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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2003-2004 - 20ème jour de séance, 51ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 27 JUILLET 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      MOTION DE CENSURE 2

La séance est ouverte à quinze heures.

MOTION DE CENSURE

L'ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, par M. Jean-Marc Ayrault et 124 membres de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Marc Ayrault - Jamais gouvernement n'aura autant mérité la censure (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) car jamais gouvernement ne se sera aussi mal comporté à l'égard de la représentation nationale (Mêmes mouvements).

Il est impossible de rappeler ici toutes les avanies infligées à la représentation nationale depuis deux ans : ordres du jour improvisés et surchargés, textes expédiés à la va-vite (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), débats tronqués avec ordre donné au groupe majoritaire de ne pas prendre la parole, intolérance vis-à-vis de l'opposition dont les avis et les propositions ont été systématiquement ignorés, jusqu'à l'utilisation vendredi dernier de l'article 49, alinéa 3, alors que vous disposez d'une majorité écrasante ! Tous les progrès réalisés par le gouvernement de Lionel Jospin (Huées sur les bancs du groupe UMP) pour réhabiliter le travail parlementaire se trouvent réduits à néant. L'Assemblée nationale est humiliée, outragée, marginalisée dans une indifférence complète (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Dans quelle démocratie tolérerait-on qu'en un mois il faille examiner et voter quatorze textes concernant - excusez du peu - l'avenir de notre système de santé, l'indépendance énergétique de notre pays, la croissance économique, ou encore la recherche sur le vivant ? Dans quelle démocratie accepterait-on que l'exécutif décide sans vote du partage des pouvoirs entre l'Etat et les collectivités locales ? Extraordinaire, notre session l'aura été par le joug sous lequel vous nous aurez fait travailler.

Invoquer l'obstruction de l'opposition (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) pour justifier le 49-3 relève de la malhonnêteté intellectuelle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). De quel autre moyen disposions-nous pour briser le mur de votre indifférence ? A aucun moment, vous n'avez tenu l'engagement pris au lendemain des régionales de retravailler votre projet de loi de décentralisation avec le Parlement et les nouveaux présidents de région et de département (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste). A aucun moment, vous n'avez entendu notre demande, pourtant bien modeste, de renvoyer à l'automne l'examen de ce texte. A aucun moment, vous n'avez tenu compte des critiques du président de notre assemblée ni d'une partie de votre majorité. Vous imposez votre texte seul contre tous ! Vous inventez le « 49-3 » de caprice personnel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

« C'est la plus grande des faiblesses que de craindre de paraître trop faible », écrivait Bossuet. Voilà votre malheur et celui de notre assemblée, Monsieur le Premier ministre ! Votre coup de force institutionnel est la marque de votre faiblesse politique. Censuré trois fois par le peuple, vous l'avez ignoré en vous accrochant à votre portefeuille (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Votre seul programme est de durer et d'endurer. Vous souhaitez conduire la campagne pour le oui à la Constitution européenne. Au regard de votre collection de revers électoraux, le plus grand service que vous puissiez rendre à l'Europe serait de vous en abstenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

En effet, un pouvoir sans légitimité est un pouvoir sans autorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La vôtre n'est désormais plus que fiction. A quoi sert un Premier ministre qui se résigne à n'être plus que l'exécutant des directives contradictoires d'un président omnipotent ? A quoi sert un chef de gouvernement qui n'a plus la confiance ni de ses ministres, ni de ses députés, ni de ses élus ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) A quoi sert un Premier ministre qui n'est même pas en mesure de briguer la présidence de son parti ? (Mêmes mouvements) Vous n'êtes désormais à votre poste que par la volonté d'un seul, le Président de la République. Et cette confiance s'érode à mesure que s'accélère la sarabande des prétendants. Le gouvernement de mission n'est plus qu'un gouvernement en rémission, qui étouffe dans une atmosphère de fin de règne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'Etat est aujourd'hui l'otage d'une incroyable guerre des clans au sein de l'exécutif. Le Président de la République et son ministre d'Etat rejouent sans pudeur la grande guerre des « amis de trente ans ». Le budget de la défense, le temps de travail deviennent l'objet de surenchères personnelles, sans aucune considération d'intérêt général. Seuls comptent la présidence de l'UMP et son trésor électoral ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

C'est là une parfaite illustration des conceptions et des pratiques de ce pouvoir : régenter l'Etat, le mettre au service d'un clan, d'une bande, d'une faction (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP). Toutes les grandes institutions, tous les grands corps de l'administration ont vu des nominations partisanes (Mêmes mouvements). Ainsi la moitié des recteurs ont-ils été changés en un Conseil des ministres. Le parquet a été repris en main par la Chancellerie à tous les échelons. Bref, les contre-pouvoirs ont été écrasés ou marginalisés.

Cette dérive de l'esprit public fait peser une sourde menace sur les libertés. Des lois Perben qui font de tout citoyen un suspect à la réforme de la CNIL qui élargit leur fichage, de la prise de contrôle de la presse et de l'édition par des groupes de l'armement et de la finance proches du pouvoir et vivant de la commande publique au retour de la tutelle politique sur l'audiovisuel public (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous organisez un dangereux maillage de la société. Et quand le droit pourrait faire obstacle à cette mainmise, vous le modifiez en pleine nuit au Sénat, comme vous l'avez fait avec l'amendement concernant la présidence d'EDF. Une telle partialité crée un sentiment d'impunité et d'irresponsabilité au plus haut niveau de l'Etat !

Vous êtes passé maître dans l'art de vous défausser de vos échecs sur vos prédécesseurs et de renvoyer vos difficultés à vos successeurs. On l'a vu avec la pseudo- réforme de l'assurance maladie, laquelle n'est qu'un cataplasme (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) : vous n'aurez pas eu d'autre ambition que de laisser la réforme du système de soins à ceux qui vous succéderont et de reporter la dette - nous ne sommes pas les seuls à le dire - sur les générations à venir. De même, ce projet de loi de décentralisation vise seulement à reporter sur les collectivités locales les déficits de l'Etat (« Vous n'avez pas de leçons à nous donner ! » sur les bancs du groupe UMP).

C'est là le troisième terme de notre censure. Vous avez dévoyé le concept de réforme. Vous êtes coupable de défigurer la décentralisation et de l'avoir rendu impopulaire. Les lois Mauroy-Defferre avaient été le symbole d'une nouvelle liberté et la clé d'un audacieux partage des pouvoirs et des responsabilités. Qu'en avez-vous fait ?

L'acte II que vous venez d'écrire est un acte manqué, avec pour seul résultat un tissu d'inégalités, de complexités et d'incohérences. Là où il fallait simplifier, vous avez multiplié les entrelacs de compétences. Entre les compétences à la carte, les compétences pouvant être déléguées, les fusions de collectivités, la confusion entretenue autour de la subsidiarité, des collectivités chefs de file et des expérimentations, le citoyen et l'élu se retrouvent comme devant un échangeur autoroutier sans plan d'accès (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).Vous qui vous présentiez, Monsieur le Premier ministre, comme le défenseur des régions, avez multiplié les transferts de responsabilités aux départements et fait supprimer par le Sénat le rôle pilote des régions en matière d'initiative économique. Basse vengeance politique visant à handicaper des majorités régionales opposées à la vôtre ! La République des proximités est devenue la République des coups fourrés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

A cet égard, vos tentatives, aussi maladroites que répétées, de contester l'élection de notre collègue Didier Migaud à la présidence du Comité des finances locales (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) relèvent bien d'un acharnement partisan. Vous redoutez qu'apparaissent trop clairement les mécomptes de votre réforme, à savoir un gigantesque transfert des déficits du budget de l'Etat sur les collectivités locales. Vous confiez à celles-ci 11 milliards de dépenses nouvelles sans leur garantir les ressources correspondantes. Ni le transfert d'une part fixe de la TIPP ni, a fortiori, le remplacement de la taxe professionnelle - on ne sait d'ailleurs par quoi - ne leur permettront d'assumer leurs nouvelles responsabilités. L'autonomie financière, pourtant désormais inscrite dans la Constitution, est délibérément violée. Les collectivités locales n'auront d'autre choix que celui, impossible, d'augmenter les impôts locaux ou de diminuer le service auparavant rendu par l'Etat. La République des responsabilités est devenue la République des iniquités (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Là est le cœur de notre opposition. En effet, la décentralisation est, pour nous, le levier d'une nouvelle démocratie participative, un partenariat entre des collectivités mieux à même de représenter la diversité des territoires et un Etat garant de l'égalité des chances. Votre projet relève, lui, d'une tout autre philosophie. Son objet est de réduire le champ d'intervention de l'Etat, de contraindre les collectivités à assumer à sa place les missions de solidarité, d'éducation ou d'aménagement du territoire. Le transfert aux départements du RMI, du Fonds de solidarité pour le logement, des routes nationales, de certains personnels éducatifs - comme celui d'autres aux régions, à qui échoira également la formation professionnelle - feront s'envoler leurs charges de fonctionnement, et l'absence de toute péréquation creusera la fracture entre territoires riches et pauvres. La République des solidarités devient la République des inégalités. Comment dès lors s'étonner que votre projet suscite l'hostilité générale, du président de notre assemblée jusqu'au plus modeste élu local ?

La « mère de toutes les réformes » illustre en réalité votre incapacité à écouter, à tirer la leçon de vos échecs - hausse continue du chômage, déficits records, austérité salariale, augmentation des taxes, coupes dans les budgets sociaux, pénalisation des chômeurs, retour d'une pauvreté de masse.

Non, Monsieur le Premier ministre, ce triste bilan n'est pas la conséquence des 35 heures et de la dévalorisation du travail (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP). Il est le résultat de votre gestion de bon père de faillite ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) .

M. Alain Gest - Même le groupe socialiste n'applaudit pas, tellement c'est faible !

M. Jean-Marc Ayrault - L'honnêteté serait d'assumer votre politique, et le courage serait d'en changer. Mais telle n'est pas votre conception de la responsabilité. La vôtre relève de l'entêtement et de la fuite en avant. Certes, après avoir plombé les finances de l'Etat par un programme de baisse d'impôts aussi injuste qu'inefficace, vous êtes contraint de décréter la pause. Mais dans le même temps, vous dilapidez les 5 milliards de plus-values fiscales qu'apporte le surplus de croissance, en créant de nouvelles niches fiscales en faveur de vos clientèles électorales.

Vos arbitrages budgétaires deviennent ainsi une équation insoluble. Alors qu'il faudrait stimuler le pouvoir d'achat, vous augmentez les taxes et les prélèvements sociaux payés par le plus grand nombre. Alors qu'il faudrait favoriser l'emploi, vous n'avez d'autre idée que de tailler dans les effectifs de la fonction publique.

M. Edouard Landrain - Heureusement !

M. Jean-Marc Ayrault - Alors qu'il faudrait soutenir l'investissement, vous amputez les crédits d'intervention de tous les ministères. Cette politique a un nom : l'austérité.

Le plan de cohésion sociale, qui devait symboliser la deuxième étape de votre action, en est la première victime. M. Borloo avait promis 12 milliards d'investissement sur cinq ans, pour l'emploi, le logement, la lutte contre les ghettos urbains. Un seul milliard figurera au budget 2005. Pauvres moyens pour une pauvre volonté : décidément, le social n'est pas votre tasse de thé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Comment expliquer qu'il vous ait fallu attendre plus de deux ans pour présenter au Parlement une loi sur l'emploi ? Comment ne pas voir les contradictions entre les intentions qu'elle affiche et la réalité des mesures qu'elle propose ?

M. Jean Leonetti - Quel discours médiocre !

M. Jean-Marc Ayrault - Après avoir vilipendé et supprimé la plupart des dispositifs d'emplois aidés, vous créez le contrat d'activité pour les jeunes, qui ressemble à s'y méprendre au SMIC jeune, ce SMIC au rabais qu'avait tenté d'instituer Edouard Balladur. Après avoir tenté en vain de radier les recalculés de l'UNEDIC, vous voulez obliger les chômeurs à accepter tout emploi qu'on leur propose, sous peine de voir leurs allocations amputées. Après avoir prévu de faciliter les règles d'embauche et de licenciement, vous voulez contraindre les entreprises à renégocier les 35 heures.

M. Lucien Degauchy - Oui !

M. Jean-Marc Ayrault - C'est vous qui avez poussé les entreprises au chantage aux délocalisations, que certaines utilisent dorénavant pour contraindre leurs salariés à travailler plus longtemps et gratuitement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) ! Alors ne venez plus nous dire que l'assouplissement de la RTT sera une revalorisation du travail et du pouvoir d'achat ! La vérité, c'est qu'on impose aux salariés le retour au travail gratuit, dont vous avez donné un premier exemple avec la suppression d'un jour férié (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ne cherchez pas un prétexte facile dans l'élargissement de l'Europe. Il vous suffit de poser comme condition à la négociation sur les fonds structurels, ou à l'adhésion à l'euro, un engagement de nos partenaires à opérer progressivement une harmonisation fiscale et sociale. L'Europe des délocalisations est trop souvent le fruit de vos résignations.

MM. René André et Philippe Auberger - N'importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault - Faut-il alors s'étonner que le retour de la croissance, dont vous vous targuez, soit si fragile et si tributaire de l'environnement international ? Vous n'inspirez plus la confiance. Même les experts les mieux disposés à votre endroit ne voient pas se profiler de véritable amélioration de la situation de l'emploi et du niveau des déficits.

A cette crise de confiance, vous opposez la ritournelle de l'« action », comme si le mouvement seul comptait, et non le sens qu'on lui donne ! Les Français ne vous reprochent pas d'agir, ils ne vous reprochent pas de faire des réformes ; ils vous reprochent la distance entre vos paroles et vos actes, dont le « plan climat » est le dernier avatar. Tous vos discours chantent les grands principes : le pacte social, le pacte républicain, l'égalité des chances, le développement durable. Toutes vos réformes sont porteuses de leurs contraires : la dureté sociale, l'érosion des droits, l'abaissement des protections collectives, la soumission aux lobbies.

MM. Jean Leonetti et Hervé Mariton - C'est mauvais ! On demande un autre orateur du groupe socialiste !

M. Jean-Marc Ayrault - La France est malade de ce trou noir de la politique. Malade d'un régime qui est désavoué par son peuple et qui n'en tire aucune conséquence. Malade de l'exercice solitaire du pouvoir par un président versatile et désinvolte. Malade d'une politique avec un petit « p », menée par un gouvernement sans chef et sans horizon. Malade des pratiques d'un clan qui accapare l'appareil d'Etat et se perd en querelles de sérail (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Remplacer un homme par un autre n'y changera rien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Nos concitoyens attendent une volonté qui rompe avec le conservatisme néo-libéral, et qui ose des solutions novatrices. Ils aspirent à un projet collectif qui transcende la société et réinvente une communauté de destin.

M. Hervé Mariton - Vous, vous ne transcendez rien du tout !

M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur le Premier ministre, quelles que soient vos qualités personnelles d'abnégation, d'endurance ou de dévouement, vous ne pouvez être l'homme de ce renouveau. Trop d'occasions ont été manquées. Trop d'injustices ont été commises. Le désenchantement de notre pays rappelle la France de la Restauration décrite par un auteur contemporain : « Dans ce cimetière des illusions perdues et des légitimités défuntes..., partout rôde le spectre du désenchantement, tandis que les âmes rongées « portent le soleil noir de la mélancolie » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Cette marée basse du cœur et de la raison fait le lit d'un universel scepticisme, d'un étrange attentisme, à rebours des passions qui ont ponctué notre histoire ».

Monsieur le Premier ministre, l'auteur de ces lignes inspirées est l'un des hommes qui rêve peut-être de vous succéder : Dominique de Villepin. Son livre s'intitule Les Cent jours ou l'esprit de sacrifice. Vous y puiserez peut-être matière à méditation, au moment où nous demandons à l'Assemblée nationale de censurer votre gouvernement. Quand un régime est malade, les hommes passent, mais l'alternance est en dehors de lui (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP).

Mme Anne-Marie Comparini - Monsieur le Premier ministre, en février 2003, lors de la précédente motion de censure, François Bayrou vous disait : « Si 82,5 % des Français de tous bords ont voté Jacques Chirac, s'ils vous ont donné une large majorité, c'était pour renforcer la démocratie.» Mon intervention sera dans le droit fil de ce discours, tant il est vrai que le vote du 21 avril 2002, véritable appel au secours, trouvait son origine dans les défaillances de plus en plus manifestes de la relation entre gouvernants et gouvernés.

M. Maxime Gremetz - Où est votre ministre UDF ?

Mme Anne-Marie Comparini - Dix-huit mois ont passé. Le ciel a été zébré par l'éclair des élections régionales puis des européennes. Des élections intermédiaires, a-t-on dit ; il n'empêche : leur résultat montre que le courant ne passe toujours pas, que rien de nouveau n'est intervenu pour recréer le lien de confiance entre le peuple et les élus. Nos concitoyens attendent toujours qu'on agisse avec eux, par le vrai débat, par le référendum, par une action publique plus proche. Les soubresauts de cette dernière décennie démontrent que cette philosophie du « faire avec le peuple » est perdue, alors que jamais elle n'a été aussi nécessaire.

Ces derniers jours, Monsieur le Premier ministre, vous aviez l'occasion de refonder notre démocratie territoriale, mais vous l'avez laissé passer. Tous ceux, décentralisateurs dans l'âme, qui ont suivi l'évolution de ce projet garderont le goût amer d'un rendez-vous manqué.

M. Maxime Gremetz - M. de Robien n'est même pas là ! Il a déserté !

Mme Anne-Marie Comparini - L'occasion d'un véritable débat parlementaire est gâchée. Vous nous aviez invités, en avril, au dialogue et à la concertation, mais la discussion de ce projet de loi n'aura pas lieu dans cet hémicycle. Le texte sur les libertés et responsabilités locales n'aura pas permis l'exercice de celles du Parlement...

Pourtant, il y avait beaucoup à faire pour améliorer le texte. Il fallait déjà réaffirmer les principes de la réorganisation de notre pays, qui semblent faire querelle. Clarifier ne sert qu'à rapprocher les Français des décisions qui les concernent, rien de plus ! Il fallait aussi reconnaître le rôle considérable des régions dans notre dynamisme économique. La croissance venue d'ailleurs, c'est très bien, mais il est temps de savoir créer la nôtre ! Enfin, il fallait mettre fin aux concurrences entre institutions locales : les redondances sont un luxe que les finances françaises ne peuvent plus se permettre.

Seulement voilà : à chaque lecture, les féodalités de toute sorte se sont employées à effacer les quelques dispositions originales qui auraient pu rendre notre organisation territoriale plus efficace et à faire vaciller les convictions du Gouvernement sur les pouvoirs émergents que sont les régions et l'intercommunalité. Au lieu d'imaginer l'architecture d'une nouvelle France, la montagne parlementaire va ainsi accoucher d'un dispositif aux compétences toujours enchevêtrées et aux institutions inadaptées aux réalités socio-économiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Pourtant, le rapport de notre collègue Christian Blanc sur l'écosystème de la croissance aurait dû vous convaincre que la compétitivité et l'innovation, dans le modèle économique mondial, se construisent désormais à l'échelle régionale. Donner à la région la responsabilité du développement économique n'a rien d'iconoclaste : la responsabilité n'a jamais fait obstacle à la coordination !

M. Maxime Gremetz - Absolument !

Mme Anne-Marie Comparini - Et qui peut nier que mettre fin aux partenariats croisés ferait gagner du temps, dans un monde en constante accélération ? En disant cela, ce n'est pas la cause régionale que je défends, mais la cause nationale : il n'y a pas d'Etat fort sans régions fortes. Je défends aussi le rayonnement de l'Europe, car une économie nationale forte, tirée par les régions, est la garantie de l'influence européenne.

Mais la politique politicienne aura été la plus forte. Nous continuerons à attendre la « mère de toutes les réformes », qui passe par la clarification de notre architecture institutionnelle. Ce débat, vous n'avez pas souhaité le trancher. Le premier rendez-vous manqué sera donc celui de la démocratie locale (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Le second sera celui de la démocratie nationale, comme le montre le spectacle désolant auquel nous assistons dans cet hémicycle, et dont la responsabilité est, hélas, partagée.

Premier acte : l'inscription de la loi organique sur le financement et de la loi ordinaire sur les compétences à l'ordre du jour de la session extraordinaire. Monsieur le Premier ministre, quelle urgence y avait-il à légiférer, au cœur de l'été, sur des textes qui méritent un débat approfondi et serein ? Quelques semaines de plus n'auraient rien changé au calendrier, et auraient permis de redonner du sens au principe de l'autonomie financière, perdu au détour de la définition des ressources propres. Nous attendons le jugement du Conseil constitutionnel, dernier rempart de cette liberté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Deuxième acte : le dépôt de 4800 amendements en deuxième lecture ! Quelle image comptiez-vous donc donner, Mesdames et Messieurs de l'opposition (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), en déposant plusieurs dizaines de fois le même amendement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP ). Franchement, ce n'est pas à la hauteur du débat. Il ne faut pas être grand spécialiste pour comprendre que cela n'avait d'autre but que le déclenchement du « 49-3 » (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Plusieurs députés UMP - Eh oui !

Mme Anne-Marie Comparini - Troisième acte : cette procédure elle-même, à laquelle je ne sais quelle explication donner : constat d'échec, ou volonté d'abréger un débat qui divise la majorité ? Quoi qu'il en soit, il n'est jamais de bonne méthode d'empêcher la discussion, qu'il s'agisse de l'obstruction ou de l'article 49 alinéa 3 lui-même. Cette procédure est utilisée pour la deuxième fois à propos d'un texte lourd, institutionnel. Mais l'organisation territoriale de la France n'est pas un sujet qui se prête à la précipitation : le débat doit pouvoir prendre de l'ampleur, les réformes avoir le temps de mûrir (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Quatrième et dernier acte : la motion de censure, déposée quelques minutes à peine après la déclaration du Premier ministre ! L'opinion en déduira, une fois de plus, que ce n'est pas avec ce type de politique que l'on réformera le pays... Car la motion préfigure le retour des vieux démons, des vieux réflexes idéologiques. Surtout, elle est la preuve que le bipartisme (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) est synonyme de pauvreté du débat (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Le vieux couplet du manichéisme va nous être ressorti : pour les uns, stratégie d'obstruction et manœuvres de retardement... (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Maxime Gremetz - Ne me regardez pas !

Mme Anne-Marie Comparini - Pour les autres, coup de force et manque de respect à la représentation nationale. Voilà une bien mauvaise réponse à une bien mauvaise manière.

Pour l'UDF, la censure n'est pas le sujet, et nous ne la voterons donc pas. L'important est de faire participer les Français aux transformations de notre pays, par une réforme claire et par la mise en place d'une réelle société de la délibération. Mais ce sujet n'a pas été abordé au cours de cette discussion. Nous n'y avons vu que la bonne vieille fracture gauche-droite. Nous avons même eu le sentiment que seuls les jacobins avaient gagné (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) et qu'en réalité, cela arrangeait la majorité comme l'opposition ! Au bout du compte, nos concitoyens jugeront sévèrement ce simulacre de débat. C'est une bien triste fin pour l'ambition qui avait été présentée (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UDF).

M. Alain Bocquet - Le Premier ministre vient de sortir le « 49-3 » pour en finir avec la loi de décentralisation ; le groupe socialiste a déposé une motion de censure qui n'a pas la moindre chance d'aboutir ; le gouvernement Raffarin ne court aucun risque : voilà le constat édifiant que dresse la presse. L'Assemblée nationale devient un lieu de faux-semblants, et le déni de démocratie se pérennise. Après avoir traité par le mépris trois défaites électorales et les luttes sociales et syndicales auxquelles vous avez affaire quotidiennement, vous jetez une chape de plomb sur le débat relatif à la décentralisation. La décision de recourir à la procédure « 49-3 » est un pur scandale, s'ajoutant à celui du dispositif que vous envisagez de mettre en œuvre, et qui met à mal l'aménagement du territoire, l'égalité entre les citoyens, la situation de dizaines de milliers de fonctionnaires et les ressources des collectivités territoriales, compromettant par là même les programmes sur lesquels leurs responsables ont été démocratiquement élus.

Votre gouvernement tente de passer en force pour imposer le transfert de charges aux collectivités, sans qu'elles aient les moyens de les assumer. C'est bien la démocratie qui est en jeu, puisque vous entendez faire d'elles les servantes de la politique du grand patronat, alors qu'elles sont pour beaucoup des pôles de résistance à l'utra-libéralisme et au GATT, et un point d'appui pour les revendications populaires. La majorité veut mettre en œuvre, par une politique autoritaire, les choix du Medef.

Plusieurs députés UMP - Et voilà !

Plusieurs députés communistes et républicains - C'est pourtant vrai !

M. Alain Bocquet - On voudrait faire de la France un « Medef-land » qu'on ne s'y prendrait pas autrement ! Que les 160 000 adhérents d'une association patronale dictent la loi en lieu et place de 60 millions de Français, ce n'est pas acceptable et cela ne peut plus durer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). La France n'appartient pas à une petite caste avide de profits financiers, la France appartient à son peuple et à lui seul !

Les deux dernières années ont été marquées par une offensive généralisée des forces réactionnaires que représente ce gouvernement. La reprise du chômage vous a conduit, Monsieur le Premier Ministre, à repousser semestre après semestre l'annonce cynique de jours meilleurs. Et ce ne sont ni le dépôt de bilan de Valiance, avec 3 000 salariés menacés, ni les 2 000 suppressions d'emplois à la caisse d'assurance maladie, qui vont arranger les choses ! Nous avons assisté à l'extension de la précarité, à l'aggravation générale des conditions de vie de nos concitoyens, à la chute du pouvoir d'achat des salaires et des pensions, à l'effritement des minima sociaux. La situation est devenue plus difficile pour les familles, pour les foyers monoparentaux, pour les personnes âgées, pour les handicapés ou encore pour les jeunes, qui affluent de plus en plus nombreux dans les permanences d'urgence sociale.

Face à ces réalités, nombre de Français s'interrogent sur la société qui sera laissée en héritage à leurs enfants et petits-enfants. Quand on voit les faits divers anxiogènes relayés par les médias, les interrogations sur la justice, la délinquance qui repart de plus belle, les haines racistes, xénophobes, antisémites, la voyoucratie rampante (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), l'opulence affichée par les plus riches tandis que les inégalités s'accentuent, on est en droit de vous demander des comptes, vous dont la politique magnifie la vénération du dieu Argent !

Faut-il rappeler les mesures « phares » de votre sans-faute ultra-libéral ? La suppression des emplois-jeunes, la casse du système solidaire des retraites, le passage à la trappe de la loi de contrôle des fonds publics aux entreprises, la suspension de la loi de modernisation sociale, l'augmentation des exonérations de cotisations sociales patronales - 20 milliards d'euros par an qui font le bonheur du CAC 40 ou de Wall Street, à défaut de créer des emplois ! Je citerai aussi votre refus de toute revalorisation des salaires dans la fonction publique, refus auquel vous avez déjà ajouté une première vague de réduction des effectifs, qui sera suivie l'an prochain, nous dit-on, par 20 000 suppressions supplémentaires. Votre bilan est fait aussi de gels et de coupes dans les budgets sociaux de l'Etat, avec les effets que l'on sait sur l'éducation nationale, l'hôpital, les transports, le logement social ou la culture.

Vous avez multiplié les attaques contre le droit du travail. Vous avez permis la systématisation de la mise en accusation des salariés en lutte pour la défense de l'emploi, l'arrestation et la détention de délégués syndicaux. Une attitude que vous entendez d'ailleurs porter à une autre échelle en vous appuyant sur le rapport Mandelkern pour saper le droit de grève dans les transports. Quel mépris pour les salariés du secteur public, alors qu'ils ont toujours répondu présent dans toutes les circonstances difficiles - catastrophes naturelles ou industrielles.

M. Maxime Gremetz - Le ministre des transports n'est même pas là !

M. Alain Bocquet - La revanche sociale que vous organisez ne s'arrête pas là. Vous vous en prenez aux chômeurs, aux intermittents du spectacle, aux bénéficiaires de la CMU et de l'AME, aux familles. 16 millions de Français ne partent pas en vacances, cette année. Un enfant sur trois ne connaîtra cet été ni la mer, ni la montagne, ni la campagne.

Mais rien ne vous arrête, et vous voulez nous faire avaliser de nouveaux mauvais coups. Parmi ceux-ci, l'offensive contre EDF et GDF, avec l'adoption d'un projet de loi qui va au-delà des exigences de la Commission européenne et qui risque d'avoir les mêmes effets négatifs, pour les usagers, les salariés, les territoires et les deux entreprises elles-mêmes, que ceux constatés après l'ouverture du capital de France Télécom. D'ailleurs, les conséquences pour les usagers ne se sont pas fait attendre puisqu'on nous annonce une augmentation de 2,5 % des tarifs d'EDF à compter du 1er août.

Quant à la casse de la sécurité sociale, elle vous vaudra d'être sanctionnés par nos concitoyens, comme ils vous ont déjà sanctionné pour la casse des retraites. Vous avez pris une responsabilité considérable devant l'histoire en vous attaquant à des dispositifs qui avaient été construits au fil des générations. Au lieu de développer la prévention, d'améliorer la couverture socialisée des besoins, de donner un nouvel élan à la démocratie de gestion, de faire contribuer les profits boursiers au financement de la protection sociale, vous avez fait le choix de boucler un énième plan d'austérité sur le dos des usagers et des malades.

Je vous renouvelle l'opposition totale des députés communistes et républicains à ce choix. Votre ministre de la santé a d'ailleurs reconnu que nous étions les seuls dans cette assemblée à développer un projet alternatif. Un projet en rupture avec la gestion comptable pratiquée depuis vingt ans par tous les gouvernements sans que jamais la situation de la sécurité sociale s'en soit trouvée améliorée.

Résister, tel est aussi notre mot d'ordre au moment où vous engagez le fer contre les 35 heures. Vous avez évoqué, Monsieur le Premier ministre, « la liberté de gagner plus pour gagner plus ». Chez Bosch, le chantage à la délocalisation oblige les salariés à travailler plus pour gagner la même chose !

M. François Liberti - C'est une honte !

M. Alain Bocquet - Si vous voulez augmenter le nombre d'heures travaillées dans le pays, qu'attendez-vous pour exiger du Medef une politique de l'emploi permettant aux 5 millions de chômeurs, d'érémistes et de précaires de travailler 35 heures hebdomadaires ? Cela représenterait, chaque semaine, 160 millions d'heures de travail par semaine gagnées pour le pays. On imagine l'immensité des richesses qui seraient ainsi créées.

La France a la meilleure productivité horaire du monde. Qu'attendez-vous pour la mettre au service du développement de l'emploi ? La responsabilité du Gouvernement n'est-elle pas de lutter contre le dumping social et contre le chantage aux délocalisations ? Vous avez refusé notre proposition de loi sur le sujet, alors que des mesures comme celles que nous avancions ont été adoptées par plusieurs Etats américains et par le Congrès. Vous êtes donc plus libéraux que les pires des libéraux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Il vous appartient pourtant de rappeler les entreprises à leurs responsabilités sociales : en suspendant les plans de licenciements liés à des investissements à l'étranger, en mettant en place des commissions locales spécifiques, en mettant fin au versement d'aides publiques sans contrepartie (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), en dissuadant les investissements directs à l'étranger correspondant à des délocalisations, en pénalisant les importations de biens produits dans des conditions sociales inacceptables.

Qu'attendez-vous pour substituer aux exonérations de cotisations sociales patronales - 20 milliards d'euros qui nourrissent la spéculation financière - une politique d'abaissement des charges financières pesant sur les entreprises, en particulier les PME ? Cette baisse sélective profiterait à celles qui créent de l'activité et de l'emploi.

Pourquoi ne pas intervenir au sein des institutions européennes en faveur d'une réorientation du rôle de la Banque Centrale Européenne ? Pourquoi ne pas définir une politique de coopérations d'entreprises pour le développement de l'industrie, des services et de la recherche ? Pourquoi ne pas exiger des entreprises qu'elles s'inscrivent dans cette politique économique, ou alors qu'elles restituent les fonds publics locaux, nationaux et européens dont elles ont indûment bénéficié ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Votre réponse à ces questions est connue d'avance et ce n'est pas le plan de cohésion sociale - dépourvu de moyens et soutenu par un Président de la République plus prompt à rappeler les chômeurs à leurs devoirs que le patronat à ses responsabilités sociales - qui la changera.

Le « grand juillet social » que vous nous promettiez n'est donc rien d'autre que la poursuite accélérée de la restauration d'une France où l'on n'aurait pas d'autre choix que de travailler beaucoup pour gagner peu, dans un contexte d'insécurité sociale et sans avoir jamais voix au chapitre face au patronat et au pouvoir. La « France d'en bas » dont vous parliez tant, vous n'avez cessé de la tirer vers le bas !

Nous, communistes, avons une autre ambition pour notre peuple. La France et son peuple n'ont pas plus besoin de continuité dure que d'alternance douce aux politiques que vous mettez en œuvre, ils refusent le déclin vertigineux auquel vous les conduisez.

Les résultats électoraux, les luttes et le débat citoyen témoignent d'attentes fortes pour des transformations de fond de la société française. Soumise aux exigences de la mondialisation ultra-libérale, aux injonctions d'une Europe que son projet de Constitution définit comme « un espace de libre-échange où la concurrence est libre et non faussée », la France est à la croisée des chemins. Il n'est nullement fatal de la voir se soumettre toujours plus aux contraintes qu'imposent les marchés financiers aux politiques budgétaires et de crédit. Notre pays peut jouer un rôle moteur dans la mise en œuvre de nouvelles orientations, tant pour rejeter le pacte de stabilité que pour desserrer le carcan que fait peser la Banque centrale européenne sur les politiques de prix et de salaires, à seule fin de privilégier les taux de profit des marchés. Et ce rôle moteur est également nécessaire sur la scène internationale, face à l'hégémonisme américain ou à la tentative de substituer l'OTAN à l'ONU dans la maîtrise des principales zones de conflits - à commencer par le Proche-Orient où nous devrions impulser les interventions nécessaires à la reprise de négociations de paix.

Le Président de la République a dû se plier le 14 juillet, à l'exigence de consultation populaire sur la ratification de la Constitution européenne. Les députés communistes et républicains qui l'ont réclamée avec force se réjouissent du résultat positif ainsi obtenu (Rires UMP), et attendent du Gouvernement l'organisation du vaste débat national qu'implique ce choix. Ce débat peut contribuer à ce que l'Europe avance. L'Europe sociale, l'Europe démocratique, l'Europe des peuples, qui n'a pas besoin d'adopter une mauvaise Constitution dans l'attente d'une bonne, peut trouver son salut dans la mobilisation de ses forces vives, loin des gentlemen's agreements qui ont accompagné la désignation du président du Parlement de Strasbourg. Nous disons clairement non à cette constitution qui fige dans le marbre les principes capitalistes de gestion de la société. Nous réclamons un autre traité.

Monsieur le Premier Ministre, au bout du chemin que vous entendez imposer à nos concitoyens, il n'y a pas d'espoir d'amélioration, ni de changement, ni d'échappatoire aux lois du marché. Vos décisions les plus récentes, vos projets de décentralisation viciée ou de prétendue cohésion sociale, l'austérité que promet la loi de finances pour 2005 vont dans le même sens et méritent d'être sanctionnés. Les députés communistes et républicains, qui mettent leur action au service des luttes et des débats en cours pour la justice et le changement, censureront votre gouvernement, censureront une politique qui ne peut qu'être résolument combattue et rejetée. Soyez assuré de l'entière détermination du groupe communiste et républicain à s'y opposer pied à pied ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Accoyer - Cette motion de censure résume les méthodes d'action du parti socialiste : détournement de procédure, caricatures mensongères et affirmation de contrevérités grossières (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, applaudissements sur les bancs du groupe UMP), ainsi que l'a confirmé le discours de Jean-Marc Ayrault. Déployées systématiquement, avec démagogie et cynisme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ces méthodes n'empêchent heureusement pas le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, grâce aux institutions de la Ve République, de poursuivre son action indispensable et courageuse pour moderniser la France, avec pour buts l'emploi, la sécurité, le niveau de vie et la protection sociale de tous les Français, dans la cohésion d'une République partagée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mais la voie choisie par le groupe socialiste, celle de la prise en otage du Parlement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et des « murs d'amendements », selon l'expression de son président Jean-Marc Ayrault, est dangereuse pour le Parlement, pour la démocratie et pour la France. La production informatique de milliers d'amendements, souvent identiques, supplante ainsi le travail des députés. Il suffit de quelques parlementaires, se relayant en séance, pour faire durer à loisir les débats, en se répétant sans fin. Ces murs d'amendements, l'opposition, et en particulier le groupe socialiste, en a fait un usage répété depuis le début de la législature : quelque 40 000 amendements pour cinq textes ! Avec dix minutes pour chacun, deux législatures n'y suffiraient pas... Voilà comment les socialistes répondent aux préoccupations de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Quel dévoiement du droit d'amendement, alors que le Président de notre assemblée attache, à juste titre, une grande attention aux droits et à la place de l'opposition dans l'hémicycle.

M. Jean Glavany - Laissez-le plutôt parler !

M. Bernard Accoyer - Monsieur Ayrault, comment osez-vous accuser le Gouvernement d'un coup de force, quand c'est vous qui le contraignez à recourir légitimement à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Cet article, vous ne vous êtes d'ailleurs jamais privé de l'utiliser : à onze reprises entre 1981 et 1986, alors que les gouvernements Mauroy et Fabius disposaient d'une large majorité absolue ; à trente-neuf reprises entre 1988 et 1993, record établi par M. Rocard, Mme Cresson et M. Bérégovoy... Le principe des socialistes, c'est : « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ! » (Mêmes mouvements)

M. Jean Glavany - Mais pas une seule fois entre 1997 et 2002 !

M. Bernard Accoyer - La volonté d'obstruction, traduite par le dépôt de 4 200 amendements pour la deuxième lecture de ce texte, est d'autant plus patente que le Parlement a déjà consacré 190 heures, dont 75 dans cet hémicycle, à son examen. Or ce texte est d'importance puisque avec la décentralisation le Gouvernement engage la réforme de l'Etat, une modernisation qui n'a que trop attendu, plus de vingt ans après les lois Defferre.

Le prétexte invoqué par le parti socialiste pour bloquer nos travaux est que les transferts de compétences conduiraient les régions à augmenter leur fiscalité. Or la réalité que le parti socialiste veut cacher, c'est que dans les régions désormais présidées par des socialistes, les dépenses de fonctionnement ont déjà explosé ! Et cela sous le coup de charges nouvelles importantes et non budgétées, de l'augmentation de plus de moitié du nombre de vice-présidents, de celle du nombre de membres des commissions permanentes et de la hausse des indemnités. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Et je ne parle pas du recrutement en nombre dans les cabinets, selon des critères partisans, de véritables commissaires politiques, comme en Rhône-Alpes où ils ne sont pas moins de trente-deux ! (Mêmes mouvements)

C'est un mensonge de faire croire que les nouveaux transferts de compétences obligeraient à augmenter la fiscalité des régions, alors que désormais les ressources correspondantes seront obligatoirement et constitutionnellement transférées. C'est aussi une vraie manœuvre pour cacher la réalité désormais inscrite : la progression des impôts dans les régions, déjà acquise par des hausses de dépenses non budgétées, ce qui est habituel chez les socialistes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le texte décousu de cette motion de censure condamne sans appel tout ce qu'a entrepris le Gouvernement. Pourtant, le groupe socialiste devrait avoir plus de retenue. Il suffit en effet de comparer l'action de cinq ans de gouvernement Jospin avec deux ans seulement du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Le parti socialiste au pouvoir sacrifie l'avenir par un immobilisme coûteux, confortable et finalement coupable. C'est ainsi que les chances de la France ont été sacrifiées en gaspillant les fruits de la croissance, et en précarisant les ménages les plus modestes. De ces derniers, le parti socialiste parle beaucoup, mais il ne fait rien pour améliorer leur avenir. Il les installe plutôt durablement dans le RMI et l'assistance, sans perspective, sans espoir, et souvent, hélas, dans l'exclusion. Il en va de même pour les bas salaires : la hausse du SMIC n'a été que de 0,29 % sur les trois dernières années du gouvernement Jospin. Une aumône ! En effet vous aviez gelé les salaires, privant les salariés d'une augmentation de 12 % en quatre ans, en raison des 35 heures qu'ils ne demandaient pas (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

A l'inverse, notre politique vise à redonner de l'espoir et du pouvoir d'achat aux salariés. C'est l'augmentation sans précédent du SMIC : 11,4 % sur trois ans, soit un treizième mois pour les salariés. C'est la revalorisation de la prime pour l'emploi de 800 millions d'euros en deux ans pour 8,5 millions de salariés ne payant pas d'impôt sur le revenu. C'est la procédure de « rétablissement » pour donner une deuxième chance à 1,5 million de personnes surendettées. C'est une aide à l'acquisition d'une complémentaire santé pour deux millions de familles. C'est la garantie d'une pension de retraite équivalant à 85 % du SMIC, pour nous en tenir à l'essentiel.

Votre politique de l'emploi, c'était du social éphémère et la multiplication de statuts parking, sans formation, sans débouché et sans avenir. Le gouvernement Jospin, avec une croissance moyenne de 3,5 %, en a gaspillé les fruits : 70 milliards d'euros partis en fumée en cinq ans, pour augmenter toujours plus la dépense publique et créer toujours plus de charges pour les contribuables. Avec les 35 heures, vous prétendiez résoudre le problème du chômage. Or, non seulement elles ont fait perdre plus d'emplois qu'elles n'en n'ont créé (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) , mais elles ont plombé l'économie, le budget de l'Etat et de la sécurité sociale et contraint les collectivités locales à augmenter leurs impôts. Ne croyez-vous pas qu'aujourd'hui les salariés français seraient moins la cible d'intolérables chantages à la délocalisation si le temps de travail légal était resté inchangé, si le coût du travail n'avait pas augmenté à cause des 35 heures, la productivité affectée et l'image de la France face au travail dégradée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Votre politique, c'était du social éphémère. Celle de Jean-Pierre Raffarin, c'est du social durable (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Notre première priorité, c'est la formation. Formation des jeunes sans qualification, avec 170 000 contrats jeunes en entreprise déjà signés. Formation tout au long de la vie, avec la loi Fillon sur la formation professionnelle. L'emploi, c'est l'entreprise : 210 000 entreprises ont été créées au cours des douze derniers mois grâce à la loi sur l'initiative économique. L'objectif de créer un million d'entreprises en cinq ans, chiffre jamais atteint, sera tenu !

M. Jacques Desallangre - En Tchécoslovaquie !

M. Bernard Accoyer - L'emploi, c'est l'investissement et la baisse des charges, c'est aussi le travail récompensé. Ainsi, 8 millions et demi de personnes sont concernées par la revalorisation de la prime pour l'emploi, et 17 millions de foyers par la baisse de 10 % de l'impôt sur le revenu. Vous, en cinq ans, vous aviez créé 19 taxes et impôts nouveaux !

Pire encore que votre bilan en matière économique et sociale, vous avez laissé en déshérence notre pacte social et républicain ! Votre absence de courage, votre immobilisme et l'illusion dans laquelle vous avez laissé les Français en reportant les réformes à plus tard sont votre plus grave défaillance.

Le Gouvernement Raffarin a le courage de moderniser ; le courage de la réforme pour sauver nos retraites par répartition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Cohen - Scandaleux !

M. Bernard Accoyer - ...le courage de la réforme pour sauvegarder notre système d'assurance-maladie et garantir un égal accès aux soins pour tous ; le courage de la réforme pour pérenniser et financer l'effort de solidarité en faveur de la dépendance et du handicap.

Votre bilan est encore plus lourd, s'agissant de la place de l'Etat, un Etat que vous vouliez omniprésent et qui n'était jamais là où il aurait dû être pour protéger nos compatriotes les plus faibles et les plus démunis. Ce sont une justice oubliée, une sécurité bafouée, une défense abandonnée que nous avons trouvées il y a deux ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Vous vous inquiétez, dans votre motion de censure, d'éventuels dysfonctionnements de la justice, or c'est le gouvernement Jospin qui a alourdi les procédures (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), allongé les délais de jugements, laissé la justice démunie et sans moyens.

Avec les socialistes, les droits des délinquants passent souvent avant ceux de leurs victimes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste), on le voit avec l'attitude particulièrement choquante de la gauche dans l'affaire de l'assassin Battisti !

C'est dans le même esprit que vous avez freiné la mise en œuvre du fichier des empreintes génétiques et restreint son utilisation ; que vous avez déféré au Conseil constitutionnel le fichier des délinquants sexuels, pour obtenir sa suppression (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) ; comme vous aviez déféré en 1994 la loi Méhaignerie sur les peines incompressibles. Vous parlez de recul des libertés sans penser à celles des victimes. Quelle hypocrisie ! Au contraire, nous avons rendu moyens et respect à notre justice, grâce à plusieurs grands textes défendus par Dominique Perben. La protection des victimes, c'est aussi la sécurité, un des échecs majeurs du gouvernement Jospin, avec plus de 4 millions d'actes délictueux en 2001, triste record !

Avec Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et Dominique de Villepin, le Gouvernement a su rendre confiance aux forces de police et de gendarmerie en les dotant des moyens législatifs et matériels indispensable à leur action. Les résultats sont là. La délinquance a fortement diminué, alors que MM. Richard et Vaillant avaient contraint les gendarmes à protester dans la rue, pour la première fois de notre histoire.

M. Daniel Vaillant - Il y a moins de policiers aujourd'hui !

M. Bernard Accoyer - Dans un monde incertain et confronté au terrorisme international, vous avez abandonné notre défense et laissé les forces armées démoralisées sous-équipées avec des matériels hors d'état de marche. Grâce à la loi de programmation militaire, voulue par Jacques Chirac et mise en œuvre par Michèle Alliot-Marie, le retard est rattrapé, le moral est retrouvé, nos forces sont à nouveau crédibles, donnant plus de poids à la politique internationale de la France, à la voix du Président de la République pour la paix et le respect du droit, comme en Irak en 2003 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Autre champ de vos contradictions, et non des moindres : l'Europe. Sur le projet historique de Constitution européenne, on ne sait ce que veut un parti socialiste réduit aux contorsions de ses présidentiables: « oui », « oui mais », « oui si », « oui ou non », on ne sait plus... La sarabande, elle est là, Monsieur Ayrault ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a, lui, renoué avec une politique européenne active, et largement contribué à l'élaboration de la Constitution européenne.

Cette motion de censure confirme donc la double manœuvre socialiste : détournement de procédure parlementaire et affirmation de contrevérités grossières. Mais ces artifices n'occultent ni le bilan douloureux pour la France de trois législatures de gauche ni le vide abyssal des idées et l'absence totale de propositions. Le parti socialiste, la gauche française en général, restent les plus archaïques et les plus divisés d'Europe. Leurs membres ne sont d'accord sur rien : ni sur l'économie de marché,...

M. Maxime Gremetz - Oh !

M. Bernard Accoyer - ...ni sur la place du travail dans la société,...

M. Maxime Gremetz - Oh !

M. Bernard Accoyer - ...ni sur les grands choix énergétiques, ni sur la construction et l'avenir de l'Europe. Ils sont incapables d'offrir des perspectives réelles pour l'avenir ; ils ne savent plus que critiquer, inciter au renoncement et à l'immobilisme, bref à la décadence ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Perez - Rendez-nous Barrot !

M. Bernard Accoyer - Parce que les députés UMP ont pour idéal la France et l'avenir de nos compatriotes, parce que la modernisation de notre pays ne peut plus attendre nous ne voterons pas cette motion de censure. Au contraire, le groupe UMP remercie Jean-Pierre Raffarin et son gouvernement et lui renouvelle son entier soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je veux tout d'abord vous dire ma satisfaction de voir ainsi l'Assemblée rassemblée en plein été au rendez-vous de la démocratie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et je remercie chacun d'entre vous pour sa présence.

J'ai entendu les propos excessifs du président du groupe socialiste, où les seules traces d'élégance étaient les citations de M. Dominique de Villepin...

Surtout, la stratégie de l'opposition me désole, même si sa motion de censure me permet de lui apporter les réponses qu'elle n'a, jusqu'ici, pas voulu entendre. Elle me désole, parce qu'en cette fin de session extraordinaire elle a une nouvelle fois choisi l'obstruction plutôt que la proposition. Bien sûr, il y a des textes sur lesquels nous n'avons jamais pensé avoir son accord, parce qu'il est juste que les partis s'opposent, parce qu'il est bon qu'ils présentent aux Français des alternatives politiques.

C'est vrai, notre politique économique n'est pas la vôtre.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Eh oui !

M. le Premier Ministre - Notre politique de cohésion sociale n'est pas non plus la vôtre, et c'est heureux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est la démocratie !

Mais il y a aussi des textes qui méritaient mieux que vos imprécations, voire vos injures, des réformes qui auraient mérité, sinon un consensus, comme dans d'autres pays européens, à tout le moins un débat éclairé sur les propositions des uns et des autres. Car nous partageons tous un « devoir de France » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et nous devons être capables de rassembler nos idées pour l'assumer.

Puisque M. Ayrault aime à citer les bons auteurs, je paraphraserai André Malraux : j'étais à la bataille des retraites, j'étais à la bataille de l'assurance maladie, j'étais à la bataille de la décentralisation, Mesdames et Messieurs les députés de l'opposition, les Français vous y ont attendus, vous n'y êtes pas venus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je pense à l'assurance-maladie : où est le projet socialiste qu'on nous avait annoncé ? Je pense à la décentralisation et je relis ce que M. Strauss-Kahn écrivait dans les Cahiers de la Fondation Jean-Jaurès (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : « l'Etat est en danger s'il ne se réforme pas ». Et il prônait une vigoureuse réforme de la décentralisation... Je pense aussi à M. Mauroy (Mêmes mouvements) et j'imagine sa déception, lui qui avait proposé, à la demande de M. Jospin, la décentralisation des personnels TOS et des routes, l'achèvement de la départementalisation de l'action sociale, le transfert aux régions de la TIPP. Pourquoi les socialistes ont-ils changé d'avis depuis ? Pourquoi ce reniement ? Pourquoi, quand nous proposons des réformes qu'ils préconisaient jadis, prennent-ils un malin plaisir à chercher les divisions ?

S'il y avait un prix Gaston-Defferre de la décentralisation, il nous aurait été décerné cette année...

Je m'oppose avec force au mensonge fiscal de certains présidents de région.

Un député UMP - De certaine...

M. le Premier Ministre - Le temps des transferts sans compensation de la décentralisation socialiste est révolu. Désormais, grâce à la protection de la Constitution, tout transfert sera financé. L'impôt régional sera socialiste ou ne sera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous étiez dans la culture des rapports et des livres blancs, nous sommes dans celle de l'action.

C'est pourquoi j'ai été contraint, à regret, de répondre à vos provocations en engageant la responsabilité de mon gouvernement (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

J'ai toujours accepté le débat sur ce texte (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) : n'y a-t-il pas eu deux lectures parlementaires dans chaque Chambre, plus de 190 heures de débat, et plus de 800 amendements acceptés ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Un député socialiste - Provocateur !

M. le Premier ministre - Au Sénat même (« Au Sénat ! Au Sénat ! » sur les bancs du groupe socialiste) en deuxième lecture, les orateurs du groupe socialiste ont salué la bonne tenue du débat conduit par Dominique de Villepin et Jean-François Copé, et nous nous sommes réjouis de voir le Gouvernement accepter 27 de leurs amendements, contre 29 de la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Dans ce contexte, comment pouvez-vous justifier 5 000 amendements en deuxième lecture sinon par votre goût pour l'immobilisme et pour les manœuvres de retardement ? (Huées sur les bancs du groupe socialiste)

Je vous le dis avec sincérité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), je suis fier d'être à la tête d'un gouvernement d'action et d'une majorité qui, avec la loi sur la sécurité, avec la loi sur la justice, avec la loi de programmation militaire, a rétabli l'autorité de l'Etat ; une majorité qui, l'année dernière, a sauvé notre pacte social (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) en sauvant notre régime de retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) alors que vos amis annonçaient qu'il y avait dans cette réforme de quoi faire tomber plusieurs gouvernements.

Or, mon Gouvernement est resté debout (Vives exclamations et interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Et, cette année, nous avons pu continuer les réformes de progrès. Vous aviez annoncé la réforme de l'allocation dépendance, nous l'avons financée, comme nous avons mené à bien la réforme de la prise en charge du handicap et réalisé le changement de statut d'EDF que vous aviez engagé. Nous avons aussi mené à son terme la réforme de l'assurance maladie et, bien que vous ayez cherché la provocation et voulu organiser des manifestations, c'est dans le calme que s'est faite cette avancée sociale capitale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Victor Hugo disait : « J'accuse la censure ». Je partage ce sentiment car, ici et maintenant, elle fait cruellement apparaître l'absence totale de propositions et de vision de ses signataires (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Elle m'offre cependant l'occasion de remercier chaleureusement les parlementaires du groupe UMP qui ont soutenu notre action de réforme et, ce faisant, choisi le chemin de l'action et du mouvement contre celui du déclin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Déjà, la croissance revient et avec elle son lot de bonnes nouvelles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Vous ne voulez pas le voir, mais, déjà, les instituts internationaux qui s'inquiétaient de voir la France sur la voie du déclin saluent l'œuvre de redressement national.

Il reste beaucoup à faire ensemble (Mêmes mouvements). Mais c'est une nouvelle phase de l'action qui commencera à la rentrée. Je vais décevoir tous les adeptes des attaques personnelles en leur disant que je compte bien engager dès septembre, avec ma majorité unie et déterminée, une nouvelle phase de l'action gouvernementale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives exclamations et interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le vacarme, Messieurs, n'a jamais remplacé les idées !

Cette étape nouvelle, je vous proposerai de la structurer autour de deux axes : la croissance partagée et la préparation de l'avenir (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Notre politique a permis le retour d'une croissance évaluée à 2,3% cette année au lieu du 1,7 % modestement prévu, puisque la modestie est une de nos caractéristiques (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il nous faut la conforter et la partager avec tous les Français. Entre 1997 et 2002, les réformes nécessaires ont toujours été différées, alors que la croissance les rendait possibles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Pendant cette période, alors que vous étiez au pouvoir, la pauvreté n'a pas reculé; le chômage structurel n'a pas reculé... (Interruptions prolongées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ...et le tissu social a continué à se déchirer.

Les Français, et notamment les plus modestes, ont été privés des fruits de la croissance, qui s'est perdue dans les sables de l'appareil d'Etat. Les 35 heures ont tué la croissance à partir de l'an 2000 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

La croissance, c'est le travail des Français ; nous n'oublions pas cette vérité et je salue le travail à ce sujet de MM. Ollier et Novelli (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Avec Nicolas Sarkozy... (« Ah ! Et où est-il donc aujourd'hui ? » sur les bancs du groupe socialiste) ...et Dominique Bussereau, nous préparons un budget tout entier tourné vers les Français.

L'Etat, c'est vrai, se serre la ceinture, d'abord parce qu'il dépense trop depuis trop longtemps, mais aussi parce que les Français ne doivent pas supporter les efforts à la place de l'Etat. En 2005, nous réduirons le déficit de l'Etat de plusieurs milliards en maîtrisant les dépenses. Je tiendrai le cap de la croissance zéro des dépenses de l'Etat... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ...et nous prendrons également les mesures budgétaires et législatives nécessaires pour rendre du pouvoir d'achat aux Français.

La loi de cohésion sociale qui vous sera présentée à la rentrée par Jean-Louis Borloo marquera notre volonté de partager équitablement les fruits de la croissance (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Tout sera évidemment fait d'abord pour l'emploi. Le service public de l'emploi sera rénové (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; « Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) car on ne peut plus admettre que 300 000 offres d'emploi restent insatisfaites (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Des parcours qualifiants seront mis en place, pour amener les chômeurs vers les emplois marchands, plutôt que de les condamner, comme ce fut le cas sous la précédente législature, à des emplois sans issue et sans perspective, à des emplois «parking ».

Les chômeurs auront de nouveaux droits, mais aussi de nouveaux devoirs. C'est cela, aussi, la réhabilitation du travail !

Notre prochain budget portera l'ambition de la relocalisation d'emplois dans notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). La lutte contre les délocalisations sera l'une de mes toutes premières priorités du budget 2005 (Mêmes mouvements).

Notre deuxième axe d'action sera de préparer l'avenir et, pour cela, de relever quatre défis : la recherche, l'éducation, les services publics et l'Europe.

Sur la recherche, François Fillon et François d'Aubert présenteront au Parlement une loi d'orientation et de programmation qui ne se contentera pas d'injecter de nouveaux moyens dans la recherche publique, comme je m'y suis engagé, mais qui dotera les organismes de recherche de meilleurs outils de pilotage et d'évaluation, projet par projet. Nous développerons la recherche privée et donnerons toute sa place à l'Université dans cette réforme.

En ce qui concerne l'éducation, M. Thélot présentera à la rentrée ses propositions et, avant que le Gouvernement n'arrête ses propositions, chacun pourra s'exprimer sur ces pistes de réforme. Nous en débattrons pour favoriser l'égalité des chances afin de permettre la réussite scolaire de chacun. C'est un enjeu passionnant qui engage l'avenir de nos enfants.

Nous poursuivrons aussi notre politique d'adaptation des services publics. Grâce à la décentralisation et à la déconcentration, nous pourrons poursuivre en 2005 une vigoureuse réforme de l'Etat, pour la France que nous aimons et que nous servons, et qui a besoin d'un Etat fort, recentré sur ses missions, d'un Etat à la hauteur de ses ambitions... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Vous êtes décidément très en forme, Messieurs ! Si vous aviez dépensé autant d'énergie à faire des propositions, nous n'en serions pas là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Or, il y a dans le texte que vous combattez plus de réformes de l'Etat que vous n'en avez jamais fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Et puis, nous engagerons dès la rentrée les discussions nécessaires pour aboutir à un texte de prévention des conflits et de continuité du service public. Le rapport Mandelkern a ouvert des pistes. Discutons en, de celles-ci et des autres. Le Gouvernement concertera mais il est déterminé à agir (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Enfin, préparons-nous au grand débat du deuxième semestre 2005 sur l'Europe, pour informer les Français, leur parler de l' élargissement et les toucher au cœur afin d'être à la hauteur de ce rendez-vous historique que sera le choix de notre avenir européen.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce qui nous attend à la rentrée. La tâche est difficile. Nous garderons au cœur « l'esprit de mission » auquel nous appelle le chef de l'Etat.

A ceux qui parlent, médiocrement, de « caprice » ou de « testament », je rappellerai la conviction exprimée par Pierre Mendès-France il y a soixante ans : « C'est en tenant les engagements pris que le régime démontre sa vigueur, sa capacité de réalisation, sa santé » (Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent).

M. le Président - Le scrutin sur cette motion de censure est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée. Le scrutin, ouvert pour quarante-cinq minutes, sera clos à 17 heures 30.

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 17 heures 45.

M. le Président - Voici le résultat du scrutin :

Majorité requise pour l'adoption de la motion de censure : 289

Pour l'adoption : ......................................................: 175

La majorité requise n'étant pas atteinte, la motion de censure n'est pas adoptée.

En conséquence, est considéré comme adopté, en deuxième lecture, le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures.

La séance est levée.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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