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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 3ème jour de séance, 7ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 7 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CONJONCTURE ÉCONOMIQUE 2

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 3

POLITIQUE ÉCONOMIQUE 4

HAUSSE DES IMPÔTS LOCAUX 5

SOUHAITS DE BIENVENUE
A UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 5

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
(suite) 6

PRÉSENCE DE LA CROIX-ROUGE DANS LA ZONE D'ATTENTE DE L'AÉROPORT
ROISSY-CHARLES DE GAULLE 6

DISPARITION DE FRED NÉRAC 6

POLITIQUE DE L'EMPLOI 7

SÉPARATION DES COUPLES BINATIONAUX 8

POLLUTION DES EAUX 8

ALLOCATIONS DE CHÔMAGE 9

TRANSPORTS AÉRIENS 10

CRISE DU LOGEMENT EN RÉGION PARISIENNE 10

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
(suite) 11

ART. 2 11

ART. 3 18

ART. 4 18

APRÈS L'ART. 4 21

ART. 5 22

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

CONJONCTURE ÉCONOMIQUE

M. Eric Besson - Monsieur le Premier ministre, vous êtes à l'origine d'une bien mauvaise polémique sur les 35 heures (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Nous avons bien compris l'objet de cette man_uvre de diversion : masquer l'échec de votre politique économique et jeter un rideau de fumée sur les mesures de rigueur que vous préparez - et dont certaines ne seront annoncées qu'après les élections du printemps prochain.

Depuis dix-huit mois, votre gouvernement et sa majorité détiennent tous les pouvoirs et mènent la France dans l'impasse. Emploi, croissance, déficit, dette : tous les clignotants sont au rouge et révèlent l'ampleur de votre échec.

Vous prétendiez libérer le travail, vous avez malheureusement libéré les plans sociaux et le chômage. Vous affirmiez que la baisse de l'impôt sur le revenu relancerait la croissance. De Moscou - et vous nous permettrez de nous étonner que ce soit une fois encore de l'étranger que le Premier ministre choisisse de s'adresser aux Français (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) - vous annoncez que la France est entrée en récession. Pouvez-vous nous confirmer cette grave information ?

D'autre part, M. Mer a présenté hier à la Commission européenne et à nos partenaires européens de nouvelles mesures de rigueur budgétaire. Pouvez-vous, devant la représentation nationale, en préciser la teneur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Vous m'interrogez sur la conjoncture. Monsieur Besson, l'Allemagne, l'Italie, le Portugal étaient en récession au premier semestre 2003. La France n'est pas un îlot isolé. A ce stade, toutefois, elle n'est pas en récession (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Laissez M. Lambert continuer.

M. le Ministre délégué - Le contexte est certes récessif, mais vous ne connaîtrez la situation réelle de la croissance française que dans les semaines qui viennent.

Que faisons-nous ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Nous améliorons le pouvoir d'achat des Français (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) en relevant le SMIC et la PPE (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), en diminuant l'impôt sur le revenu ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Nous travaillons avec nos partenaires britanniques, allemands et italiens à coordonner nos politiques économiques. Pour encourager la croissance en Europe, nous travaillons en outre à une initiative de croissance de nature à créer les conditions de la reprise.

Les ménages français sont peu endettés, les entreprises françaises ont assaini leurs comptes : les conditions sont remplies pour qu'au premier signe de reprise, la croissance soit au rendez-vous. Le Gouvernement croit au succès de la France. Il vous demande de partager cette confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

M. Hervé Morin - La loi sur les 35 heures est une grave erreur. Erreur économique, car la France est le pays qui travaille le moins dans le monde (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Erreur financière et budgétaire, car elle coûte 25 à 30 milliards d'euros par an (Mêmes mouvements). Erreur sociale, car elle empêche les salariés d'accroître leur pouvoir d'achat, et notamment les plus modestes d'entre eux. Erreur culturelle enfin, car elle conduit au déclin de la valeur du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

A l'automne dernier, le groupe UDF avait proposé les adaptations nécessaires à l'assouplissement de cette loi nocive pour le pays. Le Gouvernement s'y était alors opposé. Le débat vient d'être rouvert. Il est de la responsabilité du Gouvernement d'assouplir ce qui est un carcan pour l'économie française. Comptez-vous soumettre au Parlement les modifications qui permettraient aux partenaires sociaux de procéder aux adaptations nécessaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Cet assouplissement des 35 heures, nous avons été nombreux à le souhaiter lors des débats électoraux du printemps 2002. Nous nous sommes engagés dans cette voie en préservant de cette loi 90 % des entreprises et en autorisant un assouplissement sur les heures supplémentaires, ainsi que des accords de branche.

Il aurait, dites-vous, été préférable de privilégier la démarche conventionnelle et contractuelle. C'est ce que nous voulons faire : le Président de la République l'a dit le 14 juillet, pour tous les textes qui concernent le travail, le dialogue social doit être un préalable à l'initiative législative (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous sommes face à un enjeu majeur : comme nous venons de le voir pour la formation professionnelle, le dialogue social peut renaître dans notre pays après avoir été mésestimé, méprisé par des textes autoritaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

S'il doit être la règle, je ne serais pas hostile à ce qu'une étude de l'impact budgétaire, économique, social, culturel et touristique des 35 heures soit lancée. Notre pays n'a pas peur de cette évaluation dont nous tirerons ensemble les conclusions. Vous votez des textes, il est important que nous ayons une culture de l'évaluation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il ne sera pas inutile de mesurer le poids des 35 heures dans l'aggravation de la fiscalité locale, ou dans les difficultés de telle ou telle entreprise, privée ou publique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Cette évaluation est nécessaire à tous ceux qui consacrent aujourd'hui leurs talents et leur énergie à créer de la richesse pour notre pays. A Moscou comme ailleurs, Monsieur Besson (Mouvements divers), le Gouvernement sera toujours aux côtés de ces 400 entreprises qui ont accru de 9 % nos exportations, et grâce auxquelles j'ai pu remporter plus d'un milliard d'euros de contrats. A la clé, ce sont des milliers d'emplois !

Assez de démagogie ! Disons la vérité aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Et la vérité, c'est que pour faire face aux problèmes de la France, il faut mobiliser toutes les énergies et consacrer le travail comme une valeur centrale de notre société. Trop de Français sont à l'écart du travail. C'est par une politique active que nous leur permettrons de travailler à nouveau, dans l'intérêt du pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

POLITIQUE ÉCONOMIQUE

M. André Gerin - Durant des semaines le Gouvernement a annoncé le retour de la croissance. C'est la récession qui arrive : la croissance est négative. Vous faites un mauvais procès aux 35 heures, en taxant les Français de fainéantise (Protestations sur les bancs du groupe UMP) - procès qui rappelle celui que la droite intentait en 1940 au Front populaire en l'accusant d'avoir conduit à la défaite par la création des congés payés ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP)

Aujourd'hui, vous appliquez la méthode Coué : cascade de licenciements, démantèlement de l'industrie, attaques contre les droits sociaux, absence de contrôle de l'argent public, austérité généralisée : c'est la croissance négative. Et c'est votre politique qui fait chuter la France ! C'est du pétainisme industriel ! (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Laisser s'exprimer M. Gerin. La parole est libre dans cet hémicycle !

M. André Gerin - Non sans cynisme, vous n'hésitez pas à laisser entendre que notre pays est spolié par les chômeurs, par les érémistes ou par les faux malades et à montrer du doigt les sans-emploi. C'est oublier que la France peut se prévaloir du deuxième meilleur taux mondial de productivité. C'est oublier aussi que ses difficultés actuelles sont largement imputables à la politique du Gouvernement, inspirée par le Medef (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous oubliez enfin de mettre le capital au travail... (Huées sur les bancs du groupe UMP) Qu'attendez-vous pour agir contre les spéculateurs qui s'enrichissent en dormant ?

M. le Président - Veuillez poser votre question.

M. André Gerin - Etes-vous enfin disposés à ne plus prendre les Français pour des idiots ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Croyez-vous vraiment, Monsieur le député, que vous faites avancer le débat politique en lançant de tels anathèmes et en fondant vos raisonnements sur des contresens aussi flagrants ? (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Est-il admissible de laisser entendre que les Français seraient des paresseux... (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Christian Bataille - C'est vous qui le dites !

M. le Ministre - ...alors même que nous considérons, nous, que les Français ont fait preuve de beaucoup de courage et d'imagination pour résister aux lois absurdes que vous aviez mises en _uvre... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et en dépit desquelles notre pays a poursuivi sa progression ?

Le pétainisme, c'était le renoncement. Ce que nous proposons, c'est l'effort et c'est le travail. Il faut avoir le courage de dire aux Français qu'ils n'auront pas le meilleur système de retraites, de santé ou d'éducation sans se retrousser les manches pour produire plus de richesses en vue de pérenniser notre modèle social.

La politique que nous conduisons nous ramène dans le train de la croissance, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et dès le début de 2004 chacun pourra mesurer les effets de notre action en faveur de l'allègement des charges ou de la formation professionnelle. La France reviendra aux avant-postes de la croissance, se situant à l'opposé de la description que vous venez d'en faire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).

HAUSSE DES IMPÔTS LOCAUX

M. Pierre Méhaignerie - Le débat sur la canicule a été un peu caricatural. Il a encore renforcé l'idée que, dans notre pays, tout dépendait de l'Etat, et rien des communautés de base ou du citoyen. Allons-nous encore conforter ce sentiment avec un débat tronqué sur les impôts locaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et amoindrir encore, aux yeux de l'opinion, la nécessité de poursuivre une politique de décentralisation tendant à responsabiliser chacun ?

Dans un souci de clarté et de maîtrise de la dépense publique, nationale et locale, le Gouvernement peut-il faire le point...

M. Michel Delebarre - Pour l'instant, il ne fait pas le poids !

M. Pierre Méhaignerie - ...sur la hausse des impôts locaux en 2003 et les raisons de celle-ci ?

M. Alain Néri - Ce serait amusant !

M. Pierre Méhaignerie - D'autre part, pour que l'Etat ne soit pas accusé demain d'être l'acteur de la hausse des impôts locaux, le Gouvernement peut-il s'engager à stopper l'accroissement permanent des réglementations et des normes - voyez l'exemple des SDIS (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur divers bancs) et à régulariser en fin d'année le transfert de l'ASS vers le RMI ?

M. Henri Emmanuelli - Bonne question !

M. Pierre Méhaignerie - La décentralisation, positive dans tous les pays, ne réussira en France que si les impôts locaux n'augmentent pas et si la vie des Français s'en trouve simplifiée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales - Monsieur le Président de la commission des finances, l'expert que vous êtes connaît les chiffres. La hausse moyenne des impôts locaux en 2003 aura été de 2,2 %. Elle se subdivise en une hausse de 3,9 % pour les départements, de 1,6 % pour les communes et de 0,2 % pour les régions. Le produit - c'est-à-dire la recette des impôts locaux du fait de nouveaux contributeurs - a augmenté de 4 % (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Les raisons de ce phénomène sont bien connues. Nous disposons d'ores et déjà de l'évaluation du coût des 35 heures pour les collectivités territoriales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Les 35 heures ont entraîné un surcoût de 400 millions d'euros pour les départements, d'un milliard d'euros pour les communes et de 40 millions pour les régions. S'y ajoute le coût de l'APA : alors que la PSD représentait 700 millions en 2001, l'APA a coûté 2,5 milliards en 2002 et 3,7 milliards en 2003 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Ce supplément se répartit de la manière suivante : une économie de 400 millions résultant de la modification législative, un emprunt d'Etat de 400 millions et 400 millions de surcharge pour les départements, directement répercutés sur la feuille d'impôts. S'y ajoute également la départementalisation des SDIS, pour 250 millions : voilà la facture ! (« Ridicule ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Quant à l'ASS, il est trop tôt pour l'évaluer puisque les critères d'éligibilité sont différents. En outre, le dispositif n'entrera en action que début juillet 2004. Conformément à la Constitution, l'évaluation sera faite dès la fin de l'année puisque, dorénavant, le transfert est garanti (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SOUHAITS DE BIENVENUE A UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Yves Christen, président du Conseil national suisse (Mmes et MM. les députés et Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent)

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

PRÉSENCE DE LA CROIX-ROUGE DANS LA ZONE D'ATTENTE
DE L'AÉROPORT ROISSY-CHARLES DE GAULLE

M. Philippe Vitel - La zone d'attente de l'aéroport de Roissy va faire l'objet d'une expérience intéressante. Pour y faire régner plus de transparence et d'humanité, et pour mettre fin aux polémiques, vous venez de signer, Monsieur le ministre de l'intérieur, une convention avec le professeur Marc Gentilini, président de la Croix-Rouge française, aux termes de laquelle l'organisation humanitaire assurera une présence permanente auprès des candidats à l'immigration non admis sur notre territoire. Cette respectable et ô combien noble association aura sur place une équipe de 23 salariés, chargés d'une mission d'accompagnement social des étrangers. Une évaluation est prévue au terme de six mois d'activité, pour décider de la poursuite de l'expérience. Qu'attendez-vous de cette innovante et prometteuse collaboration ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Le Gouvernement veut mener une politique très ferme de lutte contre l'immigration clandestine. Ce matin même, la secrétaire d'Etat à l'intérieur du gouvernement britannique vient de féliciter la France pour l'excellente collaboration de ses services au démantèlement d'une filière d'immigration clandestine. Mais la fermeté affichée va de pair avec le respect scrupuleux des droits de la personne. Des polémiques au sujet des avions de retour des clandestins étaient entretenues depuis des années. J'ai donc proposé à la Croix-Rouge de disposer désormais de places réservées dans chaque vol de retours groupés. Et comme un fait exprès, les polémiques ont cessé avec cette décision !

Dans un Etat de droit, la police républicaine n'a rien à cacher. La zone d'attente de Roissy est la première frontière de France. Les associations y demandaient un droit permanent de visite depuis plus de vingt ans. J'ai donné hier ce droit permanent à la Croix-Rouge (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Hier, c'était laxiste et opaque (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Demain, ce sera efficace et transparent. Telle doit être à nos yeux la France de 2003 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

DISPARITION DE FRED NÉRAC

M. Michel Bouvard - Monsieur le ministre des affaires étrangères, notre République s'est toujours honorée de ne jamais abandonner ceux de ses enfants disparus ou retenus prisonniers à l'étranger. Le 22 mars dernier, Fred Nérac, caméraman français travaillant pour une chaîne de télévision britannique, disparaissait avec son assistant libanais Hussein Othman dans la banlieue de Bassorah, lors des combats marquant le début de la guerre en Irak. Depuis lors, son épouse, Fabienne, ses parents, Claude et Claudette, dans leur village de Montagnole - près de Chambéry - et leurs proches sont dans l'attente de ses nouvelles. Les corps n'ont en effet jamais été retrouvés et plusieurs témoignages tendent à prouver qu'ils étaient encore en vie après les combats de Bassorah.

De quelles informations le Gouvernement dispose-t-il aujourd'hui ? Quelles actions a-t-il entrepris auprès des autorités américaines et britanniques pour retrouver notre concitoyen et son compagnon ? (Applaudissements)

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Je partage votre émotion face à ce drame. Vous avez rappelé les faits : la disparition de MM. Nérac et Othman le 22 mars dernier près de Bassorah. Dès que nous en avons été informés, nous nous sommes mobilisés pour apporter notre concours à Mme Fabienne Nérac.

En quoi la mobilisation des autorités françaises a-t-elle consisté ? A Paris, Mme Nérac a été reçue par le Président de la République. Je l'avais moi-même rencontrée le 28 mars dernier. J'ai par ailleurs sollicité mes homologues britannique et américain. Jack Straw, qui a rencontré Mme Nérac à Paris le 22 mai, a ouvert une enquête officielle le 27 mai, et Collin Powell, de son côté, s'est engagé à me transmettre toutes les informations en sa possession.

Mes services sont en contact permanent avec Fabienne Nérac et avec tous les acteurs susceptibles d'apporter des éléments d'information. Ils cherchent sans relâche et ne négligent aucune piste. Cette mission fait partie des priorités de notre nouvel ambassadeur, chef de la section des intérêts français en Irak.

A l'heure actuelle, en dépit de nos efforts, nous n'avons pas d'informations probantes sur le sort de Frédéric Nérac. Nous continuons d'agir en liaison avec son épouse, dont le courage et la dignité inspirent le plus grand respect (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

POLITIQUE DE L'EMPLOI

M. Gaëtan Gorce - Monsieur le Premier ministre, le premier devoir d'un gouvernement, c'est d'assumer ses responsabilités (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe UMP). Or, depuis des mois, vous ne cessez de vous défausser (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Hier, c'était la conjoncture. Aujourd'hui, ce sont les 35 heures ! Cette stratégie du bouc émissaire est trop commode.

Pour instruire un procès à charge - j'allais dire un procès de Moscou (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) - vous n'avez pas hésité à utiliser des chiffres fantaisistes. Ainsi, vous avez intégré dans le coût des 35 heures les allégements de charges accordés par M. Juppé. Vous êtes si peu sûr de vous que, lorsque le groupe socialiste a proposé la création d'une commission d'enquête sur l'impact des 35 heures, vous n'avez guère montré d'enthousiasme, pensant sans doute que le débat aboutirait à des conclusions moins caricaturales que les affirmations entendues depuis quelques jours.

S'il faut une évaluation, faisons aussi celle de la loi Fillon. Quand nous l'examinions, nous avions demandé combien d'emplois supplémentaires le Gouvernement en attendait. Aujourd'hui nous demandons : combien de chômeurs en plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Augmenter le temps de travail au moment où notre pays traverse une crise économique profonde est socialement irresponsable. Si vous voulez revaloriser le travail, donnez un emploi à ceux qui n'en ont pas, au lieu d'augmenter le temps de travail de ceux qui en ont un ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Depuis plusieurs mois, vous cherchez à culpabiliser les Français. Devant les conséquences de la canicule, vous culpabilisez les familles. Sur le problème des retraites, vous culpabilisez les fonctionnaires. Vous voulez remettre en question les jours fériés. En matière d'emploi, vous culpabilisez les salariés.

Monsieur le Premier ministre, les Français ne sont pas coupables. C'est vous qui êtes responsable de la situation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Vous voulez revenir sur les 35 heures, ce qu'aucun des partenaires sociaux ne demande, à l'exception de certaines voix au sein du Medef. Au lieu de revenir sur la réduction du temps de travail, attaquez-vous au chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Monsieur Gorce, vos anciens partenaires de la majorité plurielle apprécieront votre référence aux procès de Moscou... Les 35 heures resteront dans l'histoire le symbole d'une triple erreur.

Une erreur de méthode, puisque vous avez préféré au dialogue social un dirigisme sans équivalent dans aucun pays développé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Une erreur économique, car cette réforme a eu un coût démesuré pour des résultats médiocres en termes d'emploi. Les collectivités locales, les services publics et tout particulièrement l'hôpital, les Français enfin en ont payé le prix.

Une erreur pédagogique enfin, puisque vous avez fait croire aux Français qu'on pouvait, en travaillant moins, résister efficacement à la mondialisation. Or c'est exactement le contraire.

Monsieur Gorce, nous allons poursuivre notre effort pour assouplir les 35 heures et nous ferons en juillet le bilan des assouplissements votés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous allons poursuivre la négociation avec les partenaires sociaux, qui viennent de vous donner une leçon de pragmatisme en acceptant, eux, que le temps libéré par la RTT serve en partie à la formation professionnelle. C'est une avancée, dont nous profiterons pour assouplir les 35 heures (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

En novembre, nous vous proposerons un texte autorisant les entreprises à négocier, selon des règles différentes, la durée et l'organisation du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SÉPARATION DES COUPLES BINATIONAUX

Mme Chantal Bourragué - Monsieur le Garde des Sceaux, chaque année, en Europe, des centaines de couples binationaux rencontrent de grandes difficultés au moment de leur séparation. Il existe en effet, d'un pays à l'autre, de grandes différences en matière de droit de la famille. Aucun déplacement ministériel à l'étranger n'a lieu sans que cette question soit abordée.

En cas de séparation, on assiste de plus en plus souvent à l'enlèvement des enfants par l'un des parents, l'autre se retrouvant alors dans le plus grand désarroi. La distance et les différences entre les droits nationaux rendent difficiles et très coûteuses les démarches.

Ces pères et mères isolés ont besoin de se sentir écoutés. J'ai appris que, le 3 octobre dernier, le conseil « Justice et affaires intérieures » de l'Union européenne » avait adopté un projet de règlement. Les familles attendent des réponses. Ce règlement leur facilitera-t-il la vie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Vendredi dernier, en effet, l'Europe de la vie quotidienne, l'Europe de la famille ont fait un grand pas en avant.

Les ministres de la justice des Quinze se sont mis d'accord - enfin ! - sur un règlement relatif aux familles binationales, qu'il s'agisse du divorce, du droit de visite, du droit de garde ou des cas d'enlèvement d'enfant.

En premier lieu, l'ensemble des juridictions concernées seront enfermées dans des délais très courts. En outre, il est établi que le tribunal qui doit rendre la décision ultime sera celui du domicile habituel de l'enfant - je précise : avant son enlèvement. Enfin, la décision de ce tribunal sera exécutoire dans les autres pays.

Je veux souligner l'importance de l'accord négocié il y a un an avec mon homologue allemande : c'est à partir de ce texte que nous avons pu convaincre les autres pays européens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLLUTION DES EAUX

M. Joël Beaugendre - Madame la ministre de l'écologie, le 30 septembre dernier, un rapport de l'Institut français de l'environnement montrait la forte présence des pesticides dans les eaux de surface et souterraines. La Guadeloupe et la Martinique sont tout particulièrement concernées, car on y trouve des pesticides interdits de longue date. Il y a là un véritable danger pour l'environnement. S'agit-il d'un problème de rémanence, ou d'une carence de l'administration ? Les effets sur la population risquent d'être néfastes : cancer de la prostate, stérilité masculine...

Les syndicats des eaux de la Guadeloupe ont installé, avec le soutien de l'Union européenne, des filtres à charbon très onéreux.

Dans nos régions archipélagiques, une politique vigoureuse d'assainissement est particulièrement vitale. Pouvez-vous confirmer la présence de pesticides et nous indiquer les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - En effet, mandaté par mon ministère, l'IFEN a constaté un très fort taux de pesticides dans les eaux souterraines et de surface. Leur présence est particulièrement importante en Guadeloupe et en Martinique, où l'on trouve des produits organo-chlorés interdits depuis 1993. Ceux-ci contaminent non seulement les eaux souterraines et de surface, mais aussi les « légumes racines ». Les services de l'Etat procèdent à des prélèvements et à des analyses.

Quelle est l'origine de cette contamination ? Une utilisation frauduleuse ? Je n'en crois rien. Les organo-chlorés ont en effet un fort taux de rémanence.

Vous pouvez compter sur moi, mais aussi sur les ministres de l'outremer, de l'agriculture et de la santé, pour combattre les organo-chlorés. Sur les 10,5 millions d'euros que le Gouvernement consacre à cette action, un million est allé à la Martinique et à la Guadeloupe. Nous poursuivrons cette action en 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ALLOCATIONS DE CHÔMAGE

M. Bernard Roman - Monsieur le ministre des affaires sociales, vous êtes au pouvoir depuis dix-huit mois et c'est bien sur votre politique que je veux vous interroger.

En un an, le nombre des demandeurs d'emploi s'est accru de 137 000 (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste). Cette aggravation, mois après mois, signe l'échec de votre politique, et aucune amélioration n'est à attendre puisque le budget du travail, hors allégements de charges, diminuera de près de 2 % en 2004.

L'emploi n'est pas la priorité de votre gouvernement. Et comme une provocation, vous annoncez maintenant la réduction de l'allocation de solidarité spécifique versée aux personnes ayant épuisé leurs droits à l'assurance-chômage. A partir du 1er juillet 2004, l'ASS sera supprimée au bout de deux ans et 130 000 chômeurs basculeront dans l'assistance, puisqu'ils ne toucheront plus que le RMI.

Il est vrai que cela aura pour vous un double avantage : alléger le budget de l'Etat aux dépens des collectivités locales et abaisser les chiffres du chômage (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Sur le plan budgétaire, vous faites une économie dérisoire de 170 millions sur les chômeurs, alors que dans le même temps, vous diminuez de 2 milliards d'euros l'impôt sur le revenu et l'ISF (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous livrez ainsi les chômeurs de longue durée au désespoir.

L'Etat n'est pas dans son rôle quand il abandonne les plus fragiles, menaçant ainsi la cohésion sociale. Je vous demande donc de retirer votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - L'emploi est la priorité du Gouvernement, qui y consacre 32 milliards d'euros - le troisième budget de l'Etat - car, pour nous, les allégements de charges sont le moyen le plus efficace de lutter contre le chômage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

La réforme de l'ASS vise à en limiter la durée à trois ans dans un premier temps, à deux ans ensuite. Cette réforme est parfaitement cohérente avec celle que viennent de décider les partenaires sociaux à l'UNEDIC, ainsi qu'avec l'esprit du PARE.

En effet, quand une personne est au chômage depuis plus de quatre ans, ce n'est pas l'ASS qui va lui permettre de retrouver un emploi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), ce sont des outils d'insertion.

Nous allons donc réactiver les CIE (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et mettre en _uvre le RMA, c'est-à-dire une véritable politique d'insertion au service des chômeurs de longue durée. Nous ferons alors le bilan respectif des politiques conduites ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

TRANSPORTS AÉRIENS

M. Francis Delattre - Monsieur le ministre des transports, l'accord KLM-Air France va conduire à la privatisation - souhaitable - d'Air France. Il y a dix ans, le gouvernement Balladur a injecté 20 milliards de francs dans la compagnie. Quelles seront les conséquences de l'accord pour le Trésor français ?

Ma seconde question porte sur votre communication concernant cet accord important. Vous avez surtout insisté sur l'abandon du projet de troisième aéroport dans le Bassin parisien (Mouvements divers), avec des arguments assez surprenants puisque vous affirmez que Schiphol, la plateforme d'Amsterdam, va pouvoir fonctionner parfaitement avec celle de Roissy. Ce qui n'était pas possible à Chaulnes, à 70 kilomètres de Paris, va l'être à 500 kilomètres...

Lors des enquêtes publiques sur le doublement des pistes à Orly et Roissy, l'Etat s'était engagé à concilier le développement du trafic, avec la préservation de l'environnement d'un million et demi de riverains. Ces engagements, inscrits au Journal officiel du 29 juin 1999, seront-ils tenus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - La représentation nationale sera naturellement tenue au courant du bilan financier de l'accord Air France-KLM. Il est encore trop tôt puisque c'est seulement en avril que l'échange d'actions sera réalisé.

En ce qui concerne votre deuxième question, le Gouvernement a pris des mesures, que vous avez d'ailleurs approuvées, pour diminuer les nuisances autour de Roissy en réduisant les vols de nuit et en interdisant les avions les plus bruyants. Nous allons développer un peu le trafic à Orly, car nous y sommes bien loin des 250 000 mouvements prévus, et surtout dans les autres régions qui ne demandent que cela. L'accord Air France-KLM va aussi permettre une réorganisation du trafic entre Schiphol et Roissy.

En ce qui concerne les engagements pris par M. Gayssot en 1999, il s'agissait en fait d'une opération de camouflage : le chiffre de 55 millions de passagers n'a aucune valeur légale et M. Gayssot prétendait bloquer le trafic à Roissy, tout en engageant la construction de deux pistes supplémentaires !

Nous préférons, quant à nous, diminuer le bruit et développer les autres aéroports (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CRISE DU LOGEMENT EN RÉGION PARISIENNE

M. Georges Mothron - Loyers élevés, appartements de plus en plus chers, files d'attente pour les HLM, tels sont les signes de la crise du logement qui se développe en région parisienne. Les plus touchés sont les ménages à revenus modestes. Même quand ils veulent quitter des logements insalubres, ils ne trouvent que des hébergements temporaires.

Maire d'Argenteuil, je constate que plus de 50 % des interventions demandées portent sur ce sujet. L'équilibre social mais aussi le développement économique de l'Ile-de-France sont en jeu, car comment créer des emplois durables sans loger les salariés ?

Monsieur le ministre de l'équipement, le Parlement a voté le dispositif fiscal qui porte votre nom et qui incitera les particuliers à investir dans le logement locatif. Votre collègue, Jean-Louis Borloo, a fait adopter la création d'un guichet unique, l'Agence nationale de renouvellement urbain. Mais ces mesures ne suffiront pas à résoudre la crise. Quelle réponse pouvez-vous apporter aux Franciliens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - La région Ile-de-France est à la fois la plus riche d'Europe et celle qui construit le moins de logements : le nombre annuel de logements construits y est tombé de 55 000 en 1990 à 35 000 en 2002. Ce n'est acceptable ni sur le plan social, ni pour le développement économique, ni pour l'environnement - quand on repousse une population vers l'extérieur, il y a plus de voitures sur les routes.

Face à cette situation, nous avons, par la loi Urbanisme et habitat, assoupli la loi SRU et le dispositif fiscal Besson. Nous allons en outre augmenter en 2004 les prêts locatifs intermédiaires, destinés à ceux dont les ressources dépassent un peu les plafonds des HLM. Enfin, nous voulons dégager des terrains. Je viens de recevoir un rapport qui relève que dans les seuls services et entreprises dépendant de mon ministère - RFF, SNCF, etc. - 3 millions de m2 sont disponibles à court terme. Je vais donc, avec l'accord du Premier ministre, nommer un délégué interministériel chargé d'organiser la vente de tous ces terrains. Nous atteindrons ainsi notre objectif de 50 000 logements nouveaux par an (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de Mme Hélène Mignon

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

ART. 2

M. Jean-Luc Préel - Cet article organise la politique de santé publique au niveau de la région. L'UDF reconnaît bien volontiers que c'est à l'Etat de définir au niveau national les priorités de santé publique, mais n'est pas d'accord pour qu'au niveau régional la responsabilité en soit confiée au préfet.

Il faut un interlocuteur unique en matière de santé, qu'il s'agisse des établissements, de l'ambulatoire, de la prévention et de l'éducation ou de la formation ; on sait en effet que lorsque, par exemple, un médecin reçoit un malade souffrant de diabète, non seulement il le soigne, mais il fait de l'éducation en lui donnant des conseils et il fait de la prévention en se préoccupant de sa famille.

Mais cet interlocuteur unique au niveau régional doit être l'ARH, qu'il resterait certes à contrôler démocratiquement.

A votre sens, Monsieur le ministre, quel est le rôle des DRASS ? Est-il utile, dans un chef-lieu de région, de cumuler une DRASS et une DDASS ? Ne faudrait-il pas confier aux DRASS et aux DDASS la politique de la ville, en laissant la politique de la santé aux ARH ?

Quant à l'instance de consultation régionale, nous considérons que ses membres doivent être élus par ceux qu'ils représentent : les représentants des médecins, par exemple, devraient être issus des URML.

Notre amendement 501 dit que les modalités de mise en _uvre des objectifs et des plans nationaux sont définies non par le représentant de l'Etat dans la région, mais par le conseil d'administration de l'ARH.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Défavorable.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Même avis.

L'amendement 501, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Bapt - Notre amendement 290 relève du bon sens. Nous demandons que le préfet rende compte chaque année de la réalisation des objectifs et des plans nationaux à la conférence régionale ou territoriale de santé publique.

L'amendement 290, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Notre amendement 502 a le même objet que le précédent. Je regrette que la commission et le Gouvernement n'expliquent pas pourquoi ils rejettent cette proposition d'interlocuteur unique.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Monsieur Préel, je vous ai déjà répondu après la discussion générale. Nous n'avons pas le même schéma que vous : nous voulons comme vous aller vers les ARS, mais ce n'est pas le moment ; en effet nous n'avons pas encore réformé l'assurance maladie et nous ne savons donc pas quelle importance donner aux URCAM. Il s'agit, ici, d'une étape.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous légiférons un peu dans le vide, car deux grandes questions n'ont pas été résolues.

La première est : où est la tête ? Autrement dit, où en sommes-nous concernant les relations des agences de santé publique entre elles, d'une part, et les relations entre ces agences et la direction générale de la santé, d'autre part ? Nous sommes toujours dans le flou ; et nous y serons encore plus quand viendront en discussion les amendements du Gouvernement sur l'INVS.

La deuxième question a trait à la gouvernance de l'assurance maladie. On continue à faire comme si ce projet était cohérent avec la réforme qu'on avait implicitement prévue il y a quelques mois. Peut-être allons-nous, comme le dit le ministre, vers les ARS, et sans doute va-t-on faire en sorte, par l'adoption de l'un de ses amendements, de prendre directement l'argent de l'assurance maladie pour gérer une politique de santé publique sous la responsabilité du préfet ; mais disons clairement qu'on tourne le dos à la déclaration du Président de la République devant le congrès de la mutualité à Toulouse, affirmant son opposition à l'étatisation de l'assurance maladie. Nous sommes bel et bien dans un processus d'étatisation.

Le flou est tel que nous avons beaucoup de mal à débattre utilement des articles 2 à 5. Et qu'en sera-t-il pour les fonctionnaires qui seront ensuite chargés d'appliquer cette politique ?

L'amendement 502, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Je vous remercie, Monsieur le ministre, de m'avoir répondu. Ce faisant, vous avez confirmé qu'à l'échelon régional, trois interlocuteurs demeureront : le préfet, la DRASS et l'ARH. Je déplore que l'organisation régionale de la santé n'ait pas été simplifiée, et je ne suis pas le seul. L'amendement 503 est défendu.

M. le Ministre - Je le répète, notre objectif concernant les soins est, à terme, de rapprocher URCAM et ARH. Mais la santé publique doit rester sous la responsabilité de l'Etat - qui, sinon lui, peut répondre à des crises sanitaires graves telles que la maladie de la vache folle, le SRAS, les méningites ? - et, pour cela, il a besoin de structures de coordination régionales. Tel est le schéma que nous souhaitons appliquer. Et même si la fusion entre ARH et URCAM est prématurée, il y aura, bien sûr, des passerelles.

J'ai le sentiment étrange de fronts renversés, car je me rappelle fort bien avoir plaidé lors de la discussion de la loi sur la sécurité sanitaire, en 1998, en faveur de la fusion des agences. M. Kouchner, qui semblait y être favorable, m'avait alors expliqué que le temps n'était pas venu...

M. Jean-Marie Le Guen - Nos divergences demeurent, en premier lieu parce que votre doctrine n'apparaît pas certaine. Enfin, sans doute la vôtre l'est-elle, Monsieur le ministre, mais l'on ne peut en dire autant pour le reste du Gouvernement ni, surtout, pour le Président de la République. D'autre part, le décloisonnement est indispensable, tant entre médecine de ville et médecine hospitalière qu'entre prévention et soin. Si césure il y a, elle doit concerner le risque sanitaire, qui doit demeurer de la responsabilité exclusive de l'Etat. Or, le flou de vos indications sur les responsabilités respectives ne simplifiera pas l'organisation sanitaire.

Enfin, s'agissant des agences, il faudra certes les unifier à terme, mais se posera alors la question de l'évolution des missions de la DGS. En l'état, chacun doit affirmer son métier. L'aurait-on fait plus vite, notamment en installant plus tôt l'agence de sécurité sanitaire environnementale, que bien des drames auraient pu être évités.

M. le Ministre - Je ne tiens pas à gommer à tout prix nos divergences, mais je ne pense pas qu'elles soient si profondes. Dès que possible, nous rapprocherons ARH et URCAM et, déjà, nous sommes très attentifs à tout ce qui touche, pour tous, à la démographie médicale, à la permanence des soins et aux réseaux ville-hôpital. Autant dire que si nous devons attendre l'aboutissement d'une concertation encore inachevée, nous savons comment procéder pour réussir ce rapprochement. Sur le fond, je ne suis pas certain que vos idées soient très éloignées des miennes ; la différence tient à ce que vous déplacez les limites. Pour ma part, je considère que nous ne pouvons nous priver de l'aide, ô combien précieuse, de toutes les associations qui _uvrent en faveur de la prévention, dans tous les domaines, mais qu'un chef d'orchestre doit coordonner leur action.

En bref, nos divergences ne sont pas telles que nous ne puissions poser les fondements de la politique de santé publique qui, vous l'admettrez, fait jusqu'à présent quelque peu défaut.

L'amendement 503, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 20 est de cohérence. J'estime le moment venu de rappeler à tous que le titre de ce projet est « politique de santé publique », et que dans cette politique l'Etat est appelé à jouer un rôle-clé. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu'il est indispensable de garantir l'équilibre entre les régions ? Mais la situation actuelle est plutôt confuse, M. Préel en conviendra, notamment au niveau régional, où l'on ne sait pas qui fait quoi. Ayant procédé à de très nombreuses auditions, la commission a estimé utile d'améliorer encore le texte, qui permet déjà un progrès indiscutable en instituant deux instances de concertation.

La commission a entendu clarifier le texte en rétablissant la conférence régionale de santé publique. La définition des objectifs appartient à l'Etat - par la voix du préfet de région - et au conseil régional, qui peut le cas échéant définir des objectifs spécifiques. C'est ainsi que des objectifs de santé publique pertinents ont été promus dans une dizaine de régions.

Principale modification apportée par la commission, le groupement régional de santé publique réunit les seuls financeurs. Présidé par le préfet de région ou le président du conseil régional, il est dirigé par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales. Y sont représentés l'Etat, la région, les départements, les communes, l'assurance maladie et l'INPES. Le groupement régional de santé publique passe des contrats ou des conventions avec les opérateurs, qui siègent tous à la conférence régionale de santé publique. Plus lisible et plus cohérent, ce schéma représente à notre sens un progrès par rapport au texte initial et, bien entendu, à la situation actuelle.

M. le Ministre - Le Gouvernement est très favorable aux amendements proposés par la commission, qui a bien _uvré à simplifier le système.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, je souhaiterais, à l'occasion de cet amendement, vous poser quelques questions.

L'article 2 organise la déclinaison régionale des orientations nationales de santé publique. Les préfets se voient confier la régionalisation des objectifs et la définition d'un plan régional quinquennal de santé publique. Ils s'appuieront sur une conférence régionale de santé publique, initialement supprimée - nous avions pour notre part proposé un comité régional de santé publique. Cette instance collégiale d'élaboration du plan de santé publique est présidée par une personnalité qualifiée. En revanche, la mise en _uvre des programmes du plan incombe à un acteur unique, le groupement régional de santé publique, auquel nous reviendrons à l'article 5. Etoffer le rôle de la région est une bonne chose : les députés communistes et républicains ont depuis longtemps démontré que la région est le niveau pertinent pour évaluer les besoins sanitaires et sociaux, comme pour mettre en adéquation l'offre de soins avec ces besoins. Les inégalités régionales en matière de santé sont à la fois l'expression et la cause des inégalités sociales. Selon une enquête réalisée en 2000-2001 par les médecins et infirmières de l'éducation nationale, les enfants issus des grandes agglomérations urbaines - notamment des ZEP - sont davantage touchés par la surcharge pondérale, les troubles de la vision, les problèmes bucco-dentaires ou l'asthme. Mais le Gouvernement n'entend pas tant placer la région au centre des préoccupations de santé que régionaliser la santé publique. Cette régionalisation n'échappe pas aux contradictions de la décentralisation. Les préfets de région devront ainsi assumer la déclinaison régionale des programmes de santé publique en s'appuyant sur les conférences régionales de santé publique. Mais vous conférez dans le même temps aux conseils régionaux un pouvoir de définition de programmes de santé. N'est-ce pas l'amorce d'une distinction entre politique nationale « régionalisée » et politique régionale spécifique, avec tous les risques d'inégalités régionales que cela suppose ?

De même, la distinction entre décideurs et financeurs des programmes de santé publique - même s'ils se retrouvent au sein de la conférence régionale de santé publique - ne nous paraît pas justifiée. N'est-ce pas l'amorce d'une régionalisation des financements, à l'instar de ce qui s'est fait pour l'hôpital avec les ARH ? Toutes les expériences de ce type ont conduit à une rationalisation comptable des choix d'actions et d'orientations sanitaires, au point que la question de l'opportunité même de la prévention ou des soins s'est posée.

Quel crédit accorder aux membres du comité régional de santé publique quand le pouvoir de décision appartient en définitive aux financeurs du plan régional de santé publique ? On peut donc légitimement s'interroger sur le caractère démocratique et égalitaire de cette régionalisation.

Nous ne faisons pas de procès d'intention. Nous voulons simplement partir des besoins et nous donner les moyens d'une grande politique de santé publique. Elle ne saurait se limiter à la déclinaison d'objectifs nationaux à l'échelle régionale.

M. Jean-Luc Préel - Que M. le rapporteur se rassure, je le rejoins pleinement sur la confusion des responsabilités qui prévaut actuellement. Mais il aurait mieux valu régler le problème de la gouvernance de la santé dans notre pays avant de présenter ce projet de loi.

Que ma position soit claire. L'Etat, je n'en disconviens pas, est responsable de la santé publique au niveau national : à lui de définir les priorités nationales. Je l'ai toujours affirmé et n'entends pas le voir contester.

Je l'ai dit à plusieurs reprises, il faut confier à l'ARH la prévention et l'éducation. Et le président de la commission et le ministre ne cessent d'en appeler à l'Etat ! Mais le directeur de l'ARH, nommé en conseil des ministres, n'est-il pas aussi le représentant de l'Etat ? Dans les faits, c'est le directeur régional des affaires sanitaires et sociales qui aura la responsabilité du groupement régional de santé publique. Il travaillera avec l'ARH. Peut-on vraiment parler de clarification ? Enfin, rétablir les conférences régionales de santé est tout à fait souhaitable.

Je demande à M. le rapporteur de ne plus contester que l'UDF entend bien donner la principale responsabilité à l'Etat. Mais pour nous, son représentant est au moins autant - sinon plus - l'ARH que le DRASS.

M. le Rapporteur - Nous l'avons bien compris.

M. Jean-Marie Le Guen - Cet amendement n'est certes pas le plus important de ceux de la commission sur l'article 2. Il est vrai qu'elle a sensiblement amélioré le texte avec la conférence régionale de santé et la tentative de clarifier le groupement régional de santé publique - dont je ne vois toujours pas l'intérêt. Il ne fait qu'accroître la bureaucratie et symboliser la captation par l'Etat d'un argent qui ne lui appartient pas. Cela pose presque un problème constitutionnel.

Le GRSP, dites-vous, ne réunira plus que les financeurs. Dont acte. Mettre dans la même structure les financeurs et les opérateurs aurait créé beaucoup de confusion. Autant dire que l'Etat fait son affaire de toute la politique de promotion et d'éducation à la santé à l'échelle du département ! Bien entendu, nous n'y sommes pas favorables.

Il y a donc essentiellement deux financeurs, obligatoires et pour ainsi dire « commis pour ordres », l'Etat lui-même - impécunieux - et l'URCAM - qui a l'argent ! Comme cela ne suffit pas, on invite quelques personnes morales susceptibles d'apporter leur obole - collectivités locales, union départementale mutualiste... Mais comme vous n'êtes pas assuré de la bonne volonté de l'URCAM, vous allez proposer ensuite un amendement visant à ce qu'une fraction substantielle du fonds national de prévention - aujourd'hui géré par la CNAM - soit réquisitionnée par l'Etat à l'intérieur du GIP. Au reste, il est tout à fait inutile de créer une structure administrative telle qu'un GIP pour gérer un compte chèque commun ! En outre, il est dommageable de subordonner l'action de l'assurance maladie à celle de l'Etat. En cédant à la tentation - bien compréhensible - d'aller chercher l'argent là où il est, vous tendez à parachever l'étatisation de la sécurité sociale.

L'amendement 20, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Adopté par la commission, l'amendement 21 rectifié tend à affirmer l'importance de la prévention des risques professionnels et de la médecine scolaire. Nous avons tout à gagner à développer la médecine du travail et la médecine scolaire. Une fois cet objectif atteint, il resterait encore à améliorer la prise en charge des personnes privées d'emploi et des titulaires d'emplois précaires, lesquels ne bénéficient pas toujours de la médecine de prévention et de la médecine du travail.

M. le Rapporteur - L'amendement 238 est satisfait par l'amendement 21 rectifié.

M. Jean-Luc Préel - Mon amendement 476 répare un oubli en rappelant qu'il incombe au comité régional de santé publique de proposer un programme régional pour l'éducation à la santé et de promotion de la santé.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 21 rectifié et défavorable à l'amendement 476.

L'amendement 21 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 476 tombe.

M. le Rapporteur - L'amendement 22 est retiré au profit d'un amendement du Gouvernement sur le même sujet, à venir.

M. Jean-Marie Le Guen - Il est pourtant moins bon !

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 475, que je cosigne avec Mme Comparini, tend à ce que les missions d'intérêt général que constituent la prévention et l'éducation pour la santé soient mises en _uvre de façon organisée entre les échelons national, régional et départemental.

M. Maxime Gremetz - Je reprends l'amendement 22 que M. Dubernard a retiré (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Mieux vaut tenir que courir ! Si l'amendement du Gouvernement qui nous est annoncé donne satisfaction à nos objectifs, il sera bien temps de retirer le nôtre ! D'ici là, il est de notre responsabilité de ne pas nous laisser déposséder de nos propositions.

Mme la Présidente - L'amendement 22 ayant été retiré, il n'y a plus lieu d'en débattre.

M. Maxime Gremetz - Mais puisque je le reprends !

Mme la Présidente - Nous débattons d'amendements postérieurs au 22. Je vous répète qu'il n'y a pas lieu d'y revenir (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP ; M. Gremetz proteste).

M. Bertho Audifax - L'amendement 517 de M. Bouvard, identique à l'amendement 475, est défendu.

Les amendements 475 et 517, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Michel Vergnier - Nos amendements 472 et 372 visent, par souci de cohérence, à réintroduire dans le plan les autres politiques de santé publique organisées par schéma - telles l'éducation pour la santé ou la santé mentale.

Les amendements 472 et 372, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 504 est défendu.

L'amendement 504, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Pour les raisons que j'ai exposées dans mon propos liminaire, l'amendement 23 fait renaître les conférences régionales de santé, abrogées par la loi « droits des malades » du 4 mars 2002.

M. Michel Vergnier - Notre amendement 412 corrigé est identique.

Les amendements 23 et 412 corrigé, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - En conséquence, les amendements 505, 429, 430, 431, 239 et 432 tombent.

M. le Rapporteur - L'amendement 24 de la commission précise la composition de la conférence régionale de santé publique. Celle-ci comprendra des représentants des collectivités territoriales, des organismes d'assurance maladie, des malades et des usagers du système de santé, des institutions de santé publiques et privées, de l'observatoire régional de la santé, ainsi que des personnalités qualifiées. Elle sera un lieu de débat, un forum. Son organisation relève du domaine réglementaire, mais il faudra prévoir un fonctionnement permanent pour que les participants travaillent sur des thèmes régulièrement renouvelés.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Maxime Gremetz - Vous dites que la composition de cette conférence sera fixée par décret, mais vous indiquez dans la loi qui va y siéger.

M. le Rapporteur - Il y a l'adverbe « notamment » !

M. Maxime Gremetz - Mon bon sens populaire voit dans votre texte une contradiction. Certes, la contradiction fait avancer le monde, a dit Marx (Sourires).

Il faut indiquer tous ceux qui siégeront à la conférence régionale, ou bien ne rien indiquer du tout. Si on laisse de côté l'adverbe « notamment », la liste que vous donnez ne prévoit pas que siègent les représentants élus des personnels de santé.

Dans les conférences régionales actuelles, qui ne sont certes que des grand-messes, les organisations syndicales représentatives sont présentes. Cet amendement me laisse donc perplexe.

M. François Vannson - Ce sont les représentants des professionnels de santé qui siégeront pour les salariés.

M. le Rapporteur - L'adverbe « notamment » signifie que la liste n'est pas exhaustive. Les représentants des professionnels de santé pourront très bien être des représentants syndicaux. Si nous dressons une liste exhaustive, nous risquons d'oublier une catégorie. La conférence doit être un forum pour tous.

M. le Ministre - Les citations doivent être justes. M. Gremetz, en citant Marx, s'est trompé : il parlait de la dialectique de Hegel (Sourires).

M. Maxime Gremetz - Marx a enrichi Hegel, vous le savez !

M. le Ministre - Par ailleurs, je ne vous reproche pas de décortiquer l'amendement mot à mot, mais il est bien écrit que la conférence régionale comprend « des représentants » des différentes catégories, dont ceux des professionnels de santé. Nous voulons dire la même chose.

M. Maxime Gremetz - Dans ce cas, il n'y a pas de problème. Je veux que la loi soit claire. Mais les représentants des professionnels de santé ne seront pas forcément leurs représentants élus.

M. Pierre-Louis Fagniez - Ils pourront l'être.

M. Michel Vergnier - Mon sous-amendement 414 vise à compléter la composition de la conférence régionale pour la rapprocher de celle des comités régionaux de santé créés par la loi sur les droits des malades. Il vise en outre à prévoir la représentation des comités régionaux d'éducation pour la santé.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il ne faut pas aller trop loin dans le détail.

Le sous-amendement 414, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Je veux défendre un sous-amendement 549 pour ajouter à la liste des représentants du conseil régional de l'ordre des médecins. Cette précision est nécessaire compte tenu de la dimension éthique du conseil de l'ordre.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Maxime Gremetz - Dans ce cas, je dépose un sous-amendement pour ajouter, en toutes lettres, les représentants élus des personnels de santé.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. René Couanau - Vous avez déjà satisfaction, puisque les représentants syndicaux siègent au conseil d'administration des institutions de santé publiques et privées.

M. Maxime Gremetz - Je demande un scrutin public sur le sous-amendement 550.

Mme la Présidente - Il est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée.

Mme Martine Billard - Ou bien on a recours à des personnalités qualifiées du monde de la santé, ou bien on donne la liste de tous ceux qui doivent siéger à la conférence régionale.

On a pris l'habitude de se limiter aux médecins. Il faut associer l'ensemble des acteurs. Je ne comprends pas le sens de ce sous-amendement 549 qui surgit tout à coup.

Soit on en reste à une formulation générale, soit on énumère tous les acteurs de santé.

A la majorité de 32 voix contre 10 sur 42 votants et 42 suffrages exprimés, le sous-amendement 550 n'est pas adopté.

Mme la Présidente - Nous en venons au vote du sous-amendement du rapporteur concernant la représentation de l'Ordre des médecins.

M. Maxime Gremetz - Je demande également un scrutin public sur ce sous-amendement. Qu'on ne dise pas que l'Ordre des médecins a le monopole de l'éthique !

A la majorité de 35 voix contre 4 sur 39 votants et 39 suffrages exprimés, le sous-amendement 549 est adopté.

M. Michel Vergnier - Le sous-amendement 413 précise que le président de la conférence régionale est nommé par ses membres, en son sein.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - Même avis.

Le sous-amendement 413, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Je demande un scrutin public sur le vote de l'amendement 24.

Par 39 voix sur 44 votants et 39 suffrages exprimés, l'amendement 24 modifié est adopté.

M. Maxime Gremetz - Compte tenu du tour pris par nos débats, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 45, est reprise à 17 heures 50, sous la présidence de M. Raoult.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

M. Jean-Luc Préel - Mon amendement 477 tend, pour assurer la cohérence d'ensemble des politiques concourant à la santé, à compléter le III par la phrase suivante : « Les schémas d'organisation spécifiques, en particulier le schéma d'organisation sanitaire, le schéma d'éducation pour la santé, le schéma de santé mentale, etc., sont notamment pris en compte dans les objectifs du plan régional de santé publique. ».

M. le Rapporteur - Rejet, pour les raisons que j'ai déjà exprimées.

L'amendement 477, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Jean-Marie Le Guen - Notre amendement 291, cohérent avec les précédents, tend à supprimer cet article.

L'amendement 291, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 542 rectifié est de coordination.

L'amendement 542 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - L'amendement 386 est de cohérence.

L'amendement 386, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Jean-Luc Préel - Cet article conduit à s'interroger sur le rôle qui sera reconnu aux associations dans la prévention et l'éducation à la santé. Comment réussir en ce domaine sans s'appuyer sur les hommes et les femmes qui en font partie ? Les associations sont regroupées au niveau départemental dans les CODES, lesquelles sont elles-mêmes fédérées au niveau régional dans les CRES ; l'interlocuteur du ministère devrait être non pas l'INPS - qui peut en revanche avoir une fonction de communication - mais la fédération nationale des CODES et des CRES. Instituer des délégués régionaux de l'INPS serait compliquer le système et décourager les personnes qui agissent aujourd'hui sur le terrain.

M. Jean-Marie Le Guen - Je m'associe à cette intervention.

M. Jean-Luc Préel - N'en faites pas trop !

M. Jean-Marie Le Guen - Au vu des succès que vous avez depuis le début de cette discussion, je pense que mon renfort ne peut que vous être utile !

Cet article fait disparaître la notion de mission de service public et j'aimerais savoir pourquoi. Par ailleurs, l'Etat ne peut pas tout faire. En matière de contraception, par exemple, pense-t-on sincèrement qu'il doive avoir un discours normatif ? Ne faut-il pas faire droit aux approches diverses des associations ? En allant à l'encontre de l'évident pluralisme de l'éducation à la santé, on va vers d'inévitables conflits.

Mme Martine Billard - Je suis moi aussi surprise par la suppression de la notion de mission de service public. Contrairement à l'argument avancé, y faire référence n'implique pas de créer une nouvelle structure publique ; et c'est dans le cadre d'une telle mission qu'on peut mettre en _uvre des programmes dépassant la seule information pour réaliser une véritable prévention. Dans la lutte contre le tabac par exemple, il est indispensable de poursuivre les actions qui sont menées dans les collèges pour convaincre les jeunes de ne pas fumer.

M. le Ministre - Je rappelle que l'INPES a été créé par la loi du 4 mars 2002, et que chacun s'est réjoui de cette création. Pourquoi, Monsieur Le Guen, me reprocher de m'appuyer sur cette instance, d'autant que nous ne touchons ni aux CRES, ni aux CODES ? Sur le fond, nous n'envisageons pas l'INPES comme un service public autonome, mais comme l'une des composantes du service public de l'Etat, auquel il participe. Ses missions perdureront, comme l'ont montré trois campagnes de sensibilisation réalisées à son initiative, et qui ont fait grand bruit. Personne ne peut donc dire que nous serions « normatifs ». Il n'empêche que sur ces campagnes nationales peuvent se greffer des campagnes régionales ; là interviendra le GRSP, auquel l'INPES sera associé, afin de garantir la parfaite coordination des actions. Ce schéma n'a rien de compliqué, bien au contraire.

M. Jean-Marie Le Guen - Je suis prêt à retirer mon amendement si vous modifiez votre texte pour écrire que « l'INPES participe à la mission de service public » comme vous venez de nous le dire.

A propos de l'INPES, toujours, je ne vous fais aucun procès d'intention, mais je maintiens que le risque normatif demeure.

Mme Claude Greff - L'importance de l'éducation à la santé n'est pas suffisamment reconnue. C'est pourtant une mission essentielle de service public, qui doit être envisagée comme telle, ainsi que le précise l'amendement 240.

Il n'en est pas moins vrai que, comme l'a rappelé le ministre, l'INPES est une composante du service public.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement car l'éducation à la santé participe de la définition de la santé publique.

M. le Ministre - Ce projet a vocation à rassembler. Je vous propose, à cette fin, de compléter le deuxième alinéa du II-3° en ajoutant, in fine, les mots : « et concourt à la politique de santé publique ».

Plusieurs députés UMP - Très bien !

M. le Président - L'amendement 240 est-il maintenu ?

Mme Claude Greff - Je le retire au vu de la proposition du ministre.

L'amendement 240 est retiré.

M. Jean-Luc Préel - C'est la fédération nationale des CODES et des CRES qui devrait être l'interlocuteur, au plan national, du ministre. Tel est le sens de l'amendement 506. Si l'on procède autrement, des conflits sont prévisibles et, au lieu de simplifier, on aura compliqué.

L'amendement 506, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 415 est retiré au bénéfice de l'amendement 533.

M. le Rapporteur - L'amendement 533 rétablit les missions et la composition initiales de l'INPES. Cosigné par M. Le Guen, il traduit l'esprit consensuel qui a prévalu en commission.

L'amendement 533, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - La proposition de rectification du ministre est redondante avec le libellé de l'article, elle ne règle rien sur le fond. Il faut dire nettement que l'éducation pour la santé doit être considérée comme une mission de service public. C'est ce à quoi tend l'amendement 273.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - L'amendement est satisfait par ma proposition de rectification.

Mme Martine Billard - Je le maintiens néanmoins.

L'amendement 273, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Claude Greff - L'amendement 241 étant satisfait par la proposition de rectification du ministre, je le retire.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 480 recommande, comme le fait l'IGAS dans son rapport 2003, d'éviter les doublons avec les CRES et les CODES. Pour cela, l'INPES devrait s'appuyer sur le réseau des comités d'éducation pour la santé.

L'amendement 480, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Il faut persévérer... Je ne comprends pas qu'on oppose un avis défavorable à un amendement qui se borne à expliquer que l'INPES s'appuie sur le réseau des CODES et des CRES...

L'amendement 435 vise à supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article qui place l'institut sous la tutelle du ministre de la santé. Autant en faire un service du ministère !

M. le Rapporteur - Quand les Girondins redeviennent Jacobins... Rejet.

L'amendement 435, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - J'ai déjà défendu l'amendement 554.

L'amendement 554, approuvé par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Préel - Cosigné par l'ensemble du groupe UDF, l'amendement 478 rectifié vise à reconnaître le rôle majeur des associations de terrain. Je pense aux CODES et aux CRES, qui ne sont pas mentionnés dans la loi. Nous redoutons en effet que l'INPES ne les démobilise.

Je puis vous dire, pour les avoir rencontrés, qu'ils sont très inquiets. Je ne comprendrais donc pas que vous persistiez à refuser de les inscrire dans la loi.

L'amendement 478 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 27, 2ème rectification, est le fruit du travail de la commission tout entière. Les membres du groupe socialiste souhaitent cependant y introduire la notion de service public : tel est l'objet des sous-amendements 373 de Mme Andrieux-Bacquet et 470 de M. Vergnier.

M. le Rapporteur - L'amendement rétablit la mission et la composition initiales de l'INPES. Il substitue notamment le verbe « assurer » au verbe « promouvoir » - qui amoindrissait la mission de l'institut. Avis défavorable, en revanche, aux deux sous-amendements.

M. le Ministre - Même position.

Les sous-amendements 373 et 470, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 27, 2ème rectification, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 543 est rédactionnel.

L'amendement 543, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

Mme Martine Billard - L'amendement 274 tend à renforcer les moyens de l'agence française de sécurité sanitaire environnementale. Vous vous y êtes, il est vrai, engagé la semaine dernière, Monsieur le ministre. Mais nous proposons d'aller vers l'intégration de l'INERIS à l'agence.

Je regrette que notre amendement tendant à créer une agence française de la sécurité au travail ait été déclaré irrecevable. La sécurité au travail est la grande absente de ce projet de loi.

On pourrait pourtant éviter bien des arrêts de travail dus au stress en aménageant les postes de travail. Pourquoi nous opposer que cela relève du code du travail ?

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Je soutiens cet amendement. Alors que 22 millions de travailleurs produisent des richesses dans notre pays, il est tout de même incroyable que le projet de loi comporte à peine une phrase sur la santé au travail !

Le groupe communiste et républicain avait présenté plusieurs amendements qui ont tous été rejetés, même quand ils ne coûtaient pas un euro ! Nous avions par exemple proposé de créer un délégué santé dans le cadre du CHSCT. Faut-il vous rappeler que des dizaines de milliers d'entreprises n'ont pas de comité d'entreprise ?

La sécurité environnementale, c'est aussi la sécurité au travail et en-dehors du travail. Je ne vois décidément pas ce qui vous gêne dans le texte de cet amendement, sur le vote duquel vous comprendrez que je demande un scrutin public.

M. Jean-Marie Le Guen - Je soutiens moi aussi cet amendement car on ne peut s'en tenir à une approche par trop traditionnelle de la prévention. Il faut agir pour améliorer la santé au travail, développer l'éducation à la santé et influer sur les médias en vue de diffuser un véritable message éducatif.

Au reste, le Medef ayant considéré que la santé relevait de la responsabilité de l'Etat, les chefs d'entreprise seraient mal placés pour dénoncer les interventions de la puissance politique pour améliorer la santé au travail.

A ce titre, nous proposerons notamment la création d'une agence nationale de la santé au travail. Il y a en effet tout lieu de considérer que le facteur travail intervient beaucoup dans la surmortalité de certaines catégories de la population ou dans la mortalité précoce des habitants de certaines régions.

Parallèlement, la croissance non maîtrisée des indemnités journalières donne à penser que les conditions de travail ne cessent de se dégrader dans ce pays. C'est pourquoi nous soutenons sans réserve l'amendement de Mme Billard.

M. le Ministre - Le texte n'est pas silencieux sur la santé au travail puisque l'article 20 en traite expressément. En outre, le Gouvernement défendra un amendement à cet article pour que les statistiques relatives à la surveillance épidémiologique soient centralisées au niveau de l'institut...

M. Jean-Marie Le Guen - Dont acte.

M. le Ministre - Je rappelle aussi - et ce n'est pas une critique - que le gouvernement précédent a, au terme d'une longue réflexion, refusé de construire l'AFSSE sur l'INERIS et l'INPES. La loi de 1998 portant création de l'AFSSE prévoyait une évaluation de l'ensemble du dispositif en 2004. Laissons les évaluations aller à leur terme avant de trancher, même si - est-il besoin de le préciser ? -, je partage le souci d'intégrer la santé au travail dans les grands objectifs de santé publique.

M. Jean-Marie Le Guen - Les éléments du texte relatifs à la surveillance épidémiologique en milieu professionnel sont en effet très positifs et je vous en donne acte.

Quant à l'AFSSE, comment évaluer valablement une structure embryonnaire que l'on s'est employé à priver de moyens d'existence ? En a-t-on entendu parler cet été alors qu'elle aurait dû être en première ligne ?

Très attaché au paritarisme, le gouvernement précédent était resté prudent car il gardait l'espoir que le Medef reviendrait sur sa décision. S'il persiste dans sa position selon laquelle la santé relève exclusivement de la responsabilité de l'Etat, il n'est que temps que ce dernier se préoccupe de la santé au travail, à l'intérieur même des entreprises.

A la majorité de 33 voix contre 7 sur 40 votants et 40 suffrages exprimés, l'amendement 274 n'est pas adopté.

L'amendement 242 est retiré.

ART. 5

M. Jean-Luc Préel - En créant dans chaque région un groupement régional de santé publique extrêmement compliqué, cet article renforce l'étatisation de notre système de santé à laquelle l'UDF n'est pas vraiment favorable. Les nouveaux GRSP tendent en effet à se substituer aux observatoires régionaux de santé, lesquels jouent dans nombre de régions un rôle important. Sous statut associatif, les observatoires souffrent parfois d'un manque de moyens. Nous aurions trouvé plus judicieux de les renforcer plutôt que de créer un groupement régional étatisé ! Au plan fonctionnel, il est en outre peu pertinent de confier la présidence du conseil d'administration du groupement au DRASS, alors que le directeur de l'ARH, nommé en conseil des ministres, en sera membre !

M. Maxime Gremetz - La création des GRSP tend à renforcer la cohérence - et partant l'efficacité - de l'action publique en matière de santé, aujourd'hui trop dispersée. Le groupement aura en outre vocation à conduire des programmes spécifiques à sa circonscription ou à raisonner, le cas échéant, à l'échelle d'une inter-région. Au regard de ces objectifs, les modalités que nous propose le Gouvernement nous laissent songeurs. En quoi l'institution d'un tel groupement serait-elle de nature à réduire la complexité qui entrave l'efficacité de l'action sanitaire régionale ?

Pourquoi ajouter à l'existant alors que les observatoires régionaux de santé remplissent des missions analogues ? Quant à la mise en _uvre au plan local de la politique nationale de santé publique, les DRASS et les DDASS n'en sont-ils pas déjà chargés ? N'y a-t-il pas aussi des associations et des professionnels qui se préoccupent de la politique régionale de santé publique ? Je vous le concède, la faiblesse de leurs moyens a limité leurs ambitions. Alors que la santé publique, à ce niveau, ne représente que 420 postes, dont 100 ne sont pas pourvus, vous créez une instance supplémentaire, compliquant encore le système.

Non, votre argumentaire n'est pas crédible. La mise en place des groupements va rendre le paysage régional plus complexe, sans rendre l'action publique plus efficace.

Mais la composition du groupement est révélatrice de vos ambitions cachées. On y trouve l'Etat, l'INPES, l'ARH, la région et les autres collectivités territoriales engagées dans une action de prévention. Autrement dit, le groupement réunit essentiellement les financeurs. De même qu'on a concentré les décisions financières relatives à l'hôpital au sein de l'ARH, avec les risques d'arbitraire que nous connaissons, vous voulez concentrer le pouvoir financier au sein du groupement. Ainsi, la santé publique régionale sera entre les mains des seuls financeurs.

Ce ne sera plus la conférence régionale qui déterminera la politique à mener. Nous avons donc de sérieux doutes sur la restauration des conférences régionales.

Le risque est grand que les objectifs de santé soient cadrés de trop près pour des raisons comptables. L'objectif premier sera bientôt le maintien des équilibres comptables.

Enfin, la forme juridique du groupement d'intérêt public n'est pas la bonne.

M. le Président - Il faut terminer, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz - Je m'arrête là. Je respecte le Règlement. Mais vous vous en souviendrez, n'est-ce pas ? (Sourires).

M. Claude Evin - Faire en sorte que la politique de santé s'élabore et soit mise en _uvre au niveau régional était une orientation de la loi du 4 mars 2002. Je ne peux donc qu'approuver votre souci, même si je conteste vos choix d'organisation. Vous prévoyez d'instituer un groupement d'intérêt public ayant pour vocation exclusive de définir et de mettre en _uvre la politique de santé publique, de manière distincte de ce qui existe déjà.

Or, les ordonnances de 1996 prises sans doute de manière précipitée mais s'inspirant d'orientations plus anciennes, ont créé les ARH, c'est-à-dire des administrations chargées de mettre en place l'offre de soins dans le domaine hospitalier, public et privé.

Plusieurs interlocuteurs souhaitent la création d'agences régionales de la santé, qui organiseraient l'offre de soins dans son ensemble. Cela nécessiterait de partir de l'existant, autrement dit des ARH. Or, vous créez une structure nouvelle qui va coexister - du moins, je l'espère - avec les ARH, elles-mêmes établissements publics. Votre groupement va fédérer au niveau régional plusieurs institutions qui devront apprendre à travailler ensemble : c'est le problème évoqué par M. Préel.

Certes, en 1996, quand on a créé les ARH, on n'a pas touché aux DRASS, mais il est regrettable qu'on n'ait pas prévu d'articulation entre ces deux administrations. Vous renforcez le cloisonnement, ce qui nous éloigne de la création d'agences régionales de santé.

En commission, Monsieur le ministre, vous nous avez dit que le groupement serait la « première pierre » de l'édifice à venir. Mon expérience m'incite à en douter fortement. Nous aurions pris intérêt à votre démarche de régionalisation si cet article n'annonçait pas un recul que nous regrettons.

M. Jean-Marie Le Guen - Le texte initial, en mélangeant des fonctions d'ordinaire séparées, se caractérisait par la confusion des genres et une volonté de centralisation.

J'ai pris bonne note des travaux de la commission. Les opérateurs sortent du groupement, qui ne réunit plus que les financeurs.

J'ai déposé un sous-amendement visant à faire de ce groupement une structure expérimentale. En effet, s'il doit être un embryon de l'agence régionale de santé, il sera ce qu'en embryologie on appelle un « résidu archaïque ». Le temps que la loi entre en vigueur, on aura avancé sur la nouvelle architecture de l'assurance maladie et il ne sera plus opportun de créer ces groupements.

En outre, la manière dont vous les dotez de moyens financiers constitue une provocation pour les gestionnaires de l'assurance maladie.

Il serait donc logique de renoncer, ou bien d'accepter mon sous-amendement. Evitons de nous précipiter et ne demandons pas à nos fonctionnaires de construire des structures qui ne verront jamais le jour.

M. le Ministre - Je suis étonné par les propos de M. Le Guen. Par égard pour Claude Evin, qui n'était pas présent lorsque j'ai présenté ce texte, je m'apprêtais à reprendre mon explication générale. Mais vous, Monsieur Le Guen, vous l'avez entendue. La redondance ayant une vertu pédagogique, je vais donc me répéter.

Je ne suis pas sûr que, parlant des agences régionales de santé, nous leur donnions tous le même périmètre.

M. Claude Evin - Moi non plus !

M. le Ministre - Pour certains, elles regrouperont l'hôpital et la médecine ambulatoire. Pour d'autres, elles s'occuperont aussi de santé publique, ce qui pose le problème de la sécurité sanitaire, qui ne peut échapper à l'Etat. Tout aussi délicat est le distinguo entre le soin et la santé publique. Nous souhaitons aller vers une ARS. Mais la première étape ne concerne que les soins.

M. Jean-Marie Le Guen - Et l'action médico-sociale ?

M. le Ministre - Nous en discuterons ultérieurement, après l'été 2004, après la concertation sur la réforme de l'assurance maladie, qui doit s'achever le 14 juillet (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui on crée les GRSP qu'on dessine par avance les contours d'une ARS qui ne comprendrait pas les hôpitaux : cela n'a pas de sens.

Notre démarche, c'est de rassembler les soins ambulatoires et les hôpitaux dans l'ARS et de placer la santé publique et la sécurité sanitaire sous la responsabilité des GRSP. Ceux-ci ne sont pas chargés de définir la politique de santé publique - cela ressort de la compétence de l'Etat - mais de la décliner, en coordonnant l'ensemble des acteurs qui, aujourd'hui, travaillent chacun de leur côté et sans rendre de comptes à personne.

Le GRSP, c'est donc l'addition des forces et des moyens de structures, qui aujourd'hui fonctionnent de façon anarchique, même si leur travail peut être de grande qualité.

Vous avez cité le cas des ORS. J'ai appartenu dix ans à l'ORS de la région PACA : il fonctionne très bien, mais de façon autonome. Nous voulons un chef d'orchestre qui fédère tous ces acteurs, et ce doit être l'Etat. Le GIP est la formule la plus souple et la plus légère pour effectuer cette tâche de coordination.

Si on ne crée pas de GRSP, que fait-on ? Veut-on que chacun continue à travailler de façon indépendante, reçoive des commandes et des financements sans avoir d'objectifs clairement définis ni de comptes à rendre à personne ? Ou veut-on tout enfermer dans un cadre étatique contraignant ? Ce n'est pas notre choix. Nous ne voulons écarter personne, mais au contraire faire collaborer tous les organismes existants, y compris, Monsieur Préel, les associations, les CODES, les CRES etc. Je salue d'ailleurs le travail de la commission, qui a clarifié les choses en séparant bien les financeurs des opérateurs.

Les ARH et les GRSP sont des structures bien identifiées. A terme il faudra voir comment réunir les soins ambulatoires et les hôpitaux, et ensuite seulement examiner s'il y a lieu de fondre les structures de soins et celles de santé publique : pour ma part, je ne suis pas sûr que ce soit la bonne formule.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 175 vise à supprimer l'article 5. Celui-ci crée une structure nouvelle, le GRSP, réunissant dans son conseil d'administration, les grands argentiers de la politique de santé publique. Il est censé remplir des missions qui, à notre sens, sont correctement effectuées par les institutions existantes, même si leurs moyens sont souvent insuffisants.

Va-t-on résoudre le problème de la complexité actuelle du système en introduisant un degré supplémentaire dans les circuits de décision ? Loin de répondre aux besoins sanitaires de la population, ce GRSP est l'instrument d'une politique de rationalisation comptable des actions de santé publique et s'inscrit parfaitement dans votre objectif de « refonder la santé » autour d'un pôle financier.

Si la surmortalité constatée cet été démontre la nécessité d'une politique nationale de santé publique, en déléguer la responsabilité aux seuls financeurs des programmes régionaux ne nous paraît pas la bonne voie : cela aboutira à faire tomber le couperet comptable sur les actions de prévention, au mépris de la volonté des citoyens.

Nous ne pouvons accepter cette séparation radicale entre ceux qui définissent la politique de santé publique et ceux qui organisent le financement. Cela laisse augurer une régionalisation de la politique de santé publique, avec le risque de distorsions importantes entre les régions selon leurs moyens. Sachant que les financements proviendront pour moitié de l'Etat et pour moitié de l'assurance maladie, quelle comparaison peut-on faire entre l'Ile-de-France et le Limousin par exemple ?

Mais sans doute pensez-vous combler les lacunes par l'appel aux financeurs privés ? La formule choisie, celle du GIP, laisse en effet une large place aux acteurs privés.

Nous ne pouvons accepter cet article.

M. Jean-Marie Le Guen - Notre amendement de suppression 417 a été défendu.

Les amendements 175 et 417, repoussés par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Le GRSP est le point fort de la nouvelle organisation de la santé publique.

Notre amendement 396 rectifié en modifie les missions.

Je fais remarquer à M. Gremetz que l'INPES met en _uvre les politiques de santé publique et subventionne les actions ; comme on ne peut pas être à la fois financeur et « accréditeur », le pouvoir d'accréditation de l'INPES a été supprimé à l'article 4.

Le présent amendement précise ensuite les ressources du groupement : subvention de l'Etat et dotation de l'assurance maladie.

Enfin, il fait référence aux personnes les plus démunies et les plus vulnérables, conformément au v_u émis par M. Jacquat à la suite de la mission sur la crise sanitaire de cet été.

L'organisation régionale comporterait ainsi une structure de concertation, la conférence régionale de santé, et ce groupement régional de santé publique, signant des conventions avec tous les opérateurs.

La commission a repoussé le sous-amendement de M. Le Guen - mais pas ceux du Gouvernement, bien entendu.

M. Jean-Marie Le Guen - Notre sous-amendement 418 rectifié vise à ne pas figer la forme juridique du groupement régional, qui devrait pouvoir se constituer autrement qu'en groupement d'intérêt public : il serait bon de procéder à des expérimentations.

M. le Ministre - Le Gouvernement est très favorable à l'amendement de la commission, qui a clarifié les rôles des financeurs et des opérateurs. Comme elle, il est défavorable au sous-amendement de M. Le Guen mais il en présente trois autres. Le sous-amendement 551 précise que le conseil d'administration du groupement régional est présidé par le représentant de l'Etat dans la région ; le sous-amendement 552, que le directeur du groupement est désigné par le représentant de l'Etat dans la région et que le groupement peut, pour remplir les missions qui lui sont dévolues, employer des contractuels de droit privé ; le sous-amendement 553, que les modalités de fixation et de versement de la dotation de l'assurance maladie sont précisées par voie réglementaire.

M. Jean-Marie Le Guen - L'Etat impécunieux et qui prétend tout faire décide qu'il pourra se doter de l'argent de l'assurance maladie... Cela présuppose que l'assurance maladie accepte à l'avenir, parce qu'on l'aura dépouillée de ses fonctions de gestionnaire du risque, de n'être qu'un financeur permettant à l'Etat de mener sa politique comme il l'entend.

Il n'est pas étonnant que la CNAM, les mutuelles, les organisations syndicales, bref tous ceux qui sont attachés à l'idée d'assurance sociale se soient prononcés contre ce texte car nous sommes dans une logique d'étatisation de la sécurité sociale.

M. Jean-Luc Préel - La commission a un peu amélioré cet article auquel, c'est le moins qu'on puisse dire, je n'étais pas très favorable. Je vous avais demandé, dans mon intervention générale, Monsieur le ministre, dans quel délai cette loi serait appliquée, étant entendu que, l'urgence n'ayant pas été déclarée, plusieurs navettes seront nécessaires. Elle risque d'être en contradiction avec la réflexion sur la nouvelle gouvernance qui doit avoir lieu pendant l'année. Nous l'avons dit, nous souhaitons que l'ARS soit l'interlocuteur unique en matière de santé dans chaque région.

L'Etat aura 50 % des voix dans le conseil d'administration du groupement. Quels seront les pouvoirs des autres membres ? Dans le rapport que j'avais présenté l'année dernière, j'avais évoqué les relations complexes entre les ARH, les DRASS, les DDASS, les préfets et le ministère ; je ne suis pas sûr que ce texte les simplifie...

M. le Président - Je suis saisi de demandes de scrutin public par le groupe des députés communistes et républicains sur l'amendement 396 rectifié ; et par le groupe socialiste sur le sous-amendement 553.

M. Maxime Gremetz - On commence à y voir clair, et même très clair.

En 1995, la grande innovation était les ARH. Nous avions dit à l'époque que c'était un renforcement du pouvoir de l'Etat dans la région. Aujourd'hui, c'est pire : Jean-Marie Le Guen a raison de parler d'étatisation. Les sous-amendements du Gouvernement cadenassent tout.

Le sous-amendement 418 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les sous-amendements 551 et 552, successivement mis aux voix, sont adoptés.

A la majorité de 48 voix contre 8 sur 58 votants et 56 suffrages exprimés, le sous-amendement 553 est adopté.

A la majorité de 51 voix contre 10 sur 61 votants et 61 suffrages exprimés, l'amendement 396 rectifié, ainsi sous-amendé, est adopté et l'article 5 est ainsi rédigé.

M. le Président - Les autres amendements tombent.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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