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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 4ème jour de séance, 11ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 6 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      TRAITEMENT DE LA DÉLINQUANCE SEXUELLE 2

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      ART. 2 (précédemment réservé) (suite) 4

      APRÈS L'ART. 2 12

La séance est ouverte à neuf heures trente.

TRAITEMENT DE LA DÉLINQUANCE SEXUELLE

M. Yves Bur - Permettez-moi de vous faire part, au nom de notre collègue Alain Ferry, absent pour des raisons de santé, de l'émotion suscitée par les meurtres de Jeanne-Marie, d'Edwige et de Julie. L'assassin présumé de la petite Jeanne-Marie, Pierre Bodein, est en liberté conditionnelle depuis mars dernier. S'ils ne contestent pas le principe même de la liberté conditionnelle, nos concitoyens ne peuvent comprendre que des criminels qui restent potentiellement dangereux, en l'occurrence un délinquant sexuel, puissent bénéficier d'une libération anticipée, alors même qu'ils ont refusé tout suivi médical et psychiatrique, que ce soit pendant leur incarcération ou à leur sortie.

Il est urgent d'agir, d'organiser le fichier des délinquants sexuels, de mettre fin à l'automaticité des remises de peine, de réfléchir à la mise en œuvre d'une véritable injonction de soins. Je vous remercie, Monsieur le ministre, de transmettre au premier ministre et au Garde des Sceaux l'émotion, l'incompréhension et les attentes de nos concitoyens.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - La liberté conditionnelle est conçue pour permettre aux personnes condamnées de se réinsérer dans la société, et tout médecin ne peut qu'approuver ce principe. Or, dans les faits, force est de constater que cette politique a souvent échoué, puisque nombre de criminels profitent de leur liberté pour récidiver.

La France, patrie des Droits de l'homme, est confrontée à un dilemme. Tout en permettant à ceux qui ont compris leur faute de se racheter, elle doit aussi soutenir le regard des parents de ces petites filles violées, torturées, assassinées, parce que la loi a offert une seconde chance à des détenus qui en ont profité pour commettre des crimes !

Dans ce contexte, j'ai décidé, avec le Garde des Sceaux, de créer une commission pour étudier l'amélioration de la prise en charge et du traitement psychiatrique des délinquants sexuels à l'issue de leur peine. Des psychiatres, des médecins, des magistrats devront se pencher sur les réformes à réaliser, en particulier celle consistant à assurer l'obligation de soin, en établissement et à la sortie.

M. Jean-Marie Le Guen - Le groupe socialiste partage l'émotion, la tristesse et le sentiment de révolte des Français devant ces faits. Parallèlement, un autre drame, celui d'Outreau, nous montre combien la justice peine à les traiter de façon appropriée. Il faut donc rouvrir le débat pour trouver des réponses plus adaptées. La question que vous soulevez, Monsieur le ministre, a souvent été posée, mais il nous a toujours été difficile d'y répondre, car elle se situe à la frontière entre le monde de la psychiatrie, celui de la justice et celui de la grande exclusion sociale, et nous savons que psychiatres, magistrats et travailleurs sociaux ne savent pas toujours dialoguer entre eux. Nous savons aussi que ce ne sont pas forcément les réponses les plus simples et les plus rapides qui sont les plus efficaces. J'espère que nous saurons prendre assez de recul pour aborder ces questions avec efficacité et conscience.

M. Maxime Gremetz - Ces drames exigent une réflexion approfondie, et l'idée d'une commission est bonne, à condition que la composition de celle-ci soit bien conçue. C'est un sujet très complexe, qui a de nombreux aspects, dont la capacité d'accueil des hôpitaux psychiatriques. Ainsi, l'hôpital Pinel d'Amiens manque cruellement de places pour des gens qui devraient être soignés alors qu'ils se retrouvent en prison !

Afin de bien préparer les travaux de la commission, il serait judicieux de rassembler les études et rapports établis sur cette question, et ils sont nombreux !

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

M. Gérard Bapt - Je voudrais faire un rappel au Règlement sur l'organisation de nos débats.

En relisant l'analytique d'hier, j'ai remarqué que le Gouvernement et la majorité affirment régulièrement que nous serions opposés au dossier médical personnel. Nous sommes au contraire favorables à un tel dispositif, qui doit permettre de travailler en réseau et d'améliorer la qualité des soins, et nos interventions ont pour seul objectif de faire avancer le débat sur des sujets précis, tels que les techniques d'accès, les accès différenciés, le secret médical, la dimension médico-légale.

J'ai été stupéfait, ce matin, de voir France 2, chaîne publique, illustrer les débats d'hier par une visite, datant déjà quelque peu, du ministre de la santé à la clinique Pasteur de Toulouse, et conclure le commentaire en évoquant une économie de 7 milliards d'euros en 2007 grâce à la mise en place du DMP ! Je considère que la manière dont cette chaîne publique a rapporté nos débats est totalement inappropriée.

M. Jean-Marie Le Guen - Mon rappel au Règlement servira à nous remettre dans le fil du débat. Hier soir, il nous a fallu faire modifier un sous-amendement du Gouvernement qui remettait en cause les garanties que nous avions obtenues l'après-midi même quant au remboursement des patients après la mise en place du dossier médical personnel. La vigilance s'impose donc.

Plus grave, nous ne savons toujours pas ce qu'il en sera du statut juridique de ce dossier. S'il relève du droit commun, les praticiens voudront prendre toutes les précautions, et tout le discours qu'on nous tient sur l'élimination des examens répétitifs ne tient plus. Si, en revanche, il est opposable, il faut introduire des garanties plus fortes dans la loi. Les conséquences seront importantes, en effet, pour les victimes d'erreurs médicales suite à la mise en place du dossier médical personnel, comme elles le seront pour les prescripteurs. Nous attendons vraiment du Gouvernement qu'il fixe des bases juridiques plus assurées.

Par ailleurs, notre groupe se réunit ce matin à 11 heures 30. Nous demanderons donc une suspension de séance peu avant (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Pour notre groupe, ce sera à 10 heures 30 !

M. le Président - Nous verrons.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - L'intervention de M. Bapt était nécessaire, et nous sommes heureux d'apprendre que le groupe socialiste est favorable au dossier médical personnel. Au fil du débat, nous l'avions un peu perdu de vue : cela laisse présager une suite plus sereine.

M. Jean-Marie Le Guen - Répondez plutôt à nos questions !

M. le Rapporteur - Monsieur le Guen, le ministre vous a répondu hier soir (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Marie Le Guen - Circulez, il n'y a rien à voir !

M. le Ministre - Sur le plan juridique, il est clair que c'est le droit commun qui s'applique.

Quant à la présentation qui est faite de notre action, Monsieur Bapt, permettez-moi de m'étonner. Voilà deux mois que l'opposition répète que cet énième plan n'est pas une vraie réforme, et qu'il n'y a rien dedans.

M. Maxime Gremetz - Pas moi !

M. le Ministre - Pas le groupe communiste en effet, mais le groupe socialiste, qui toutefois nous annonce en même temps de terribles conséquences. C'est pour le moins paradoxal ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Le Guen - Après une nuit de réflexion, le Gouvernement nous annonce enfin que le dossier médical personnel relève du droit commun. Tout ce qu'il a dit sur l'inutilité de refaire les mêmes examens n'a donc pas de valeur ...

M. le Ministre - Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Marie Le Guen - ...alors que depuis des semaines, il laisse entendre dans la presse que le dossier sera opposable.

Pour notre part, nous n'avons cessé de dire que ce plan non seulement n'est pas la réforme du système de santé dont notre pays a besoin, mais encore remet en cause les fondements de l'assurance maladie. De ce point de vue, le dossier médical partagé est un artifice, et Claude Evin a rappelé que vous n'avez même pas besoin de la loi pour le mettre en place. Votre projet organise le déremboursement des soins : ce n'est pas une réforme, c'est une régression !

ART. 2 (précédemment réservé) (suite)

M. Jean-Luc Préel - Le dossier médical personnel est une excellente initiative s'il a pour objectif d'améliorer la qualité des soins, et le groupe UDF la soutient. Il permettra d'assurer un meilleur suivi des patients et d'éviter des examens redondants et des interactions médicamenteuses. Mais sa mise en œuvre demandera du temps et de l'argent, et si l'on veut qu'il soit opérationnel au 1er juillet 2007, il faut mobiliser les professionnels. Notre amendement 7477 précise donc que les nouvelles dispositions s'appliqueront à cette date aux médecins qui disposeront de l'équipement nécessaire et auront reçu la formation appropriée.

M. Gérard Bapt - Notre amendement 8161 relève de la même préoccupation. Mieux les prescripteurs seront formés, plus le système sera efficace et la confidentialité garantie. Or le Gouvernement renvoie la question de la formation médicale continue à la convention. L'Etat ne peut se désengager ainsi d'un aspect aussi important.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements, car la question, pour réelle qu'elle soit, relève du décret. En outre nous avons adopté hier un amendement du groupe socialiste et un amendement de M. Bur qui lient l'utilisation du dossier médical personnel par le praticien à l'existence d'un équipement informatique adapté.

M. le Ministre - Effectivement, pour que le dossier médical partagé soit un succès, il faut se soucier de l'informatisation. Mais dans ce domaine, notre pays vient de connaître une révolution puisque les abonnés à l'internet à haut débit sont passés de 600 000 au début de 2002 à quatre millions aujourd'hui (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

L'informatisation des médecins et leur connexion à l'internet suit la même voie : en 2004, 78 % des généralistes ont recours à la télétransmission et 60 % sont connectés à l'internet, soit une croissance de 40 % en un an. Les syndicats médicaux estiment que la quasi-totalité des médecins seront connectés en 2007.

M. Maxime Gremetz - Je prends M. Bertrand à témoin : la connexion à haut débit est très en retard, notamment en Picardie, région où, comme par hasard, l'on constate aussi les plus grands retards en matière de santé. Votre démarche va donc aggraver les inégalités.

Un quart des médecins ne sont pas informatisés...

M. Jean-Marie Le Guen - Et l'informatisation des autres est fragile !

M. Maxime Gremetz - Il est donc illusoire de penser que tout sera en place au 1er janvier 2005. C'est impossible et le Conseil de l'Ordre vous l'a dit, Monsieur le secrétaire d'Etat.

Le DMP est une bonne idée, mais l'utilisation que le Gouvernement veut en faire nous inquiète car le but principal est de réduire les dépenses de santé. Mais là encore, rien n'est sûr et personne n'est capable de dire quelles économies il permettra. Par contre, on sait combien sa mise en place va coûter : 500 millions au bas mot. Il serait donc raisonnable de voter ces amendements, qui repoussent l'échéance à 2007.

M. Gérard Bapt - Le ministre a confirmé nos craintes en précisant que 74 % des généralistes se servent de la télétransmission. Cela signifie en effet qu'un quart d'entre eux n'utilise toujours pas, sept ans après, un système aussi simple...

M. Marc Bernier - C'est la liberté !

M. Gérard Bapt - Ne parlez pas de liberté, puisque le DMP va être obligatoire...

M. Richard Mallié - Il n'existe pas encore !

M. Gérard Bapt - ...et que si les médecins ne l'utilisent pas, ils se mettront hors convention.

Dans ces conditions, comment croire que dans deux ans, 100 % des médecins utiliseront un système autrement plus complexe que la télétransmission ?

M. le Rapporteur - Quel mépris pour les généralistes !

L'amendement 7477, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 8161, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous en arrivons aux amendements identiques 2236 à 2247.

M. Gilbert Biessy - Le dossier médical rassemble, sous des aspects divers, des informations médicales, cliniques, paracliniques, biographiques et sociales qui constituent en somme l'histoire médicale du sujet. La frontière entre données objectives et subjectives n'est pas très nette en pratique, et la prudence doit donc rester de mise. Il n'est en effet pas rare que des erreurs se produisent sur des données d'état civil, considérées a priori comme objectives. Certains antécédents médicaux ou chirurgicaux peuvent avoir été oubliés, mal nommés, voire dissimulés. Les allergies ou les intolérances médicamenteuses peuvent aussi être déformées par le « roman personnel » de chacun.

Surtout, ces renseignements, même exacts, n'ont qu'une valeur relative par rapport à l'acte de soins envisagé. De même en est-il des résultats d'examens complémentaires, qui n'ont qu'une durée de vie limitée et qui doivent être interprétés en contexte. Qu'il s'agisse de constituer un nouveau dossier ou d'éplucher un ancien, le sens clinique et la subjectivité du médecin interviendront dans l'interprétation des données. Il importe donc de considérer ces dernières comme incertaines, partielles, relatives, susceptibles d'être frappées d'obsolescence. Tel est le sens de mon amendement 2244, qui tend à supprimer le III de cet article.

M. Maxime Gremetz - Je voudrais revenir à l'aspect politique de toutes ces dispositions pour souligner que c'est une réforme plus globale qui se prépare. Dans un premier temps, le Gouvernement étatise - le directeur est nommé par le ministre, le conseil d'administration ne joue plus aucun rôle, on persiste à refuser d'organiser des élections démocratiques à la sécurité sociale - pour mieux amener ensuite une privatisation.

Le Gouvernement s'en prend à tout le monde, médecins et patients, sauf à ceux qu'il faudrait, je veux parler des patrons, qui continuent à bénéficier de son extraordinaire générosité. Les 40 milliards d'exonérations de cotisations patronales permettent à beaucoup d'entre eux de mieux licencier, de délocaliser, et en tout cas de réaliser un maximum de profit. Je constate aussi que le Gouvernement ne fait rien pour récupérer les 2 milliards qu'ils doivent à la sécurité sociale, ni pour modifier l'assiette des cotisations sociales. Est-il normal que les exonérations sur les bas salaires profitent aussi bien aux multinationales qu'aux PME ? Nous, nous pensons que c'est injuste et nous proposons de moduler les cotisations sociales, de façon que les entreprises qui créent des emplois et développement la formation paient moins et les autres davantage.

Nous vous avons remis des propositions précises et chiffrées, mais une fois de plus, vous vous esquivez. Vous nous méprisez : avec votre brochure, vous faites comme si la loi était déjà votée. Est-ce qu'un député peut accepter cela ? Ecoutez au moins ce que disent les médecins !

Ce n'est pas une réforme, c'est un mauvais coup contre la sécurité sociale. Il faut donc que nous ayons un vrai débat. Sinon, nous y serons encore à la fin août, et même en septembre si vous voulez ! Moi, je ne suis pas pressé... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Vous avez épuisé votre temps, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz - Laissez-moi finir. J'informe la présidence et le Gouvernement qu'à chaque fois que nous n'obtiendrons pas de réponse, nous demanderons un scrutin public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Je suis précisément saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur les amendements 2236 à 2247.

M. le Rapporteur - La commission les a rejetés.

Monsieur Biessy, la description que vous avez faite du dossier médical personnel ne correspond pas à la réalité de ce qu'il sera. Aujourd'hui déjà, on ne va pas chez un médecin généraliste sans qu'il prenne des notes ; on ne va pas à l'hôpital sans que soit établie par les médecins une « observation ». Et à propos des antécédents, vous ne pouvez pas parler de « roman personnel » : bon nombre de maladies se reproduisent au sein des familles pour des raisons génétiques ; il est important de savoir, par exemple, que le père de M. X est décédé d'un cancer de la prostate et son oncle aussi. Seul le médecin est capable de faire le tri des informations qui peuvent être utiles, certes avec sa subjectivité, mais celle-ci est inhérente à toutes les activités humaines. Même chose pour les examens complémentaires.

Vous parlez d'amélioration : pour améliorer, il faut avoir un point de départ. Ce projet a le grand mérite d'en offrir un. Le DMP se complétera avec le temps.

A M. Gremetz, qui a fait de la haute politique, je n'ai pas grand-chose à répondre, sinon qu'il est incohérent de parler à la fois de privatisation et d'étatisation.

M. le Ministre - Même avis.

M. Gérard Bapt - Monsieur le rapporteur, vous êtes bien en train d'organiser à la fois l'étatisation et la privatisation ! L'étatisation, c'est toute la réforme de la gouvernance, dont nous avons appris que le dispositif serait complété par une loi organique cet automne. Elle vise, en cas de dérapage, à restreindre le périmètre des soins, à procéder à des déremboursements, à bloquer des mesures génératrices de dépenses nouvelles. Cela ouvrira bien sûr un champ plus large aux complémentaires, non seulement mutuelles mais aussi assurances privées : et voilà la privatisation !

M. Richard Mallié - N'importe quoi !

M. Maxime Gremetz - Moi aussi, je vais essayer de vous expliquer, Monsieur Dubernard. Ecoutez bien.

Quand on veut modifier la base de quelque chose, on commence par prendre le pouvoir.

M. André Schneider - Il va nous réciter le catéchisme soviétique !

M. Maxime Gremetz - Le conseil d'administration : les salariés n'y sont pas représentés. La haute autorité : le directeur est désigné par le ministre. Comme cela , vous faites ce que vous voulez : multiplication des déremboursements, augmentation du forfait hospitalier, paiement obligatoire d'un euro par acte... Pour être bien remboursés, les gens n'ont plus qu'à s'adresser aux assurances privées, auxquelles s'ouvre un marché extraordinaire. Le Medef en rêvait depuis longtemps !

M. Richard Mallié - Nous y voilà ! Le grand mot est lâché !

M. Maxime Gremetz - N'avez-vous pas encore compris que ce gouvernement était le bras armé du Medef ? Dans ma vie de parlementaire, j'ai vu beaucoup de gouvernements de droite, mais jamais je n'en ai vu qui soit autant à la botte du patronat ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Mariton - C'est un hommage tardif...

M. Maxime Gremetz - Cette « réforme », c'est la remise en cause des principes fondateurs de 1946, en particulier le droit à la santé en fonction de ses besoins et de ses moyens. D'abord étatisation, donc privatisation ensuite : avez-vous compris, Monsieur Dubernard ?

M. André Schneider - C'est un communiste qui nous parle d'étatisation...

M. le Rapporteur - La seule logique de ce texte est : ni étatisation, ni privatisation. C'est une belle logique, parce qu'elle retrouve l'esprit initial de notre sécurité sociale (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste), celle du général de Gaulle, celle de Pierre Laroque, et même celle d'Ambroise Croizat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Monsieur Gremetz, vous vous êtes trompé, et je rectifie : dans notre système, chacun contribue selon ses moyens, et est soigné selon ses besoins (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 53 voix contre 10 sur 67 votants et 63 suffrages exprimés, les amendements 2236 à 2247 ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement ! Monsieur le ministre, un quotidien revient ce matin sur un événement lourd de conséquences pour la protection sociale : l'annonce faite par les fabricants de cigarettes de leur intention de baisser ses prix, afin de relancer une consommation qui a diminué de 4,4 %. Une telle baisse ne peut que réduire les recettes fiscales. Or, avec les taxes sur les alcools, les taxes sur le tabac procurent plus de deux milliards à la sécurité sociale. Hier, M. Le Guen vous a alerté sur ce point, mais vous vous êtes borné à répondre qu'il sortait du sujet. Si ce n'est pas le sujet, de quoi nous occupons-nous alors, ce matin ? De plus, cette baisse est un nouvel élément de nature à fragiliser votre réforme !

Voilà les difficultés auxquelles on s'expose quand on fait reposer le financement de la protection sociale sur la fiscalité et quand on refuse les ressources alternatives, telles celles que nous proposons. Non seulement cette réforme sera compromise, mais le plan cancer risque également d'être mis à mal puisque lui aussi est financé par les taxes sur le tabac. Il est vrai que vous n'êtes pas à une contradiction près : ne lancez-vous pas un plan pour la santé publique, qui exige des investissements importants, alors que le gouvernement Raffarin II a signé en décembre, avec les professionnels, un contrat « d'avenir » excluant toute hausse de la fiscalité pendant quatre ans ?

Tout cela ajoute aux raisons d'étudier la prise en charge des substituts à la nicotine, comme nous le proposons par amendement.

Pour que nous puissions poursuivre correctement nos débats, vous devez répondre à nos questions, Monsieur le ministre. Et nous sommes prêts à demander une suspension de séance pour vous permettre de préparer cette réponse !

M. le Ministre - Je ne puis que vous répéter la réponse que j'ai faite hier : étant chargé de la santé publique, de la protection sociale et de l'application du plan cancer, comment ne serais-je pas hostile à une baisse du prix des cigarettes ? Mon prédécesseur a d'ailleurs décidé de relever ce prix et le Gouvernement assume cette décision, persuadé qu'une telle mesure est propre à réduire la consommation.

M. Jean-Marie Le Guen - Est-ce à dire que le Gouvernement s'engage à maintenir le prix des cigarettes au moins au niveau actuel, et donc à relever les taxes à due concurrence, de manière à préserver les recettes de la sécurité sociale ? Une telle décision étant de l'ordre de la loi, nous sommes prêts à voter l'amendement que vous proposeriez en ce sens avant la fin de la présente discussion !

M. le Président - Nous en venons à l'amendement 8170.

M. Alain Vidalies - Alors que le dossier médical personnel ne sera généralisé qu'au 1er janvier 2007, le Gouvernement propose de supprimer immédiatement le carnet de santé. Certes, celui-ci n'a pas connu un grand succès, mais cette décision apparaît pour le moins prématurée et de nature à décourager les malades et les médecins qui utilisent cet outil de coordination. Par l'amendement 8170, nous demandons donc le maintien de ce carnet jusqu'au 1er juillet 2007.

M. le Rapporteur - Rejet. Après s'être très difficilement mis en place, ce dispositif est aujourd'hui en train de mourir de sa belle mort. Outre qu'il favorisait une confusion entre suivi du patient et contrôle, il a été victime des réticences des médecins déjà informatisés ; quant aux patients, certains refusaient toute inscription dans ce carnet, d'autres exigeaient que toutes les informations médicales y soient mentionnées. Son seul mérite aura été d'avoir préparé les esprits au dossier médical informatisé, qui sera plus simple d'utilisation.

M. le Ministre - Même position.

M. Jean-Marie Le Guen - La conclusion que je tire du propos du rapporteur, c'est qu'il conviendrait d'entretenir la flamme du carnet de santé ! Actuellement, plus de 10 000 médecins référents et 1 200 000 patients l'utilisent : comment voyez-vous l'avenir pour eux, Monsieur le ministre ?

M. Richard Mallié - On ne peut vouloir tout et son contraire. Quand on se dote d'un outil nouveau, on ne peut en laisser subsister d'autres, susceptibles de lui faire concurrence, surtout si ces outils existants ne fonctionnent pas très bien ! Conserver l'ancien avec le nouveau, c'est se condamner à échouer !

M. Jean-Marie Le Guen - Le propos vaut-il pour le médecin référent ?

M. Richard Mallié - Je ne parlais que du carnet de santé.

L'amendement 8170, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - J'ai déjà annoncé que notre groupe devait se réunir à 10 heures 30, Monsieur le Président. Pouvons-nous bénéficier d'une suspension de séance, ou a-t-il été décidé que les députés présents dans l'hémicycle ne pourraient participer aux travaux de leur groupe ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - L'ordre du jour a été arrêté en Conférence des présidents sans que les présidents de groupe demandent de telles suspensions. En accorder une à un groupe m'obligerait à faire de même pour tous : autant dire que la séance aurait dû être suspendue sitôt ouverte ! Je m'en tiens donc à l'organisation du débat prévue par la Conférence.

M. Jean-Marie Le Guen - Il est de fait que les séances durent en général de 9 heures 30 à 13 heures, et non de 9 heures 30 à 10 heures 30, et j'imagine bien que nos présidents de groupe n'ont pas voulu retarder nos débats. Ils ont donc accepté que cette séance commence à 9 heures 30. Pour autant, je ne crois pas qu'ils aient exclu une suspension qui nous permettrait de nous joindre à la réunion de nos groupes respectifs. Les groupes communiste et UDF se réunissent à 10 heures 30, le groupe socialiste le fera à 11 heures 30. Sauf donc à dire que, chaque fois que les groupes se réuniront, nous ne tiendrons plus séance, ne pourrions-nous obtenir une suspension d'une durée raisonnable ?

M. le Président - Dans les Conférences des présidents, les présidents de groupe, qui sont très écoutés, peuvent, s'ils le jugent bon, demander des aménagements de l'ordre du jour. Cela n'a pas été le cas. C'est donc qu'ils considéraient que le débat devait se poursuivre normalement.

M. Jean-Marie Le Guen - Eh bien, nous allons faire venir le président Ayrault...

M. Maxime Gremetz - Il est inconcevable que nous ne puissions rendre compte à notre groupe de ce débat. Nous insistons donc pour obtenir une suspension d'un quart d'heure.

M. le Président - Cette demande est plus raisonnable que la précédente. La suspension est accordée.

La séance, suspendue à 10 heures 45, est reprise à 11 heures.

M. Gilbert Biessy - Avant d'achever l'examen de l'article 2, nous voulons rappeler quelques principes. Le dossier médical ne saurait être réduit à une simple somme d'informations. Par nature, il met en jeu la subjectivité. Quel que soit l'interlocuteur du patient, un travail d'analyse et de distanciation est nécessaire.

La mauvaise communication des informations n'est généralement à déplorer que dans des relations marquées par l'ignorance ou le mépris de l'autre, par exemple entre un spécialiste et un généraliste, entre la médecine hospitalière et la médecine de ville.

Si le secret médical est d'abord destiné à protéger le malade, il constitue aussi le cadre indispensable de la relation entre le médecin et son patient. Il n'appartient ni à l'un, ni à l'autre, mais il offre à chacun un espace de liberté.

Si certains pensent qu'il n'y a aucun danger à dévoiler ses antécédents médicaux, c'est parce qu'ils sont bien portants. Le secret médical protège tout le monde, même ceux qui n'ont rien à cacher. On ne peut valablement opposer une exigence de transparence au secret médical. Est-il anodin de savoir qu'un examen complémentaire est demandé parce qu'il y a un risque de cancer ?

Nos amendements 2248 à 2259 sont de cohérence.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements. Je fais confiance aux médecins dans la transmission des données.

Les amendements 2248 à 2259, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Liberti - Le dossier médical doit rester un espace privé, protégé des regards extérieurs. Nos amendements 2260 à 2271 visent à supprimer la référence à l'article L. 162-1-1 du code de la santé publique. La notion à la mode de « transparence » relève du monde de la consommation et du marché, dans lequel certains voudraient faire entrer la protection sociale. Vous demeurez dans une vision comptable et financière du problème et cette référence le prouve.

Les amendements 2260 à 2271, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gilbert Biessy - Favorables à une meilleure coordination des soins, les auteurs des amendements identiques 2272 à 2283 auraient pu accepter cet article. Mais sa rédaction fait du DMP un simple outil de maîtrise comptable. Pour garantir la qualité et la continuité des soins, une meilleure circulation des informations est nécessaire, mais le DMP ne sera qu'un instrument de contrôle. On nous laisse entendre qu'il fera faire, en trois mois, des milliards d'économies à l'assurance maladie. Or le changement prendra du temps et il va coûter très cher. Qui va payer ? A supposer que les examens redondants entraînent des dépenses aussi importantes qu'on le dit, les économies n'apparaîtront pas avant longtemps.

En outre, la création du DMP fait naître un risque important. Certes, les assureurs privés et les employeurs n'auront pas officiellement accès au dossier, mais ils pourront convaincre le patient de le leur ouvrir.

Enfin, rien dans cet article n'indique une volonté d'améliorer la prise en charge.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements. M. Biessy a raison de vouloir renforcer la coordination, la continuité et la qualité des soins. C'est l'objet même de cet article, qui ne concerne que très indirectement la maîtrise comptable des dépenses.

S'agissant des employeurs et des assureurs privés, je rappelle qu'un amendement de la commission a été adopté.

Les amendements 2272 à 2283, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - Mon amendement 8162 vise à ce que la responsabilité pénale de l'hébergeur ou de l'opérateur de télécommunication soit engagée en cas de non-respect du principe de confidentialité. Ce serait une exception à la règle fixée dans la loi sur l'économie numérique, mais cela se justifie dans un domaine aussi sensible que la santé.

Nous avions du reste insisté sur la nécessité de recourir à un hébergeur public. Il appartient en effet à la puissance publique de prendre en charge la conservation et la transmission des données de santé. Tout autre choix serait risqué. Si vous ne voulez pas d'un hébergeur public, faites au moins en sorte que la responsabilité pénale des opérateurs puisse être engagée.

M. le Rapporteur - L'article 1111-8 du code de la santé publique vous donne déjà satisfaction : l'hébergeur et les personnes placées sous son autorité sont soumis au secret professionnel, aux conditions et sous les peines prévues à l'article 266-13 du code pénal.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Marie Le Guen - Le problème ne se limite pas à l'hébergeur. Quelle sera la responsabilité du médecin qui aura rempli le dossier ? Nous ne le savons pas. Le législateur doit-il laisser la jurisprudence répondre à une question de cette importance ?

Par ailleurs, vous ne désignez pas clairement un architecte, un maître d'œuvre, pour l'ensemble du dispositif. Nous proposons que ce soit l'assurance maladie.

On pourrait aussi imaginer une autre solution, d'autant que la responsabilité de la maîtrise d'ouvrage incombera finalement à votre ministère et non à l'assurance maladie comme cela avait été initialement prévu.

C'est pour prévenir une insécurité juridique qui serait source de surcoûts et de difficultés techniques que nous souhaitons obtenir des réponses précises du Gouvernement.

M. le Ministre - Le défaut de respect du secret médical est d'ores et déjà sanctionné par le code pénal dont l'article 226-13 s'applique aux circonstances que vous avez évoquées. Des conditions de sécurité extrêmement élevées sont définies par l'Etat en coopération avec la CNIL et tout manquement à ces règles engagerait la responsabilité contractuelle, voire pénale, de l'hébergeur. Des sanctions financières sont en outre prévues par l'article L. 1115-1 du code de la santé publique.

Par ailleurs, l'article 1111-8 institué par la loi Kouchner est très précis quant aux exigences posées aux hébergeurs, notamment en matière de sécurité des données et de contrôle. Une commission donne, après avis de la CNIL, un agrément qui peut être retiré à tout moment.

Si la maîtrise d'ouvrage relève de l'Etat, la maîtrise d'ouvrage déléguée incombe à un GIE ouvert à de nombreux partenaires, dont l'assurance maladie et les professions médicales. C'est tout cela qu'il faudra définir dans les jours qui viennent.

L'amendement 8162, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Je m'attends à une vive réaction du rapporteur car nos amendements 8167 à 8169 visent à ce que le Gouvernement fournisse un rapport au Parlement. Chacun en comprendra l'intérêt car si ce débat est mené avec une grande détermination, les zones d'ombre restent nombreuses. On nous dit en effet que chaque Français bénéficiera d'un DMP dès le 1er janvier 2007, que les 300 000 professionnels de santé seront équipés, que tout cela sera interconnecté et qu'on réalisera ainsi des économies tout en améliorant l'efficacité du suivi des soins. Pour notre part, nous avons des doutes quant à la faisabilité et au calendrier et, la plupart de nos questions étant restées sans réponse, il nous paraît indispensable que le Parlement soit associé à la mise en œuvre de cette initiative.

Nous l'avons dit, nous sommes favorables au DMP et si nous souhaitons participer au suivi, c'est pour pouvoir rectifier le tir car nous sommes convaincus que les défauts que nous relevons depuis le début de cette discussion sont réels.

M. le Rapporteur - Je ne reviendrai pas sur mon hostilité aux rapports. Cela dit, M. Vidalies a raison : le suivi de la mise en œuvre du DMP sera très important. C'est pourquoi la commission proposera, avant l'article 21, d'instituer une mission parlementaire d'évaluation et de contrôle qui disposera de moyens d'information bien supérieurs à un simple rapport. Je souhaite donc le retrait de ces amendements.

M. le Ministre - Même avis.

M. Alain Vidalies - Au bénéfice des explications du rapporteur, je retire ces amendements. Nous reprendrons le débat sur le suivi au moment de la création de la mission d'évaluation.

Les amendements 8167 à 8169 sont retirés.

M. le Président - Sur l'ensemble de l'article 2, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Claude Evin - Je souhaite expliquer notre vote sur cet article. Nous avons dit à plusieurs reprises que nous étions totalement d'accord pour instituer le DMP. D'ailleurs la loi du 4 mars 2002 contenait déjà les outils législatifs nécessaires, y compris les garanties vis à vis des hébergeurs.

Nous avons estimé nécessaire qu'un certain nombre de précisions relatives aux principes fondamentaux soient apportées dans ce texte et la commission comme le Gouvernement en ont été d'accord. Nous avons ainsi fait œuvre utile en ce qui concerne le respect de la confidentialité, l'information du patient et son droit à ne pas être informé. Toutefois, d'autres questions, notamment sur la responsabilité pénale et sur la sécurisation des informations, ont montré que toutes les dispositions du texte n'avaient pas fait l'objet d'une bonne expertise préalable. Nous l'avons déploré car cela pourrait conduire à l'échec du DMP. Mais, je le répète, il n'y a pas d'ambiguïté quant à notre adhésion de principe à cette démarche.

En revanche, un désaccord fondamental persiste sur ce qui a justifié que vous introduisiez cette disposition dans le code de la sécurité sociale alors que nous pensions qu'elle pouvait figurer dans le cadre du code de la santé publique. Nous refusons toute modulation de la prise en charge par l'assurance maladie selon que le patient accepte ou non de donner des informations et de permettre l'accès des professionnels de santé à son dossier. Cela conduit en effet à confondre le respect de l'objectif sanitaire d'une meilleure coordination des soins et le souci, que l'on retrouvera à l'article 12, de vérifier si les soins et les prestations sont cohérents. Cette modulation est contraire au principe constitutionnel en vertu duquel la nation garantit la protection de la santé.

Nous aurions donc pu accepter la création du DMP mais, dans la mesure où nous refusons l'assujettissement de la prise en charge par l'assurance maladie au non-respect de règles fondamentales aux yeux du Conseil constitutionnel, nous ne pourrons voter cet article.

M. Richard Mallié - Je me réjouis que les socialistes se rendent finalement compte que le DMP permettra une meilleure coordination des soins, au bénéfice des patients.

M. Jean-Marie Le Guen - Il n'y a pas que ça dans cet article !

M. Richard Mallié - Vous refusez en revanche que l'on module le remboursement en fonction de l'utilisation du DMP. Pour ma part, rien ne me choque dans le fait que la collectivité qui prend en charge la couverture des assurés puisse poser des règles. Le patient restera libre de choisir son médecin et de ne pas donner d'informations, mais il n'est pas anormal que la collectivité n'assume pas la charge de ces choix personnels. C'est pour ces raisons que le groupe UMP votera l'article 2.

M. Maxime Gremetz - L'idée d'un dossier médical personnel, en soi, n'est pas mauvaise (« Ah ! »sur les bancs du groupe UMP), mais ce que vous voulez en faire, c'est autre chose ! Du reste, les médecins restent perplexes, et la presse de ce matin rapporte leurs doutes liés à la complexité du système informatique. Si les généralistes sont dans l'ensemble informatisés, la variété des systèmes utilisés imposerait un logiciel compatible avec tous, sans parler des nécessaires certificats de maintenance informatique, des lignes à haut débit, des antivirus etc... Les médecins seront obligés de créer un emploi pour mettre en place ce dispositif ! De surcroît, il ne suffit pas que les données médicales soient simplement archivées, encore faut-il les classer, ce qui nécessite une nouvelle embauche de personnel !

Les généralistes sont d'accord pour assumer ce travail supplémentaire, à condition d'être correctement rémunérés. Mais surtout, ils auraient aimé être rassurés sur le cryptage et la confidentialité des données de chaque dossier, dont les assureurs prendraient volontiers connaissance !

Pour toutes ces raisons, le groupe des députés communistes et républicains votera contre l'article 2.

M. Jean Dionis du Séjour - Le groupe UDF votera cet article. Grâce à un débat très riche, notamment hier soir sur la responsabilité et la notion d'appropriation du dossier médical personnel, nous allons lancer une véritable réforme structurelle, à laquelle notre pays est prêt, grâce à la progression d'Internet, du haut débit, de la couverture ADSL. De surcroît, cet article s'inscrit dans la lignée de la loi Kouchner en matière de droits du malade sur son dossier médical et a le mérite d'inciter le patient à informer le médecin de son passé médical, en subordonnant le taux de remboursement à la présentation du DMP.

A la majorité de 57 voix contre 24 sur 81 votants et 81 suffrages exprimés, l'article 2 modifié est adopté.

M. le Président - Comme il a été convenu, je suspends la séance.

La séance, suspendue à 11 heures 35, est reprise à 12 heures.

APRÈS L'ART. 2

M. Jean Dionis du Séjour - Pour suivre les recommandations adoptées par l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, mon amendement 8409 rectifié interdit toute cession à titre onéreux de données de santé nominatives.

M. le Rapporteur - La commission l'a adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

L'amendement 8409 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Richard Mallié - L'amendement 49 de M. Domergue prévoit que l'assuré social recevra chaque année avec la dernière feuille de remboursement qui lui est adressée un relevé de ses dépenses d'assurance maladie. L'amendement 50 prévoit qu'il pourra consulter ce relevé sur internet. Ainsi l'assuré, qui sait ce qu'il cotise grâce à sa feuille de paye, saura aussi ce qu'il coûte.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements. On risque de culpabiliser les patients qui dépensent beaucoup et de pousser à la consommation ceux qui dépensent peu.

M. le Secrétaire d'Etat - La santé n'a pas de prix, mais elle a un coût. Transparence et responsabilisation sont donc essentielles, sans culpabiliser les assurés. L'envoi d'un relevé papier aurait aussi un coût, et le gouvernement s'en tient donc à la sagesse sur l'amendement 49. En revanche, il est favorable à l'amendement 50.

M. Richard Mallié - S'il s'agit seulement d'additionner les décomptes successifs sur la dernière feuille de remboursement, le coût du traitement ne doit pas être bien élevé. Sur internet, ne pourront consulter que ceux qui sont équipés. Transparence et responsabilisation sont bien les mots clés.

M. Claude Evin - Méfions-nous des fausses évidences. Bien sûr, tout le monde est pour la transparence. Mais 5 % des assurés occasionnent 60 % des dépenses. Ils souffrent souvent d'affections graves, et personne ne conteste la nécessité de les soigner. Leur montrer qu'ils coûtent cher ne changera rien. Quant à ceux qui ont peu ou pas dépensé, il s'en trouvera une partie pour considérer que, dans ces conditions, ils peuvent le faire. Un régime de solidarité s'entend tout au long de la vie. Bien portant, je ne coûte rien, un jour vient où je coûte très cher. Un relevé annuel n'a donc guère de sens. Nous voterons contre ces amendements qui comportent des effets pervers.

Mme Elisabeth Guigou - Ils sont très dangereux.

M. Richard Mallié - M. Evin n'a pas bien lu ces amendements. Ne sont concernés que ceux qui demandent des prestations.

M. Claude Evin - Tout le monde a au moins une consultation par an.

M. Richard Mallié - La grande majorité saura qu'elle a coûté quelques dizaines d'euros, ceux qui ne consomment pas ne recevront rien.

M. Gérard Bapt - Quand une bonne proportion des assurés découvrira qu'ils ont très peu coûté par comparaison avec les cotisations versées - y compris la CRDS que vous augmentez par amendement- on peut craindre un effet pervers. Ceux qui n'ont pas consommé ne seront pas informés. La mise sur internet est moins choquante, dans la mesure où c'est par une démarché volontaire qu'un assuré ira y chercher l'information. Mais globalement, sous couvert de responsabiliser les assurés, vous les culpabilisez.

M. Jean-Marie Le Guen - Outre qu'il est difficile de dire qu'une feuille de remboursement est la dernière de l'année, on va encourager l'idée chez certains qu'ils peuvent en avoir pour leur argent. Il est vrai qu'on ne consomme pas des soins pour se faire plaisir.

Le Gouvernement explique constamment les difficultés économiques de l'assurance maladie par la surconsommation de certains individus et leur nomadisme médical, mais en réalité ces comportements n'existent qu'à l'extrême marge et il faudrait plutôt s'attaquer à la surconsommation induite par le système lui-même. Je pense notamment à la surconsommation de médicaments. Ce n'est pas en culpabilisant les assurés que l'on obtiendra des résultats, mais en agissant sur l'offre de soins.

Responsabiliser les assurés, nous ne sommes pas contre, mais nous pensons qu'il faudrait d'abord identifier clairement les ressources de l'assurance maladie et nous avions fait une proposition en ce sens, qui malheureusement est tombée sous le coup de l'article 40. Nous demandions que la part de CSG affectée à la santé soit identifiée comme telle sur la feuille de paie. Le Gouvernement refuse, car il veut se réserver la possibilité de faire des arbitrages entre les différentes branches de la sécurité sociale, voire entre l'assurance maladie et le budget de l'Etat. Mais si l'on ne fait pas ce travail préalable d'identification et de pérennisation des ressources de l'assurance maladie, il est vain d'essayer d'agir au niveau des dépenses.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Il faut que l'ensemble des citoyens soient responsabilisés et sachent que l'assurance maladie ne se finance pas toute seule et ne peut fonctionner dans l'irresponsabilité collective. Nous avions déjà eu ce débat lors de l'examen du PLFSS, à propos de l'attitude que doivent avoir les pharmaciens quand ils établissent une facture de tiers payant. Nous savons aujourd'hui que les responsables de l'assurance maladie partagent ce souci d'information et ont engagé des expérimentations pour en mesurer l'impact sur les usagers. Je crois nécessaire que l'assuré soit informé, chaque fois qu'il consulte ou qu'il se rend dans un établissement de santé ou une pharmacie, du coût de soins ou des médicaments qui lui sont délivrés. Il importe également que les médecins voient le coût des actes qu'ils engagent. Je souhaite donc que les expérimentations en cours se poursuivent. C'est pourquoi j'étais assez réservé sur les amendements.

Les amendements 49 et 50, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Dionis du Séjour - Je présente l'amendement 8408 au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en y associant le sénateur Jean-Claude Etienne. Quand on parle de DMP, on renvoie à une identification personnelle, chaque personne n'ayant évidemment qu'un seul dossier et chaque DMP n'étant fait que pour une personne. Il faut donc construire un identifiant, c'est-à-dire un ensemble d'informations qui garantissent l'unicité et l'invariabilité dans le temps de ce dossier. Cette construction devra obéir à des exigences de sécurité et de confidentialité ; elle a un coût élevé, puisqu'il faut un numéro par assuré. Or, le Gouvernement semble pressé. Il y a donc des arbitrages à faire.

L'Office a d'abord entendu plusieurs directeurs informatiques médicaux - celui de Reims, celui de L'APHP, celui de la CNAM. Ils nous ont expliqué qu'il n'existe pas d'identifiant unique sur l'ensemble des hôpitaux parisiens, ce qui est d'ailleurs la cause de graves dysfonctionnements. Plusieurs projets pour y remédier sont en cours, mais ils apparaissent tous longs et coûteux. L'Office a pris ensuite l'avis de la CNIL, puis a mené une recherche documentaire sur ce qui existe en France et à l'étranger, notamment en Finlande, qui a mis en place un identifiant composé de la date de naissance et d'une clé à quatre caractères. En France, nous disposons du numéro d'Insee, qui est déjà utilisé par l'assurance maladie pour les remboursements et qui l'est aussi par l'administration fiscale, par exemple.

Par l'amendement 8408, nous proposons donc d'utiliser ce numéro à treize caractères, qui a l'avantage d'être disponible, d'être connu de tous et de garantir l'unicité et l'invariabilité dont je parlais précédemment. Cela nous ferait gagner du temps et permettrait en particulier au Gouvernement de tenir l'échéance qu'il s'est fixée du 1er juillet 2007. Cela nous ferait aussi économiser plusieurs centaines de millions d'euros. Je dois cependant dire que le président de la CNIL, M. Alex Türk, a émis des réserves au sujet de cette utilisation du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques et demande qu'il soit procédé d'abord à des expérimentations. Nous devons entendre ce que dit M. Türk sans pour autant nous ranger complètement à son avis. Un compromis pourrait donc consister à utiliser un dérivé du numéro Insee. Pour renforcer la protection contre les risques de recoupement, on pourrait ajouter un mot de passe.

M. le Ministre - Nous devons satisfaire à une double contrainte : garantir les droits fondamentaux des personnes et disposer d'un dossier médical sécurisé pour lequel l'identification soit certaine. L'objet du sous-amendement 8440, 2ème rectification, est donc de permettre d'utiliser un identifiant, sans toutefois que le numéro NIR apparaisse en clair dans les dossiers médicaux personnels, ce qui serait contraire au respect des libertés individuelles et ce qui ne correspond pas à notre vision. Le numéro d'identification sera donc plutôt un numéro dérivé du NIR, avec les meilleurs niveaux de cryptage. Il sera ainsi possible d'accéder au DMP et de le compléter en toute sécurité et sans erreur possible. Le sous-amendement élargit cette possibilité aux dossiers créés dans le cadre du fonctionnement des réseaux de santé.

M. le Rapporteur - La commission avait repoussé l'amendement 8408, considérant qu'il y avait un risque d'atteinte aux libertés et qu'en outre, le gain à attendre était limité. Elle n'a pas examiné le sous-amendement du Gouvernement, qui me laisse perplexe. Je comprends bien la nécessité d'un identifiant, mais je crains un peu d'être identifié de multiples fois dans un système tellement identifiant qu'il nous ferait perdre nos individualités...

M. le Président - Votre avis à titre personnel, donc ?

M. le Rapporteur - Si je suis convaincu par les arguments que M. Dionis du Séjour ne manquera pas de m'avancer, je serai sans doute favorable...

M. Alain Vidalies - Il s'agit là d'une question majeure pour les libertés publiques, et les arguments qui sous-tendent l'initiative de M. Dionis du Séjour ont déjà été maintes fois développés. L'idée est simple : si, dans tous les fichiers, chacun d'entre nous avait toujours le même numéro, cela coûterait moins cher. A partir de ce numéro, on pourrait connaître notre situation fiscale, notre état de santé, nos antécédents judiciaires, etc... Pourquoi y a-t-il eu jusqu'à présent consensus pour s'opposer à cela ? Pour éviter qu'un jour peut-être, un tel outil soit utilisé par des gens mal intentionnés contre les libertés publiques. C'est d'ailleurs le même raisonnement qui a amené le Gouvernement à essayer, par son sous-amendemen,t de limiter la casse.

Le sujet est beaucoup trop grave pour qu'on le traite par voie amendement. Il serait préférable de suivre un autre cheminement : le Gouvernement peut prendre une initiative, consulter la CNIL, qui délibérera, porter l'avis de celle-ci à la connaissance de tous, pour qu'alors nous puissions décider.

De même, Monsieur le ministre, il aurait été utile que l'Assemblée nationale soit saisie du projet de décret sur les hébergeurs qui, semble-t-il, a été soumis à la CNIL...

M. Jean Dionis du Séjour - Le sous-amendement du Gouvernement va dans le sens d'une plus grande protection, mais je propose de le modifier, afin d'écrire non pas « Un identifiant santé, dérivé du NIR » mais « Le NIR, ou un de ses dérivés ».

Monsieur Vidalies, le rôle du Parlement a été respecté : l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a instruit le dossier ; nous avons saisi la CNIL, laquelle n'a peut-être pas délibéré collectivement mais m'a fait parvenir une lettre dont j'ai donné la teneur ; enfin, nous débattons en séance plénière. L'avis de la CNIL n'a rien de catégorique ; du reste, les pays scandinaves ont adopté le principe d'un identifiant unique pour toutes les démarches administratives.

Je propose, comme le suggère la CNIL, que nous passions par une phase d'expérimentation, mais j'insiste sur le fait que la combinaison de l'identifiant avec un code d'accès garantit la confidentialité. Par ailleurs, si l'on veut que le dispositif soit opérationnel en 2007 et qu'il ne coûte pas trop cher, il faut s'en donner les moyens...

M. le Ministre - Aujourd'hui, c'est vrai, le NIR permet d'identifier une personne de manière très sûre. Les NIR sont les seuls numéros à être certifiés. Les modalités pratiques d'utilisation et de cryptage du NIR seront examinées par la CNIL dans le cadre du décret d'application de l'article 2. La CNIL s'est déjà déclarée favorable à des expérimentations utilisant le NIR ; nous conduirons ce travail avec elle dans la phase transitoire.

Enfin, je souhaite m'en tenir au dérivé du NIR et je refuse donc la modification suggérée par M. Dionis du Séjour. On m'a en effet expliqué qu'un tiers connaissant le numéro Insee d'une personne serait en mesure d'accéder au dossier de celle-ci et de croiser les fichiers.

M. Jean Dionis du Séjour - Mais il y a aussi le code d'accès !

M. le Ministre - Beaucoup d'entre vous l'ont souligné, le dossier médical personnel ne sera accepté qu'à condition que personne ne puisse le consulter facilement. Pour cette raison et pour respecter le calendrier prévu tout en contenant la dépense, il m'apparaît que seul un dérivé du NIR peut servir d'identifiant.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous nous trouvons devant un paradoxe : plus on recherche l'efficacité dans cette affaire, plus on accroît les réticences !

Le danger, ici, est moins de voir des tiers accéder aux dossiers - je ne pense pas, en effet, que l'emploi du numéro d'identification rende la chose plus facile - que de voir, un jour, au pouvoir un régime tenté de croiser les fichiers. Et tant que nous aurons des doutes sur la société des hommes, il nous faudra prendre des mesures de précaution ! Cependant, nous nous trouvons pris dans un dilemme entre « faisabilité » et « dangerosité » : plus nous nous attachons à perfectionner ce dossier, plus nous alimentons les réticences de ceux qui craignent une atteinte aux libertés individuelles et plus nous rendons difficile la réalisation de ce dossier. Autrement dit, la recherche de l'efficacité a pour effet d'augmenter le coefficient de viscosité sociale... Je ne puis donc qu'inviter à la prudence. Pour notre part, nous ne voterons pas ces deux sous-amendements.

Mme Martine Billard - Il se pose encore d'autres questions. Il est bien évident que chacun ne peut façonner le dossier comme il l'entend si l'on veut que cet outil soit utile. Dès lors, le gouvernement va probablement lancer un appel d'offres, sur la base d'un cahier des charges, afin de définir la structure de ce dossier. Qu'est-ce qui figurera dans ce cahier des charges ? L'entreprise qui remportera l'appel d'offres sera-t-elle autorisée à utiliser le NIR ou une partie du NIR comme clé d'accès au dossier médical ? Si tel est le cas, même un enfant serait en mesure d'effectuer des couplages avec d'autres fichiers !

M. Jean Dionis du Séjour - Vous oubliez vous aussi le code d'accès !

Mme Martine Billard - Je maintiens qu'il n'y a pas besoin d'être informaticien pour faire des liens ! Les Verts sont donc résolument hostiles à l'emploi du NIR comme clé de fichier !

M. le Rapporteur - Mon souci premier est celui de la sécurité et j'ai entendu des arguments de nature à me rassurer. Mais il faut aussi être efficace et je suis donc favorable au sous-amendement du gouvernement, sans la modification proposée par M. Dionis du Séjour.

M. Jean-Marie Le Guen - Ce n'est pas le rapporteur qui s'exprimait, mais M. Dubernard !

M. le Président - Le rapporteur a le droit de s'exprimer à titre personnel.

M. Maxime Gremetz - Je demande un scrutin public sur le sous-amendement du Gouvernement !

M. le Président - Je suis donc saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur le sous-amendement 8440, deuxième rectification.

A la majorité de 48 voix contre 25 sur 73 votants et 73 suffrages exprimés, le sous-amendement 8440, deuxième rectification, est adopté.

L'amendement 8408 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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