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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 7ème jour de séance, 20ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 9 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      RAPPELS AU RÈGLEMENT 2

      ASSURANCE MALADIE (suite) 4

      AVANT L'ART. 11 4

      ART. 11 5

      SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 24

La séance est ouverte à quinze heures.

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Patrick Braouezec - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58, alinéa 1. Chacun se rappelle que nous avons eu, il y a peu de temps, un débat passionné sur le statut d'EDF. Or, et si l'on en croit un quotidien du soir, il semblerait que le Gouvernement ait fait voter nuitamment un amendement tendant à reculer la limite d'âge imposée aux dirigeants d'une entreprise publique. Nous sommes une fois de plus placés devant le fait accompli, en l'occurrence le fait du prince. C'est aussi une nouvelle provocation envers les salariés d'EDF, qui comprennent bien que c'est pour reclasser un ancien ministre que cette disposition a été prise. On peut bien sûr apprécier que le Gouvernement se soucie ainsi de la réinsertion des ministres remerciés, mais que ne fait-il de même pour les salariés remerciés de LU ou de Moulinex ! Je demande une interruption de séance afin que le Premier ministre vienne s'expliquer sur ce nouveau coup de force.

M. le Président - Je vous accorde cinq minutes de suspension.

M. Patrick Braouezec - Je serais étonné que le Premier ministre vienne dans cinq minutes !

La séance, suspendue à 15 heures 5, est reprise à 15 heures 15.

Mme Muguette Jacquaint - Rappel au Règlement. Pour nous, la question de la santé publique est indissociable de celle de l'assurance maladie et de la sécurité sociale. Mais qui dit santé publique dit aussi prévention et, à cet égard, nous venons de recevoir un fax de la mutualité française qui nous alerte sur le devenir de la revue Santé et Travail, devenue depuis dix ans une référence en la matière. Du fait de son indépendance à l'égard des producteurs et des gestionnaires de risques, elle a acquis une grande crédibilité par rapport à d'autres structures, parfois tentées de minimiser les risques pour ne pas obliger les entreprises à prendre les mesures de prévention qui s'imposent. Cette revue a eu, en particulier, le mérite de faire naître une prise de conscience sur l'amiante, l'exposition aux éthers de glycol, ...

M. le Président - Cela n'a rien à voir avec le règlement.

Mme Muguette Jacquaint - Mais, Monsieur le président, nous en arrivons à l'article 11...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - En êtes-vous sûre ? (Sourires)

Mme Muguette Jacquaint - ...par lequel vous comptez résorber le déficit de la sécurité sociale avec votre mesure de un euro ! Vous me faites penser aux miséreux que l'on rencontre dans la rue et qui nous demandent si l'on n'a pas « dix balles » ! Et parce qu'on est généreux, on les donne ! Pourtant, malgré la générosité des dix balles, votre projet de loi sur la cohésion sociale n'a pas réglé le problème des érémistes qui sont de plus en plus nombreux, sans parler des sans-logis !

M. le Président - Veuillez conclure, votre intervention n'a rien à voir avec un rappel au règlement.

Mme Muguette Jacquaint - En plein débat sur le financement de la sécurité sociale, il importerait de prêter davantage attention à la prévention, et en particulier à cette revue Santé et Travail, qui relève de la loi de 1901.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous nous trouvons dans une situation insurmontable du fait de notre programme de travail, et de la méthode gouvernementale ! Alors que nous débattons d'un texte essentiel, le ministre n'est pas là, car le Gouvernement a organisé en parallèle, au Sénat, un débat sur la santé publique. Alors que l'on traite ici de problèmes de santé, le Sénat démantèle la santé publique, et on interdit ici aux parlementaires d'en alerter l'opinion publique ! Heureusement, la une des journaux est là pour suppléer un Parlement bâillonné !

M. le Rapporteur - Si seulement vous pouviez l'être ! (sourires)

M. Jean-Marie Le Guen - Nous sommes contraints d'être là pour empêcher une autre atteinte à notre système de santé. Et pour couronner le tout, on apprend que, dans la nuit, la gestion de la Haute fonction publique vient d'être mise à bas, et le statut social de certaines entreprises comme EDF, mis en péril ! Nous exigeons des explications du Premier ministre sur la désorganisation organisée de cette session extraordinaire. Le Parlement est bafoué et le Gouvernement tente un coup de force.

M. Jean-Marie Le Guen - Vous voulez profiter de la situation estivale pour ne pas respecter les droits du Parlement.

Nous ne supportons pas la multiplication des mauvais coups. Nous demandons une suspension de séance de vingt minutes, comme l'a obtenue ce matin l'UMP !

M. le Président - Le Gouvernement est représenté au banc par le secrétaire d'Etat chargé de l'assurance maladie. Par ailleurs, vous aurez l'occasion de débattre des sujets que vous venez d'aborder en CMP. Enfin, je vous accorderai une courte suspension de séance après l'intervention de deux députés qui veulent également faire des rappels au règlement.

Mme Martine Aurillac - Depuis vingt-cinq minutes, l'opposition empêche le débat d'avancer ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Patrick Braouezec - On ne peut pas laisser le Sénat prendre de telles décisions sans réagir !

Mme Martine Aurillac - M. Le Guen prétend que l'opposition est bâillonnée, mais si vous vous référez aux comptes rendus de nos séances, vous constaterez que l'opposition prend largement la parole depuis neuf jours ! (Exclamations de Mme Muguette Jacquaint)

Madame Jacquaint, je ne vous ai pas interrompue pendant votre intervention !

Mme Muguette Jacquaint - Vous ne parlez pas assez pour que je vous interrompe ! (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Mme Martine Aurillac - La démocratie, c'est le débat, mais c'est aussi une majorité !

C'est vrai, nous n'avons pas la même conception du sujet. Alors que vous souhaitez conserver l'architecture actuelle d'un régime qui court à sa perte, nous voulons responsabiliser les acteurs de la santé. Ce projet n'est sans doute pas parfait, mais si la réforme était si facile, que ne l'avez-vous lancée avant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Mariton - Dans ce débat, le Parlement est loin d'être bâillonné ! Nous comptons à ce jour plus de 70 heures de débat...

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne savais pas que vous étiez pour les 35 heures !

M. Hervé Mariton - ....plus de 3 000 amendements ont déjà été examinés.

Notre travail se déroule normalement un vendredi 9 juillet. Nous sommes en session extraordinaire comme cela arrive depuis des années à cette période.

Ce matin, l'UMP a demandé une suspension de séance, mais si on fait le bilan horaires des suspensions demandées, on ne dira pas que le groupe UMP abuse !

C'est vrai, ce projet n'est pas parfait, mais nous travaillons à son amélioration, alors que vous vous enfermez dans une opposition caricaturale, et contradictoire - la réforme serait vide, tout en chamboulant tout de notre système de soins !

M. Jean-Marie Le Guen - Votre raisonnement est binaire.

M. Hervé Mariton - Vos critiques sont contradictoires !

Quant aux sujets actuellement débattus au Sénat, vous aurez l'occasion de vous exprimer lors de la CMP.

M. Gaëtan Gorce - A la différence de M. Mariton et du groupe UMP, nous n'acceptons pas que les sessions extraordinaires deviennent une habitude. L'esprit qui a présidé à l'instauration de la session unique est dévoyé. Parce que le Gouvernement a été incapable de s'organiser pour que l'Assemblée examine cette réforme importante dans des conditions normales, nous sommes condamnés à travailler en juillet sept jours sur sept.

Par ailleurs, le ministre n'a nullement répondu à MM. Braouezec et Le Guen sur le fait que le Gouvernement a modifié la loi pour des raisons de convenances. Quelqu'un que le Président de la République a remercié, qui n'a plus été jugé apte à siéger au Gouvernement, on lui offre la présidence d'une grande entreprise publique. Et vous parlez de responsabiliser nos concitoyens !

M. Alain Claeys - Il est inadmissible que le ministre de la santé ne soit pas là alors que c'est lui, et non le secrétaire d'Etat, qui a tant et plus médiatisé ce texte. Et s'il n'est pas là, c'est parce que le Gouvernement est incapable de coordonner le travail des deux assemblées.

Ce qui s'est passé cette nuit au Sénat est d'ailleurs inadmissible !

M. Richard Mallié - Et ce qui se passe ici depuis neuf jours ?

M. Alain Claeys - Vous n'avez pas hésité à modifier les règles du jeu, en session extraordinaire, pour des convenances personnelles. Retarder ainsi l'âge de départ en retraite du Président de leur entreprise, c'est une insulte pour les personnels d'EDF-GDF !

La séance, suspendue à 15 heures 35, est reprise à 15 heures 40.

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

AVANT L'ART. 11

M. Jean-Marie Le Guen - Notre amendement 7864 a trait à un sujet sensible. Malheureusement, dans notre pays comme ailleurs, des jeunes filles sont victimes de pratiques que la loi française réprouve, douloureuses à tout point de vue, d'abord pour leur dignité de femmes. Des associations et des services de l'Etat agissent avec détermination pour lutter contre ces excisions et, grâce à un certain nombre de médecins, une chirurgie réparatrice de ces mutilations est désormais possible. Mais elle n'est pas prise en charge automatiquement par la sécurité sociale. Le Gouvernement peut-il clarifier ce point ?

Ensuite, il me paraît fort important que le contenu du panier de soins, c'est-à-dire les actes qui sont remboursés ou non, soit défini par le pouvoir politique et qu'il ne comporte pas que des actes à cause purement médicale. La Haute autorité qui va être constituée doit donner des avis au pouvoir politique, mais ce dernier doit rester responsable de la décision finale.

M. le Rapporteur - Je voudrais d'abord saluer le travail d'un de mes collègues urologues de la région parisienne, qui permet à ces jeunes victimes de retrouver une anatomie normale et une qualité de vie satisfaisante. Je voudrais ensuite savoir pourquoi cet amendement est placé avant l'article 11.

M. Jean-Marie Le Guen - Il n'a aucun rapport avec l'article 11.

M. le Rapporteur - Enfin, pourquoi demander encore un rapport de plus ?

M. Jean-Marie Le Guen - Vous le savez bien ! Pour contourner l'article 40 !

M. le Rapporteur - Mais vous savez bien que ce rapport n'apportera aucune solution au problème !

L'excision est une mutilation au sens du code pénal français. Elle peut relever de la cour d'assises, et donc valoir à la personne des dommages et intérêts qui devraient couvrir les frais de l'intervention. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - En la matière, l'intolérable rejoint l'illégal, et l'enjeu est la dignité de la femme. L'excision est une pratique illégale. Selon l'académie de médecine, elle peut conduire à des complications graves. Une réponse chirurgicale existe dorénavant. Comme pour d'autres actes de chirurgie réparatrice, les femmes ayant souffert d'excision peuvent dans certains cas être prises en charge par l'assurance maladie. Une clarification est néanmoins nécessaire. Le rapport que vous proposez, même si j'ai bien compris qu'il s'agissait de contourner l'article 40, n'est pas une solution. Je préfère m'engager à saisir la Haute autorité, lorsqu'elle sera constituée, afin qu'elle définisse précisément les indications thérapeutiques spécifiques à ce type d'acte. Je suis donc défavorable.

M. Edouard Landrain - Cet amendement est l'exemple même d'une bonne idée, qui fait consensus, mais qu'on ne peut inscrire dans la loi. Le sujet sera traité par la Haute autorité et dans le cadre contractuel. Il sera ensuite tout naturellement réglé par un texte réglementaire. Je partage donc l'avis du rapporteur et du ministre.

M. Hervé Mariton - M. Le Guen a posé une bonne question, le ministre a apporté une bonne réponse. La représentation nationale rappelle qu'elle considère l'excision comme une mutilation et un acte indigne. Cette mutilation appelle une réparation qui doit être prise en charge par l'assurance maladie. Nous attendons donc les effets, dans la pratique, de l'engagement pris par le ministre.

M. Jean-Marie Le Guen - Au plan pratique, la nécessité d'intervenir ne fait pas débat. Je trouve donc très regrettable d'avoir à attendre plusieurs mois, voire plusieurs années, que la Haute autorité soit constituée, qu'elle sois saisie, qu'elle émette un rapport et que celui-ci entre dans la pratique - tout cela alors que l'académie de médecine s'est déjà prononcée pour le remboursement !

Sur le fond, j'appelle votre attention sur le fait que la santé ne dépend pas toujours d'un problème médical : l'acte de chirurgie dont il est ici question a surtout pour objectif la dignité de la femme, et il me semble que l'assurance maladie doit le prendre en charge. Le rapporteur nous a répondu sur un plan juridique, en faisant intervenir un droit à compensation. Nous préférons à ce droit à compensation des actions de solidarité et de politique sociale. Nous ne voulons pas laisser au juge ces pans d'un droit social qui doit être défini par le pouvoir politique, et non régi par le code civil.

Enfin, ceux parmi vous qui sont favorables à la prise en charge par l'assurance maladie renvoient à la Haute autorité. Celle-ci n'a pas fonction à nous donner des avis qui touchent la dignité humaine ! Elle doit déterminer ce qui est bon pour la santé, ou si un traitement est efficace, elle n'a pas à se substituer au pouvoir politique. Je ne vois pas l'intérêt de ce renvoi, si ce n'est pour des raisons financières.

M. Edouard Landrain - Il n'y a pas tant de cas !

M. Jean-Marie Le Guen - Ce renvoi conférerait à la Haute autorité des responsabilités qu'elle n'a pas à assumer. C'est l'Etat qui doit rester garant de la dignité de la personne humaine et de l'état de santé du pays. L'assurance maladie est l'outil qui lui permet d'assurer cette fonction.

L'amendement 7864, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 11

M. Jean-Luc Préel - L'article 11 propose d'instaurer une contribution forfaitaire des assurés pour chaque consultation ou chaque acte réalisé par un médecin, à l'exception des hospitalisations, des malades couverts par la CMU et des mineurs. Il s'agit d'une des mesures les plus médiatisées de ce projet. Ce forfait a le mérite de faire prendre conscience du coût de la santé. Or, l'UDF est favorable à la responsabilisation du patient. Si les dépenses de santé sont très spécifiques, les études montrent en effet que certaines sont dues au sentiment de gratuité des soins, lié au tiers payant. Mais il ne faudrait pas créer d'obstacle à l'accès aux soins. Ce n'est pas le cas d'une contribution d'un euro, que d'aucuns trouvent même insuffisante pour responsabiliser les patients.

En revanche, de nombreux assurés s'inquiètent de l'évolution de cette contribution. Est-elle appelée à augmenter à court terme, sachant que le forfait hospitalier est passé de l'équivalent de trois euros, lors de son instauration dans les années 1980, à treize euros aujourd'hui et seize en 2007 ? Les assuré craignent une remise en cause, à terme, de l'universalité de l'accès aux soins.

S'agissant du champ de la contribution, dès lors que des exclusions sont prévues - je m'étonne d'ailleurs de celle qui concerne les mineurs, ceux-ci étant couverts par leurs parents -, il conviendrait de les étendre aux personnes souffrant d'une affection de longue durée. En effet soit la contribution s'applique à chaque assuré sans exception, soit il faut tenir compte de la situation spécifique de ces personnes, qui sont amenées, du fait de leur maladie, à consulter fréquemment.

Enfin, Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur les modalités de recouvrement de cette contribution ? En effet les médecins ne semblent pas vouloir participer à la « récolte » ; de plus, comment fera-t-on lorsque le patient est au tiers-payant ?

Mme Janine Jambu - Cet article vise, dit l'exposé des motifs, à « responsabiliser l'assuré dans son comportement de soins ». L'UNCAM sera chargée de fixer le montant du forfait - qui s'ajoute au ticket modérateur -, dans les limites et conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Dans l'attente de sa décision, ce montant sera fixé par décret ; le ministre de la santé a d'ores et déjà annoncé qu'il sera d'un euro.

Ce dispositif sous-entend que la forte croissance des dépenses de santé s'expliquerait par le sentiment des assurés sociaux d'une quasi gratuité des soins et qu'en conséquence, il faudrait les frapper au porte-monnaie. Il est même prévu à l'article 32 d'inciter, par des mesures fiscales, les organismes d'assurance complémentaire à ne pas prendre en charge ce forfait.

L'expérience du forfait hospitalier prouve qu'en fait, il ne s'agit nullement de responsabilisation, mais de mesure comptable ; et comme le forfait hospitalier, qui est passé d'environ 3 euros lors de son institution en 1982 à 14 euros aujourd'hui et devrait encore augmenter d'1 euro par an d'ici à 2007, ce forfait-ci sera amené à croître régulièrement.

De même, donc, que nous réclamons la suppression du forfait hospitalier, qui est inefficace et constitue une barrière à l'accès aux soins, nous nous opposons catégoriquement à ce nouveau forfait, dont le seul effet sera, dans quelques années, de faire réellement obstacle à l'accès aux soins des plus démunis.

Ceux-ci ne seront pas touchés, nous répond-on, puisque les bénéficiaires de la CMU sont exclus du dispositif ; mais qu'en sera-t-il pour les familles dont le revenu se situe juste au-dessus du seuil d'attribution de la CMU ? Ne croyons pas que l'aide de 150 euros par an qui leur sera offerte pour souscrire une assurance complémentaire au rabais résoudra leur problème !

Nous nous opposons donc avec détermination à cet article qui instaure une discrimination par l'argent.

Mme Martine Billard - Le Gouvernement ne manque pas d'humour en intitulant « Le recours aux soins » la section qui commence par cet article... Mais le titre exact serait « Le recours au porte-monnaie » !

Cette participation du patient sera automatique, souligne le rapporteur. Autrement dit, que le patient soit vertueux ou pas, il paiera : drôle de conception de la responsabilisation !

Qu'on ne nous dise pas que les soins sont gratuits. Nos concitoyens paient la CSG et des assurances complémentaires, qui leur coûtent au minimum 30 euros par mois ; quand ils vont chez un médecin de ville, il n'y a pas de tiers-payant ; quant à l'optique et aux soins dentaires, ne parlons pas de leur coût !

L'exclusion des personnes bénéficiant de la CMU ne vise pas du tout à assurer l'accès des plus démunis aux soins : on nous a expliqué en commission qu'elle résultait de la difficulté matérielle de faire payer 1 euro à des personnes qui, pour le reste, sont prises en charge directement. Mais rien ne dit dans le projet que le forfait sera bien d'1 euro, ni surtout de combien il sera dans dix ans...

Au demeurant, les exceptions sont en retrait par rapport à celles qui sont prévues à d'autres endroits du code de la sécurité sociale. Entend-on « responsabiliser » des personnes qui sont atteintes d'une maladie professionnelle, qui ont eu un accident du travail, ou des femmes enceintes, ou encore des personnes atteintes d'affections psychiatriques ? Le langage politique cache de plus en plus souvent la vérité des choses ; il en est ainsi de cette « responsabilisation », dont nos concitoyens s'apercevront bien vite qu'elle consiste à les faire payer... Ayez au moins le courage de le dire. Le baron Seillière ne nous a pas caché qu'il souhaitait aller vers un système à l'américaine !

M. Gérard Bapt - Cet article constitue le début de la machine à déremboursement. Où est la « maîtrise médicalisée » dans le fait d'instaurer un forfait, donc un déremboursement ? Le médecin aura-t-il une petite tirelire à l'entrée de son cabinet pour récolter ce fameux euro ?

Sous couvert de responsabilisation du malade, on crée en fait une nouvelle recette de poche pour l'assurance maladie. Il eût mieux valu le dire, et dire aussi qu'il ne s'agirait pas d'une contribution « symbolique ». M. Guillaume a d'ailleurs eu la logique de réclamer une contribution plus effective. Il a proposé un amendement à cinq euros, puis à trois, la commission les a repoussés parce qu'ils faisaient mauvais effet. Des cas d'exonération sont annoncés. Qu'en sera-t-il des consultations au service des urgences ne donnant pas lieu à hospitalisation ?

Face au déficit abyssal de l'assurance maladie que vous avez laissé se créer, vous tentez de faire croire à la population qu'elle doit progressivement réduire sa participation aux dépenses de santé au profit de l'assurance individuelle. Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française, déclarait récemment que jamais on n'avait réussi à modérer la consommation médicale en faisant payer le patient davantage. Le cas des Etats-Unis le prouve bien. Comment croire qu'en taxant les seuls malades vous responsabiliserez l'ensemble de la société ? Ce forfait d'un euro est en fait une mesure de plus tendant à transférer des dépenses de santé relevant du régime obligatoire de l'assurance maladie vers les organismes complémentaires. C'est pourquoi votre projet représente pour les assurances comme un cheval de Troie leur permettant d'intervenir dans la définition du panier de soins. Les articles 11 et suivants illustrent votre volonté non pas de revenir à l'équilibre financier en 2007, ce qui est impossible, mais d'alléger le régime de base au profit de l'assurance individuelle.

M. Claude Evin - L'idée qu'il faut faire prendre conscience au malade, ce pervers, que les soins ont un coût n'est pas nouvelle. Je renvoie à la discussion des lois de 1928. C'est ainsi qu'a été créé le ticket modérateur, destiné à modérer, précisément, la consommation de soins. Soixante-quinze ans plus tard, il apparaît que cette idée n'a pas produit les effets attendus. Là n'est donc pas la solution. Balayons la fausse croyance selon laquelle la sécurité sociale prendrait totalement en charge les dépenses de santé des assurés sociaux. Comme le montre la commission des comptes de la sécurité sociale pour 2003, les ménages supportent 10% des dépenses de soins. En moyenne, l'assurance maladie prend en charge 75,8% de ces dépenses.

Le forfait d'un euro a sa petite histoire. C'est le Premier ministre qui, à la télévision, a sorti cette idée. Qui peut croire qu'elle contribuera à réduire la consommation de soins ? Un rapport de l'OCDE montre que dans les pays qui ont augmenté la contribution des assurés sociaux, les dépenses de santé n'ont pas diminué. La meilleure façon de réduire ces dépenses est d'organiser l'offre de soins, en allant s'il le faut jusqu'à réexaminer les modes de rémunération des professionnels libéraux.

M. Gaëtan Gorce - La contribution forfaitaire d'un euro est critiquable dans son principe et dans ses modalités. La démarche de responsabilisation, incontestable en soi, ne doit pas s'adresser aux seuls assurés sociaux. Or les professionnels de santé ne sont pas associés à l'effort demandé. D'autre part, la responsabilisation pourrait emprunter d'autres voies que celle de la pénalisation financière. Car la prétendue responsabilisation est en vérité pénalisation.

Dans les faits, votre mesure aura des conséquences graves, car à coup sûr cet euro va faire des petits. Une fois la porte ainsi ouverte, pourquoi s'arrêter ? Le montage financier de votre réforme est en effet loin d'être assuré, et vous aurez besoin de ressources complémentaires. Votre euro ne fera donc pas beaucoup d'heureux ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il existait une autre façon de procéder, plus courageuse mais plus efficace : agir sur le parcours et l'offre de soins.

M. Jean-Marie Le Guen - La contribution d'un euro a attiré l'attention de l'opinion publique. S'il suffit d'un euro pour sauver la sécurité sociale, se sont dit nos compatriotes, payons-le sans hésiter. Or, on le sait bien, cet euro ne sauvera rien.

Dans un premier temps, vous avez mis en avant le seul objectif de sauvetage financier, mais, éclairés par la note de Bercy et par les analyses de bien d'autres institutions, les Français savent qu'ils peuvent dès maintenant pleurer cet euro perdu ! Pour eux, l'affaire est jugée : cette franchise ne sauvera pas l'assurance maladie et elle est appelée à croître. A 85 %, ils sont même convaincus qu'en conséquence, ils devront dépenser de plus en plus pour leur couverture complémentaire...

Cependant, lorsque le débat parlementaire a commencé, il n'a plus été question pour vous de cet objectif financier. Même, chaque fois que nous avons abordé ce point, vous nous avez taxés de mesquinerie : ce qui importait à vous entendre, c'était de responsabiliser nos concitoyens et d'améliorer notre système de santé ! Or il n'est pas un pays au monde où l'on pense que ce genre de frein à la consommation de soins primaires permette d'aboutir à un tel résultat. L'exemple allemand, qu'on nous oppose, est tout sauf probant : certes, pour des raisons d'ailleurs strictement financières, ils viennent d'instituer un ticket modérateur mais, ce faisant, ils n'ont fait que nous imiter et on ne peut en prendre prétexte pour relever le montant de ce ticket et reprendre en quelque sorte de l'avance sur eux, surtout si c'est en invoquant des motifs autres que financiers !

Pour le reste, aussi bien dans le HMO américain que dans le NHS britannique ou dans les systèmes scandinaves, personne ne pense qu'on puisse améliorer la qualité et l'efficacité des soins en faisant payer ceux-ci plus cher.

Même si cette franchise est pour le moment modeste, elle pèsera avant tout sur les plus pauvres et sur les plus malades, sans considération pour leur parcours de soins. C'est donc la mesure la plus injuste qui soit. Pourtant, c'est à partir de là que vous édifiez toute une théorie du ticket modérateur d'ordre public !

M. Hervé Mariton - Zéro...

M. Jean-Luc Préel - ...Pointé !

Mme Elisabeth Guigou - Cet article 11 est à la fois injuste, inefficace et dangereux.

Injuste : la franchise pèsera avant tout en effet sur les plus modestes. On nous dit qu'elle ne sera que d'un euro, mais quelle assurance en avons-nous puisqu'on renvoie la fixation de son montant à un décret ? Nous pouvons même gager qu'elle sera appelée à grossir... Supposons toutefois qu'on en reste à un euro : c'est déjà énorme pour des personnes qui, comme en Seine-Saint-Denis, ne peuvent déjà pas payer leur transport jusqu'aux centres où on leur offre un bilan de santé gratuit ! Or vous avez déjà relevé le forfait hospitalier de 10,64 à 13 €, limité les exonérations de ticket modérateur pour certains actes chirurgicaux ou diagnostics lourds et réduit le remboursement des spécialités homéopathiques.

Cet article est également inefficace : comme on vient de le dire, jamais un ticket modérateur n'a influé sur l'offre ni sur la consommation de soins. Le Haut Conseil de l'assurance maladie vient d'ailleurs de le confirmer dans un rapport : selon lui, un reste à charge doit, pour être efficace, atteindre un niveau suffisant pour entraîner un report des soins ou un renoncement aux soins et, surtout, n'oriente en rien vers une consommation de soins de qualité. Il n'y aura donc ni modération de la consommation ni rationalisation.

Enfin, cet article est dangereux : cette franchise ne contribuera pas plus que la carte Vitale ou le dossier médical personnel à faire disparaître le déficit de l'assurance maladie, et vous ne faites donc que semer de l'illusion. Dans la situation où vous avez plongé l'assurance maladie en septuplant son déficit en deux ans, il eût fallu des mesures autrement courageuses (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Avec celles-ci, nous pouvons être sûrs que, dans deux ou trois ans, nous nous retrouverons avec un déficit au moins égal au déficit actuel. Simplement, entre-temps, vous aurez pénalisé les plus modestes et culpabilisé les patients.

M. Hervé Mariton - Cette mesure n'est qu'un élément de la réforme, mais c'en est un élément important. Le groupe socialiste distille critiques, rappels, références, conseils et leçons, mais bien peu d'analyses ! Outre qu'il n'a pas non plus beaucoup d'actes précis à faire valoir, son discours est assez incohérent : M. Le Guen défend le ticket modérateur et M. Evin le critique -sans l'avoir remis en cause lorsqu'il était au Gouvernement...

Mme Elisabeth Guigou - En tout cas, nous ne l'avons pas relevé, nous !

M. Hervé Mariton - Je le répète, cette disposition n'est qu'un des éléments susceptibles d'agir sur le niveau des dépenses de santé. Mais elle a le mérite de la simplicité et elle sera donc facilement compréhensible. Comme elle garantira en outre des ressources bien utiles à l'assurance maladie tout en favorisant des comportements plus rationnels et responsables, et qu'elle est à la fois intelligente, équilibrée et juste, elle appelle autre chose que la dérision !

Comme l'a dit un de nos collègues dans la discussion générale, si l'on en est arrivé au point que les Français venant consulter un médecin ne pourraient payer un euro, notre pays est tombé bien bas ! Mais nous n'en sommes pas là, pensons-nous, et nous sentons en nous assez d'énergie pour responsabiliser nos compatriotes. Toutefois, le projet exonère de cet euro les plus défavorisés et, pour ceux-là, la responsabilisation empruntera d'autres voies.

Cette mesure de bon sens constitue une vraie nouveauté, qui a été bien accueillie par le plus grand nombre des assurés sociaux.

Certains essaient de caricaturer la mesure, mais en réalité elle passe bien auprès des Français, qui la trouvent juste et de bon sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Edouard Landrain - Entre Monsieur « Je sais tout » et Madame « Je n'ai rien fait », qui viennent de nous quitter, nous avons pris une leçon ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Pour ma part, je constate que les gens, y compris ceux qui n'ont pas de grosses possibilités financières, comprennent bien la mesure et qu'ils ne trouvent pas excessif d'avoir à payer un euro. Comparé au prix d'un paquet de cigarettes, d'un Carambar ou d'une place pour un match de football, c'est raisonnable (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Symboliquement, il ne faut pas lâcher sur cette affaire, Monsieur le ministre.

Je conseille à M.Le Guen de lire le dernier Que sais-je ? sur la réforme des systèmes de santé ou encore le rapport de mission que j'ai pu faire. Il est faux de dire, comme il l'a fait, qu'il n'existe pas de ticket modérateur en Allemagne. Pour les séjours hospitaliers, il est de 10 euros par jours au lieu de 9 auparavant ; et il existe aussi une taxe sur la consultation. Ce système marche bien, puisque pour la première fois depuis dix ans, les comptes de la sécurité sociale allemande sont passés au vert.

Cette mesure symbolique ne suffira évidemment pas. Mais ajoutée aux autres, elle contribuera à sauver l'assurance maladie, alors que si nous ne faisons rien, celle-ci continuera à chuter.

Mme Muguette Jacquaint - Je ne sais pas si la hausse du ticket modérateur marche bien en Allemagne, mais je constate en tout cas que les résultats électoraux de Gerhard Schröder ne sont pas fameux, non plus que les vôtres d'ailleurs, Messieurs !

Pendant des jours et des mois, certains ont grossi à plaisir le déficit de la sécurité sociale et ont répété aux Français que, bientôt, ils ne pourraient plus se soigner. Aujourd'hui, on leur annonce que s'ils acceptent de donner un euro, cela permettra de la sauver. Dans ces conditions, un euro, cela peut paraître peu.

M. Edouard Landrain - Vous le reconnaissez vous-même !

Mme Muguette Jacquaint - Mais demain, combien leur demandera-t-on ? Entre le ticket modérateur, le forfait hospitalier et la CSG, les assurés sociaux paient déjà beaucoup. Sans parler de ce qui ne leur est plus remboursé. On nous explique que cette franchise d'un euro est principalement destinée à les responsabiliser. Mais pourquoi ne songe-t-on jamais à responsabiliser le Medef ? Pourquoi n'augmente-t-on jamais les cotisations sociales patronales ? Serait-ce parce que l'on tient ce partenaire-là pour irresponsable ? Ce qui ne serait pas tout à fait faux d'ailleurs... Pour ma part, je considère que si l'on veut responsabiliser et faire participer, il faut responsabiliser et faire participer tout le monde.

M. Edouard Landrain - C'est ce qu'on fait.

M. le Secrétaire d'Etat - Avant que nous examinions les amendements, je voudrais intervenir sur cet article que le Gouvernement et sa majorité considèrent comme important et qui l'est aussi pour les Français, qui ont compris qu'il s'agissait là avant tout d'une mesure de responsabilisation.

Vous avez dit, Monsieur Gorce, qu'il ne fallait pas jouer sur les mots, ce qui ne vous a pas empêché d'enchaîner sur un jeu de mots assez inapproprié. A de tels jeux, on risque de creuser le fossé entre les responsables politiques et l'opinion.

M. Préel a souligné à juste titre que le paiement d'un euro ne constitue aucunement un obstacle dans l'accès aux soins, et ce d'autant moins que de nombreuses exonérations sont prévues...

M. Jean-Marie Le Guen - Pour qui ?

M. le Secrétaire d'Etat - Cette contribution forfaitaire n'a pas vocation à augmenter (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste du groupe des députés communistes et républicains) car elle n'est pas de même nature que par exemple le forfait hospitalier, qui est destiné à couvrir une partie d'un coût, tandis qu'elle est faite avant tout pour favoriser une prise de conscience. C'est d'ailleurs bien pourquoi nous n'avons pas voulu qu'elle puisse être prise en charge par les organismes complémentaires...

M. Jean-Marie Le Guen - Elle le sera !

M. le Secrétaire d'Etat - Mais non. J'ajoute que cette contribution ne concerne ni les enfants de moins de 16 ans ni les titulaires de la CMU.

Le recouvrement se fera, dans la plupart des cas, sous forme d'une retenue d'un euro sur les remboursements effectués par les caisses d'assurance maladie. Pour les personnes qui sont au tiers payant intégral, il y aura constitution d'une sorte de créance qui pourra être récupérée en fin d'année (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Jambu s'indigne que l'on frappe au porte-monnaie. Rappelons qu'il ne s'agit que d'un euro, que plusieurs exonérations sont prévues et que le but est de favoriser une prise de conscience. La mesure n'est pas comptable, Madame Jambu, ni financière. Si elle l'était, croyez-vous qu'elle ne représenterait que 5 % du plan de modernisation ? Nous avons refusé de faire le choix qu'ont fait d'autres pays de mesures purement financières telles que la baisse du taux de remboursement ou l'application d'une franchise de 200 ou 300 euros par an.

Madame Billard, je vous rassure, l'égalité aux soins n'est nullement entravée, et nous ne nous orientons pas vers un système à l'américaine. Nous croyons en l'avenir d'un système de santé à la française, et nous continuerons à vous le prouver.

Vous prétendez qu'il est utopique de vouloir responsabiliser...

Mme Muguette Jacquaint - Elle n'a pas dit cela !

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne le crois pas. M. Landrain l'a très bien démontré dans son rapport, cette responsabilisation est possible, et je la crois même souhaitée par nos concitoyens.

Mme Martine Billard - Oui, mais pas par l'argent !

M. le Secrétaire d'Etat - Ce dont M. Bapt a rêvé a été exaucé grâce à l'art du spectacle de M. Le Guen (M. le secrétaire d'Etat désigne la tirelire déposée devant M. Le Guen), mais il est évident qu'il n'y aura pas de tirelire chez le médecin, et j'ai expliqué à M. Préel de quelle manière cet euro serait perçu. La caricature peut être laissée de côté et personne n'a intérêt à jouer les Cassandre.

Quant à l'accueil aux urgences, cet euro est perçu s'il n'y a pas d'hospitalisation, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

Vous avez évoqué la question du panier de soins, mais nous avons choisi de ne pas modifier la frontière entre le régime complémentaire et le régime obligatoire, alors qu'un certain nombre de plans de financement de la sécurité sociale que vous avez soutenus n'étaient pas aussi rigoureux quant à la préservation du régime obligatoire et du niveau de remboursement.

Enfin, les régimes complémentaires d'un peu de plus de trois millions de Français, en particulier les enseignants, prévoient un reste à charge qui se situe justement aux environs de cinq pour cent, notamment pour les médicaments. Et cet euro représente 5 % de la consultation d'un généraliste. Vous voyez bien qu'il ne s'agit pas d'un tout nouveau système, étranger à nos concitoyens.

Monsieur Evin, il ne s'agit pas de dénoncer les comportements pervers des uns ou des autres, mais tout simplement de faire prendre conscience du coût de l'acte médical. On dit souvent que la santé n'a pas de prix, mais un coût. Cette mesure est soutenue par l'ensemble du Gouvernement parce que nous y croyons. Nous en avons rejeté d'autres, qui répondaient à une logique financière et comptable.

J'aurais aimé, Monsieur Gorce, qu'au lieu de caricaturer, vous nous fassiez des propositions alternatives.

M. Gaëtan Gorce - C'est vous qui caricaturez !

M. le Secrétaire d'Etat - Puisque vous avez insisté sur le parcours de soin, je vous invite à prendre toute votre part à ce débat, car c'est justement l'enjeu de cette réforme. En effet, plutôt que de céder à la facilité d'augmenter prélèvements et recettes, nous avons choisi de réorganiser l'ensemble de notre système de soins, comme nous y invitait le Haut conseil pour l'assurance maladie.

Monsieur Le Guen, vous avez parlé d'une mesure financière pour un dispositif qui ne représente que 4 à 5 % de l'enjeu financier de la réforme !

M. Jean-Marie Le Guen - C'est vous qui le dites !

M. le Secrétaire d'Etat - Madame Guigou, cette mesure n'est pas injuste, puisqu'au nom de l'équité, nous en avons exonéré un certain nombre de Français : les enfants, les femmes enceintes et les bénéficiaire de la CMU.

M. Jean-Marie Le Guen - Et les urgences ?

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai déjà répondu.

M. Jean-Marie Le Guen - Donc, non !

M. le Secrétaire d'Etat - Enfin, nous allons mettre en place un plafond pour les personnes atteintes de maladie chronique, afin qu'elles ne soient pas pénalisées. Nos choix conviennent aux Français, et nous continuerons dans cette voie, même si cela doit faire naître chez vous le regret de n'avoir pas agi ainsi.

Monsieur Mariton, merci d'avoir dénoncé la dérision dont ont fait preuve certains députés socialistes, et qui n'a pas sa place dans ce débat. Vous avez eu raison de le souligner, cette mesure est juste, notamment en raison des exonérations qu'elle prévoit.

Monsieur Landrain, merci pour vos propos de bon sens, et votre rappel du contexte européen : si d'autres ont réussi dans la voie de la responsabilisation, pourquoi pas nous ?

Madame Jacquaint, nous voulons responsabiliser tous les acteurs de santé, car les efforts doivent être supportés par tous !

Grâce à la modification des comportements, cette réforme réussira ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Je suis saisi de 161 amendements de suppression de l'article 11. Nous en venons aux amendements identiques 1012 à 1023.

Mme Muguette Jacquaint - Je les ai déjà présentés lors de mon intervention sur l'article.

M. le Président - Je suis saisi des amendements identiques 6147 à 6295.

M. Jean-Marie Le Guen - Cet article témoigne du mépris du Gouvernement à l'égard des conditions sociales dans lesquelles vivent nos concitoyens. J'ai reçu une lettre d'un retraité du 13e arrondissement, dont la pension s'élève à un peu plus de 1 000 euros, et qui a tenu à me faire part de ce qu'il pouvait dépenser pour sa santé en un mois. Sur les 40 euros versés à un ORL, la sécurité sociale l'a remboursé de 20,16 euros et sa mutuelle de 8,64 euros. Il reste donc 11,20 euros à sa charge, auxquels s'ajoutent, selon le même principe, 4 euros à la suite de la consultation d'un généraliste. La responsabilisation, il sait déjà ce que cela signifie, et il n'a pas besoin de votre euro supplémentaire. Et je ne parle pas des cotisations sociales qu'il a versées durant toute une vie de labeur, ni de la couverture complémentaire qu'il a dû se payer.

Quant au forfait hospitalier, ...

M. Hervé Mariton - Vous ne l'avez pas supprimé ?

M. Jean-Marie Le Guen - En tout cas, nous ne l'avons pas augmenté, alors que vous l'avez accru de 40 % ! Prenons l'exemple d'un salarié au SMIC, en arrêt maladie et hospitalisé pendant un mois : en 2007, il ne lui restera plus que 450 francs pour vivre contre 1 050 dans le système actuellement en vigueur. Voilà la réalité ! Certains parlent avec ironie et mépris du problème que poserait cet euro...

M. Hervé Mariton - Pas chez nous !

M. Jean-Marie Le Guen - ...mais quand on verra dans quelle situation vous avez placé les médecins, on pourra rire ! Et je ne parle pas du cadre juridique, ni de ce ticket modérateur d'ordre public dont vous pourriez demander à Raymond Barre ce qu'il en pense, et à propos duquel vous devriez vous souvenir de la décision du Conseil constitutionnel en 1979 ! Vous faites preuve d'une démagogie insoutenable en parlant de responsabilisation, c'est une honte ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Cet article et l'idée de responsabiliser les professionnels et les patients ne sauraient être isolés de l'ensemble d'un texte destiné à améliorer la qualité des soins au bénéfice de tous les Français.

Comme l'a dit M. Landrain, il ne s'agit que d'une contribution modeste et je crois que nous pourrions parvenir à un consensus, comme sur d'autres aspects du projet, afin que cette réforme dure et survive aux alternances.

La commission a rejeté les amendements de suppression parce que cette contribution n'est pas un obstacle à l'accès aux soins ; parce que son montant est modeste ; parce que de nombreuses exonérations sont prévues ; parce qu'un plafonnement annuel pourrait être institué comme l'a suggéré notre collègue Jacques Le Guen ; parce que les actes réalisés au cours d'une hospitalisation ne seront pas visés.

Enfin, en liant les exonérations au non-remboursement de la franchise, je crois que l'article 32 dissuadera les complémentaires de rembourser cet euro.

M. le Président - Sur le vote des amendements de suppression, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Hervé Mariton - Je rappelle à nos collègues socialistes la nécessité que nos débats aient une certaine tenue. Vous nous accusez de mépris envers les assurés...

M. Gérard Bapt - Et même d'agressivité !

M. Hervé Mariton - ...mais chacun est juge de l'attitude de mépris et de dérision de celui qui a cru bon de décorer son pupitre avec un jouet qui n'a pas sa place ici... Vraiment, la représentation nationale et ce sujet méritent mieux que cette attitude assez minable. Je crois aussi, Monsieur Le Guen que ceux qui vous ont élu attendent autre chose de vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt - Un brin d'humour ne fait pas de mal de temps à autre... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Si la majorité ne fait pas preuve de mépris, du moins se montre-t-elle indifférente vis-à-vis des assurés...

M. Hervé Mariton - Je demande une suspension pour que M. Le Guen retire ce jouet.

M. le Président - Je suis persuadé qu'il se souvient des protestations des députés socialistes quand un député UMP avait déposé une figurine sur son pupitre et je suis sûr qu'il va retirer cet objet du sien...

M. Jean-Marie Le Guen - Certainement pas !

M. le Président - Je le regrette et je vous rappellerai les propos tenus alors.

M. Jean-Marie Le Guen - Et vous, voulez-vous que nous rappelions certaines de vos déclarations ?

M. Gérard Bapt - J'aimerais quand même qu'on m'explique en quoi le fait de payer un euro lors des consultations aux urgences hospitalières responsabilisera qui que ce soit... Vous oubliez que ces services sont souvent le seul lieu d'écoute, surtout la nuit.

J'ajoute que la position du secrétaire d'Etat est en contradiction avec l'engagement que le ministre avait pris à ce propos auprès du Dr Pelloux.

A la majorité de 41 voix contre 12 sur 55 votants et 53 suffrages exprimés, les amendements de suppression 1012 à 1023 et 6147 à 6295 ne sont pas adoptés.

M. Hervé Mariton - Je demande une suspension de séance pour permettre à notre collègue d'adopter une attitude plus conforme à la dignité que l'on est en droit d'attendre de cette assemblée, qui ne saurait être transformée en ménagerie.

La séance, suspendue à 17 heures 25, est reprise à 17 heures 35.

M. Jean-Marie Le Guen - Je voudrais remercier les fonctionnaires de cette Assemblée d'avoir bien voulu défendre mon patrimoine, menacé durant la suspension par un de mes collègues de droite qui s'est senti à ce point troublé qu'il a voulu se faire justice lui-même... (Sourires) Ce cochon ne veut bien évidemment exprimer aucune dérision à l'encontre de l'Assemblée. Il ne correspond aucunement non plus à une image que je voudrais vous renvoyer !

M. Hervé Mariton - Ça s'arrange !

M. Jean-Marie Le Guen - Il est là à la demande de mes confrères médecins du 13e arrondissement.

M. Hervé Mariton - Je croyais que vous n'étiez pas ici pour représenter les médecins ?

M. Jean-Marie Le Guen - Il est indispensable à la perception du forfait d'un euro. Plus de 60% des actes étant pris en charge par télétraitement, le médecin sera en effet obligé de réclamer lui-même cet euro, à chaque consultation ou presque. Cet objet doit donc trôner, à côté du stéthoscope, sur son bureau et constituera, avec le dossier médical personnalisé, un des grands outils de la modernisation des cabinets médicaux. J'envisageais que ce prototype soit distribué par le Gouvernement à tous les médecins.

M. le Secrétaire d'Etat - Article 40 ! (Sourires)

M. le Président - Votre groupe avait fait un rappel au Règlement et demandé une suspension de séance le 17 juin 2003, quand un membre du groupe UMP était venu avec une tortue en peluche - le président avait d'ailleurs relevé que vous aviez gagné en lenteur sur elle !

Nous avons eu une bouteille d'eau il y a deux jours, aujourd'hui une tirelire...

Mme Muguette Jacquaint - Il y a eu un citron !

M. le Président - Et les fiches de M. Gremetz et son minuteur! J'aimerais qu'on respecte le Règlement et qu'on en revienne au débat...

M. le Secrétaire d'Etat - Il ne faudrait tout de même pas que l'humour fasse croire à ce qui n'est que caricature. Ainsi que je l'ai déjà dit, il n'est pas question que l'euro soit perçu physiquement chez les professionnels de santé, ni pour les malades au tiers payant, ni pour les autres. L'image de la tirelire ne correspond donc nullement à ce que sera la réalité. Le dispositif a été mis au point avec les différentes caisses d'assurance maladie, pour s'assurer qu'il serait applicable. Il me semble que, ces précisions faites, ce cochon pourrait disparaître...

M. Hervé Mariton - M. Le Guen n'aime que les cochons de payeurs !

M. le Président - Les amendements 2860 à 2871 sont identiques. Ils visent à supprimer le I de l'article.

Mme Janine Jambu - Le forfait d'un euro est dans la droite ligne de votre réforme : acculer les assurés sociaux pour ne pas avoir à toucher aux modes de financement de la protection sociale. Tout en prétendant sauvegarder l'assurance maladie, vous organisez son asphyxie financière. Votre objectif est avant tout d'obtenir des réductions drastiques des dépenses publiques de santé, remplacées par des dépenses privées. Vous avez pour obsession la réduction des prélèvements obligatoires et surtout des cotisations sociales, coupables, selon la logique ultralibérale, de peser sur le coût du travail et donc d'être une entrave à la compétitivité et à l'emploi. Vous passez sous silence le fait que la France a, pour la main d'œuvre ouvrière, un des coûts du travail les plus bas des pays développés !

Vous voulez faire admettre l'idée que les entreprises n'ont pas à payer pour la santé des travailleurs, alors qu'elles sont responsables, par leur type de gestion, de sa dégradation et qu'elles profitent d'une force de travail en bonne santé. Vous considérez la dépense de santé comme un poids pour l'économie alors qu'elle est facteur de croissance et d'emploi. Vous refusez de financer la dépense publique de santé alors qu'elle ne peut que s'élever, tant à cause du vieillissement et du progrès médical que pour s'attaquer aux inégalités sociales de santé, développer la prévention, améliorer le taux de remboursement et la formation, à l'hôpital comme pour les soins de ville, et sortir de la crise de la démographie médicale.

En refusant de trouver les moyens de financement d'un système de santé rénové, vous ouvrez la voie à un système à plusieurs vitesses, illustré par ce forfait d'un euro qui a attiré de nombreux commentaires : barrière financière, économie supportée par les ménages, rappel de l'expérience du forfait hospitalier...

Mme Martine Billard - Mon amendement 7671 est identique.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit que cette participation de un euro n'avait pas vocation à augmenter. Mais alors, pourquoi ne proposez-vous pas un amendement précisant qu'elle est « au plus égale à un euro » ? Par ailleurs, pourquoi prévoyez-vous beaucoup moins de cas de suppression ou réduction de la participation de l'assuré qu'à l'actuel article 322-3 ?

Vous nous dites que si l'accueil en urgence n'est pas suivi d'une hospitalisation, le malade devra payer cette participation ; M. Guillaume considère qu'il s'agit d'un abus des urgences et qu'il faut passer à trois euros. Mais prenons le cas de quelqu'un qui, victime d'un accident du travail, est amené aux urgences. Il est soigné, puis renvoyé chez lui avec un arrêt de travail. Y a-t-il abus ?

De même, nombre de mes collègues ont dû recevoir comme moi un courrier de la fédération nationale d'aide aux insuffisants rénaux, qui nous demande de tenir compte de la situation particulière des patients atteints de pathologies lourdes, notamment des insuffisants rénaux chroniques qui sont soumis à plusieurs séances de dialyse par semaine. Ces malades, dont certains ont de très faibles revenus, vont-ils devoir payer un euro à chaque séance de dialyse ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Egalement.

M. Jean-Marie Le Guen - D'abord une remarque de méthode : si on voulait véritablement gagner du temps, le ministre nous préciserait d'emblée ses intentions, au lieu d'attendre que, les uns et les autres, nous l'interrogions sur des cas concrets - pour, d'ailleurs, nous répondre de manière très évolutive : en écoutant le ministre, les Français avaient compris qu'aux urgences, ils n'auraient pas à payer le fameux euro ; aujourd'hui, le Gouvernement revient en arrière parce que des membres de la majorité se sont inquiétés des conséquences que pourrait avoir cette différence de traitement entre l'hôpital et la médecine de ville. Mais de toute façon, les articles 4 et 5 vont déjà organiser un afflux massif vers les urgences hospitalières...

En outre, le recouvrement de cet euro va être particulièrement coûteux. Y aura-t-il dans les services d'urgence, qui sont déjà débordés, des personnes qui seront préposées à cette tâche ?

Le président de la CSMF, M. Michel Chassang, considère que dans les cabinets médicaux, c'est infaisable, 60 % des actes médicaux étant en tiers-payant.

Les amendements 2860 à 2871, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 8285 est de précision.

L'amendement 8285, mis aux voix, est adopté.

M. François Guillaume - Actuellement, les services d'urgences sont submergés par des arrivées pour des problèmes mineurs qui pourraient attendre le lendemain. Pourquoi les gens viennent-ils ? Première raison : parce que c'est gratuit. Deuxième raison : parce que les médecins de ville acceptent d'organiser des gardes de 20 h à 23 h, mais rarement au-delà.

Nous n'avons pas ici à traiter de cas particuliers, mais à poser des règles générales. Il reviendra aux décrets d'application de tenir compte des particularités. Par mon amendement 40, je propose que tous ceux qui se présentent dans un service d'urgences soient soumis à une participation financière de trois euros.

Bien sûr, il faut trouver un système de recouvrement direct. Ce n'est pas à nous de le définir ; il y a suffisamment de fonctionnaires pour y réfléchir !

M. le Rapporteur - Je vous remercie d'avoir présenté un autre point de vue que celui auquel nos collègues nous ont habitués jusqu'à présent. Néanmoins, j'émets au nom de la commission un avis défavorable à votre amendement. En effet, outre le fait qu'une précision de ce type ne relève peut-être pas de la loi, le montant de la participation doit être fixée par l'UNCAM, ce qui responsabilisera les partenaires sociaux, auxquels nous voulons redonner le pouvoir qu'ils n'auraient jamais dû perdre. De plus, une contribution de trois euros pourrait constituer pour certaines personnes un obstacle à l'accès aux soins.

M. le Secrétaire d'Etat - La question soulevée par cet amendement est beaucoup plus large que celle de la participation forfaitaire. Nous sommes en effet confrontés à l'engorgement des services d'urgence. La réponse se trouve-t-elle dans votre amendement ? Je n'en suis pas sûr. Elle est plutôt dans la permanence des soins. Comment faire disparaître le réflexe d'aller aux urgences lorsque la situation ne le commande pas ? Un projet de convention nationale est actuellement en discussion, et il convient aussi de faire parfois du sur-mesure, car la réalité n'est pas la même en milieu rural et en milieu urbain. Les urgences, on le sait, ne sont pas gratuites, et imposent d'acquitter le ticket modérateur. Lorsque la consultation du service d'urgences ne sera pas suivie d'une hospitalisation, l'assuré acquittera une participation forfaitaire. Au bénéfice de ces précisions, je vous prie de retirer votre amendement.

M. François Guillaume - Je souhaitais, par mon amendement, poser un problème. J'ai le sentiment d'avoir été entendu.

L'amendement 40 est retiré.

M. le Président - Les amendements 2872 à 2883 du groupe communiste et l'amendement 7567 de Mme Billard sont identiques.

Mme Muguette Jacquaint - Nos amendements sont défendus.

Mme Martine Billard - Je propose de supprimer la participation forfaitaire sur les actes. Il résulte en effet de votre texte que, lorsqu'un malade consulte et bénéficie d'un acte, il paiera deux fois un euro.

M. Philippe Vitel - C'est interdit !

Mme Martine Billard - Il existe des cas où il faut payer successivement la consultation et l'acte.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La commission considère que si un acte est associé à une consultation, le patient n'acquitte qu'une seule contribution.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Je confirme les propos du rapporteur.

M. Philippe Vitel - Madame Billard, lorsqu'un médecin pratique un acte à l'occasion d'une consultation, il n'a pas le droit de se faire payer cette dernière.

M. le Rapporteur - Je le confirme.

Mme Martine Billard - Ce n'est pas ce que m'ont dit certains médecins.

M. Gérard Bapt - J'ai exercé dans une clinique où il arrivait qu'on prenne un patient en consultation, puis qu'on l'envoie chez un confrère à l'étage au-dessus pour pratiquer un acte.

M. le Rapporteur - C'est une pratique condamnable !

Les amendements 2872 à 2883 et l'amendement 7567, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 2884 à 2895 sont identiques.

Mme Muguette Jacquaint - La franchise de un euro est une question suffisamment importante pour que nous y consacrions du temps. En effet, dès la promulgation de la loi, les patients devront acquitter un euro par acte, hors hospitalisation, et à quelques exceptions près. Il s'ensuivra donc un moindre remboursement. Les complémentaires, les mutuelles et les assurances perdront leurs avantages fiscaux si elles prennent à leur charge ce forfait d'un euro. De son côté, le forfait hospitalier, pour la psychiatrie par exemple, passera de 13 à 16 € d'ici 2007. Les patients devront se voir proposer systématiquement des médicaments génériques. En cas d'arrêts de travail abusifs, les médecins seront sanctionnés et les patients devront rembourser les indemnités journalières. La consultation d'un spécialiste sans passer par le généraliste expose à un moindre remboursement, tandis que le spécialiste pourra pratiquer des dépassements d'honoraires. Cette double peine est inacceptable. A toutes les sanctions que je viens d'énumérer s'ajoute maintenant la contribution d'un euro. Au total c'est bien le patient qui devra alimenter les cinq milliards de recettes nouvelles et prendre sur lui les 10 milliards d'économies qu'espère le Gouvernement.

Les amendements 2884 à 2895, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gérard Bapt - Rappel au Règlement. Tandis que notre débat se déroule, des dépêches d'agences tombent. L'une d'elles rapporte des propos tenus par Patrick Le Lay dans un ouvrage intitulé Les dirigeants face au changement : « Le métier de TF1, dit-il, est d'aider Coca-Cola à vendre son produit ».

M. le Président - Quel rapport avec notre discussion ?

M. Gérard Bapt - Vous allez voir. « Pour qu'un message publicitaire soit perçu, poursuit M. Le Lay, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible ». En plein débat sur l'assurance maladie, voilà de quoi être effondré ! Cette dépêche tombée à 17 heures 5 est historique : c'est ainsi qu'on aide les enfants à boire du Coca-Cola, avec les risques diabétiques et cardio-vasculaires que chacun connaît. Comment défendre dans ces conditions les objectifs de santé publique ? Cela valait bien, me semble-t-il, un rappel au Règlement.

M. le Président - Je m'interdis naturellement tout commentaire sur le fond, mais votre intervention ne me semble pas entrer tout à fait dans le cadre de l'article 58-1...

M. Jean-Marie Le Guen - Je vais essayer d'utiliser ce qui me reste de « cerveau disponible » pour vous démontrer le contraire, Monsieur le président.

M. Le Lay dit tout haut ce que nous savons tous. Ce qui est un peu moins public, c'est que les ministres ne font pas leur travail ! En effet, à cette heure, M. Douste-Blazy est en train de renoncer à réglementer la publicité télévisée susceptible de transformer nos enfants en obèses ! Le propos de M. Bapt s'inscrivait donc pleinement dans le cadre de ce débat.

Mais je vois autre chose qui pourrait contribuer à notre discussion : ce serait que le ministre revienne ici nous exposer ses projets en faveur de la santé publique. Mais peut-être a-t-il abandonné toute ambition en la matière.

Mme Janine Jambu - Les amendements 2896 à 2907 visent à supprimer, dans la dernière phrase du dernier alinéa du I, les mots « en ville ou ».

Depuis un an, la politique du gouvernement mène la sécurité sociale dans une impasse : ses recettes ont baissé à mesure qu'augmentait le chômage et que diminuait l'activité économique et, alors que les comptes étaient légèrement excédentaires à la fin de 2001, le déficit ne cesse maintenant de se creuser. Contrairement à ce que vous affirmez, le présent projet n'y changera rien.

De surcroît, vos propositions sont marquées du sceau de l'injustice sociale : la franchise, par exemple, pénalisera les plus modestes car, pour beaucoup d'entre eux, un euro, c'est déjà trop. On peut même voir dans cette mesure l'esquisse d'une nouvelle variable d'ajustement permettant de combler les déficits à venir au détriment des patients. On comprend dès lors que vous n'ayez pas convaincu les Français. Mais, vous, vous avez visiblement été convaincus... par le Medef ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) En effet, s'il ne relève pas le défi de la modernisation de notre protection sociale, ce projet répond en revanche aux exigences de cette organisation.

Pour remettre un peu de justice dans ce dispositif, nous proposons donc d'exonérer de la franchise les actes et consultations en médecine de ville.

Les amendements 2896 à 2907, repoussés par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Muguette Jacquaint - J'ai cru voir des sourires lorsque Mme Jambu a parlé d'injustice sociale à propos de cette contribution d'un euro mais, représentant une circonscription où près de 60 % de la population n'acquittent pas l'impôt sur le revenu et où la moyenne des revenus oscille entre 1 200 et 1 300 euros, je puis vous certifier qu'un euro, cela peut être beaucoup, surtout lorsqu'il faut des consultations régulières. Mais, puisque vous avez refusé d'exonérer les actes de la médecine de ville, acceptez au moins d'exonérer ceux qui sont réalisés en établissement : c'est le sens de nos amendements 2908 à 2919.

Ces amendements, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Philippe Vitel - L'amendement 8219 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission l'a accepté.

L'amendement 8219, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Sur les amendements 7084 à 7098, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Edouard Landrain - Ils ne sont pas là pour les défendre !

M. le Président - En effet. Nous en arrivons aux amendements 1024 à 1035 du groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint - Par les amendements 1024 à 1035, nous souhaitons exonérer de la franchise les actes et consultations réalisés dans les centres de santé. Ceux-ci, grâce à leurs plateaux techniques mais aussi à la pratique du tiers payant, garantissent en effet l'accès aux soins à tous et constituent à ce titre un service public à préserver impérativement.

Fondant leur activité sur des principes d'universalité et de solidarité, ils témoignent d'un esprit de coopération dans un secteur où d'autres préféreraient la concurrence. Leur fonctionnement repose en effet sur un travail d'équipe, ce qui leur permet de mettre de la distance entre la maladie et l'argent ! Grâce à eux, les bénéfices de la science et de la technique se trouvent mis à la disposition de tous. Services de proximité, ils sont gérés par des représentants des usagers. A bien des égards donc, ils sont en avance sur toutes les autres structures de santé. Ils conjuguent efficacité sanitaire, efficacité sociale et efficacité économique. Ils mènent en particulier des actions de prévention et d'éducation à la santé : celui de ma ville, par exemple, s'emploie à prévenir l'alcoolisme, les MST et les caries dentaires.

Imposer dans ces centres la franchise d'un euro serait nuire à leur efficacité, alors qu'ils préfigurent les maisons de santé ou les hôpitaux de proximité dont beaucoup rêvent.

M. le Rapporteur - Rejet.

Mme Muguette Jacquaint - C'est bien dommage !

M. le Secrétaire d'Etat - M. Paul a demandé l'autre jour qu'on applique le système du médecin traitant aussi bien dans les centres de santé que dans le cadre libéral. Pourquoi faire maintenant une différence ?

M. Jean-Marie Le Guen - M. Paul visait également à garantir l'accès des plus défavorisés aux soins !

Plus vous appliquerez à la médecine de ville une politique socialement « dure », plus vous aggraverez les difficultés des urgences. Prétendre faire prévaloir l'ordre comptable dans celles-ci apparaîtra alors comme une illusion : parmi les médecins acceptant de travailler la nuit dans des conditions éprouvantes, il ne s'en trouvera plus pour appliquer votre politique mesquine ! En revanche, les gens y afflueront, pour des raisons bonnes ou moins bonnes, parce que ce sera leur seule bouée de sauvetage ! L'hôpital sera ainsi réduit à revenir progressivement à sa mission sociale, historiquement première, au lieu de devenir un pôle d'excellence sanitaire. Si vous durcissez l'accès à la médecine de ville, reconsidérez au moins votre approche de l'urgence sociale, hospitalière et psychiatrique.

Les amendements 1024 à 1035, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 8463 apporte une clarification. Aujourd'hui, un biologiste sur cinq est médecin, et la rédaction actuelle du texte fait que ses actes sont inclus dans le champ de la contribution forfaitaire, tandis que ceux des autres biologistes en sont exclus. Par l'amendement 8463, nous proposons de supprimer cette dichotomie en visant tous les actes de biologie médicale.

M. le Rapporteur - A titre personnel, je suis favorable à cette harmonisation.

Mme Martine Billard - Je comprends que le ministre ne nous ait pas lu l'exposé sommaire de l'amendement, pourtant plus éclairant que son explication : « La croissance des dépenses d'analyses de biologie est aujourd'hui préoccupante. Les prescriptions de biologie sont souvent quantitativement importantes, alors même qu'elles n'apparaissent pas toutes complètement justifiées sur le plan médical. Aussi le Gouvernement propose-t-il de faire porter la contribution également sur les actes de biologie médicale. » Mais si une analyse biologique n'est pas justifiée, ce n'est pas la faute du patient. Et pourtant, c'est lui qui trinque !

M. Gérard Bapt - Incroyable !

Mme Martine Billard - Si des praticiens abusent, ce devrait être à eux, prescripteurs, d'en subir les conséquences ! Le ministre nous a parlé de « clarification » : j'espère qu'il n'y aura pas d'autres lueurs du même genre au Sénat, sinon ce sera la multiplication des petits euros. Heureusement qu'il n'y a qu'une seule lecture, finalement !

Mme Muguette Jacquaint - Tout à fait.

M. Jean-Marie Le Guen - Que considérez-vous comme un « acte biologique », Monsieur le ministre ? Chaque examen ? Ou chaque ordonnance ? La différence est substantielle.

Je comprends moi aussi, Monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ayez pudiquement converti l'exposé sommaire en un discours d'équité, selon lequel il ne faudrait pas avantager les 20 % de biologistes qui sont médecins. Je fais remarquer au passage que l'équité aurait pu vous conduire à mettre tous les biologistes sur le même pied en exonérant tous les actes de biologie médicale de la contribution forfaitaire !

En faisant le choix contraire, vous assurez la rentrée de nouvelles recettes et vous remplissez le cochon ! Mais je tiens à souligner qu'il s'agit d'un nouveau revirement dans les positions gouvernementales et même d'un changement de paradigme, puisque l'on passe d'une prétendue maîtrise médicalisée à une maîtrise comptable pure et simple. Je demande une suspension de séance pour que le Gouvernement ait le temps de réfléchir à la réponse qu'il va nous faire à ce sujet.

Mme Muguette Jacquaint - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - La croissance des dépenses d'analyses de biologie est symptomatique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Elle atteint 10 % par an. D'ailleurs, la CNAM a fait de la biologie un de ses six plans d'action en 2003.

M. Gérard Bapt - Mais elle n'a pas recommandé de faire payer un euro !

M. Jean-Marie Le Guen - Vous pouviez agir au moyen du « B flottant » !

M. le Secrétaire d'Etat - Je sais que M. Evin avait pris, au début des années 1990, des initiatives dans le domaine de la biologie, ce qui veut bien dire que la préoccupation qui est aujourd'hui la nôtre et celle de la CNAM n'est pas nouvelle. La contribution d'un euro est-elle de nature à faire évoluer les comportements ? Nous pensons que oui, car nous croyons aux vertus de la responsabilisation. Mme Billard, elle, n'y croit pas.

M. Jean-Marie Le Guen - Mais c'est de la prescription !

M. le Secrétaire d'Etat - Un amendement 8464 précisera plus loin les intentions du Gouvernement en matière de plafonnement. Au moment de cette discussion, nous préciserons aussi ce qu'il faut entendre par acte et consultation, étant entendu que c'est bien le régime commun qui a vocation à s'appliquer.

La séance, suspendue à 18 heures 40, est reprise à 18 heures 50.

M. Gérard Bapt - Monsieur le ministre, il faut écouter l'opposition et prendre le temps de lui répondre. S'agissant de la biologie, vous avez présenté votre disposition comme l'instrument de régulation qui pourra répondre à l'augmentation de près de 10 % des dépenses d'assurance maladie, tout en responsabilisant les acteurs de santé. Or, la CNAM vient de signer avec le syndicat des biologistes, le 14 juin, un avenant visant à supprimer le dispositif de régulation économique instauré en 1991 avec le B flottant. M. Douste-Blazy a assuré à ce syndicat qu'il agréerait l'avenant, ce qui est contradictoire avec votre politique de régulation ! M. le Secrétaire d'Etat n'est sans doute pas au courant de cet accord, et il est dommage que le ministre soit absent.

M. le Secrétaire d'Etat - il n'y a aucune contradiction, car ces deux démarches sont complémentaires.

L'amendement 8463, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au règlement ! Il y aura donc moins de régulation mais plus de profit pour les professionnels de santé, et moins de remboursement pour les assurés. C'est en effet complémentaire : pour compenser l'abandon par la caisse d'assurance maladie de la seule mesure efficace de régulation économique, vous faites payer encore plus cher l'assuré.

M. le Président - Nous en venons aux amendements identiques 2920 à 2931.

Mme Muguette Jacquaint - C'est vrai, c'est toujours l'assuré qui est mis à contribution, mais je pensais que vous feriez au moins une exception pour les centres de santé qui accueillent des familles très modestes. M. Le Guen vous a alerté avec raison, ces gens iront dans les services d'urgence déjà bien encombrés, comme vient d'en attester M. Guillaume. Votre mesure d'un euro supplémentaire ne fera qu'aggraver les inégalités sociales...

M. Philippe Vitel - Quatre cigarettes !

Mme Muguette Jacquaint - ...sans pour autant régler le déficit de la sécurité sociale, vous l'avez vous-même reconnu !

Les amendements 2920 à 2931, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Nous en venons à 13 amendements identiques : l'amendement 18 de M. Estrosi, et les amendements 2932 à 2943. Je constate que l'amendement de M. Estrosi n'est pas défendu...

Mme Muguette Jacquaint - Nous avons défendu par avance les amendements 2932 à 2943.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. C'est à l'union nationale des caisses d'assurance maladie de définir cette participation forfaitaire pour redonner tout son sens au partenariat social et à la gestion paritaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

M. Jean-Marie Le Guen - Ces amendements de nos collègues communistes et d'un membre distingué de l'UMP montrent bien que le gouvernement refuse d'assumer ses responsabilités. Comment le rapporteur ose-t-il parler de celles des partenaires sociaux alors qu'ils n'auront rien à dire au sein d'un organisme croupion doté d'encore moins de pouvoirs que le Conseil économique et social ? Tout le monde sait que c'est le proconsul que vous aurez nommé qui décidera tout et que, même si tel n'était pas le cas, le Medef disposerait de cette fameuse minorité de blocage à laquelle il tient tant.

Le directeur général agira sous la contrainte politique du ministre et de la future loi de financement dont on nous cache tout, si ce n'est que les déficits seront imputables d'une année sur l'autre et que l'on aboutira donc à une maîtrise comptable. Le directeur général sera ainsi obligé de procéder à des déremboursements et de porter la franchise, qui deviendra la variable d'ajustement, au-delà d'un euro !

Le fait qu'un député UMP de poids et de talent, proche de M. Sarkozy, refuse cette évolution montre simplement qu'il y a d'un côté ceux qui assument leurs responsabilités politiques, fussent-elles désagréables, et de l'autre ceux qui les font assumer par d'autres, en l'occurrence le proconsul.

Les amendements 2932 à 2943, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 7890 à 7904 sont identiques. Le groupe socialiste demande un scrutin public.

M. Gérard Bapt - Le Parlement est tout simplement expulsé de cette réforme puisque la commission des comptes, où siégeaient ses représentants, va disparaître au profit de personnalités nommées. Nous sommes donc très attachés à ce qu'un organe issu de nos commissions des affaires sociales et des finances assure le suivi permanent du budget social qui atteint 127 milliards pour la seule assurance maladie. Nous proposons donc que le Parlement, dans le cadre du PLFSS, fixe le niveau de la franchise, afin d'éviter que l'on pénalise les assurés sociaux.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis également défavorable. Il s'agit du partage entre les articles 34 et 37 de la Constitution : si le législateur a vocation à déterminer les principes fondamentaux de la sécurité sociale, ce n'est pas à lui de fixer le montant de la participation qui reste à la charge de l'assuré.

Nous sommes en désaccord, Monsieur Le Guen, sur la place et le rôle des partenaires sociaux : nous, nous croyons au paritarisme rénové (Rires sur les bancs du groupe socialiste) et nous l'avons prouvé au cours de 120 heures d'une concertation fructueuse, qui se poursuit et qui continuera encore à la rentrée avec ce que j'appelle le « service après vote ». C'est dans ce cadre que les partenaires sociaux prendront leurs responsabilités même si, je le rappelle, un euro restera un euro (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - Vous chérissez tant les partenaires sociaux que vous supprimez toutes leurs responsabilités au conseil d'administration de la CNAM. Jusqu'ici, c'était lui qui votait le budget sans que le directeur général lui tienne la main ; c'était son président qui négociait avec les professionnels de santé. Aujourd'hui, vous lui demandez de rester chez lui ! Il est vrai que certains considèrent que cette reprise en mains par l'Etat était nécessaire au regard de situation de l'assurance maladie, mais aussi des exigences posées par le Medef pour revenir dans l'UNCAM...

M. le Secrétaire d'Etat - Rappelez-nous pourquoi il était parti...

M. Jean-Marie Le Guen - A l'occasion de son désaccord sur les 35 heures, il a estimé qu'il n'était pas compétent pour gérer les questions de santé et d'assurance maladie. Et il n'est revenu que quand il a eu la garantie que le Conseil d'orientation ne gèrerait rien, que toutes les décisions seraient prises à une majorité qualifiée dont lui seul aurait la clé et quand on lui a promis que la branche accidents du travail et maladies professionnelles serait mise en location vente dans les prochains mois...

Toutes vos promesses sur l'euro qui restera un euro ne valent rien puisque c'est l'UNCAM qui assumera la responsabilité de faire varier la franchise.

M. le Secrétaire d'Etat - Je croyais que ce serait le proconsul...

M. Jean-Marie Le Guen - Vous le nommerez, vous lui refilerez la patate chaude et vous direz que n'y pouvez rien car vous refusez d'assumer votre politique de réduction des droits des assurés.

A la majorité de 41 voix contre 4 sur 48 votants et 45 suffrages exprimés, les amendements 7890 à 7904 ne sont pas adoptés.

Mme Muguette Jacquaint - L'article 11, quoi que vous puissiez en dire, ne peut qu'aggraver les inégalités sociales. L'amendement 7817 vise à rétablir une certaine équité. Le taux de la contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques prises en charge par l'assurance maladie étant de 0,525 %, l'amendement 7817 propose de fixer la contribution forfaitaire de l'assuré au même niveau. L'amendement 7818 est dans le même esprit.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La commission considère que le plafond ne doit pas être fixé dans la loi : ce serait trop rigide. Elle a adopté l'amendement de M. Le Guen qui instaure un plafonnement annuel.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. J'ajoute que ces amendements ne font rien pour la simplification : le premier amendement aboutirait à une participation de 10 centimes et le second de 0,6 centimes...

L'amendement 7817, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le 7818.

M. Philippe Vitel - L'amendement 8248 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Sagesse.

L'amendement 8248, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Vitel - L'amendement 7737 rectifié est défendu.

M. le Secrétaire d'Etat - Je souhaite le retrait de cet amendement, au profit du 8464 du Gouvernement, qui est plus pratique et précise les enjeux du plafonnement.

L'amendement 7737 rectifié est retiré.

M. le Secrétaire d'Etat - La contribution forfaitaire nous semble importante pour responsabiliser les patients, mais nous ne voulons en aucun cas créer un frein à l'égalité d'accès aux soins. L'amendement 8464 propose donc un plafonnement annuel de la contribution, dont le montant reste à déterminer, après concertation. La juste mesure devrait se situer vers 50 euros, sachant que la moyenne des Français est de huit consultations par an et que ce plafond semble raisonnable pour les patients affectés de maladies chroniques. Il nous semble également important que ce soit un décret qui fixe ce plafond.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis favorable. Le décret est le meilleur moyen de fixer le niveau de la participation.

M. Jean-Marie Le Guen - Je remercie le ministre de nous avoir donné quelques indications sur le montant du plafonnement, mais il est indispensable que nous sachions aussi qui va être exonéré ! Les patients qui relèvent de la CMU ? Les urgences ? Les affections de longue durée ? Il est amusant par ailleurs, après avoir fait le panégyrique de la négociation paritaire, que vous vouliez maintenant intervenir par décret. Les partenaires sociaux sont particulièrement utiles pour assumer les augmentations, mais le Gouvernement veut pouvoir se targuer d'avoir fixé des limitations ! Les partenaires sociaux apprécieront.

En outre, cinquante consultations ou actes par an sont sans doute une moyenne, mais certainement pas une médiane ! Les Français qui atteignent un tel nombre de consultations sont très peu nombreux. Il ne s'agit donc pas d'une vraie limitation, d'autant que le forfait a vocation à croître. La majorité des Français va être touchée de plein fouet par cette mesure.

Mme Martine Billard - La majorité des Français n'atteindront jamais la barre des cinquante consultations ! En revanche, pour des insuffisants rénaux chroniques par exemple, qui ont plusieurs séances de dialyse par semaine, la sommes est importante ! Ce sont les plus malades qui payeront le plus ! Comment affirmer, ensuite, vouloir donner à chacun selon ses besoins ?

M. le Secrétaire d'Etat - Les séances de dialyse relèvent de l'hospitalisation de jour, elles sont donc exclues de ce dispositif.

L'amendement 8464, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Vitel - Certaines personnes ont servi notre pays et ont été blessées pour défendre sa devise : liberté, égalité, fraternité. En ce soixantième anniversaire de la Libération, il convient de rendre hommage aux blessés de guerre titulaires de la carte d'invalidité et l'amendement 6 de M. Estrosi les exonère de la contribution forfaitaire.

Mme Martine Billard - Le sous-amendement 8447 étend la disposition aux titulaires d'une pension militaire d'invalidité. Le code des pensions militaires prévoit que l'Etat doit gratuitement aux titulaires d'une pension d'invalidité les prestations médicales qui sont liées à leurs infirmités. Ces personnes sont d'ailleurs exonérées de l'application du forfait journalier. Allez-vous continuer dans cet esprit ? Dans le cas contraire, la responsabilisation irait loin...

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement 6. Elle n'a pas examiné le sous-amendement 8447, mais à titre personnel, j'y suis défavorable. Le projet de loi tend à la responsabilisation de tous : il n'a de sens que si les Français sentent que cet effort est partagé.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. La réponse la plus adaptée nous semble être le plafonnement annuel de la contribution.

M. Hervé Mariton - Le code des pensions militaires et les dispositions rappelées par Mme Billard expriment une tradition au bénéfice des invalides et victimes de guerre. Mon sous-amendement 8465 apporte une précision.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste de demandes de scrutin public sur les sous-amendements et sur l'amendement 6.

M. le Secrétaire d'Etat - Je voudrais bien préciser les enjeux. Dans un souci d'équité, nous avons souhaité que certaines personnes - celles qui relèvent de la CMU, femmes enceintes, moins de 16 ans - soient exonérées de contribution forfaitaire. Si nous commençons à introduire de nouvelles exceptions, il n'y aura pas de raison de ne pas en faire bénéficier d'autres catégories. Or, notre souhait est de responsabiliser les patients. Je ne peux pas être suspect d'antipathie à l'égard du monde combattant, ayant eu à défendre dans cet hémicycle la situation et le budget des anciens combattants.

M. Hervé Mariton - Je partage pleinement l'idée exprimée par le ministre que le dispositif doit s'appliquer largement et qu'il convient de ne pas créer de précédent ; mais les invalides de guerre ne sont pas une catégorie en voie d'expansion.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable, cependant.

M. Hervé Mariton - Je demande une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 19 heures 40, est reprise à 19 heures 45.

Le sous-amendement 8465 est retiré.

A la majorité de 35 voix contre 5 sur 42 votants et 40 suffrages exprimés, le sous-amendement 8447 n'est pas adopté.

A la majorité de 37 voix contre 7 sur 46 votants et 44 suffrages exprimés, l'amendement 6 n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement. Sans plus d'explication, l'Assemblée vient d'entériner par son vote un recul et même un changement de politique sociale. Sans doute, comme l'a dit le secrétaire d'Etat, l'équité pouvait conduire à prendre en compte d'autres catégories que les pensionnés militaires. Mais ce qui est grave, c'est que le Gouvernement a renié la parole de l'Etat envers des personnes qui s'étaient engagées en son nom et avaient reçu de lui des promesses. Dans la confusion où nous nous trouvons, tout est possible. Reste qu'un vote marginal a opéré une double rupture.

M. François Guillaume - Ne disposant pas encore d'informations suffisantes sur les dérives auxquelles donne lieu la CMU, je ne défends pas mon amendement 41.

M. le Président - Sur les amendements identiques 1036 à 1047, je suis d'ores et déjà saisi par les groupes socialiste et communiste d'une demande de scrutin public.

Mme Muguette Jacquaint - Avant de les défendre, je veux revenir sur le cas des mutilés de guerre, envers lesquels des engagements avaient été pris. Si le nombre de personnes concernées est faible, le vote émis par la majorité est d'autant plus symbolique, et augure mal du sort des amendements qui suivent. Songeons aussi aux mutilés du travail et aux victimes de maladies professionnelles. J'ai récemment conduit chez le ministre du travail une délégation pour faire reconnaître l'exposition à l'amiante de trois salariés d'Alstom. Il leur faut présenter un dossier épais, comportant l'avis de plusieurs médecins et spécialistes. Ces travailleurs, déjà atteints dans leur santé et victimes d'impérities, vont devoir en plus payer je ne sais quelle somme pour simplement constituer leurs dossiers.

J'en viens à nos amendements. La participation forfaitaire que vous imposez ne contribuera en rien à responsabiliser les assurés sociaux. Même si le Gouvernement s'en défend, il s'agit d'une mesure purement financière dont le montant augmentera au même rythme que celui des dépenses de santé. Combinée avec le ticket modérateur et le forfait hospitalier, cette franchise réduira l'accès aux soins des ménages modestes et n'appartenant pas aux catégories exemptées. Parmi ces dernières, nous proposons d'élargir et de préciser la notion d'ayant droit mineur afin d'y faire figurer les jeunes adultes jusqu'à vingt et un ans encore à la charge de leur famille.

M. Jean-Marie Le Guen - La théorie de la responsabilisation telle que la développe le Gouvernement est bien particulière. Les enfants, dit-il, ne sont pas responsables. De fait, on ne connaît guère d'enfants de moins de seize ans qui aillent directement chez le médecin. En fait, vous donnez dans le compassionnel médiatique : non, le méchant forfait d'un euro ne va pas toucher les enfants, qu'il faut toujours protéger ! Mais cette attitude touchante ne va pas jusqu'à s'étendre aux mutilés de guerre.

A la majorité de 44 voix contre 7 sur 51 votants et 51 suffrages exprimés, les amendements 1036 à 1047, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - Le président du Conseil constitutionnel m'informe qu'en application de l'article 62 alinéa 2 de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la bioéthique.

Prochaine séance qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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