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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 7ème jour de séance, 18ème séance

3ème SÉANCE DU MERCREDI 15 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 18

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 16 OCTOBRE 2003 28

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2004 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004.

M. le Président - Dans la discussion générale et avec l'aimable autorisation de M. de Courson, la parole est à M. Georges Tron.

M. Georges Tron - M. de Courson a en effet accepté d'intervertir notre ordre de passage et je le remercie de sa gentillesse à mon égard. Elle ne me surprend ni de lui, ni du groupe auquel il appartient (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Je suis heureux d'avoir l'occasion de dire quelques mots sur un sujet qui me tient beaucoup à c_ur : le poids des dépenses de la fonction publique, problème de fond sur lequel il faut porter un regard d'autant plus lucide que l'heure est à la réforme de l'Etat (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Il ne s'agit en aucun cas de faire, comme certains, y compris parmi mes amis politiques, le procès de la fonction publique, mais plutôt de démontrer que la réforme de l'Etat passe par une réflexion qui peut aboutir au rétablissement de nos comptes publics tout en améliorant sensiblement la situation des fonctionnaires.

La masse des dépenses liées à la fonction publique est de plus en plus importante dans le budget de l'Etat. De 40 % en 1991 et 42,5 % en 1999, elle est passée à 44 % aujourd'hui, soit 8 % du PIB. Ces dépenses ont absorbé plus de la moitié de la progression du budget de l'Etat dans les dix dernières années et la totalité sur l'exercice 1998-2000, alors que la croissance engendrait des recettes fiscales importantes ! Il ne s'agit pas, loin de là, de la seule augmentation de la masse salariale : les pensions ont augmenté de 20 % entre 1998 et 2002. Je précise par ailleurs que l'indexation sur le coût de la vie que nous avons décidée cet été va coûter 500 millions supplémentaires, alors que certains ont voulu faire croire qu'elle visait à faire des économies.

Le poids de la fonction publique dans le budget de l'Etat - et donc dans le déficit - est donc très important. Dès lors, toute politique de réforme de l'Etat doit s'affranchir de la vision purement quantitative qui prédomine toujours, sortir de cette culture qui nous est propre et qui fait juger l'action des ministres au nombre de fonctionnaires qu'ils ont sous leurs ordres. Je sais vos efforts en ce sens, Monsieur le ministre, et je félicite ce gouvernement d'être le premier depuis trente ans à présenter deux budgets successifs en diminution nette d'emplois budgétaires, même si 700 emplois en 2002 et 4 500 en 2004 ne sont que peu de choses par rapport aux 2 250 000 emplois du budget.

Il est facile de démontrer qu'il n'y a aucune corrélation entre le nombre de postes budgétaires et l'action ministérielle. Ainsi, le ministre de l'Intérieur obtient des résultats probants alors que les affectations de personnel programmées ne sont pas encore faites. Il en est de même pour les excellents résultats de M. de Robien en matière de sécurité routière (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). A Bercy, Monsieur le ministre, le non-renouvellement de 2 000 départs a été rendu possible par la réorganisation des structures du ministère, qui se déroule dans un excellent climat de discussion avec les syndicats. Enfin, M. Delevoye a supprimé 1 200 emplois budgétaires uniquement en réorganisant le système des prestations familiales.

Puisque nous en sommes tous convaincus - je peux l'affirmer, en l'absence de représentants de l'opposition - il faut avoir le courage de chercher à économiser des lignes budgétaires ministère par ministère, sans que cela puisse porter atteinte ni aux fonctionnaires, ni à l'action publique. Ainsi par exemple, si le nombre d'enseignants par élèves dans l'éducation nationale avait été le même en 2002 qu'en 1997, il y en aurait eu 40 000 de moins !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Et l'enseignement ne s'est pas amélioré pour autant !

M. Georges Tron - Au cours des trente dernières années, l'effectif moyen des classes a diminué. Rien que pour le primaire, cela représente 16 000 postes. Or, toutes les études concluent à l'absence d'effets significatifs et mesurables de la politique de réduction de la taille des classes ! Je vous renvoie sur ce sujet à l'avis du Haut conseil de l'évaluation de l'école, rendu en mars 2001. Autre exemple : le budget 2003 compte 723 600 enseignants titulaires, contre 183 480 autres agents : ouvriers, techniciens, personnel administratif et de direction. Certes, leur travail est remarquable. Mais, si l'on ramenait la proportion de un pour quatre à un pour cinq, ce qui, à la réflexion, ne porterait pas atteinte au service de l'éducation nationale, on économiserait 40 000 emplois ! Enfin, la Cour des comptes a dénoncé le coût de la gestion des remplaçants : environ 8,5 % des enseignants sont affectés au seul remplacement. Si l'on ramenait ce taux à celui qui a cours dans le reste de l'économie, soit environ 5 %, on gagnerait à nouveau 25 000 emplois.

La marge de man_uvre s'élèverait donc à 60 ou 70 000 emplois. La réflexion mérite au moins d'être ouverte ! Si cette sorte de terrorisme intellectuel qui nous empêche de dire tout haut ce que nous pensons tout bas perdure et que nous n'explorons pas ces possibilités, il n'y aura pas de réforme de l'Etat.

M. Daniel Paul - A la hache ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Georges Tron - Gagner 80 000 emplois, ce n'est pas manier la hache, c'est, à partir d'une analyse courageuse appliquer et expliquer une réforme qui permettrait aussi d'attirer plus de jeunes diplômés vers la fonction publique et d'éviter ainsi que l'on puisse être reçu à certains CAPES avec six sur vingt... Cela permettrait également d'offrir aux fonctionnaires une gestion des ressources humaines fondée - je crains de faire frémir M. Paul... - sur une rémunération en fonction des performances et sur la mobilité. On améliorerait ainsi nos finances publiques tout en redonnant courage aux fonctionnaires : c'est, simplement, une bonne idée, pas un coup de hache ! Mais je comprends que le courage et l'intelligence inquiètent certains de nos collègues... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe UDF)

M. Charles de Courson - La situation économique de la France est grave et l'état de ses finances publiques plus grave encore. L'année 2003 restera, comme 1993, une annus horribilis, avec une croissance au mieux de 0,2 %, peut-être même nulle et un taux de chômage proche des 10 % en fin d'année. Dans le même temps, l'Etat s'endette pour financer non seulement la totalité de ses 28,6 milliards d'investissements civils et militaires mais aussi pour régler 70 % des 39 milliards d'intérêts de sa dette. La sécurité sociale connaît un déficit - presque exclusivement de fonctionnement - de 11 milliards. Seules les finances des collectivités territoriales paraissent équilibrées, grâce à des hausses sensibles de la fiscalité locale, atténuées par une prise en charge croissante de cette fiscalité par la fiscalité nationale.

Globalement, l'endettement public atteint 1 000 milliards, soit 16 000 euros par habitants ; entre 1991 et 2002, cette dette s'est accrue de 7 585 €, soit la hausse la plus forte des onze pays de l'Europe. L'Allemagne est à plus de 6 852 €, la Finlande à plus 5 963, l'Autriche à plus 5 743 ; tandis que la dette a diminué de 6 227 € en Irlande et de 1 972 € en Grèce.

Le groupe UDF a pleinement conscience des difficultés inhérentes à une telle situation de l'économie et des finances publiques et des efforts déployés par le Gouvernement pour tenter de remonter la pente.

Cependant, ce budget doit être évalué à l'aune de trois questions : respecte-t-il les règles européennes et les principes de saine gestion ? Les mesures fiscales ainsi que les économies proposées sont-elles justes socialement et efficaces économiquement ? Traduit-il l'engagement des réformes nécessaires à l'avenir de notre pays ?

A l'évidence, la maîtrise des dépenses publiques est insuffisante. Quelle sera, en effet, la croissance des dépenses de l'Etat, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales en 2004 ?

Pour l'Etat, la croissance des dépenses nettes du budget général, à structure constante 2004, majorée des prélèvements, des dégrèvements pour le compte de tiers et de la rebudgétisation du FOREC atteint 2,2 %.

Si le Gouvernement annonce une hausse de 1,5 %, c'est parce que la charte de budgétisation exclut les prélèvements et les dégrèvements pour compte de tiers et parce que la comparaison s'effectue à structure constante 2003 et non 2004.

Pour le PLFSS, la hausse des dépenses est de 4 %. Les prévisions sont sérieuses sauf en matière d'assurance maladie pour laquelle, comme en 2003, un dérapage de 1,5 à 2 milliards est quasiment certain. La hausse totale sera donc de 4,6 %.

Pour les collectivités territoriales, le Gouvernement sous-estime aussi la tendance à la hausse liée à des transferts que l'on doit à l'ancien gouvernement et qui portent sur l'APA, les 35 heures, les SDIS. Le transfert, au 1er janvier 2004, du RMI aux conseils généraux ira dans le même sens. Une hausse des dépenses locales de 4,5 % à 5 % parait donc vraisemblable.

Au total, les dépenses publiques s'accroîtront... de 3,5 à 3,6 % ce qui est supérieur à la croissance de la richesse nationale - 3,2 %.

Le déficit 2004 est excessif et le retour, en 2005, en dessous de 3 % du PIB suppose des économies drastiques voire des hausses des prélèvements obligatoires. Rappelons que le taux de 3 % n'est pas un objectif : le bon taux c'est en moyenne, sur un cycle économique, 0 %. Dépasser les 3 % en bas de cycle, c'est donc rendre impossible un excédent en haut de cycle. Et, si l'on veut empêcher la hausse de la dette en pourcentage de la richesse nationale, il faut être en dessous de 2 % si la croissance est de 3,2 % comme prévu en 2004.

M. François Sauvadet - C'est vrai !

M. Charles de Courson - Pour la troisième année consécutive notre déficit public ne respectera pas le principal critère de Maastricht puisque le déficit public sera avec 3,6 %, largement supérieur à 3 % de la richesse nationale. Le respect de ces engagements conditionne pourtant le poids de la France dans l'Europe. Nous ne pouvons réfuter des règles que nous avons fait adopter et que la France avait exigées de ses partenaires. Le Président de notre assemblée l'a encore rappelé récemment, nous ne pouvons nous affranchir de règles adoptées par le peuple dans le cadre d'un traité. Or, les critères de Maastricht ont été approuvés par le peuple...

M. Michel Bouvard - De justesse...

M. Charles de Courson - ...nous devons tout mettre en oeuvre pour nous y tenir.

Ce déficit public supérieur à 3 % est d'autant plus inquiétant qu'il semble s'inscrire dans la durée : 2004 sera la troisième année consécutive. De plus, l'objectif de 3,6 % est probablement sous estimé et la France pourrait finir 2004 avec un déficit proche de 4 %, ce qui rendrait pratiquement impossible de repasser sous la barre des 3 % en 2005, à moins de recourir à une hausse des prélèvements obligatoires...

Il sera en effet difficile de tenir les 3,6 % de déficit public en 2004. En premier lieu, les prévisions de recettes de l'Etat en 2004 ont été faites sur une hypothèse de croissance de 0,5 % en 2003. Or, nous serons cette année plus proches de 0,2 % voire de 0 %. Cette différence d'assiette entraînera un manque à gagner en termes de prélèvements obligatoires de 2 à 4 milliards.

Pourrait s'y ajouter un ralentissement des recettes de l'impôt sur les sociétés : la stabilité de son produit est peu vraisemblable car cette année a été extrêmement difficile pour nos entreprises. De même, la forte hausse du tabac va développer le marché noir et faire chuter la consommation au point d'annuler une bonne partie des 800 millions de recettes prévues.

Pour atteindre l'objectif de 3,6 % de déficit vous présentez, Monsieur le ministre, dans les documents budgétaires un déficit des comptes de la sécurité sociale de 0,5 % du PIB soit 8 milliards d'euros. Or, les prévisions de toutes les branches sont plus proches d'un déficit de 11 milliards voire de 14, du fait d'un dérapage de 2 milliards sur les dépenses et d'autant sur les recettes de cotisations sociales.

Le deuxième critère pour évaluer la qualité d'un budget est la justice sociale et l'efficacité économique des mesures proposées.

Ce projet comporte de bonnes mesures comme la réforme du régime des plus-values immobilières, la réforme du régime des distributions, les avantages fiscaux accordés aux personnes âgées dépendantes, la poursuite de la réduction des cotisations sociales sur les salaires et de l'impôt sur le revenu.

Trois mesures nous semblent pourtant apporter des messages contradictoires aux Français.

Alors que l'on choisit de diminuer l'imposition sur le revenu de 3 % pour un coût de 1,6 milliard, les Français ne peuvent comprendre que, dans le même temps, on augmente les impôts indirects, tabac et TIPP à due concurrence (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Pour onze millions de foyers la hausse de la TIPP sera plus importante que la baisse de l'impôt sur le revenu même en y intégrant l'amélioration de la prime pour l'emploi.

M. François Bayrou - C'est exact !

M. Charles de Courson - Nous proposerons donc de supprimer cette hausse et de la compenser par une moindre diminution de l'imposition sur le revenu ou par des économies supplémentaires. Quant à la hausse des droits sur le tabac, elle risque, par son niveau trop élevé de ne pas dégager les recettes supplémentaires prévues, 170 millions étant déjà gagés pour compenser la perte de revenus des buralistes.

Le Gouvernement propose aussi de restreindre les conditions d'attribution de l'allocation spécifique de solidarité.

Pour nous, la maîtrise des finances publiques passe par quatre grandes réformes structurelles, en plus de celle des retraites, pour regagner en compétitivité et pour assainir ses finances publiques : la décentralisation, la réforme de l'Etat, la réforme de l'assurance maladie et la réforme des 35 heures. D'ailleurs c'est ce que rappelle le commissaire européen, Pedro Soldes. Je le cite : au-delà des problèmes budgétaires, la France doit faire des réformes structurelles détaillées dans les grandes orientations de politique économique.

Un pas a été fait sur la réforme des retraites, nous demandons la réforme de l'assurance chômage et de l'assurance maladie. Le Gouvernement français sait très bien les réformes qui sont nécessaires et il y travaille. Nous voulons prendre en compte les réformes dans notre analyse, mais pour cela, il nous faut des engagements et un calendrier précis.

Concernant la décentralisation, il faudra attendre 2005 pour en voir l'incidence sur les finances publiques, mais le mouvement est engagé. En revanche, la réforme de l'Etat ne l'est pas encore puisque, sur 60 000 départs de fonctionnaires à la retraite, 55 500 sont remplacés. La réforme de l'assurance maladie a été différée d'un an, et le déficit pour 2004 devrait encore croître pour atteindre les 11 milliards d'euros. Il est donc urgent de mettre en place la réforme de l'assurance maladie dès maintenant.

Enfin, les 35 heures continuent à grever fortement les comptes de l'Etat. Elles ont un coût pour les entreprises, donc pour les recettes de l'Etat. Lors de l'assouplissement de la réduction du temps de travail à l'automne 2002, l'UDF avait dénoncé un « coup d'épée dans l'eau », et l'on voit bien aujourd'hui qu'il faut aller plus loin.

En conclusion, le groupe UDF souhaite que l'on accélère les réformes pour maîtriser davantage les dépenses publiques et les déficits afin de tenir nos engagements face à nos partenaires européens et face à nos concitoyens. L'UDF a déposé des amendements pour une meilleure justice sociale et une meilleure efficacité économique et espère être entendue (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. François Sauvadet - Excellent !

M. Hervé Mariton - Débat agité ou débat fermé...(« Débat gazolé ! » sur les bancs du groupe UDF) ... s'est interrogée la chronique. En tout cas, débat important et courtois, et nous vous remercions, Monsieur le ministre, de votre attention.

Voici un très bon budget qui tient compte du contexte international et des contraintes financières de notre pays, ouvre des perspectives et exprime des choix politiques, notamment au travers de la maîtrise de la dépense publique et de la baisse des impôts. Il cherche à tirer le meilleur parti d'une croissance retrouvée en 2004.

Ce budget serait parfait si, malheureusement, vous n'aviez décidé d'augmenter la fiscalité du gazole (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

En tout état de cause, la matière budgétaire est difficile, et puisque beaucoup d'acteurs ont parlé du budget 2004, pourquoi ne pas aborder le budget 2005 ? J'énoncerai trois principes : conviction, cohérence, réalité.

Conviction pour la maîtrise de la dépense et la baisse de l'impôt. Nous devons en avoir l'intime conviction, sans nous abriter derrière les recommandations du Conseil des impôts ou d'autres instances. Les priorités politiques ne doivent pas s'exprimer uniquement par la dépense. Face à la canicule, ou encore aux revendications des intermittents du spectacle, la seule réponse ne saurait être l'augmentation des dépenses. Oui, nous avons voté des lois de programmation pour la défense, la sécurité et la justice, et nous tenons à leur respect, mais priorité de programmation ne signifie pas sanctuarisation, et Mme la ministre de la défense reconnaissait elle-même qu'aussi impatiente que soit l'action de son ministère, il ne doit pas échapper à la vigilance.

Cohérence dans le choix de la baisse des impôts, auquel les Français ont du mal à croire. Aussi aucune entorse ne saurait être admise à cette stratégie. Je compte sur vous pour ne pas l'oublier dans la préparation du budget 2005. Je reste prudent sur la chasse aux niches fiscales, car certaines correspondent à un moindre impôt.

L'impôt des collectivités locales ne doit pas augmenter non plus, et j'ai suggéré que les élus de l'UMP s'engagent à cet égard. Au moins, la responsabilité sera claire lorsqu'une collectivité à majorité de gauche augmentera ses impôts.

Enfin, il faut éviter de mener dans le domaine social une stratégie contraire, et c'est pourquoi je suis opposé à toute augmentation de la CSG. Cohérence dans le choix des dépenses. Je lis dans un dictionnaire de la vie politique : « Gouverner, c'est dépenser ». Fichtre ! Gouverner, c'est en tout cas choisir la dépense, et souvent, privilégier l'investissement, mais tout investissement n'est pas souhaitable, ne transformons pas la doctrine keynésienne en lettres au Père Noël.

Enfin, le principe de réalité. Sommes-nous conscients de l'état de la France ? Engagerons-nous les économies nécessaires à notre pays ? Monsieur le ministre, si un ami vous explique qu'il fait des économies en courant derrière un autobus, vous aurez pu lui rétorquer qu'il aurait dû courir derrière un taxi... En tant que rapporteur spécial, je me suis penché sur le budget de l'équipement. En 2003, vous avez supprimé 750 emplois, mais 750 postes vacants ont été pourvus... Enfin, il faut mettre fin à la complexité normative. Depuis un an et demi, nous soutenons une politique de redressement et de réformes indispensables à notre pays. En 2003, vous avez ouvert le chemin. Aujourd'hui vient le budget 2004, et s'ouvrent les perspectives pour 2005.

L'enjeu est de répondre aux nécessités imposées par la situation de notre pays, de donner du sens à notre action.

On a beaucoup dit que le débat budgétaire redevenait politique. Prenons soin de le confirmer dans les jours à venir.

Vous avez, Monsieur le ministre, de bonnes orientations, et nous voterons votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Garrigue - Ce budget est ambitieux car il répond aux engagements pris devant les Français et aux attentes de votre majorité.

Il est ambitieux car il revient aux fondamentaux des finances publiques. C'est une chose que de préparer un budget annuel en se laissant aller aux facilités de la conjoncture, c'est autre chose que d'assurer dans un contexte international difficile, et la maîtrise des finances publiques et la baisse des prélèvements obligatoires.

Certains disent que c'est au prix d'un alourdissement de la dette publique. Mais c'est oublier qu'en matière de finances publiques, tous les éléments n'évoluent pas au même rythme. C'est parce que nous avons maîtrisé les finances publiques dès aujourd'hui et que nous aurons donné aux agents économiques les moyens de profiter de la reprise économique demain que nous pourrons faire reculer et le déficit et le poids de la dette publique.

Ce budget est ambitieux car il s'inscrit dans la perspective de la revalorisation du travail. Comment financer les retraites, la solidarité, les infrastructures, sans donner plus de place au travail, sans inciter à travailler plus ?

Comment prétendre donner un signal fort à ceux qui prennent des initiatives et s'engagent sans baisser significativement l'impôt sur le revenu ? Comment prétendre modifier l'arbitrage assistance-travail sans relever les salaires les plus bas - ce que fait le Gouvernement -, et sans décourager l'attentisme, tout en préservant les filets de la solidarité ?

Ce budget est ambitieux car à côté des priorités originellement définies - justice, sécurité, défense - il réaffirme des objectifs volontaires dans le domaine de la recherche en augmentant sensiblement son budget, en introduisant de nouvelles dispositions sur la jeune entreprise innovante, sur le crédit d'impôt-recherche et sur les investisseurs providentiels, en partageant une initiative franco-allemande de croissance qui fait une part majeure à l'investissement et à la recherche.

Je ne ferai qu'une seule réserve, qui concerne les taxes sur le tabac. Je partage les objectifs du Gouvernement en matière de santé publique, mais deux augmentations fortes du prix du tabac sur une courte période, cela soulève plusieurs questions.

D'abord les planteurs de tabac, dans certains départements, représentent un nombre important d'emplois.

Ensuite, les voyages collectifs aux frontières se multiplient et un véritable trafic se développe.

En outre, certaines formes nouvelles de délinquance, parfois violentes, risquent d'apparaître comme ce fut le cas la nuit dernière dans ma ville.

A cette réserve près, je ne peux que soutenir et approuver votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Fromion - Le débat budgétaire a fait naître une sorte de polémique autour du budget de la défense.

Il a constitué pour le Gouvernement de M. Jospin et sa majorité une sorte de réserve dans laquelle ils ont puisé sans discernement au point de provoquer une chute brutale de la capacité opérationnelle de nos forces et une crise du moral sans précédent chez nos personnels militaires.

M. Jean-Pierre Brard - Vous n'avez pas lu Le Monde ?

M. Yves Fromion - J'ai vu la réalité !

Le Président de la République comme notre majorité se sont engagés à redresser la situation. Mais si des progrès sont enregistrés, l'heure n'est pas au relâchement. Cette observation vaut autant pour le respect des engagements en matière d'équipements nouveaux prévus dans la loi de programmation militaire que pour les crédits consacrés à l'entretien des matériels ou encore à l'entraînement des forces.

Il faut être conscient que les taux de disponibilité de certains matériels majeurs sont encore faibles. C'est ainsi que nos pilotes d'hélicoptères ne pourront effectuer en 2004 que 160 heures de vol au lieu des 180 heures requises par les normes OTAN, faute de matériel disponible. Faut-il souligner les prouesses techniques accomplies pour maintenir en service des AMX 10 transports de troupe déjà vieux de plus de 35 ans et dont la relève ne sera accomplie qu'en 2012 ?

Des attaques relayées de façon spectaculaire par la presse ont profondément choqué nos militaires. Il n'est pas difficile d'imaginer les réactions de nos personnels toujours logés dans des conditions lamentables, alors qu'on leur a promis depuis des années des cantonnements. La professionnalisation réussie de nos forces armées reste fragile. Il importe de la consolider en fidélisant les personnels, en renforçant l'attractivité du métier des armes. Le budget de la défense y suffit incomplètement.

Faut-il rappeler de surcroît que la professionnalisation de la fonction militaire a été l'occasion pour nos armées d'accomplir une véritable révolution culturelle dont les autres administrations de l'Etat auraient avantage à s'inspirer ?

Le redressement des crédits militaires qui bénéficie essentiellement à l'équipement de nos forces doit être préservé, d'autant plus que les analyses économiques démontrent que dans les pays où une part importante des dépenses militaires est consacrée aux équipements plutôt qu'aux personnels, la hausse des budgets militaires stimule l'emploi. Ainsi 170 000 emplois dépendent du budget de la défense qui génère par ailleurs 4 milliards d'euros de recettes à l'exportation. Ce constat est renforcé par le caractère de plus en plus dual des industries de la défense notamment dans le domaine spatial ou en matière de recherche et développement.

Au-delà, il me paraît essentiel de rappeler que le Parlement est plus que jamais l'âme du lien armée-nation. Nous avons donc le devoir impérieux de ne pas trahir la confiance que les soldats de la République ont mise en nous. Cela passe par le respect des engagements pris envers les soldats de la République, qui valent bien ceux du pacte de stabilité.

Notre pays est confronté à la difficulté de respecter le critère du déficit budgétaire. Cela ne saurait nous interdire de rechercher les moyens d'une mise en _uvre à la fois plus équitable et plus efficace des critères du pacte de stabilité.

J'avais proposé l'année dernière à cette tribune que l'on réfléchisse à la possibilité de ne pas faire entrer dans l'établissement des ratios liés au pacte de stabilité les dépenses liées aux fonctions communautaires de défense de l'Union européenne.

M. Jean-Pierre Brard - C'est rusé ! C'est rusé ! (Sourires)

M. Yves Fromion - Ceci concerne les grands programmes d'équipement, l'A400M, les programmes spatiaux, mais également les dépenses engagées au titre des missions de Petersberg.

Le ministre de la défense s'est fait l'avocat de cette cause. Le Président de la République lui-même en a parlé lors du sommet de Prague.

Il est en effet inéquitable de sanctionner les pays de l'Union européenne qui apportent une contribution aux missions de défense collective au motif que ces dépenses d'intérêt communautaire ont pour conséquence une relative difficulté à respecter les critères du pacte de stabilité.

La France, dont on connaît la part qu'elle prend à la construction européenne, doit-elle être sanctionnée pour ce choix ?

Il est temps d'exiger que le pacte de stabilité monétaire connaisse les adaptations nécessaires.

L'euro est un instrument de la puissance européenne. La défense européenne en constituera un autre si nous savons favoriser son émergence.

En un mot, on ne peut immoler la défense de la France et de l'Europe sur l'autel de l'euro (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Léonce Deprez - Nos excellents rapporteurs de la loi de finances 2004 et les députés très experts de notre commission des finances se sont exprimés pour proposer une réduction des dépenses publiques.

Je propose, en tant que président du groupe d'études tourisme à l'Assemblée nationale, une politique d'économie touristique permettant de développer les recettes de ce budget.

J'ai entendu, hier, que la commission des finances veut proposer 300 millions d'euros d'économies dans le budget 2004. La commission des affaires économiques doit s'attacher à proposer 300 millions d'euros de recettes en plus pour l'Etat.

Une bonne politique tend à développer les sources de travail. Une bonne politique fiscale tend à augmenter les bases d'imposition et à diminuer les taux d'imposition.

Nous avons la possibilité de développer les bases d'imposition en mettant à profit la chance exceptionnelle de développer notre économie touristique.

J'ai pris pour base le pourcentage de 6 % pour fixer la part de la consommation touristique intérieure par rapport au PIB national, et pour 2004, une augmentation de la consommation touristique intérieure limitée à 2 %. La consommation touristique intérieure, qui s'élevait en 2002 à 97,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, assure plus de trois millions d'emplois directs et indirects.

Comment peut-on développer, dès 2004, sur ces bases, notre économie touristique ?

En ayant la volonté politique de mettre en valeur les deux matières précieuses de l'économie touristique que sont le territoire français et le temps de vie des Français et des visiteurs de la France sur le territoire qui les accueille en dehors de leurs lieux de travail hebdomadaires.

Loin de laisser les territoires et le temps en jachère, il faut les valoriser par une politique structurelle volontariste associant dans un même effort secteur public et secteur privé.

Développer l'économie touristique suppose la définition d'une politique axiale et multipolaire réfléchie. Les pôles de développement existent déjà : ce sont les 2 280 communes touristiques dont l'histoire, la géographie et l'effort des élus depuis des décennies ont permis de doter notre pays. Ces communes doivent être reconnues et, pour cela, labellisées. Il revient à l'Etat de le faire, ce qui ne coûterait rien au budget puisque lors de la « réformette » de la DGF, en 1993, la dotation touristique versée à ces communes a été conservée.

Il faut maintenant, en renforçant la capacité de travail de nos concitoyens et en allégeant leur impôt, améliorer leur pouvoir d'achat et leur permettre de mieux vivre leur temps libre. Le tourisme est un fort gisement d'emplois, chacun le sait et l'organisation territoriale de l'économie touristique que je préconise renforcerait tant l'attrait des communes touristiques que des pays en voie de constitution. Stimuler l'effort public pour mettre en valeur ces territoires inciterait à l'investissement privé et ce dynamisme accru générerait à son tour le développement des recettes de TVA et des bases d'imposition directe, garantissant ainsi l'accroissement des recettes fiscales dont la France a besoin pour équilibrer son budget d'ici 2007 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Tony Dreyfus - Mon intervention ira dans le sens de la motion de renvoi en commission que mon collègue Jean-Louis Idiart soutiendra ultérieurement. Je n'ai pas les compétences fiscales et comptables de notre collègue de Courson et je ne m'aventurerai donc pas à une approche par chapitre tendant, comme il l'a fait, à vous mettre en difficulté. Je ne compte pas davantage vous rendre responsable de la canicule, ni des effets de la récession mondiale. Il nous revient en revanche de nous interroger sur l'opportunité de certaines décisions, notamment fiscales, prises par le Gouvernement.

Vous avez souhaité réduire les impôts sur les hauts revenus et justifié cette mesure par la volonté de faire redémarrer la consommation. Nous avons entendu vos explications à ce sujet, Monsieur le ministre du budget et, celles, plus doctrinales, de M. Mer. Permettez à l'élu, non théoricien, que je suis de vous dire mon scepticisme. Quoiqu'il en soit, nous faisons nôtre l'objectif, mais certainement pas les moyens, et nous jugerons sur pièces, d'ici trois à quatre ans, comme nous y a invité le ministre de l'économie. « Non à l'assistance, oui au travail » vous êtes-vous écrié. Fort bien. Mais le premier effet de la récession n'est-il pas d'accroître le nombre des individus en difficulté ? Dans ces conditions, comment justifier que l'Etat se désengage de mécanismes destinés à venir en aide à ceux que la récession rejette hors des circuits normaux ?

De même, on peut légitimement considérer que le choix que vous avez fait concernant les allocations versées aux chômeurs en fin de droits n'est pas le bon au moment où le taux de chômage frôle les 10 %. Je ne vous fais aucun procès d'intention, mais comment prétendre que cette flambée de chômage serait sans conséquence pour les individus ?

En ma qualité de maire d'un arrondissement parisien de 90 000 habitants, je ne peux taire ma préoccupation au sujet du RMI. Il ne s'agit pas de rediscuter le principe de la prise en charge de cet enjeu majeur de solidarité nationale par le département, qui assumera cette nouvelle responsabilité. Depuis 2001, il s'est d'ailleurs employé à redynamiser le dispositif d'insertion, défaillant.

Le problème est que ni la date de versement ni le montant de la dotation 2004 pour la ville de Paris n'ont encore été communiqués - et la situation est la même pour les autres communes. Or, il semblerait que la référence retenue soit l'année 2003, alors que les mesures relatives à l'indemnisation du chômage décidées par le Gouvernement laissent augurer une augmentation mécanique considérable du nombre d'allocataires du RMI, qui pourrait atteindre 15 000 personnes.

Au-delà de la question de fond sur l'opportunité de mesures qui vont faire basculer tant de demandeurs d'emploi dans la précarité, leur impact financier est considérable. Pour la seule ville de Paris, le surcoût est estimé à quelque 60 millions, sinon davantage.

Le Gouvernement doit donc donner aux communes des garanties et s'engager à ce que la dotation de l'Etat évolue en fonction du nombre d'allocataires.

Pour Paris, la charge supplémentaire est considérable et, si elle devait l'assumer en tout ou en partie, elle ne pourrait le faire que par transferts de crédits, au détriment d'autres actions sociales. Ou serait-ce, ce que je ne peux croire, que l'on souhaite remettre en cause le principe même du RMI, sans le dire ?

M. Michel Bouvard - Mais nous le disons ! Nous voulons le remplacer par le RMA !

M. Tony Dreyfus - Ne mélangeons pas tout ! Votre budget traduit d'autres désengagements de l'Etat. Que penser d'un projet qui réduira de moitié le nombre des emplois-jeunes dans les associations, et de 25 % les crédits du FAS ? Il suscite une inquiétude profonde, car les besoins sont réels. Nombreux sont ici les maires qui ne peuvent taire leurs préoccupations devant la baisse programmée des crédits alloués aux associations, relais indispensables au dialogue avec la population et investies de missions précises. Comment accepter sereinement la chute des crédits du FSL ? Comment se satisfaire que des associations dont l'utilité est manifeste se trouvent contraintes de mettre la clef sous la porte ?

Bref, perplexe sur l'opportunité de certaines décisions, je soutiendrai la motion de renvoi en commission. Enfin, Monsieur le ministre, c'est bien d'adopter un budget, mais les conditions de son application sont au moins aussi importantes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Guillaume - En proposant une nouvelle baisse d'impôt, Monsieur le ministre, alors qu'une conjoncture désastreuse réduit les rentrées fiscales, vous faites un pari que d'aucuns jugent téméraire. Je n'en suis pas. En effet tout annonce une reprise de l'activité en 2006. Et je préfère le stimulant d'un vrai défi à l'immobilisme.

Ce pari comporte certes des risques, notamment celui d'un déficit passant le seuil de tolérance communautaire. Notons l'iniquité d'une même exigence budgétaire pour tous les Etats membres, qu'ils assument ou non la charge d'une force militaire conséquente, qu'ils participent ou non aux opérations de paix de l'ONU. Les risques de votre politique, vous les avez mesurés et circonscrits, privilégiant avant tout la croissance, hypothéquée par la gestion désastreuse de vos prédécesseurs.

Dans l'histoire récente, d'autres ont tenté ce pari. Ainsi Ronald Reagan, à la surprise générale, baissa les impôts, assumant une montée à 6 % du déficit budgétaire. A ce prix, et à celui d'une dérégulation drastique, il relança la croissance, d'où après quelques années, une importante diminution du chômage. Il salua ce résultat par ces mots : « l'Amérique est de retour ». Je souhaite, Monsieur le ministre, que bientôt vous puissiez nous dire : la France est de retour ! Margaret Thatcher emprunta la même voie, avec le même succès ; sa politique ne fut d'ailleurs nullement remise en cause par le travailliste Tony Blair.

Dans vos choix d'allègement fiscal, Monsieur le ministre, on pourrait s'interroger sur la part faite respectivement aux ménages et aux entreprises. A celles-ci vous auriez pu donner plus d'oxygène pour améliorer leur compétitivité. Je comprends cependant qu'en réduisant l'impôt sur le revenu vous voulez récompenser le travail, et qu'en doublant la prime pour l'emploi versée à 3,5 millions de salariés modestes, après avoir fortement relevé le SMIC en juillet, vous voulez creuser l'écart entre le revenu du travail et celui de l'assistance.

Ce sont de bonnes mesures, mais elles creusent le déficit. Vous devez donc les gager entièrement par une égale réduction des dépenses. Vous visez les dépenses de fonctionnement, à juste titre : la France est suradministrée, le nombre de fonctionnaires pour mille habitants y est le plus élevé du monde. Leurs effectifs déjà pléthoriques ont progressé de près de dix mille par an sous le gouvernement Jospin, d'où une complexité accrue de la vie publique et un renforcement du pouvoir de l'administration dont se plaignent les élus de base.

Une opportunité se présentait avec la retraite de 60 000 fonctionnaires en 2004. Vous aviez prévu de n'en remplacer qu'un sur deux. Votre budget n'en supprime pourtant que 4 500, ce qui est insuffisant. Même si vous procédez à des redéploiements, cela ne change pas le solde net. Il faut être plus ambitieux, sinon ce seront à nouveau les investissements qui serviront de variable d'ajustement.

Quant à la dette, qui plombe les budgets futurs, elle atteint 1 000 milliards d'euros. Elle résulte de l'incurie de vos prédécesseurs, qui ont négligé de la réduire alors qu'ils ont bénéficié de quatre ans de croissance et d'une conjoncture boursière favorable. Celle-ci permettait de vendre avec profit des actifs dont la nationalisation avait fortement contribué à l'ampleur de la dette. Le service des intérêts de la dette est la deuxième dépense de l'Etat, après l'éducation nationale... Cette dette transfère aux générations futures la charge de nos errements. Je vous proposais déjà l'an dernier de la réduire en poursuivant les privatisations. Vous le faites, en choisissant les valeurs les moins affectées par la dépréciation boursière, ce qui limite le rythme de vos cessions. Mais certaines opérations pourraient échapper à cette contrainte. Ainsi la privatisation de France Télévision, qui ne manquerait pas d'acquéreurs ; cela règlerait aussi le problème de la redevance.

Tout budget est un arbitrage, dont tel ou tel aspect peut toujours être critiqué. Ce qui est satisfaisant dans le vôtre, c'est qu'il s'inscrit dans la durée, et ne s'écarte pas, malgré la conjoncture, du cap que vous vous êtes fixé. C'est aussi qu'il use envers le citoyen d'une démarche à la fois pédagogique et démocratique. C'est enfin qu'il respecte les engagements du Président de la République, approuvés par les Français en mai et juin 2002. Pour ces raisons notre soutien vous est acquis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58 alinéa 1. Notre débat doit être sincère. Or, quelles sont les compétences que chacun reconnaît à M. Guillaume ? L'agriculture, et même la grosse agriculture. Et il tient, comme Janus, un discours qui n'est pas cohérent.

M. le Président - Y a t il dans le propos de M. Guillaume quelque chose qui porte atteinte au Règlement ?

M. Jean-Pierre Brard - Absolument. Notre débat est biaisé. M. le ministre veut faire des économies sur la dépense publique. Nous pensons plutôt qu'il faut augmenter la recette, mais suivons son raisonnement. De quoi M. Guillaume a-t-il vécu toute sa vie ? De subsides d'Etat, de subventions aux betteraviers et aux céréaliers ! Qu'il nous dise combien les gros agriculteurs ont coûté à la nation ! Et qu'ils rendent cet argent, pour contribuer à équilibrer les finances publiques !

M. le Président - Ce n'était pas un rappel au Règlement.

Mme Marie-Anne Montchamp - Il y a un an, Monsieur le ministre, vous souligniez le souci de sincérité et de transparence de votre budget pour 2003, et son exigence de performance. Cette année encore, voici un budget sincère. Les exemples les plus marquants en sont la budgétisation du FOREC, celle des concours à RFF, et la clarification des concours de l'Etat aux collectivités locales. C'est aussi un budget élaboré dans un souci de transparence, par sa volonté de maîtrise de la dépense.

Sa progression est inférieure à la progression tendancielle du PIB, ce qui traduit une volonté de réduction structurelle du déficit.

Mais les grands chantiers prévus pour 2004 ne pâtiront pas de cette discipline : les efforts pour la recherche, la culture, mais aussi le plan cancer, seront financés par redéploiement.

C'est enfin un budget exigeant, mais performant par sa dimension prospective. Conformément à la loi organique et aux recommandations européennes, il s'inscrit dans une programmation pluriannuelle des dépenses publiques jusqu'en 2007. Par ailleurs, il adresse des signaux clairs aux acteurs économiques. La dégradation de la conjoncture n'a pas écarté le Gouvernement de son objectif : accroître notre potentiel de production et d'incitation au travail, pour relancer l'emploi. De nombreuses mesures concourent à réhabiliter le travail et stimuler la création d'emplois : baisse de l'impôt sur le revenu, augmentation de la prime pour l'emploi, poursuite de la politique d'allégement des charges. Une attention particulière est portée d'autre part à l'innovation et à la recherche-développement, avec un renforcement du crédit d'impôt pour dépenses de recherche, la création des sociétés unipersonnelles d'investissements à risque, et l'assouplissement pour ces entreprises des règles de report des déficits. Autant de mesures pertinentes pour revaloriser l'envie d'entreprendre.

Le secteur marchand et ses entreprises sont le moteur de la croissance, du pouvoir d'achat et de l'emploi. Ils sont indispensables à la diffusion de l'innovation et de la technologie, donc à l'attractivité et à la vitalité de nos territoires. Mais la création de richesse est le fait, autant que des grands groupes, d'entreprises petites et moyennes. Sortons de l'idée qu'une entreprise est toujours une structure lourde, aux salariés nombreux, à l'organisation très hiérarchisée. A l'heure où un ordinateur et une ligne ADSL permettent à une entreprise de vivre, notre tissu économique est en mutation. Dans l'industrie, les entreprises de moins de 20 salariés réalisaient en 2001 6 % du chiffre d'affaires et regroupaient 15 % des effectifs. La souplesse des petites et moyennes organisations y rend l'embauche plus facile, et les rend moins sensibles aux variations des marchés financiers. L'entreprise aujourd'hui, ce sont aussi les commerces, les entreprises individuelles, tout un tissu complexe, diffus, très sensible aux prélèvements obligatoires. Les dirigeants de ces petites structures sont aussi des ménages : réduire la fiscalité sur les petites entreprises, c'est redonner à ces ménages du pouvoir d'achat, mais aussi accroître leur capacité d'entreprendre. Alléger l'impôt sur le revenu, c'est permettre aux petits entrepreneurs de dégager du capital personnel à investir. Poursuivre la baisse des impôts et des charges est le seul chemin pour donner un nouveau dynamisme à notre économie. Le Gouvernement l'a compris.

C'est ce que feignent d'ignorer les partisans du tout impôt.

Il s'agit donc d'un budget exigeant, clair et prospectif, qui nous éloigne d'une vision stéréotypée de notre société. Améliorer les grands équilibres financiers, renforcer le dynamisme social et engager la réforme, tel est le cap qu'il permettra de tenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Siffredi - Je voudrais d'abord saluer le travail remarquable du Gouvernement, qui a su concevoir le meilleur budget possible (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) dans les circonstances actuelles. Malgré le contexte économique international, il fait montre de détermination et de foi en l'avenir de notre pays. Il est certes réaliste, mais aussi dynamique de manière à poursuivre le redressement de la France. Il cherche à encourager le travail, la création et l'initiative économique et finance ses priorités tout en maîtrisant les dépenses publiques ; il privilégie ainsi la croissance et l'emploi, grâce notamment à la baisse de l'impôt et des charges. En préférant les redéploiements aux augmentations de crédits, le Gouvernement poursuit sa politique volontaire de stabilisation des dépenses en volume. La défense, la justice, la sécurité, l'éducation et la recherche constituent des priorités. Ce budget comporte donc d'indiscutables facteurs de relance, de valorisation du travail et de création de richesse nationale.

Certains esprits chagrins pourraient nous reprocher de ne pas respecter les critères du pacte européen de stabilité. Je préfère cependant être un Européen heureux dans une France qui parie sur la croissance qu'un Européen malheureux dans un pays étouffé par des contraintes impossibles à respecter. C'est également la conviction de M. Mer, et Bruxelles semble s'être rangée à ses arguments. L'Europe n'a d'intérêt que si elle améliore la vie des Français !

C'est par le dialogue que nous aurons le plus de chances de faire avancer l'idée européenne. La croissance européenne, aujourd'hui, est en crise. En Allemagne, la détérioration des comptes de 2002 n'a été enrayée que par des mesures fiscales et des économies dans le domaine social. En Italie, la croissance est en panne et en Belgique, la reprise se fait attendre.

M. Jean-Louis Idiart - Ce n'est pas gentil de dire du mal de nos voisins !

M. Georges Siffredi - L'Espagne a retrouvé son taux de croissance le plus faible depuis 1993. En revanche, la croissance du Royaume-Uni est bonne. Comment ne pas s'interroger sur la pertinence des critères du pacte de stabilité ? Il faut admettre que ce qui était possible en période de croissance forte ne l'est plus en quasi-récession. Lorsque l'environnement économique était porteur, la Commission n'est pas intervenue pour empêcher la gauche de tout dilapider ! Nous payons chèrement l'héritage socialiste, l'APA et les 35 heures. Nous l'assumons, et cela aussi mérite un coup de chapeau !

Il faut admettre que toutes les dépenses ne sont pas de même nature. Pourquoi ne pas pondérer les critères de stabilité des dépenses en matière de recherche développement ou de défense, domaines où nous sommes très en retard par rapport aux Etats-Unis ? Quand nos crédits d'investissement augmentent de 7 % pour la défense, cela ne profite pas qu'à nous, mais à toute l'Europe. Cette Europe que nous sommes en train de construire ne doit pas être seulement comptable, mais politique. Ses choix doivent être guidés par l'intérêt de nos concitoyens. C'est pour défendre cette vision de l'avenir que j'approuve sans hésiter ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrice Martin-Lalande - La loi organique relative aux lois de finances prévoit la suppression de toutes les taxes parafiscales d'ici le 1er janvier 2004 et donc celle de la redevance audiovisuelle, jugée ici même, en 2000, archaïque, injuste et coûteuse à gérer (M. Michel Bouvard applaudit). La redevance sert à financer le service public de l'audiovisuel, dont elle assure 76 % des ressources. Le produit de la redevance doit répondre à des impératifs de régularité, de fiabilité et de dynamique - + 3 % par an - pour que les entreprises puissent tenir leur rang dans une contexte de plus en plus concurrentiel.

Le périmètre du service public de l'audiovisuel est donc un élément important de la réflexion sur la redevance. Il ne devrait pas évoluer à court terme, en dehors du projet de chaîne d'information internationale. Les solutions de remplacement de la redevance proposées par la mission d'évaluation et de contrôle ne sont malheureusement pas réalisables : il n'est possible ni de dégager deux milliards dans le budget, ni de doubler le prélèvement sur les jeux. L'imposition affectée reste donc le meilleur financement. Il convient également de maintenir le cadre du compte d'affectation spéciale, qui garantit un débat parlementaire annuel.

En revanche, la gestion de cette recette affectée peut être grandement améliorée. La transformation de la redevance en taxe fiscale permettra, sans autre réforme, d'améliorer la perception, par exemple en alourdissant les sanctions, en autorisant les avis à tiers détenteur ou en renversant la charge de la preuve. Mais dès 2005, une réforme sera indispensable (M. Michel Bouvard approuve) pour lutter contre la fraude et alléger les coûts de perception. Il serait possible d'augmenter le produit de la redevance de 170 millions et d'économiser 100 à 120 millions en frais de gestion si sa perception était regroupée avec celle de la taxe d'habitation, avec le même fichier et la même enveloppe, un avis comportant deux parties clairement distinctes et un seul titre de règlement. Le fait générateur pourrait rester la possession d'un téléviseur ou devenir le même que celui de la taxe d'habitation. Il faudra de toute façon mettre en cohérence les exonérations.

Cette réforme, pour être mise en _uvre dès 2005, doit être organisée rapidement. Il y a en effet beaucoup à faire : éviter la confusion, dans l'esprit de nos concitoyens, avec la taxe d'habitation à un moment important pour la décentralisation - une concertation avec l'association des maires de France est à cet égard indispensable -, procéder au reclassement du personnel du service de la redevance et mettre en place techniquement le nouveau circuit de recouvrement. Le gain qui en résultera devra être utilisé au profit de l'ensemble des redevables, par exemple par des aides à l'équipement numérique, au profit aussi des opérateurs, pour renforcer l'identité de l'audiovisuel public, par exemple en réduisant la publicité ou en renforçant les obligations de production, et enfin pour la réduction du déficit budgétaire. Au-delà, il faudra renforcer la légitimité de la redevance dans l'opinion publique par un effort de transparence et de pédagogie.

La réforme de la redevance peut être emblématique de notre volonté d'assurer un service public au meilleur coût pour le contribuable et de moderniser l'Etat. Gilles Carrez, Pierre Méhaignerie, Yves Deniaud et moi vous proposerons donc des amendements à l'article 20. Même dans une conjoncture particulièrement difficile, il est possible de réformer l'Etat ; c'est même la meilleure manière de préparer l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Myard - Qu'il me soit permis de vous dire, Monsieur le ministre, que votre budget est le meilleur possible.

M. Jean-Pierre Brard - Ça commence mal !

M. Jacques Myard - Il poursuit les baisses d'impôt, car la tendance récessioniste impose de soutenir la demande. Il maintient les priorités voulues par les Français et répond à la nécessité absolue de rétablir l'autorité de l'Etat et d'assurer la défense de la nation face aux menaces qui montent à l'horizon. Dans le même temps, le Gouvernement commence une courageuse remise en ordre de l'appareil d'Etat. Le nombre des fonctionnaires diminue de 4 500.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Jacques Myard - Ce n'est pas suffisant et des progrès peuvent être réalisés dans de nombreux secteurs, y compris dans l'éducation nationale. Mais attention : pas de dogmatisme ! L'Etat doit impérativement conserver ses compétences. Il n'est par exemple pas admissible que le budget des affaires étrangères continue à diminuer et le nombre des postes qui lui sont attribués aussi, après une baisse de 10 % ces dernières années. Si l'on avait procédé de même avec des ministères plus dépensiers, les difficultés seraient moindres aujourd'hui.

Selon Leibniz, « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». S'agissant de ce budget, cela peut se traduire : compte tenu des contraintes existantes et des conditions macro-économiques dans lesquelles la France s'est placée depuis une décennie, et qui entravent son économie et provoquent le chômage.

Parmi les carcans internes, il y a bien sûr la réduction du temps de travail, qui est venue à contre-courant, au moment où l'on ouvrait plus encore les frontières. Elle peut se justifier socialement dans certains cas, mais distiller dans l'esprit des Français que l'on peut à la fois travailler moins, gagner plus et conserver les acquis sociaux bâtis sur le travail et non sur la faribole, c'est une imposture !

Il est un autre carcan, tout aussi nocif pour la croissance. Alors que les Français détiennent le record mondial de l'épargne, à laquelle ils consacrent plus de 16 % des revenus disponibles, notre fiscalité est sans doute celle qui chasse le plus les capitaux, donc les investissements. Nous sommes revenus en 1914, quand les Français achetaient les tramways de Shanghai et de Nankin, ainsi que les emprunts russes, créant ainsi des emplois à l'étranger mais pas en France...

Il est urgent, pour que l'épargne s'investisse et crée des emplois chez nous, de supprimer cet impôt stupide qu'est l'ISF, de diminuer l'impôt sur les sociétés et les droits de succession, de décréter un moratoire fiscal pour que le capital revienne.

Il serait illusoire de croire que, dans ce monde ouvert, nos partenaires vont relever leur fiscalité pour l'aligner sur la nôtre. C'est à nous de rendre notre fiscalité concurrentielle !

J'en viens aux carcans externes. Les Français sont européens, donc je le suis aussi puisque je suis Français... (Rires) Mais je doute qu'ils adhèrent à l'usine à gaz qui se dessine. L'idéologie eurocratique risque même de détruire le concept d'Europe, pourtant nécessaire.

Ainsi, la requalfication des taux de TVA est une sottise totale. Aux Etats-Unis, la souplesse est entière, et le différentiel de TVA entre Etats voisins peut atteindre 12 points.

Quant au pacte de stabilité, présenté comme l'alpha et l'oméga de la politique économique, c'est une incongruité car les 3 % de déficit ne correspondent à rien. Bien sûr, il faut être vigilant quant à la dette et faire des économies, mais la vérité de la gestion est celle du quotidien. Rappelons donc à ces Messieurs de la Commission que de tels engagements ne valent que dans certaines conditions et que la fameuse règle Rebus sic stantibus nous donne le droit de réformer ce pacte, il faut le faire au plus vite.

La BCE est devenue le temple des ayatollah monétaristes. Je suis scandalisé que le candidat, paraît-il Français...

M. Michel Bouvard - Donc européen... (Sourires)

M. Jacques Myard - ... à sa présidence, ait eu le culot de répondre au Parlement européen dans un idiome barbare qu'il n'était pas français...

M. Michel Bouvard - Scandaleux !

M. Jacques Myard - Désormais, l'euro se retrouve contre la croissance de la France, parce que la BCE ne pratique pas la bonne politique monétaire.

Autre carcan extrême, la globalisation béate de Bruxelles, de M. Lamy, et de l'OMC, apôtres du tout marché. Il faut être sérieux : le monde est inégalitaire. On ne lutte pas à armes égales avec des pays dont le différentiel monétaire est de 1 à 70 en notre défaveur.

La préférence communautaire avait du bon, elle a été abolie. Prenons exemple sur les Etats-Unis et faisons des sélections.

La France doit donc reprendre la maîtrise de son destin économique, faire preuve de plus de souplesse, réduire sa fiscalité sur le capital, assouplir les carcans économiques, introduire plus de réalisme dans la BCE. C'est à ce prix que vous relèverez le défi auquel vous êtes confronté. Un peu d'audace, Monsieur le ministre, et encore davantage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Vous étiez meilleur sur l'Irak, surtout en anglais (Rires).

M. Louis Cosyns - Je souscris pleinement aux orientations générales de ce budget qui vise à encourager le travail, à favoriser l'emploi par l'allégement des impôts, à préparer l'avenir par la maîtrise des dépenses publiques.

Sur ce dernier point, nos concitoyens ont exprimé fortement leurs attentes : parallèlement aux efforts qui leur sont demandés, l'Etat doit en faire aussi. Ce projet prévoit déjà de ne pas procéder au remplacement systématique des départs à la retraite tout en créant des emplois, dans les secteurs prioritaires de l'action gouvernementale. Les effectifs budgétaires diminueront ainsi de 4 568 emplois.

Ce mouvement doit se poursuivre. Une réflexion d'ensemble doit permettre de rationaliser les effectifs de la fonction publique, de contrôler l'évolution des dépenses, d'évaluer les moyens, les actions, l'organisation des services de l'Etat. Il faut affecter les fonctionnaires à des missions essentielles. Nous avons vu cet été que l'hôpital et les personnels soignants doivent être privilégiés.

Je suis particulièrement satisfait de la clarification des emplois de l'éducation nationale, qui permettra au ministère d'organiser au mieux le suivi de ses personnels et de mettre en _uvre une gestion plus efficace. C'est un signe fort adressé à nos concitoyens.

Il est par ailleurs important de poursuivre la baisse des impôts, tant pour les particuliers que pour les entreprises.

Bien entendu, il faut poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu. Mais le plus important ce sont les mesures permettant le développement de l'emploi. L'emploi à domicile, tout d'abord. Le relèvement du plafond de dépenses pris en compte pour la garde d'enfants et le maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées favorisera la création d'emplois et permettra aux familles de mieux prendre soin des plus jeunes, des plus âgés, des plus faibles.

L'emploi dans les secteurs à forte densité de main-d'_uvre ensuite. Je me réjouis ainsi de la pérennisation du taux réduit de TVA pour les services d'aides à la personne et pour les travaux dans les logements.

M. Didier Migaud - Merci la gauche !

M. Louis Cosyns - Je rappelle la forte attente du secteur de la restauration. L'application du taux réduit de TVA est soumise à l'accord de nos partenaires européens, mais le Gouvernement a un obligation de résultat.

M. Jean-Pierre Brard - Nouveau parlementaire, vous croyez encore au Père Noël... (Sourires)

M. Louis Cosyns - Sont également mieux prises en compte les dépenses engagées pour améliorer la prise en charge des personnes âgés dépendantes, ainsi que les équipements des habitations des personnes âgées et des personnes handicapées par une revalorisation du plafond des dépenses éligibles aux réductions d'impôts. Je salue la détermination du Gouvernement à prendre soin des plus faibles et des plus démunis.

A travers les baisses d'impôt pour les entreprises, c'est l'avenir de notre croissance économique qui est en jeu. Les mesures visant à favoriser la recherche et l'innovation sont essentielles, non seulement pour le développement d'applications futures mais aussi pour éviter à nos jeunes scientifiques de devoir s'expatrier.

J'attache aussi une grande importance au dispositif d'allégement sur les bas salaires, qui offre des débouchés aux moins qualifiés.

Ce budget va dans le bon sens, je lui apporte tout mon soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Paul - C'est un discours surréaliste !

M. Joël Beaugendre - Ce budget courageux prouve que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin veut respecter ses engagements vis-à-vis des Français de l'hexagone comme de l'outre-mer. Baisse des prélèvements au service de l'emploi, de l'initiative, de l'innovation, encouragement au travail : tout ceci, en dépit d'un contexte budgétaire difficile.

Il faut dépenser moins certes, mais il faut dépenser mieux. Il faut maîtriser les dépenses publiques mais de manière réfléchie. Certains Français ne comprendraient pas qu'au moment où le Gouvernement affirme sa volonté de poursuivre la baisse des impôts sur le revenu, on leur inflige certaines hausses. Ils ne comprendraient pas la remise en cause des dispositifs mis en _uvre dans leur région pour soutenir une économie dont le PIB par habitant est le plus bas des 22 régions françaises. La Guadeloupe est 211e et dernière des 211 régions de l'Union.

L'outre-mer gagne à être connu, comme chacune des régions hexagonales, avec ses spécificités, ses particularités. Mais n'oublions pas les taux bancaires beaucoup plus élevés qu'en métropole, le coût du fret pour l'exportation, les handicaps structurels. Il faut agir avec pragmatisme ; l'outre-mer gagne aussi à être respecté.

Je salue la sagesse et la compréhension des membres de la commission des finances qui ont perçu le désarroi que ferait naître la remise en cause d'un système qui inclut nos régions dans une dynamique de développement et de rattrapage économique.

Le Gouvernement a compris que l'effort financier est aussi un effort de solidarité envers nos régions. Nous le retrouvons dans ce projet de budget que nous soutiendrons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - C'est la douzième discussion budgétaire à laquelle je participe, dont neuf en qualité de rapporteur général, de président de la commission ou de membre du Gouvernement, et je suis frappé de la clarté avec laquelle les députés s'expriment sur les questions complexes de finances publiques. Je rends hommage aux travaux de la commission des finances, à son président et à son rapporteur général, ainsi qu'à l'ensemble des députés qui connaissent parfaitement leurs sujets.

Afin que nous puissions examiner ce soir la motion de renvoi, je me bornerai à une réponse générale. Je souhaite néanmoins remercier M. Laffineur d'avoir apporté le soutien du groupe UMP au Gouvernement...

M. Didier Migaud - Indéfectible !

M. Jean-Pierre Brard - Inconditionnel !

M. le Ministre délégué - M. Laffineur a donné une analyse fine de la situation économique, il a su insuffler l'espoir de la croissance, et utiliser des mots qui touchent, « courageux », « responsable », « le meilleur possible compte tenu de la conjoncture ».

M. Jean-Pierre Brard - On retombe dans le diaconat !

M. le Ministre délégué - M. Brard ne doit plus pratiquer depuis longtemps, car il a quelques carences dans le domaine cultuel.

M. Jean-Pierre Brard - Je me suis converti depuis longtemps à la laïcité !

M. le Ministre délégué - Voilà un budget qui fait des choix et les assume. Je parlerai brièvement, mais successivement des recettes, des dépenses et du solde.

Il faudrait relever les recettes de 20 % pour parvenir à l'équilibre. Seraient-elles insuffisantes ? Comparons avec nos voisins : nous dépensons 6 % de PIB de plus que la moyenne de la zone euro, soit 90 milliards d'euros.

Les recettes sont-elles équitablement réparties entre les différentes catégories de contribuables ? Sans espérer parvenir à un consensus entre l'opposition et la majorité, il faut au moins admettre que la fiscalité doit favoriser l'attractivité de notre territoire.

M. Jacques Myard - Tel est bien l'enjeu !

M. le Ministre délégué - La loi de finances allège l'impôt sur le revenu, renforce la prime pour l'emploi, en l'assortissant d'un acompte - et cela pour inciter à la reprise du travail.

L'axe innovation-recherche est décliné au travers de mesures sans équivalent chez nos voisins, et l'axe compétitivité se traduit par la suppression du précompte et de l'avoir fiscal, ainsi que par le report illimité des pertes.

Mais on ne se contente pas d'empiler, on prend le risque de la réforme et de la simplification, comme en témoigne la réforme de l'avoir fiscal qui date de 1965, mais aussi celle des plus-values immobilières, de l'épargne-retraite, des donations.

Certains objecteront qu'il ne s'agit pas d'une politique fiscale. Les principales orientations ont été clairement affichées, mais il nous manque peut être une déclinaison pluriannuelle des objectifs.

J'en arrive aux dépenses. La gauche fustige l'excès de déficit, tout en nous proposant des dépenses supplémentaires.

M. Jean-Claude Sandrier - Pas du tout !

M. le Ministre délégué - Il est vrai que vous proposez des recettes. Chacun convient que les dépenses sont trop élevées.

M. Didier Migaud - Notamment les dépenses militaires.

M. le Ministre délégué - La France dépense ainsi 6 % de PIB de plus que ses voisins de la zone euro. Que ce soit la faute de l'héritage, de la fonction publique, de la dette ou des transferts sociaux, il faut absolument maîtriser la dépense publique. Aussi le Gouvernement entend-il stabiliser, ou mieux plafonner les dépenses en volume. Certains préféreraient une stabilisation en valeur, et ce serait mon rêve, mais cela supposerait une réduction drastique et immédiate des dépenses, que personne n'oserait opérer en une année.

Il est donc nécessaire d'engager des réformes structurelles importantes dans tous les domaines de l'action publique, et le soutien du Parlement sera irremplaçable, car les ministres ne sont pas toujours assez déterminés. Pour avoir visité de nombreux pays étrangers, je peux vous assurer qu'aucune modernisation de la gestion publique n'a été possible sans une implication forte du Parlement. Votre rôle sera donc décisif.

M. Yves Deniaud - Tout à fait.

M. le Ministre délégué - Quant au déficit, je rappelle qu'il correspond à la différence entre les dépenses et les recettes. Et je me demande parfois si vous l'avez bien compris. J'entends sur presque tous les bancs qu'il faut réduire les déficits, mais personne ne me dit comment le faire. Hormis le groupe communiste, personne ne réclame l'augmentation des impôts, mais tous demandent plus de dépenses. Alors, faut-il réduire le déficit en relevant les impôts ou en réduisant les dépenses ? La gauche répond impôts. Mais nous devons avoir le sens des responsabilités en disant quelles dépenses nous voulons réduire, et nous devons le faire avec méthode. Il me semble que le plafond auquel nous nous soumettons déjà nous permet de ne plus accepter de dépenses nouvelles sans en supprimer d'autres préalablement.

En outre, nous souhaitons désormais consacrer les plus-values fiscales offertes par la reprise qui s'annonce à la réduction des déficits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ainsi, nous aurons réconcilié les différents avis exprimés et nous pourrons léguer aux générations futures une France qui comptera dans le monde (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Tout ça ne suffira pas à Bayrou !

La séance, suspendue à 23 heures 45 est reprise à 23 heures 55.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Jean-Louis Idiart - Nous voici au terme de la discussion générale sur la loi de finances 2004.

M. Bernard Accoyer - Jusque là je suis d'accord (Rires).

M. Jean-Louis Idiart - Son ambiance générale reflète ce que nous avons vécu en commission des finances. Votre projet vise à satisfaire quelques promesses électorales dont bénéficiera votre clientèle électorale, ou au moins la partie qui appartient à la France du tout en haut. Vous vous obstinez, contre le bon sens, contre les recommandations européennes et en violation des règles acceptées lors de leur mise en place, règles voulues, proclamées, répétées depuis des années, et dont vous étiez les chantres zélés.

Votre projet est déjà à bout de souffle : au lieu d'impulser, il décourage et démobilise. C'est une sorte de loi de démobilisation. Vous ne vous accordez que sur la critique de vos prédécesseurs et sur des considérations idéologiques. Ne pouvant plus agiter le chiffon rouge de la peur et les antiennes d'autrefois, vous tapez sur tout ce qui peut, de près ou de loin, lier modernité et solidarité afin de mieux faire passer le message du conservatisme relooké.

Raffarin, c'est Mrs. Thatcher vingt ans plus tard. Il reste fidèle à son admiration pour la dame de fer, même si elle a fini par rouiller. C'était un temps, rappelons-le, où l'inflation galopait aux alentours de 14 %, avec MM. Giscard d'Estaing et Chirac. Les dérives varient, mais serrer la vis des plus modestes reste une constante. Il est plus facile, en effet, de donner moins à ceux qui n'ont pas grand-chose : ils sont habitués. Mais critiquer les prédécesseurs ne marche pas forcément, et lorsque les députés de la majorité commencent à s'exprimer, cela claudique, selon qu'ils appartiennent à la tendance UDF Bayrou-Bayrou, ou Bayrou-Courson.

Mais rassurez-vous, Monsieur le ministre, ils sont durs dans leurs propos, mais seront tendres dans le vote. Il faut bien, le vendredi, revenir dans sa circonscription, devant ses électeurs de droite. Ils voteront ; au pire, ils s'abstiendront. Nous avons bien senti, tout à l'heure, le coup politicien. Ce qui les gêne, eux, c'est l'incohérence entre les baisses de l'impôt sur le revenu et le relèvement de la TIPP, car selon eux, tout doit baisser. Ce sont des durs ! Il faut donc baisser les dépenses. Mais pas dans le Béarn où M. Sarkozy fait des économies de gendarmes et de policiers, entretenant ainsi la colère de Jean Lassalle. Pas à Castres, où l'on ferme la succursale de la Banque de France et où le député, après avoir convoqué la presse, occupe des locaux, le temps que la télévision arrive.

Et puis, dit encore M. Bayrou à M. Raffarin, revoyez les 35 heures, et durement. En somme, le discours ou plutôt les discours ne changent pas : toujours plus pour les mêmes, fermeté à Paris, tout autre chose dans la circonscription... Et de quoi parlent donc les amendement de Courson ? De l'ISF, encore de l'ISF...

M. Charles de Courson - C'est le retour au texte que vous aviez voté !

M. Jean-Louis Idiart - Il y a aussi, dans cette majorité, les libéraux de l'UMP, nouveaux modernistes qui proposent de vieilles recettes. Leur credo ? « Moins d'Etat, et on verra ensuite ». Ensuite... Quels que soient les dégâts sociaux. Ceux-là multiplient les discours régressifs sur les 35 heures et veulent toujours donner davantage au secteur privé.

Ainsi, la majorité est diverse, et tente de s'exprimer. La lecture des amendements est instructive, qui montre bien qu'il ne s'agit pas tant d'améliorer le projet que, souvent, d'appeler le Gouvernement à plus de cohérence et, parfois, de le contrer. Les divergences sont donc profondes, et la presse a fait état de débats « musclés » en commission.

Evidemment ! La consigne était : « Silence dans les rangs, Bercy passe ». On aurait aimé entendre d'éminents membres de la commission des finances dire que ce n'est pas admissible ! M. Raffarin lui-même n'a-t-il pas dit que la politique budgétaire ne se fait pas par voie d'amendements ? Mais s'il s'est trouvé des auteurs à ces amendements, n'est-ce pas qu'ils n'avaient pas été entendus avant et ailleurs ?

Silence dans les rangs, vous dis-je ! Est-ce ainsi, vraiment, que l'on renforce les prérogatives du Parlement ?

M. Bernard Accoyer - Au fait ! Au fait !

M. Jean-Louis Idiart - Mais j'y suis ! Je vous dis que la commission n'a pas suffisamment examiné certains amendements de la majorité, dont l'imprécision disait assez le cafouillage qui avait présidé à leur rédaction. Aux questions posées, réponses gênées, et assurance que l'on en parlerait en séance plénière... Le travail de fond n'a pas été fait, et c'est celui-là que nous appelons de nos v_ux. Il faut du courage, dites-vous ; mais le premier courage n'est-il pas de débattre ?

Pour leur part, les députés socialistes, sans vous noyer d'amendements, ont formulé des contre-propositions témoignant ainsi leur volonté de participer activement à la définition de l'avenir de notre pays. Nous souhaitons que ces amendements soient convenablement examinés ; or, la discussion n'est, d'évidence, pas allée à son terme. Cette mauvaise méthode, ces failles expliquent la motion. Le renvoi en commission servira la démocratie en permettant d'améliorer le travail parlementaire.

Plus que jamais, nous sommes inquiets des orientations suivies par le Gouvernement, et surtout des résultats qu'aura sa politique. Des interventions, brèves et gênées, des deux ministres, nous avons retenu que l'impôt serait un peu réduit et que l'impôt serait un peu augmenté (Sourires sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons entendu par ailleurs des propos généraux sur le travail, des leçons adressées aux prédécesseurs et quelques considérations conviviales, destinées à la majorité, sur l'avenir du pays.

Nous avons aussi entendu les quolibets, parfois cinglants, qu'échangeaient le groupe UDF et le groupe UMP.

M. Jean Bardet - ... oui, vraiment peu amènes...

M. le Ministre délégué - Cela vous rappelle des souvenirs communs ? (Sourires sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Idiart - Ces échanges musclés rappelaient surtout les frictions entre le Centre démocrate et l'UNR ! Il y a eu des débats au sein de la majorité plurielle, mais jamais sur le ton que nous avons entendu aujourd'hui.

M. Jean-Pierre Brard - C'est exact.

M. Jean-Louis Idiart - Après l'intervention ferme du groupe UDF, nous avons à nouveau entendu quelques propos brouillons des ministres...

M. Eric Woerth - Comme les vôtres !

M. Jean-Louis Idiart - Je ne fais que rappeler comment se sont déroulées les interventions... Cette discussion générale a démontré qu'il manque un capitaine à ce pays, dirigé par un chef d'Etat qui oublie les promesses faites à ses partenaires étrangers, et par un chef de Gouvernement qui se met dans les difficultés pour tenir les promesses électorales du Président de la République tout en tançant l'Europe que le même chef de l'Etat s'attache, pendant ce temps, à séduire...

Mais quand tous les arguments déjà rebattus auront été usés jusqu'à la corde - les prédécesseurs, l'Europe - il faudra bien admettre la responsabilité de ses actes, et partir.

Nous sommes déjà bien loin des déclarations guerrières entendues, l'année dernière au sein d'une commission des finances enthousiaste au point d'applaudir ses ministres ! On nous expliquait que la réduction de l'impôt entraînerait au-to-ma-ti-que-ment l'accélération de la croissance, et que le déficit allait fondre puisque les dépenses allaient diminuer. C'était Schwarzy en Californie, les biceps en moins ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Aujourd'hui, finies les rodomontades, le retour aux réalités est moins glorieux car la croissance n'est pas au rendez-vous ; pire, elle est partie.

Vous avez réduit les dépenses, et c'est, paraît-il, une mesure courageuse. Sans doute l'avions-nous fait aussi, puisque M. Myard se plaint de ce que le ministère des affaires étrangères a vu le nombre de ses agents réduit régulièrement depuis dix ans.

Pour ce qui vous concerne, la suppression d'effectifs s'est faite n'importe comment - et pour les villages et petites villes, c'est un véritable massacre. Les administrations n'hésitent pas à faire payer durement les conséquences de votre politique aux campagnes, et vous laissez faire. Sans doute est-ce votre conception de la déconcentration... Ainsi, Monsieur le ministre, dans votre propre administration, les fermetures de perception succèdent aux suppressions de recettes des finances, sans que l'on daigne prévenir les députés, même s'il s'agit de bâtiments flambant neufs et même si, comme c'est le cas en Haute-Garonne, l'évolution prévisible de l'activité industrielle conduira immanquablement à devoir faire de nouveaux investissements. Est-ce rationnel ?

Dans une lettre aux maires de mon secteur, le trésorier-payeur général de la région Midi-Pyrénées leur annonce la fusion des trésoreries de deux cantons : c'est « après une mûre réflexion personnelle » qu'il a « désiré entamer cette démarche »... Il invoque les difficultés qui lui semblent résulter de la dualité des perceptions, et les raisons techniques de les fusionner - parmi lesquelles l'arrivée prochaine d'applications informatiques complexes, exigeant des compétences spécialisées. Sur le même territoire on ferme la recette des finances, supprimant une quinzaine d'emplois, dont sans doute ce territoire n'avait pas besoin... Et on apprend tout cela par la rumeur.

Comme par hasard c'est dans les mêmes territoires qu'on ferme des succursales de la Banque de France, et qu'on en vide d'autres de leurs caisses. Bien sûr cela n'arrive pas chez M. Goulard, qui est partisan de ces fermetures avec d'autant plus de rigueur qu'il n'est pas concerné... En Midi-Pyrénées, de nombreuses succursales vont fermer, d'autres perdront leurs caisses : il ne restera que trois caisses pour nos huit départements.

La commission des finances, dont la majorité est favorable aux réductions d'effectifs, a cependant demandé des redéploiements en faveur des petites villes, afin que tout ne soit pas recentré sur les capitales régionales : elle n'a pas été écoutée. En Midi-Pyrénées, il n'y a pas un seul cas où l'on ait choisi de renforcer une ville moyenne. On l'a fait à Remiremont dans les Vosges, chez le président du Sénat ; mais sur nos huit départements on n'a pas trouvé le moyen de faire un seul petit redéploiement !

Nous nous sommes adressés au président de la commission des finances pour demander que le gouverneur sortant de la Banque de France veuille bien nous rencontrer.

Il est vrai que ce gouverneur quitte notre pays, et qu'il a déclaré lui-même au Parlement européen : « I am not a Frenchman »...

M. Michel Bouvard - Propos scandaleux !

M. Jean-Louis Idiart - Il se soucie donc peu, désormais, de ce qui se passe sur notre territoire. Ce qui ne l'empêche pas de nous inviter à manger, ce qui est cavalier après avoir refusé de répondre à nos questions : nous n'irons pas...

M. Jean-Pierre Brard - Il n'a plus que des « Bockwurst » à offrir !

M. Jean-Louis Idiart - Pour la Poste, après avoir entendu Mme Fontaine cet après-midi, nous sommes encore plus inquiets. Elle nous a proposé en somme de commencer à discuter... après que les choses seront faites. Mais là on comprend ce qui se passe : le lobby des banques est là pour freiner. Pendant ce temps on ferme des bureaux de poste sur les territoires. Quand on y ferme aussi les perceptions, les personnes âgées feront comme elles pourront. C'est une catastrophe pour ces territoires. Et bien sûr, on supprime des personnels, mais on en reconcentre aussi sur les villes. Et quand tout sera fait, Mme Fontaine ouvrira la concertation... Tout cela se cumule ; et puis un jour, comme il n'y a plus grand-chose sur les territoires, il faut aller s'occuper des loups et des ours, puis ce sont les friches, puis les incendies...

Faute d'habitants, des criminels mettent le feu partout, et nos pompiers vont exposer leur vie. Tels sont les processus de désertification. Ils n'ont pas commencé avec vous, Monsieur le ministre, mais ils s'accélèrent aujourd'hui. Car on prend ici des décisions au niveau budgétaire, mais ensuite chacun fait ce qu'il veut sur le terrain - alors que, même en supprimant des postes, on pourrait concevoir autrement la réorganisation des services.

Vous prônez la baisse des impôts, mais certaines surtaxations mettent en danger d'autres services : je parle des bureaux de tabac, en particulier en zone frontalière, qui vont perdre leurs clients au profit d'Andorre ou de l'Espagne. Or, les bureaux de tabac jouent un rôle sur ces territoires ; ils sont notamment des auxiliaires des administrations financières. En outre il faudra maintenant lutter contre la fraude : mais vous supprimez les services des douanes en zone frontalière !

M. Augustin Bonrepaux - Le Gouvernement crée des emplois dans la contrebande !

M. Michel Bouvard - Le centre de coopération police-douanes, créé par le précédent gouvernement à Modane, n'a jamais été doté en personnel !

M. Jean-Louis Idiart - Nous-même avons dû corriger beaucoup de choses en 1997 ! Quoi qu'il en soit, concernant les douanes, il va bien falloir faire quelque chose dans les zones dont je parle.

Sur un plan général, qui croira que vos cadeaux amélioreront la croissance ? Par l'effet de votre politique depuis la mi-2002, la France fait plus mal aujourd'hui que ses partenaires, alors que nous faisions mieux sous la précédente législature. Et notre budget pour 2004 est fait d'injustice sociale et d'impuissance économique. La justice fiscale est bafouée par les cadeaux aux plus aisés. Sur le front de l'emploi, à la baisse des crédits s'ajoute l'abandon des dispositifs fiscaux réellement incitatifs à la création d'emploi ou à l'activité.

Ce budget est celui de l'obstination dans l'erreur. Tous les indicateurs se dégradent, mais rien ne semble vous inquiéter, et vous trouvez toujours des explications extérieures à votre action : l'héritage socialiste, la conjoncture internationale, l'Europe... Le président de la commission nous présentait hier des chiffres qu'il disait incontestables. Comment explique-t-il qu'en 2004 la zone euro devrait connaître une croissance de 0,4 %, mais la France de 0,2 % seulement selon l'INSEE ? Votre seule action revendiquée est la rigueur, ce qui est faux et dangereux. Faux, car les recettes fiscales ne dépendent pas seulement de la conjoncture - surtout quand par ailleurs on se gargarise de ses baisses d'impôts. Dangereux, quand on sabre sans vergogne dans les crédits d'investissement et dans ceux de l'emploi.

A cet égard, il serait utile que, contrairement à l'an dernier, le souci de transparence du ministre du budget se manifeste en temps réel, et que vous renonciez à nous faire voter sur des crédits qui feront l'objet, à peine le budget voté, de gels et d'annulations massifs. Il serait plus respectueux de l'autorisation parlementaire de présenter des plafonds de dépenses nets, en expliquant notamment comment vous répondrez à la demande de la Commission européenne de diminuer le déficit de 0,3 point supplémentaire, ce qui représente des annulations de dépenses de 6 milliards ! Il ne suffit pas, comme M. Carrez hier, de louer la capacité de conviction du ministre de l'économie, en oubliant qu'elle s'appuie sur des concessions !

Face à ce vrai budget de droite, comme le proclame fièrement le rapporteur général, les députés socialistes proposent un ensemble de mesures cohérentes pour la consommation, la justice fiscale et la croissance. Substituer à un prétendu travaillisme des années 1970 un ultralibéralisme des années 1980 ne nous semble en effet pas le signe d'une politique moderne ! Mais avant de présenter ces mesures, je voudrais faire quelques remarques sur le déroulement des réunions de la commission des finances.

Nous aurons assisté à de grands moments de mauvaise foi. Je songe d'abord à l'audace du président de la commission, appelant John Rawls à la rescousse pour justifier le démantèlement de l'ISF. Il se serait sans doute passé d'une telle oraison funèbre ! On peut certes prétendre que tous les individus préféreraient être redevables de l'ISF, mais, s'ils sont appelés à définir quelques principes de justice, je ne pense pas qu'ils souhaitent remettre en cause les impôts progressifs et encore moins les rares qui touchent le patrimoine ! S'il est vrai que, selon Rawls, les seules inégalités souhaitables sont celles qui bénéficient aux moins bien lotis, vous admettrez qu'il est audacieux d'appliquer ce principe à la question de l'ISF, en faisant une nouvelle fois croire aux plus pauvres qu'ils sont les bénéficiaires de sa diminution ! L'hypocrisie n'est pas rendue acceptable par la citation sommaire de grands auteurs. La suppression de la vignette a été excellente pour les faibles revenus.

M. Michel Bouvard - Et pour les propriétaires de Jaguars ?

M. Jean-Louis Idiart - Je constate que c'est toujours d'eux que vous vous préoccupez !

M. Michel Bouvard - Au contraire, j'avais déposé un amendement pour maintenir la vignette sur ce genre de véhicules et vous l'avez rejeté !

M. Jean-Louis Idiart - Sans doute vouliez-vous ainsi parvenir à la simplification administrative, comme vous allez le faire pour la redevance !

Les seules données solides dont nous disposions émanent du ministère de l'économie, mais je ne pense pas qu'elles donnent une vision aussi noire des effets de l'ISF que vous le souhaiteriez. Plus largement, on ne peut qu'être surpris de la sollicitude de la majorité face à la hausse du nombre de redevables de l'ISF. Que ne se soucie-t-elle pas avec la même ardeur de l'augmentation du nombre des chômeurs !

Je songe également aux économies réalisées en commission. Qu'en restera-t-il dans quelques jours ? Pas grand chose, si l'on en croit les ministres concernés... Et que dire de l'accueil réservé à nos propositions ! Baisser l'impôt de quelques uns est positif, mais alléger les prélèvements pesant sur tous ou créer un crédit d'impôt, qui bénéficie aux non imposables, serait inutile et source d'insécurité juridique ! En ce qui concerne nos propositions en faveur du secteur de l'hôtellerie restauration, le rapporteur général, explique que s'il n'a pas d'avis pour l'avenir, il a des regrets pour le passé récent au cours duquel une telle mesure aurait pu être prise. On croit rêver ! Mais c'est le même qui, réclamant en 2000 que la prétendue cagnotte soit « rendue aux Français », accuse le gouvernement de l'époque de ne pas avoir consacré tous les surplus de la croissance à la réduction des déficits...

M. le Ministre délégué - Cela aurait été une meilleure idée !

M. Jean-Louis Idiart - Vous prétendez, vous, rendre de l'argent aux Français par le biais de l'impôt sur le revenu, mais vous le leur reprendrez pour le financement du déficit !

Face à vos propositions dangereuses, nous avons établi un programme clair de retour à la croissance et à l'emploi. Pour la croissance, nous proposons de soutenir la consommation que vous avez laissée s'effondrer en remplaçant la baisse de l'impôt sur le revenu et les nouvelles niches fiscales par le doublement de la prime pour l'emploi et des allègements bénéficiant à tous. Les personnes imposables représentent la moitié la plus aisée de la population, et l'avantage que vous leur consentez croît en même temps que leur revenu. Comment donc le justifier ? Vous prétendez soutenir la consommation, mais il serait beaucoup plus efficace, à coût égal, d'augmenter la PPE ! Elle bénéficie en effet à des ménages dont la propension à consommer est forte, alors que votre mesure ne servira qu'à gonfler un taux d'épargne déjà historiquement haut... Francis Mer a eu la sincérité de reconnaître que cette baisse ne s'était pas traduite, jusqu'à présent, par une hausse de la consommation, mais il attend qu'elle produise son effet.

M. Didier Migaud - Sur la dette !

M. Jean-Louis Idiart - Vos motifs réels transparaissent dans la baisse du taux marginal d'imposition, qui passe en dessous de la barre des 50 %. Vous vous adressez ainsi directement à 1 % des foyers fiscaux, les plus aisés !

Le doublement de la prime pour l'emploi représenterait 2,4 milliards. C'est sans doute élevé, comparativement aux 500 millions que vous avez annoncés - alors que seulement 480 millions sont inscrits. Mais sur ces 500 millions, 150 vont à l'indexation des seuils, 130 au calage avec le Smic et 120 à la mise en place d'un acompte. Ne restent donc que 80 millions pour augmenter réellement le taux de la prime, soit moins que ce qui était prévu par le plan de charge socialiste ! Ces 80 millions sont loin des 500 millions que vous consacrez aux 300 000 redevables de l'ISF... Et encore avez-vous, en visant essentiellement les valeurs mobilières, réussi la performance de favoriser la partie des redevables de l'ISF la plus riche !

A l'inverse, nous proposons des allégements destinés à tous les ménages. Les mesures consacrées à l'emploi à domicile, qui ne concernent que 70 000 familles, devraient être remplacées par un crédit d'impôt. Celui-ci ferait bénéficier les 900 000 ménages qui emploient une personne à domicile sans aucune aide, de 1 100 euros, et serait ainsi bénéfique pour l'emploi. La majorité nous a opposé deux arguments. Le premier est la stabilité de la législation. Mais vous proposez, vous, de relever le plafond ! Le second est que l'esprit de la mesure est d'inciter à déclarer les employés. En d'autres termes, il faut réserver la mesure aux plus riches, sans quoi ils emploieront les mêmes personnes au noir. Où voit-on une incitation à l'emploi ?

La réduction d'impôt pour les frais de dépendance devrait être également remplacée par un crédit d'impôt, qui bénéficierait aussi aux non imposables. Cet amendement a été jugé inutile. Enfin, le cumul de tous les abattements et réductions devrait être plafonné. Cela assurerait un cadre clair et juste et éviterait une difficile chasse aux niches fiscales. Les titulaires de revenus importants n'auraient ainsi plus la possibilité de se livrer à des optimisations fiscales abusives. Par ailleurs, la majorité serait contrainte à plus de transparence. Ainsi, elle ne pourrait plus se glorifier de la baisse des impôts tout en s'en prenant au quotient familial des personnes seules ayant élevé un enfant, qui verront, elles, leur impôt augmenter de 280 €...

Cela éviterait aussi à notre rapporteur général d'avoir à battre en retraite sur des amendements adoptés par la commission concernant le régime fiscal dans les DOM TOM. Car si l'on en croit les déclarations de Mme Girardin, ces amendements auront, au final, une durée de vie assez courte... Qui s'y frotte s'y pique !

Vous prétendez alléger les prélèvements pour favoriser le pouvoir d'achat et l'activité. Nous, nous proposons d'alléger la fiscalité indirecte au profit de tous les ménages. Le Gouvernement ne semble concevoir la fiscalité indirecte que comme un moyen aisé de taxer de façon moins visible l'ensemble des ménages. En cela, elle vient suppléer les tarifs publics, largement augmentés par la droite : je songe notamment à la Poste, à la SNCF, à la RATP. Je pense aussi à l'ensemble des mesures qui s'annoncent dans le PLFSS concernant le forfait hospitalier, les moindres remboursements de médicaments...

Ici, ce sont plutôt les députés de votre majorité qui auront fait preuve d'honnêteté en reconnaissant notamment à l'inverse du Premier ministre, le caractère purement budgétaire de la hausse de la fiscalité sur le gazole. En effet, à partir du moment où les transporteurs en sont exonérés, grâce à un mécanisme de remboursement, alors qu'ils sont les principaux émetteurs, on voit mal comment la mesure serait réellement inspirée par des préoccupations environnementales. Elle est en outre injuste car, prétendument destinée aux transports en commun, elle sera supportée aussi par les automobilistes des départements où il n'existe aucun transport en commun.

M. le Ministre délégué - Vous aviez adopté un plan de réduction des écarts de TIPP.

M. Jean-Louis Idiart - Peut-être cherchez-vous surtout à faire un cadeau à l'UDF puisque cette mesure profitera aux transports, donc à M. de Robien...

Mais, sur le terrain, ce sont souvent ceux qui n'auront pas bénéficié de la réduction de l'impôt sur le revenu qui vont acquitter cette taxe.

M. Jean-Jacques Descamps - Trente euros...

M. Jean-Louis Idiart - Nous voterons tous les amendements destinés à faire obstacle à cette disposition. Mesurons, en effet, l'ampleur de la ponction que vous pratiquez sur le pouvoir d'achat des ménages, quel que soit leur revenu : près de 1 milliard d'euros sur tous les automobilistes roulant avec des moteurs Diesel, soit une facture de près de 40 euros pour chaque automobiliste concerné...

Au total, comment demander aux Français leur confiance, alors que sous un discours de baisse des impôts se masque une réalité de hausse des prélèvements pour les plus nombreux, afin de financer des cadeaux fiscaux à quelques-uns ?

Nous vous offrons l'occasion de retrouver une cohérence, comme le réclame d'ailleurs une partie de votre majorité, et nous vous proposons donc de supprimer cette disposition. Non que vous preniez un réel risque à décevoir ainsi une partie de votre majorité : quel que soit le bruit fait par nos collègues de l'UDF, vous n'avez pas à craindre un vote négatif.

Mais si le but est bien de soutenir le pouvoir d'achat de tous, la fiscalité indirecte doit être mobilisée, ce qui passe par des baisses ciblées de TVA. Si l'on veut échapper à la démagogie qui vous guide concernant la TVA sur la restauration, elles doivent au minimum respecter les annexes K et H de la directive TVA. C'est ainsi que nous proposerons l'application du taux réduit pour les droits d'accès aux installations sportives, ainsi que pour les frais d'obsèques qui peuvent représenter une lourde charge pour des familles modestes.

M. Didier Migaud - Voilà une mesure de justice !

M. Jean-Louis Idiart - J'en reviens à la confiance que M. Lambert réclamait hier. Pensez-vous réellement, Monsieur le ministre, que vous susciterez la confiance des restaurateurs et de tous les Français, en poursuivant dans la voie de la casuistique ? Vous avez réussi hier un fort joli balancement en indiquant que vous étiez très confiant pour la prolongation des baisses de taux de TVA de la précédente législature, dont les effets positifs sont avérés. « Concernant la TVA sur la restauration, l'engagement figure dans le budget », avez-vous ajouté. Cela permettrait de faire suivre un accord de nos partenaires européens d'une traduction législative en France. Mais le problème vient justement de la faible probabilité de cet accord...

M. Michel Bouvard - C'est quand même mieux que ce que disait M. Sautter...

M. Jean-Louis Idiart - Mais nous, nous disions clairement non aux restaurateurs !

Pour revenir aux baisses de TVA « eurocompatibles » pour reprendre le joli néologisme utilisé en son temps par Didier Migaud...

M. Michel Bouvard - C'est Radio Nostalgie... (Sourires)

M. Jean-Louis Idiart - ...nous proposerons aussi une baisse du taux de TVA sur les réparations de bicyclettes. Cela me permet d'en venir à un pan totalement négligé, la fiscalité écologique. Nous avions su instituer des dispositifs fiscaux incitant à la protection de l'environnement,...

M. Michel Bouvard - La TIPP sur le gazole...

M. Jean-Louis Idiart - ...le gouvernement actuel ne propose rien de neuf et se contente de prolonger l'application de ces mesures.

Pour respecter les engagements de la France au niveau international et améliorer le cadre de vie de tous, il est pourtant indispensable de renforcer les dispositions existantes. C'est la raison pour laquelle nous vous proposerons également d'augmenter les crédits d'impôts relatifs aux véhicules propres, aux travaux permettant d'améliorer « l'efficacité environnementale » des logements ou d'installer des sources d'énergie domestique plus respectueuses de l'environnement.

Enfin, la « budgétisation » de la redevance, si tant est que vous parveniez à faire que votre majorité décide effectivement de prolonger sans modification cet impôt injuste, archaïque et coûteux à collecter, doit être au moins l'occasion d'élargir les exonérations au profit des personnes âgées et modestes que nous avions introduites. Nous proposerons ainsi une exonération pour les personnes âgées non imposables de plus de 60 ans, pour les allocataires du RMI et pour les titulaires de la PPE.

Autre grand volet de votre budget pour lequel vous devriez accepter de retravailler votre texte en commission et de prendre en compte les amendements du groupe socialiste, la fiscalité et les finances locales. L'Etat doit assurer aux collectivités locales des moyens financiers suffisants pour remplir leurs missions, et les nouveaux transferts de compétences ne doivent pas être l'occasion d'augmenter la charge fiscale locale, d'autant que les impôts locaux sont plus injustes que l'impôt sur le revenu.

L'inscription dans la Constitution d'un principe d'autonomie financière des collectivités locales pourrait laisser croire que vous pensez comme nous. Mais, encore une fois, vous ne méritez pas la confiance des Français : même les élus de votre majorité, au Sénat, dénoncent à demi-mot la décentralisation des déficits.

M. Didier Migaud - Le Président de notre assemblée aussi...

M. Jean-Louis Idiart - D'ailleurs, après les déclarations enthousiastes de votre majorité sur la « déliaison » des taux des impositions locales engagée l'année dernière, la tendance est cette année à la prudence, ou plutôt à l'immobilisme. Nous pensons que les observations du MEDEF et sa crainte de voir les taux de la taxe professionnelle largement sollicités par les collectivités locales ne sont pas étrangères à ce nouvel état d'esprit.

Les députés socialistes proposeront la suppression de l'article transférant aux départements une part du produit de la TIPP sans aucune indexation prévue, en compensation du futur transfert du RMI. Conformément au principe désormais constitutionnel d'autonomie financière, cette imposition devrait être transférée, avec la liberté pour les départements de voter les taux.

C'est aussi dans ce cadre que nous proposons le transfert immédiat aux départements de la taxe sur les conventions d'assurance. En effet, comment ne pas voir que le transfert d'une allocation dont le coût est susceptible d'augmenter fortement en cas de ralentissement ne peut être gagé sur le transfert d'un produit qui varie en sens inverse. La consommation de produits pétroliers, donc le produit de TIPP, a augmenté en période de reprise et baissé en période de récession.

Pire, vous organisez ce transfert alors que vos propres décisions, notamment la désastreuse réforme de l'accès à l'ASS, vont conduire à une explosion du nombre d'allocataires du RMI.

Enfin, nous vous proposons, et le rapporteur général lui-même a reconnu en commission que nos amendements permettraient d'améliorer la situation des collectivités les plus défavorisées, d'indexer le contrat de croissance avec les collectivités sur la moitié de la progression du PIB, au lieu de 33 % actuellement, et de majorer de 3 % la DSU et la DSR.

Monsieur le ministre, vous qui sembliez penser hier, que « la seule mesure qui fait débat est celle relative à la TIPP gazole », je pense que cette motion vous aura prouvé que votre vision était largement erronée.

Nous sommes donc à votre entière disposition pour vous permettre, par un retour en commission, de vous ressaisir. Comme le disait hier M. Carrez, si l'erreur est humaine, la persévérance est diabolique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. Charles de Courson - Renvoyer en commission un projet de loi de finances n'est pas sérieux, ne serait-ce qu'en raison des délais constitutionnels. Quant au fond, M. Idiart a la mémoire sélective, puisqu'il nous reproche aujourd'hui ce qu'il a soutenu hier. Pour ces raisons, le groupe UDF votera contre la motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Augustin Bonrepaux - La démonstration de M. Idiart est convaincante, car elle démontre qu'avec les mêmes moyens, on pourrait mener une politique différente : qu'au lieu de favoriser les plus aisés, on pourrait en faire profiter les plus modestes, et, à partir de la redistribution, relancer la croissance.

Le groupe socialiste votera donc le renvoi en commission.

M. Didier Migaud - Le silence de la commission est assourdissant !

M. Jean-Pierre Brard - La démonstration de M. Idiart fut intéressante, méticuleuse, éloquente...

M. Xavier Bertrand - Assommante !

M. Jean-Pierre Brard - Parce que vous n'aviez pas branché votre sonotone ! Jean-Louis Idiart a parlé de ce que le Gouvernement actuel aime nommer « la France d'en bas », avec un brin de condescendance. Loin de tout exposé technocratique, il nous a montré la vie réelle. Or, quel est le sens d'un budget incapable de régler les problèmes de la vie quotidienne ?

Dans votre projet de loi de finances, tout est à reprendre de A à Z, y compris en matière de fiscalité locale. Vous avez à nouveau incriminé l'APA et les 35 heures, mais prenez l'exemple de ma commune où, rejetant une politique inhumaine, nous avons refusé de mettre un terme aux emplois-jeunes et les avons pris en charge. Oui, c'est un choix politique, et nous l'assumons, en dénonçant les responsables de ce transfert de charges.

Monsieur le ministre, vous avez égrené hier toute une série de mesures pour montrer votre générosité distributive, mais, comme à la veille de Noël, on gâte davantage les préférés, même si les plus modestes ne repartent pas sans rien. Et encore ! Les non assujettis à l'impôt sur le revenu ne sont pas concernés. Certes, il y a la PPE. Un euro par mois, direz-vous, c'est mieux que rien. Oui, c'est trois fois rien !

Revenons-en à votre maître à penser, et permettez-moi de citer un passage de l'ouvrage Pour une nouvelle gouvernance, de M. Raffarin.

« Faut-il partager l'optimisme de Jean Marie Messier, se demande-t-il, lorsqu'il déclare que cette nouvelle économie naît plus dans des garages que dans des ministères. Émanant d'une personnalité qui a forgé son destin au cabinet d'Edouard Balladur lorsque ce dernier était le ministre des finances de Jacques Chirac, cette remarque témoigne d'une certaine lucidité, alors même que son groupe Vivendi est devenu un acteur majeur de la nouvelle économie ». Certains d'entre vous regardent leurs chaussures : faire de M. Messier une référence, il fallait oser ! Vous parlez d'équité, alors qu'une étude vient de révéler que les vingt dirigeants les mieux payés de France ont bénéficié en moyenne d'une augmentation de 20,75 % l'an dernier, malgré l'effondrement des cours et de certains résultats. Selon le cabinet Proxinvest, 39 des principaux PDG touchent en moyenne 7,4 millions d'euros, soit 554 fois le Smic. Et vous baissez encore le taux marginal de l'impôt !

Il y a d'un côté ceux qui défendent les privilèges et de l'autre ceux qui défendent des millions de salariés modestes ou ceux qui n'ont pas de travail.

Pour vous donner la possibilité de vous ressaisir, il faut retourner en commission (M. de Courson s'exclame).

M. de Courson me fait penser à Stanislavski. Il essaie de noyer le poisson, après le coup de colère de M. Bayrou il a honte !

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin jeudi 16 octobre,
à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 15.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 16 OCTOBRE 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093).

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Rapport n° 1110)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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