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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 17ème jour de séance, 46ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 22 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

        LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS
        LOCALES (deuxième lecture) - suite - 2

        MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 12

        EXPLICATIONS DE VOTE 15

        ORDRE DU JOUR DU VENDREDI 23 JUILLET 2004 18

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS LOCALES (deuxième lecture) - suite -

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - J'informe les commissaires aux lois qu'après la fin de la discussion générale et de la discussion de la motion de renvoi en commission, la commission des lois se réunira en application de l'article 91 alinéa 10 du Règlement pour examiner les amendements qui lui sont parvenus.

M. Bruno Bourg-Broc - Dans un discours fondateur, à Rouen, le Président de la République avait appelé de ses vœux un nouvel élan décentralisateur. Le Gouvernement, sous la conduite de M.Raffarin, a engagé, tout d'abord avec MM. Sarkozy et Devedjian, puis avec M. de Villepin et vous-même, Monsieur le ministre, l'acte II de la décentralisation, afin d'administrer au mieux et au plus près de nos concitoyens. Telle est l'ambition de ce projet, que le Sénat a enrichi.

La place de la commune et de l'intercommunalité à fiscalité propre a été renforcée, comme je le souhaitais. Les EPCI pourront ainsi, au même titre que les communes, être associés à l'élaboration des schémas ou des plans établis par la région ou le département, et participer à l'exercice des compétences relevant de ces collectivités.

J'approuve encore le rétablissement de la possibilité pour tous les EPCI de bénéficier d'une délégation de l'attribution des aides publiques à la pierre, dès lors qu'ils sont compétents en matière d'habitat. En revanche, l'existence d'un seuil pour que les communautés de communes puissent solliciter une délégation de compétence en matière d'aide à la pierre représente une discrimination injustifiée, d'autant plus qu'elles sont nombreuses à avoir lancé des actions ambitieuses en matière de logement social.

Enfin, j'approuve le rétablissement de la possibilité pour le maire ou, avec l'accord du maire, pour le président d'un EPCI compétent en matière d'habitat, de se voir déléguer, sous le contrôle du préfet, le contingent préfectoral de réservation de logements sociaux. C'est une solution de bon sens.

Autre avancée de ce texte : la possibilité pour la région et le département de participer au financement des frais de transport individuel des élèves vers les établissements scolaires dont ils ont la charge. Peut-être pourrait-on aller plus loin en faisant de cette possibilité une obligation. En effet, si la loi du 12 juillet 1989, votée par la majorité d'alors, a transféré les transports scolaires du département vers les EPCI à fiscalité propre, elle n'a rien prévu quant au transfert de ressources, d'où une multiplication des conflits, et des difficultés financières pour certaines communes.

Nous avons déjà longuement débattu de ce projet, que ce soit dans les assises des libertés locales, en commission ou ici-même, mais je souhaite que les débats à venir permettent encore d'améliorer ce texte, qui doit être gage d'efficacité et d'attractivité pour nos collectivités, tout en préservant la stabilité fiscale locale.

Ce texte doit encore favoriser un aménagement solidaire du territoire et essayer de réduire les disparités.

Les nouveaux transferts de compétences doivent clarifier le rôle de chaque collectivité et rendre l'action locale plus efficace ; aussi une procédure simplifiée devrait-elle être instaurée dans le cadre de la délégation de compétences régionales et départementales au profit des communes et des EPCI, par exemple dans le domaine de l'action sociale, et ce afin de répondre à l'objectif de cohérence et au principe constitutionnel de subsidiarité. En effet, les communes et leurs intercommunalités, particulièrement en milieu urbain, ont développé des politiques qui les rendent plus à même de connaître les besoins des citoyens. Cette délégation simplifiée aurait pour corollaire une coopération étroite entre la collectivité chef de file et les villes ou les agglomérations délégataires.

Cependant, je regrette que n'aient pas été supprimées les dispositions par lesquelles l'Etat transfère par convention aux départements et aux régions les concours financiers qu'il accorde aux communes pour le fonctionnement des écoles nationales de musique, de danse et d'art dramatique et des conservatoires nationaux de région. Ces dispositions marquent en effet une dépendance des communes à l'égard des départements et des régions et comportent donc un risque de tutelle.

Je regrette encore que les dispositions relatives au sport introduites par l'Assemblée en première lecture aient été supprimées au Sénat, alors qu'il faudrait consacrer le rôle des communes et des intercommunalités à fiscalité propre dans ce domaine. Pour avoir développé des actions de grande envergure, elles doivent souvent supporter des charges financières lourdes, d'autant plus que les départements et les régions ne participent pas forcément aux frais. Aussi serait-il nécessaire de prévoir dans la loi les modalités de la participation financière des départements et des régions.

Enfin, je désapprouve le retrait des dispositions relatives à la création d'une instance de concertation constituée de représentants des exécutifs régionaux et départementaux et de représentants des communautés urbaines et d'agglomération. Cette instance doit être rétablie et sa composition élargie aux représentants des communautés de communes et aux maires.

La réforme de la décentralisation engagée il y a maintenant deux ans est aujourd'hui en bonne voie. Il nous revient d'en améliorer encore les modalités afin qu'elle garantisse la compétitivité de nos territoires au sein de l'Europe et que nos collectivités locales répondent au mieux à l'attente de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La parole est au président Lurel.

M. Victorin Lurel - Je m'exprimerai au double titre de parlementaire et de président de région - et plus précisément de la région Guadeloupe - car les régions seront, après les contribuables locaux, les grandes victimes de votre réforme. Comment, d'ailleurs ne pas rappeler l'opposition de 24 des 26 régions à votre texte ? Elle a été maintes fois répétée, tant au Premier ministre qu'à vous-même, Monsieur le ministre. Après que, les 21 et 28 mars, les Français ont fait confiance à l'opposition pour gérer la presque totalité des régions, le Premier ministre avait annoncé que « la mère de toutes les réformes » serait remise sur le métier et s'était dit ouvert au dialogue et à la concertation. Mais si dialogue il y a eu, il n'a été qu'apparent, puisque les reproches formulés par l'association des régions de France et par son président demeurent. Le Gouvernement n'a tenu aucun compte de nos observations et, en fait de concertation, nous assistons à un passage en force en fin de session extraordinaire. Nous nous attendons d'ailleurs à ce que vous brandissiez prochainement l'arme ultime, l'article 49-3 de la Constitution, ce qui, au cours d'une session extraordinaire, serait quasiment une première dans l'histoire de la Ve République.

L'ensemble des régions est opposé au transfert forcé des TOS, qui n'apporte rien en matière éducative. Nous nourrissons l'affreux soupçon qu'il s'agit pour l'Etat de se délester d'une charge financière sur les régions, charge qui pèsera de tout son poids en 2006 et en 2007, période cruciale de notre vie électorale.

Par ailleurs, compte tenu des modalités de compensation retenues, cette réforme consiste avant tout en un transfert de déficit, l'Etat se défaussant sur les collectivités locales, et principalement sur les régions. Mais, depuis les dernières élections, cette défausse se double d'une volonté évidente de fragiliser les territoires pour en affaiblir les gestionnaires, en très grande majorité de gauche. C'est ainsi qu'aux transferts de charges s'ajoutent à présent de multiples désengagements de l'Etat, constatés au niveau des contrats de plan mais aussi avec le tarissement subit des crédits européens. De plus, les contrôles de légalité sont brusquement devenus d'un tatillon qui touche au kafkaïen.

Ce changement brutal est particulièrement perceptible en Guadeloupe, où les brimades infligées à la région se multiplient. Ainsi, c'est la préfecture qui, à la demande des ministres de l'intérieur, de l'outre-mer et de la défense, s'est immiscée dans une procédure pénale diligentée contre moi à la demande de mon prédécesseur, le préfet demandant que l'on me « soigne » particulièrement ! Le juge lui-même a estimé devoir porter plainte et il a saisi le procureur de la République.

Un autre exemple emblématique est celui du rebasage. Alors que M. Devedjian et Mme Girardin s'étaient engagés à rebaser la DGF en Guadeloupe, on a soigneusement oublié 2000, 2001 et 2002, pour s'en tenir à la seule année 2003 ! Enfin, à la faveur d'un amendement adopté au cours du débat sur l'octroi de mer, le Gouvernement n'a pas hésité à infliger à la Guadeloupe un rappel de 49 millions au titre de onze années d'arriérés que mon prédécesseur avait refusé de payer. Si ce n'est pas là la politique avec un « petit p » dénoncée par le Président de la République, qu'est-ce ? Or, cette politique-là est profondément préjudiciable aux collectivités régionales.

De surcroît, les régions d'outre-mer seront les plus durement touchées par la réforme que vous voulez imposer et qui aggravera leur retard structurel, consacrant ainsi une fracture territoriale durable. C'est la préoccupation que les quatre présidents de région d'outre-mer ont exprimé dans une déclaration commune remise au Premier ministre et dans laquelle ils rappellent les difficultés économiques et sociales dans lesquelles ces régions se débattent. Leur situation se caractérise par des retards structurels en matière d'équipements et de personnels dans les services publics et par un taux de chômage très élevé, qui mine la cohésion sociale, le tout étant aggravé par une forte dynamique démographique. Or, aucun de ces paramètres n'est pris en considération dans le projet. De ce fait, le mécanisme proposé pour compenser les transferts est inopérant dans nos régions.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Victorin Lurel - De même, la loi organique adoptée hier a superbement ignoré nos problèmes spécifiques. En l'état, le projet qui nous est soumis aujourd'hui fait courir le risque d'obérer durablement les capacités de développement de nos territoires. Comment la Guadeloupe, région la plus endettée de France, et dernière en terme de PIB par habitant, pourrait-elle prendre en charge le transfert des TOS ou celle de la voirie sans qu'auparavant une remise à niveau n'ait eu lieu ? C'est pourquoi nous avons demandé qu'un audit soit réalisé par les services de l'Etat en concertation avec les collectivités considérées.

Dans cet esprit également, nous demandons que, conformément aux possibilités offertes par l'article 73 de la Constitution - dont le Gouvernement s'est engagé, le 22 juin, à nous faire bénéficier -, l'application de la loi aux régions d'outre-mer soit différée aussi longtemps que le rattrapage des retards n'aura pas eu lieu et que les moyens financiers correspondants n'auront pas été définis.

C'est d'ailleurs en se fondant sur cette disposition que le Sénat a adopté l'article 128 de ce projet, différant les transferts des TOS pour l'outre-mer tant que les effectifs n'auront pas été rééquilibrés (M. Pascal Clément, président de la commission des lois, proteste).

M. le Président - Monsieur Lurel, je vous prie à nouveau de conclure.

M. Victorin Lurel - J'y viens, Monsieur le président. L'économie générale de la réforme étant inadaptée à l'outre-mer, nous demanderons au Gouvernement de traduire dans ce texte ses engagements et de différer effectivement l'entrée en vigueur de la loi dans nos régions tant que les demandes d'habilitation n'auront pas été transmises au Parlement. Je proposerai par ailleurs une meilleure prise en compte de l'existence en Guadeloupe d'un port autonome ; je proposerai aussi que les retards structurels que connaît l'outre-mer en matière de voirie soient pris en considération dans le texte.

M. Michel Piron - Combien de volumes compte cette intervention ?

M. Victorin Lurel - Enfin, je proposerai des solutions au lancinant problème de la desserte intérieure en Guadeloupe et de la desserte entre métropole et outre-mer, par le biais du renforcement des pouvoirs des collectivités régionales à l'égard des compagnies aériennes. Aujourd'hui même, le collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais a organisé une opération escargot sur ce thème dans les rues de Paris. Je ne doute pas, Monsieur le ministre, que vous respecterez vos engagements ; j'attends donc votre accord sur ces différents points (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Monsieur le président Lurel, vous devriez, en tant que président de région, être particulièrement attentif au respect du temps de parole. C'est bien parce que le président de la commission et le ministre sont d'une grande bienveillance à l'égard de l'outre-mer que je vous ai laissé parlé bien plus longtemps que votre temps de parole ne vous y autorisait.

M. Léonce Deprez - Je suis fier d'être à l'initiative de l'insertion dans ce projet de loi marquant l'acte deux de la décentralisation d'un objectif important : faire de l'organisation territoriale de l'économie touristique un enjeu majeur du développement économique. Au fil des réformes conduites par le Gouvernement, il apparaît que la clé de la réussite de l'action engagée, c'est une croissance annuelle de l'ordre de 3 % et le retour vers l'emploi de dizaines de milliers de Français. Le salut passe par toujours plus de créations d'emplois dans tous nos territoires, métropolitains et ultramarins. A cette fin, il faut commencer par mettre à profit les chances de croissance que nous avons sous nos yeux, et parfois sous nos pieds ; la France est en effet le premier pays d'accueil de touristes, en provenance de tous les continents. Or l'économie touristique est par nature territorialisée, en ce qu'elle s'attache à la peau d'un territoire donné. Notre devoir est par conséquent de valoriser le formidable gisement d'emplois que représente l'économie touristique et j'ai déposé un amendement tendant à affirmer de la manière la plus explicite que le développement économique peut s'opérer à partir de la mise en valeur des potentialités touristiques d'un territoire. L'organisation territoriale de l'économie touristique doit être un objectif de valeur législative. Il n'est que temps de mieux mobiliser les talents, les énergies et les capitaux - publics et privés - pour optimiser nos atouts.

2 280 communes françaises, qui se sont dotées grâce aux efforts de leurs élus de capacités d'accueil du tourisme, bénéficient d'une dotation complémentaire à la DGF dite dotation touristique. Ce sont des stations thermales, littorales ou de montagne ou des villes d'art et d'histoire. 510 d'entre elles bénéficient en outre, grâce à l'attrait de leur environnement et à l'excellence de leurs infrastructures touristiques, du statut de « station touristique classée». Notre pays compte de plus une centaine de villes de congrès à fort tourisme d'affaire et un millier de « pays ruraux » pratiquant de nouvelles formes d'accueil touristique.

C'est en rendant cohérente la structuration territoriale de ces pôles touristiques que l'on créera toujours plus d'emplois dans un secteur qui a vocation à devenir un facteur essentiel de développement économique durable. Parmi les 3 000 pôles de vie touristique recensés dans notre pays, 180 stations classées disposent d'un casino. Il est impératif qu'elles puissent continuer à percevoir une fraction du produit des jeux autorisés dans les casinos - notamment pour faire face à leurs lourdes charges de fonctionnement et d'investissement - et que l'autorisation de jeux dans les casinos reste dérogatoire au droit commun et placée sous l'autorité exclusive du ministre de l'intérieur.

Ce texte nous donne l'occasion de mieux apprécier l'impact de l'économie touristique, laquelle a vocation à donner du travail à près de deux millions de Français. La nouvelle approche du temps libre qui a cours dans nos sociétés permet d'envisager l'activité touristique tout au long de l'année. Il est essentiel que ce projet de loi soit à l'origine d'une politique extrêmement volontariste de mise ne valeur de nos formidables atouts touristiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La parole est à M. le Président Estrosi (Sourires).

M. Christophe Caresche - A ma connaissance, M. Estrosi ne préside rien dans cette maison !

M. Christian Estrosi - Je veux témoigner de l'enthousiasme sincère avec lequel je participe à ce débat et, en même temps, de mon incompréhension devant l'attitude de certains de nos collègues, qui, en cette fin de mois de juillet, voudraient retarder un processus législatif engagé depuis déjà longtemps (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe socialiste). Tous les exécutifs locaux ont désormais besoin d'être fixés sur les nouvelles compétences dévolues aux collectivités et sur le cadre d'exercice de leurs responsabilités. Une fois ces éléments précisés, elles seront en mesure de s'organiser...

M. Christophe Caresche - Après dix-huit mois d'incertitude !

M. Christian Estrosi - Précisément ! Pourquoi tendre à mettre en difficulté des élus rigoureux qui ne demandent qu'à se préparer à cette nouvelle étape fondamentale dans la mise en cohérence territoriale de notre pays ? Ce texte nous honore et j'avoue bien volontiers que si je n'avais pas été trop jeune en 1982 pour avoir accédé à la responsabilité politique, j'aurais sans doute voté les lois Defferre...

M. René Dosière - C'est un peu facile !

M. Christian Estrosi - ...car elles ont engagé une dynamique dans notre pays dont nos territoires ont longtemps profité (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Las, force est aussi d'admettre que depuis 1982, la fiscalité locale a explosé et cela nous a conduits - aussi bien dans la loi constitutionnelle adoptée par le Congrès que dans la loi organique ou le présent texte - à prendre toutes les garanties nécessaires pour que les nouvelles compétences déléguées aux collectivités à l'occasion de cette nouvelle étape n'entraînent pas pour elles un surcroît de charges non compensées. Dès lors, les bons gestionnaires n'ont rien à redouter de ces nouveaux transferts. Est-ce à croire que ceux qui le craignent ne gèrent pas bien ?

M. Christophe Caresche - Merci du compliment, mais nous avons tout de même gagné les élections locales !

M. Christian Estrosi - Nous devons aussi nous féliciter du formidable mouvement de simplification administrative créé par cette nouvelle cohérence territoriale. En tant que président d'un conseil général, je puis témoigner des tracasseries quotidiennes auxquelles sont confrontés nos concitoyens dans le domaine de l'action sociale. Renvoyés de guichet en guichet et de direction en direction, ils mettent souvent plusieurs mois à monter un dossier de demande d'allocation, ou même simplement à obtenir une réponse. Confier l'ensemble des compétences du champ social aux conseils généraux va simplifier la vie de tous et renforcer l'efficacité de l'intervention publique.

Aujourd'hui, nous allons enfin mettre dans les mains d'une seule et même collectivité tout ce qui concerne les relations sociales, de l'instant où l'on est conçu à celui où l'on quitte cette terre, de la petite enfance aux personnes âgées. Prenez le problème du handicap : c'est une réalité, qu'il s'agisse des handicapés enfants, adolescents ou adultes. Aujourd'hui pourtant, cette réalité est morcelée entre de multiples guichets. Nous allons rationaliser cela.

Je pourrais aussi prendre l'exemple des routes, puisque nous allons enfin pouvoir mettre en cohérence la voirie nationale et la voirie départementale. Jusqu'à présent, je m'évertue à coordonner 6 000 kilomètres de routes départementales et 220 kilomètres de routes nationales, parce que les services du département et ceux de l'Etat ne parviennent pas à s'entendre ! Dans ce domaine aussi, nous allons alléger bien des difficultés.

Par ces deux exemples, j'ai voulu souligner la pertinence de l'initiative qu'a prise le Gouvernement. Ne traînons pas plus ! Mettons un point final à cette démarche engagée depuis près de deux ans. Monsieur le ministre, je vous remercie du fond du cœur. Nous ne devons pas redouter ce formidable pari : rapprocher les décisions des citoyens. Ceux-ci seront les premiers vainqueurs de la décentralisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La parole est à M. le président Caresche (Sourires).

M. Christophe Caresche - Je me suis un peu offusqué, Monsieur le président, qu'on fasse état des responsabilités locales des députés. L'Assemblée nationale n'est pas une collection d'élus locaux - mais je n'entends pas rompre le climat convivial que vous faites régner.

Je ne voulais pas revenir sur les conditions de ce débat, mais M. Estrosi, nous ayant interpellés, m'y incite. Il est paradoxal de reprocher à l'opposition la dérive de l'ordre du jour, alors que celui-ci est la prérogative du Gouvernement. Nous ne vous reprochons pas d'examiner ce projet aujourd'hui, mais vous auriez pu maîtriser l'ordre du jour et discuter ce texte plus tôt, afin de le faire dans d'autres conditions. Le ministre des relations avec le Parlement a indiqué qu'en tout état de cause la session se terminerait à la fin du mois ; nous savons qu'un projet important sur les SDIS est prévu lundi et que d'autres textes sont inscrits en deuxième lecture. Ce que nous contestons, c'est le fait qu'on arrive en fin de session avec un embouteillage rarement égalé dans l'histoire des travaux parlementaires, qui rend problématique la possibilité d'examiner sérieusement un texte pourtant présenté comme la réforme phare de cette législature. Si nous sommes aujourd'hui dans une situation qui conduit le Gouvernement à envisager de recourir à l'article 49-3, c'est sa responsabilité : c'est qu'il n'a pas été capable d'organiser correctement les travaux de notre assemblée.

M. Christian Estrosi - Si vous parliez des Français, plutôt que de l'ordre du jour ? Avez-vous quelque chose à dire sur la décentralisation ?

M. Christophe Caresche - Vous-même avez évoqué les conditions de ce débat : je voulais vous répondre.

M. Michel Piron - L'ordre du jour est excellent : c'est votre dérive qui ne l'est pas !

M. Christophe Caresche - Non : cette dérive résulte de l'incapacité du Gouvernement à maîtriser l'ordre du jour. Nous ne sommes pas seuls à le dire. Le Président de notre Assemblée s'est exprimé - avec la réserve que comporte sa fonction - pour déplorer les conditions dans lesquelles nous débattons.

Je veux, d'autre part, exprimer mon regret de constater que les problèmes de l'Ile-de-France ne sont pas traités sérieusement dans ce projet. Il comporte certes quelques mesures, d'ailleurs positives, comme la réforme du Syndicat des transports. Mais, pour l'essentiel, il n'engage pas la réforme pourtant urgente dont cette région a besoin. Dans un projet qu'on présente comme la mère des réformes, l'acte II de la décentralisation, il est difficile de comprendre que les problèmes de l'Ile-de-France ne soient pas traités. Cette région cumule d'importantes difficultés, notamment en matière de transports, de logement, mais aussi de développement économique et de chômage ; et elle présente, sur le plan institutionnel, un certain nombre de particularités. Ne pas s'attaquer par exemple à la question des relations entre les communes, ne pas clarifier les compétences et les niveaux de coopération, c'est retarder une réforme nécessaire et urgente, et je le déplore (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - La parole est à M. le président Lagarde... (Sourires)

M. Jean-Christophe Lagarde - Tout au plus président d'un CCAS !

La seconde étape de la décentralisation est une affaire trop sérieuse pour être livrée aux délices de l'obstruction parlementaire, mais aussi à la tentation des procédures expéditives comme l'article 49-3. Ni l'une ni l'autre ne donnent du Parlement la meilleure image, ni ne permettent de débattre sereinement d'un projet qui devrait nous faire entrer, pour de longues années, dans un nouveau mode de fonctionnement des collectivités locales. Cette réforme est pourtant souhaitée sur de nombreux bancs de notre assemblée : il s'agit de préciser le bloc des compétences et d'adapter l'administration aux attentes de nos concitoyens. Ce devait être la grande affaire de la législature, la « mère des réformes » selon l'expression du Premier ministre.

Où en sommes-nous ce soir, 22 juillet ? A l'issue de la première lecture, le groupe UDF s'était abstenu, dans l'espoir d'émettre, en seconde lecture, un vote positif sur un projet de loi amélioré. Les déclarations gouvernementales le laissaient espérer. Ainsi, le 14 avril, le Premier ministre parlait d'un «projet refondé» avant d'être soumis à l'approbation parlementaire. Le même jour, le ministre de l'Intérieur invitait lui aussi « au dialogue et à la concertation ». Trois mois après, que reste-t-il de ces déclarations ? Poser la question, c'est hélas y répondre. Pourtant y avait-il urgence, au cœur de l'été ? Ce texte aurait pu être examiné début octobre dans de meilleures conditions.

En l'absence de toute réécriture, notre jugement n'est pas positif. La rédaction est lourde, inutilement bavarde, encombrée de dispositions de nature réglementaire. On sait pourtant, depuis le XVIIIe siècle, que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »... Le projet comporte plus de procédures que de principes : il ajoute ainsi de la complexité à l'enchevêtrement actuel et ne permettra pas au citoyen de mieux comprendre qui fait quoi. Pourtant, la lisibilité de l'action publique est une condition de son efficacité. J'en prendrai trois exemples : le logement, l'action économique, la formation professionnelle, qu'on ne cesse de modifier par petites touches depuis vingt ans. Croit-on permettre ainsi la concrétisation de politiques ambitieuses dans ces trois domaines, où les besoins sont considérables ?

Mais surtout, le projet en l'état ne témoigne d'aucune vision prospective sur le devenir et la complémentarité des collectivités locales, dans les rapports qu'elles entretiennent avec l'Etat ou entre elles. Nous regrettons ainsi la méfiance suscitée entre les régions et les départements, à travers votre recul sur le développement économique : la région n'en est plus le chef de file mais le simple coordonnateur. Une des rares dispositions originales disparaît ainsi. Que la région doive devenir un véritable chef de file économique, cela ressortait pourtant clairement du rapport de Christian Blanc, qui avait reçu un accueil favorable du Premier ministre et du ministre d'Etat, M. Sarkozy.

Nous regrettons aussi l'oubli des communes et de l'intercommunalité, qui sont la cinquième roue du carrosse. Nous regrettons enfin l'indifférence à l'égard des pays et des grandes aires urbaines qui sont pourtant porteurs de nombreux projets de développement local.

Le défaut de méthode a restreint votre champ de réflexion. Vous n'avez jamais raisonné qu'à structure territoriale constante, sans vous demander comment passer de l'émiettement actuel à la conduite de véritables politiques publiques, globales et cohérentes. La recherche de l'efficacité et de la responsabilité exige pourtant que l'on s'interroge sur la vocation naturelle des différentes collectivités, c'est-à-dire sur l'échelon le plus pertinent pour chaque type d'action. L'intérêt général commande de rassembler autour de projets fédérateurs : on ne peut se contenter de gérer le statu quo ni de juxtaposer des compétences dispersées. Déplacer seulement quelques pièces du puzzle, comme le fait ce texte, n'est pas à la hauteur du défi.

Et que dire de la réforme de l'Etat qui devrait accompagner la décentralisation ? Les collectivités ont besoin de services extérieurs de l'Etat, modernisés et regroupés autour des préfets. Or, les décisions en ce domaine sont sans cesse différées, ce qui ne fait qu'aggraver le mal dont souffrent par exemple les DDE ou les DDASS.

Quant au transfert de cent mille agents, que par ailleurs j'approuve pleinement, tout laisse à penser qu'il aura lieu dans de mauvaises conditions tant ses modalités demeurent floues.

Enfin, les élus locaux sont inquiets du volet financier - la discussion de la loi organique n'a, hélas, pas permis de dissiper leurs inquiétudes. Certes, les charges devraient être évaluées de façon objective et l'Etat transférera bien les moyens qu'il consacrait antérieurement aux compétences transférées. Mais celles-ci correspondant à des attentes fortes, comme en matière de logement, de solidarité, de santé, de formation..., les collectivités risquent, au fil du temps, d'y perdre. De même, certains équipements transférés comme les routes, les ports et les aéroports exigeront une remise à niveau coûteuse, comme celle qui fut nécessaire pour les collèges en 1982. Il est rare que l'Etat se dessaisisse de secteurs où il n'y a pas de problèmes !

Au total, nous craignons que cette seconde étape de la décentralisation ne soit un rendez-vous manqué que l'on cherche à imposer au forceps. Certes, quelques améliorations ont bien été apportées au texte, ici ou là. Mais au regard de l'ambition initiale, la copie est confuse, sans souffle ni originalité. Reste toujours à moderniser l'Etat comme les collectivités et les relations qu'ils entretiennent, ainsi qu'à réconcilier nos concitoyens avec la chose publique. Ces deux chantiers n'ont pas été ouverts.

Le groupe UDF, profondément attaché à la décentralisation, regrette que ce texte se contente d'impressionnisme juridique là où il aurait dû mettre en perspective les efforts à faire pour notre pays. Il regrette surtout que ce débat ait lieu dans de telles conditions, où rumeurs, dépêches et démentis se succèdent pour indiquer, puis infirmer, que le débat pourrait être dès demain interrompu. Même si le Parlement a déjà eu à connaître de ce texte, il aurait été important qu'il puisse de nouveau en débattre suffisamment. En effet, une réforme ne saurait être efficace que si elle est comprise et acceptée de tous, certainement pas si elle est adoptée sans vote ni discussion.

M. le Président - La discussion générale est close.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - La discussion générale ayant été assez longue, je prendrai le temps de répondre précisément à chacun des orateurs, comme il est du devoir d'un ministre.

En réponse à M. Chassaigne, je serai toutefois bref, car je lui ai déjà longuement répondu après sa défense de l'exception d'irrecevabilité. Je ne l'ai pas convaincu puisqu'il n'a pas été plus tendre dans son intervention que dans sa motion : je le regrette.

Monsieur Piron, dont on ne se lasse jamais du talent oratoire...

M. Christophe Caresche - Il a été très bon en effet s'agissant de la Charte de l'environnement.

M. le Ministre délégué - Que n'avez-vous voté ce texte dont vous venez maintenant nous parler !

M. Piron, disais-je, a souligné, à juste titre, l'importance de la déconcentration tant il est vrai qu'il ne saurait y avoir de décentralisation réussie sans déconcentration parallèle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il faudra mobiliser les administrations centrales pour qu'elles accompagnement efficacement le mouvement de décentralisation. Dominique de Villepin vient de donner des instructions aux préfets pour que dans chaque département se mettent en place des pôles de compétences. M. Piron a également rappelé toute l'importance des modifications introduites à l'article premier, fruit d'une très large concertation avec toutes les collectivités - autres que les régions puisqu'en dépit de ma bonne volonté, je n'ai pu rencontrer leurs présidents que très tardivement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le président de l'Association des grandes villes, M. Bockel, nous avait fait part de son inquiétude d'une possible tutelle des régions sur les communes. Le texte finalement adopté au Sénat devrait le rassurer.

M. Le Bouillonnec a, pour sa part, centré son intervention sur la question essentielle du logement. Notre ambition en ce domaine est claire : il s'agit de donner aux responsables locaux les moyens d'aller de l'avant, tout particulièrement en reconnaissant le rôle des structures intercommunales. Pour ce qui est de l'article 49A, sur lequel vous avez également insisté, ce Gouvernement a fait le choix de la confiance. C'est d'ailleurs ce qui nous oppose aux gouvernements de gauche qui, se défiant des collectivités, préfèrent les contraindre et les contrôler. Nous préférons, nous, les inciter plutôt que les pénaliser.

M. Christophe Caresche - Et vous vous étonnez ensuite que cela ne marche pas !

M. le Ministre délégué - Nous faisons confiance aux élus locaux, étant entendu qu'il appartient à l'Etat d'assurer ensuite la solidarité au niveau national. Concertation et partenariat doivent être les maîtres-mots. Ainsi pour l'attribution du contingent préfectoral, le préfet pourra déléguer son pouvoir sur la base d'une convention de partenariat avec les collectivités.

S'agissant de l'article 49 bis, dont vous souhaitez une profonde modification, nous estimons au contraire qu'il améliorera la situation des offices HLM qui souffrent aujourd'hui d'une gestion trop administrée. Vous avez dénoncé le faible nombre de PLH en Ile-de-France. Pour y remédier, il n'est que deux solutions, soit faire du conseil régional le délégataire de toutes les aides à la pierre, soit, solution qui a de loin ma préférence, encourager la coopération intercommunale. Celle-ci a pris beaucoup de retard en Ile-de-France. La politique du logement peut donner l'occasion de la relancer. L'idée du président Huchon de créer une agence foncière en vue d'acquisitions de terrains me paraît d'autant plus intéressante que je l'avais moi-même développée tout au long de la campagne... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vous n'en êtes tout de même pas l'inventeur !

M. Jean-Christophe Lagarde - M. Huchon en parlait depuis six ans, mais n'avait jamais rien fait !

M. le Ministre délégué - Je verrais notamment d'un très bon œil qu'il soit possible de conclure des conventions afin de résoudre le dramatique problème du logement des policiers en Ile-de-France.

M. Christophe Caresche - Vous aimeriez bien que la région paie à la place de l'Etat !

M. le Ministre délégué - Oui, Monsieur Bourg-Broc, ce texte donne une place accrue à l'intercommunalité. Cet aspect n'était pas assez développé dans le texte issu de la première lecture. Le rééquilibrage nécessaire a été opéré. La décentralisation doit être gage d'attractivité et de compétitivité des territoires. Tous les transferts seront compensés à l'euro près, nous l'avons encore confirmé lors de l'examen de la loi organique.

Monsieur Lagarde, quelle sévérité !

M. Michel Piron - Étrange d'ailleurs !

M. le Ministre délégué - Pour vous connaître dans la « vraie vie », celle qui n'oblige pas à des postures, je sais que vous êtes un élu moderne, ouvert, peu adepte du sectarisme. Je sais donc que vous ne pouvez pas penser ce que vous avez dit.

Vous ne pouvez à la fois déplorer l'obstruction du PS et critiquer à l'avance les dispositifs que prévoit la Constitution dans le cadre du parlementarisme rationalisé, sauf à faire vôtre le ni-ni... (Interruptions sur plusieurs bancs)

M. Jean-Christophe Lagarde - Ce n'est quand même pas parce qu'on change de Premier ministre que la France cessera de fonctionner...

M. le Ministre délégué - Si nous n'avons pas attendu octobre pour présenter ce texte, c'est parce qu'il sera nécessaire, pour qu'il entre en application le 1er janvier prochain, que des milliers de fonctionnaires se préparent aux transferts et que d'autres préparent avec moi les décrets d'application. Car je ne suis pas de ceux qui pensent que tout est terminé quand un texte est voté ; bien au contraire, tout commence ! Ce qui compte, c'est que les Français, qui ne suivent pas nos débats au jour le jour, comprennent ce que nous faisons pour eux.

Je le redis, c'est avec une certaine tristesse que je vous ai écouté, parce que celui qui prend des risques mérite au moins un petit mot gentil. Mais je sais que, sur le terrain, vous êtes attaché à une décentralisation moderne.

M. Deprez, pour sa part, n'a pas oublié les encouragements. Je lui rends la pareille en saluant son engagement exceptionnel en faveur du développement du tourisme dont il est un acteur essentiel. Sa proposition qui vise à reconnaître plus clairement l'organisation territoriale du tourisme est peut-être un peu compliquée, mais elle présente l'intérêt de marquer clairement notre engagement en faveur du tourisme, pour lequel M. Estrosi fait également beaucoup.

Vous avez aussi évoqué la question du financement de collectivités touristiques par un prélèvement direct sur le produit brut des jeux. Nous y reviendrons.

Vous êtes, Monsieur Estrosi, un militant courageux de la décentralisation et vous avez salué lucidement le travail accompli il y a 20 ans par M. Defferre. Moi-même, je n'ai de cesse de rendre hommage à M. Mauroy, dont le rapport nous permet de mettre les députés socialistes face à leurs contradictions, ce qui fait un bien fou à tout le monde...

Je suis pour ma part très favorable à ce qu'on donne une suite favorable à votre proposition de confier la gestion des ports de pêche et de commerce aux conseils généraux.

M. Christian Estrosi - Merci.

M. le Ministre délégué - Monsieur Caresche, il faut n'avoir pas lu le projet pour ne pas y avoir vu cette avancée considérable que marque le transfert du Syndicat des transports à la région Ile-de-France ! Je suis sûr que le président de la région capitale saura exercer cette responsabilité considérable au nom de l'intérêt général. Il va de soi que l'Etat l'accompagnera. Je regrette que mon adversaire ne se soit pas inspiré de ma proposition d'une carte orange à 45 €.

M. Christophe Caresche - Il y a déjà la carte Imagine'R...

M. le Ministre délégué - Ca n'a rien à voir !

Mme Bello et M. Lurel ont largement évoqué le sujet important de l'outre mer.

Vous le savez, Madame, les collectivités d'outre-mer sont soumises à un double principe. Le premier, qui n'est pas négociable, c'est leur appartenance pleine et entière à la collectivité nationale, avec l'ensemble des droits et devoirs qui s'y attachent. Le second, lié à leur éloignement de la métropole, suppose des organisations adaptées à celui-ci et à l'insularité. Il ne faut donc pas se tromper de sujet : si la Constitution prévoit bien que les DOM peuvent bénéficier « d'adaptations » législatives, elle dispose aussi que « les lois et règlements y sont applicables de plein droit ». Dans ces conditions, la décentralisation, qui est un principe de l'action publique, s'applique aussi dans les DOM !

Quant aux TOS, je rappelle que les procédures d'affectation des personnels sont les mêmes dans les DOM qu'en métropole et que les éventuels écarts constatés ne relèvent pas d'un traitement différent. En conséquence, je ne peux qu'être défavorable aux dispositions de l'article 128 introduites au Sénat à l'initiative de M. Virapoullé, et j'en proposerai la suppression d'autant que je les crois inconstitutionnelles.

S'agissant des financements des transferts de compétences, il y a un problème spécifique aux DOM puisque la taxe spéciale sur les produits pétroliers est une ressource déjà affectée aux conseils régionaux. En conséquence, comme pour le RMI, dont le paiement est remboursé aux départements par une dotation spéciale votée en loi de finances, des dotations spécifiques seront prévues pour qu'il n'y ait pas de perte en ligne.

Monsieur Lurel, vous avez effectivement remis à Mme Girardin et à moi-même une déclaration des présidents de région de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, lors de notre rencontre avec le Premier ministre le 6 juillet dernier. Je veux apporter des réponses précises aux cinq points que vous avez soulevés.

Vous soulignez en premier lieu les difficultés des régions d'outre-mer, en raison des « retards structurels en matière d'équipements, et de personnels, de services publics et en raison de l'importance du chômage ». Chacun déplore ici cette situation. Mais je rappelle que les contraintes économiques spécifiques aux régions d'outre-mer, sont prises en compte dans des lois relatives à l'outre-mer. En outre, la loi de programme du 27 juillet 2003 a rénové le régime de la défiscalisation des investissements et mis en œuvre des exonérations spécifiques pour favoriser l'emploi. Au cours des six derniers mois, le chômage a été réduit de 7 % et même de 19 % pour les jeunes. Ce remarquable résultat est à mettre au crédit du dynamisme des acteurs économiques locaux, mais aussi peut-être de la politique courageuse de ce gouvernement....

La loi relative à l'octroi de mer du 2 juillet 2004 garantit en outre aux régions et communes des départements d'outre-mer des ressources fiscales importantes. Ce dispositif fiscal spécifique est garanti 10 ans et représente une recette annuelle de 750 millions. Enfin, les régions d'outre-mer sont éligibles à l'objectif 1 qui concerne les régions « en retard de développement » et bénéficient à ce titre de 3,3 milliards de fonds structurels européens pour la période 2000-2006.

Vous le voyez, nous avons là un ensemble de mesures concrètes, auxquelles s'ajoutent les effets péréquateurs par nature des contrats de plan.

En second lieu, vous craignez que les moyens financiers pour le transfert de compétences ne soient pas à la hauteur de la situation de l'outre-mer car ils ne prendraient en compte ni les retards structurels ni les besoins créés par la progression démographique. Or ce texte établit, pour l'ensemble des régions de France, des transferts à l'euro près dans le cadre de procédures extrêmement transparentes et de niveau constitutionnel. Par ailleurs, une commission d'évaluation des charges fera un travail très sérieux afin que tout ce qui est dû aux différentes collectivités leur soit versé par l'Etat.

J'ajoute que, chaque fois que des contraintes et caractéristiques particulières aux régions d'outre-mer sont identifiées, elles sont prises en compte par la loi relative aux responsabilités locales. Ainsi, les transferts en matière de routes privilégient la région outre-mer en lieu et place du département en métropole.

Vous dites par ailleurs que le projet de loi organique sur les finances locales n'apporte aucune réponse sur les «rattrapages, compensations et rééquilibrages ». En effet, il n'appartient pas à la loi organique d'apporter des réponses sur des politiques nationales de péréquation.

Les présidents des quatre régions considèrent en troisième lieu que ce texte va obérer durablement leur capacité de développement et que la loi consacre donc un « divorce regrettable entre décentralisation et développement ». C'est tout à fait le contraire puisque la décentralisation vous permet à vous, élus locaux, de gérer mieux les affaires locales, au plus près des citoyens et d'être beaucoup plus efficaces dans toutes les actions de développement.

Vous contestez le transfert des TOS, mais il s'agit là d'une mesure de niveau national proposée il y a trois ans avec beaucoup de conviction par l'excellent Pierre Mauroy. Je l'ai dit, je m'opposerai à l'amendement qu'a déposé le sénateur Virapoullé.

Enfin, vous avez demandé que le Premier ministre engage une « démarche appropriée à la prise en compte de votre situation spécifique » et souhaité une expertise permettant d'évaluer les retards en équipements, en infrastructures, en moyens humains et les besoins découlant de la progression démographique.

Comme ce fut le cas avec les lois Defferre, la décentralisation se fait à un moment donné et elle assure le transfert en fonction des critères arrêtés à une date fixe. Vouloir effectuer des transferts en fonction de critères imprécis et évolutifs la rendrait complètement inapplicable.

Vous voulez, enfin, absolument que l'on transfère le port autonome de Guadeloupe. Le projet pose le principe général d'une décentralisation dans le domaine portuaire, à l'exclusion des ports autonomes. Ceci se justifie, outre par leur statut même, par leur vocation à caractère national et international et par leur positionnement stratégique au regard de l'économie du pays. Aussi l'Etat souhaite-t-il conserver toute la responsabilité sur les ports les plus importants d'outre-mer, notamment pour assurer la continuité territoriale. C'est pourquoi le Parlement a adopté un amendement permettant de ne pas les décentraliser. Dans le cas de la Guadeloupe, le port autonome peut d'ailleurs jouer un rôle de port d'éclatement pour l'ensemble des Caraïbes. Il me semble ainsi avoir répondu de façon précise à l'ensemble des sujets que vous avez abordés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission.

M. René Dosière - Au moment d'intervenir, j'avoue ma grande perplexité.

M. le Rapporteur - Oui. Faut-il intervenir ?

M. René Dosière - M. le ministre a parlé d'un ton très assuré, qui aurait pu en impressionner de moins expérimentés que moi. Je me demande seulement s'il n'a pas usé de ce ton péremptoire parce qu'il n'aura plus l'occasion d'intervenir aussi longuement par la suite... (Sourires sur les bancs du groupe socialiste)

La situation est inédite. Ce n'est pas la première motion de renvoi en commission que je défends, mais c'est sans doute la première qui sera satisfaite ! (Rires sur tous les bancs) En effet, je ne sais pas si vous allez la voter, mais je sais qu'il y aura de nouveau passage en commission.

M. Guy Geoffroy - Ce n'est pas tout à fait cela.

M. René Dosière - En tout cas, la commission va de nouveau se réunir.

M. le Rapporteur - Alors tirez-en les conséquences et arrêtez de parler.

M. René Dosière - Effectivement, je serai plus bref, puisqu'il n'est plus besoin de vous convaincre de la nécessité de réunir la commission.

Je ne reviens pas sur l'organisation des débats. Il suffit de rappeler que c'est le Gouvernement qui est maître de l'ordre du jour et donc responsable des conditions dans lesquelles nous travaillons.

Cela étant, je vais souligner quelques points sur lesquels nous aurions souhaité que nos propositions soient prises en compte.

D'abord, nous voulons rétablir le rôle des régions dans le développement économique, au nom même des arguments que le Gouvernement a opposés en première lecture à l'amendement du sénateur Doligé, avant de l'accepter en deuxième lecture. En effet, il nous faut avancer du même pas que les autre pays européens. La position qu'a prise le Sénat conduira à une grande inefficacité car, même s'il n'y a pas de taille type, la région est en Europe l'instance capable d'assumer les principales fonctions économiques, qu'il s'agisse du développement de sociétés de capital risque, de la recherche ou de la gestion des transports, et de définir les grandes orientations stratégiques. Situer ces responsabilités au niveau régional éviterait aussi la concurrence et les surinvestissements qui ne manqueraient pas de se produire dans des territoires plus petits. La région est capable d'ajouter cette responsabilité à toutes celles qu'elle exerce déjà, en partage avec l'Etat, comme de mener les partenariats nécessaires avec les acteurs socioéconomiques.

Mais nous ne nous faisons pas beaucoup d'illusions. C'est pourquoi nous proposons, par un amendement de repli, de reconnaître à la seule région Alsace le rôle de chef de file en matière économique sur l'ensemble de son territoire, avec extension éventuelle aux autres régions en fonction des résultats des élections de 2010. Il semble en effet que le résultat des régionales ait influencé la dernière version du texte. Cet amendement a le mérite d'écarter toute hypocrisie (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste).

En second lieu, nous voulons éviter l'augmentation programmée des impôts locaux.

M. Michel Piron - Programmée ?

M. René Dosière - Rien de plus facile à démontrer. Vous fixez les mêmes règles de compensation qu'en 1983, en les mettant dans la Constitution et non plus dans la loi ordinaire comme nous. Or nous savons maintenant que ces règles furent insuffisantes pour assurer le financement au moins en ce qui concerne les lycées, en raison de l'état dans lequel ils étaient lorsqu'ils ont été transférés. Ce sera la même chose en ce qui concerne les routes nationales et les transferts de personnel. Quel est en effet l'état de cette voirie ?

M. Michel Piron - Inégal.

M. René Dosière - Et qui paiera les travaux ?

De même, combien de personnels manque-t-il dans les établissements scolaires ? Selon M. Piron, pour les TOS il n'y a pas de problème. Mais allez interroger les proviseurs et principaux de collège. M. Balligand chiffre les besoins à 35 000 personnes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Après le transfert, les responsables viendront nous expliquer qu'il manque du personnel, et nous devrons payer. C'est d'ailleurs pour cela que l'Etat a opéré ce transfert. S'il avait eu l'argent nécessaire pour financer ces besoins, il ne l'aurait pas fait. Il s'agit de 30 000 personnes pour l'Équipement et de 80 000 TOS. Et le coût ne fera qu'augmenter avec le GVT et les hausses de salaires décidées par l'Etat seul. Les dotations de compensation ne suivront pas. Les collectivités n'auront d'autre choix que de faire payer les contribuables locaux.

Il y aurait bien une solution, pourtant : prévoir, avant tout transfert, un audit pour évaluer les besoins. Quant aux personnels, il faudrait remettre à égalité l'ensemble des régions, qui connaissent de fortes disparités, notamment en outre-mer, M.Lurel l'a parfaitement souligné.

Autre faiblesse de ce texte : l'intercommunalité. M.Bourg-Broc a beau se réjouir de son évolution, il ne s'agit pourtant que de petites améliorations, et M. Balligand a relevé plusieurs points négatifs. En vérité, l'intercommunalité est en panne. Son pouvoir, ses compétences, sa fiscalité, ont aujourd'hui atteint un tel niveau qu'on ne peut plus accepter que le citoyen reste en dehors du système et n'ait pour seul rôle que de payer des impôts locaux qui ne cessent d'augmenter.

Nous avons aujourd'hui besoin d'une réflexion nouvelle. Je reconnais que la tâche n'est pas facile, et je vous avais demandé en première lecture pourquoi vous n'aviez pas constitué, au sein du ministère, un groupe de travail sur cette deuxième phase de la décentralisation.

Il s'agit d'une véritable réforme administrative. Reconnaissez que l'intercommunalité, véritable révolution, est l'œuvre de la gauche - lois de 1992 et 1999. Je crois d'ailleurs comprendre qu'il y aurait encore pas mal de résistances, mais il faut tout de même avancer.

La décentralisation est aujourd'hui rejetée par nos concitoyens parce que vous en avez donné une mauvaise image.

M. le Rapporteur - C'est aussi de votre faute !

M. René Dosière - C'est vrai qu'en 1982, les Français n'étaient pas non plus très favorables à la décentralisation, mais depuis, ils ont pu se rendre compte de ses mérites.

Aujourd'hui, les réactions à votre projet, comme les résultats électoraux de mars dernier, témoignent de l'état d'esprit des Français.

M. le Rapporteur - Aucun rapport !

M. René Dosière - En fait, vous n'avez pas choisi la bonne méthode, à savoir celle de l'intérêt général. Vous ne faites qu'opposer les catégories de collectivités les unes aux autres ! Naturellement, vous nous citez des départements ou des villes dirigés par des socialistes, et je suis du reste toujours frappé de voir la droite dire du bien des gens de gauche uniquement lorsqu'ils sont morts, comme Léon Blum !

M. Michel Piron - M.Mauroy est toujours vivant, que je sache !

M. René Dosière - Ou lorsqu'ils sont en dehors du jeu politique ! Lors du débat sur les retraites, combien de fois avez-vous cité Michel Rocard ? Vous ne l'aimiez pas tant lorsqu'il était aux affaires ! Vous avez beau jeu maintenant de nous renvoyer l'exemple de maires ou de présidents de conseils généraux de gauche qui veulent défendre leur pré carré ! Nous ne pourrons avancer si nous n'avons pas le courage, à l'Assemblée nationale, et malgré d'éventuels cumuls de fonctions, de défendre l'intérêt général.

Votre texte, loin de répondre à cette préoccupation, n'est qu'un fatras parlementaire, dans lequel même la chatte de l'Assemblée, qui doit en ce moment se prélasser sous la statue de Montesquieu dans les jardins de l'hôtel de Lassay, n'y retrouverait pas ses petits. Encore un effort, mes chers collègues. D'ores et déjà je vous remercie d'accéder à ma demande de réunir la commission, dans quelques instants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) .

M. le Président - Je précise que nous nous prononcerons, non pas sur la réunion de la commission, qui est déjà prévue, mais sur la motion de renvoi en commission.

M. le Rapporteur - A l'article premier, vous avez souhaité le rétablissement du texte adopté en première lecture, en oubliant qu'avant même les élections cantonales et régionales, cet article posait déjà problème. Je voudrais à cet égard vous rappeler les propos de Jean-Claude Peyronnet qui n'a eu de cesse de dénoncer le carcan dans lequel les régions se trouvaient enfermées ! Le Sénat a entendu ces objurgations, et a proposé une autre solution, que la région Picardie n'hésitera sans doute pas à expérimenter pour donner tort à M. Peyronnet ! M. Jospin a lui-même eu recours aux expérimentations, par exemple en matière de transports ferroviaires.

S'agissant du transfert des TOS, vous prétendez qu'il n'obéit qu'à des raisons financières, alors qu'il s'agit d'être cohérent avec un système qui existe depuis très longtemps pour les communes. Le rapport Mauroy préconisait lui-même une mise à disposition des fonctionnaires, sans pour autant toucher à leur statut.

M. René Dosière - Mais vous avez entendu ce que M. Mauroy a dit au Sénat !

M. le Rapporteur - M. Mauroy peut changer d'avis, mais je me fonde sur le texte. L'intercommunalité me paraît être votre obsession. Vos arguments étaient d'ailleurs les mêmes au cours de la première lecture, ce qui prouve bien que le débat a déjà eu lieu et qui montre l'inanité de la proposition de renvoi en commission. Et sur cette question de principe, le renvoi en commission ne changerait rien : vous avez un avis, souffrez que nous en ayons un autre ! Et si un ressort est cassé en matière de décentralisation, à qui la faute ? A ce jour, tout ce que supportent les collectivités territoriales, c'est à vous qu'elles le doivent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Et si désamour il y a, c'est aussi en raison de la mystification à laquelle vous vous livrez depuis un an, en mêlant sciemment les problèmes de l'éducation et ceux de la décentralisation, semant ainsi la confusion dans les esprits (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ce dont les Français ont besoin, c'est d'explications.

De surcroît, comme le président Clément, répondant à votre demande, a annoncé que la commission allait examiner vos amendements, cette motion véritablement sans objet doit être rejetée.

M. le Ministre délégué - Votre rapporteur a fait une démonstration remarquable et convaincante, et, comme lui, je suis profondément opposé à l'adoption de cette motion. Je m'attarderai un instant sur l'allusion vaguement politicienne que vous avez faite à l'Alsace, dans un de vos innombrables amendements, pour souligner que si l'Alsace souhaitait détenir un plan de développement, elle pourrait le faire non pas au regard de sa situation politique mais dans le cadre d'une expérimentation qui est ouverte à toutes les régions sans exception.

M. Christophe Caresche - Dans ce cas, pourquoi ne pas l'inscrire dans la loi ?

M. le Ministre délégué - Mais c'est écrit dans le projet ! C'est à croire que vous ne l'avez pas lu ! Retirez donc cette motion s'il en est encore temps, et plongez-vous dans le texte !

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Michel Piron - Vous avez longuement évoqué les transferts de charges. A cet égard, vous ne pouvez laisser croire que l'on ne transférerait que des personnels débutants, dont le coût salarial irait croissant à mesure qu'ils vieilliraient. Ce n'est pas exact, puisque le transfert concerne des personnels de tous âges. La seule chose vraie, c'est que des insuffisances peuvent être constatées ici ou là ; mais, en disant cela, que faites-vous, sinon dénoncer les lacunes de l'Etat centralisateur ? Si la décentralisation permet de faire mieux, que l'on s'en réjouisse !

M. René Dosière - Comme on se réjouit de la hausse des impôts locaux après le transfert des lycées...

M. Michel Piron - Ensuite, vous nous avez accusés d'être convaincus avant même que vous ne prissiez la parole, sur le mode de Guy Mollet et de son célèbre « Ils ne savent pas ce qu'ils font mais ils savent déjà qu'ils sont d'accord »... Mais nous ne sommes pas de ceux-là ! Nous n'étions pas convaincus avant, nous ne le sommes toujours pas. Quant au scepticisme de l'opinion, la décence devrait vous commander de reconnaître que vous y êtes pour quelque chose, vous qui dénigrez la décentralisation matin, midi et soir ! Il ne faut pas confondre un désaccord sur quelques points et la dénonciation frontale à laquelle vous vous livrez depuis des mois ! Pour ma part, comme je ne suis pas manichéen, je regrette profondément votre attitude et j'invite le groupe UMP à repousser cette motion.

M. André Chassaigne - Si les réponses du ministre et du rapporteur à l'excellente démonstration de notre collègue Dosière étaient satisfaisantes, le renvoi en commission ne serait pas nécessaire. Seulement, nous n'avons pour toute réponse que celle d'un ministre qui n'accepte aucune ouverture qui permettrait d'améliorer le texte...

M. Guy Geoffroy - Plusieurs dizaines d'amendements ont été acceptés en commission !

M. André Chassaigne - Ce ministre catégorique, très sûr de lui, me rappelle Arrias, ce personnage de La Bruyère qui « a tout lu, et tout vu »... Pas une fois le ministre ne doute ! Dans ces conditions, il ne nous reste qu'un espoir - celui que le renvoi en commission soit voté - ou cet autre, que nous puissions présenter des amendements et que le ministre, miraculeusement, en accepte certains.

M. le Ministre délégué - Trente amendements issus des bancs de la gauche ont été adoptés au Sénat.

M. Jean-Pierre Balligand - Trente amendements ! C'est formidable ! Je souhaite revenir sur l'enjeu économique et l'action régionale. Pour avoir présidé, un temps, le Conseil national des économies régionales et, aujourd'hui une agence départementale d'expansion économique...

M. Edouard Landrain - Cumulard ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Balligand - ...je sais qu'il n'est pas d'action économique possible sans pilotage par la région. D'ailleurs, dans le texte du Gouvernement, tel qu'il nous a été soumis en première lecture, l'idée que l'autorité organisatrice soit la région ne paraissait avoir rien d'indécent.

Si l'on veut aider efficacement les PME, faire de la recherche cohérente, des transferts de technologie ou du capital risque, on ne pas descendre au-dessous de l'échelon régional, et il est même parfois nécessaire que plusieurs petites régions s'unissent. L'Ile-de-France, ce n'est pas le Limousin. Le bon sens doit conduire à confier à la région le pilotage de l'action économique. Au reste, je ne fais que reprendre votre projet originel, et je ne vous ferai pas l'insulte de penser que vous avez changé d'avis parce que vous avez perdu les élections, ou encore que vous renoncez à la République des proximités pour céder à celle des corporatismes ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Comme l'avait dénoncé en première lecture notre collègue Censi, en sa qualité de président de l'ADCF, l'intercommunalité est la grande absente de ce texte et Marc-Philippe Daubresse, alors rapporteur du texte, ne disait pas autre chose lorsqu'il plaidait pour un troisième acte de la décentralisation tendant précisément à aborder les échelons intercommunaux. Et ce ne sont pas les quelques dispositions techniques que contient ce texte à ce sujet qui résoudront quoi que ce soit.

S'agissant enfin des départements, il est un peu vain de me présenter comme un anti-départementaliste forcené. S'ils font de l'action économique, c'est que nous avons inscrit dans les lois de 1982 et 1983 - et j'admets volontiers que ce ne fut sans doute pas la meilleure de nos décisions - une clause de compétence générale permettant à chaque collectivité de se saisir de compétences supplémentaires à celles que leur fixe la loi. Au fil des ans, les compétences obligatoires des départements se sont alourdies - voyez les SDIS, l'APA ou aujourd'hui le RMI-RMA - et leurs charges ont crû en proportion (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Il faut à présent aider les départements à faire des choix dans leurs interventions, afin de leur éviter des difficultés insurmontables. Las, votre prétendu « acte II » ne règle aucune de ces questions essentielles pour les conseils généraux.

Nous proposons de renvoyer ce texte en commission pour lui redonner un peu de cohérence. En le refusant, vous prendriez la responsabilité des difficultés auxquelles ne manqueraient pas d'être confrontées les collectivités s'il n'était pas entièrement remanié. Le groupe socialiste vous donne l'occasion d'un premier sursaut de conscience : ne la laissez pas passer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président de la commission - Comme je m'y étais engagé, nous allons réunir la commission des lois, à moins que nos collègues socialistes souhaitent que leurs amendements ne soient pas examinés. Je m'en remets à leur avis (« Bel esprit d'ouverture ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. René Dosière - Nous souhaitons travailler de manière constructive et améliorer les dispositions de ce texte qui peuvent encore l'être. Comme l'a reconnu le Président Debré dans le débat sur l'assurance maladie, nous ne faisons que notre travail de parlementaire, et nous maintenons notre demande de réunion de la commission des lois. Je suis ravi de constater que nombre de nos collègues reviennent en commission, comme je viens de les y inviter par ma motion !

M. le Président - Compte tenu de l'heure, la séance ne sera pas reprise à l'issue de la réunion de la commission.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, à 9 heures 30.

La séance est levée à 23 heures 55.

                  Le Directeur du service
                  des comptes rendus analytiques,

                  François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU VENDREDI 23 JUILLET 2004

A NEUF HEURES TRENTE - 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 1711) relatif aux libertés et responsabilités locales.

Rapport (n° 1733) de M. Alain GEST, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

A QUINZE HEURES - 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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