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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 8ème jour de séance, 19ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 16 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 - première partie - 2

      ARTICLE PREMIER 2

      ART. 2 7

      FIN D'UNE MISSION TEMPORAIRE 22

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2004 - première partie -

L'ordre du jour appelle la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2004.

M. le Président - J'appelle maintenant dans le texte du Gouvernement les articles de la première partie.

ARTICLE PREMIER

M. Didier Migaud - Nous nous sommes inscrits sur cet article en raison de votre refus d'organiser le débat sur les prélèvements obligatoires que le groupe socialiste avait demandé comme l'y autorise la nouvelle loi organique.

Pourquoi donc le Gouvernement et la majorité refusent-ils ce débat alors qu'ils ne cessent d'expliquer - à la télévision, à la radio, dans les journaux - que les impôts baissent ?

Il est facile de parler sans contradicteur. Nous souhaitons donc ce matin vous entendre vous expliquer et prendre des engagements solennels pour l'avenir. Ainsi pourrons-nous, conformément à l'esprit de la nouvelle loi organique, vérifier la véracité de vos prévisions.

Nous estimons que la baisse des impôts est une complète fiction pour la majorité de nos concitoyens. Si on est riche et bien portant, on bénéficiera certes des mesures fiscales prévues par le gouvernement Raffarin, confirmant en cela que votre sigle signifie bien « Union pour une minorité de privilégiés ». Mais pour tous les autres, 2004 ne sera qu'une longue et douloureuse succession de hausses dont le Gouvernement sera directement ou indirectement responsable. Savoir sur quels ménages porteront les hausses et baisses d'impôts et si le montant des premières dépassera celui des secondes est donc indispensable.

Les impôts vont augmenter pour le plus grand nombre : taxe sur le gazole, droits sur le tabac, impôts locaux, forfait hospitalier, cotisations complémentaires santé, tarifs publics... sans compter les hausses prévisibles après les élections de 2004.

Bien que le Gouvernement admette enfin que sa politique fiscale ne vise pas à encourager la consommation, il reconnaît dans le rapport économique et financier que « l'évolution de la confiance des ménages, et plus généralement de leur consommation, sera un déterminant crucial du profil de l'activité ». C'est presque une « raffarinade » - comprenez une banalité, une évidence : sans soutien de la demande, il est peu probable que la croissance redémarre. Il est donc tout bonnement incompréhensible que le Gouvernement prenne délibérément le risque de tuer la reprise dans l'_uf. C'est incohérent et c'est injuste.

Votre rapport sur l'évolution des prélèvements obligatoires nous promet une baisse de 0,2 point de PIB du taux de ces prélèvements en 2004. Mais cette prévision n'intègre pas les augmentations de la fiscalité locale, ce qui est étrange et inquiétant quand le Gouvernement annonce que des hausses de taux couplées à des bases dynamiques conduiront à une forte augmentation des impôts locaux.

Quelles sont les conséquences de vos mesures sur le taux des prélèvements obligatoires ? Selon le graphique 6 de la page 14 de votre rapport, les mesures nouvelles conduiront à augmenter le taux des prélèvements obligatoires de 0,2 point de PIB, soit 3,2 milliards d'euros. Sans ces mesures nouvelles, expliquez-vous, les prélèvements obligatoires diminueraient spontanément de 0,4 point de PIB en raison de l'absence de croissance.

M. le Président - Monsieur Migaud...

M. Didier Migaud - L'action du Gouvernement va contrarier cette évolution spontanée, avant prise en compte des hausses d'impôts locaux et des mesures douloureuses attendues sur la sécurité sociale après les élections de 2004.

M. le Président - Il faut conclure.

M. Didier Migaud - Non seulement la baisse des impôts est une fiction, mais leur hausse sera même une triste réalité pour la majorité des ménages en 2004. Je vous donne rendez-vous l'année prochaine, Monsieur le ministre ! Vous ne croyez du reste pas beaucoup vous-même à la baisse du taux des prélèvements obligatoires : vous prévoyez pratiquement sa stabilisation d'ici à 2007.

Vos réponses aux questions précises que je pose nous permettront de juger la sincérité de vos prévisions. Quels engagements de réduction du déficit le Gouvernement a-t-il donc pris à Bruxelles pour obtenir de la Commission un délai supplémentaire ? Pouvez-vous aujourd'hui nous assurer qu'il n'y aura, en 2004, ni hausse de la CSG, ni mesure douloureuse touchant à la fiscalité de l'Etat ou à la sécurité sociale ?

M. Philippe Auberger - Et pourquoi pas à la fiscalité locale, pendant que vous y êtes !

M. Didier Migaud - Je suis choqué que la Conférence des présidents ait refusé la tenue d'un débat sur le niveau des prélèvements obligatoires, méconnaissant ainsi un droit reconnu à l'opposition par la nouvelle loi organique. Vous nous permettrez donc, Monsieur le Président, de dépasser quelque peu notre temps de parole. Car enfin il faut bien que nous dénoncions les contradictions du Gouvernement : la majorité de nos concitoyens subira bien une hausse, injuste, des impôts.

M. le Président - Je n'ai pas d'objection à ce que le débat se poursuive au-delà du temps prévu. Mais vous comprendrez que cela ne puisse être la règle. Évitez donc de répéter trois ou quatre fois la même chose...

M. Jean-Pierre Brard - La répétition est la quintessence de la pédagogie !

M. Augustin Bonrepaux - Il est normal que nous répétions nos arguments puisque le Gouvernement esquive le débat sur le niveau des prélèvements obligatoires. Il est vrai qu'il n'y serait pas à son avantage, les prélèvements n'ayant quasiment pas diminué entre 2002 et 2003. Vous avez certes réduit l'impôt sur le revenu, pourtant le plus juste, mais dans le même temps augmenté de fait la TIPP, en supprimant la TIPP flottante, ou bien encore les taxes sur le tabac - ce qui n'est d'ailleurs pas sans inquiéter les élus de l'UMP, car cette hausse risque de leur coûter cher sur le plan électoral alors même qu'elle n'aura pas produit les recettes escomptées. Quant à la hausse des impôts locaux, particulièrement forte en 2003, vous l'imputez à la gauche. Avec vous, c'est toujours la faute à quelqu'un d'autre ! Mais que je sache, la commune de Strasbourg n'est pas gérée par la gauche,...

M. Eric Woerth - Elle l'était !

M. Augustin Bonrepaux - ... elle a pourtant fortement augmenté ses impôts.

M. Philippe Auberger - Et Montreuil ?

M. Augustin Bonrepaux - Vous nous expliquez que tout cela est la faute de l'APA. Mais, à ma connaissance, les communes n'ont pas compétence en ce domaine. Si Strasbourg, comme de nombreuses autres communes de droite, ont augmenté leurs impôts, c'est pour pallier la suppression des subventions d'investissement de l'Etat. Les communes rurales aussi ont été obligées de se substituer à l'Etat, quand celui-ci réduit de 60 % les crédits du FNDAE.

Même refrain pour les départements : s'ils ont augmenté leurs impôts, c'est la faute à la gauche et au précédent gouvernement. APA, 35 heures, SDIS : c'est votre litanie.

M. Eric Woerth - C'est vrai !

M. Augustin Bonrepaux - Mais le Gard, les Bouches-du-Rhône, la Nièvre, - gérés par la gauche - qui n'ont pas augmenté leur fiscalité étaient-ils été dispensés de l'APA, des 35 heures ou de la réforme des SDIS ? L'Ille-et-Vilaine, chère au c_ur de M. Méhaignerie, n'est pas des plus exemplaires, ayant augmenté ses impôts de 9,9 % quand le Finistère et les Côtes-d'Armor parvenaient à limiter la hausse à 5 %, et l'Ariège à 6 %.

Si l'APA constitue la charge considérable que vous dites, ayez le courage d'en demander la suppression ! Sans l'APA, les conséquences de la canicule de cet été auraient été bien plus dramatiques encore. Vous devriez d'ailleurs avoir des remords de l'avoir restreinte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous avez tellement inquiété les gens qu'ils n'ont parfois pas osé faire de demande.

M. Michel Bouvard - Ce qui limite le développement de l'APA, ce sont les 35 heures et le manque de personnels formés.

M. Augustin Bonrepaux - Oserez-vous toucher à l'APA quand dans le même temps vous dites souhaiter un grand plan en faveur des personnes âgées ? Nous, nous avions créé de nouveaux emplois, de nouveaux services...

M. Michel Bouvard - Non financés !

M. Augustin Bonrepaux - Le montant des économies que vous avez réalisées sur l'APA est à peu près le même que celui des baisses d'impôts accordées aux assujettis à l'ISF.

M. Jean-Louis Idiart - On commence de voir maintenant nettement les conséquences des baisses d'impôts prônées depuis la campagne présidentielle. Les caisses de l'Etat se vident, alors même que ne profitent de ces baisses que quelques catégories privilégiées de la population. Nous le constatons dans nos circonscriptions, la plupart des gens n'en ont pas vu grand-chose sur leur feuille d'impôts. En revanche, ils voient bien que l'Etat se désengage de domaines essentiels.

Vous nous expliquez que, devant le succès rencontré par l'APA, les crédits sont insuffisants.

M. Michel Bouvard - C'est vrai !

M. Jean-Louis Idiart - Pourtant, vous avez choisi de diminuer l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire de faire un cadeau aux ménages les plus favorisés.

Pour ce qui est des impôts locaux, certains présidents de conseils généraux de droite ont, semble-t-il, profité de l'aubaine du contexte pour augmenter fortement leur fiscalité. Vous devriez inviter vos élus locaux à plus de discipline et de solidarité avec le Gouvernement car il est clair que la droite ne fait pas sur le terrain ce qu'elle dit ici vouloir faire !

Vous aimez à comparer le niveau de l'impôt en France et dans les autres pays européens, en Allemagne en particulier. Mais vous savez pertinemment que l'assiette de l'impôt sur le revenu et la part de celui-ci dans le PIB sont beaucoup plus larges outre-Rhin.

Quant à la TVA, parlons-en. Sans revenir même sur l'augmentation de deux points à laquelle vous aviez eu recours en 1995, jamais depuis vous n'avez envisagé d'en réduire le taux, que nous avions, nous abaissé d'un point (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Bref, vous essayez de faire croire que vous réduisez les impôts, alors qu'il n'en est rien au total. La baisse de l'impôt sur le revenu a eu un effet nul sur la consommation. Elle ne pourrait d'ailleurs y avoir quelque incidence que si elle était poursuivie pendant de nombreuses années.

M. Eric Woerth - C'est ce que nous allons faire.

M. Jean-Louis Idiart - Nous souhaitons, nous, pouvoir suivre précisément l'évolution des prélèvements obligatoires et donc que soit organisé ici un débat annuel sur le sujet.

M. Jean-Claude Sandrier - L'article premier qui autorise l'Etat à percevoir l'impôt ne devrait pas soulever de problème. Mais il faut aller plus loin et analyser la nature des impôts. L'impôt sur le revenu est le plus juste du fait de sa progressivité. Or, 30 % des baisses accordées profiteront à seulement 1 % des contribuables. De surcroît, il n'est pas démontré que cette mesure ait un effet économique positif. Notre collègue Auberger a d'ailleurs déclaré que les baisses d'impôt n'encourageaient peut-être pas la consommation immédiate, mais l'épargne, qui est une consommation différée.

M. Philippe Auberger - C'est vrai !

M. Jean-Claude Sandrier - Dans ce cas, il faudra aussi différer le retour de la croissance que vous annoncez.

Pour relancer l'activité, il faut agir sur la consommation des ménages, mais aussi sur les investissements.

M. Philippe Auberger - Et les exportations !

M. Jean-Claude Sandrier - Je n'oublie pas l'investissement public, que vous n'aidez pas.

Il nous est difficile de voter l'autorisation de percevoir moins d'impôt chez les plus riches : cette mesure n'est guère conforme à l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme.

M. Jean-Pierre Brard - Le débat qui nous oppose, ce n'est pas de savoir comment percevoir l'impôt, mais quel impôt percevoir. Aujourd'hui, je me sens l'âme d'un Jacquou le Croquant.

M. Philippe Auberger - Quel aveu !

M. Jean-Pierre Brard - Il n'y a pas de quoi en être fier. Nous sommes dans cette filiation, comme vous êtes dans celle des privilégiés.

Le 4 mars 1789, les habitants de la ville d'Issigeac rédigeaient leur cahier de doléances, dont voici quelques extraits : « Hâtons-nous donc à faire parvenire au meilleur et au plus justes de nos roys nos pleintes et nos doléances. Que depuis longtemps, Sire, le Tiers Etats de cette ville et parroisse gemite sous le poix acablant de l'impôt publiques, sans avoir jamais pu, par des justes remontrances, les faire alléger. De la vient principalement nos malheurs et nos détraisses ; les beaux arts sont ici enfouis, le commerce languit et est sans vigueur ; les métiers de toutes espèces sont dans l'inaction et l'agriculture se ralentyt de plus en plus ; car bientôt nos malheurs parviendront à leur comble cy Sa Majesté bienfaisante n'y remédie promptement ; nous l'attendons, Sire, se remède eficasse pour soulager nos maux.

« La départition de l'ympot tant sur les nobles, sur le clergé et les privilégiés que sur le Tiers Etats proportionée aux propriété et facultés, est un des plus puissant remède pour soulager nos maux... Un impôt commun entre les trois ordres, justement départi, rétablirait les finances, ferait prospérer le royaume et les sujets.

« Mais cette départition ne devrait pas être au seul caprices des commissaires : la liberté de s'imposer proportionnellement est encore un moyens.

« Les abus que les loix civiles et criminelles ont introduit merittent encore d'être réformés en simplifiant les loix civiles et criminelles afin que les sujets ne fussent plus exposés à consumer leurs fortune par des procédures sans fin et que les accuzés fussent libre de justifier leur innosances.

« Voilà nos plaintes, nos doléances et nos v_ux. En conséquence nous enjoignons nos députés de demander que le clergé et la noblesse payeront l'impôt, de même que les privilégiés, relativement à leurs possessions, et qu'en conséquence les privilèges des villes soient détruits ; que la corvées se lève par l'impôt sur tous les contribuables ; une taxe provisoire pour tenir lieu à l'impôt de tous privilégiés pour cette année seulement. »

M. Daniel Garrigue - Peut-on parler des problèmes d'aujourd'hui ?

M. Jean-Pierre Brard - C'est chez vous, Monsieur Garrigue, que ce cahier de doléances a été rédigé. Voyez comme vos ancêtres avaient l'esprit avancé. Vous ne leur êtes guère fidèle !

M. Charles de Courson - L'abolition des privilèges est votée depuis longtemps.

M. Jean-Pierre Brard - Je comprends, Monsieur de Courson, que ce texte vous émeuve encore. Notre débat est dans le droit fil de celui qui passionna nos ancêtres. Ecoutez ce qu'écrivaient les habitants de la paroisse de Saulchery, dans les environs de Château-Thierry : « Le meilleur moyen de répartition de l'impôt consisterait à obliger chaque particulier à faire une déclaration exacte de tout ce qu'il possède, faire une masse de tout et répartir la masse des impositions proportionnellement ».

Cette volonté de justice fiscale a abouti à la progressivité de l'impôt, tandis que les ancêtres de nos collègues de droite ont désiré revenir en arrière.

Pour vous, l'impôt sur le revenu s'oppose aux principes d'égalité et de liberté. Il donnerait aux agents des impôts chargés de l'évaluation du revenu global des contribuables des pouvoirs comparables à ceux des commissaires aux tailles du XVIIIe siècle.

Il m'a paru pédagogique d'inscrire notre débat dans une perspective historique. Quand on ignore d'où on vient, on ne sait où on va. Nos concitoyens doivent comprendre où vous les emmenez.

M. Charles de Courson - Vous n'êtes même plus drôle.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Je souhaite que ce débat ait lieu dans les meilleures conditions. Je ne m'arrêterai pas sur les interventions dilatoires, mais je veux répondre aux questions de fond posées par M. Migaud.

S'agissant de l'application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances, nous avons tant travaillé, vous et moi, à l'adoption de ce texte, qu'il nous faut maintenant nous montrer dignes de ce travail.

Cette loi nous oblige à insérer dans le calendrier parlementaire un débat d'orientation budgétaire qui doit avoir lieu avant le 30 juin et l'examen de la loi de règlement avant celui de la loi de finances. A ces discussions s'ajoutent un débat éventuel sur les prélèvements obligatoires, l'examen du projet de loi de finances lui-même et celui du collectif. Comme nous ne pouvons monopoliser l'ordre du jour, il faut nous montrer raisonnables, notamment en nous astreignant à une plus grande concision dans les discours.

Par ailleurs, vous pouvez désapprouver la politique du Gouvernement, mais ne nous soupçonnez pas d'intentions inavouables. Vous pensez que nous vous cachons une augmentation future de la fiscalité. Or, je l'ai dit, la France ne souffre pas d'une insuffisance de l'impôt, mais d'un excès de dépenses. Je m'opposerai donc à toute augmentation de la fiscalité. Si je ne le faisais pas, ce serait accepter une hausse permanente et ininterrompue des impôts.

Le Gouvernement reste serein et il maintient le cap. Je crois en la capacité de la France à saisir la reprise qui s'annonce. D'autres auraient peut-être hésité, changé de cap : ce n'est pas notre cas.

Vous prétendez que nous diminuons l'impôt des riches. Les 17 millions de foyers qui vont bénéficier de la baisse de l'impôt sur le revenu sont donc riches. Les 8,5 millions de bénéficiaires de la prime pour l'emploi seront heureux d'apprendre que vous les considérez comme tels.

Notre politique vise à rendre l'impôt plus juste en reconnaissant le travail. L'impôt sur le revenu baissera de 10 % entre 2002 et 2004. Pour un salarié rémunéré au SMIC, le gain total sera de 940 euros : ce n'est pas une petite somme. Les Français ont compris que la baisse des impôts était une réalité, malgré la hausse de la taxe sur le gazole, dont nous reparlerons.

Si la Commission européenne a accordé un délai supplémentaire à la France, c'est parce qu'elle a reconnu que la situation s'était dégradée dans l'ensemble de l'Europe et que le seuil des 3 % dès 2004 était irréaliste.

Monsieur Bonrepaux, l'augmentation de la fiscalité locale est due à l'APA et aux 35 heures et c'est vrai qu'elle frappe douloureusement les communes et les départements.

En ce qui concerne le FNDAE, nous n'avons pas réduit les crédits mais tenu compte des reports et supprimé une ressource contraire à la loi organique.

Monsieur Brard, vous avez raison : trop d'impôt tue l'impôt ! Notre budget est donc un excellent antidote au risque de révolution que vous évoquez, même si grâce à l'Assemblée nous n'avons pas besoin d'Etats généraux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Didier Migaud - Je vous remercie, Monsieur le ministre, du ton courtois et constructif que vous employez dans ce débat. Mais évitez de nous accuser des pires maux ! A vous entendre, si nous revenions au pouvoir, nous augmenterions les impôts. Mais je vous rappelle que le taux des prélèvements obligatoires, qui était de 45,4 en 1999, est tombé à 43,9 en 2002 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Vous nous annoncez des taux de 43,8 en 2003 et 43,6 en 2004, mais ils ne sont guère réalistes. Nous nous étions, pour notre part, efforcés de satisfaire les besoins collectifs de la société tout en revenant sur les augmentations d'impôts décidées par les gouvernements de MM. Balladur et Juppé entre 1993 et 1997 (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Edouard Balladur - Des précisions !

M. Didier Migaud - Une question, Monsieur le ministre : pourquoi ne prenez-vous pas en compte l'augmentation de la fiscalité locale dans vos prévisions ? On sait parfaitement qu'elle aura lieu et donc la légère baisse des prélèvements obligatoires que vous annoncez ne se produira pas.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le ministre, vous êtes fort habile - ne vous en défendez pas !

M. le Ministre délégué - Je me méfie des compliments !

M. Jean-Pierre Brard - Vous avez bien raison, surtout quand ils viennent de l'UDF d'ailleurs ! (Sourires sur divers bancs) Vous évoquez les 17 millions de Français qui vont bénéficier d'une baisse de l'impôt sur le revenu : mais vous ne parlez pas des 10 millions de Français qui ne sont pas assujettis à l'impôt, et surtout vous mettez dans le même sac ceux qui ne vont récupérer que quelques piécettes et ceux que vous avantagez fortement. J'en citerai deux exemples. M. Linsay Owen-Jones a vu ses revenus augmenter de 12,8 % en 2002...

M. Philippe Auberger - C'est le retour de Mme Bettencourt !

M. Jean-Pierre Brard - ...c'est mieux que l'augmentation du SMIC - mais cela porte sur la somme de 6 millions d'euros ! Ne serait-il pas légitime de faire contribuer un peu plus M. Owen-Jones ? Il sera, au contraire, de ceux qui vont le plus bénéficier de vos cadeaux.

Autre exemple, M. Jean-René Fourtou a obtenu, pour prendre les rênes de Vivendi, un salaire annuel d'un million d'euros - une misère, comparé à Jean-Marie Messier ! Mais s'y ajoutent un million d'options d'achat d'actions au prix unitaire de 12,10 €, de sorte que sa plus-value potentielle atteint déjà 5 millions d'euros !

Nous voilà revenus au Second Empire et aux faveurs pour les privilégiés qui boursicotent.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Hervé Novelli - Avec cet article 2, le Gouvernement poursuit le processus de baisse de l'impôt sur le revenu. C'est indispensable car cela contribue à la baisse des prélèvements obligatoires, qui avaient atteint, sous le gouvernement de Lionel Jospin, le niveau historique de 44,7 %. Il devrait revenir à 43,8 % en 2003 et à 43,6 % en 2004 (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Mais beaucoup de chemin reste à faire car la France est bien au-dessus de la moyenne européenne, qui est de 40 %. Donc baisser le taux de l'impôt sur le revenu, c'est bien. Mais réformer globalement notre fiscalité, ce serait encore mieux ! Depuis des années, les rapports sur la fiscalité s'accumulent, dont ceux, remarquables, réalisés par le Conseil national des impôts. Tous réclament une réforme pour rendre notre système plus moderne, plus neutre, plus juste et plus simple. Mais ces rapports sont restés lettre morte.

Pourtant, autour de nous, d'autres pays ont engagé la réforme de leur fiscalité et ce sont précisément ceux-là qui enregistrent les meilleurs résultats économiques.

Je suis convaincu que la France doit suivre cette voie et c'est au Parlement, aujourd'hui, d'en prendre l'initiative. C'est la prérogative du Parlement que de lever l'impôt ; rappelons que l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme reconnaissait aux citoyens et à leurs représentants le pouvoir de déterminer l'assiette et le taux des contributions publiques et d'en suivre l'emploi.

C'est pourquoi je présenterai un amendement tendant à créer une commission parlementaire de réforme de l'impôt. Elle devra travailler sur l'impôt sur le revenu, mais également sur la fiscalité du patrimoine et sur la CSG dont le rendement est aujourd'hui supérieur à celui de l'impôt sur le revenu.

Cette commission pourrait s'inspirer des remarquables travaux réalisés récemment sous l'égide d'Edouard Balladur, qui proposent une réforme pour rendre responsabilité, cohérence et simplicité à notre système fiscal.

Notre impôt sur le revenu est en effet déresponsabilisant, un citoyen sur deux ne le paie pas. Il faut réfléchir à sa fusion avec la CSG. La CSG pourrait constituer la première tranche d'un impôt sur le revenu qui serait acquitté par la quasi-totalité des Français et l'impôt sur le revenu devrait comporter quatre tranches au plus. Un système à trois tranches nous remettrait dans la moyenne européenne. Le taux marginal devrait lui aussi être fixé autour de cette moyenne, soit 43 %.

Il faut aussi rendre de la cohérence à notre système fiscal, qui a été fabriqué comme un millefeuille : les impôts et les dérogations s'empilent ; il en résulte un coût de recouvrement deux fois plus élevé que chez nos partenaires. Je laisse à d'autres le soin de parler de l'archaïque redevance.

Enfin, il faut simplifier le système car l'accumulation des dérogations a rendu l'impôt sur le revenu illisible et source d'inégalités. Comme le souligne le dernier rapport du Conseil des impôts, de nombreuses dépenses fiscales ont une efficacité très limitée, pour un coût souvent élevé. Le comité de réforme devrait donc avoir à proposer une réduction du nombre de niches fiscales et une évaluation régulière de leur efficacité au regard d'objectifs clairement fixés par le législateur.

La baisse des prélèvements doit être confortée, mais par une réforme fiscale, en 2004 ou 2005 au plus tard : le Gouvernement a pris le bon cap, malgré une conjoncture très médiocre, mais il nous revient maintenant de l'aider en construisant avec lui un meilleur système (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - En ce qui concerne le taux des prélèvements obligatoires, je veux rappeler que, de 42,9 % en 1993, il était passé, après le passage aux affaires de MM. Balladur et Juppé, à 45 % en 1997 ; il a ensuite baissé sous le précédent gouvernement puisqu'il s'établissait à 43,9 % en 2002. Vous affichez, Monsieur le ministre, 43,8 % en 2003 et 43,6 % en 2004, mais je suis persuadé que ces taux seront dépassés.

A entendre M. Novelli, je doute qu'il ait bien lu le dix-huitième rapport du conseil des impôts, lequel écrit explicitement que « l'imposition des revenus des ménages n'est pas plus élevée en moyenne en France qu'à l'étranger ».

M. François Goulard - « En moyenne » ! Mais l'imposition est plus concentrée qu'ailleurs !

M. Didier Migaud - Le Conseil des impôts souligne que l'OCDE classe la France au quinzième rang pour l'imposition des revenus et au sixième rang si l'on tient compte des cotisations sociales.

Le rapporteur général nous explique qu'il faut baisser l'impôt sur le revenu parce qu'autour de nous tous les pays le font. C'est un peu court comme argument... Au demeurant, le poids de l'impôt sur le revenu dans le PIB est deux fois plus faible en France qu'en Allemagne.

M. François Goulard - Hors CSG !

M. Didier Migaud - M. Carrez oublie aussi de rappeler qu'en Allemagne, l'impôt ne porte pas sur les revenus nets, mais sur les revenus bruts, comportant des cotisations sociales de l'ordre de 15 %. Enfin, il n'y a pas d'abattement de 20 % sur les salaires et l'impôt est prélevé à la source.

Monsieur Novelli, je suis moi aussi partisan d'une réforme fiscale globale, avec fusion de la CSG et de l'IR. Elle mettrait fin au mensonge selon lequel seul un Français sur deux paierait des impôts.

M. François Bayrou - Très bien !

M. Didier Migaud - Tout Français paie la CSG et les impôts indirects que vous augmentez. Une réforme globale nous permettrait de bien clarifier tout cela, alors que la discussion des projets de loi de finances telle que nous la pratiquons ne permet pas d'aborder les problèmes de fond.

Au mois d'août, de nombreux membres de l'UMP nous expliquaient qu'il ne serait pas raisonnable de poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu, compte tenu de la situation des finances publiques. J'avais d'ailleurs cru comprendre cela dans des propos tenus par M. Mer, et M. Méhaignerie avait lui-même été très clair sur le sujet, de même que M. Arthuis. Alors, pourquoi ce changement ? Pourquoi certains membres de l'UMP ne s'expriment-ils pas davantage ? François Bayrou a fait lui aussi des déclarations très justes, même si nous n'approuvons pas sa proposition de poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu. J'espère, Monsieur le ministre, que vous allez enfin répondre à nos interrogations.

M. Augustin Bonrepaux - Monsieur Novelli, il ne faut pas confondre le taux moyen avec une moyenne d'imposition. Le taux moyen est très bas en France.

Nous combattons votre baisse de l'impôt sur le revenu parce qu'elle est injuste. Vous, vous préférez augmenter les impôts indirects, faire payer les pauvres et épargner les plus aisés. Vous êtes responsables de la hausse du taux des prélèvements obligatoires, qui est passé de 42,99 % en 1993 à 45 % en 1997, notamment en raison d'un relèvement de deux points des taux de TVA.

M. François Goulard - Mais vous omettez de mentionner la baisse des cotisations sociales !

M. Augustin Bonrepaux - Avec votre réforme, pour un célibataire déclarant un salaire de 16 300 €, l'allègement d'impôt sera de 30 €, immédiatement gommé par l'augmentation du gazole. En revanche, pour un salaire déclaré de 100 000 €, l'allègement sera de 944 € ! En revanche, 16 millions de Français, loin de voir leurs impôts baisser, subiront une augmentation !

Que représentera la hausse de la prime pour l'emploi - un euro par mois ! - contre les augmentations, dont le gazole n'est qu'un exemple ? Et n'oublions pas la hausse des impôts locaux : en 2004, les collectivités locales vont subir le contrecoup de la suppression des subventions d'investissement - FNDAE pour les communes rurales et subventions de transport pour les communes urbaines - et de la réduction des dotations de péréquation...

M. François Goulard - C'est faux !

M. Augustin Bonrepaux - L'augmentation de la dotation des communes pauvres sera inférieure à l'inflation !

M. François Goulard - C'est faux !

M. Jean-Pierre Brard - C'est vrai !

M. Augustin Bonrepaux - Tout est écrit dans le rapport du Gouvernement : il y aura un prélèvement de 4,5 % sur la compensation ! Lisez donc les documents que nous donne le Gouvernement !

M. François Goulard - On les lit, et on les comprend !

M. Augustin Bonrepaux - Enfin, le transfert du RMI vers les départements va finir de faire exploser les impôts locaux. Vous le préparez depuis l'an dernier, en réduisant progressivement les budgets des services qui seront transférés. Ainsi, le transfert des ressources prétendument correspondantes en sera réduit d'autant... C'est sans doute pour cela que vous avez renvoyé cette opération à 2005 !

M. Jean-Claude Sandrier - Cet article définit le barème de l'imposition sur le revenu. En la matière, la pensée unique se sert des revendications des classes modestes et moyennes en matière de gain de pouvoir d'achat pour justifier son action. Mais, s'il est certain que ces catégories se plaignent des prélèvements et ont perdu du pouvoir d'achat dans les années 1990, votre choix ne leur profitera pas. Certes, vous l'habillez d'un élargissement de la PPE, qui aura des conséquences plus que modestes, et vous affirmez que votre barème va être bénéfique à la consommation. Mais, ainsi que M. Mer avait eu le courage de le dire il y a un an, même dans l'hypothèse où les baisses d'impôt seraient intégralement consommées, cela ne représenterait qu'une hausse de 0,15 point de la consommation et de 0,08 point de PIB sur un an ! Or, l'argent libéré par ces baisses d'impôt sera en grande partie épargné par les ménages. Selon un universitaire, « le véritable gaspillage des deniers publics, c'est de libérer l'argent vers une épargne qui peut partir en fumée » (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Voilà qui ne favorise guère le travail !

Les ménages fortunés ont tendance à placer leurs revenus supplémentaires sur les marchés financiers ou immobiliers, renforçant les tensions actuelles. Selon l'INSEE, le taux d'épargne financière des ménages est passé de 6,7 % en 2000 à 7,7 % en 2002, et sans doute 8 % après les ristournes du collectif budgétaire de juillet ! Votre dogmatisme est vraiment aveugle... Mais votre course effrénée à la baisse des tranches supérieures est sans fin, car vous voulez toujours plus favoriser la petite minorité concernée. Comme le disait Léo Ferré, pour que le malheur se vende, il ne reste plus qu'à en trouver la formule ! Et vous y êtes arrivés : c'est la mondialisation, la compétitivité qui creuse toujours plus les inégalités. Vous confondez attractivité du territoire avec paradis fiscaux et exonérations de charges sociales, mais vous ne parlez jamais du coût humain de votre politique ! Vous citez souvent l'exemple de la Grande-Bretagne, qui aurait retrouvé la croissance et vu son chômage considérablement réduit... Vous oubliez l'étude du maire de Londres sur l'augmentation du nombre d'enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté ! Le taux de chômage aujourd'hui annoncé est de 3,1 % : on parle quasiment de plein emploi. Mais ce chiffre est faussé ! Quand on commence par déclarer plus d'un million de personnes inaptes au travail...

M. François Goulard - En attendant, il y a vingt-huit millions d'actifs en Grande-Bretagne, contre vingt-quatre millions en France !

M. Jean-Claude Sandrier - Mais que dire de la qualité des emplois ? Par ailleurs, quand la Grande-Bretagne crée des emplois, c'est dans les services, notamment dans le secteur public recrutant des milliers de professeurs, de médecins, d'infirmières, de policiers ! Etonnant, non ? Sur ce point, vous pourriez utilement suivre son exemple.

Dans la mesure où vous réduisez l'impôt sur le revenu, le plus juste car il est progressif, nous nous opposerons à l'adoption de cet article.

M. Jean-Pierre Brard - M. Goulard tente de se ressourcer auprès de M. Balladur comme on branche une voiture électrique, mais ses batteries sont bel et bien à plat et ses dénégations ne portent pas. Elles ne nous empêcheront pas de démonter le décor que vous avez planté autour de la baisse de l'impôt sur le revenu pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Je ne reviendrai pas sur les emplois de domestiques payés par la collectivité...

M. le Ministre délégué - Vous êtes contre l'emploi !

M. Jean-Pierre Brard - Je ne tiens pas à développer la domesticité.

M. Charles de Courson - Quel mépris !

M. Jean-Pierre Brard - Vous voulez multiplier les emplois de porteur de chaise à porteurs...

M. Charles de Courson - Vous parlez des emplois familiaux ?

M. Jean-Pierre Brard - Ainsi que le dit M. de Courson, dans les familles aristocratiques, on appelle ça des emplois familiaux. Mais les personnes âgées ne demandent pas autant d'aide ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) L'aide est légitime, notamment pour lutter contre le travail au noir, mais la porter au niveau que vous avez décidé, ce n'est que redonner des privilèges aux victimes de la nuit du 4 août !

Le Gouvernement soutient que la baisse de l'impôt sera favorable à l'emploi. Mais dans La France de mai, M. Raffarin nous annonçait que les résultats de sa politique pour l'emploi seraient visibles dès la fin 2003. C'est vrai : le chômage est en hausse incessante depuis un an ! Il s'établit à 9,6 % de la population active ! Les Français ont raison de douter de la politique du Gouvernement... Notre rapporteur général justifie la baisse par des motifs de soutien à la croissance, mais, comme le dit Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la CGT, ce choix est trois fois critiquable. D'abord, son efficacité économique est douteuse : quand la croissance s'effondre, on ne cherche pas à relever encore le taux d'épargne ! Ensuite, il est fondamentalement injuste d'alléger les contributions des plus riches. Enfin, la France est déjà un des pays où l'impôt sur le revenu et le patrimoine est le plus faible : 30 % inférieur à celui de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis !

L'évidence pousse à baisser les impôts indirects, les plus injustes. Les classes modestes, que vous ne fréquentez guère, consacrent en effet la totalité de leur revenu à l'achat des biens de consommation de première nécessité, tous frappés par la TVA, alors que les classes aisées n'y affectent qu'une partie de leurs revenus. Le reste, placé, bénéficie de nombreux systèmes d'exonération. La priorité absolue donnée à la baisse des prélèvements obligatoires entre de plus en plus clairement en contradiction avec les fondements de notre pacte républicain. Elle marque une rupture avec notre tradition de solidarité, de redistribution et de services publics accessibles à tous. Face à ce credo libéral, il faut citer Condorcet, l'un des premiers théoriciens de l'impôt progressif : celui qui augmente plus qu'en proportion de la valeur imposée, comme si par exemple 1 000 livres de revenu payaient un vingtième, que pour le revenu qu'on a de plus, jusqu'à 2 000 livres, on payât deux vingtièmes, trois jusqu'à 3 000 et ainsi de suite... En d'autres termes, le taux de l'impôt progressif sur le revenu augmente plus vite que la base d'imposition. Ce type d'impôt a fait l'objet de controverses très vives en France, à la fin du XIXe siècle et plus tard encore, lorsqu'il était question de réformer la fiscalité directe. C'est de cet impôt que vous ne voulez pas, alors que la justice fiscale est garante de la cohésion sociale.

M. Novelli a raison : une réforme fiscale s'impose. Rétablissons donc une vraie progressivité de l'impôt sur tous les revenus.

Conformément à votre logique, l'article 2 prévoit un allégement de l'impôt pour le plus grand bénéfice des hauts revenus. En contrepartie, vous augmentez des taxes acquittées par tous : droits sur le tabac, TIPP.

L'impôt sur le revenu est un instrument de la solidarité nationale et non une pénalisation, encore moins une spoliation, comme le prétendent des associations activistes de contribuables proches de l'extrême droite.

Au c_ur du pacte républicain, l'impôt est l'outil privilégié de la redistribution. Il faut donc le rendre plus juste. Le nouveau contrat social doit prendre en compte les remarques de bon sens de M. Piketty : « La question fiscale est tout sauf une question technique. Sans impôt, il ne peut exister de destin commun (...). Toutes les grandes avancées institutionnelles ont toujours mis en jeu une révolution fiscale ».

Avec cet article 2, ce n'est pas vers un nouveau contrat social que vous vous orientez, mais bien vers une rupture sociale.

M. Gérard Bapt - M. Brard a raison : la participation du contribuable à hauteur de ses facultés est bien au c_ur du pacte républicain.

En tant que maires, nous rappelons lors de la célébration des mariages que les époux contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Pour une société, le principe est le même. Il est sain, et le groupe socialiste y est très attaché.

Plusieurs de nos collègues, notamment M. Carrez, martèlent que 10 % des ménages payent 70 % de l'impôt sur le revenu...

M. François Goulard - 73 % pour être exact.

M. Gérard Bapt - ...malgré l'effet dégressif du quotient familial et des niches fiscales que vous multipliez astucieusement. Mais alors il ne faut pas s'étonner que nous déplorions que cette nouvelle baisse de 3 % de l'impôt ne profite qu'aux plus aisés ! Un célibataire dont le revenu imposable est de 25 000 € bénéficiera d'une réduction d'impôt supérieure à 140 €. Or, il se situe déjà à la limite inférieure des 10 % de Français qui sont les mieux rémunérés.

Les 1 % les plus aisés, eux, pourront prétendre à une réduction comprise entre 500 et 1 000 € ! Rien d'étonnant à ce que les 10 % des Français qui déclarent les revenus les plus élevés - 3,2 millions de foyers - captent 73 % de la diminution.

Nous ne nous opposons pas au principe des baisses d'impôts, mais à leur concentration sur les plus aisés, qui crée un sentiment de grande injustice fiscale propre à briser le pacte républicain. Il ne peut y avoir selon nous de croissance durable sans cohésion sociale ni justice fiscale.

La majorité prétend que le groupe socialiste critique sans rien proposer. Mais nous avons présenté plusieurs amendements visant à rétablir la justice fiscale. Ainsi proposons-nous d'annuler votre baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu - bénéfice escompté : 1,8 milliard d'euros - et un certain nombre de niches fiscales - bénéfice escompté : 900 millions d'euros. En contrepartie, grâce au maintien de la contribution des institutions financières à son niveau actuel, nous réaliserions une économie de 2,8 milliards d'euros, que nous proposons d'affecter au doublement de la prime pour l'emploi, à la suppression de la hausse de la TIPP sur le gazole et à un crédit d'impôt pour l'emploi à domicile. Voilà qui va dans le sens de la justice fiscale, donc de l'intérêt national.

M. Charles de Courson - On ne peut parler de l'impôt sur le revenu sans considérer aussi la CSG, la CRDS, le double point et les cotisations sociales.

Près de 90 % des Français payent la CSG. A l'impôt sur le revenu, impôt proportionnel payé par la moitié des Français, et à la CSG, s'ajoutent des cotisations sociales très lourdes. Le problème est donc global : c'est celui d'un excès de prélèvements, avec des taux marginaux très élevés.

L'UDF entend récompenser le travail du bas en haut de la société. Ainsi, avons-nous toujours défendu la baisse des cotisations sociales sur les bas salaires. C'est à la fois un gage de justice sociale et d'efficacité économique. Après, on peut discuter des modalités. Je n'ai jamais été un fervent défenseur de la PPE : elle n'est pas lisible pour celui qui en bénéficie. Mais enfin, c'est un débat technique.

L'hyperconcentration et l'excessive progressivité de l'impôt sur le revenu conduisent les plus riches à s'expatrier. J'ai des amis qui sont partis en Angleterre...

M. Daniel Paul - Et ils viennent se faire soigner en France !

M. Jean-Pierre Brard - Quel patriotisme ! Et vous osez les appeler amis !

M. Charles de Courson - Quand 20 000 ou 30 000 cadres supérieurs s'expatrient, il faut peut-être se poser des questions ! Ne vous en déplaise, Monsieur Brard, nous vivons dans un monde libre où les gens circulent librement !

La sagesse ne consiste pas seulement à diminuer l'impôt sur le revenu, mais à élargir son assiette. Nous avons multiplié abattements, déductions et réductions, si bien que l'écart entre assiettes fiscale et réelle est de un à deux, voire un à trois.

Nous l'avons compensé par une extrême progressivité. La baisse de 3 % est peut-être simple, mais ce n'est pas une réforme de fond.

Nous sommes favorables à l'impôt sur le revenu. Mais avec un déficit de 55 milliards, la priorité est de s'attaquer à la dépense publique. Hélas, nous n'allons pas assez loin dans cette voie. Le groupe UDF n'est donc pas favorable à la hausse de la TIPP et des droits sur le tabac, pour un montant à peu près équivalent à la baisse de l'impôt sur le revenu, c'est illisible.

M. Jean-Pierre Brard - Un article paru le 14 octobre dans Les Échos rapporte ces propos de notre excellent rapporteur général : « La politique d'allégement de l'impôt sur le revenu, par sa constance et sa simplicité, a acquis la lisibilité indispensable à son efficacité. »

Lisibilité, certainement : l'opinion a bien compris que cette mesure était prise pour les privilégiés. Efficacité, certainement : sans le dire, vous leur permettez d'entasser des piles de billets dans les coffres-forts pour les investir ensuite dans la bulle spéculative.

La politique fiscale du Gouvernement est aussi constante : baisse de 5 % des taux du barème à l'occasion du collectif budgétaire de l'été 2002, de 1 % dans la loi de finances pour 2003 et de 3 % aujourd'hui. L'allégement depuis le début de la législature atteindra ainsi 10 %. Cela ne saurait surprendre : depuis 1986, tous les gouvernements ont baissé l'impôt sur le revenu.

En 1986, le Gouvernement dirigé par l'actuel Président de la République abolit l'impôt sur les grandes fortunes et abaisse fortement le taux supérieur du barème de l'impôt sur le revenu. En 1993, le gouvernement de M. Balladur, ici présent, allège de 19 milliards de francs l'impôt sur le revenu.

M. Edouard Balladur - Vous dites donc le contraire de M. Migaud.

M. Jean-Pierre Brard - Cette politique constante est, hélas, simpliste : aucune relance de la consommation n'a jamais suivi ces baisses d'impôts, ni en 1986, ni en 1993, ni en 1995. Mais vous êtes idéologiquement si préprogrammés que cela tourne chez vous à l'obsession pathologique. Plus la voie choisie est mauvaise, plus vous y persévérez. Vous n'avez, hélas, à la différence de Robocop, pas la capacité de franchir les murs. Vous vous y cognez donc, mais ce sont les Français qui se font les bosses !

Vous devriez pourtant réfléchir aux conséquences électorales qu'ont eues ces mesures. M. Chirac a été battu à la présidentielle de 1988, M. Juppé aux législatives de 1997. Quant à vous, Monsieur Balladur, reconnaissez que vous avez été fort mal récompensé des mesures que vous aviez prises. Je conviens que le souvenir est douloureux pour vous...

M. Edouard Balladur - Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard - C'est la preuve que vous avez achevé votre travail de deuil. Mais souvenez-vous. C'est quand M. Chirac, vous prenant sur vos revers, s'est mis à dénoncer la fracture sociale, conséquence directe de votre politique, que vos ambitions présidentielles se sont envolées. C'est bien dans ces conditions que vous avez été battu par M. Chirac, non ?

Je reviens sur ce que je disais hier. C'est le fabricant de chaussures expliquant sur France Info qu'il n'avait pas besoin de subventions ni de baisses d'impôts, mais de clients afin de vendre sa production et de pouvoir préserver l'emploi, qui a raison. C'est cette logique de relance qui a marché en 1997, et tout le temps qu'elle a été suivie. Or, en dépit de l'échec des politiques suivies en 1986, en 1993 et en 1995, que vous avez pourtant chèrement payé, vous persévérez dans la voie contraire, obnubilés que vous êtes par votre volonté de privilégier toujours les plus fortunés.

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé cet amendement.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

L'amendement 141, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - L'amendement 87 rétablit le barème de l'impôt sur le revenu adopté dans la loi de finances initiale pour 2001. Alors que vous voulez à tout prix tenir la promesse électorale de M. Chirac, quelles qu'en soient les conséquences sur le déficit public, nous souhaitons, nous, réhabiliter l'impôt sur le revenu dont la progressivité permet de tendre à une plus grande justice sociale. La baisse d'impôt prévue, qui ne profitera qu'aux contribuables les plus aisés, ne relancera pas la consommation, contrairement à ce que vous prétendez. En revanche, elle réduira les rentrées fiscales, ce qui inévitablement conduira à une politique de rigueur, d'ailleurs imposée par l'Union européenne. Au lieu de persévérer dans votre volonté dogmatique d'amplifier les inégalités fiscales, vous feriez bien de relire certains auteurs comme Adam Smith qui, bien qu'ayant inspiré la philosophie libérale, écrivait qu'il n'était pas « déraisonnable que les riches contribuent aux dépenses de l'Etat à proportion de leurs revenus, et même au-delà ».

M. Didier Migaud - La réponse du rapporteur général à notre collègue Brard a été lapidaire.

M. le Rapporteur général - Volontairement.

M. Didier Migaud - Est-ce parce que vous défendez une mesure que vous jugez au fond de vous-mêmes indéfendable ? M. Méhaignerie lui-même ne disait-il pas cet été qu'une baisse supplémentaire de l'impôt sur le revenu n'était certainement pas la réponse la mieux adaptée à la situation ? Ce n'est qu'après que le Président de la République s'est fait entendre et que M. Raffarin s'est exprimé devant l'UMP, cette Union pour une minorité de privilégiés, que chacun est rentré dans le rang !

La baisse de l'impôt sur le revenu proposée est à la fois injuste et inefficace. Injuste car elle bénéficiera d'abord aux hauts revenus. Pour la très grande majorité de nos concitoyens, le gain sera minime - sans parler même de ceux qui ne sont pas imposables. La revue spécialisée Le Revenu a d'ailleurs le mérite de le dire clairement, avec un article intitulé : « Les bonnes surprises de la réforme fiscale : la baisse d'impôt avantage les hauts revenus ».

Cette mesure est aussi inefficace, vous le reconnaissez vous-mêmes. Les précédentes baisses d'impôt sur le revenu n'ont eu aucun effet sur la relance de la consommation, et donc la reprise. Certes, le Premier ministre sentait bien cet été un frémissement, « une petite bise » disait-il, « loin d'être le mistral ». Force est de constater aujourd'hui, quand on voit ce que sera la croissance en fin d'année, que c'est plutôt en sens contraire que le mistral a soufflé... Vos mesures ne font qu'aggraver la conjoncture.

Notre pays n'a tout simplement pas les moyens de cette baisse supplémentaire de l'impôt sur le revenu. Disant cela, je ne fais que dire tout haut ce que pense M. Méhaignerie tout bas, ce que pensait M. Mer avant l'arbitrage de M. Chirac, ce que pensent beaucoup de nos concitoyens et ce qu'ose dire M. Bayrou. Mais un membre de l'UMP a-t-il encore le droit de penser, puisqu'il n'est pas libre de son vote ? Avouez que la plupart d'entre vous ne comprennent pas le sens de cette baisse d'impôt.

M. François Goulard - Propos gratuit !

M. Philippe Auberger - Quel mépris pour nous !

M. Didier Migaud - Mettez donc vos actes en cohérence avec vos pensées. Vous aurez compris que j'ai défendu notre amendement 254.

M. Maurice Leroy - L'amendement 412 de l'UDF vise à ramener la baisse de l'impôt sur le revenu à 1 %, comme l'an passé. Cela serait conforme à ce que le président de la commission des finances avait lui-même, raisonnablement, envisagé, compte tenu du contexte économique et social.

Cet amendement permettrait une économie de 1,1 milliard d'euros, montant que nous proposons d'affecter au financement de trois mesures. La suppression de la hausse de la TIPP sur le gazole, laquelle doit rapporter 800 millions d'euros, le maintien en l'état de l'allocation de fin de droit pour les chômeurs de longue durée, qui coûterait 150 millions d'euros et une réduction de l'endettement à hauteur de 150 millions d'euros. Ce sont là trois propositions concrètes.

S'agissant de la hausse de la taxe sur le gazole, il faut avoir le courage politique de dire que les Français ne sauraient comprendre qu'au moment où le Gouvernement annonce une baisse de la fiscalité, il augmente la fiscalité indirecte, par nature la plus injuste.

M. Jean-Pierre Brard - C'est vrai !

M. Maurice Leroy - Pour les 15 millions de foyers qui gagent moins de 50 000 € par an, la baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu représente une économie inférieure à 60 € par an. Or, l'augmentation de 3 centimes par litre du prix du gazole relèvera de 38 € par an le coût du carburant consommé par ménage.

Ainsi, la baisse de l'impôt sur le revenu sera presque nulle pour une grande majorité de Français. Nos concitoyens nous le disent dans nos permanences, quelle que soit notre formation politique.

Le gouvernement Jospin avait augmenté la TIPP sur le gazole d'un centime par litre dans les lois de finances pour 1998 et 1999. M. Migaud et ses collègues socialistes sont donc disqualifiés pour dénoncer une mesure qu'ils votaient eux-mêmes quand ils étaient majoritaires. Nous avions, quant à nous, voté contre.

Il faut un peu de rigueur dans nos débats. M. Auberger, le 17 octobre 1997, déclarait : « Cette augmentation pèsera essentiellement sur les ménages les plus modestes, qui sont obligés de se déplacer pour aller travailler. Pour un Gouvernement qui souhaite réduire la fiscalité sur les ménages, c'est curieux, ajoutait-il. Il s'agit d'une fiscalité extrêmement discriminatoire ».

M. Jean-Pierre Brard - C'est la boîte à baffes !

M. Maurice Leroy - Notre excellent collègue Laffineur, le 7 octobre 1998, déclarait ne pas être opposé à ce qu'on rééquilibre la fiscalité sur le gazole et celle qui pèse sur l'essence, « mais à travers une baisse de la TIPP sur les supercarburants sans plomb, la France détenant le triste record de la fiscalité dans ce domaine ».

Quant à M. Michel Bouvard, il voulait, au nom de l'intergroupe RPR-UDF, que la TIPP n'augmente pas plus vite que l'inflation.

M. Michel Bouvard - En effet ! Pas plus vite que l'inflation !

M. Maurice Leroy - Que le gouvernement soit de droite ou de gauche, une hausse de la TIPP pénalise l'activité et frappe tout particulièrement les salariés les plus modestes.

Qu'il soit dans la majorité ou dans l'opposition, le groupe UDF est resté constant.

M. Jean-Pierre Brard - M. Leroy est fidèle à ses origines partageuses ! (Sourires)

M. le Président - Pas d'attaques personnelles, Monsieur Brard.

M. Charles de Courson - Notre amendement 188 a pour objet de limiter la baisse de l'impôt sur le revenu à 1,7 % au lieu de 3. En contrepartie, il vous sera demandé à l'article 11 de renoncer à la hausse de la TIPP.

Mon collègue Leroy l'a rappelé, nous sommes les seuls à avoir toujours suivi la même ligne sur cette question. Le président Méhaignerie a tout fait pour empêcher le Gouvernement de prendre cette mesure, parce qu'il est un homme cohérent.

M. Jean-Pierre Brard - Flatteur !

M. Charles de Courson - Il n'y a que deux solutions : ou bien nous faisons 800 millions d'économies supplémentaires, ou bien nous diminuons d'autant la portée de cet article.

J'ai cru comprendre que la majorité préférait la première solution : qu'elle le dise et je retirerai mon amendement.

Aujourd'hui, que dit le peuple ?

M. Jean-Pierre Brard - Les aristos parlent au nom du peuple, maintenant !

M. Charles de Courson - Je suis aussi respectable que vous et, contrairement à vous, j'ai même été élu au premier tour. Je vous demande de me respecter comme je respecte vos électeurs. Arrêtez de tenir des propos qui sont en fait racistes !

Le peuple, mes chers collègues, dit ceci : « Ils ne valent pas mieux les uns que les autres. Ils disent blanc quand ils sont dans l'opposition et noir quand ils sont dans la majorité ». La crédibilité de la classe politique s'est effondrée. Tous les sondages le montrent, les Français ne croient plus ce que disent les hommes politiques.

Monsieur Emmanuelli, vous avez voté toutes les précédentes augmentations de la TIPP. Vous êtes démonétisé !

Quant à mes collègues de la majorité, je les en conjure : ne laissons pas le Gouvernement faire une pareille erreur politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

La séance, suspendue à 11 heures 40, est reprise à 11 heures 50.

M. le Président - J'informe l'Assemblée que le groupe socialiste a demandé un scrutin public sur l'amendement 254.

M. le Rapporteur général - La commission a rejeté les quatre amendements. Je voudrais m'adresser d'abord à mes collègues socialistes, qui ont une relation étrange avec la baisse d'impôt sur le revenu : c'est un jour « je t'aime » et un jour « je te hais » !

Quelques rappels : en 1993 le gouvernement Juppé, auquel appartenait d'ailleurs François Bayrou (Interruptions sur les bancs du groupe UDF)...

M. François Bayrou - Ce n'est pas une attaque, pas encore ! (Sourires)

M. le Rapporteur général - ...a engagé une profonde réforme de l'impôt sur le revenu, visant à le faire baisser d'un tiers en cinq ans.

Après les élections de 1997, le gouvernement Jospin s'empresse d'interrompre la réforme et les prélèvements obligatoires battent des records historiques - près de 45 % en 1999.

M. Augustin Bonrepaux - En 1997, pas en 1999 ! Soyez objectif !

M. le Rapporteur général - Fin 1999, les socialistes prennent peur et le Président de l'Assemblée, M. Fabius, déclare que la gauche risque d'être battue, non par la droite, mais par sa politique fiscale. Promu au gouvernement quelques mois après, M. Fabius propose un collectif budgétaire comportant une baisse de l'impôt sur le revenu. La baisse est poursuivie en 2001 et en 2002. M. Didier Migaud, alors rapporteur général, expliquait que le fait que cette baisse ne profite qu'à ceux qui sont imposés n'était pas un argument à retenir, sans quoi la fiscalité ne cesserait de s'alourdir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

MM. Henri Emmanuelli et Didier Migaud - Et alors ? Ce n'est pas idiot.

M. le Rapporteur général - Nos collègues communistes, quant à ceux, s'empressent de voter le collectif de 2000 et les lois de finances 2001 et 2002, et donc les baisses de l'impôt sur le revenu.

La baisse de 5 % décidée par cette majorité, après les élections de 2002, a représenté 2,5 milliards d'euros, celles de M. Fabius 3 milliards d'euros !

M. Didier Migaud - Merci de le reconnaître !

M. le Rapporteur général - Autrement dit, les socialistes brûlent ce qu'ils ont adoré hier. Ce n'est d'ailleurs pas le seul sujet sur lequel ils ont des convictions à géométrie variable... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Je m'adresse maintenant aux collègues qui proposent de réduire l'effort de baisse des impôts : la baisse de l'impôt sur le revenu, c'est le fer de lance d'une politique encourageant le travail et l'effort et c'est le moyen sans équivalent de relancer la consommation (« Faux ! » sur les bancs du groupe socialiste) et de favoriser la création de richesses pour toute la collectivité.

M. Augustin Bonrepaux - On voit le résultat depuis 18 mois !

M. le Rapporteur général - D'ailleurs tous les pays voisins ont procédé à cette réduction de l'impôt sur le revenu depuis plusieurs années : le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas... Même le gouvernement Jospin avait fini par en admettre la nécessité.

Lors des élections de 2002, nous avons pris l'engagement d'accélérer le mouvement. Cet engagement, nous le tenons. Dès la loi de finances rectificative de 2002, l'impôt sur le revenu a été abaissé de 5 % et avec les baisses ultérieures, les impôts sur les revenus perçus par les Français en 2003 seront de 10 % inférieurs à ce qu'ils étaient en 2000.

Une baisse d'impôts n'est crédible que si elle a une ampleur significative et s'inscrit dans la durée.

Nos collègues et amis de l'UDF avaient, lors des élections de 2002, fixé l'objectif de ramener à 40 % le taux supérieur de l'impôt sur le revenu. Nous en sommes encore très loin : c'est donc un encouragement à poursuivre (Interruptions sur les bancs du groupe UDF).

Me référant à un livre excellent, je rappellerai que quand Henri IV a pris le pouvoir, il a baissé les impôts, en commençant par la taille, assimilable à l'impôt sur le revenu... Ce serait une erreur de faire une pause dans la baisse de l'IR. L'UDF nous propose de ne le baisser que d'un misérable pour cent.

M. Didier Migaud - La baisse de 1 % de l'année dernière était-elle misérable ?

M. le Rapporteur général - Non, car elle amplifiait une première baisse de 5 % ! L'année dernière, nous avons abaissé l'IR de 6 %, et en deux ans, nous l'aurons abaissé de 10 %. Nous faisons cela parce que nous croyons profondément qu'il faut baisser l'impôt pour faire revenir la croissance. La commission a donc repoussé ces quatre amendements.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je reste totalement convaincu que la priorité est la baisse des charges, premièrement parce qu'elle permet de réhabiliter le travail, deuxièmement parce qu'il faut choisir la convergence européenne. Je constate que le Gouvernement, dans ses deux derniers choix budgétaires, a donné la même priorité à la baisse des charges et à la baisse de l'impôt sur le revenu.

M. Didier Migaud - Ce n'est pas vrai !

M. le Président de la commission - En ce qui concerne l'avenir, Monsieur le ministre, je souhaite que nous disposions pour le prochain débat d'orientation budgétaire d'une comparaison européenne des différents impôts sur la consommation, sur le capital et sur le travail (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), en ayant à l'esprit que l'enjeu principal est la lutte contre le chômage.

Les prélèvements obligatoires globaux ont atteint un niveau incompatible avec la hausse du pouvoir d'achat et le retour au plein emploi. La priorité des priorités reste la maîtrise des dépenses publiques ; ensuite, la priorité est à la revalorisation du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre délégué - Au nombre des valeurs fortes que ce gouvernement s'emploie à défendre figurent le respect de la personne et le respect de son travail, qui est un élément essentiel de sa dignité (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Oh, je sais que vous êtes contre le travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Pour assurer le plein emploi, il faut commencer par affirmer la dignité et la primauté du travail. C'est pourquoi nous voulons rendre aux Français la part du fruit de leur travail qui leur est injustement prélevée.

Certains rapprochements sont dangereux : on peut, par exemple, si l'on veut diaboliser l'augmentation de la masse salariale de la fonction publique, dire que le relèvement de la TIPP sert à la financer... C'est pourquoi je ne saurais suivre les représentants du groupe UDF lorsqu'ils veulent associer la baisse de l'impôt sur le revenu à une autre mesure.

En revanche, je suis plus sensible à une autre question qu'ils ont évoquée : celle de savoir à partir de quel moment on finance une baisse d'impôt à crédit. Sans doute est-ce à compter du moment où l'on est en déficit primaire. Mais faut-il avant toute chose réduire notre déficit de 17 milliards, afin de revenir à l'équilibre primaire ? Le Gouvernement croit à la nécessité d'encourager sans attendre le travail, d'encourager ceux qui prennent le beau risque d'entreprendre et qui créent des emplois. Dans un monde ouvert où la concurrence menace de nous ravir les plus entreprenants de nos compatriotes, il est urgent de leur offrir un environnement fiscal et social attractif. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements ; à défaut, j'invite l'Assemblée à voter contre.

M. François Bayrou - J'entends avec un plaisir mélangé de surprise qu'il ne faudrait en aucun cas affecter telle hausse d'impôt à telle dépense : ne nous a-t-on pas annoncé que l'augmentation de la TIPP était destinée à financer le ferroutage ? Certes, je ne le crois pas moi-même une seconde : elle a simplement pour but d'apporter des ressources à l'Etat.

Monsieur Carrez, j'avais défendu en effet pendant la campagne l'idée de parvenir à un taux marginal de 40 % ; mais j'avais dit que les baisses d'impôts seraient réalisées lorsque le pays dépasserait 2 % de croissance.

Quant à Henri IV, il a en effet commencé par baisser un impôt, mais il s'agissait non de la taille ou de la gabelle, mais des péages d'entrée dans les villes. Les Béarnais ont apparemment toujours été bien inspirés en matière de fiscalité...

Cela dit, le débat de ce matin a été intéressant car ce ne fut pas un dialogue de sourds. Sur tous les bancs a été exprimée l'idée d'une nécessaire remise à plat de notre fiscalité pour la rendre lisible. Les comparaisons européennes réclamées par M. Méhaignerie permettaient de mettre fin aux idées fausses - telle celle selon laquelle seulement la moitié des Français paient un impôt sur le revenu, alors que la CSG en est bien un. Il faudra bien arriver un jour à fondre impôt sur le revenu et CSG.

Il faudra aussi arriver un jour, Monsieur le ministre, à la retenue à la source, mise en place dans tous les pays qui nous entourent ! J'ai été stupéfait qu'une des premières annonces, à l'installation du Gouvernement, ait été pour dire qu'il y renonçait. Cette grande réforme sera une source importante de gains de productivité.

Mais la question essentielle est la suivante : les baisses d'impôt vont-elles relancer la croissance ?

M. le Rapporteur général - Oui !

M. François Bayrou - Celles que vous proposez ? Je n'y crois pas. M. Balladur, lui, a exposé une position fort logique : les baisses d'impôt vont relancer la croissance, il faut donc qu'elles soient massives. Or ce n'est pas le cas d'une baisse de l'impôt sur le revenu de 3 %, qui dégagera pour 2 millions de foyers 30 euros pour l'année, 50 euros pour 14 millions de foyers et 400 euros au mieux pour 2 millions de foyers... Cette baisse-là ne va sûrement pas relancer la croissance. En revanche, on peut être sûr qu'elle va nourrir notre dette...

Je pense en outre que cette baisse constitue un mauvais signal. Le jour où nous réorganiserons notre fiscalité, nous nous apercevrons que l'impôt sur le revenu en France est bien moins élevé que dans les pays qui nous entourent. Il rapporte chez nos voisins entre 10 et 12 % du PIB. Chez nous, impôt sur le revenu et CSG confondus, il ne rapporte pas plus de 8 %. Notre amendement vise donc, en reprenant textuellement une proposition faite par M. Méhaignerie cet été, à ce que la baisse ne soit que de 1 %. Les deux points ainsi économisés seront consacrés à sauver l'allocation de solidarité pour les chômeurs en fin de droits, à éviter la hausse du gazole et enfin à réduire, même si ce n'est que de 150 millions, le déficit de la France. Cette proposition me semble raisonnable dans la période difficile que nous connaissons (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Marc Laffineur - Cet article nous mène au c_ur du débat entre ceux qui veulent augmenter les dépenses et l'impôt et ceux qui s'y refusent. Il nous semble clairement indispensable de baisser les impôts. Tous les pays qui nous entourent font d'ailleurs de même, pour relancer l'économie. Par ailleurs, il n'y a rien de pire que de changer d'avis tous les ans et les Français doivent savoir qu'ils peuvent faire confiance aux hommes politiques qu'ils ont élus pour tenir leurs engagements. Enfin, nous devons absolument inciter au travail. Chacun de nous a rencontré des ménages au RMI et des ménages au SMIC, et a constaté qu'il n'y avait qu'une faible différence entre eux - voire, dans certains départements, que les ménages au RMI étaient mieux lotis ! L'augmentation du SMIC, que nous poursuivrons, celle de la prime pour l'emploi, la baisse de l'impôt sur le revenu visent donc toutes à favoriser le travail, source d'indépendance et de liberté pour nos concitoyens. L'UMP rejettera donc les amendements à cet article.

M. Henri Emmanuelli - Permettez-moi de m'associer à la demande de M. Méhaignerie d'une radiographie de la fiscalité. Elle fera apparaître l'hypertrophie de la fiscalité indirecte et l'envol des dépenses de cotisation par rapport à la fiscalité. La hausse des prélèvements obligatoires, au cours des dernières années, est surtout due aux cotisations, et en tout cas pas aux impôts d'Etat. Il semblerait vraiment qu'au pays de Descartes, les chiffres ne suffisent pas ! Nous sommes sans doute le seul pays capable de mettre la rationalité au service de la mauvaise foi.

M. Méhaignerie affirme donner la priorité à la baisse des charges. Moi aussi, c'est une position de bon sens partagée depuis des années ! Quant à notre relation au travail, le ministre m'a interpellé avec une certaine violence...

M. le Ministre délégué - Vous m'aviez interrompu !

M. Henri Emmanuelli - Mais les Français savent bien que les mesures que vous prenez n'incitent en rien au travail, les chiffres de M. Bayrou à ce sujet sont suffisamment éloquents ! Et la fiscalité sur les donations et la baisse des plus-values, ont-elles un rapport avec le travail ? Votre budget ne donne aucune marque de revalorisation du travail. Et comment expliquer aux centaines de milliers de chômeurs supplémentaires que c'est une de vos priorités ? Vous nous accusez de nous en désintéresser, mais nous avions créé 900 000 emplois !

M. le Ministre délégué - Les entreprises les ont créés !

M. Henri Emmanuelli - Quand le chômage augmente, c'est de la faute des socialistes, mais quand on crée des emplois, c'est grâce aux entreprises !

Ce budget n'est qu'une vaste mystification. Le Gouvernement justifie ses cadeaux fiscaux par son souci de relancer l'activité. M. Carrez a même dit qu'il croyait profondément que les baisses d'impôt étaient la clef de la croissance. Il n'y a qu'à regarder la carte du monde pour voir que les pays à faible fiscalité ne sont pas développés ! A toutes les critiques, il oppose ses efforts en faveur de la prime pour l'emploi. Mais justement, les crédits de la PPE sont exactement les mêmes que l'année dernière ! Il n'y a pas un sou de plus dans le budget 2004 !

M. le Rapporteur général - Il y a 480 millions de plus !

M. Henri Emmanuelli - Regardez le document des Voies et moyens : il n'y a pas un sou de plus, car il y a des allocataires en moins ! En fait, vous venez de créer la triple peine : on est au chômage, on perd la prime pour l'emploi et, comme ça ne suffit pas, on perd l'ASS... Vous appelez cela un budget de justice et de vérité. La vérité, je n'en suis pas juge, mais pour la justice, je suis sûr qu'elle n'y est pas.

M. Didier Migaud - Je remercie le rapporteur général d'avoir souligné que le gouvernement précédent avait baissé les impôts. Il ne pourra pas le dire pour l'actuel. Mais surtout, la différence entre nous est que nous avions baissé non seulement l'impôt sur le revenu, mais aussi la TVA, tout en créant la prime pour l'emploi... Ces mesures bénéficiaient à tous les Français. Vous aviez d'ailleurs suffisamment insisté pour que les Français recueillent les fruits du retour de la croissance, que le Gouvernement avait su conforter !

La croissance, objectez-vous, était plus forte sous le gouvernement précédent. Certes, mais nous y avions sans doute contribué.

M. Marc Laffineur - Non !

M. Didier Migaud - Vous ne faites pour votre part que pénaliser nos concitoyens : ne vous étonnez pas que vos résultats en matière de consommation et de croissance ne soient pas bons.

J'ai été stupéfait, Monsieur le ministre, de vous entendre affirmer avec un emportement qui ne vous ressemble pas que nous serions contre le travail. Je ressens cette affirmation comme infamante ! Comment pouvez-vous prétendre que pour nous, le travail ne serait pas une valeur ? Le gouvernement de Lionel Jospin a permis la création de 2 millions d'emplois en cinq ans et le recul du chômage : 950 000 chômeurs de moins ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Comment pouvez-vous nous reprocher notre bilan quand le seul résultat de votre action est pour le moment la hausse du chômage ? Nous défendons la valeur travail, mais nous sommes aussi pour des avancées sociales que la droite refuse traditionnellement. Je veux croire que vous vous êtes laissé emporter : vous ne pouvez pas sérieusement penser que nous sommes contre le travail. C'est une valeur universelle, qu'il est légitime de chercher à rendre accessible à tous. Plutôt que de réhabiliter le travail, agissez donc contre le chômage ! Votre politique ne fait pour l'instant que l'aggraver et casser la consommation. Ce n'est pas l'impôt sur le revenu, Monsieur le rapporteur général, qui est le moteur de la croissance, c'est la consommation ! Vous aviez fait le pari d'une croissance à 2,5 %, elle tend vers zéro ! Comment osez-vous prétendre que vous la confortez ?

Un député UMP - Et vous, qu'avez-vous fait de la croissance ?

M. Didier Migaud - Nous avons relancé des politiques publiques, diminué les prélèvements obligatoires, créé des emplois, réduit le chômage ! Et vos résultats ne peuvent pour le moment rivaliser avec les nôtres !

Le bilan se fera au bout de cinq ans, a dit M. Mer. Mais il ne sera pas mauvais de dresser chaque année un bilan d'étape. Car pour le moment, vous nous imposez de sacrés retours en arrière !

M. Daniel Garrigue - Rappelons quelques données simples. L'impôt sur le revenu est acquitté par 17 millions et demi de foyers - soit la majorité des Français - et par une grande majorité des actifs : pour prendre un exemple, un couple de smicards paie l'impôt sur le revenu. Et la baisse prévue est loin d'être négligeable pour lui ! Mais proposer, Monsieur Bayrou, une baisse de 1 %, cela revient à ne rien faire pour ces gens-là !

MM. François Bayrou et Maurice Leroy - C'est ce que vous avez fait l'année dernière !

M. Daniel Garrigue - Ce n'était pas suffisant, il faut donc continuer ! D'aucuns soutiennent que la baisse de l'impôt sur le revenu n'a pas d'incidence sur la consommation. C'est vrai qu'elle s'adresse d'abord à ceux qui travaillent, qui prennent des initiatives. Et si elle a aussi une incidence sur l'épargne, tant mieux ! L'épargne, ce n'est pas seulement de la thésaurisation ; elle permet aussi de financer le logement, les investissements, et de concourir ainsi à la reprise.

Le Président de la République s'est engagé dans sa campagne électorale à diminuer l'impôt sur le revenu. Mais M. Jospin s'y était aussi engagé ! Faut-il croire, à vous entendre aujourd'hui, qu'il mentait ? Pour notre part, nous tenons nos engagements !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Sandrier - Monsieur le ministre, j'ai moi aussi ressenti vos propos comme infamants. Personne n'a de leçons à donner sur la défense du travail. Pour le faire, il faut avoir des résultats concrets : vous n'en avez pas.

« Nous croyons dans le travail, pas dans l'assistance », avez-vous dit hier. Mais contrairement à ce que vous laissez entendre, les « assistés » sont non des coupables mais des victimes.

Depuis des décennies, la part des salaires dans la valeur ajoutée n'a cessé de diminuer au profit des revenus du capital. C'est le résultat d'une concurrence prédatrice qui a jeté des gens à la rue. On a dû les aider - les « assister » - et créer des emplois précaires. C'est parce que vous n'avez pas choisi le travail que chômage et précarité ont explosé. Ce n'est assurément pas le travail que vous favorisez. Vous avez pénalisé la consommation des ménages et les prix repartent à la hausse : le pouvoir d'achat stagne. Vous avez freiné l'investissement public. Vous soutenez même ceux qui cherchent à faciliter les licenciements et vous ne cessez de répéter que les coûts salariaux sont trop élevés.

Les actionnaires exigent aujourd'hui des rendements de 15 %. Rendre attractif le territoire, ce serait donc, pour vous, assurer l'augmentation des dividendes et non rémunérer le travail ? Je crains que vous ne fassiez que le casser.

M. Michel Bouvard - Nous ne pensons pas qu'il y ait des gens pour le travail et d'autres contre. Il y a en revanche des gens qui encouragent à l'activité et au travail et d'autres qui n'y encouragent pas vraiment.

La plupart de ceux qui sont au RMI ne l'ont pas choisi et vivent cette situation comme une déchéance. En assortissant ce revenu d'une activité, c'est une dignité que nous leur rendons.

Vous avez parlé du chômage. La dernière année du gouvernement Jospin, le nombre des chômeurs a augmenté de 160 000, soit au moins autant qu'au cours des dix-huit premiers mois de cette législature. C'est dire que la progression du chômage ne date pas du gouvernement Raffarin. La hausse s'est même ralentie : il faut s'en féliciter et _uvrer à renverser la tendance.

Nous avons créé les contrats jeunes en entreprise - 100 000 ont été signés - qui bénéficient d'un allégement de charges sociales. Je suis de ceux qui pensent que la priorité doit aller à l'allégement des charges et à la revalorisation des salaires. Il nous faut d'ailleurs des indicateurs plus performants pour opérer des choix en matière fiscale. Les éléments qu'a demandés le président de la commission des finances seront à cet égard fort utiles.

Entre 1997 et 2002, 19 impôts et taxes nouveaux ont été créés, et non des moindres, comme la taxe générale sur les activités polluantes, dont 1,6 milliard d'euros ont été détournés au profit du FOREC. Cette somme aurait pourtant été très utile pour financer des investissements collectifs dont nous déplorons tous la baisse, à commencer par les infrastructures de transport en site propre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maurice Leroy - Très bien !

L'amendement 87, mis aux voix, n'est pas adopté.

A la majorité de 51 voix contre 10 sur 61 votants et 61 suffrages exprimés, l'amendement 254 n'est pas adopté.

L'amendement 412 et l'amendement 188, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Ministre délégué - Je souhaiterais répondre à M. Emmanuelli qui s'est référé au fascicule Voies et moyens. Qu'il sache que les règles d'élaboration de ce fascicule n'ont absolument pas changé depuis qu'il était lui-même ministre du budget et que les informations y figurant sont parfaitement sincères.

La revalorisation du barème de la prime pour l'emploi est traduite à la fois en minoration des recettes de l'impôt sur le revenu pour 97 millions d'euros, en augmentation des dégrèvements et restitutions pour 263 millions - la création d'un acompte de prime pour l'emploi figure également à cette dernière rubrique pour 120 millions. Et le total est bien de 480 millions.

Quant au tome II du fascicule, il ne prend traditionnellement en compte que les mesures votées - la règle n'a pas changé depuis que vous étiez ministre du budget, Monsieur Emmanuelli. C'est pourquoi la dépense 2004 y est, à ce stade, identique à la dépense 2003.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

FIN D'UNE MISSION TEMPORAIRE

M. le Président - Par lettre du 6 octobre 2003, le Premier ministre a informé le Président de l'Assemblée nationale que la mission temporaire précédemment confiée à M. Michel Hunault, député de Loire-Atlantique, prenait fin le 15 octobre.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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