un outil pour accompagner cette restructuration. Vous croyez pouvoir l'imposer de manière technocratique. Vous n'y réussirez pas, pas plus qu'il `a été possible d'imposer une contrainte financière pour réussir la maîtrise comptable des dépenses. Son succès ne peut reposer que sur la confiance. Cela suppose le respect du droit des malades. Mais pour être remboursés à plein tarif, devront-ils renoncer à exercer ces droits ? A la contrainte, nous préférons la confiance. Nous aurions pu vous suivre si vous aviez imposé le dossier médical personnel d'abord pour les affections de longue durée, puisque l'on passe alors au remboursement à 10 %. La contractualisation est bien préférable à l'obligation.

Les amendements 8097 à 8111, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - Le dossier médical a été présenté comme un outil de régulation de l'assurance maladie, opposable aussi bien aux médecins qu'aux assurés. Certes nous avons noté une évolution du discours, puisque vous avez dit ce matin que ce serait d'abord un outil de santé ; encore faudrait-il que ce message soit envoyé à l'opinion. Mais au regard de l'article 13, le DMP a-t-il vocation à être un outil de contrôle de la conformité des prescriptions avec les références médicales opposables et les contrats de bonne pratique ? Il contiendrait alors une sorte de logiciel de liquidation de l'assurance maladie...Au regard des articles 15 et suivants, sera-t-il utilisé pour ne plus rembourser le malade auquel des prescriptions auraient été faites à mauvais escient ? Des réponses positives à ces questions seraient de nature à faire rejeter le DMP par nos concitoyens. C'est pourquoi notre amendement 8176 vise à bien préciser que le DMP est destiné à améliorer la qualité des soins, non à assurer la régulation financière de la sécurité sociale.

L'amendement 8176, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - J'ai posé des questions auxquelles ni le rapporteur ni le ministre ne répondent !

M. Jean-Claude Sandrier - Nos amendements 2092 à 2103 tendent à supprimer l'alinéa instituant le DMP car celui-ci mettra les gens dans la situation très difficile de devoir choisir si telle ou telle donnée doit y être mentionnée, avec le risque qu'elle soit utilisée ultérieurement d'une façon qu'ils ne souhaitaient pas : je pense aux risques de discrimination à l'embauche ou à la souscription d'un contrat d'assurances (Protestations sur les bancs du groupe UMP). A cela s'ajoute le risque de conflit entre le patient et le médecin sur l'inscription au dossier.

D'autres dérives sont à craindre : acteurs et gestionnaires du système de santé, assureurs, employeurs peuvent être intéressés par la constitution, à travers les DMP, d'une banque de données portant sur toute la population. Tous les dispositifs de sécurité envisagés ont des limites, et les risques deviennent très grands avec un système informatisé d'une telle puissance.

On pourrait imaginer que l'accès à tout ou partie du dossier ne soit autorisé, hormis le cas particulier de l'urgence, que sous condition d'utilisation simultanée de la carte Vitale du patient et de la carte professionnelle du médecin. Un partage serait opéré entre les informations, accessibles ou non selon le contexte. Toute communication à des tiers d'une information extraite du dossier ne pourrait se faire qu'avec l'accord du patient ; toute exploitation statistique des données serait subordonnée à des règles d'anonymat.

Bref, nous voulons que le respect de la personne l'emporte sur la technologie.

M. le Rapporteur - Rejet. Nous avons déjà évoqué la question des garanties, lesquelles sont apportées par les amendements de la commission.

Les amendements 2092 à 2103, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Je laisse M. Sandrier présenter les amendements 2104 à 2115, qui sont très proches de l'amendement 27 de la commission.

M. Jean-Claude Sandrier - Ils ont pour objet de bien marquer l'objectif du DMP, en précisant que la coordination, la qualité et la continuité des soins sont « gages d'un haut niveau de santé ».

M. le Rapporteur - Je vous suggère de les retirer au profit de l'amendement 27, qui est cosigné par Mme Fraysse et M. Gremetz.

Les amendements 2104 à 2115 sont retirés.

L'amendement 27, mis aux voix, est adopté.

Mme Catherine Génisson - Partant du constat que les réseaux constituent un cadre efficace d'utilisation du DMP, nous proposons par notre amendement 8178 d'y faire référence.

M. le Rapporteur - Rejet, le DMP ayant vocation à être généralisé.

L'amendement 8178, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - Les amendements 592 à 603 visent à insérer, après les mots « continuité des soins » - et ceux qui ont été ajoutés par un précédent amendement -, les mots : « comme leur prise en charge par l'assurance maladie ». Il s'agit encore une fois d'écarter le risque de pénalisation, au cas où le patient ne présenterait pas son dossier, et donc de garantir le remboursement des soins à tout malade qui juge bon de consulter un médecin.

M. le Rapporteur - Rejet : la seule raison d'être du dossier médical personnel est d'améliorer la qualité des soins. En adoptant ces amendements, on risquerait de laisser une part à des considérations économiques tout à fait étrangères à cet objet.

M. le Ministre - Même position.

M. Gérard Bapt - La proposition du groupe communiste satisfait une de nos préoccupations qui était d'ailleurs partagée par le professeur Fieschi : il faut impérativement obtenir la participation de tous les acteurs pour assurer le succès de ce dossier. Or les médecins refuseront certainement leur concours s'ils voient dans ce dispositif un moyen de contrôler le nombre de leurs actes.

Selon un grand quotidien du soir, Monsieur le ministre, vous avez affirmé lors de votre visite de la clinique Pasteur, à Toulouse, que le DMP serait un moyen de changer les comportements, non seulement des usagers, mais aussi des professionnels de santé, grâce aux référentiels de bonnes pratiques qui y seraient associés. Vous avez même évoqué à ce propos la possibilité de sanctions en même temps que la nécessité de réduire le nombre des accidents iatrogènes. N'était-ce pas laisser entendre que ce dossier pourrait être un instrument de contrôle ? Nous aimerions savoir si vous assumez toujours le propos et cet amendement vous donne l'occasion de lever toute ambiguïté à cet égard.

M. Alain Vidalies - Je rappelle que nous attendons toujours une réponse à notre suggestion de nous en remettre à un hébergeur public. Je ferai à ce propos une citation : « Il n'en demeure pas moins que tout système informatisé de transmission de l'information comporte le risque d'être déjoué ». Nous ne saurions dire mieux ! Or ce constat se trouve dans un recours au Conseil constitutionnel que vous avez signé en 1999 ! Et le texte en cause était celui qui visait à généraliser la carte Vitale, texte bien moins ambitieux que le présent projet...

Vous avez donc vous-même soulevé le problème. Nous vous proposons une solution. Admettez que cela mériterait au moins une explication en réponse !

Les amendements 592 à 603, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Claude Sandrier - Les amendements 2116 à 2127 tendent à ajouter, cette fois, « garantissant un droit indépendant des conditions d'âge, de santé et de revenu ». Cela peut sembler une évidence mais il vaut mieux l'écrire.

M. le Rapporteur - Nous en avons déjà largement débattu à propos de l'article premier et, de plus, la demande est déjà satisfaite par le préambule de la Constitution.

Les amendements 2116 à 2127, repoussés par le Gouvernement et mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Claude Sandrier - Par les amendements 2140 à 2151, nous souhaitons compléter ainsi le même premier alinéa : « contribuant à un accès effectif de tous les assurés sociaux aux soins quel que soit leur lieu de résidence ».

Les inégalités entre territoires ne cessent de se creuser, y compris en matière de santé, et cet ajout constituerait donc une invite à remédier notamment aux pénuries de généralistes ou de spécialistes là où elles existent. Le Gouvernement a commencé timidement, en agissant sur le numerus clausus, et les collectivités ont pris quelques initiatives pour faciliter l'installation des médecins, mais tout cela demeure bien insuffisant et il importe que l'Etat agisse, par exemple en aidant les étudiants.

M. le Rapporteur - Rejet, pour les raisons déjà exposées à l'article premier mais aussi parce que la commission présentera un amendement visant à favoriser une meilleure répartition géographique, grâce au développement des cabinets de groupe en particulier.

M. le Ministre - Même position.

M. Jean-Marie Le Guen - Il est vrai que nous avons adopté, à l'article premier, un amendement en faveur des maisons médicales mais le dispositif dont nous débattons n'a de chances de succès que si les malades ont réellement la liberté de choisir leur médecin. Comment en effet convaincre un patient de montrer son dossier à quelqu'un qu'il ne consulterait que parce qu'il serait le seul spécialiste de sa région ? Or c'est actuellement la situation pour l'ophtalmologie, par exemple dans le Calvados, le Pas-de-Calais, et la Haute-Saône. Et ce spécialiste imposé par les faits aurait automatiquement accès à l'ensemble du dossier, sous peine pour le malade de n'être pas remboursé ? L'amendement mériterait à tout le moins d'être pris en compte car l'inégalité entre territoires risque de réduire à néant la liberté de choix et le droit à la confidentialité, c'est-à-dire l'essentiel de ce sur quoi repose la relation entre médecin et patient. J'invite donc le ministre et le rapporteur à répondre plus précisément à cette excellente proposition !

M. le Président de la commission - La commission a donné un avis défavorable : le dossier personnel n'a pas vocation à régler les problèmes de pénurie et il faut impérativement éviter de complexifier à l'excès le dispositif.

Vous adoptez une approche par trop négative, Monsieur Le Guen, comme si vous avanciez à reculons dans cette affaire...

M. Gérard Bapt - Non : nous vous alertons !

M. le Président de la commission spéciale - Nous avons le souci de protéger la confidentialité. Nous n'allons certes pas aller contre la loi ! Faites-nous donc un peu plus confiance lorsque nous disons que ce dossier doit être un outil au service de la santé des Français et que, s'il doit servir la maîtrise médicalisée, ce ne sera que secondairement, comme une conséquence.

M. le Ministre - Je ne vois pas pourquoi les médecins installés dans des zones sous-médicalisées devraient être moins bien équipés alors que c'est précisément là que l'on a le plus besoin de coordination, de réseaux et des DMP.

S'agissant du caractère obligatoire de ce dossier, je rappelle que la loi sur les droits des malades dispose que les données nominatives appartiennent au patient, qui a la maîtrise totale de ces informations. Le présent projet prévoit donc simplement que chaque Français aura un DMP et qu'il sera moins bien remboursé quand il n'autorisera pas son médecin à y accéder.

La loi Kouchner est très précise sur les obligations des hébergeurs, notamment en termes de sécurité des données et de contrôle. Ils sont soumis à une commission d'agrément, après avis de la CNIL, et cet agrément peut leur être retiré à tout moment en cas de manquement à leurs obligations.

Dans un premier temps, seuls les médecins auront accès au DMP, mais on peut imaginer qu'ensuite les professions non médicalisées aient accès à une synthèse du dossier. Cela serait particulièrement utile dans le cadre des réseaux de soins d'autant que, pour certaines affections comme le diabète, ce sont davantage les infirmières que les médecins qui assurent le suivi au long cours des patients.

Enfin, je répète que l'assurance maladie n'aura pas accès au DMP, qui ne sera donc pas un outil de contrôle des RMO.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Nous pensons que le DMP doit être un outil, mais qu'il ne s'agit pas de l'élément essentiel de réorganisation des soins.

Je suis sensible à ce que vient de dire le ministre sur le rôle des infirmières dans le suivi de certaines affections. C'est bien parce qu'un certain nombre de questions se posent dans le cadre de la mise en place du DMP que nous nous en faisons ici l'écho, et non parce que nous nous complaisons dans une attitude négative. Ainsi, souhaitant comprendre comment fonctionneront les sanctions (Murmures sur les bancs du groupe UMP), j'aimerais que l'on me précise s'il y aura déremboursement quand le dossier sera incomplet ou qu'on refusera de le communiquer.

M. Jean-Marie Le Guen - En nous indiquant que l'assurance maladie n'aura pas accès au DMP, le ministre confirme qu'il ne s'agira donc pas d'un outil de limitation médicalisée des dépenses et que les RMO ne seront pas traitées par ce biais.

Il a également dit qu'il y aurait plusieurs hébergeurs et je m'en réjouis, mais peut-il préciser combien il y en aura et si des doublons sont envisagés afin de garantir la conservation des données ?

Je crois avoir été mal compris avec mon exemple : s'il n'y a qu'un ophtalmologiste dans ma région et que je me rends chez lui pour me faire faire des lunettes, serai-je obligé de lui donner accès à tout mon dossier pour être remboursé ?

Mme Claude Greff - Vous avez déjà un dossier, rien ne change...

M. Jean-Marie Le Guen - Pourquoi lui confierais-je l'ensemble de mes données sanitaires ?

Mme Claude Greff - Parce qu'il peut en avoir besoin, par exemple en cas de pression oculaire élevée. Arrêtez donc de vous masturber l'esprit !

M. Jean-Marie Le Guen - Imaginons alors que j'aille consulter pour un problème de cet ordre (Sourires) et que je ne souhaite pas que cela figure dans mon dossier, cela entraînera-t-il ipso facto un déremboursement ?

M. le Président de la commission spéciale - Dès lors qu'il y a un DMP, qui est en fait un contrat liant les assurés à l'assurance maladie, selon moi, ne pas le donner au médecin autorise un remboursement différent.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est donc le fait de ne pas donner accès au dossier au début de la consultation qui déclenche le moindre remboursement.

M. le Président de la commission spéciale C'est mon interprétation, que le ministre pourra préciser encore.

Dans le cadre du DMP, les malades bénéficieront des droits prévus par la loi de mars 2002.

En ce qui concerne le cas de l'ophtalmologiste soulevé par M. Le Guen, la loi hiérarchisera l'accès au DMP. Mais sans doute un ophtalmologiste aura-t-il besoin de savoir, par exemple, si le patient souffre d'un diabète.

Le DMP engage l'assuré vis-à-vis de l'assurance maladie, mais il est libre d'y faire ou non figurer tel ou tel renseignement.

Je suis persuadé que les patients, dans leur grande majorité, comprendront l'importance des informations fournies pour être correctement pris en charge. Il ne faut pas faire peur aux Français.

Enfin, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a rappelé combien un dossier fragmentaire est insuffisamment efficace.

Mme Catherine Génisson - Je remercie M. Bur pour sa lecture du projet, mais dans le cas de l'ophtalmologiste et du patient diabétique, le patient sait-il, lui, qu'il est particulièrement important que son diabète soit signalé ? Dans ce cas, qui conseillera le malade ? Nous avons besoin de renseignements supplémentaires quant à l'utilisation du dossier.

M. Hervé Mariton - C'est impossible de vouloir tout inscrire dans la loi aujourd'hui. Nous devrons être en effet particulièrement vigilants lors de l'application du texte.

Je pense que M. Bur a raison : dans la grande majorité des cas, les patients pourront inscrire le plus grand nombre possible d'informations, et dans un nombre limité de cas, ces dernières pourront être réduites. Il y a un principe général, des exceptions seront possibles.

Je m'interroge en revanche sur l'attitude de l'opposition : je n'ai pas le sentiment qu'elle veuille vraiment faire évoluer notre système.

M. Jean-Marie Le Guen - Je donne acte à M. le président de la commission de ses propos, mais il faut inscrire dans la loi les cas de figure possibles.

Le plein remboursement présuppose donc l'accès du médecin au DMP et, en même temps, la liberté d'inscrire ou non des informations dans le DMP - je renvoie à la loi du 4 mars - s'exerce après l'ouverture du droit à remboursement. C'est donc une précision essentielle.

M. Jean-Luc Préel - Cela se comprenait fort bien.

M. Jean-Marie Le Guen - Au contraire : ce n'était pas du tout évident.

M. Bur a évoqué une hiérarchisation de l'accès aux informations et il a précisé que la commission et le Gouvernement feraient des propositions en ce sens. Mais il était temps de le dire clairement ! Vous ne devez pas nous reprocher de demander des précisions !

Comme la confiance du malade repose sur le secret médical, vous devez d'abord sécuriser les informations du DMP avant de demander aux patients d'être confiants.

Les amendements 2140 à 2151, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 2128 à 2139 sont identiques.

M. Jean-Claude Sandrier - Nos amendements visent à s'assurer que tous les malades auront accès aux soins. En effet, il ne s'agit pas de subordonner cet accès ainsi que le remboursement des soins à quoi que ce soit - sauf, bien entendu, au paiement des cotisations sociales.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

Je reviens un instant sur la discussion que nous venons d'avoir. La loi prévoit déjà une hiérarchisation de l'accès aux différentes catégories d'informations. Elle renvoie sur ce point à un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL. Nous continuerons à réfléchir à l'application de ce principe.

Des professionnels de santé, et en particulier des psychiatres, ont d'ores et déjà saisi mon ministère sur des questions éthiques importantes, notamment concernant la confidentialité des informations. Le Gouvernement fera droit à un amendement de la commission visant à associer le conseil de l'ordre national des médecins au décret qui sera pris pour l'application de l'article 2.

De même, le Gouvernement ne s'interdira pas d'avoir recours à l'avis du conseil national d'éthique pour les questions les plus sensibles.

M. Hervé Mariton - Très bien !

Mme Martine Billard - Ce sont en effet des précisions intéressantes, mais il convient également que les associations de malades et d'usagers soient représentées.

Que mes collègues qui sont d'avis que le plus grand nombre possible d'informations soit accessible prennent garde : le DMP ne doit pas briser la relation de confiance entre le médecin et le patient, au risque que cette relation devienne purement mécanique, le médecin se transformant en simple donneur de soins.

M. Richard Mallié - Au contraire de Mme Génisson, Mme Billard ne sait pas ce dont elle parle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine Billard - Evidemment, je ne suis pas médecin...

M. Richard Mallié - Mme Génisson elle-même a expliqué que les patients ne savent pas de quelles informations les médecins ont besoin. Ainsi, un ophtalmologiste doit savoir si un patient est diabétique ! Le ministre ayant indiqué que la CNIL serait associée à la rédaction des décrets en tant que de besoin, que l'on avance !

Les amendements 2128 à 2139, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - M. Sandrier m'a fait savoir qu'il considère avoir défendu les amendements identiques 2152 à 2163.

Les amendements 2152 à 2163, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Catherine Génisson - La création du dossier médical personnel ne doit pas remettre en cause le secret médical, qui fonde le colloque singulier entre médecin et malade. Tel est l'objet de l'amendement 8184.

M. le Rapporteur - Considérant que l'amendement était satisfait la commission l'a rejeté. Pour ma part, j'estime que cette précision peut avoir sa place dans le texte. Aussi, serais-je le ministre que j'en appellerais sans doute à la sagesse de l'Assemblée... (Sourires)

M. le Ministre - Sagesse (Sourires).

M. Hervé Mariton - Le secret médical étant un principe absolu, j'ai tendance à penser qu'en faire mention paragraphe après paragraphe l'affaiblirait plutôt. Il n'empêche que l'on ne peut dissocier la création du dossier médical personnel du respect absolu du secret médical, donc de la sanction de toute violation. J'ajoute qu'une réflexion me paraît nécessaire tant sur le renforcement éventuel des sanctions encourues en ce cas que sur les moyens nécessaires pour constater les violations.

L'amendement 8184 mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 8154 tend à préciser que le dossier médical personnel est la propriété du patient.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement au bénéfice d'amendements à venir, qui renforcent les garanties apportées aux patients.

L'amendement 8154, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 28 est rédactionnel.

L'amendement 28, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Bapt - Par l'amendement 8187, nous proposons d'associer les usagers du système de santé à la définition du contenu du dossier médical. Ce sera un gage de réussite.

L'amendement 8187, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - La création du dossier médical personnel a pour finalité l'amélioration de la qualité des soins. Il convient donc d'y inclure un volet « prévention ». Tel est le sens de l'amendement 7800 rectifié.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Jean-Luc Préel - Comme chacun le sait, j'ai toujours plaidé en faveur de la prévention. Pourtant, j'ai beaucoup de mal à comprendre la portée exacte de cet amendement. S'agit-il de dire à un malade qui souffre d'hypertension qu'il doit moins boire et moins fumer ?

M. le Ministre - Je pense, en premier lieu, aux vaccinations...

M. Jean-Luc Préel - Mais elles seront portées de toute manière dans le dossier médical !

M. le Ministre - Non. Et il y a cent autres exemples. J'invite donc tous ceux qui se préoccupent de prévention à voter l'amendement.

Mme Catherine Génisson - Je suis aussi étonnée que mon collègue Préel par le flou de l'amendement. On peut vouloir faire de la littérature, mais ce qui est fâcheux ici, c'est que l`article 2 prévoit des sanctions à l'encontre des patients qui n'autorisent pas les professionnels de santé à compléter leur dossier. Comment ce dispositif va-t-il s'articuler avec le volet « prévention » que le Gouvernement souhaite maintenant inclure dans son système ? Qui va faire cette prévention ? Selon quelles modalités ? Comment l'acte médical sera-t-il reconnu ? Quel impact tout cela aura-t-il sur le remboursement des soins ?

M. le Ministre - J'ai donné comme exemple à M. Préel celui des vaccinations. Je vais en prendre un autre : le dépistage du cancer du sein. Grâce au DMP informatisé, toute femme atteignant l'âge de 50 ans se verra systématiquement rappeler par un message d'alerte qu'elle a la possibilité de faire une mammographie.

Que vous souhaitiez que l'on aille plus loin ou que certaines modalités soient précisées, je peux le comprendre. Mais je m'étonne vraiment que l'on ne parvienne pas à se mettre d'accord pour que le DMP comporte un volet prévention.

Mme Martine Billard - Après vos réponses, tout devient encore plus flou ! Actuellement, ce sont les caisses d'assurance maladie qui convoquent les femmes de plus de 50 ans pour une mammographie de dépistage. Est-ce à dire que cela va changer. Qui gérera quoi à l'avenir ? Il faut le savoir.

Pour le reste, vous avez dit que le patient pourrait consulter son DMP par internet. Mais les personnes âgées et bien d'autres à qui internet n'est pas familier ne le feront pas. Tout un pan de la population va être laissé à l'écart. Il faudrait au moins prévoir que les messages d'alerte font aussi l'objet d'une impression papier.

Mme Catherine Génisson - Bien sûr que nous sommes favorables à la prévention et d'accord pour que nos concitoyens soient mieux sensibilisés à son intérêt ! Mais votre proposition soulève des problèmes. Imaginons une patiente de 50 ans ayant reçu sur son DMP un message d'alerte l'invitant à faire une mammographie que, pour diverses raisons, elle ne fait pas - manque d'information, éloignement du centre de dépistage de son domicile... -, et qui développe quelques mois plus tard un cancer du sein, sera-t-elle moins bien remboursée pour le traitement de celui-ci, faute d'avoir suivi la consigne de son DMP ? (« Bien sûr que non ! » sur les bancs du groupe UMP) Ce n'est pas évident puisque le texte dispose que si le patient ne s'est pas soumis à toutes les obligations de son DMP, il sera moins bien remboursé.

M. Claude Evin - Le rapporteur reproche à l'opposition de déposer des amendements prétendument inutiles. Eh bien, voilà un amendement du Gouvernement parfaitement inutile, puisque ce qu'il propose figure déjà dans le texte !

M. le Ministre - Alors votez-le !

M. Claude Evin - Le Gouvernement aurait pu s'en abstenir. Cela nous aurait fait gagner du temps.

M. le Ministre - La prévention, ce n'est jamais inutile !

M. Claude Evin - Pour ce qui est des éventuelles sanctions, question tout à fait importante soulevée par Mme Génisson, nous aurons l'occasion d'y revenir.

L'amendement 7800 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - Ce n'est pas le DMP en lui-même qui permettra une meilleure coordination des soins. Il doit s'inscrire dans un ensemble plus large de pratiques. C'est ce que nous rappelons dans notre amendement 7615. Celui-ci précise que le DMP est conçu « avec l'objectif de s'intégrer dans une logique de mise en réseau des outils de santé publique. » 

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Restons-en à une vision simple. Ce dossier médical est personnel, c'est-à-dire que les données qu'il comporte ont été recueillies à l'échelon individuel. Nous ne souhaitons pas qu'elles puissent servir à une étude plus large. Ce serait détourner le DMP de sa vocation initiale, sans compter qu'il faudrait demander à chaque fois au patient s'il est d'accord pour que les données de son dossier puissent servir à une étude de population. Cela accroîtrait inévitablement les craintes quant au respect du secret médical. Je m'étonne, Madame Billard, que vous, qui voyez toujours Big Brother partout, ayez déposé cet amendement !

M. le Ministre - Même avis.

Mme Martine Billard - Il y a un malentendu sur le mot « intégrer ». Je voulais seulement dire que le DMP fait partie d'une panoplie plus large d'outils de mise en réseau et de coordination.

L'amendement 7615, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - On se demande bien par quelle opération du Saint-Esprit les soixante millions de nos concitoyens se trouveraient dotés au 1er juillet 2007 d'un dossier médical personnel sinon complet, du moins un minimum opérationnel...

M. Claude Evin - Le Saint-Esprit assurément n'y suffira pas ! (Sourires)

M. Jean-Marie Le Guen - C'est totalement irréaliste. Encore une fois, le Gouvernement cherche d'abord un effet d'affichage sans se préoccuper concrètement de la montée en charge du DMP.

C'est pourquoi nous proposons les amendements 8156, 8157 et 8158 qui demandent, le premier que tous les enfants nés après le 1er janvier 2006 soient dotés d'un DMP, le deuxième que tous les patients atteints d'une ALD le soient, le troisième enfin que chaque assuré se voit avant le 1er juillet 2007 proposer une consultation afin de reporter dans son DMP les informations le concernant.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements. Ce qui compte est que le dossier le plus simple possible soit généralisé le plus vite possible. Il sera ensuite complété au fil des consultations.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean Dionis du Séjour - Reste la vraie question de la généralisation du dossier. La CNIL, dans ses différents avis, recommande une expérimentation. Aura-t-elle lieu par régions ? Le rapporteur a proposé une stratégie, en disant qu'on partira des données les plus simples et qu'on étoffera le dossier à mesure. Qu'en sera-t-il ? La réussite en dépend.

Mme Martine Billard - Très bonne question !

Mme Catherine Génisson - En effet, et elle sous-tend nos amendements. Demander que chaque enfant qui naîtra après le 1er janvier 2006 soit pourvu d'un dossier, dans le prolongement du carnet de santé, c'est une mesure positive, qui permettra aussi de voir quelles sont les difficultés qui se présentent. De même, demander que tous les Français aient une consultation pour faire un bilan des données de santé avant le 1er juillet 2007 facilitera la mise en œuvre du dossier à cette date.

M. le Rapporteur - Cela fait 60 millions de consultations !

M. Jean-Marie Le Guen - Et comment mettrez-vous en œuvre le dossier médical, sinon ?

M. le Rapporteur - Progressivement.

M. le Ministre - Sur la mise en place du dossier médical personnel, il y a deux écoles. Certains, comme le directeur de l'ANAES, pensent qu'il faut déjà y inscrire les données connues et compléter le dossier progressivement. D'autres sont favorables à une expérimentation dans cinq régions. Cette dernière solution a l'avantage de procéder de façon exhaustive, mais constitue un nouveau retard. Je considère que l'on peut, de front, mener cette expérimentation régionale et, lorsqu'on disposera du logiciel adéquat, dire que toutes les primoconsultations doivent faire l'objet d'un dossier médical. C'est ambitieux, mais c'est la seule solution pour être dans les temps.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous apprenons qu'il existe donc deux stratégies - alors que nous travaillons sur un article dont le contenu est différent. Donc à partir d'une date non déterminée, toutes les consultations donneraient lieu à constitution d'un dossier pour que le système soit opérationnel au 1er juillet 2007. Vous pensez donc que nous allons ainsi équiper tous les professionnels, sans parler des établissements, alors qu'ailleurs il a fallu sept à dix ans ? L'informatisation soit. Mais nous n'en savons guère plus sur les conditions juridiques, le calendrier, la menace de déremboursement. Comprenez que nous restions inquiets.

M. le Ministre - Il faut arrêter ! Vous avez vraiment un problème avec le dossier médical. Vous n'avez pas eu cette idée, nous l'avons eue. Vous voulez qu'on réponde à tout dans la loi, ce n'est pas nécessaire. Si on en a la volonté, on peut arriver au 1er janvier 2007 à faire un dossier médical personnel pour toutes primoconsultations. Vous n'y croyez pas ? Rendez-vous au 1er janvier 2007.

Je crois au dossier médical partagé et tous les médecins y croient.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Non !

M. le Ministre - Dans leur quasi-totalité, ils soutiennent ce projet.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est inexact !

M. le Ministre - Cela vous ennuie, mais vous êtes isolés (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen - C'est pourtant vous qui venez de subir une défaite électorale cuisante !

M. le Ministre - La plupart des syndicats médicaux sont pour. Cela permet de mieux coordonner les soins et de mieux lutter contre les maladies iatrogènes. Un ancien ministre de la santé de M. Jospin nous dit ce soir dans Le Monde que nous avons raison. Vous n'y croyez pas. Nous y croyons, nous le ferons.

Mme Martine Billard - L'opposition vous répète depuis ce matin qu'elle est d'accord pour la mise en œuvre du dossier médical personnel...

M. le Rapporteur - On ne s'en rend pas compte !

Mme Martine Billard - Mais qu'elle veut que la sécurité soit assurée et des principes de base respectés.

M. le Président de la commission spéciale - Nous aussi !

Mme Martine Billard - Aussi, plutôt que de mettre dans la loi que, au 1er juillet 2007, les remboursements des actes dépendront de la mise en place du dossier médical personnel, mieux vaudrait y mettre que la date sera fixée par décret. Souvenez-vous ! Quand on a informatisé la CNAM de Paris, il y a eu jusqu'à dix-huit mois de retard dans les remboursements ! Mieux vaut se donner les moyens de repousser la mise en place si l'informatique n'est pas prête. Dans ce domaine, la précipitation ne sert à rien. Soyons prudents sur les délais.

M. le Président de la commission - Sachons relever les défis !

Mme Martine Billard - La bonne piste, c'est l'expérimentation. Il y a des problèmes de transcription de données et, selon les solutions adoptées, le temps nécessaire sera très différent.

L'amendement 8156, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que les amendements 8157 et 8158.

M. Gérard Bapt - Je sens qu'on va nous dire sous peu que nous faisons de l'obstruction (« Mais non ! » sur les bancs du groupe UMP) et que nous sommes contre le dossier médical personnel. Pas du tout. Les amendements que nous venons de proposer étaient constructifs.

M. le Président de la commission - Comme celui que vous allez défendre, bien sûr !

M. Gérard Bapt - Tout à fait. Votre remarque m'étonne, et me déçoit même (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Nous sommes persuadés qu'il faut favoriser la généralisation du dossier médical personnel. Notre amendement 8171 prévoit qu'il est créé en lien avec le médecin traitant.

C'est une proposition constructive, et je ne vois pas en quoi elle pourrait vous choquer puisqu'en commentant ce projet, vous avez particulièrement insisté sur le rôle du médecin traitant.

M. le Rapporteur - Rejet, cet amendement étant tout à fait inutile. A l'évidence, le médecin traitant sera l'acteur principal du dossier, mais les données seront partagées entre lui et les autres professionnels de santé éventuellement concernés.

M. le Ministre - Même avis.

M. Alain Claeys - Monsieur le ministre, si depuis ce matin nous discutons du DMP, c'est que nous le considérons comme un outil essentiel de notre politique de santé. Mais en tant que représentants de l'opposition comme en tant que membres de la commission spéciale, nous n'aurions pas fait aujourd'hui notre travail si nous n'avions pas exposé, à travers nos amendements, les difficultés majeures que pose, en l'état, votre projet.

Il y a, d'abord, le problème de la compatibilité du DMP avec la loi sur les droits des malades.

M. le Rapporteur - Et c'est reparti !

M. Alain Claeys - En disant cela, nous ne faisons pas de l'obstruction : il nous faut trouver des solutions.

De même, nous ne faisons pas de l'obstruction en évoquant les problèmes juridiques et techniques qui se posent pour que ce dossier soit opérationnel au 1er janvier 2007.

Malheureusement, nous n'avons pas de réponses à nos questions. Vous nous dites, Monsieur le ministre, que la loi ne peut pas tout régler, mais je ne voudrais pas que demain, le juge tranche à notre place... (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Alain Vidalies - Cet amendement mérite mieux que le mépris. Quand on lit l'ensemble du projet, on ne sait pas par qui est créé le DMP. La précision que nous proposons d'apporter éviterait les contentieux.

M. le Rapporteur - « Il faut franchement avoir du temps à perdre pour s'attaquer à cette réforme », déclare Bernard Kouchner dans Le Monde de ce soir !

L'amendement 8171, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Je défends l'amendement 8396 de M. Decool, qui précise : « En aucun cas le dossier médical personnel ne pourra être consultable par des employeurs, organismes de protection sociale complémentaire et assureurs ».

M. le Rapporteur - Rejeté parce que satisfait.

M. le Ministre - Monsieur Préel, vous avez raison de vouloir préserver la confidentialité des données et éviter d'exposer les assurés à des pressions. C'est tout le sens de l'amendement 33 de la commission, auquel il me paraît préférable de se tenir. Les décrets en Conseil d'Etat pris pour l'application des articles L. 1110-4 et L. 1111-8 du code de la santé publique, tous deux issus de la loi sur les droits des malades, viendront préciser les dispositifs propres à garantir la confidentialité des données personnelles de santé transmises ou conservées sous forme électronique. La question de la traçabilité des accès sera réglée à cette occasion.

L'amendement 8396, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Je demande une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 55, est reprise à 18 heures.

Mme Martine Billard - L'amendement 7552 rectifié va dans le même sens que celui de M. Bapt tout à l'heure : il vise à associer, au même titre que les professionnels de santé, les associations de malades et d'usagers à l'élaboration, à la mise en place et au suivi du dossier médical personnel.

Monsieur le ministre, vous ne cessez de répéter que ce dossier appartient au patient mais, à l'égard de celui-ci, vous n'avez que méfiance. Vous avez accepté d'associer l'ordre des médecins à la conception de ce nouvel outil mais vous regardez les malades et les usagers comme des mineurs irresponsables dont il s'agirait de faire le bonheur, éventuellement malgré eux ! Or ce sont, je pense, des adultes, capables de réfléchir et de proposer... Cette politique des deux poids, deux mesures est d'autant plus inadmissible que leurs associations n'ont été que très peu associées à l'élaboration de la réforme, comme si vous pouviez espérer améliorer l'organisation de notre système de santé sans consulter les premiers intéressés !

M. le Rapporteur - Encore une commission et, de plus, spéciale, comme celle qu'a créée l'Assemblée pour examiner ce projet ! Mais que serait une commission spéciale en l'occurrence ? J'avoue que je ne vois pas... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard - Répondez sur le fond !

M. le Rapporteur - En tout état de cause, cette disposition relève au mieux du décret. Les usagers doivent certes être associés à la négociation mais, comme nous n'avons cessé de le redire en commission - spéciale -, ils disposeront d'un collège spécifique au sein des conférences nationales et régionales de la santé, ce qui leur permettra de donner leur avis sur le sujet comme sur toutes les matières de santé publique. Ils y trouveront certainement plus d'avantages qu'à votre proposition.

M. le Ministre - Le projet offre toutes garanties pour la protection des droits des patients, respect du secret médical comme recueil du consentement pour la consultation et la mise à jour du dossier. Conformément à l'article L. 11.11.8 du code de la santé publique et à son décret d'application, la CNIL contrôlera le respect des principes relatifs à la protection des personnes et de la vie privée ; elle sera assistée par un comité technique de l'hébergement des données de santé. Il ne paraît donc pas opportun de créer une commission spéciale, qui ne pourrait qu'empiéter sur les prérogatives de la CNIL.

J'ajoute que les conditions de mise en œuvre spécifiques à ce dossier médical personnel seront précisées par un décret en Conseil d'Etat, après avis de la CNIL et, conformément à un amendement de la commission, après avis des conseils ordinaux des professions de santé.

M. Jean-Marie Le Guen - Pour entendre la douce voix de notre rapporteur - ou pour le faire sortir de ses gonds -, il suffit de demander une commission, un rapport ou une expérimentation ! Pour le reste, nos collègues de la majorité semblent penser que le mieux serait de ne pas poser de questions sur ce texte et d'accepter tel quel le paquet qui nous est proposé... Mais nous, nous voulons au contraire interroger le Gouvernement, quitte à le faire de façon répétitive lorsqu'il ne nous répond pas - ce qui est le cas, sauf sur deux ou trois points.

Ce même gouvernement alimente son autosatisfaction en faisant état de soutiens, mais ceux-ci sont immanquablement démentis le lendemain, comme en témoignent des courriers de la Fédération des médecins de France ou du Syndicat des psychiatres français. Les oppositions ou les réserves des syndicats, des organisations de défense des droits de l'homme, etc. ne font que grandir. Le débat que nous réclamions aurait pu permettre de répondre à ces inquiétudes mais, après plusieurs heures, nous avons le sentiment de n'avoir rien obtenu : tout juste avez-vous jeté l'article 2 en pâture à Bercy, en revenant sur votre estimation des économies à en attendre... En réalité, vous ne savez pas où vous allez, ni dans quel cadre juridique vous travaillerez. Vous n'avez même pas fait les choix technologiques indispensables ! Quant aux garanties que nous demandons, comment pourriez-vous les donner puisque vous n'avez pas fait les choix que présupposerait cette délégation ? Nous ne pourrons donc disposer d'un minimum de sécurité juridique.

A la fin de ce débat, nous rappellerons avec force nos exigences, n'en doutez pas, mais, comme notre temps n'est pas moins précieux que le vôtre, nous allons certes défendre des amendements de principe, mais nous renonçons à poursuivre des interpellations qui n'auraient plus beaucoup de sens, faute de réponses sur l'essentiel. Nous continuerons de remplir notre devoir de vigilance et d'exercer notre droit de proposition, mais nous avons perdu tout espoir de pouvoir dire avec vous aux Français : voilà la solution, celle qui garantit vos droits et répond à vos besoins !

Mme Martine Billard - Quand je vous interroge sur le rôle des malades et des usagers, Monsieur le ministre, vous me répondez : comité technique, CNIL, ordre des médecins ! Les propriétaires du dossier médical n'auront donc pas leur mot à dire sur le sujet... Seuls les médecins seront entendus, comme d'habitude, et eux n'auront qu'à faire confiance.

M. le Rapporteur - Vous dépassez les bornes !

Mme Martine Billard - Non, c'est vous qui le faites, en refusant de considérer les patients comme des adultes !

M. le Rapporteur - Vous les instrumentalisez, à des fins politiciennes !

Mme Martine Billard - Mais les associations vous ont interrogé ! Elles voulaient savoir quelle place elles auraient dans ce projet et vous leur répondez : aucune !

L'amendement 7552 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 2164 à 2175 sont identiques.

M. Jean-Claude Sandrier - Je suis pour ma part insensible aux positions de cet ancien ministre de la santé qui a souvent du mal à se situer dans la géographie politique... Avec ces amendements, nous souhaitons rappeler que l'information de santé devient un enjeu majeur, notamment en raison de la valeur marchande qu'on veut lui conférer.

La question de la confidentialité est inhérente à la relation entre le patient et son médecin, elle est essentielle en termes de sécurité des échanges électroniques dans ce domaine. Défini comme le pivot des échanges, le dossier de santé du patient cristallise attentes, convoitises, mais aussi illusions...

Sur le plan juridique, le dossier est différent selon qu'il a été défini pour les établissements de soins, ce qui en fait la propriété de l'établissement - le consentement du patient à la levée du secret médical entre les médecins participant aux soins hospitaliers étant présumé -, ou pour les médecins libéraux - auquel cas le dossier n'est pas la propriété du médecin et reste couvert par le secret médical.

Mais dans la pratique, les documents sont émis pour chaque patient par différents professionnels, ils constituent des ensembles d'informations élaborées à partir d'un recueil, de connaissances médicales pré-requises, d'un examen clinique. Il s'agit, en fait, d'un ensemble d'événements de santé qui correspondent à des moments de la vie du patient.

Qui plus est, ces informations sont de natures multiples : radiographies, signaux électriques, faits cliniques objectifs, considérations subjectives, mais aussi notes personnelles du professionnel de santé. Cette hétérogénéité sémantique empêche l'utilisation automatisée de ces données, la même information pouvant être utile pour une décision et pas pour une autre. Il convient donc de ne pas accorder une confiance excessive à l'information mémorisée lors des prises de décisions et d'être vigilant pour que l'information sur le patient ne se substitue pas au patient lui-même...

D'autre part, la dématérialisation de ces documents a mis en lumière des problèmes techniques, que seule la standardisation résoudra.

Tous ces enjeux exigent un service hébergeur intègre et inviolable, ce que ce projet ne garantit pas.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La question des notes personnelles est en effet au cœur du débat sur la confidentialité. Elles sont traitées à part dans la loi Kouchner et n'ont donc pas à figurer dans le dossier.

Les amendements 2164 à 2175, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 29 de la commission spéciale et 2176 à 2187 du groupe des députés communistes et républicains sont identiques.

M. le Rapporteur - Je laisse donc M. Sandrier les défendre.

M. Jean-Claude Sandrier - C'est un bien grand honneur puisqu'ils sont rédactionnels...

M. le Rapporteur - Mais la commission les a adoptés à l'unanimité !

Les amendements 29 et 2176 à 2187, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 8173 vise une nouvelle fois à garantir l'application de la loi sur les droits des malades.

M. le Rapporteur - Avis défavorable dans la mesure où il est satisfait par un amendement de M. Evin qui fait référence à l'article L. 11-11-4 du code de santé publique.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean Dionis du Séjour - Mes interlocuteurs américains m'ont conseillé de faire très attention à la notion de propriété du dossier médical, car permettre au patient de visualiser, mais aussi de modifier et de supprimer des informations pourrait vider le DMP d'une partie importante de son contenu. Certes, le droit d'accès ne sera pas donné aux assureurs et aux employeurs, mais il conviendrait aussi que toute décision de suppression ou de modification soit prise en commun par le patient et par le représentant de l'institution médicale.

M. Jean-Marie Le Guen - C'est une question importante. De ce point de vue, les obligations de ce projet et celles de la loi sur les droits des malades sont aussi peu miscibles que l'huile et l'eau... Nous n'avons pas la même culture utilitariste que les Anglo-saxons, dont la politique de santé publique est plus forte mais aussi plus coercitive. Alors que, sur bien d'autres sujets, nous faisons volontiers appel à l'Etat, ici nous insistons beaucoup plus sur la vie privée. Aussi, tant que le dispositif sera centralisé, autoritaire et pénalisant, il ne pourra pas fonctionner. Il faut donc bâtir la confiance, qui permettra seule d'aller vers les évolutions que vous appelez de vos vœux.

A ce point du débat, on constate une nouvelle fois que le gouvernement n'a pas bien mesuré les difficultés techniques et philosophiques du DMP...

M. le Ministre - M. Dionis du Séjour a évoqué la possibilité d'une co-décision sur la suppression d'une donnée médicale du dossier. M. Le Guen y est-il favorable ?

M. Jean-Marie Le Guen - Dans le cadre de votre politique, c'est non ; avec une politique décentralisée, contractuelle, facultative, ce serait oui.

M. Jean Dionis du Séjour - Nous voulons seulement alerter le Gouvernement et la représentation nationale. En ce qui me concerne, je ne voterai pas cet amendement car notre Assemblée ne peut s'engager sur un droit de propriété qui serait conféré au malade : c'est une impasse.

L'amendement 8173, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 604 à 615 sont identiques.

M. Jean-Claude Sandrier - Ces amendements visent à garantir la confidentialité des données et à sécuriser les accès aux informations du DMP. En effet, pour le patient, la confidentialité est une contrepartie de la confiance qui s'établit avec le médecin et, pour celui-ci, le secret fait partie de ses obligations déontologiques et légales. Il convient de définir qui a le droit d'accéder à quelles informations, quand, au sujet de qui, à quelles conditions. Il convient en particulier d'éviter que le dossier soit connu des mutuelles, des assurances ou des employeurs.

Nous proposons donc que les données de santé ne soient connues que des professionnels habilités à avoir accès au DMP, du titulaire du dossier ou de son représentant légal. Tout accès ou toute utilisation par un organisme autre et à d'autres fins que celles prévues au présent article et à l'article L 161-45 du code de la sécurité sociale est puni d'une amende de 150 000 euros et, le cas échéant, de sanctions pénales.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La commission a adopté un amendement 33 qui va dans le même sens. Je vous propose donc, Monsieur Sandrier, de retirer ces amendements et de cosigner l'amendement 33.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Claude Sandrier - Acceptez plutôt les nôtres ! (Sourires)

M. le Rapporteur - Ils ont été repoussés par la commission.

M. Jean-Claude Sandrier - Pourquoi ? Parce qu'ils ont été présentés par le groupe communiste ou parce qu'ils sont semblables au vôtre ? (Sourires)

M. le Rapporteur - L'amendement 33 est beaucoup plus précis car nous évoquons expressément le cas des assureurs privés (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Je puis témoigner, Monsieur Sandrier, que des amendements du groupe communiste ont déjà été repris.

M. Jean-Claude Sandrier - En tout cas, je maintiens les présents amendements.

Les amendements 604 à 615, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - L'amendement 8177 vise à ce que la décision du médecin prime sur l'avis du malade qui arguerait que tel ou tel examen a déjà été pratiqué. Le DMP ne doit pas être opposable à un avis médical sinon, c'est la porte ouverte à tous les contentieux.

L'amendement 8177, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Je tiens à le dire clairement : l'UDF est très favorable au principe du DMP, surtout s'il vise à améliorer la qualité des soins.

Néanmoins, son application sera sans doute longue et difficile. L'amendement 8237 vise donc à mettre en œuvre un dispositif transitoire prévoyant les dispositions nécessaires au partage des informations médicales disponibles sur le réseau officinal via la carte Vitale.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis défavorable car il devrait figurer à l'article 12. Nous aurons alors l'occasion de reparler de cette importante question.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Même avis.

De plus, convient-il de mettre en place des dispositions transitoires quand l'application du DMP commencera le 1er janvier 2005 et qu'elle sera effective sur tout le territoire en 2007 ? Il y a des risques de confusion.

M. Jean-Luc Préel - Je ne peux, Monsieur le rapporteur, transférer cet amendement à l'article 12 et nous sommes nombreux, Monsieur le ministre, à considérer que l'application du DMP sur tout le territoire en 2007 n'est pas acquise. Un dispositif transitoire me semble donc nécessaire.

L'amendement 8237, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - L'amendement 8159 vise à ce qu'avant la fin de 2006 l'interopérabilité des réseaux informatiques hospitaliers, qui ne fonctionnent actuellement que par des systèmes intranet, soit effective.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. L'objet de cet amendement relève du décret.

L'amendement 8159, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - Nous tenons à ce que le dossier médical personnel permette d'améliorer les soins ; toute précipitation dans sa mise en œuvre pourrait avoir l'effet inverse. Rappelons-nous l'installation catastrophique du logiciel Socrate, qui a perturbé les réservations de la SNCF pendant des semaines, alors qu'il s'agissait pourtant d'un système calqué sur les réservations aériennes. Une phase expérimentale est nécessaire pour le dossier médical personnel : c'est ce que nous disons par les amendements 8181 à 8183.

M. le Rapporteur - Je souhaite, comme vous, que le dossier médical personnel soit simple, précis et efficace. Pour autant, il n'est pas question d'inscrire dans la loi la date de sa mise en œuvre.

M. le Secrétaire d'Etat - Si c'est d'expérimentation qu'il s'agit, elle commencera dès 2005 ; s'il s'agit d'une manœuvre dilatoire, vous comprendrez que le Gouvernement n'y soit pas favorable.

Mme Catherine Génisson - En proposant une expérimentation, nous sommes en phase avec le ministre, qui parlait d'expérimenter dans cinq régions.

Les amendements 8181, 8182 et 8183, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président de la commission spéciale - L'utilisation du dossier médical doit constituer l'une des conditions d'adhésion aux conventions nationales régissant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins. Ainsi évitera-t-on les retards constatés lors de l'entrée en vigueur de la carte Vitale en raison des fortes réticences manifestées par certains professionnels de la santé. Cela étant dit, le dossier médical personnel ne devra pas être présenté aux médecins comme une contrainte supplémentaire ; il faudra les associer à cette démarche, qui vise à renforcer la qualité des soins. La mise en œuvre rapide du dossier médical sera bénéfique pour la santé des patients mais aussi pour l'assurance maladie car elle permettra une meilleure coordination des soins. Voilà ce qui explique l'amendement 8372.

M. Jean-Marie Le Guen - Je partage évidemment le point de vue de M. Bur, puisque notre amendement 8373 est très semblable au sien. Mais que nous dit-il ? Qu'il souhaite, pour éviter les atermoiements qui ont accompagné la création de la carte Vitale, assurer par la loi la participation des professionnels de santé au nouveau dispositif. Autrement dit, il ne veut pas laisser aux négociations conventionnelles le soin de régler cette question. Cet argument est très fort, mais il devrait valoir pour bien d'autres volets : la qualité des soins, la formation continue des médecins et son évaluation ou encore la restructuration de l'offre de soins. Pourtant, tout cela est renvoyé à la convention...

M. le Rapporteur - La commission a accepté les deux amendements. A titre personnel, je préfère celui de M. Bur, qui parle de « mise à jour » du dossier médical, car le terme d'« enrichissement » utilisé par nos collègues socialistes me semble quelque peu choquant dans ce contexte... (Sourires) J'invite donc au retrait de l'amendement 8373 au bénéfice de l'amendement 8372.

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis également plutôt favorable à l'amendement 8372, mais souhaite le compléter par le sous-amendement 8441, qui précise que « les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à compter du 1er janvier 2007 ».

M. le Rapporteur - Avis favorable au sous-amendement.

Le sous-amendement 8441, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 8372, ainsi sous-amendé, est adopté.

M. le Président - L'amendement 8373 tombe. Les amendements 8052 à 8066 sont identiques.

M. Alain Vidalies - Il est indispensable de préciser dans la loi les conditions d'information du patient lors de la création du dossier médical personnel. C'est à quoi tend l'amendement 8052, qui reprend mot pour mot l'avis de la CNIL à ce sujet.

M. Jean-Luc Warsmann - Ce n'est pas bien de copier ! (Sourires)

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement, car la CNIL ne savait pas que nous travaillions assidûment et que nous allions adopter l'amendement 7828 de M. Evin, qui satisfait les préoccupations exprimées.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Gérard Bapt - Nous voulons la réussite du dossier médical personnel (Rires sur les bancs du groupe UMP) mais nous sommes inquiets de ce que les associations d'usagers et de malades ne soient pas associées à la définition de son contenu. Pour rétablir la confiance, l'information la plus précise doit être garantie aux patients. Reproduire ce passage de l'avis de la CNIL serait donc bienvenu.

Les amendements 8052 à 8066, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 2188 à 2199 sont identiques.

M. Jean-Claude Sandrier - L'utilisation des technologies de l'information et de la communication en matière de santé ne doit pas se traduire par une atteinte aux droits des personnes. Un effort considérable de formation dans les domaines informatique, juridique et médical serait préalablement indispensable, aussi bien pour les patients que pour les professionnels de santé, c'est-à-dire, de fait, pour l'ensemble de la population. Une fois encore, les inégalités socio-culturelles influeront sur l'exercice de nouveaux droits.

En exercice libéral, la sécurité du stockage et de la transmission des données médicales sera de la responsabilité du professionnel de santé, lequel n'aura pas les moyens théoriques et pratiques de l'assurer.

La création du DMP informatisé risque en outre de poser problème, vu le temps nécessairement limité d'une consultation. De dangereux contournements de procédure mettant en péril le secret médical peuvent s'ensuivre.

Au regard de ces contraintes et difficultés, le bénéfice attendu du dossier médical personnel « communicant » paraît bien faible. En dépit des amendements proposés par la commission, les risques demeurent. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 161-46.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces amendements,

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Ce sont exactement les mêmes que les 2068 à 2079 que nous avons déjà examinés.

Les amendements 2188 à 2199, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Préel - Le texte prévoit que lorsque le patient n'aura pas autorisé le professionnel de santé à accéder à son DMP, il sera moins remboursé. Nous aimerions des précisions sur le niveau de ce moindre remboursement. Notre amendement 7501 précise que la réduction du niveau de prise en charge se limite à un pourcentage de celui normalement prévu. Il ne saurait être question d'une suppression totale de remboursement.

M. le Rapporteur - Rejet. D'une part, le texte de cet amendement est extrêmement proche de lui du projet de loi. D'autre part, la fixation du pourcentage relève du décret.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Cet amendement n'améliore pas le texte.

M. Jean-Luc Préel - S'agira-t-il d'un moindre remboursement ou d'un non-remboursement ? Voilà la question.

M. le Secrétaire d'Etat - D'un moindre remboursement, cela a déjà été dit à maintes reprises.

M. Claude Evin - Qui peut aller de 1 % à 99 % !

L'amendement 7501, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 2200 à 2211 sont identiques.

M. Jean-Claude Sandrier - Tout dossier informatisé contenant des informations nominatives de santé doit, selon nous, n'être accessible qu'aux personnes expressément autorisées à le lire et à le compléter. Aucune autre personne ne doit pouvoir y accéder.

Nous proposons de même de distinguer parmi les informations nominatives celles nécessaires aux professionnels de santé de l'équipe de soins, celles auxquelles seul le médecin qui les a recueillies doit avoir accès au vu de leur caractère sensible ou subjectif, celles enfin, objectives et factuelles, pouvant être accessibles à divers professionnels de santé en fonction du contexte de leur demande.

Nous estimons également important que le médecin informe le patient des modalités du contrôle d'accès et le tienne informé de toute modification.

Nous pensons enfin que personne d'autre que le médecin et le patient ne doit pouvoir effacer ou faire effacer tout ou partie d'un dossier. Tous les accès au dossier doivent être consignés en précisant qui a accédé à quoi, quel jour, à quelle heure, et ce jusqu'à l'effacement du dossier. Le texte ne prenant pas assez en compte ces garanties de confidentialité, nous proposons par les amendements 2200 à 2211 de supprimer le premier aliéna de l'article. Nous affirmons en effet la prééminence de la personne sur la technologie. Le potentiel de celle-ci ne saurait remettre en question le droit au respect de la vie privée qui passe par une confiance réciproque et une médiation humaine.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces amendements. Le droit au respect de la vie privée n'est en rien menacé par le premier alinéa de l'article 2 !

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Ces amendements sont exactement identiques aux 2080 à 2091, déjà examinés et repoussés. Leur exposé des motifs est même identique à la virgule près !

M. Jean-Claude Sandrier - La présidence n'avait qu'à annoncer qu'ils tombaient. Je n'ai tout de même pas à être plus vigilante qu'elle !

Les amendements 2200 à 2211, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 30 est identique au 7972 du groupe socialiste. Je laisse M. Evin, qui l'a cosigné, le présenter.

M. Claude Evin - Si le dossier médical personnel est un outil absolument nécessaire, sa mise en œuvre exige que certaines garanties soient apportées. Cet amendement précise que les professionnels de santé le remplissent non seulement dans le respect des règles déontologiques qui leur sont applicables, mais aussi « des dispositions des articles L. 1110-4 et L. 1111-2 du code de la santé publique. » Le premier de ces articles concerne le respect de la vie privée et le secret des informations concernant le malade, le second les modalités mêmes de l'information du patient, notamment le droit pour lui de n'être pas informé s'il ne le souhaite pas. La loi sur les droits des malades a prévu que le malade qui demande accès à son dossier médical - jusqu'à présent sur support papier- peut se rétracter s'il ne souhaite finalement pas connaître par exemple un diagnostic grave. Dans la mesure où le DMP, lui, sera consultable sur Internet, des précautions particulières s'imposent. Tel est l'objet de cet amendement accepté par la commission spéciale.

M. le Secrétaire d'Etat - Le DMP ne déroge pas aux principes de portée générale du code de la santé publique repris dans la loi du 4 mars 2002. Toutefois, puisque des interrogations semblent subsister, le Gouvernement est disposé à réaffirmer ces principes dans le présent texte, sans attendre les décrets d'application, et donc à accepter ces amendements.

Les amendements 30 et 7972, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 31 précise que le professionnel de santé, quel que soit son mode d'exercice, doit remplir le DMP. Il faut notamment veiller à ne pas oublier les médecins exerçant à titre libéral à l'hôpital.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est une clarification utile.

Mme Catherine Génisson - Cet amendement me paraît superflu. De surcroît, s'il devait être adopté, il est mal rédigé. C'est en effet après les mots « professionnel de santé », et non « établissement de santé », qu'il convient d'insérer l'incise « quel que soit son mode d'exercice. »

M. Claude Evin - Absolument.

M. le Rapporteur - Je préfère m'en tenir à la rédaction actuelle.

L'amendement 31, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 8174 précise que le patient exerce pleinement ses droits.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé. L'amendement 30 le satisfait.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 8174, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Mariton - Mon amendement 7727 rectifié précise que le professionnel de santé reporte ses observations non « à l'issue » mais à « l'occasion » de la consultation. Il se justifie d'autant plus que le ministre a rappelé cet après-midi que, si le remboursement nécessite qu'un dossier soit ouvert, il n'est pas indispensable qu'il soit complet. Le dossier est, en fait, le reflet du colloque singulier entre le médecin et le patient.

M. le Rapporteur - Amendement prémonitoire, en effet. La commission l'avait adopté.

M. le Ministre - Il rend effectivement le texte plus lisible. Favorable.

M. Claude Evin - Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit, mais moins avec le II de l'amendement qui étend cette mesure aux établissements de santé après un séjour. Il est vrai que le rapporteur a déposé un amendement qui modifiera cet aspect. Mais que peut ajouter l'établissement « à l'occasion » de ce séjour, que les professionnels qui y exercent n'ont pas déjà reporté ? Il ne peut s'agir que d'une synthèse en conclusion, donc à l'issue du séjour.

M. Hervé Mariton - Soit, mais l'amendement 8277 viendra corriger cette deuxième partie.

L'amendement 7727 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Claude Evin - Notre amendement 7829 précise que les informations reportées dans le dossier sont celles « nécessaires à la coordination des soins ». Le patient en comprendra d'autant mieux l'intérêt.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement auquel, à titre personnel, je n'étais pas hostile.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Marie Le Guen - Si nous avions discuté vraiment du contenu du dossier, nous saurions si les informations y seront structurées - donc utilisables - ou simplement stockées à mesure, ce qui risque de les rendre illisibles. Et qui dit structuration dit communication entre professionnels, donc réseau. On mesure une fois de plus le flou qui entoure ce texte. Aussi vaut-il la peine de dire que l'on reporte des informations nécessaires à la coordination, et non en vue d'un bilan global dont la pertinence échapperait vite. Dans cet esprit, peut-être aurions-nous dû être plus prudents avant d'adopter l'amendement 7727 de M. Mariton : si l'on reporte des éléments de synthèse, c'est à l'issue de la consultation.

M. Jean-Luc Préel - Et le traitement est fixé à la fin.

L'amendement 7829, mis aux voix, est adopté.

M. Hervé Mariton - Mon amendement 7725 tend à bien préciser que « l'accès au dossier médical personnel par le professionnel de santé n'est possible qu'à condition qu'il ait préalablement obtenu l'accord du patient ». Si le support du dossier est une carte, celle-ci peut être volée ou perdue ; il faut donc que le patient dispose d'un code, en l'absence duquel le dossier ne pourra être ouvert.

M. le Rapporteur - Avis défavorable : sur le plan des principes, M. Mariton a satisfaction avec l'amendement 7828 ; pour l'application pratique, le sujet relève du décret.

M. le Ministre - Même avis.

Mme Catherine Génisson - Lorsque l'accord du patient est impossible à obtenir - par exemple parce qu'il arrive aux urgences en état d'inconscience -, comment fait-on ?

M. le Ministre - C'est un cas que nous avons prévu. L'accord du patient sera recueilli au moment du contrat d'ouverture du DMP. On notera sa réponse à la question suivante : « en cas d'urgence et si vous êtes inconscient, acceptez-vous que... »

M. Claude Evin - Et la clé d'accès ?

Tout ça, c'est un peu de l'amateurisme... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - La partie « données d'urgence » du dossier sera accessible à tout service d'urgences hospitalier. On forcera l'autorisation auprès des hébergeurs par l'attribution d'un mot de passe temporaire.

M. Claude Evin - Vous admettrez que sur de tels sujets, il aurait été préférable que le Gouvernement nous donne les informations dont il disposait, plutôt que d'attendre que nous posions des questions... Au demeurant, Monsieur le ministre, vous n'avez pas levé toutes les ambiguïtés car si je comprends bien, il sera possible de se passer de la clé d'accès du patient.

M. Hervé Mariton - M. Evin cherche les problèmes plutôt que les solutions...

En expliquant que lorsque le patient sera inconscient, le code sera brisé, le ministre nous indique implicitement qu'il existera un code, dont l'utilisation sera indispensable si le patient est conscient. Sur ce point, je suis donc pleinement rassuré.

Mme Martine Billard - Les personnes qui font la maintenance des systèmes informatiques auront elles aussi accès au dossier. Il faut donc prévoir de conserver la trace des personnes amenées, pour une raison ou pour une autre, à y avoir accès, et poser le principe de leur responsabilité, pour qu'en cas de rupture de confidentialité, il soit possible d'exercer un recours contre elles.

Mme Catherine Génisson - A entendre le ministre, en cas d'urgence il sera assez facile d'avoir accès au dossier.

M. Hervé Mariton - C'est nécessaire !

Mme Catherine Génisson - Oui, mais il faut quand même des garde-fous... Dans les services d'urgence, il circule beaucoup de monde, et pas seulement des professionnels de santé : forces de police, sapeurs-pompiers, vigiles... Aujourd'hui déjà, nous sommes assaillis de personnes - appartenant parfois aux Renseignements généraux - qui veulent obtenir des renseignements sur les malades, et le personnel a parfois du mal à respecter le secret médical ! Je vous parle là du vécu quotidien...

M. le Ministre - Vous voulez décidément jeter le doute sur la validité de ce dossier médical personnel ! Pour notre part, nous le défendons et, lorsque vous nous interrogez, nous répondons ! Voyons donc les deux questions que vous posez.

Premièrement, que faire lorsque le patient est inconscient ? Eh ! bien, nous avons prévu le cas : lorsqu'on ouvrira un dossier, on demandera à l'intéressé si, au cas où il se trouverait dans ce cas, il autorise ou non à accéder aux informations le concernant. S'il répond non, l'affaire sera tranchée. Deuxièmement, qu'en sera-t-il si une tierce personne ouvre le dossier sans l'accord du malade ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Souffrez que je vous réponde puisque vous prétendez qu'il serait facile d'ouvrir ce dossier ! Et, en fait, Mme Billard a déjà répondu par avance : qui dit confidentialité dit traçabilité ! Dès lors que quelqu'un entrera dans le dossier, qu'il s'agisse d'un médecin, du malade lui-même ou d'un établissement hospitalier authentifié...

M. Jean-Marie Le Guen - Que vient faire ici l'hôpital ?

M. le Ministre - Dans le cas des urgences, le problème se pose bien pour l'hôpital lui-même. Dans toutes ces occurrences, il y aura traçabilité. On saura immédiatement qui est entré, de la même manière qu'on le sait aujourd'hui pour les systèmes informatiques des banques. Quant aux dons d'organes, il existe un registre national auquel on peut accéder grâce à la carte d'identité du patient. Je n'ai donc rien dit qui soit nouveau.

M. le Rapporteur - Il existe en effet un registre des refus, pour les dons d'organes, et l'institution d'une carte de donneur ou la mention dans le DMP de la position du patient sur ce point ne feraient que prêter à confusion.

M. Pierre-Louis Fagniez - Rappelons aux réalités pratiques ! Il est faux de penser que, faute de pouvoir accéder à un dossier, on ne pourrait pas soigner un malade qui arriverait aux urgences hors d'état de donner son consentement ! Actuellement, les patients arrivent en général sans le moindre dossier et cela n'empêche nullement de leur prodiguer un secours.

M. Jean-Marie Le Guen - Très bien !

M. Pierre-Louis Fagniez - Attendez la suite avant d'approuver ! Pour moi, le ministre a parfaitement raison d'insister sur le consentement qui sera demandé, lors de l'ouverture du dossier, pour le cas où le patient serait dans l'incapacité de donner son code d'accès. Simplement, je suggérerai que, comme dans la loi du 4 mars 2002, la loi sur la santé publique et la loi bioéthique, on lui offre en outre la possibilité de choisir une personne de confiance qui serait autorisée à ouvrir le dossier à sa place. Pourquoi ne pourrait-on pas pratiquer en l'espèce ce qui se fait déjà pour les cartes bleues ? Et si l'on ne peut ouvrir, une chose est sûre : on soignera quand même...

M. Jean-Marie Le Guen - Je maintiens mon approbation, Monsieur Fagniez : la réalité est en effet, Dieu merci, qu'on parvient à soigner en l'absence de dossier médical et vous avez donc le mérite de relativiser l'importance de ce dispositif dans les situations d'urgence ou d'inconscience.

Monsieur le ministre, vous parlez de traçabilité pour les consultations par les hôpitaux, mais on ne peut se contenter du nom d'un « établissement de santé ». Il faut celui du praticien qui a accédé au dossier...

M. le Rapporteur - Un amendement de la commission répond à votre observation : il y est fait mention d'un « professionnel habilité ».

M. Jean-Marie Le Guen - Vous avez réponse à tout : dommage que vous ne parliez pas plus souvent !

Mais la question essentielle est celle-ci, si l'on accepte la solution du ministre : quand un patient consentira à ce qu'on ouvre son dossier, il faudra bien l'avertir qu'il entrera de ce fait dans une catégorie pour laquelle il existe une procédure permettant de casser le code. En effet, la loi du 4 mars interdit de recourir à une personne de confiance, Monsieur Fagniez : il y a eu débat et nous avons tranché négativement.

M. Hervé Mariton - Dans ce cas, il ne me reste qu'à retirer mon amendement !

M. Jean-Marie Le Guen - En effet : il ne règle pas le problème des urgences !

M. Claude Evin - La première partie du propos de M. Fagniez était parfaitement juste : dans la plupart des cas, l'impossibilité d'ouvrir le dossier n'empêchera pas de soigner. Cela étant, pour le reste, la réponse du ministre n'est qu'une réponse a posteriori : la traçabilité ne permet qu'un constat après coup. Surtout, elle revient à accepter l'existence d'un dispositif permettant de se passer de la clé d'accès dont dispose le patient...

M. Hervé Mariton - Il faudrait donc renoncer à accéder au dossier ?

M. Claude Evin - Dans le cas d'un patient inconscient, je considère en effet qu'il n'est pas possible de passer outre si nous voulons respecter les amendements que nous venons de voter et qui sont d'ailleurs conformes aux dispositions de la loi du 4 mars. Le fait que M. Mariton renonce à son amendement ne clora pas le débat ! Quant à la suggestion de M. Fagniez, elle n'est applicable que si l'on donne par la loi une mission supplémentaire à la personne de confiance.

L'amendement 7725 est retiré.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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