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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 9ème jour de séance, 25ème séance

1ère SÉANCE DU DIMANCHE 11 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      AGRESSION DE NATURE ANTISÉMITE DANS LE RER 2

      ASSURANCE MALADIE ( suite) 2

      AVANT L'ART. 17 2

      ART. 17 8

      APRÈS L'ART. 17 13

      ART. 18 16

La séance est ouverte à neuf heures trente.

AGRESSION DE NATURE ANTISÉMITE DANS LE RER

M. Hervé Mariton - Je voudrais vous faire part de l'émotion et de l'indignation de mon groupe après l'agression perpétrée il y a quelques jours dans le RER contre une jeune femme et son bébé. Nous voudrions exprimer notre sympathie à l'égard de la victime et rappeler notre volonté que de tels comportements soient éradiqués.

Un grand quotidien a engagé un débat sur ce qu'est « être Français aujourd'hui ». C'est la volonté de vivre ensemble. Or, cette volonté est abîmée par de tels actes inqualifiables, contre lesquels nous devons tous nous mobiliser.

M. Jean-Marie Le Guen - Au nom du groupe socialiste, je m'associe à cette intervention. L'acte qui a été commis est particulièrement ignoble, d'une violence antisémite invraisemblable sur le plan symbolique, sans parler des conséquences psychologiques pour la victime. Le fait que l'agression ait été commise par plusieurs personnes, devant témoins, ne fait qu'ajouter à la gravité de la situation.

Nous ne sommes pas en session ordinaire et nous ne pouvons donc pas demander au ministre de l'intérieur de venir nous informer des mesures qu'il compte prendre, mais j'ai entendu sa réaction, et nous ne pouvons que l'encourager à s'entourer de tous les moyens possibles pour que l'on sache, en France comme ailleurs, qu'on ne laissera pas cette affaire sombrer dans l'oubli. L'Etat ne doit pas céder d'un pouce face à ces actes antisémites.

Nous exprimons notre compassion et notre solidarité à la victime et à son bébé, mais aussi à toutes les personnes qui peuvent se sentir aujourd'hui visées. C'est la démocratie qui est en jeu.

M. Jacques Brunhes - Le groupe communiste condamne cet acte d'une gravité particulière et exprime sa sympathie aux victimes. Il nous faut tous ensemble condamner toutes les formes de racisme et les violences qu'il génère. Il ne doit plus y avoir de lieux de non droit - trains de banlieue ou quartiers. Il ne faut plus se contenter de prendre des mesures pour lutter contre l'insécurité, mais mettre fin à l'apartheid social, source de violences racistes et antisémites. Une vraie politique de la ville et une vraie politique de sécurité s'imposent.

M. le Président - Cette indignation et cette révolte face à de tels actes sont partagées par l'ensemble des députés. La France ne peut accepter sans réagir de tels agissements, car c'est l'âme de notre pays et sa tradition qui sont en jeu. C'est la France qui est visée à travers ces actes ignobles. Puissions-nous tous nous retrouver dans la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme. Nous donnerions alors au monde une image de cohésion nationale face à ces actes odieux.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection nationale - Je voudrais dire au nom du Gouvernement combien la haine, le racisme, l'antisémitisme, la xénophobie sont les pires dérives mortelles pour notre démocratie. Alors que l'on parle tant des principes de précaution, on oublie trop souvent ce principe de tolérance qu'il faut inculquer à tous les enfants de notre pays, dès leur plus jeune âge. Le communautarisme est le plus redoutable ennemi de la République.

Le Président de la République a parlé de la multiplication récente de ces actes antisémites dans un discours qui a été remarqué au-delà des clivages politiques et sur lequel nous devrions tous réfléchir.

ASSURANCE MALADIE ( suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

AVANT L'ART. 17

M. le Président - Nous en venons à l'amendement 8400.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous abordons maintenant la politique du médicament. A plusieurs reprises, le Gouvernement s'est plaint ne pas avoir entendu les propositions de l'opposition. Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir expliqué notre position sur l'organisation du système de soins de premier recours, notamment pour la mise en place des réseaux, d'avoir avancé des propositions intéressantes, dont certaines ont du reste été retenues, sur l'accessibilité sur l'ensemble du territoire à un médecin, de nous être opposés au Gouvernement sur le problème de la qualité des soins, de la formation et de l'évaluation qu'il voulait renvoyer à la convention.

S'agissant maintenant de cette politique du médicament, nous allons proposer une politique globale, accompagnée de quelques mesures particulières. Je voudrais d'ores et déjà signaler que ce que vous proposez n'est là que pour faire joli, ce qui ne vous empêche pas de nous promettre quelques milliards d'euros d'économie sur la consommation ! C'est vrai que vous allez profiter, sans avoir rien fait pour cela, du passage de nombre de molécules importantes du princeps au générique, ce qui réduira notablement le coût du médicament.

La France doit se doter d'une politique de la consommation du médicament. Avec plus de 520 dollars - selon les statistiques de l'OCDE - de coût du médicament par habitant, notre pays occupe la deuxième place derrière les Etats-Unis et se situe largement devant l'Allemagne ! Même si cette surconsommation a pu être combattue sur le plan économique par certains gouvernements, il reste beaucoup à faire et nous devons aligner notre politique sur celle de nos voisins européens.

A cette fin, nous allons tout d'abord vous proposer d'agir sur les génériques, car c'est en France qu'ils coûtent le plus cher. En effet, pour intéresser toute la chaîne commerciale au générique, il a été décidé qu'il ne pourrait pas coûter plus de 30 % moins cher que le produit de marque.

En fait, il est aujourd'hui possible d'avoir des génériques dont le prix serait inférieur d'environ 70 % à celui du produit de marque sans aucun dommage pour les industriels. Comme nous sommes dans une économie réglementée, nous demandons l'intervention du Gouvernement pour encourager cette baisse et favoriser ainsi leur consommation.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - Avis défavorable car cet amendement est contraire à l'esprit du projet qui élargit les compétences du CEPS. Sa rédaction, de plus, est par trop normative.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Même avis.

Notre plan est global : nous avons agi sur le volume des soins à travers le DMP, l'évaluation des pratiques, le médecin traitant ; nous allons maintenant agir sur les prix. Depuis le plan Juppé de 1996, il est en effet possible de développer une vraie politique du médicament générique en France alors que c'est le cas aux Etats-Unis et en Allemagne depuis les années 1970. 11 % des médicaments vendus en pharmacie dans notre pays sont génériques contre 40 % ou 50 % en Allemagne ou en Angleterre. Que le pharmacien gagne plus en vendant ces produits contribuera d'ailleurs à développer leur promotion.

Dans ces conditions, plus le marché augmentera, plus nous serons en mesure de faire baisser les prix des génériques, comme l'industrie pharmaceutique l'a d'ailleurs parfaitement compris, tout en mettant le prix, en revanche, sur les molécules innovantes car les investissements de cette industrie représentent 15 à 30 % de son chiffre d'affaires.

M. Simon Renucci - La surconsommation de médicaments est unanimement reconnue.

Sur le plan national, il faut demander à l'ANAES d'établir des protocoles d'accord de soins reconnus et rapidement mis en œuvre. Il faut en outre que l'Agence soit plus efficace dans leur mise en œuvre.

Sur le plan régional, les médecins généralistes sont insuffisamment représentés ; leur parole doit être beaucoup mieux prise en compte. Les Unions régionales, qui font déjà un bon travail, doivent avoir beaucoup plus d'importance.

Enfin, les consommateurs, à commencer par les personnes âgées, qui consomment beaucoup de médicaments, doivent être informés précisément de l'efficacité des divers produits.

M. Jean-Marie Le Guen - Je profite de cette intervention pour saluer la mémoire de M. Marmot, haut fonctionnaire décédé il y a quelques jours et qui a beaucoup œuvré pour le développement des médicaments génériques.

M. le Ministre - C'est exact.

M. Jean-Marie Le Guen - Le Gouvernement affirmant souvent que nous n'avons pas de propositions, nous devrons être encore plus explicites.

La politique du médicament représente environ 20 % des dépenses de l'assurance maladie et que fait le Gouvernement ? Il renvoie la maîtrise médicalisée des dépenses à une convention, la politique globale du médicament au CEPS.

De plus, faut-il prendre pour argent comptant ses propos selon lesquels nous serions dans une période d'innovation fondamentale sur le plan pharmaceutique ?

M. le Ministre - C'est en effet le cas, et nous vous le prouverons.

M. Jean-Marie Le Guen - Ce n'est pas ce que disent les sociétés scientifiques.

Doit-on accepter les pressions d'une industrie pharmaceutique essentiellement américaine qui a intérêt à augmenter les prix sans lien aucun avec des avancées scientifiques ? Nous apprenons tous les jours que des produits présents sur notre marché ne sont pas aussi efficaces que prévu et que leurs effets secondaires, en revanche, ont été sous-estimés. Je rappelle, de plus, que si notre gouvernement boit naïvement les discours des industriels de la pharmacie, le procureur de New York a lancé un certain nombre de procédures contre l'industrie pharmaceutique américaine qui refuse de donner l'ensemble des informations dont elle dispose sur les effets réels de ses derniers produits.

J'ajoute que l'industrie pharmaceutique n'est pas pour l'essentiel l'industrie des génériques.

M. le Ministre - Nous n'avons pas de génériqueurs en France ?

M. Jean-Marie Le Guen - Ils ne représentent qu'une petite partie des génériqueurs sur le plan mondial. Vous ne pouvez élaborer une politique en vous appuyant sur une ou deux entreprises seulement, fussent-elles françaises. Je comprends, dans ces conditions, que vous ayez des difficultés pour faire baisser les prix des médicaments génériques.

M. le Ministre - Nous, nous agissons.

M. Jean-Marie Le Guen - Vous ne faites rien du tout.

M. Bernard Accoyer - Ces propos sont scandaleux !

M. Jean-Marie Le Guen - On ne construit pas une politique du générique en discutant avec une organisation professionnelle de l'industrie pharmaceutique, si respectable soit-elle.

M. Bernard Accoyer - Quelle logorrhée !

M. Jean-Marie Le Guen - Prenez d'autres initiatives que celles qui vous sont dictées par un syndicat !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Nous allons évoquer les questions liées à la politique du médicament à l'article 17 et le groupe socialiste anticipe nos débats.

M. le Rapporteur - Pour pouvoir les recommencer !

M. le Président de la commission spéciale - M. Le Guen donne le sentiment de découvrir l'industrie du médicament alors que ses amis ont été au pouvoir entre 1997 et 2002 et qu'il leur était alors possible de développer une politique globale qu'ils n'ont pas su mettre en œuvre comme ils n'ont pas su développer les médicaments génériques non plus que rassurer l'industrie pharmaceutique quant aux possibilités d'innovations.

Vous n'avez pas le monopole des propositions, d'autant que vous ne les avez jamais appliquées.

L'amendement 8400, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 6609 à 6623 sont identiques.

M. Jean-Marie Le Guen - Ils ont vocation à donner un cadre à la politique du médicament. Le consommateur français dépense en effet 20 % de plus que l'Allemand en médicaments, 50 % de plus que l'Espagnol et 70 % de plus que le Hollandais, sans que cela se traduise en niveau de santé ! Nous avons laissé filer la situation. Pour y remédier, il faudrait s'attaquer à la formation médicale continue, pour laquelle vous ne faites rien, à l'évaluation, que vous avez renvoyée à la convention, et à l'information sur le médicament : chacun sait que la pression commerciale est très élevée. Le rapporteur avait estimé les dépenses relevant de l'industrie pharmaceutique à 23 000 euros par médecin !

Je voudrais donc attirer solennellement votre attention sur ce problème. Contrairement à ce qui nous est dit, la recherche pharmaceutique n'est pas dans une phase d'innovation : nous sommes plutôt sur un plateau. Une nouvelle révolution se produira, probablement à partir des biotechnologies, mais pas avant cinq à dix ans. Or, il y a une industrie mondialisée, à laquelle nous savons que le gouvernement français porte un grand intérêt depuis qu'il s'est mêlé de la fusion entre Sanofi et Synthélabo.

M. Jean-Pierre Door - Entre Sanofi-Synthélabo et Aventis !

M. Jean-Marie Le Guen - C'est ce que je voulais dire : vous êtes beaucoup plus à l'aise que moi, lorsqu'il s'agit de réciter les titres du CAC 40 !

M. le Président - Monsieur Le Guen, ne vous laissez pas distraire...

M. Jean-Marie Le Guen - Surtout qu'il va être l'heure d'aller à la messe.

M. Bernard Accoyer - C'est une attaque contre les convictions religieuses de nos compatriotes !

M. Jean-Marie Le Guen - J'imagine que le président Accoyer compte demander une suspension de séance, pour que chacun soit libre de se livrer à ses occupations naturelles du dimanche. Nous ne demandons que ça ! Il avait été dit que nous ne travaillerions pas le dimanche. C'est le premier où nous devons siéger depuis six ans, et certainement depuis bien plus longtemps en session extraordinaire !

M. Hervé Morin - Depuis 1998 !

M. Jean-Marie Le Guen - Ah, le Pacs ! Nous allons en parler.

M. le Président - Evitez de vous interpeller, je vous prie. 

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne peux pas parler !

L'essentiel des boîtes pharmaceutiques sont anglo-saxonnes.

M. Hervé Mariton - Vous pourriez parler français !

M. Jean-Marie Le Guen - Pardonnez-moi pour ce manque de déférence à l'endroit du CAC 40 : il s'agit d'entreprises, pas de boîtes. Ces entreprises ont, en matière de taux de rentabilité, des exigences colossales, qui ne sont fondées sur aucune révolution scientifique ou aucun gain de productivité. Les blockbusters ne sont pas suffisamment nombreux pour justifier des taux de rentabilité du capital entre 15 et 16 % ! Qui paye ? On nous assène sans cesse qu'il faut payer l'innovation, mais quelle innovation ?

M. le Président - Merci, Monsieur Le Guen.

Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Philippe Tourtelier - Sur le même sujet, la commission avait déjà refusé que les médecins prescrivent une molécule sous son nom scientifique, au motif que cela ferait peser trop de charges sur le médecin. Soit elle a une faible opinion des connaissances scientifiques de médecin, ce qui ne manque de m'inquiéter en tant que patient, soit elle a un objectif caché ! Or, l'industrie pharmaceutique n'est pas en phase d'innovation : le rendement de son capital est décroissant. Une de ses revendications principales est donc de développer l'automédication - qui, au passage, n'est accessible qu'aux personnes qui en ont les moyens. L'automédication est un marché, avec des marques : lorsque vous achetez des « Adidas », vous payez 40 % de plus que lorsque vous achetez des « chaussures » ! Refuser d'inciter les médecins à prescrire les médicaments sous leur nom scientifique, comme refuser de réfléchir à l'étiquetage des médicaments, c'est préférer clairement les objectifs du marché à ceux de la santé.

M. Alain Vidalies - Ces amendements demandent au Gouvernement de réunir régulièrement une conférence nationale sur la politique du médicament, avec pour but de diminuer la consommation de 20 %. En effet, les chiffres sont impressionnants : il ressort de différents rapports que les généralistes prescrivent en moyenne 260 000 euros de médicaments par an. Le rapport entre les médicaments et les honoraires est de 2,4, contre 2 en 1991.

En quoi nos amendements pourraient-ils remédier à cette situation ? Il semble que nous n'ayons pas assez de données sur le sujet. Lors de l'audition des responsables du secteur du médicament par la mission d'information que vous avez présidée, Monsieur le Président, M. Dubernard a dit clairement que les députés avaient beaucoup de difficultés à appréhender les dépenses de médicaments et leur répartition et qu'ils voudraient en savoir plus sur les chiffres étonnants qui circulent parfois. C'est dire que le sujet vous échappe totalement ! Nos amendements permettront au moins de savoir pourquoi les Français sont les champions du monde de la consommation de médicaments.

M. Simon Renucci - Il me semble que la politique du médicament doit respecter des principes fondamentaux : assurer à chacun l'égalité d'accès à un traitement adapté, permettre le développement et la diffusion des innovations tout organisant leur évaluation, garantir la sécurité du circuit du médicament.

Il est nécessaire d'impliquer tous les intervenants dans la régulation. Trop de médecins sont peu sensibilisés à la dimension économique de leurs prescriptions. C'est pourquoi nous proposons que soient réalisées au niveau régional des études ciblées sur des affections précises, afin tout à la fois d'en organiser la prévention et d'informer les prescripteurs - notamment lorsqu'ils soignent des personnes âgées, population particulièrement concernée par la surconsommation médicamenteuse et les affections iatrogènes qui en résultent.

M. Jean-Claude Viollet - Chaque généraliste, disait mon collègue, prescrit en moyenne 260 000 euros par an de médicaments ; si on ajoute les médicaments prescrits par les médecins hospitaliers et délivrés par les pharmacies de ville, on arrive à 16 milliards d'euros par an. On consomme en France trois fois plus d'antibiotiques que chez nos voisins allemands, deux fois plus de statines, médicaments anti-cholestérol, que chez nos voisins anglais. La prescription moyenne est de quatre médicaments par ordonnance mais, disent les spécialistes, les risques d'interactions médicamenteuses sont très importants à partir de trois spécialités. On dénombre 130 000 hospitalisations pour des accidents iatrogènes dus à des médicaments incompatibles. Ce n'est pas moi qui le dis.

M. le Rapporteur - Si, c'est vous qui le dites, et n'importe comment !

M. Jean-Claude Viollet - Je ne parle pas des psychotropes : il faudrait s'interroger sur leur surconsommation dans notre pays.

M. Bernard Accoyer - Après vingt ans de socialisme !...

M. Jean-Marie Le Guen - Cela mérite un rappel au Règlement, Monsieur le Président !

M. Jean-Claude Viollet - Il faut revenir à un bon usage des médicaments, dans le cadre d'une politique de santé publique tournée vers la qualité. Le développement des médicaments génériques, en médecine de ville comme à l'hôpital, en est l'un des aspects ; il nécessite la mise en place de logiciels adaptés. Il convient par ailleurs d'assurer de façon indépendante l'information des professionnels de santé, qui est trop largement aux mains de ceux qui entretiennent la surconsommation.

Oui, il faut de la transparence, mais l'industrie pharmaceutique n'y semble pas très favorable...

M. le Président - Pour l'information de tous, je donne lecture du 6° alinéa de l'article 58 du Règlement : « Toute attaque personnelle, toute interpellation de député à député, toute manifestation ou interruption troublant l'ordre sont interdites ». A bon entendeur, salut.

M. Jean-Marie Le Guen - Merci, Monsieur le Président !

M. le Président - Je m'adresse à tout le monde.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - 20 % des dépenses de l'assurance maladie concernent les médicaments. Il nous faut donc lutter contre la surconsommation. Cet hiver, la campagne d'information lancée par M. Mattei sur le bon usage des antibiotiques a été efficace ; pourquoi ne pas l'étendre à d'autres médicaments ?

Puisque vous preniez hier exemple sur l'Allemagne en matière d'indemnités journalières, faites de même en matière de médicaments, afin de ramener la dépense pharmaceutique de notre pays au niveau de la sienne, c'est-à-dire de la diminuer d'un cinquième... Je n'ai vu aucune proposition de ce type à l'article 17, mais sans doute est-ce parce que j'ai mal compris, Monsieur le ministre, n'étant pas médecin, comme vous l'avez souligné... En effet, je ne le suis pas, ce qui ne m'empêche pas d'être ici pour voter la loi !

M. le Rapporteur - Je voudrais dire d'abord que j'ai été choqué par les propos scandaleux, méprisants, moqueurs, railleurs que j'ai entendus à l'égard de ceux d'entre nous qui ont une religion et une foi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen - Nous en avons aussi !

M. le Rapporteur - Alors, c'est de l'auto-raillerie !

M. Jean-Marie Le Guen - C'est de la provocation ! Je demande une suspension de séance !

M. le Rapporteur - Vos vociférations ne m'impressionnent pas !

M. le Président - Pour que cet hémicycle retrouve le calme, je suspends la séance.

La séance, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 10 heures 30.

M. le Rapporteur - Je conclus mon propos : la commission a repoussé ces amendements.

M. le Ministre - Le Gouvernement fait de même.

M. Jean-Marie Le Guen - Que la majorité ne s'exprime pas, ce n'est que naturel : la culture du « parti godillot » a migré du RPR à l'UMP. En revanche, il est beaucoup moins compréhensible que le Gouvernement ne réagisse pas à nos propositions...

M. le Président de la commission spéciale - Si vous en aviez, cela se saurait !

M. Jean-Marie Le Guen - Il pourrait utilement nous rappeler tout ce qu'il a fait, depuis deux ans ou depuis quelques semaines, et nous expliquer pourquoi, malgré cette politique dynamique, le coût du médicament continue de croître dans des proportions importantes alors même qu'augmente le nombre de molécules tombées dans le domaine public. Il pourrait nous dire aussi pourquoi il va réussir là où M. Mattei a échoué...

Nous aimerions, par exemple, Monsieur le ministre, que vous expliquiez pourquoi vous avez institué des tarifs forfaitaires de responsabilité et pourquoi la différence de prix entre ces TFR et les produits princeps sera demain acquittée par les complémentaires. Par vos articles 4 et 5, vous avez déjà sonné le glas des tarifs opposables pour les visites et consultations : allez-vous faire de même pour les médicaments ? Si oui, votre politique serait cohérente mais il n'y aurait bientôt plus rien à voir entre le prix payé par l'usager et le montant remboursé par la sécurité sociale !

Nous attendons donc que vous justifiiez votre politique, à défaut de donner votre sentiment sur la nôtre. Mais, quoi qu'il arrive, nous continuerons de défendre nos propositions, amendement après amendement, afin que les Français sachent qu'il existe une alternative et qu'on peut mener une action plus avantageuse que la vôtre, tant du point de vue financier que du point de vue qui importe le plus : celui de la santé publique.

M. le Ministre - En 2002, Monsieur Le Guen, la part de marché des génériques n'était que de 2 %...

M. Jean-Marie Le Guen - En volume ou en valeur ?

M. le Ministre - En volume. Elle est maintenant de 11 %. Voilà ce que nous avons fait depuis deux ans !

Vous souhaitez un exemple d'innovation ? Le Glivec !

M. Jean-Marie Le Guen - C'est le seul !

M. le Ministre - Le Glivec est une molécule directement issue des recherches en biotechnologie et en nanotechnologie et qui sauve 80 % de malades atteints de leucémie myéloïde notamment, alors qu'auparavant 90 % mouraient...

M. Jean-Marie Le Guen - Pourriez-vous développer ?

M. le Ministre - Je ne passe pas un examen d'accréditation ! Mais je suis à votre disposition : on verra qui sait le mieux sa médecine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - On pourrait aussi parler d'autre chose...

M. le Ministre - De la MNEF par exemple...

M. Jean-Marie Le Guen - Ou des parcmètres de Lourdes !

M. le Ministre - Quant à la consommation d'antibiotiques, elle a baissé de 26 % en deux ans parce que nous avons fait réaliser des études et conduit des actions d'éducation à la santé. Mais vous avez raison, Madame Robin-Rodrigo, il faut poursuivre cet effort en le faisant porter sur d'autres types de molécules et, en particulier, sur les psychotropes.

Le TFR est en effet un tarif de remboursement, mais qu'on utilise plutôt pour inciter à la substitution.

Enfin, je vous informe que, dans quelques jours, nous allons présenter, de concert avec l'industrie pharmaceutique, un plan visant à réaliser 2,5 milliards d'euros d'économies d'ici à 2007. Je ne crois pas qu'il y ait eu rien de comparable lorsque vous étiez aux responsabilités !

A la majorité de 50 voix contre 16 sur 66 votants et 66 suffrages exprimés, les amendements 6609 à 6623 ne sont pas adoptés.

ART. 17

M. Jean-Marie Le Guen - Le Gouvernement ne juge visiblement pas utile de modifier sa politique du médicament, se satisfaisant du taux actuel de pénétration des génériques comme de l'évolution des prix. Pourtant, le coût de la prescription médicamenteuse est beaucoup plus important que celui du médecin. Y entre notamment, pour 10 %, le coût des « visites médicales », ces interventions de représentants des laboratoires venant exposer aux médecins les avantages de tel ou tel médicament. Des économies sont donc possibles, au moins sur ce point.

La politique que nous proposons consiste à agir à la fois sur les volumes, sur la structure et sur les prix et permettrait de réduire de plus de 20 % en trois ans le coût du médicament. Le gain pour la sécurité sociale dépasserait les 4 milliards d'euros, sans que les remboursements en soient affectés.

Notre pays a effectivement pris du retard pour ce qui est des génériques. Nous avions néanmoins commencé d'agir, mais nous avons eu un tort : celui de nous en remettre pour une part de la prescription aux résultats de la négociation conventionnelle, sur la rémunération des médecins notamment. Contre son intérêt mais poussé peut-être par l'industrie, le corps médical a décidé de ne pas s'engager en faveur du générique et cette politique s'est trouvée bloquée. Cependant, au bout d'un certain temps, conscients que cette attitude était irresponsable, les intéressés sont revenus sur leur position. Il reste que les améliorations enregistrées sont très en deçà de ce que nous espérions et nous vous engageons donc à ne pas vous en remettre à votre tour à la discussion conventionnelle si vous approuvez le diagnostic du Haut Conseil de l'assurance maladie quant à la surconsommation de médicaments.

Devrons-nous attendre la parution d'autres rapports ? Celui de M. Zarifian a déjà montré qu'en matière de psychotropes, la France détenait le record mondial de la consommation. Nous aimerions avoir une vision globale de votre politique du médicament.

M. François Liberti - Cet article ne témoigne pas d'une grande ambition dans le domaine du médicament. Il faut toutefois noter qu'il tend à transposer une directive européenne qui a pour objet d'empêcher les laboratoires de prolonger la durée de vie d'un brevet en ne modifiant qu'un élément d'une molécule sans modifier le principe actif. C'est un progrès. Mais n'y a-t-il pas eu négociation avec les laboratoires ? Et dans ce cas, quelles contreparties leur avez-vous accordées ?

Mme Cécile Gallez - Monsieur le ministre, je veux simplement vous dire que, pour développer l'usage des médicaments génériques, vous pouvez compter sur les pharmaciens. Il faut les autoriser à substituer des génériques aux médicaments prescrits par le médecin. Quand un médecin oublie une interaction médicamenteuse, c'est le pharmacien qui sera tenu pour responsable s'il n'a pas réagi. Il faut donc faire confiance à cette profession.

S'agissant des tarifs forfaitaires de responsabilité, l'Union nationale de la pharmacie a formulé des propositions. Les pharmaciens souhaitent un « TFR balai » pour les génériques de plus de six mois et un observatoire chargé de statuer sur les génériques de plus de douze mois. Le prix des génériques devrait être inférieur de 40 % à celui des autres médicaments.

Evitez en revanche de délivrer les comprimés à l'unité. Ne faites pas cela aux pharmaciens ! Mais mettre en vente des boîtes de vingt-huit comprimés a été une erreur.

Pour combattre les dépressions nerveuses ou l'acné, je crois aux vertus de l'homéopathie. Veillez à ne pas trop dérembourser ces traitements (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

La prévention ne fait l'objet d'aucun article spécifique, mais elle est utile. Si vous souhaitez que les députés vous aident dans ce domaine, nous serons à vos côtés.

Je pense être l'unique pharmacienne présente ce matin, mais mes propos sont désintéressés, puisque je suis retraitée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste).

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Je suis en tout point d'accord avec notre collègue. Monsieur le ministre, nous devons tous lutter contre la surconsommation de médicaments en développant l'usage du générique en ville comme à l'hôpital. Les dépenses de médicaments ont dérapé à l'hôpital : s'élevant à 3 milliards en 2001, elles ont fortement augmenté en 2003. Quelles mesures comptez-vous prendre ? Je n'arrive pas à cerner votre politique dans ce domaine.

M. Jean-Claude Viollet - Je m'étonne que le ministre ait écarté d'un revers de main les suggestions de notre collègue de l'UMP. Je ne prétends pas détenir la vérité, mais je sais que la vérité appartient à ceux qui la cherchent. En matière de santé, nous sommes tous à la recherche de la vérité. Un peu de modestie !

Je veux insister sur le problème de la surconsommation médicamenteuse. Entre la France et la Danemark, le rapport est de un à deux, alors que les systèmes de santé sont comparables. Nous devons nous interroger sur l'efficacité des médicaments. Les laboratoires pharmaceutiques devraient communiquer l'ensemble des informations en leur possession, et non se limiter à celles qui peuvent servir à obtenir l'autorisation de mise sur le marché. Il faut revenir à une politique d'éducation à la santé et de prévention. Il faut développer l'usage du générique en ville et à l'hôpital. Le rôle des pharmacien est connu et reconnu : il faut le renforcer. Enfin, nous pouvons encore réduire considérablement le prix des génériques. C'est ainsi que nous trouverons le chemin d'une politique de santé responsable.

M. Alain Vidalies - Comme l'a observé devant les membres de la mission d'information le président du Syndicat des pharmaciens de France, « l'acceptation des génériques par les Français repose presque exclusivement sur les pharmaciens d'officine. Ils ont besoin d'être davantage soutenus par les médecins et les pouvoirs publics. Pourquoi la politique de santé est-elle mal pilotée ? Parce que les médecins travaillent en aveugles et les pharmaciens en borgnes. » Quant à M. Marimbert, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, il s'est plaint du manque de données : « Faute d'outils suffisants, nous avons du mal à apprécier l'effort réel en matière de médicament. » Nous sommes donc victimes de la déficience des moyens.

Notre collègue de l'UMP a évoqué les questions que se posent les Français. Même si je ne suis pas de son avis sur le conditionnement des médicaments, j'estime que le Gouvernement doit s'exprimer sur ce sujet. Dans ce projet, vous n'hésitez pas à sanctionner les assurés sociaux, mais vous ne faites pas preuve de la même sévérité envers ceux qui mettent les médicaments sur le marché.

M. le Président de la commission spéciale - En tant que président du groupe d'études sur le médicament et les produits de santé de notre assemblée, je voudrais vous livrer quelques éléments de réflexion, puisque vous reprochez au groupe UMP de ne pas s'exprimer.

Tout d'abord, nous avons une politique du médicament, résolument engagée par M. Mattei autour de différents volets. Il s'agissait en premier lieu de valoriser l'innovation, et un accord cadre a été signé en ce sens entre le Gouvernement et l'industrie du médicament. Parallèlement, nous avons développé le générique. Même si nous sommes passés de 2 % de ventes en volume à 11 %...

M. Jean-Marie Le Guen - La substitution, c'est nous !

M. le Président de la commission spéciale - ...nous restons très loin derrière l'ensemble des pays européens où , en volume, le générique représente 40 % des médicaments délivrés. Il reste donc des efforts à faire.

Nous devons ensuite travailler sur la qualité de l'information délivrée aux médecins car la sur-prescription est problématique. Il faut par ailleurs veiller à ce que le site France reste un pôle d'excellence pour l'industrie pharmaceutique...

M. Jean-Marie Le Guen - Aventis est parti aux Etats-Unis !

M. le Président de la commission spéciale -...et nous devons le soutenir avec autant de conviction que nos collègues défendaient hier les cures thermales, essentielles pour la santé comme pour l'économie locale.

Il faut une politique du médicament globale. Je viens de parler de l'accord cadre sur l'innovation...

M. Jean-Marie Le Guen - Wall Street !

M. le Président de la commission spéciale -...mais on peut encore citer l'accord-cadre dans l'hôpital.

Vous avez raison, Monsieur Le Guen, il faut changer le comportement des prescripteurs, mais aussi celui des patients qui doivent comprendre que la surconsommation de médicaments n'est pas le meilleur moyen de guérir.

S'agissant du générique, c'est vrai, il a fallu combattre les réticences des médecins.

M. Jean-Marie Le Guen - Ah !

M. le Président de la commission spéciale - Vous les avez contournées grâce à l'instauration d'un droit de substitution pour les pharmaciens. Comment promouvoir encore davantage le générique aujourd'hui ? Il faudra réfléchir à son mode de distribution, à son prix, à l'encouragement des pharmaciens.

Enfin, le problème du médicament se situe à l'échelle mondiale et la France ne peut décider seule.

M. Jean-Marie Le Guen - Très bien ! Heureusement que vous êtes là !

M. le Président de la commission spéciale - Aux Etats-Unis, le débat sur le prix du médicament, jugé trop élevé par rapport aux prix européens, est ouvert.

M. Jean-Marie Le Guen - Juste !

M. le Président de la commission spéciale - Et le risque, pour notre industrie du médicament comme pour l'assurance maladie, est que les Etats-Unis parviennent à en faire une marchandise comme les autres au sein de l'OMC. C'est au niveau européen que nous devons mener une politique commune pour lutter contre la pression des Etats-Unis (Approbations sur les bancs du groupe socialiste).

Nous devons nous battre pour que l'industrie française reste un pôle d'excellence et d'innovation, même si une grande partie de la recherche se passe aux Etats-Unis. La fusion entre Aventis et Sanofi est une bonne nouvelle à cet égard.

M. Jean-Marie Le Guen - A valider !

M. le Président de la commission spéciale - Notre politique de l'innovation doit être efficace, et l'expérience du COX-2 devra nous servir pour la suite. Nous sommes prêts à payer le juste prix pour l'innovation, à condition que le service médical rendu soit avéré (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Si nous voulons avoir nos chances au niveau européen, il faut croire au pôle d'excellence et au partenariat entre la recherche publique et la recherche privée, comme cela se passe pour la recherche sur le cancer. C'est vrai, l'industrie pharmaceutique se développe davantage à partir de start up, et les multinationales y sont attentives. Pour la première fois depuis dix ans, l'industrie pharmaceutique française a ses chances dans la mesure où elle doit recibler ses recherches autour de quelques domaines, comme la neuroscience, le cardiovasculaire, et le cancer.

Mme Robin-Rodrigo nous a interrogés sur la politique du médicament à l'hôpital. Un accord cadre a été signé le 30 avril 2004, pour y contrôler le prix du médicament, mais surtout, je viens de signer un décret, le 1er juillet, pour règlementer la rétrocession, c'est à dire la vente de médicaments à l'hôpital à des personnes qui ne sont pas hospitalisées. Jusqu'à présent, l'hôpital avait intérêt à vendre beaucoup de médicaments, car il prenait une marge de 15 % du prix, mais nous mettons en place un système de forfait pour mettre fin à cette tendance.

C'est vrai, Monsieur Vidalies, le pharmacien a plus intérêt que le médecin à vendre des génériques, et il faudra y réfléchir.

En revanche, il est faux de prétendre que nous laisserions l'industrie pharmaceutique agir à sa guise. Pour la première fois depuis longtemps, nous allons présenter dans les jours qui viennent une convention pour économiser 2 300 millions d'ici 2007 !

Monsieur Le Guen, le niveau des dépenses est plus révélateur du prix du médicament que de la quantité consommée, parce que le nombre de boîtes vendues est resté stable, même s'il est encore bien trop élevé.

Madame Gallez, je suis opposé moi aussi à la vente de boîtes de 28 comprimés. Nous avons demandé des boîtes de 32 pour qu'une seule suffise à un mois de traitement. Nous sommes d'accord sur les boîtes de 96 médicaments pour trois mois, afin d'éviter les renouvellements d'ordonnances. Enfin, la vente en boîtes est bien préférable à la vente à l'unité, pour des raisons d'hygiène.

Quant à l'ostéodensitométrie, j'espère que vous voterez la création du Haut comité de la santé publique car, si vous êtes pharmacienne, Madame, tous les députés ne sont pas du milieu médical, et seul ce comité sera à même de décider des remboursements, de l'utilité des actes etc..

M. Jean-Marie Le Guen - Vous parlez maintenant de Haut comité à la santé publique ?

M. le Ministre - Il s'agit de la Haute autorité!

M. le Président - Nous en venons à l'amendement 7867.

M. Jean-Marie Le Guen - Il s'agit de préciser les conditions de sécurité sanitaire. Mais je voudrais en profiter pour féliciter M. Bur qui a posé les bases d'une véritable politique du médicament, dans un contexte mondialisé. C'est vrai, la pression des Etats-Unis est grande, et ce pays concentre 80 à 90 % de la recherche. Aventis a tout de même déplacé l'essentiel de ses centres de recherche aux Etats-Unis ! Il serait question d'un éventuel rapatriement de cet ensemble industriel en Europe et peut-être même en France: croyez-bien que nous serons vigilants.

Pour consolider l'assurance maladie, nous devons également réfléchir de façon globale sur la recherche et le développement, le potentiel industriel, la santé publique, les coûts financiers, et c'est à vous qu'il appartient de faire cette synthèse, Monsieur le ministre.

J'ajoute que c'est le gouvernement précédent qui a commencé à développer les médicaments génériques. C'est ainsi qu'aujourd'hui encore, ce sont les pharmaciens et non les médecins qui incitent à utiliser ce type de médicaments.

C'est également le gouvernement précédent qui a inauguré une politique de déremboursement des médicaments à SMR insuffisants dont par ailleurs M. Mattei a inclus les résultats positifs dans le PLFSS du mois de novembre.

Je constate enfin que le premier acte de M. le ministre fut de revenir sur les déremboursements prévus et de renvoyer cette question à une future Haute autorité de santé. Or, non seulement cela a un coût, mais les prévisions du dernier PLFSS ne sont pas respectées.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis. Personne n'a pris une décision de déremboursement comparable à celle de M. Mattei. Nous continuerons cette politique grâce à la Haute autorité qui permettra d'évaluer l'efficacité des médicaments et d'envisager d'éventuels nouveaux déremboursements.

Enfin, comparez le prix des médicaments américains à celui des médicaments français, Monsieur Le Guen : ils sont de 20 % à 40 % plus chers.

M. Hervé Mariton - Je reprends l'amendement 8430 de M. Mallié.

M. Jean-Marie Le Guen - Oui, Monsieur le ministre, le prix facial du médicament américain est plus élevé que le prix facial du médicament français, mais quid du prix réel payé par les HMO qui font des achats de gros ?

Un colloque organisé par le président de la commission du médicament sur le débat du Congrès américain relatif à ces questions serait instructif. Qu'en est-il de la politique de M. Bush, qui a gagé 500 milliards de dollars sur l'industrie du médicament, de celle proposée par les démocrates ?

M. le Rapporteur - On est en France !

M. Jean-Marie Le Guen - Mais c'est nous qui payons ! Cette industrie est mondialisée. M. Bur a eu raison de dire qu'il faudrait une politique commune avec les Allemands. Il faut sortir d'une politique franco-française étriquée ! On se gargarise de notre politique de recherche quand les centres de décision ont majoritairement quitté notre territoire pour les Etats-Unis, voilà la réalité ! Se posent également des questions scientifiques : quelles seront les conséquences d'une révolution pharmaceutique à venir ? Voilà des sujets majeurs ! Nous sommes confrontés à une guerre économique menée par des firmes américaines qui ne trouvent plus suffisamment de débouchés chez elles. Nous avons besoin d'une politique d'une autre envergure que la vôtre.

M. Hervé Mariton - M. Le Guen a raison : l'industrie pharmaceutique est économiquement essentielle, de même que l'accès aux médicaments est essentiel en matière de politique de santé. Mais les faits sont têtus, Monsieur Le Guen : c'est ce gouvernement qui a signé le décret sur les conditions particulières de dispensation de médicaments, dit « décret rétrocession », comme en fait foi le Journal Officiel du 1er juillet. C'est là un progrès essentiel pour simplifier l'accès de nos compatriotes aux médicaments.

M. Jean-Marie Le Guen - De quel décret parlez-vous ?

M. Hervé Mariton - D'un décret pris en application d'une loi de 1992, Monsieur Le Guen. Douze ans pour appliquer une loi !

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne comprends pas.

M. Hervé Mariton - Il s'agit de l'accès à des médicaments jusque là accessibles uniquement par la pharmacie hospitalière. Voilà un progrès précis !

M. Jean-Marie Le Guen - Qu'est-ce qui a changé pour les Français ?

M. Hervé Mariton - Je suis élu d'une circonscription rurale dans laquelle tous les citoyens n'ont pas facilement accès à la pharmacie hospitalière. Eh ! bien, grâce à ce décret, leurs démarches seront considérablement simplifiées. Voilà ce qu'est une véritable politique de santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 7867, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - Le sous-amendement 8474 à l'amendement 8430 de M. Mallié est défendu.

Le sous-amendement 8474, accepté par commission, est adopté.

L'amendement 8430 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Rappel au Règlement ! Si nos collègues n'avaient pas été aussi sectaires, s'ils n'avaient pas préféré repousser un amendement au seul motif qu'il est proposé par l'opposition, nous aurions gagné du temps en n'ayant qu'un seul vote. C'est à cause de votre attitude que l'on n'avance pas aussi rapidement qu'il le faudrait.

L'article 17, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 17

Mme Martine Billard - Ainsi que l'a dit le ministre, l'accroissement des dépenses de médicament est liée à l'augmentation de leur prix. Pour y remédier, il faut poursuivre la politique en faveur des génériques, travailler sur le conditionnement et lutter contre les différences de prix pour des produits similaires, c'est-à-dire surtout demander au médecin de prescrire en dénomination commune internationale, ce qui permet ensuite d'acheter le médicament correspondant le moins cher. C'est indispensable. J'ai cru comprendre que vous n'étiez pas absolument opposé à la prescription en DCI, mais que vous préfériez une incitation. Il me semble que la prescription en DCI peut entrer dans le cadre des bonnes pratiques : certains médecins auront peut-être du mal, mais il faudra bien qu'ils s'y fassent. Il est temps que nous prenions nos responsabilités !

Par ailleurs, nous avons l'expérience d'une campagne aux effets très positifs sur la consommation d'antibiotiques. Il faut faire la même chose pour les psychotropes. La consommation de ces produits en France est invraisemblable. 39 % des personnes âgées de plus de 65 ans à domicile en consomment, et 66,4 % de celles qui sont en institution ! Or, ces médicaments sont un facteur d'aggravation des chutes. Je demande au ministre de s'engager à lancer une telle campagne, d'autant que ces médicaments pèsent fortement sur les coûts de la sécurité sociale. C'est l'objet de l'amendement 7623.

M. le Président - Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Plutôt que d'inscrire une obligation dans la loi, nous souhaitons surtout donner les moyens pratiques aux médecins de prescrire en DCI. Nous croyons notamment beaucoup au développement de logiciels d'aide à la prescription. Quel médecin prescrira du « chlorhydrate de dextropropoxyphène 30 mg, plus paracétamol 400 mg » au lieu de Diantalvic ? Avis donc défavorable.

M. Jean-Pierre Door - L'obligation d'écrire des formules chimiques serait très contraignante. Pour développer les génériques, il vaut mieux faire confiance aux médecins et au droit de substitution des pharmaciens.

M. Jean-Marie Le Guen - Vous ne voulez pas franchir le Rubicon. Prescrire en DCI doit être une obligation légale. Elle doit évidemment s'accompagner de logiciels, mais qui doivent être fournis par les autorités publiques, pas par les industries pharmaceutiques ! C'est ce qui se fait ailleurs ! Nous sommes un des rares pays à continuer à prescrire selon le nom de la marque, ce qui explique la pression commerciale des visiteurs médicaux. Les laboratoires pratiquent le « me too » : ils reproduisent un médicament existant, sous un nom différent, et poussent à sa prescription... On a très bien vu, à propos des génériques, que les professions de santé ne changent pas leurs comportements si elles ne sont pas aiguillonnées par une volonté politique. Le développement des génériques en France ne se fait que par l'intervention des pharmaciens. Mais quand le gouvernement précédent a souhaité introduire le droit de substitution des pharmaciens, vous avez protesté avec les mêmes arguments qu'aujourd'hui !

Les logiciels qui existent rendent la prescription en DCI parfaitement simple. Si nous les fournissons aux médecins, nous changerons complètement, et pour une somme ridicule, l'organisation commerciale et les dépenses publiques relatives au médicament ! Tous les économistes sont d'accord sur ce point ! Refuser cet amendement, c'est dire clairement aux laboratoires de laisser tomber la recherche et de ne s'occuper que de leur politique commerciale ! Serons-nous vraiment le pays où les laboratoires ne font pas de recherche, où le corps médical n'est rien d'autre qu'une cible commerciale ? Nos confrères n'ont-ils pas mieux à faire que de recevoir des visiteurs médicaux venus leur vendre un produit qu'ils connaissent déjà sous un autre nom ? N'y a-t-il pas mieux à faire que de dépenser tant d'énergie pour faire vendre des marques ?

M. le Président - Merci, Monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen - Vous ne répondez rien à cela ! Je sais que la majorité n'a pas le droit de parler, mais il nous faut une politique !

M. le Président - Si j'appliquais le Règlement, j'arrêterais là le débat. Si chacun fait un effort de concision, je laisserai la parole à d'autres orateurs.

Mme Martine Billard - Les logiciels d'aide à la prescription en DCI existent, et ils sont déjà utilisés par des médecins français. Quant au Diantalvic, c'est l'exemple typique du médicament qu'il ne faut plus prescrire ! Il faut prescrire son générique !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Quelques observations : d'abord, je suis frappée que vous vouliez toujours faire confiance aux professionnels, mais contrôler les usagers. Le travail sur le médicament implique forcément une action sur les deux parties. Ensuite, les logiciels utilisés actuellement en France sont fournis par les laboratoires pharmaceutiques. Il faut changer cela. Enfin, l'enjeu essentiel est le changement des comportements. On sait que les personnes âgées notamment font une incroyable consommation de médicaments, surtout de psychotropes. Le premier geste des services de gériatrie qui les reçoivent est une « pause médicamenteuse » ! Il faut effectuer un travail de fond, comme cela a été fait sur les antibiotiques, dans une relation de confiance entre les usagers et les professionnels. C'est un enjeu de santé publique.

M. le Président de la commission spéciale - La commission présentera, après l'article 18, un amendement chargeant la Haute autorité de santé d'élaborer une charte de qualité des logiciels d'aide à la prescription. Les médecins ont besoin de logiciels indépendants.

M. Jean-Marie Le Guen - Pourquoi ne l'écrit-on pas ici ?

M. le Ministre - Je ne peux pas laisser dire que les médecins français ne sont pas capables de prescrire les médicaments qu'ils souhaitent et qu'ils sont dépendants des visiteurs médicaux. Ce n'est pas vrai. Nos médecins sont de grande qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - L'opposition est mise en cause de façon scandaleuse ! Le ministre est là pour polémiquer. Vraiment, je suis très déçu !

M. le Ministre - Je ne peux pas laisser dire non plus que l'industrie pharmaceutique française ne ferait pas de recherche.

M. Jean-Marie Le Guen - Oh là là...

M. le Ministre - Sur le fond, toutes les études montrent que les patients ne connaissent pas les noms des médicaments en DCI et qu'il y a des risques de mélanges et d'affections iatrogènes. Enfin, nous allons en effet certifier des logiciels.

A la majorité de 55 voix contre 30 sur 85 votants et 85 suffrages exprimés, l'amendement 7623 n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Pour gagner du temps, je ne ferai pas de rappel au Règlement, mais je voudrais quand même dire au ministre qu'il a par deux fois caricaturé - le mot est faible - notre position, pour conclure qu'il était contre la prescription en DCI parce que, semble-t-il, les Français seraient plus bêtes que les autres Européens.

Notre amendement pose la question du conditionnement des médicaments : parce que l'industrie du médicament, particulièrement talentueuse en recherche marketing, considère notamment qu'il n'y a que 28 jours dans un mois, nous suggérons que les conditionnements soient plus conformes aux prescriptions. Plus nous laissons d'espace à la démarche commerciale, moins nous en laissons à la valorisation de la recherche, même si nos collègues de la majorité trouvent très bien que les médecins soient régulièrement sollicités par les visiteurs médicaux et invités à divers colloques.

M. le Ministre - Vous êtes contre les colloques ?

M. Jean-Marie Le Guen - Beaucoup - pas tous, Monsieur le ministre - sont organisés de manière peu rigoureuse sur le plan scientifique.

M. Jacques Le Guen - Suspicion !

M. Jean-Marie Le Guen - Non, c'est un constat ! L'ensemble de notre système de santé a pour colonne vertébrale l'industrie pharmaceutique (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous ne pouvons pas nous contenter d'agir sur les prix et de récupérer un peu d'argent ; il faut agir sur les structures.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Rejet. Certains demandent des rapports, d'autres agissent : nous, nous agissons ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard - Monsieur le ministre, le patient est en dehors de cette affaire de prescription en DCI : les laboratoires continueront à marquer le nom commercial sur la boîte...

S'agissant de l'industrie pharmaceutique française, Aventis avait un site de recherche à Romainville ; il est en cours de fermeture, en dépit du projet alternatif proposé par le personnel pour éviter de faire partir la recherche aux Etats-Unis !

M. Alain Vidalies - Monsieur le ministre, quand nous vous disons qu'il y a une différence de traitement manifeste entre la question des indemnités journalières et celle du médicament, vous reconnaissez que c'est vrai.

M. le Ministre - Non, ce n'est pas vrai !

M. Alain Vidalies - Quand nous passons aux travaux pratiques, tant sur la prescription en DCI que sur l'indépendance des logiciels, personne ne s'oppose frontalement à des propositions de bon sens, mais parce que politiquement vous ne voulez pas y donner suite, vous renvoyez tout cela à plus tard...

L'amendement 7868, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 18

M. Hervé Morin - Le groupe UDF est perplexe sur l'efficacité de l'article 18 pour lutter contre la surconsommation de médicaments. Je me demande d'ailleurs si de telles dispositions ne seraient pas plutôt d'ordre réglementaire.

M. Jean-Marie Le Guen - Même pas !

M. Hervé Morin - Qui peut croire qu'une charte, dont la non-application n'emporte aucune conséquence, va suffire à maîtriser la promotion des médicaments ?

Hier, Monsieur le ministre, nous vous avons indiqué à propos des arrêts de travail que les dispositions législatives et réglementaires existantes étaient suffisantes ; vous avez indiqué que 22 % des arrêts de travail étaient injustifiés, mais les services de l'Assemblée nationale, que j'ai sollicités, n'ont pas trouvé de notes de la CNAM qui le disent ; le document que vous nous avez fourni parle de 22 % de poursuites injustifiées d'arrêts de travail. D'ailleurs, vous avez déclaré il y a peu de temps que seulement deux ou trois médecins par département prescrivaient des arrêts de travail abusifs, lesquels représentaient environ 6 % du total. Dans ces conditions, comment arrivez-vous aux 800 millions d'économies sur les arrêts de travail ? La note du ministère des finances, elle, estime les économies potentielles à 200 millions.

Pour le médicament, il en va de même : les procédures existent pour dérembourser des médicaments, mais aucun ministre, de droite ou de gauche, à l'exception de Jean-François Mattei, n'a eu le courage de le faire, en dépit des propositions faites par l'AFSSAPS. L'instauration de nouveaux dispositifs a un côté soviétique... Elle ne permet pas de régler le problème puisque tout ce dont on a besoin existe déjà.

M. Jean-Marie Le Guen - Ces deux malheureux articles ne sont vraiment pas à la hauteur des enjeux. Il faut agir sur les prix, il faut agir sur les volumes, il faut agir sur les structures et sur la place exagérée qu'a prise le médicament dans notre système de santé. Pratiquement toute l'information sur le médicament est aujourd'hui organisée par l'industrie pharmaceutique : on songe bien entendu aux visites médicales, mais la presse syndicale et la formation continue des médecins sont également dépendantes des laboratoires ! Est-ce que ce fait ne pose pas un problème de santé publique et un problème économique ? Ne venez donc pas nous parler d'idéologie !

Vous n'avez pourtant consacré au sujet que deux articles : l'un n'est qu'une application bénigne de la réglementation européenne relative aux esters de glycol notamment et le second ne fait que reprendre une charte que le LEEM, le syndicat de l'industrie pharmaceutique, venait d'adopter et de nous envoyer. De leur charte interne, vous avez fait un projet ! C'est beau comme l'antique !

De telles dispositions ne relèvent pas de la loi - il n'est même pas sûr qu'elles soient du domaine du règlement ! De qui se moque-t-on ? Cela ne justifie pas en tout cas qu'on nous dérange un dimanche et cela ne fait pas une politique du médicament !

Mais le LEEM fournit aussi des argumentaires aux parlementaires : ainsi en ce qui concerne la DCI, il essaie d'accréditer l'idée qu'il ne faudrait pas prescrire dans ce cadre parce que ce serait à l'origine d'accidents iatrogènes... De grâce, ne faites pas vôtres ces raisonnements. Expliquez-nous plutôt que la concurrence a ses avantages ou que les médecins doivent rester libres de leur prescription, mais ne reprenez pas à votre compte des éléments qui contribuent à ce que notre pays soit le seul au monde à ne pas recourir à la DCI. Une telle attitude est une insulte à la représentation nationale et aux Français !

M. François Liberti - Cet article ne vise en effet qu'à nous doter avant le 31 décembre d'une charte de la qualité de la prospection et du démarchage pharmaceutiques, conclue entre le comité économique des produits de santé et un ou plusieurs syndicats représentatifs des entreprises du médicament. Il y avait certainement mieux à faire : par exemple à améliorer les remboursements, à mettre les molécules innovantes à la disposition de tous, à empêcher les laboratoires de freiner la recherche, par exemple ! Notre groupe présentera d'ailleurs ses propositions dans ses amendements après l'article 18. Pour l'heure, je voudrais m'attarder sur la situation de notre pays en ce qui concerne la découverte de molécules : alors que la part du Japon en ce domaine est passée de 11,3 % à 29,7 % entre 1979 et 1994, la nôtre est tombée dans le même temps de 15 % à 3,9 % ! Vous dites qu'elle serait maintenant remontée à 11 % mais, même ainsi, nous resterions bien en deçà du niveau de 1975.

Or, l'augmentation de la dépense de médicaments destinés aux enfants en bas âge, aux personnes âgées et aux personnes atteintes de maladies graves est avant tout liée à la consommation de ces nouveaux médicaments, fort coûteux, et non à une augmentation des quantités. Raison de plus pour ne pas laisser les mains libres à l'industrie pharmaceutique.

M. Georges Tron - Je me réjouis personnellement que le Gouvernement veuille agir sur le conditionnement des médicaments : le paragraphe VI de cet article 18 reprend en effet une proposition de loi dont j'étais l'auteur, et qui visait notamment à lutter contre le gaspillage né de l'inadéquation du conditionnement aux prescriptions des médecins.

Notre dépense moyenne de médicaments par habitant, 448 euros en 2000, est une des plus élevées au monde et ce poste est celui qui contribue le plus à l'augmentation en volume de la consommation. Or, en 2000, sur 180 000 tonnes produites, dont 70 000 tonnes d'emballages, on a incinéré 15 000 tonnes de boîtes non vides, dont un quart de boîtes non entamées !

D'autre part, on évalue à 12 000 le nombre des hospitalisations dues à des accidents iatrogènes. Cela représente 0,65 % du nombre de journées d'hospitalisation, dont chacune coûte en moyenne 300 euros. Un calcul approximatif permet donc d'estimer à 350 millions d'euros le prix à payer pour cette iatrogénie médicamenteuse !

Je ne prétends pas que le paragraphe VI règle en totalité le problème, mais il contribuera au moins à responsabiliser les patients !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - S'il est un thème qui revient souvent dans les discussions que nous avons avec nos concitoyens, c'est bien celui-ci. Les Français sont conscients qu'un travail de fond est nécessaire sur le sujet et c'est pourquoi j'ai plaidé pour une concertation afin de lutter contre la surconsommation, contre l'utilisation inadaptée des médicaments et contre l'inadaptation des conditionnements. Or, sur tous ces points, les propositions du Gouvernement apparaissent bien faibles : pour tout dire, elles s'apparentent à des vœux pieux. En effet, vous vous bornez à reconnaître la charte élaborée par la profession, d'où l'Etat est absent.

Une attention particulière devrait être accordée aux personnes âgées. En ce domaine, il faut réunir les conditions d'un vrai changement culturel. On s'y attache dans certaines maisons de retraite : j'en sais une où le directeur, les médecins et les surveillantes ont accompli un formidable travail qui a permis d'économiser en un an quelque 50 000 euros sur la dépense de somnifères et d'anxiolytiques et, du coup, d'embaucher du personnel et d'améliorer le soutien humain ! Dans le même esprit, la première chose que décrètent les gériatres dans les centres de gérontologie est une pause médicamenteuse. Je crois donc que vous avez commis une erreur politique, Monsieur le ministre, en refusant notre amendement à l'article premier visant à réduire le nombre de troubles iatrogènes. Ce travail culturel sur le terrain a besoin d'une impulsion politique.

Mme Martine Billard - Il m'apparaît hautement significatif que la section consacrée au médicament soit la plus courte de ce projet. Votre principale mesure vise à reconnaître la charte de l'industrie pharmaceutique alors que les dépenses de médicaments représentent un quart de nos dépenses de santé. Après tout le bruit fait autour des indemnités journalières, on attendait d'autres décisions d'économie ! Or, votre projet ne comporte qu'un article sur les génériques et un autre sur une charte qui fait un peu sourire. A ce compte-là, vous pourriez aussi faire référence à la charte des entreprises de distribution automatique pour lutter contre l'obésité.

Quand il s'agit des assurés sociaux, vous n'hésitez pas à prévoir des sanctions drastiques. Pour les médecins, plus timidement, vous prévoyez des « incitations ». Quant aux industriels, ils ont droit à une charte des bonnes pratiques... Décidément, ce projet est équilibré !

Cette charte, d'ailleurs, ne concerne que la promotion des médicaments et non celle des génériques. C'est contradictoire, la seule avancée de ce texte concernant les génériques. Il est clair que cette charte ne sert à rien. La Haute autorité de la santé a disparu du dispositif, alors qu'elle aurait un rôle central à jouer en matière de médicament. Mais c'est l'industrie pharmaceutique elle-même qui va fixer les règles.

M. Jean-Claude Viollet - Votre projet est simple à résumer : intransigeance envers les assurés, intransigeance envers les médecins, complaisance pour l'industrie pharmaceutique. Il est impossible de ne pas être choqué par ce texte. Sur la dénomination commune internationale, nous n'avançons pas. Le bridage des logiciels a été demandé et obtenu par l'industrie pharmaceutique. Or, la DCI aurait libéré les prescripteurs. Vous ne prévoyez rien sur l'information, ni sur la formation médicale continue, qui devrait pourtant bénéficier de financements publics renforcés. Vous vous contentez d'une charte de la visite médicale conclue par le Comité économique des produits de santé avec plusieurs syndicats d'industriels. Cet article ne fait qu'énoncer un vœu pieux. Il est le résultat d'un accord entre le Gouvernement et le LEEM. Il n'a aucune portée normative. L'Etat est absent de la charte, tout comme la Haute autorité. Il faut renforcer le rôle de l'Etat dans la mise en œuvre de la charte et prévoir des sanctions, puisque vous n'avez pas hésité à le faire à l'encontre des assurés sociaux et des médecins. Etes-vous prêts à sanctionner les industries pharmaceutiques ?

M. le Président - Sur l'amendement 7624, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Mme Martine Billard - Cet amendement vise à préciser que la publicité pour les médicaments est réservée à la presse médicale. On me dira que c'est déjà le cas, mais ne passez-vous pas votre temps à réécrire dans ce projet des dispositions existantes ? En outre, cette précision est utile au moment où un lobby puissant tente de faire adopter au Parlement européen un texte autorisant la publicité en faveur des médicaments vendus sur ordonnance. Ce serait très dangereux pour la santé publique, compte tenu des pressions que subiraient alors les médecins.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis. Je ne peux laisser dire que la France serait le seul pays à ignorer la DCI.

M. Jean-Marie Le Guen - Il y a aussi la Guinée-Bissau ! (Sourires)

M. le Ministre - D'autres Etats membres de l'Union européenne ne l'utilisent pas.

Monsieur Morin, si la charte n'est pas respectée, le CEPS demandera un reversement au profit de l'ACOSS.

Mme Martine Billard - Qui sera chargé du contrôle ?

M. le Ministre - Monsieur Le Guen, ce n'est pas la charte du LEEM qui sera certifiée. Vous faites peu de cas du CEPS, des fonctionnaires qui y travaillent et de son directeur.

M. Jean-Marie Le Guen - On n'a pas fini de se cacher derrière les fonctionnaires !

M. le Ministre - Le CEPS, qui travaille sérieusement, va négocier la charte définitive.

Monsieur Tron, je veux vous remercier, puisque c'est à partir de votre proposition de loi que nous avons rédigé cet article.

Madame Guinchard-Kunstler, vous avez évoqué le problème du médicament dans les établissements accueillant des personnes âgées. Un groupe de travail a été constitué et je serais heureux que vous y participiez si vous le souhaitez.

Enfin, Mme Billard et M. Viollet ont affirmé que l'Etat était absent du dispositif. Mais le CEPS, c'est l'Etat, il serait temps que vous le sachiez. L'Etat est majoritaire au sein de ce comité.

M. Jean-Marie Le Guen - Pour combien de temps ?

M. le Ministre - Cela a vocation à durer. Pourquoi séparez-vous la régulation médicale de la politique du médicament ? L'institution du médecin traitant et du DMP va faire évoluer les comportements, et cela aura des effets sur la consommation de médicaments. Ce projet est global.

M. Hervé Morin - Je n'ai toujours pas de réponse sur les 800 millions d'économies qui pourraient être réalisées en contrôlant les arrêts de travail. Pour permettre à mon collègue Accoyer de respecter des pratiques traditionnelles du dimanche, je demande la vérification du quorum.

M. le Président - Je constate que le quorum n'est pas atteint. Comme j'avais préalablement annoncé le scrutin, je n'étais pas obligé de faire droit à votre demande, mais vous en auriez fait un drame devant la presse. Je lève donc la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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