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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 12ème jour de séance, 29ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 22 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

SIMULATION D'ATTENTAT 2

AVENIR DU SERVICE PUBLIC 2

FORMATION ET DÉCENTRALISATION 3

FRACTURE SOCIALE 4

FICHIER NATIONAL DES EMPREINTES GÉNÉTIQUES 5

MOYEN-ORIENT 6

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 6

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite) 7

AIDE DE L'ÉTAT AUX TRANSPORTS PUBLICS
DE PROVINCE 7

FRET FERROVIAIRE 7

DÉVELOPPEMENT DE L'ENA À STRASBOURG 8

ACHAT DE NOUVEAUX REMORQUEURS
DE HAUTE MER 9

AIDE HUMANITAIRE 9

SOINS PALLIATIFS 10

BUDGET DE L'OUTRE-MER 10

RAPPEL AU RÈGLEMENT 11

LOI DE FINANCES POUR 2004
-deuxième partie- (suite) 12

OUTRE-MER 12

La séance est ouverte à quinze heures.

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Borut Pahor, Président de l'Assemblée nationale de la République de Slovénie (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

SIMULATION D'ATTENTAT

M. Nicolas Perruchot - Ce soir aura lieu la première simulation grandeur nature d'un attentat chimique dans le métro parisien. Ce sera l'occasion de tester la coordination de plusieurs services : médecins, policiers, agents de la RATP ou de la SNCF.

Nos concitoyens ont parfois le sentiment de dysfonctionnements dans les services publics ou, en tout cas, d'une coordination qui n'est pas toujours maximale.

Le groupe UDF se réjouit de l'initiative de ce soir et souhaite qu'elle puisse se renouveler en y associant la population.

Mais cette simulation intervient dans un contexte international très troublé où les menaces sont toujours présentes.

Pouvez-vous nous indiquer si des menaces terroristes précises pèsent aujourd'hui sur notre pays ?

Pouvez-vous détailler le dispositif mis en place à l'occasion de cette simulation ?

Enfin, envisagez-vous des simulations d'un autre type, et pourquoi pas dans d'autres agglomérations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Il n'y a aucune menace terroriste précise, mais la France avait accumulé un grand retard en matière d'exercices en temps réel.

Cette année, vingt-huit exercices NBC - nucléaire, bactériologique, chimique - auront été réalisés. L'an prochain, nous espérons pouvoir en réaliser cinquante, de telle façon que toutes les grandes agglomérations françaises bénéficient d'un exercice en temps et dimension réels.

Ce soir, 500 personnes sont mobilisées à partir du scénario de Tokyo où, en 1995, un attentat avait fait 25 morts et 5 000 blessés.

Il n'y a pas d'autres solutions, pour être prêt, que de s'entraîner (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

AVENIR DU SERVICE PUBLIC

M. Daniel Paul - Malgré l'ouverture du capital de France Télécom en 1996, l'Etat demeurait actionnaire majoritaire. Aujourd'hui, vous voulez privatiser l'opérateur historique des télécomunications, légitimant votre décision par des contraintes européennes inexistantes (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Vous faites un choix dogmatique dont le Gouvernement porte l'entière responsabilité. A terme, c'est la mort du service public qui est programmée.

La mise en concurrence des opérateurs et les critères de gestion privée déjà appliqués à France Télécom ont fragilisé l'entreprise.

Pourquoi refuser un bilan sérieux des expériences de libéralisation ? Malgré les promesses, nous avons assisté à une hausse des coûts, à une dégradation de la qualité du service rendu et des conditions de travail des salariés.

Ce secteur, en outre, compte aujourd'hui moins de salariés qu'en 1992.

Demain, en soumettant à la concurrence les éléments du service universel, c'est le droit à la communication pour tous qui sera remis en cause.

Le problème est le même pour La Poste, où, au-delà du contrat de plan, toutes les sources confirment les menaces pesant sur plusieurs milliers de bureaux, agences ou guichets.

Faut-il rappeler que cette même orientation a provoqué en Allemagne la suppression de dizaines de milliers d'emplois et une moindre couverture du territoire ?

Les députés communistes ont déposé sur cette question une demande de création d'une commission d'enquête afin d'établir un bilan de la libéralisation des entreprises publiques. La lumière serait ainsi faite sur vos véritables motivations.

Comptez-vous utiliser votre énergie à dresser ce bilan, Monsieur le Premier ministre, au lieu de vous acharner à aller au-delà des recommandations de Bruxelles en privatisant France Télécom et en mettant à mal le réseau de la Poste pour des raisons strictement liées à votre stratégie de rupture ultra-libérale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - N'est-il pas trop cruel de vous rappeler l'endettement vertigineux de France Télécom lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement ? (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) 68 milliards d'euros, du jamais vu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La commission d'enquête présidée par M. Douste-Blazy l'a montré : la raison en est la règle de détention majoritaire du capital par l'Etat, ce à quoi M. Mer est en train de remédier avec le Sénat.

France Télécom se redresse et les Français lui font à nouveau confiance.

En ce qui concerne La Poste, nous tirons aussi les leçons de nos erreurs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le retard de La Poste en termes de coût, de performance et de qualité de service, s'il n'est pas corrigé, empêchera l'entreprise de rejoindre le groupe restreint des opérateurs qui, demain, subsisteront en Europe. Je ne suis pas la seule à le dire. C'est ce qu'assure la Cour des Comptes dans son dernier rapport.

Nous, nous voulons conforter l'avenir de La Poste et de ses salariés (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) par une stratégie claire dans ses trois métiers.

La seule voie responsable pour pérenniser les services publics, ce n'est pas la facilité de l'immobilisme, mais le courage de la modernisation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Monsieur le député, vous n'avez pas le monopole de l'attachement au service public. C'est parce que nous partageons cet attachement que nous voulons donner à ce secteur toutes ses chances, et pour les usagers, et pour les personnels (Mêmes mouvements).

FORMATION ET DÉCENTRALISATION

M. Edouard Landrain - Monsieur le ministre des affaires sociales, vous avez organisé hier une table ronde avec les régions et les partenaires sociaux sur les questions relatives à l'emploi et à la formation professionnelle. Une telle initiative m'a paru très intéressante puisqu'elle permet de conforter les actions entreprises par les différents acteurs de l'emploi et de la formation.

Quelles premières conclusions allez-vous tirer de cet échange ? Quelles pistes peuvent-elles être exploitées, pour améliorer la coordination des initiatives dans le respect de l'autonomie des partenaires sociaux et des compétences dévolues aux collectivités territoriales ? Enfin, comment comptez-vous relancer des actions en faveur des demandeurs d'emploi tout en respectant l'esprit de la décentralisation en matière de formation professionnelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Cette table ronde avait deux objectifs. Il s'agissait, d'une part, de convaincre les partenaires sociaux qu'il y a désormais en matière de développement économique et de formation professionnelle un échelon régional, en particulier au moment où le Gouvernement et le Parlement veulent faire de la région un chef de file économique et où nous allons transférer la totalité de la commande publique en matière de formation professionnelle.

Il s'agissait, d'autre part, de proposer aux régions, avec l'ANPE et l'AFPA, la mise en _uvre de stratégies exceptionnelles de formation aux métiers qui ne trouvent pas de main-d'_uvre. Malgré un taux de chômage élevé, 300 000 emplois au moins ne sont pas pourvus, en particulier dans les secteurs du bâtiment, de l'hôtellerie, de la restauration, des services. La France ne peut rester dans cette situation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FRACTURE SOCIALE

M. Patrick Roy - Hier, dans le Valenciennois, le Président de la République a dénoncé les fractures sociale, urbaine, ethnique et religieuse dans notre pays. Ce discours constitue une incroyable mystification (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Qui préside aux destinées de ce pays depuis huit ans ? Qui tenait le même discours en 1995 ? Qui commande à un Gouvernement qui fait tout le contraire de ce qu'il dit ?

Comment croire au droit au travail alors que votre gouvernement est celui du chômage et des plans sociaux ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Comment croire à la solidarité quand vous diminuez l'allocation chômage ? Comment croire à l'engagement pour l'école alors que vous avez supprimé les aides-éducateurs et qu'aujourd'hui la pénurie des remplaçants laisse des classes sans professeur ?

Comment croire à votre grand plan logement quand le budget 2004 affiche une baisse record ? Comment croire à l'exemple des zones franches urbaines quand le choix clientéliste du Valenciennois a balayé le Denaisis qui en avait pourtant le plus besoin ?

M. Chirac clame, votre gouvernement casse. Cette fracture entre le langage et l'action alimente la crise de la démocratie et l'insécurité sociale. Quand cesserez-vous donc de contredire le Président de la République (Rires) ou, si vous préférez, quand le Président de la République cessera-t-il de se dédire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains) ?

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je ne laisserai pas caricaturer l'action du Président de la République dans cette assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Il faut voir les choses de bien loin pour ne pas discerner dans le déplacement du Président de la République à Valenciennes à l'hommage des élus locaux (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) qui ont _uvré sur le terrain à résoudre des problèmes sociaux majeurs, sans discours ni envolées lyriques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je suis heureux de rendre hommage à Jean-Louis Borloo et à tous les élus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) qui ont montré à ses côtés ce qu'était l'action sociale (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) hors de toute caricature, de tout slogan.

M. André Gerin - C'est de la démagogie !

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Le Président de la République a eu raison d'interpeller la nation sur les préoccupations sociales qui sont celles de tous les Français. Un grand nombre de nos compatriotes souffrent de ne pas avoir d'emploi (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) ; de devoir affronter chaque jour douleurs et misères (Mêmes mouvements). Vous préférez la politique partisane (Mêmes mouvements), pas moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous sommes unis derrière le Président de la République pour que la nation française défende ses valeurs et d'abord la fraternité. Qui a augmenté le SMIC dans les six dernières années ? (« Nous !» et applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Qui a permis à ceux qui ont commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans de partir à la retraite avant quarante ans ? (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Qui, en consacrant le travail comme la véritable ambition sociale du Gouvernement, fait _uvre de justice ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Si vous avez été attentifs aux propos du Président de la République, je vous invite au rassemblement pour aider la France à surmonter ses difficultés au lieu de s'en réjouir à des fins partisanes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

FICHIER NATIONAL DES EMPREINTES GÉNÉTIQUES

M. Christian Estrosi - Monsieur le ministre de l'intérieur, la délégation du groupe d'études sur la sécurité intérieure de l'Assemblée nationale que j'ai conduite pour travailler avec la police technique et scientifique et le ministère de l'intérieur sur les fichiers d'empreintes génétiques avait le c_ur serré en pensant à Estelle, Elodie, Patricia, autant de victimes d'odieux criminels comme Francis Heaulme ou Guy Georges.

Je vous remercie d'avoir donné dans la loi de sécurité intérieure une nouvelle impulsion à la police technique et scientifique française en élargissant l'utilisation du fichier national des empreintes génétiques. Je salue aussi le Garde des Sceaux qui y a intégré, à l'occasion du texte sur la grande criminalité, les grands criminels du terrorisme et les criminels sexuels. Reste que le fichier britannique compte près de 2 millions d'empreintes alors que le nôtre n'en possède guère plus de 2 000. Nous vous avons entendu appeler à l'élargissement du fichier à tous les délinquants sexuels, auquel nous souscrivons. Pouvez-vous faire le point sur les conditions d'utilisation du fichier national des empreintes génétiques ? Jamais plus nous ne voulons voir des crimes aussi odieux rester impunis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - La France a accumulé un retard considérable dans la gestion et l'utilisation des fichiers. Résultat, la police française a la religion de l'aveu alors qu'il faudrait avoir celle de la preuve (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). Sans fichier à jour, il est impossible d'opérer cette révolution culturelle. En mai 2002, notre fichier comportait 1 500 empreintes génétiques, contre 2 millions pour nos amis britanniques. Qui peut expliquer un tel retard ? (« Vaillant ! » sur les bancs du groupe UMP) Je me suis contenté de poser la question : la réponse, tout le monde l'a !

En sept mois, nous sommes passés de 2 000 à 13 000 empreintes. L'année prochaine, nous en aurons 150 000. C'est encore trop peu, mais c'est déjà mieux.

Lequel d'entre vous peut reconnaître sans rougir devant les parents d'une victime que l'Etat a laissé un monstre s'installer à côté de ses enfants sans rien faire ? Il y a aujourd'hui de vraies bombes humaines. Avec le Garde des Sceaux, nous entendons contraindre les délinquants sexuels à signaler leur présence sur un fichier. Jamais plus l'Etat ne doit être accusé d'être resté les bras ballants devant des comportements proprement monstrueux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MOYEN-ORIENT

M. Jacques Myard - L'Orient, Monsieur le ministre des affaires étrangères, est compliqué. La France le sait depuis des lustres, d'autres l'apprennent chaque jour à leurs dépens. Personne ne s'en réjouit : cela se compte en morts.

La France a mené dans l'affaire irakienne une politique exemplaire, saluée dans le monde entier. C'est à juste titre qu'elle a rappelé qu'il n'y avait pas de solution militaire et qu'il fallait trouver une solution politique en organisant le transfert de la souveraineté à un gouvernement irakien selon un calendrier précis. Toutefois, elle s'est ralliée à la résolution 1511, qui prévoit le premier mais pas le second.

Vous rentrez de Téhéran où vous avez obtenu, avec vos collègues britannique et allemand, l'engagement de l'Iran de signer le protocole additionnel au traité de non-prolifération nucléaire. Dès lors que la France sait maîtriser sa politique étrangère, elle peut jouer un rôle moteur. Point n'est besoin d'idées fumeuses - Europe puissance ou autres billevesées - ; il suffit que la France soit à la man_uvre ! Dans quelles conditions la France a-t-elle décidé de voter la résolution 1511 ? Où en est le dossier nucléaire avec l'Iran ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Les problèmes du Moyen-Orient sont tous liés : les crises se nourrissent entre elles et font le jeu du terrorisme et de la violence.

La paix ne pourra être que globale et fondée sur le respect des principes du droit, de la responsabilité collective, de la justice et de la solidarité. C'est cette démarche qui guide notre action.

En soutenant la résolution 1511, nous avons voulu marquer la nécessaire unité de la communauté internationale face au terrorisme à Bagdad. Mais nous plaçons aussi l'administration américaine devant ses responsabilités, et nous prenons date pour l'avenir. Pour la France, la solution passe par la reconnaissance d'un gouvernement provisoire auquel seraient progressivement confiées les responsabilités du pouvoir. C'est dans cet esprit que nous abordons la réunion des donateurs à Madrid.

Pour sortir de l'impasse au Proche-Orient et ne pas s'enfermer dans une logique de préalable, il faut appliquer la feuille de route, en commençant par une conférence internationale. J'ai reçu ce matin les initiateurs de l'accord de Genève, qui contribuent utilement à un dialogue constructif entre Israéliens et Palestiniens.

Nous avons enfin obtenu en Iran des engagements clairs : satisfaction des demandes de l'Agence internationale de l'énergie atomique, signature du protocole additionnel, suspension des activités d'enrichissement et de retraitement de l'uranium. L'Europe a fait entendre sa voix et contribué au règlement d'une crise majeure, ceci dans un cadre multilatéral, dans le respect du droit et en concertation permanente avec l'ensemble de ses partenaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

M. le Président - Permettez-moi de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Nicos Anastasiadès, président du groupe d'amitié France-Chypre et président de la commission des affaires étrangères de la chambre des représentants de la République de Chypre (Mmes et MM. les députés et Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

AIDE DE L'ÉTAT AUX TRANSPORTS PUBLICS DE PROVINCE

Mme Odile Saugues - Alors que le Président de la République nous entretient de l'effet de serre et la ministre de l'écologie de la lutte contre la pollution atmosphérique et sonore en milieu urbain, voilà que le Gouvernement, après gels et annulations de crédits, a décidé de supprimer purement et simplement l'aide de l'Etat aux transports publics en province. Ainsi à Clermont-Ferrand, Lille, Nantes, Strasbourg, Rennes, Bordeaux, Marseille, Montpellier, Lorient... des lignes de tramway ne seront plus financées. Le Gouvernement a en outre autorisé les collectivités à augmenter librement le versement transport acquitté par les employeurs privés et publics. Voilà bien le double langage dont il est devenu coutumier !

Monsieur le ministre des transports, arrêtez, comme le dit le président de votre parti, de prendre les Français « pour des gogos ». Allez-vous rétablir ces crédits indispensables et rendre enfin lisible pour les élus la politique de l'Etat en matière de transports ? (Applaudissements bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Le Gouvernement souhaite développer les transports collectifs et soutenir le développement durable (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Permettez-moi de vous faire observer que M. Gayssot avait, au fil des années, diminué les crédits en question. En effet, le budget 2002 ne comportait que 12 millions d'euros à cet effet, alors que les besoins des collectivités sont estimés cette année à 300 millions et qu'il y a, ne vous en déplaise, 900 millions en caisse.

Ce gouvernement a confié un rapport à M. Christian Philip, premier vice-président du GART, afin de rechercher à l'avenir un mode de financement pérenne de ces équipements pour les collectivités (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Pour 2003, d'une part, la Caisse des dépôts sera autorisée à octroyer des prêts à très long terme et à taux très intéressant ; d'autre part, les collectivités qui le souhaitent pourront augmenter le versement transport (Mêmes mouvements). Je comprends qu'il soit plus facile de demander de l'argent à l'Etat que dans sa circonscription ! (Mêmes mouvements) Enfin, le Premier ministre a accepté que 65 millions d'euros soient inscrits au collectif de fin d'année pour permettre aux collectivités qui en ont besoin de faire avancer leurs projets en 2004. Et j'ai le plaisir, Madame Saugues, de vous indiquer que Clermont-Ferrand a été retenue parmi elles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FRET FERROVIAIRE

M. Patrick Ollier - Monsieur le secrétaire d'Etat aux transports, le fret ferroviaire est malade. Sa situation se dégrade depuis vingt ans et le précédent gouvernement n'a, hélas, rien fait. Les grèves du printemps dernier l'ont encore affaibli. Elles ont en effet coûté 250 millions d'euros à la SNCF, que le déficit de sa branche fret risque, à lui seul, d'entraîner dans le gouffre. Il est urgent d'agir. Cela est possible car la majorité, qui n'est pas favorable au tout routier mais au contraire très attachée au développement du fret ferroviaire - cela mérite d'être redit -, a clairement choisi de rééquilibrer la route et le rail.

L'ambitieux plan de redressement, proposé par M. Gallois, qui devait être examiné ce matin en conseil d'administration, ne l'a pas été. Il est avéré que l'entreprise ne pourra pas subvenir seule aux besoins de ce plan. Le Gouvernement est-il déterminé à l'aider et à soutenir le fret ferroviaire ? Dans quelles conditions et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - En effet, le conseil d'administration de la SNCF ne s'est pas prononcé sur ce plan ce matin comme il était prévu.

Notre pays a besoin d'un fret ferroviaire de qualité. Or, force est de constater qu'au fil des années, en dépit des objectifs annoncés, il a décru jusqu'à se trouver dans l'impasse à la suite des grèves du printemps dernier. Seule une politique à la fois d'offre et de qualité permettra aujourd'hui de le sauver. Des trains doivent être disponibles quand les entreprises en ont besoin et les délais d'acheminement doivent être respectés. Actuellement, la SNCF perd de l'argent sur 80 % de son trafic fret. Cette situation ne peut pas durer. L'entreprise est tout à fait capable, avec ses cheminots, de redresser la situation, d'autant que dans une Europe élargie, le fret ferroviaire retrouve tout son intérêt. Le Gouvernement est tout à fait disposé, y compris sur le plan financier, à accompagner le plan de redressement. Nous attendons, d'une part, de connaître la teneur exacte de ce plan, d'autre part, la position de Bruxelles car se posent des problèmes de concurrence. En tout cas, nous croyons dans le fret ferroviaire, que nous avons bien l'intention de développer... au-delà des effets d'annonce auxquels s'était limité le gouvernement précédent. Si des moyens supplémentaires sont nécessaires, nous les dégagerons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉVELOPPEMENT DE L'ENA À STRASBOURG

M. André Schneider - Monsieur le ministre de la fonction publique, vous avez présenté ce matin en Conseil des ministres un projet de réforme de l'encadrement supérieur dans la fonction publique, incluant une réforme de l'ENA. Cette école doit s'implanter encore plus fortement à Strasbourg, ce qui consacrera la vocation européenne de notre ville et renforcera la décentralisation voulue par le Président de la République et mise en _uvre par le Premier ministre.

La formation initiale et continue des stagiaires de l'ENA s'effectuera en étroit partenariat avec l'Institut national des études territoriales et le Centre d'études européen de Strasbourg. Dans cette perspective, le maire de la ville et le président de la communauté urbaine vous ont donné des assurances sur l'extension des locaux et les possibilités d'hébergement des stagiaires comme des intervenants.

Pourriez-vous exposer à la représentation nationale les grandes orientations du développement de l'ENA à Strasbourg ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - La réforme de l'ENA s'inscrit dans le cadre plus ambitieux de la modernisation que nous souhaitons de la gestion des ressources humaines et des fonctions d'encadrement supérieur dans la fonction publique. Celle-ci exigera de réviser les modalités de recrutement ainsi que la gestion des carrières, mais aussi de développer la rémunération au mérite et les contrats d'objectifs.

La formation initiale et continue des agents est, bien entendu, au c_ur de cette réforme. Tout futur haut cadre administratif devra désormais avoir une meilleure connaissance de la culture des administrés dont il aura la charge, et les dimensions à la fois territoriale, entrepreneuriale et européenne devront être renforcées. Dans cette perspective, le choix de développer l'ENA à Strasbourg se justifie tout à fait. Je remercie Mme Keller et M. Grossmann de nous avoir donné des assurances quant à la construction de nouveaux locaux et à l'hébergement des étudiants, ce qui nous permettra de nous séparer d'un site à Paris et ainsi rationaliser les moyens, tout en améliorant l'efficacité de la formation. Nous entendons aussi développer la formation continue des administrateurs territoriaux, à l'ENA et à l'INET. En effet, la réussite de la réforme de l'Etat que nous avons engagée passe par la motivation des personnels d'encadrement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ACHAT DE NOUVEAUX REMORQUEURS DE HAUTE MER

M. Gilbert Le Bris - Nos remorqueurs de haute mer, véritables Saint-Bernard de nos côtes, ont épargné bien des vies humaines et évité bien des marées noires. Et nous sommes tout à fait satisfaits des services de la société Abeille Internationale, à laquelle la marine nationale fait appel pour la prestation de services. Mais on envisage aujourd'hui de faire construire les deux nouveaux remorqueurs, indispensables, en Norvège, par un constructeur qui sous-traiterait lui-même en Europe de l'Est. Comment l'admettre quand on sait que ces bateaux seront exploités à Brest et à Cherbourg, c'est-à-dire à côté de chantiers aptes à les construire et à les entretenir à prix compétitif, que leur construction représenterait 500 000 heures de travail pour nos chantiers navals, qu'ils exerceront une mission de service public et seront aidés par le biais de GIE fiscaux ? Le choix d'un chantier étranger constituerait un énorme gâchis. Même si ces remorqueurs sont commandés par une société privée, c'est bien l'Etat qui en paiera l'affrètement. On ne peut donc croire qu'il n'ait aucun pouvoir d'infléchir la décision. Arbitrera-t-il afin de ne pas sacrifier notre construction navale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - La marine nationale a estimé nécessaire de renforcer le service de remorquage de haute mer, assuré depuis 1978, contractuellement, par la société Abeille. Au terme de l'appel d'offres lancé par son commissariat, comme celui-ci y était obligé, la société Abeille Internationale a été retenue. Elle ne dispose toutefois pas des nouveaux remorqueurs nécessaires, et a donc elle-même lancé un appel d'offres, nécessairement international, à l'issue duquel deux chantiers ont été retenus, l'un français, l'autre norvégien. La société a une préférence pour le second qui offre de meilleures prestations techniques, pour un prix inférieur et dans des délais plus courts.

La marine nationale n'a aucun moyen d'influer sur son choix, ne serait-ce que du fait des accords internationaux signés par notre pays, dont certains par vous-mêmes. En effet, ne s'agissant pas d'un navire de guerre, la réglementation communautaire comme les accords de l'OMC interdisent d'imposer toute clause de préférence nationale au prestataire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

AIDE HUMANITAIRE

Mme Chantal Bourragué - Monsieur le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, les crises humanitaires majeures se sont, hélas, multipliées au cours des dernières années. Souvenons-nous de l'Afghanistan, l'Argentine, la Côte d'Ivoire, l'Algérie, le Sri Lanka, le Libéria, l'Afrique australe..., dont les populations ont souffert de tant de catastrophes naturelles ou sanitaires et, plus encore, de la guerre. La France s'honore chaque fois qu'elle intervient pour leur venir en aide. C'est une de ses fiertés que d'être porteur d'un message humaniste à l'échelle internationale.

Conformément au v_u du Président de la République, les moyens n'ont jamais manqué à l'action humanitaire. Mais la coordination n'a pas toujours été assez efficace pour aider rapidement les victimes.

Le 11 juin dernier, vous avez présenté au Conseil des ministres les nouvelles orientations de l'action humanitaire d'urgence et hier vous avez présidé le premier comité interministériel sur ce sujet.

Quelles actions concrètes allez-vous lancer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères - La France a tenu son rang dans les crises humanitaires, qu'il s'agisse de l'Algérie, de l'Irak, du Congo, de la Côte d'Ivoire ou du Libéria.

Face à ces situations de détresse, nous avons un devoir d'efficacité et j'ai personnellement un devoir de résultats (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Noël Mamère - Soyez prudent !

Plusieurs députés socialistes et communistes - Soyez modeste !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères - C'est pourquoi nous avons organisé un comité interministériel, associant six ministères, qui a créé un groupe opérationnel. Il joue le même rôle que le médecin régulateur pour le SAMU : décider, piloter et coordonner nos interventions humanitaires dans le monde.

Par exemple, lors du tremblement de terre en Algérie, l'information nous est parvenue vers 6 heures du matin : dès 10 heures, nos forces étaient sur le terrain car nous savions qu'après 17 heures les chances de survie étaient nulles pour les personnes ensevelies sous les décombres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Il est indispensable de coordonner aussi les ONG, les entreprises et les collectivités locales qui veulent participer à cette action humanitaire (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). C'est pourquoi nous aurons une réunion le 3 décembre pour nous concerter.

L'action humanitaire de la France est à la hauteur de sa politique étrangère (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SOINS PALLIATIFS

M. Jean-Sébastien Vialatte - Monsieur le ministre de la santé, l'actualité a relancé le débat sur l'opportunité de légiférer sur le droit pour une personne de demander à ce qu'on mette fin à ses jours. Mais l'enjeu le plus important est l'accompagnement du malade en fin de vie car il ne faut pas oublier les milliers de personnes qui meurent tous les jours dans la douleur, la solitude et l'angoisse.

La loi du 9 juin 1999 a introduit un droit aux soins palliatifs, tant à l'hôpital qu'au domicile. Mme de Hennezel vous a remis un rapport soulignant l'hétérogénéité des pratiques, due à l'inégale formation des personnels médicaux.

Envisagez-vous d'inclure, dès le début des études médicales, une réflexion sur le sens des soins, les limites de la médecine et les problèmes de la fin de vie ? Comptez-vous ouvrir de nouveaux services de soins palliatifs dans les hôpitaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Le passage de la vie à la mort est une des questions les plus difficiles qui se pose à la conscience des hommes. C'est pourquoi le Gouvernement se réjouit qu'une mission parlementaire présidée par Jean Léonetti travaille sur ce thème et c'est pourquoi il s'est engagé, après le rapport remis par Mme de Hennezel, à reprendre les débats initiés par mon prédécesseur, Bernard Kouchner.

Déjà nous nous appliquons à mettre en _uvre les lois votées en 1990 et en 2002, qui, si elles étaient correctement appliquées, répondraient à la plupart des situations. Nous nous attachons également à une meilleure formation des professionnels, en particulier des généralistes qui animent les réseaux de soins. Le nouveau programme du deuxième cycle des études de médecine comprend un module entièrement consacré à la prise en charge de la douleur et aux soins palliatifs. Il y a plus de 25 diplômes d'université sur ces thèmes, largement ouverts à la formation continue, et plus de 50 % des inscrits sont des médecins généralistes.

Cette question dépasse les clivages politiques : il y va de notre dignité à tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

BUDGET DE L'OUTRE-MER

M. Philippe Edmond-Mariette - Le Président de la République rappelle souvent le rôle que joue l'outre-mer dans le rayonnement de la France.

Mme la ministre de l'outre-mer fait tout son possible pour respecter les engagements du chef de l'Etat. Mais un petit nombre de députés de votre majorité joue au poker budgétaire à notre détriment, pour économiser quelques euros. Ainsi 41 zones franches nouvelles ont été créées dans le cadre de la politique de la ville, mais pas une seule en outre-mer. Hier, la commission a présenté un amendement réduisant le plafond de la réfaction d'impôt dans les DOM. Samedi matin a été adopté un amendement relatif à la suppression du remboursement de TVA, alors que le Conseil national des impôts n'a jamais préconisé une mesure aussi drastique, au contraire. Un amendement concernant le FIATA et le financement de la continuité territoriale a heureusement été rejeté. Mais le problème n'est pas réglé pour autant.

Monsieur le Premier ministre, quelles suites avez-vous donné au rapport de la DGCRF sur les transports aériens aux Antilles, qui a mis en évidence l'abus de position dominante de la compagnie Air France ? Vous avez souhaité que la France gagne : puis-je vous rappeler que la France qui gagne est belle en couleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Notre passé n'a jamais été simple : c'est un passé décomposé. Mais aujourd'hui notre présent paraît plus qu'imparfait, malgré la loi-programme. Quelle est donc votre vision pour la France des trois océans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - L'outre-mer est un grand enjeu et une grande ambition pour la France. C'est fort de cette conviction que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'emploie à tenir tous les engagements du Président de la République.

Je tiens à vous rassurer : le Gouvernement ne changera pas de position au cours de ce débat budgétaire : nous n'accepterons pas que la politique de l'outre-mer soit définie par voie d'amendements sur des sujets souvent très complexes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Bernard Roman - Le Gouvernement n'a rien dit !

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - Mais soyons clairs : l'outre-mer n'est pas hostile par principe à la modernisation des dispositifs qui lui sont appliqués, à condition que les réponses soient préparées sur le terrain, dans la concertation (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Aucun député, dans cet hémicycle, n'apprécierait qu'une réforme soit engagée dans son département sans qu'il soit consulté.

Le Gouvernement défend le principe républicain de la continuité territoriale. Le rapport du ministère des finances que vous évoquez n'est pas terminé : nous en tirerons les conclusions le moment venu. Mais nous avons déjà pris des mesures très fortes (« Lesquelles ? » sur les bancs du groupe socialiste) pour introduire de la concurrence dans la desserte aérienne et je me réjouis que votre commission des affaires économiques ait demandé récemment un rapport d'information au député Joël Beaugendre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour faire toute la lumière sur la fixation des prix des billets d'avion.

Cette France des trois océans, nous la défendons avec force et avec c_ur car c'est une part irremplaçable de notre communauté nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures est reprise à 16 heures 20.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Maurice Leroy - Rappel au Règlement, Monsieur le Président, fondé sur l'article 58.

Nous avons chacun sur notre pupitre trois plots permettant de participer aux scrutins publics : un plot « pour », un plot « contre » et un plot « abstention ». Hier, lors du scrutin public sur la première partie du projet de loi de finances, le groupe UDF s'est abstenu, ce qui est son droit. Or, j'ai entendu le président du groupe UMP, M. Jacques Barrot, et d'autres collègues exprimer dans les médias que l'abstention correspondait à un vote contre. Cela m'a grandement surpris car ce n'est pas conforme à notre Règlement. Est-il donc prévu, Monsieur le Président, de faire des travaux dans l'hémicycle pour supprimer les plots « abstention » ? (Sourires)

M. le Président - Il n'a échappé à personne qu'hier le groupe UDF s'était abstenu ; cela a été abondamment dit à la télévision.

Vous n'êtes député que depuis juin 1997, mais vous devez savoir que conformément au Règlement, lorsqu'il y a un scrutin, qu'il soit à main levée ou solennel, on ne fait état que des votes « pour » et des votes « contre ». Je n'ai pas l'intention de changer cette règle. Mais encore une fois, chacun a bien compris la position de votre groupe, qui a été clairement exprimée par M. Bayrou.

Lorsque vous serez un député confirmé - je ne doute pas que vos électeurs du Loir-et-Cher vous permettront de le devenir, et je m'en félicite ! -, vous utiliserez peut-être une pratique ancienne, connue de tous les parlementaires chevronnés, qui est celle de l'aboiement. Elle consiste, au moment où le Président demande qui est « pour » et qui est « contre », à aboyer « je m'abstiens » ou « mon groupe s'abstient », phrases qui figurent alors au Journal officiel. Je pense qu'étant déjà un député averti, vous avez fait ce rappel au Règlement pour aboyer avec retard (Sourires).

M. Victorin Lurel - J'espère que je deviendrai moi aussi un député confirmé, sans avoir pour autant à aboyer pour faire entendre mes positions.

Mon rappel au Règlement est fondé sur l'article 58, alinéa premier.

A la question de notre collègue Philippe Edmond Mariette, Madame la ministre a répondu que la politique à l'égard de l'outre-mer, en particulier la politique fiscale, ne se faisait pas par voie d'amendement, disons à l'esbroufe. Ce n'est pas la première fois que nous l'entendons dire cela, et nous en prenons acte.

Mais il se trouve qu'hier après-midi, le Gouvernement, qui n'a pas hésité à demander une deuxième délibération sur la première partie du projet de loi de finances pour revenir sur trois amendements, n'est pas revenu sur celui qui fait disparaître le remboursement de TVA. Alors, vérité hier, erreur aujourd'hui ?

J'observe que le Gouvernement, dont tous les ministres sont en principe solidaires, n'est pas revenu sur une disposition adoptée avec son accord explicite.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

OUTRE-MER

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances pour les départements et régions d'outre-mer - La présentation de ce projet de budget est compliquée par les modifications intervenues dans le « bleu », notamment au chapitre 44-03 qui comprenait l'an dernier dix-huit articles et n'en comporte plus que onze.

En dépit des progrès constatés depuis quelques années, les économies ultra-marines demeurent fragiles et les entreprises sont confrontées à une situation très délicate. Il faut avoir ce contexte à l'esprit pour examiner ce projet de budget du ministère, qui représente un peu plus de 14 % de l'effort consenti par l'Etat en faveur de l'outre-mer. Il s'élève à 1,121 milliard, soit une hausse de 3,4 % par rapport au budget voté pour 2003, et introduit certaines nouveautés, notamment dans le domaine de l'emploi et en direction de Mayotte. Les moyens des services atteignent 181,80 millions, en hausse de 1,61 % et les crédits des interventions publiques 681,1 millions, en hausse de près de 8 %.

Au titre V, les investissements exécutés par l'Etat et finançant les équipements administratifs représentent 6,87 millions, en augmentation de 10,4 %.

Enfin, au titre VI, les subventions d'investissement accordées par l'Etat pour financer la politique du logement et le développement économique et social, s'établissent à 251,5 millions, en baisse de 6,64 %.

En 2003, les crédits du ministère ont été consommés, jusqu'aujourd'hui, à 61,5 %, un peu plus qu'à la même époque de l'an dernier. Cette exécution a été marquée par le décret du 14 mars 2003 portant annulation de crédits. L'outre-mer a été concernée à hauteur de 2,7 millions pour les autorisations de programme et de 74,2 millions pour les CP. Plusieurs membres de la commission ont regretté que ces annulations aient porté sur des secteurs aussi essentiels que l'emploi, la politique sociale et culturelle et le logement. Une réserve de précaution a été constituée, et certains gels de crédits ont pu être annulés.

Le budget de l'outre-mer porte également la marque de la loi d'orientation pour l'outre-mer et de la loi de programme du 21 juillet 2003. Ces deux lois ont renforcé le dispositif d'exonération destiné à soutenir les entreprises du secteur marchand. Certaines commissions ont insisté sur la nécessité d'évaluer de façon complète les dispositifs de défiscalisation pour en mesurer l'efficacité.

S'agissant de la politique de l'emploi outre-mer, constatons que le chômage demeure à une niveau élevé : 25 % en Guadeloupe et en Martinique, 20 % en Guyane et plus de 27 % à la Réunion. Le coût des exonérations de charges sociales outre-mer atteint 2,660 milliards, dont un tiers figure dans le budget de votre ministère.

Les crédits destinés à financer les actions du FEDOM font l'objet d'une fongibilité complète, et sont regroupés dans un article unique.

En 2004 commencera, à la Martinique, une expérience de globalisation des mesures d'insertion. Les crédits correspondants sont regroupés dans une seule ligne budgétaire, pour un montant de 70,38 millions.

Les crédits affectés au passeport mobilité devraient s'élever à 11 millions, soit une baisse de 37 %. Ce dispositif devrait concerner 11 000 étudiants et 5 000 jeunes en formation professionnelle ou engagés dans une démarche d'accès à l'emploi. Les crédits consacrés au SMP représentent 63,84 millions, et demeurent stables.

La situation du logement dans les DOM demeure préoccupante, même si plus de 8 500 logements ont été construits au titre de l'aide au logement neuf, et que plus de 3 000 logements ont été réhabilités. Les subventions à la politique du logement sont fixées à 287,5 millions en autorisations de programme et à 173 millions en crédits de paiement, ce qui reconduit à peine le montant de l'année précédente, alors que les besoins s'accroissent.

Pour les collectivités territoriales, le FIDOM s'établit à 34,30 millions en autorisations de programme et à 23,64 millions en crédits de paiement. Les subventions à caractère obligatoire en faveur des collectivités locales des DOM s'élevaient en 2003 à 4,1 millions. Elles devraient atteindre l'an prochain 4,4 millions. Les membres de la commission ont souhaité que la pratique des subventions exceptionnelles versées en loi de finances rectificative soit revue, car elle ne contribue pas à la lisibilité de politique en faveur de l'outre-mer.

En application de la loi du 21 juillet 2003, une dotation de continuité territoriale sera versée annuellement à chaque collectivité d'outre-mer. Elle contribuera à permettre d'accorder aux résidents une aide forfaitaire pour effectuer un voyage aller-retour entre la collectivité concernée et la métropole. 100 000 passagers devraient en bénéficier l'an prochain, pour un coût de 30 millions. Cette mesure a été critiquée : la dotation de continuité territoriale paraît relever davantage de l'exercice de la solidarité nationale que du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien.

Des membres de la commission ont exprimé des observations sur le rapport Laffineur. Il ne faudrait pas que des rapports parlementaires versent dans la stigmatisation de la dépense publique outre-mer, au risque de compromettre l'activité dans les DOM et de témoigner d'un manque de sens républicain à l'égard des administrateurs et des responsables territoriaux.

M. Victorin Lurel - Ce rapport fixe le mépris !

M. Alain Rodet, rapporteur spécial - M'en étant remis à la sagesse de la commission des finances, cette dernière a adopté à la majorité les crédits des DOM.

M. Victor Brial, rapporteur spécial de la commission des finances pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie - Alain Rodet l'a dit, les crédits du ministère de l'outre-mer s'élèvent à un peu plus de 1,121 milliard, soit une augmentation de 3,4 %. Les autorisations de programme atteignent 393 millions, en baisse de 5,8 millions. Le ministère a pour priorités l'encouragement à la création d'emplois durables dans le secteur marchand et la relance de l'investissement privé, la stimulation de l'offre de logements et aussi l'aide aux plus démunis. Le « bleu » budgétaire, malheureusement, ne permet pas de distinguer les crédits des DOM de ceux des autres collectivités. Pour ces autres collectivités et la Nouvelle-Calédonie, les dépenses du ministère sont évaluées à 231 millions pour 2004, soit une augmentation de 1,6 %. Les autorisations de programme s'élèvent à 58,2 millions, en hausse de 29,3 %.

Le budget du ministère ne retrace qu'une partie des dépenses pour les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie. Les crédits de l'ensemble des ministères s'élèveraient en 2004 à 1,8635 milliard, en baisse de 5,3 %. Les autorisations de programme atteignent 147 millions, en augmentation de 4,6 %. Le ministère de l'outre-mer n'assure donc que 12,4 % des dépenses ordinaires et crédits de paiement, et 39 % des autorisations de programme.

A l'issue de l'exécution du budget 2002, le solde des crédits disponibles dépasse 585 millions, 17 millions de moins que l'année précédente. Au 31 août 2003, la consommation des crédits atteignait 61 %, contre 58 % à la même époque l'an dernier. Alain Rodet a indiqué les conséquences pour l'outre-mer du décret du 14 mars 2003. Grâce à l'intervention de Mme Girardin, certains gels ont pu être levés.

En 2004, seront versés aux collectivités locales des subventions de fonctionnement et d'investissement. Un fonds intercommunal et de péréquation fonctionne déjà en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. Les collectivités locales bénéficient de la DGF et de la DGE. Cette DGF mériterait d'être renforcée, comme l'ont noté les missions parlementaires de l'Assemblée et du Sénat en septembre dernier. En effet, les trois circonscriptions territoriales de Wallis-et-Futuna, pour ne citer qu'elles, assurent de très nombreuses missions, de l'établissement des documents administratifs à l'habitat social, les transports scolaires et le soutien aux instituteurs et aides maternelles. Les chantiers de développement local concernent la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, Wallis-et-Futuna.

Je souhaite la mise en place, dans les meilleurs délais, d'une réflexion sur une nouvelle orientation de l'éligibilité de ce dispositif d'aide - le seul à Wallis-et-Futuna - qui tendait à transférer les bénéficiaires de ces chantiers du secteur public vers le secteur marchand.

Le service militaire adapté a survécu à la suppression du service militaire, pour accueillir des volontaires désireux de recevoir une formation et une première expérience professionnelle.

La mise en service de la loi de programme relative à l'outre-mer passe par le financement d'un dispositif d'abaissement des coûts des billets d'avion afin de surmonter les handicaps dus à l'enclavement et d'agir sur les facteurs qui affaiblissent le dynamisme économique. Cette avancée majeure, financée par la solidarité nationale, fera l'objet de nouvelles évolutions, après évaluation de sa première année de mise en _uvre. Je souligne l'importance de ces actions, qui vont dans le sens de l'engagement du Président de la République en faveur de la baisse du coût des transports entre la métropole et l'outre-mer.

Une meilleure couverture télévisuelle et en moyens de communication serait également nécessaire, ainsi qu'une modification du dispositif de défiscalisation - dont le coût total supplémentaire a été évalué à plus de 171 millions en année pleine pour 2005 -, une meilleure reconnaissance des diplômes en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, ou que la création d'une prime en faveur de la création d'emplois.

Doivent également être consolidés en Nouvelle-Calédonie le nécessaire financement des transferts de charges, les activités d'extraction minière et métallurgique, le développement du tourisme, la desserte aérienne et, enfin, l'éducation.

Je rappelle le retard important de dépenses en capital touchant la province sud, avec un arriéré de plus de 6 millions pour la construction d'établissements scolaires, et plus de 1,9 million à régler avant la fin de l'année.

Il convient de citer, concernant la Polynésie française, la dotation globale de développement économique, qui s'est substituée au fonds de reconversion, et l'importance du tourisme dans cette collectivité.

Concernant le rapport d'information sur les rémunérations en outre-mer, il me paraît important de tout mettre en _uvre pour une meilleure appréciation des contraintes ultra-marines liées à l'élargissement.

En janvier 1999, j'avais estimé nécessaire de faire mesurer le différentiel du coût de la vie entre la métropole et la collectivité que je représente. Malheureusement, le Gouvernement de l'époque n'a pas jugé opportun de procéder à une telle étude...

Les spécificités propres à chaque collectivité doivent êtreprises en considération dans le cadre d'une analyse globale. Les collectivités d'outre-mer bénéficient d'un régime spécifique d'association et reçoivent le concours du fonds européen de développement. Grâce à la décision du Président de la République de doubler les dotations du fonds Pacifique, - plus de 3 millions d'euros -, les collectivités d'outre-mer renforcent leur intégration au niveau international.

Le 28 juillet dernier, lors de sa visite dans le Pacifique, le chef de l'Etat a fait des propositions en faveur du renforcement de la présence française en Océanie. Cela doit passer par une coopération renforcée en matière de santé, d'échanges culturels et sportifs. Ces ambitions nécessitent un effort soutenu de l'Etat. J'espère, grâce à cette impulsion, une adhésion rapide de la Polynésie française au Forum des îles du Pacifique.

La mise en _uvre de la loi organique a déjà permis de définir une mission : faciliter l'égalité entre l'outre-mer et la métropole par un développement économique et social structuré en trois points : développement de l'emploi, amélioration des conditions de vie des populations, consolidation de l'intégration dans l'ensemble national, européen et international.

Le ministère de l'outre-mer exerce une fonction de coordination de l'ensemble des politiques de l'Etat, qui dépasse la seule gestion directe des politiques spécifiques qu'il met lui-même en _uvre.

Le périmètre des dépenses destinées à l'outre-mer devra être élargi. Au-delà, les crédits pour l'outre-mer inscrits sur les autres budgets ministériels devraient être plus faciles à identifier.

Restent à définir les actions, les indicateurs de performance et à délimiter de façon précise les périmètres en matière d'emploi.

Je note que la gestion des crédits de l'Etat pourrait être améliorée si des dotations étaient acceptées.

Je conclus en vous invitant, au nom de votre commission des finances, à voter ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'outre-mer - Je salue, Madame la ministre, votre détermination pour défendre la cause de l'outre-mer, qui se traduit par un budget dynamique, poursuivant l'effort de transparence et de vérité entrepris. Alors que vos prédécesseurs se complaisaient à annoncer des taux record d'augmentation de crédits - qui restaient sous-consommés -, vous avez choisi de bâtir votre budget sur des réalités concrètes.

Avec une enveloppe de 1,121 milliard, le budget augmente de plus de 3,4 %, soit une progression supérieure aux autres départements ministériels, ce qui traduit votre attachement à l'outre-mer.

M. Jérôme Lambert - Mystification ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis - Comment ne pas se féliciter que vous ayez pu tenir vos engagements, et obtenir le vote de la loi de programme, un an après votre arrivée aux affaires ? L'outre-mer est impatient de voir appliquer ces nouvelles mesures qui lui permettront de relancer l'emploi productif et de soutenir l'investissement.

L'effort de la nation en faveur de l'outre-mer est important et est disséminé dans plusieurs départements ministériels.

Alors que le budget du ministère de l'outre-mer sera de 1 121 millions d'euros, la contribution du ministère de l'emploi et de la solidarité sera de 782 millions d'euros, essentiellement pour financer les mesures d'exonération de charges sociales. Les nouvelles dispositions en faveur de la défiscalisation entraîneront une dépense fiscale évaluée à 171 millions d'euros, imputée sur le budget de l'économie et des finances.

Je souhaiterais que vous confirmiez les propos que vous avez tenus devant la commission des affaires économiques, selon lesquels votre objectif était de réorganiser la présentation des crédits budgétaires pour en améliorer la lisibilité et obtenir que les crédits d'intervention figurent désormais au budget de son ministère. Cet effort de clarification me paraît essentiel pour démentir les allégations selon lesquelles la France délaisse l'outre-mer.

Les créations d'emplois en outre-mer ont été plus nombreuses qu'en métropole. Cependant, elles n'ont pas permis de résoudre le problème du chômage, en raison notamment de la croissance démographique.

Le chômage est en moyenne deux à trois fois plus élevé qu'en métropole. Fin février 2003, le taux de chômage est de 24,7 % de la population active en Guadeloupe, de 19,2 % en Guyane, de 24,5 % en Martinique, de 27,3 % à la Réunion. La proportion très élevée de chômeurs de longue durée témoigne du caractère structurel de ce chômage et requiert le soutien de l'Etat en faveur du secteur marchand.

Je me félicite des mesures prévues par la loi de programme du 21 juillet 2003 qui a opéré une réforme du dispositif d'exonération de cotisations sociales tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. Ce nouveau dispositif représente un coût supplémentaire de 37,2 millions d'euros, le coût total des exonérations de charges sociales devant s'élever à 668 millions. Pouvez-vous nous préciser la traduction budgétaire de la loi de programme et nous indiquer comment sera utilisé le FEDOM ?

Ce budget assure une totale fongibilité des crédits inscrits au chapitre 44-03 du FEDOM en regroupant la totalité des moyens au sein d'un article unique. Une dotation de 477 millions est prévue, soit un montant quasiment stable par rapport aux crédits votés en 2003. Pourtant des critiques ont été émises, expliquant que cette stabilité serait fallacieuse car certains crédits auraient été supprimés du budget du ministère des affaires sociales. Pouvez-vous démentir ces rumeurs qui insinuent que votre budget serait en réalité en diminution ?

Ce budget poursuit des politiques qui ont fait leurs preuves : soutien au logement social, lutte contre l'habitat insalubre, mais il innove aussi pour lutter contre la précarité en prévoyant d'assouplir les conditions d'accès à la CMU, conformément aux engagements du Premier ministre lors de son discours de Saint-Denis-de-la-Réunion.

Sur le plan institutionnel, des collectivités ou départements choisiront sans doute de se doter d'une assemblée unique. Lorsque les lois de transfert de compétences auront été promulguées, certaines collectivités décideront peut-être de tirer le profit maximum de la décentralisation pour exercer dans toutes leurs dimensions ces nouvelles compétences et mettre en _uvre des expérimentations législatives pour mieux adapter la règle de droit aux spécificités ultra-marines.

Quelles compétences la prochaine loi de décentralisation transfèrera-t-elle ? Comment les collectivités locales les financeront-elles ? Quid, en particulier des nouveaux critères d'attribution des dotations financières ? Comment aiderez-vous les collectivités d'outre-mer à acquérir une meilleure connaissance des bases imposables afin d'améliorer le rendement de leur impôt ?

La fiscalité de l'outre-mer est spécifique. Qu'en sera-t-il, vis-à-vis de l'Europe notamment, de l'octroi de mer et des statuts dérogatoires comme celui de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ?

Cette perspective est l'occasion de repenser certaines de nos spécificités financières et fiscales. Il est urgent de revoir les bases de calcul des dotations aux collectivités locales, qui sont totalement inadaptées aux contraintes démographiques et sociales.

L'ancrage de l'outre-mer français dans l'Union européenne doit être confirmé à l'heure où l'élargissement menace les politiques de rééquilibrage régional dont il a bénéficié via le FEDER, le FEOGA et le FSE.

Je me félicite que ce budget apporte des solutions novatrices pour affirmer le principe de continuité territoriale et alléger un handicap majeur de l'outre-mer, celui de l'enclavement.

Cette aide encouragera l'accès des jeunes à une formation en métropole et la mobilité de nos sportifs ultra-marins qui font la fierté de notre nation. Mais ces améliorations doivent être approfondies pour alléger véritablement le coût de la desserte aérienne de l'outre-mer.

Pourriez-vous nous éclairer sur les difficultés du financement de la continuité territoriale à partir d'une majoration du FIATA ? Si le recours à ce fonds s'avère imposable, comment financerez-vous ces mesures si attendues ?

Beaucoup reste à faire pour améliorer la desserte aérienne des Antilles. Je m'impliquerai personnellement dans ce dossier puisque j'ai été chargé par le président de la commission des affaires économiques d'étudier la composition des coûts des billets d'avion et la politique tarifaire des compagnies aériennes.

Le quasi-monopole qui prévaut dans plusieurs zones de l'outre-mer est préjudiciable à tous. Il fragilise notre filière touristique, car les prix imposés aux tours opérateurs sont beaucoup trop élevés, et pénalise beaucoup de nos ressortissants qui ont choisi de venir en France hexagonale, la mort dans l'âme, pour retrouver une dignité par le travail et ne peuvent rejoindre les leurs à l'occasion d'évènements familiaux. Cette pénurie de places d'avion, conjuguée à la mauvaise qualité de la desserte, est devenue intolérable : je compte sur vous pour améliorer la situation.

Enfin, nombre de problèmes sans incidence budgétaire pèsent gravement sur le quotidien des ultramarins. La situation de notre agriculture est préoccupante. J'attends de bonnes nouvelles sur l'OCM, le sucre et la banane. Comment entendez-vous soutenir les producteurs de bananes qui ont décidé de s'unir pour faire entendre leur détresse ?

Je vous remercie en leur nom pour l'octroi par l'agence française de développement d'un prêt de taux zéro de 13 millions.

Mais l'agriculture ne sera pas le débouché des nouvelles générations arrivant sur le marché du travail. Il faut donc soutenir les filières créatrices d'emplois : énergies nouvelles, bâtiment, tourisme.

J'appelle votre attention sur l'importance de la défiscalisation pour le renouvellement du parc hôtelier. Les sociétés antillaises et les collectivités locales sont très soucieuses de la réussite des prochaines saisons touristiques. Le plan de relance du tourisme annoncé en décembre 2002 par M. Léon Bertrand doit donc être complété.

Suite à la crise provoquée par l'annonce du départ d'Accor des Antilles une délégation de la commission des affaires économiques s'est rendue aux Antilles pour apaiser les acteurs de la filière touristique.

Tous nos interlocuteurs ont souligné l'importance d'une desserte aérienne plus économique et mieux organisée pour favoriser les correspondances. La desserte des Antilles par l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle est indispensable à la diversification de la clientèle, aujourd'hui métropolitaine à 80 %.

La réhabilitation hôtelière est primordiale pour soutenir la concurrence de Saint-Domingue ou de Cuba, où le parc est neuf. Cette action de rénovation doit être l'occasion de mobiliser l'épargne locale. De nombreux interlocuteurs ont souhaité la création d'un fonds régional d'investissement garanti par les collectivités locales et de grands investisseurs institutionnels.

La filière touristique souffre aussi d'une mauvaise organisation de la promotion des Antilles françaises. Je me félicite donc de la création, au sein de la Maison de la France, du club « outre-mer », et j'espère que la promotion sera intensifiée aux Etats-Unis et au Canada. Ces efforts doivent se concentrer sur le personnel qui accueille les touristes, peu qualifié et manquant parfois de dynamisme. Il faut entreprendre une action vigoureuse pour attirer les jeunes et les rémunérer de façon décente tout en complétant leur formation. Je salue donc l'ouverture, à la Guadeloupe, d'un lycée hôtelier.

Les relations sociales restent en outre trop conflictuelles. Il faut mettre en place une conférence du dialogue social, tout particulièrement en Guadeloupe, pour prévenir les conflits sociaux qui ont tendance à dégénérer et à bloquer l'économie locale. La précarité du travail dans cette branche n'est pas une fatalité et l'amélioration des conditions de travail sera un puissant facteur d'apaisement. Parmi les pistes à étudier, la possibilité de conclure des contrats à durée indéterminée avec des groupements d'employeurs qui ont des activités complémentaires sur l'année. De même, des efforts de formation continue sont indispensables pour assurer une promotion sociale parmi les Antillais et éviter ainsi un encadrement exclusivement métropolitain.

Au terme de mon rapport, j'invite l'Assemblée à voter ce projet de budget, qui a obtenu un avis favorable de la commission des affaires économiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les départements et régions d'outre-mer - Le budget de l'outre-mer pour 2003 était un budget de rupture et de transition. Le projet de loi de finances pour 2004 est donc le premier acte, après l'adoption de la loi-programme de quinze ans, d'une politique budgétaire destinée à inscrire l'outre-mer dans une croissance durable.

Dans un contexte difficile, ce budget progresse de 3,4 % par rapport à 2003 pour atteindre 1,121 milliard d'euros. Les quatre DOM, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, bénéficient, auprès de ce fonds, d'environ 868 millions d'euros.

Cette progression, supérieure à celle du budget général de l'Etat, témoigne de l'important effort financier que le Gouvernement consent pour tenir compte des besoins spécifiques de l'outre-mer, d'autant plus que cette enveloppe ne représente que 11 % de l'ensemble des crédits consacrés à l'outre-mer.

Je consacrerai l'essentiel de mon propos aux aspects institutionnels et communautaires, ainsi qu'aux questions de sécurité intérieure.

Conformément aux engagements du Président de la République, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a profondément rénové le cadre institutionnel de l'outre-mer.

La réforme de la Constitution introduit une innovation majeure en inscrivant le nom de chacune des collectivités d'outre-mer dans un nouvel article 72-3 et en les distribuant entre deux catégories juridiques. Cette désignation nominative des collectivités d'outre-mer dans la Constitution consacre solennellement leur appartenance à la République, dont elles ne pourront plus sortir sans révision de notre texte fondamental, ce qui constitue une garantie essentielle contre une évolution non souhaitée.

Le chef de l'Etat l'a d'ailleurs réaffirmé le 23 juillet 2003 lors de son voyage officiel en Polynésie française : « Ce n'est pas à l'Etat de proposer un projet institutionnel ou statutaire pour ces collectivités. C'est à elles, et à elles seules, qu'il revient de déterminer si elles souhaitent conserver leur statut actuel ou si, au contraire, elles souhaitent le voir évoluer. Ces propositions doivent naturellement faire au préalable l'objet d'un large accord politique local ».

Au-delà de leurs visions propres, les DOM-TOM partagent une conviction commune : le débat institutionnel ne doit plus focaliser l'attention, qui doit aller en priorité au développement économique.

Dans cette optique, la loi de programme pour l'outre-mer sur quinze ans adoptée le 21 juillet 2003 est le complément indispensable de la réforme constitutionnelle. Elle traduit les engagements pris par le Président de la République et par le Gouvernement et vise à promouvoir un développement économique fondé sur une logique d'activité et de responsabilité, et non plus d'assistanat.

C'est bien à cet objectif que répond ce projet de budget.

Dans cet esprit, il importe de réaffirmer l'ancrage de l'outre-mer dans l'Union européenne et de renforcer la politique de « l'ultrapériphéricité ».

Pour la première fois en 2002, les trois Etats européens concernés par cette question - la France, l'Espagne et le Portugal - ont jeté les bases d'une démarche commune en remettant à la Commission européenne un mémorandum commun signé le 2 juin 2003 à Paris, qui porte notamment sur la politique de cohésion économique et sociale, l'agriculture, la pêche.

Une deuxième échéance capitale pour les DOM sera la parution du troisième rapport de la Commission européenne sur la politique de cohésion économique et sociale, où figureront les grandes lignes de la politique régionale pour l'après-2006.

Le moment est donc crucial pour notre pays qui négocie aussi avec la Commission européenne la reconduction et la consolidation du régime de l'octroi de mer, qui avait été prorogé d'une année fin 2002. Il s'agit, en effet, d'un acquis essentiel à la croissance durable des DOM.

Dans le mémorandum qu'elle a admis à Bruxelles, la France fait des propositions pour garantir et renforcer les acquis européens, demandant notamment le maintien des dispositions de l'article 299-2 dans la future constitution européenne et l'inclusion de Mayotte dans la liste des régions ultra-périphériques.

Il est également indispensable d'améliorer la consommation des fonds européens, faute de quoi les DOM risqueraient de n'être plus éligibles aux fonds structurels. Nous savons, Madame la ministre, que vous avez engagé une action volontariste pour conforter ces acquis. Comment voyez-vous l'Union européenne, concrètement, contribuer à la réduction des handicaps de l'outre-mer ?

Dernier point : la sécurité des biens et des personnes, indispensable au développement de l'activité touristique. L'aggravation de la délinquance outre-mer n'était, pas plus qu'en métropole, inéluctable : il suffisait d'une ferme volonté politique de s'y attaquer. Et de premiers résultats sont déjà sensibles : au cours des huit premiers mois de cette année, la délinquance de voie publique a diminué de 9,6 % dans les DOM et de 10,8 % dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer. Le nombre de reconduites à la frontière a, quant à lui, augmenté de 14 %, et même de 30 % à Mayotte. La loi sur la sécurité intérieure a incontestablement donné les moyens de surveiller efficacement certaines frontières sensibles, comme en Guyane, pour lutter contre une immigration clandestine croissante. Un accord de réadmission est par ailleurs en cours de négociation avec le Surinam. Enfin, des moyens supplémentaires ont été dégagés dès septembre 2002. Au titre de 2004, deux millions d'euros seront accordés à Mayotte pour qu'elle s'équipe en moyens de surveillance de la mer entre elle et Anjouan. Cette politique résolue de lutte contre l'immigration clandestine s'inscrit bien sûr dans un cadre plus large de lutte contre le travail au noir.

Au total, ce projet de budget traduit bien les engagements pris par le Président de la République et assure le financement des mesures prévues dans la loi de programme. Entre les dénigrements systématiques de quelques-uns et l'approche trop comptable, à courte vue, de certains autres, nous demeurons, à vos côtés, Madame la ministre, des militants infatigables de cet outre-mer qui donne à notre pays, au-delà d'une dimension mondiale, le beau visage d'une France de couleurs, d'une France qui gagne, à l'image de son relais féminin du 4 fois 100 mètres aux derniers championnats du monde.

Plus que jamais, l'outre-mer a besoin d'une vision, d'une ambition, mais surtout nous avons à son égard obligation de résultat. La commission des lois apporte son soutien total à ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie - Ce rapport pour avis a été nourri des travaux menés sur le terrain, sous la conduite du président Clément, par une mission de six parlementaires, de tous bords, qui ont eu le privilège de se rendre à la fin de l'été en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. Cette mission nous a confortés dans l'idée que l'autonomie revendiquée par ces territoires, loin de les pousser vers l'indépendance, pouvait, paradoxalement, renforcer leur ancrage dans la République. Dès lors que ces territoires ont les moyens politiques et juridiques de gérer eux-mêmes les crédits alloués par l'Etat, les revendications indépendantistes perdent de leur substance. Comme l'a dit le Président de la République en visite en Polynésie française en juillet dernier, « l'autonomie est l'expression d'un partenariat destiné à favoriser le développement économique au sein du territoire. » Les crédits de l'outre-mer pour 2004 répondent à cet objectif.

Les institutions de la Polynésie s'apprêtent à évoluer fortement après la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003. Du traité de 1843 conclu entre Louis-Philippe et la reine Pomaré IV au statut de 1996, que j'avais eu l'honneur de rapporter ici, le chemin parcouru a été considérable. Et une nouvelle étape va encore être franchie, le nouveau statut de ce territoire ayant été présenté ce matin même en Conseil des ministres. Nous en débattrons le moment venu. Les visites que nous avons effectuées et les échanges que nous avons eus sur le terrain laissent présager de riches débats ici, sur lesquels je ne veux pas anticiper. Usage du français mais aussi du tahitien, nouvelles compétences pour le territoire, mesures de discrimination positive en faveur, notamment, de l'emploi local, réforme du statut communal, autant de thèmes sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir.

Pour ce qui est de la Nouvelle-Calédonie, territoire d'outre-mer depuis 1946, elle a connu pas moins de cinq statuts de cette date à 1988. Les accords de Matignon, puis l'accord de Nouméa du 5 mai 1998, ont encore ouvert une nouvelle étape dans son histoire institutionnelle. Notre mission a pu vérifier que la mise en _uvre de la première phase prévue par la loi organique était terminée. La dernière réunion du comité des signataires des accords, qui a eu lieu sous votre présidence, Madame la ministre, a permis de constater que les nouvelles compétences conférées par la loi organique sont, pour l'essentiel, exercées. Le FLNKS a toutefois souligné, au cours de cette réunion, l'importance qu'il attache à la question du corps électoral. Le Président de la République s'est engagé, lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, à ce que ce problème soit réglé, dans la plus large concertation, avant la fin de son mandat. Il faut certes prendre le temps nécessaire pour parvenir à une solution acceptée par tous mais, notre collègue Jacques Lafleur nous ayant confirmé, lors de notre visite, que « le RPCR comprenait la position du FLNKS », un grand pas en avant a été fait.

Toutes ces évolutions institutionnelles n'auraient pas de sens si leurs atouts économiques ne permettaient pas à ces collectivités d'exercer véritablement leur autonomie. Le chemin est incontestablement long et difficile, mais la détermination est forte, et la volonté de développement partagée par tous. Nous avons pu le constater sur le terrain.

L'activité touristique en Polynésie a crû de 90 % en dix ans, générant aujourd'hui un chiffre d'affaires de 380 millions d'euros, avec un objectif de 500 millions. Le marché perlicole a, lui aussi, explosé entre 1995 et 2000 et, pour faire face à la crise qu'il traverse actuellement, le président du territoire a pris les mesures nécessaires, endossant lui-même le portefeuille du ministère concerné. Il existe aujourd'hui cinq à sept cents fermes perlicoles, ce qui est un atout considérable. Le secteur de la pêche est également très prometteur avec une réserve halieutique estimée à plus de cent mille tonnes, une immense zone de pêche exclusive, cent cinquante thoniers, et d'importantes perspectives d'exportations vers le Japon.

La Nouvelle-Calédonie, elle aussi, possède d'indéniables atouts de développement économique, tout d'abord avec l'exploitation du nickel. Le rééquilibrage, indispensable, entre la province Sud et les provinces Nord en bonne voie : la grande usine du Sud va être agrandie, tandis qu'une autre sera construite au Nord, où doit également s'implanter une usine métallurgique. Seul ce rééquilibrage est le gage d'une paix durable en Nouvelle-Calédonie.

Le tourisme y est un autre secteur porteur d'avenir -- même s'il y est moins développé qu'en Polynésie. Le territoire possède des sites incomparables dont il faut mieux assurer la promotion.

Mais je ne voudrais pas omettre les perspectives ouvertes par l'élevage des crevettes et la prospection d'hydrocarbures...

Un mot sur la protection de l'environnement, qui est au c_ur du développement durable tant de la Polynésie que de la Nouvelle-Calédonie. La Polynésie en a pris conscience plus tôt, qui a décrété 2003 année de l'environnement. Lors de la mission passionnante que nous y avons effectuée, nous avons ainsi pu constater la détermination extraordinaire des autorités locales de Bora Bora à tout faire pour que cette île très touristique reste un endroit magique, préservé de la pollution et du béton. C'est vrai aussi pour les Iles Marquises...

M. le Président - Arrêtez de nous faire rêver, Monsieur le député ! (Rires).

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis - L'environnement en Nouvelle-Calédonie est différent, mais également exceptionnel : c'est le plus grand lagon du monde, avec une faune aquatique très riche.

Si l'exploitation minière a, malheureusement, quelque peu porté atteinte à cet environnement, aujourd'hui on a pris conscience de l'enjeu.

Le Président de la République a bien précisé que les avantages fiscaux consentis pour la construction de l'usine du Nord étaient subordonnés au respect de l'environnement.

Je terminerai en soulignant la chaleur et l'affection de l'accueil que nous avons reçu de la part des élus de toutes les tendances politiques et de la population. Nous avons partagé là-bas un grand moment de bonheur. Vous avez dit, Madame la ministre, que l'outre-mer était un grand enjeu pour la France. Nous en avons bien eu le sentiment et c'est avec plaisir que la commission des lois a adopté ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Lambert - Madame la ministre, lors de la présentation de votre premier budget, l'an dernier, vous aviez cherché à nous donner, sur un ton quelque peu arrogant, des leçons de transparence budgétaire, affirmant qu'il ne fallait pas confondre la présentation comptable et la réalité.

Un an plus tard, que constatons-nous ? Pour la première fois sous la Ve République, le budget de l'outre-mer est, à périmètre constant, en baisse sensible. Et vous avez le front de chercher à masquer cette réalité, expliquant, lors de la présentation à la presse, que vos crédits étaient en progression de 3,4 %.

Certes le budget de l'outre-mer pour 2004 s'élève à 1 121 millions d'euros, contre 1 095 millions d'euros en 2003. Mais l'un des principaux chapitres, celui du FEDOM, supporte cette année deux dépenses nouvelles et surtout vous opérez un transfert de charges de 75 millions d'euros d'exonérations patronales jusqu'à présent financées par le ministère des affaires sociales.

A périmètre constant, le budget n'atteint donc que 1 044 millions d'euros, soit une baisse de 3,6 % par rapport à 2003. Oser affirmer qu'il est en progression est un mensonge grossier ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Victorin Lurel - C'est vrai !

M. Jérôme Lambert - D'ailleurs, devant nos commissions vous avez reconnu que « l'outre-mer contribuait à l'effort de maîtrise de la dépense publique ».

Les exonérations de charges patronales encore supportées par le ministère des affaires sociales - 670 millions d'euros - correspondent aux seules exonérations de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Celles de la nouvelle loi de programme sont inscrites à votre budget et seront financées par redéploiement puisque nous n'avez pas obtenu de crédits supplémentaires.

Pour dissimuler ce transfert de charges, la nomenclature du chapitre concerné a été modifiée : il ne comporte plus que 4 articles, contre 18 précédemment, ce qui empêche toute comparaison et évite de faire apparaître une ligne « exonérations de cotisations patronales ». C'est un budget d'injustice sociale, où les chômeurs et les exclus financent les patrons (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Le chapitre du FEDOM est doté de 477 millions d'euros, mais compte tenu de ce transfert de charges de 75 millions d'euros, il est en baisse de 16 %. Conséquence inévitable, les lignes budgétaires consacrées à l'insertion et à l'emploi aidé seront amputées de ces 75 millions d'euros.

Si l'on y ajoute les 31 millions d'euros enlevés à la créance de proratisation du RMI, ce sont au total 106 millions d'euros de moins pour l'emploi et l'insertion, ce qui risque de casser la dynamique de baisse du chômage enclenchée par la LOOM.

Cette baisse du chômage dans les DOM a débuté il y a trois ans et est le résultat du dispositif ambitieux mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin : hausse des fonds structurels, de l'effort de l'Etat dans les contrats de plan, LOOM, etc. Vous vous évertuez à ne pas mentionner ces mesures, mais les faits sont têtus et la politique du gouvernement actuel n'est pour rien dans l'amélioration, au reste fragile, constatée outre-mer. En effet, notre nouvelle loi-programme n'est toujours pas en vigueur, parce que les décrets d'application ne sont pas parus et parce que vous n'avez toujours pas l'accord formel des autorités de Bruxelles, saisies tardivement (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Quand elle entrera en application, l'amputation de 75 millions d'euros se traduira mécaniquement par 25 000 solutions d'insertion en moins, soit une hausse du chômage d'environ 6 %.

Votre budget sacrifie aussi le logement puisqu'il se contente de reconduire les crédits très médiocres de la LBU de l'an dernier : 173 millions d'euros, alors que les dépenses réelles ont été de 210 millions d'euros en 2003, compte tenu des reports de crédits.

Enfin, Madame la ministre, vous nous présentez un budget virtuel puisque la politique d'annulation de crédits en cours d'année, qui s'est amplifiée en 2003, va nécessairement se poursuivre en 2004. Les annulations 2003 dépassent d'ores et déjà 93 millions d'euros ! Les dotations du FEDOM et de la LBU, qui sont les deux priorités que vous affichez, ont été particulièrement amputées. Et il est de notoriété publique qu'un troisième arrêté d'annulation sera publié d'ici à la fin de l'année par le ministère des finances; il concernera aussi, selon toute vraisemblance, l'outre-mer, et notamment le FEDOM à hauteur de 35 millions d'euros. Mais peut-être allez-vous démentir cette information...

Devant cette politique d'abandon (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), il est cocasse que vous continuiez à invoquer, en guise d'excuse, l'ampleur des reports de crédits constatés à votre arrivée en 2002.

Mme Christine Boutin - Cela vous gêne, n'est-ce pas ?

M. Jérôme Lambert - Il faut sans doute en conclure que vous n'avez pas été informée d'une tradition républicaine : le gel partiel, systématiquement décidé par tout Premier ministre l'année d'élections législatives, afin que le gouvernement suivant dispose, dès son arrivée, de marges de man_uvre. C'est ce qui explique que vous ayez trouvé à votre arrivée rue Oudinot de nombreux crédits non encore employés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Nous dénonçons donc les mensonges de ce gouvernement et invitons nos compatriotes à ne pas se laisser abuser. J'ajoute que nous avons été particulièrement choqués, Madame la ministre, par les propos que vous avez tenus devant nos compatriotes réunionnais, que vous avez publiquement accusés de pleurer la bouche pleine.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - Je n'ai jamais dit cela !

M. Jérôme Lambert - Vous, en revanche, allez leur donner de bonnes raisons de pleurer avec ce mauvais budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Christophe Lagarde - Madame la ministre, vous avez choisi pour ce budget 2004 trois axes majeurs : l'emploi, le logement social et l'aide aux plus démunis. Voilà qui témoigne de votre part d'une grande préoccupation sociale ; on ne peut pas en dire autant de l'ensemble du projet de loi de finances.

L'emploi est la priorité de votre ministère, et l'on ne peut que s'en féliciter. Même si la situation s'est améliorée ces derniers mois, il est indispensable d'aider les entreprises qui créent des emplois. Une grande partie des crédits est affectée au FEDOM. Nous regrettons l'absence d'une aide spécifique en faveur des TOM, avec lesquels une contractualisation serait souhaitable. Par ailleurs, il serait nécessaire que, fin 2004, une fois que la loi d'orientation sera entrée en application, l'efficacité des mesures prises soit évaluée.

Le retard accumulé dans le domaine du logement oblige le Gouvernement à consacrer des crédits importants à l'aide au logement social et à la résorption de l'habitat insalubre. Le groupe UDF approuve les mesures facilitant l'accession très sociale à la propriété.

L'aide aux plus démunis, enfin, bénéficie de crédits nouveaux. Une enveloppe de 50 millions d'euros est destinée au relèvement du plafond d'éligibilité de la CMU complémentaire.

Mais le budget du ministère ne représente que 11 % des dépenses en faveur de l'outre-mer ; à ce sujet, je voudrais évoquer deux sujets qui me tiennent particulièrement à c_ur.

L'éducation, tout d'abord. Il est nécessaire qu'elle fasse l'objet d'une évaluation et d'un plan de rattrapage. L'effort doit être au moins comparable à celui qui avait été fait il y a quelques années en faveur des banlieues. Dans le cadre de la mission parlementaire, nous avons constaté la nécessité pour l'éducation nationale de s'adapter aux situations diverses des départements et territoires d'outre-mer.

Deuxième sujet : la continuité territoriale. Lors de la discussion de la loi de programme, nous nous étions félicités de l'effort du Gouvernement sur ce point, mais nous voulions qu'on aille plus loin. Il faut en effet viser non seulement les résidents des DOM-TOM, mais aussi nos concitoyens ultra-marins qui résident en métropole et ne sont pas membres de la fonction publique : le principe de continuité territoriale doit s'appliquer à tous. J'ai déposé en ce sens une proposition de loi qui reprend le dispositif mis en place pour la Corse.

Quelques mots à propos de la mission confiée à notre collègue Beaugendre. J'aurais pour ma part préféré une commission d'enquête. Il faut en tout cas que transparence soit faite sur les pratiques commerciales de la compagnie nationale.

Quant aux 30 millions d'euros, nous regrettons qu'ils soient financés par une taxe sur l'aviation civile, qui fait peser l'effort sur les usagers. Mieux vaudrait assurer la pérennité du financement de la continuité territoriale en inscrivant au budget les crédits nécessaires, ce qui manifesterait la volonté de faire jouer la solidarité nationale.

M. Victorin Lurel - Très bien !

M. Le Garrec remplace M. Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

M. Michel Vaxès - La quasi-stagnation du budget de l'outre-mer pour 2003 avait été expliquée par la préparation d'une grande loi de programme. Cette loi a été votée en juillet dernier, mais le budget pour 2004 ne rompt pas pour autant avec une logique de régression.

Les dotations les plus déterminantes pour le développement socio-économique des régions ultra-marines sont soit simplement reconduites - donc en diminution en termes constants -, soit en baisse sensible. Les crédits du FEDOM, amputés l'an dernier de 25 millions, plafonnent à 477 millions d'euros ! A périmètre constant, ils sont même en baisse puisque cette somme, outre la totalité des mesures d'insertion dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, financera l'an prochain les exonérations de charges sociales, dont le montant est estimé à 55 millions. Comment, dans ces conditions, financera-t-on les mesures nouvelles issues de la loi de programme ? Comment maintiendra-t-on le nombre des emplois aidés ?

De même, les subventions d'investissement en faveur du logement demeurent au niveau de l'an dernier, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, alors que les besoins sont énormes. Plus grave encore, le passeport mobilité, mesure phare de l'an dernier, perd plus d'un tiers de sa dotation !

La dotation de continuité territoriale de 30 millions d'euros sera financée à hauteur de 50 % par l'augmentation de la taxe de l'aviation civile, le reste provenant de la majoration de la redevance pour services terminaux. L'effort sera donc consenti par les usagers, et non par l'Etat !

Les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie ne sont pas mieux lotis. Les crédits qui leur sont consacrés dans le budget du ministère ne progressent que de 1,3 % ; ceux provenant de l'ensemble des ministères récapitulés dans le « jaune » budgétaire seraient, selon ma lecture, simplement reconduits, et selon celle du rapporteur spécial en diminution de 5,3 %. Ce dernier souligne par ailleurs la faiblesse de la DGF, eu égard à l'importance des missions dévolues à ces collectivités.

Participant à une mission de notre commission des lois dans le Pacifique Sud, j'ai pu mesurer l'immensité de la tâche à accomplir.

En particulier, la question du corps électoral est déterminante pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Conformément aux engagements pris sur place par le Président de la République, il conviendrait d'y répondre au plus vite. Le projet tendant à modifier le statut de la Polynésie pourrait en fournir l'occasion. Il importe d'apaiser au plus tôt les inquiétudes du peuple kanak sur le respect des accords de Nouméa. Plus généralement nous sommes loin des promesses du Président de la République qui souhaitait l'égalité économique pour l'outre-mer, et aussi des effets d'affichage de la loi de programme. Les handicaps structurels de l'outre-mer, un PIB par habitant très inférieur à celui de la métropole, l'ampleur des inégalités, de la pauvreté et de l'exclusion ne permettent pas de réponses faciles ni une économie de moyens.

Votre budget a minima prend place dans une conjoncture où se manifestent des incertitudes sur les politiques communautaires, qui ont un impact direct sur les économies ultra-marines.

Voilà pourquoi notre groupe votera contre votre projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Gérard Grignon - Par rapport au contexte actuel, votre budget est bon, puisque son augmentation de 3,4 % le place sous ce rapport au quatrième rang des budgets de l'Etat. Vous pourrez ainsi poursuivre votre politique en faveur de l'emploi marchand, tout en maintenant la totalité du soutien aux emplois aidés. Le budget du ministère, rappelons-le, ne représente que 11 % de l'ensemble des crédits que l'Etat consacre à l'outre-mer.

J'attire à nouveau votre attention sur l'exploitation des hydrocarbures offshore dans la zone économique exclusive française autour de Saint-Pierre-et-Miquelon. Depuis 1998, j'ai l'impression d'être un peu isolé dans ce combat. Pourtant, tout autour de l'archipel, l'exploitation en zone canadienne du gaz et du pétrole montre bien l'extrême intérêt des enjeux. Les retombées économiques se manifestent de façon spectaculaire, par exemple par l'extension rapide des aéroports de Saint-Jean-de-Terre-Neuve et d'Halifax. Or les résultats des négociations franco-canadiennes sur les modalités d'exploitation des hydrocarbures dans les zones transfrontalières ne sont pas satisfaisantes, s'agissant en particulier de l'avitaillement des plates-formes par des navires français basés à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les Canadiens ont enfin accepté d'aborder cette question. Mais la loi canadienne sur le cabotage introduit de fait une discrimination. Interrogé par moi sur ce point, le Premier ministre m'a répondu que le Gouvernement serait vigilant. Je reste perplexe. Vous connaissez comme moi les Canadiens. En l'absence de texte écrit, l'accord sera difficilement applicable s'agissant de l'avitaillement des plates-formes. Quelle est votre position sur ce dossier ?

J'en viens aux activités de pêche et d'aquaculture. Vous connaissez la situation de la société Interpêches. La convention qui la lie à l'Etat arrive à expiration. Comptez-vous la reconduire à l'identique ? Un ambitieux projet d'aquaculture de coquilles Saint-Jacques est lancé à Miquelon. D'abord initié par le conseil général, il est aujourd'hui totalement relayé par des investisseurs privés. Il s'agit d'une des rares démarches concrètes de diversification économique de l'archipel. La commercialisation commencera l'an prochain. Près de quarante personnes y sont déjà employées. L'Etat avait promis d'appuyer financièrement les investissements. Or aucun crédit de paiement n'est arrivé, ce qui place les investisseurs en situation difficile.

L'agrément de défiscalisation est en cours à Bercy. Pouvez-vous confirmer le soutien de l'Etat ?

Il n'existe pas de liaison aérienne directe entre Saint-Pierre et Miquelon. La compagnie Air Saint-Pierre bénéficiera-t-elle des exonérations de charges accordées au titre de la continuité territoriale ? A qui sera attribuée la dotation de continuité territoriale ? Son montant permettra-t-il de faire baisser de façon notable le prix du billet d'avion ? Le récent rapport de Jean-Philippe Duranton sur la desserte aérienne de l'archipel insiste sur la nécessité de mettre en place des vols occasionnels ou des charters pendant les périodes chargées. La DGAC s'y est longtemps opposée. Va-t-elle enfin faciliter la desserte aérienne de l'archipel, quels que soient les opérateurs ?

A Saint-Pierre-et-Miquelon, la politique familiale n'a pas évolué depuis 1966. La caisse de prévoyance sociale a présenté trois projets d'amélioration. Le Gouvernement compte-t-il y répondre ?

Madame la ministre, vous vous attachez à faire évoluer les institutions de l'outre-mer pour les rendre plus démocratiques. Notre collectivité territoriale ne doit pas être exclue de ce mouvement institutionnel qui permettra de combler certains retards accumulés par notre statut qui date de 1985.

Soucieux de réaliser des économies budgétaires, certains collègues ont déposé des amendements en commission des finances, relatifs par exemple à la TVA ou au montant des retraites de la fonction publique. Ce n'est ni réaliste ni sérieux. Plus du tiers de ces économies demandées touche l'outre-mer. Le Président de la République a souhaité que l'outre-mer soit placé au c_ur de la politique de développement économique et social. Les amendements adoptés en commission des finances contredisent cette démarche. Une grande politique pour l'outre-mer ne peut pas se construire à coup de petits mouvements. L'outre-mer, qui apporte tant à la France, mérite davantage de considération.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Gérard Grignon - Rassurez-nous. Je voterai votre projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Christiane Taubira - Nombreux sont les sujets sur lesquels il serait aisé de vous chercher querelle.

D'abord la hausse contestée et contestable de votre budget ; la forte probabilité d'annulation de crédits en cours d'exercice ; la nomenclature nouvelle qui rend impossibles les strictes comparaisons, par un usage dégourdi de la réforme de l'ordonnance de 1959 impulsée sous la présidence de M. Fabius ; les transferts de crédits sociaux non compensés qui gonflent artificiellement le fonds emploi ; les ruses comptables qui vous font attribuer à la loi Perben de 1994 la très relative amélioration des chiffres du chômage, ce qui nous donne à penser qu'il faille attendre dix ans avant de ressentir les effets de votre loi de programme. Querelle possible aussi sur cette man_uvre impériale qui vise à gommer l'_uvre qui vous a précédée, comme aux meilleurs jours des régimes totalitaires. Les crédits pour le logement sont modestes. La dotation de la LBU ne correspond pas aux besoins réels dans l'habitat social. Les crédits pour l'action sociale et culturelle baissent de 16 %, les moyens dévolus au passeport mobilité chutent de 37 % alors que tant de jeunes sont en difficulté ; le FIDOM dégringole.

N'est pas moins critiquable votre philosophie à géométrie variable sur le débat institutionnel. Le baiser empoisonné donné au rapport Laffineur, après avoir commandité une mission-sonde comme on lance un poisson pilote, mérite le même jugement. Les critères de répartition de la dotation de continuité territoriale vont provoquer d'interminables contestations et le désolant spectacle de collectivités rivalisant d'arguments spécieux et de man_uvres douteuses pour dépecer la pénurie.

Je salue néanmoins vos efforts et mérites personnels, Madame la ministre, qui ne sont pas dérisoires dans ce milieu masculin et si rompu à la « démocratie du plus lourd ».

Mais les indicateurs économiques et sociaux demeurent dégradés et n'incitent donc pas au triomphalisme. On ne saurait vous en tenir personnellement responsable, mais vous être solidaire d'un Gouvernement qui s'inscrit dans la lignée philosophique et idéologique de ses prédécesseurs, ceux qui rédigèrent et appliquèrent en 1960 les ordonnances d'expulsion des fonctionnaires locaux indociles, ceux qui ordonnèrent la charge contre la grotte d'Ouvéa, ceux qui commandent de réprimer des manifestations qu'ailleurs on se contente d'encadrer, ceux qui veulent, chez nous, punir sévèrement plutôt que justement.

Ce gouvernement pratique encore l'injure à l'assistanat et à la présomption de fraude aux revenus sociaux. Il met les moyens de l'Etat au service de stratégies partisanes. Les crédits ne sont pas attribués pour lutter contre les injustices, les inégalités, les déséquilibres territoriaux ; ils le sont pour consolider des positions de seigneurs et préparer des conquêtes électorales.

Le vote du budget est un acte ordinaire du Gouvernement et de même que l'on n'attend d'aucune région de France d'exubérantes manifestations de gratitude pour la loi de finances, de même nous refusons de nous soumettre à d'humiliants étalages de reconnaissance.

Nous savons en effet le gâchis de talent, les générations sacrifiées, les élites décimées lorsque l'on n'a pu les corrompre, la destruction de l'économie de subsistance, la désorganisation des savoirs, la dépendance économique sciemment organisée.

Mais nous savons aussi ce qui nous reste de génie, de puissance créatrice, de persévérance à survivre.

Les femmes, les jeunes, les artistes, les agriculteurs, les artisans, les industriels, les professions libérales, les chefs d'entreprise, les fonctionnaires nous donnent une irréfutable démonstration.

Alors nous nous tenons droits, campés, verticaux, avec la fierté de nos idéaux, la superbe de notre obstination à exister collectivement, avec la conscience altière de nos prouesses passées et présentes.

Certes, nous devons encore remporter des victoires sur nous-mêmes, nos renoncements, nos démissions, notre pusillanimité, nos lâchetés, nos luttes intestines.

Pourtant, la dernière manche nous appartient, car comme disait Léon-Gontran Damas, « il s'agit moins de recommencer que de continuer à être contre le dressage, le musée, la caserne, le pourboire, la débrouille et la menterie » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. André Thien Ah Koon - Heureusement que la nouvelle majorité est arrivée au pouvoir, sinon nous aurions été conduits à vivre de mendicité. Nous ne nous laisserons pas insulter par ceux qui en pleine compétition économique pourfendent le travail. Il y en a qui devraient être plus modestes. Si des entrepreneurs, des scientifiques, des sportifs fuient la France, ce n'est pas à cause de la majorité. Les 35 heures ont plombé la France. Les Français sont écrasés par les prélèvements obligatoires. Que ceux qui viennent ici insulter la majorité balaient devant leur porte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La loi de programme pour l'outre-mer mérite nos félicitations. C'est grâce à vous, Madame, que le principe de la continuité territoriale a été reconnu par l'Assemblée.

Des efforts importants ont été accomplis en faveur du logement, de la relance, de la défiscalisation. Le passeport mobilité est un outil révolutionnaire pour la promotion des Réunionnais et sur le plan national et dans l'espace européen.

Grâce à vous, le plafond d'éligibilité à la CMU a été relevé, permettant ainsi à des millions de pauvres gens d'accéder aux soins.

La population du sud de la Réunion reste touchée par le chômage, mais, de 50 % de la population active sous le précédent gouvernement, le taux est passé aujourd'hui à 45 %. Je rappelle que le taux est de 31 % dans le nord de l'île.

Grâce à votre connaissance du terrain, nous gagnerons avec vous le combat contre le chômage. L'épuisement des forces actives en métropole en raison du vieillissement de la population, conduira à une pénurie d'un million de travailleurs dans les quinze prochaines années. Choisirons-nous l'émigration ? Il faut donner la priorité aux jeunes Réunionnais et aux Domiens formés et qualifiés.

La Réunion, en raison de sa situation et de la qualité de ses équipements techniques, doit pouvoir jouer pleinement son rôle dans l'Océan indien.

L'égalité sociale doit être complétée par l'égalité économique ; sinon, le différentiel chômage entre le nord et le sud de l'île continuera à s'aggraver.

Je demande votre soutien, madame la ministre, pour le projet d'allongement à 3 200 mètres de la piste de l'aéroport de Pierrefonds. Il se justifie par la saturation du réseau routier qui s'aggrave d'année en année. L'aéroport Saint-Pierre est en effet au premier plan de la stratégie de développement de l'île, entraînant la création d'hôtels, de services et d'emplois favorisant le rééquilibrage entre le sud et le nord. Vous avez d'ailleurs accepté que le FRDE finance ce type de travaux. J'insiste sur la faiblesse de notre équipement touristique au sud. Au 31 décembre 2002, sur les 10 000 chambres d'hôtels répertoriées à la Réunion, il n'y a au sud qu'un hôtel trois étoiles de cinquante chambres.

L'augmentation du trafic portuaire, la saturation du port de la Pointe-des-Galets génère un déséquilibre supplémentaire entre le nord et le sud. La création d'un quai de débarquement à Saint-Louis doit être prioritaire.

Un mot sur la fonction publique. La commission a adopté un amendement proposé par M. Laffineur. Pourrais-je leur dire qu'il n'est pas compétent pour parler à la place des Réunionnais ? Il aurait dû, au moins, consulter les élus. J'invite donc M. Laffineur à plus de discrétion.

Malgré votre déclaration de principe favorable, Madame la ministre, à la création d'un CHU à la Réunion, nous avons encore besoin de votre soutien auprès du ministre de l'éducation nationale. Il devra en effet donner son accord pour que ce projet voie le jour.

Soyez assuré de mon soutien et de ma volonté de travailler pour la prospérité de notre pays. Vive la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Victorin Lurel - Je félicite Mme la ministre et le Gouvernement pour avoir organisé ce débat un mercredi, un bon jour. Je salue le Président Debré qui porte un intérêt fidèle aux débats sur les départements d'outre-mer. Je salue également M. Jean-Christophe Lagarde qui nous a fait l'amitié de participer à la discussion et à l'adoption de la loi de programme pour l'outre-mer toute une nuit durant.

Je salue enfin M. Vaxès pour sa présence constante lors de nos débats. Et je regrette que nos collègues de métropole ne soient pas plus nombreux... Sincèrement, Madame la ministre, j'aurais souhaité trouver dans ce budget d'autres motifs de satisfaction. Mais j'ai eu beau chercher,...

Mme la Ministre - Avez-vous fait un véritable effort de recherche ?

M. Victorin Lurel - ...je n'en ai pas trouvé. Votre politique est mauvaise pour la France et calamiteuse pour l'outre-mer. Mauvaise pour la France : comme dans Saint Luc et Saint Matthieu, on prend à ceux qui n'ont pas pour donner à ceux qui ont. Alphonse Allais l'avait déjà dit, « mieux vaut prendre aux pauvres qu'aux riches, car les pauvres sont plus nombreux. » En France hexagonale comme en France ultra-marine, vous faites les poches des pauvres, vous prenez aux plus fragiles, et vous donnez au plus aisés sous le prétexte fumeux qu'ils seraient plus responsables, plus travailleurs, que sais-je encore... Voilà une théologie économique issue de votre fondamentalisme libéral qui stigmatise le monde du travail et les exclus. Jugez plutôt : réduction dramatique de l'APA - je n'irai pas jusqu'à vous faire porter la responsabilité des 15 000 morts de cet été, mais enfin c'est le résultat d'une politique d'abandon -, réduction de l'allocation de solidarité spécifique - en moins de deux ans, vous vous retrouverez désormais au RMI -, augmentation du forfait hospitalier (Protestations sur les bancs du groupe UMP), déremboursement des médicaments, suppression des emplois-jeunes. Nous bénéficions certes d'une exception, mais les subventions ont été diminuées de moitié, si bien que je n'ai pu garder que cinq de nos dix emplois-jeunes. Selon le rapport Laffineur, il y aurait un sureffectif de 102 personnes dans ma mairie de Vieux-Habitants. Je dirais plutôt 162 : c'est le résultat de la gestion calamiteuse de mon prédécesseur, qui est de vos amis.

Vous avez supprimé les maîtres d'internat et les surveillants d'externat - MI-SE - qui dataient de 1936. C'est symbolique. J'ai moi-même financé mes études avec un poste de « pion ». Et vous les remplacez par des assistants d'éducation qui n'arrivent pas à remplir leurs missions. Vous avez démantelé la protection sociale, remis en cause la retraite et singulièrement le système de la répartition. Vous allez remplacer le RMI par le RMA en vous fondant sur une curieuse conception de l'homme et du travail. Vous n'avez pas hésité à augmenter la TIPP. Ce sont encore les plus pauvres qui vont payer ! Dans le même temps, vous diminuez de 3 % le barème de l'impôt sur le revenu, ce qui avantage les hauts revenus. Et voici l'estocade finale : vous diminuez l'ISF de 500 millions d'euros !

Mauvaise pour l'hexagone, votre politique est calamiteuse pour l'outre-mer. Elle s'inspire de la conception de l'Etat modeste, de l'Etat garant - comprenez l'Etat qui ne gère plus. Or l'Etat doit être une locomotive outre-mer. L'initiative ne doit pas venir du seul secteur marchand : il faut marcher sur ses deux jambes, le secteur public et le secteur privé. Ce n'est pas ce à quoi tend votre politique.

L'outre-mer n'a pas à rougir : nous sommes dynamiques, nous créons proportionnellement plus d'entreprises que la métropole, l'inflation est maîtrisée, et nos performances culturelles, économiques, sportives et intellectuelles n'ont rien à envier à la métropole. Cela n'empêche pas une stigmatisation de l'outre-mer. Vous-même, Madame la ministre, avez eu hélas des mots malheureux à la Réunion. J'ai entendu ici-même dire que « là où il y a des niches fiscales, il y a des chiens » et me suis subitement reconnu une âme de chien... Oh, de chien maigre... Joël Beaugendre le disait, il y a 211 régions d'Europe, nous sommes la deux cent onzième. Il faut donc une politique de discrimination positive. Le budget que vous présentez ne participe pas de cette philosophie. Il ne permet pas, et je le regrette, de stimuler notre économie. Nous ne saurions lui trouver de circonstances atténuantes. Nous voterons contre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président - Je sais bien qu'il est très difficile d'intervenir en cinq minutes. J'applique donc la jurisprudence du Président Debré. Mais elle a ses limites.

M. Michel Buillard - Nous avons entendu parler de chiens, mais je pense que cette séance mérite le plus grand sérieux.

Lors de la présentation de votre budget, vous avez rappelé que sa progression était supérieure à celle du budget général de l'Etat, et ce dans un contexte difficile. Nous vous en remercions.

Toutefois, l'adoption par la commission des finances de plusieurs amendements susceptibles d'affecter le dynamisme économique de l'outre-mer pose problème. Sans entrer dans la polémique que certains ont entretenue à dessein sur les rémunérations et les retraites accordées aux fonctionnaires dans les DOM-TOM, j'attire votre attention sur un chiffre : 17 milliards de francs Pacifique, soit 142 millions d'euros, c'est la somme annuelle que représentent les pensions versées aux fonctionnaires retraités en Polynésie française. Cet afflux de capitaux contribue de façon déterminante à notre développement : les retraites sont la deuxième ressource de la Polynésie après le tourisme, mais avant la perle. Dans la mesure où ce débat, engagé de manière brutale et partielle, s'est focalisé sur le prétendu déséquilibre engendré par les rémunérations majorées des fonctionnaires outre-mer, je contesterai toute initiative prise à ce sujet par la commission des finances.

Nous invitons nos collègues rapporteurs, en particulier notre ami Victor Brial, membre de la commission, à nous servir de vigie en cas d'avis de tempête.

Votre budget, votre loi programme pour l'outre-mer et ses mesures en faveur de la défiscalisation, du logement et des jeunes s'inscrivent dans le cadre d'une politique positive. Le passeport mobilité remporte un grand succès auprès des étudiants polynésiens : 600 ont été accordés en 2002-2003. Nos étudiants ont pu en remercier le Président de la République lors de sa venue cet été. Ils regrettent cependant qu'il n'existe pour eux aucune allocation équivalente à l'allocation logement. Aussi un groupe de travail réfléchit-il à la mise en place d'un passeport logement pour les étudiants ultra-marins. Pourrez-vous nous en dire plus ?

Vous avez évoqué lors de votre audition par la commission une extension aux jeunes sportifs du passeport mobilité.

Enfin, votre budget inclut une dotation de 692 697 € pour des bourses d'études destinées aux territoires d'outre-mer. Ces mesures complètent utilement l'effort de formation consenti par notre territoire en faveur des jeunes, qui représentent 40 % de sa population. 2004 sera axé sur le développement économique. Pour compléter les mesures de défiscalisation de la loi programme, le gouvernement polynésien met en place de nouvelles incitations fiscales pour les entreprises.

Nous oeuvrons à accroître nos ressources propres, mais notre développement dépend encore trop des transferts de la métropole. En 2002, la dotation globale de développement économique est venue pérenniser le fonds de reconversion de l'économie polynésienne, créé à la suite de l'arrêt des essais nucléaires. La dotation est bien inscrite au budget de l'Etat. Mais comment compenserez-vous l'absence de versement par le précédent gouvernement des sommes dues au fonds de reconversion de l'économie polynésienne et au fonds pour les communes de Polynésie, qui n'a reçu aucune contribution depuis 2001 ?

2004 sera aussi une année charnière pour notre évolution institutionnelle. Depuis la réforme constitutionnelle, les collectivités d'outre-mer peuvent voir aménager leurs institutions et leurs compétences au sein de la République française. L'Assemblée a déjà approuvé le projet de loi organique que le Sénat doit examiner prochainement. Je compte sur vous pour l'inscrire rapidement à notre ordre du jour et sur nos collègues pour comprendre l'aspiration des Polynésiens à voir renforcer leur autonomie institutionnelle pour encourager le développement économique et prendre en compte nos spécificités culturelles, économiques et linguistiques. Je vous remercie de soutenir notre expérience (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Huguette Bello - Des interrogations s'étaient fait jour dès mars dernier avec les premières annulations de crédits, grandissantes avec les gels intervenus en septembre, mais, avec ce budget 2004, le doute n'est plus permis : l'outre-mer ne fait plus, déjà plus, partie des priorités de ce gouvernement. Tous les artifices de langage, toutes les astuces comptables, tous les slogans de propagande ne le masqueront pas.

Le « terrain », si souvent invoqué pour justifier les politiques ultra-libérales, ne s'y trompe pas. Il refuse de servir d'alibi à des décisions qui ne visent qu'à satisfaire les exigences du «consensus de Washington », lequel repose sur le triptyque austérité-privatisation-libéralisation. A la Réunion, comme ailleurs, le « terrain » se rebelle, comme en témoignent les longues grèves qui y ont eu lieu dans l'éducation nationale et les manifestations récurrentes qui s'y déroulent.

Le « terrain » est inquiet, Madame la ministre, et ce n'est pas votre budget, en régression par rapport aux années précédentes, qui le rassurera, tant s'en faut ! L'emploi est le poste en plus forte diminution. Comme cela n'est pas très avouable, on clame haut et fort qu'il demeure la priorité des priorités, on camoufle par des astuces budgétaires le décalage entre le discours et la réalité, enfin, on culpabilise les plus fragiles, les plus faciles à culpabiliser.

S'agissant du FEDOM, qui regroupe les crédits de l'emploi et de l'insertion, l'astuce est de transférer sur ce fonds, dans la plus totale opacité, des charges qui devraient figurer au budget du ministère des affaires sociales. Ainsi les exonérations de charges prévues par la loi de programme, soit 75 millions d'euros, sont de fait financées grâce à la suppression de 25 000 projets d'insertion. Les chômeurs sont priés de payer pour se faire embaucher ! C'est sans doute dans la même logique que les crédits de compensation de la créance de proratisation du RMI ont été annulés, et ce depuis l'année dernière pour couvrir le déficit budgétaire. Le FEDOM, c'est-à-dire l'argent des pauvres, des exclus, sera-t-il encore mis à contribution pour financer les baisses d'impôts accordées aux riches ? Quoi qu'il en soit, les titulaires d'emplois-jeunes de la Réunion sauront pourquoi un millier d'entre eux restera à la fin de cette année « au bord du chemin», et les bénéficiaires de CES n'ont pas davantage à espérer. Aucun Réunionnais ne sera surpris de le forte augmentation du chômage dans l'île, programmée dans votre loi.

Nous n'avons rien contre l'emploi marchand, mais la situation particulière de la Réunion exige d'y concilier, dans l'intérêt même de l'emploi, économie marchande et économie solidaire. Le démantèlement de celle-ci, fût-il pudiquement rebaptisé redéploiement, ne favorisera pas celle-là. Décidément, la lutte contre le chômage ne fait pas bon ménage avec l'idéologie. Nous n'accepterons pas que, pendant que la majorité stigmatise les fonctionnaires et le Gouvernement culpabilise les chômeurs, le ministère de l'outre-mer dévalorise l'emploi solidaire.

Le logement est, avec l'emploi, l'autre préoccupation des Réunionnais. Alors qu'il faudrait construire 30 000 logements dans les trente années à venir, l'annulation de 45 millions d'euros en 2003 est particulièrement malvenue. Mille demandes de logements sociaux ne pourront pas être satisfaites. Les besoins sont tels qu'il faut d'urgence annuler cette annulation, comme cela a été fait pour la métropole.

Quant à la dotation de continuité territoriale, présentée comme la grande innovation de la loi de programme, non seulement le montant en est critiqué de toutes parts, mais le financement paraît problématique. Ce sont les passagers qui seront mis à contribution, devant payer plus cher leurs billets.

Contre toute logique par rapport à la loi de programme, le budget de l'outre-mer diminue. Derrière le paravent de la communication, la vérité apparaît dans sa nudité. Ce budget ne peut que renforcer les inquiétudes nées jour après jour de l'action de ce gouvernement. Votre loi, Madame la ministre, méritait sans doute meilleurs débuts. L'outre-mer aussi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Victor Brial - Ce gouvernement et vous-même, Madame la ministre, êtes, à l'évidence, déterminés à donner à l'outre-mer la place qui lui revient.

Pour ce qui est de ma circonscription, je souhaite qu'y soient poursuivis les programmes engagés par les autorités du territoire, sous l'égide du ministère de l'outre-mer, en matière d'éducation et de santé.

La santé publique est une priorité à Wallis-et-Futuna. Notre agence de santé connaît, hélas, un déficit structurel récurrent, le manque de moyens est chronique tant à Wallis qu'à Futuna, et nos hôpitaux sont très vétustes. Comme aucun spécialiste n'est installé dans nos îles, toute intervention chirurgicale technique exige, si des chirurgiens ne viennent pas de Nouvelle-Calédonie ou de métropole, de se rendre en Australie ou en Nouvelle-Calédonie, avec des moyens lourds d'évacuation sanitaire.

Outre qu'ils sont insuffisants, les équipements scolaires sont inadaptés à la géographie du territoire, ce qui entraîne des surcoûts indûment mis à sa charge. Ceux-ci devraient s'imputer sur le budget de l'Etat, compétent en matière d'enseignement à Wallis-et-Futuna. Des moyens importants devraient être dégagés pour lutter contre l'illettrisme, notamment à l'entrée en sixième, et pour rénover les établissements. Une première phase de travaux a néanmoins été engagée grâce à vous, Madame la ministre.

Dans nos îles éloignées, le transport, aussi bien aérien que maritime, est une priorité. La récente visite du secrétaire d'Etat aux transports nous a rassurés quant à la volonté du Président de la République de faire évoluer rapidement la situation en ce domaine. La desserte aérienne intérieure entre Wallis et Futuna doit impérativement être modernisée, tant pour ce qui est de la piste que de l'appareil. La desserte aérienne des îles Fidji et Samoa, voisines, doit aussi être développée, sans oublier la desserte maritime intérieure, indispensable à nos concitoyens les plus défavorisés, les plus nombreux à Wallis-et-Futuna. Quant aux liaisons avec la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, elles devraient être plus nombreuses et moins chères, d'autant que le nombre de passagers vers ces destinations n'a cessé d'augmenter depuis dix ans. Le transport maritime, qui est notamment le principal moyen d'acheminement de nos importations, devrait lui aussi être moins cher.

Il faudrait également faciliter l'accès des particuliers aux prêts immobiliers et remédier rapidement à l'absence de structure bancaire à Futuna.

L'environnement est une question très sensible dans nos îles. La population n'ayant été pour l'instant que peu sensibilisée, beaucoup reste à faire, comme trouver les financements nécessaires. L'Etat doit aussi prendre des initiatives, aux côtés du mouvement associatif, pour l'instant le seul à le faire, en matière de lutte contre les pollutions, de collecte des déchets non recyclables, de régénération des forêts par plantation d'espèces en voie de disparition, de sensibilisation à la nécessité de préserver la ressource en eau. A l'heure où certaines îles du Pacifique sont menacées à terme par la montée des eaux, toutes les dispositions doivent être prises pour préserver l'environnement des générations futures.

Je vous remercie, Madame la ministre, pour les efforts que vous avez déployés durant ces dix-huit derniers mois pour respecter les engagements du Président de la République et mettre en _uvre l'ambitieux programme du Gouvernement. Les mesures spécifiques prises pour l'outre-mer en témoignent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christophe Payet - Nous examinons ce projet de budget à un moment où une profonde inquiétude traverse la société réunionnaise, en particulier ses couches les plus défavorisées. Et ce ne sont pas ces crédits pour 2004 qui les rassureront ! L'heure de vérité a sonné : le budget de l'outre-mer pour 2004 diminue bel et bien.

A l'ambition affichée jusqu'ici pour l'outre-mer, succède un discours nouveau, inquiétant, selon lequel les DOM ne seraient que des enclaves réunissant privilégiés et assistés. Les premiers sont tout désignés : ce seraient les fonctionnaires y exerçant, sur lesquels planent la menace, désormais constante, d'une remise en question de leurs acquis.

L'expérience a pourtant montré que la politique des boucs émissaires est dangereuse et conduit à l'impasse. Une réforme ne saurait être envisagée sans tenir compte du coût réel de la vie outre-mer et à la condition que les économies réalisées soient injectées dans le développement de nos régions. Avec la suppression de la prime d'éloignement, on n'en a pas pris le chemin !

Ceux qui bénéficient de la solidarité nationale, les « assistés », sont aussi stigmatisés. En matière d'emploi, vous avez fait le choix de privilégier l'économie marchande sur l'économie sociale. Les emplois aidés ne représenteront plus que 67 % des crédits, contre 76 % en 2003. Vous vous félicitez de la baisse du chômage dans les DOM, mais elle date de l'année 2000, et elle résulte de la loi d'orientation en faveur de l'économie sociale, non de votre politique, puisque les décrets d'application de votre loi-programme ne sont toujours pas parus.

A la Réunion, les effets néfastes de la politique libérale du Gouvernement sont démultipliés : la diminution des emplois aidés, la suppression des emplois-jeunes, la réforme de l'ASS, l'augmentation du forfait hospitalier, le déremboursement de certains médicaments, la suppression du remboursement de la TVA non perçue seront durement ressentis par les plus fragiles, alors que 10 % de la population vit encore en dessous du seuil de pauvreté !

Ce changement de politique pour l'outre-mer s'inscrit dans l'esprit de la politique générale du Gouvernement : il s'agit de faire participer l'outre-mer à la réduction des dépenses publiques, ce qui nous éloigne encore plus du nécessaire rattrapage des retards de nos régions.

Nous étions loin de penser que l'intention du Gouvernement était de faire financer par d'autres la dotation de continuité territoriale. Cela a soulevé des réserves au sein même de votre majorité. La modicité des crédits consacrés à cette dotation la réduit d'ailleurs à une simple mesure d'aide à la mobilité.

Logique d'économie aussi dans le logement social, il aurait été décidé de geler 35 % des crédits de la LBU pour 2003. Si ce gel était confirmé, il hypothéquerait la construction d'un millier de logements sociaux. Même la dotation du RSMA, dont l'effet positif est reconnu, n'échappe pas à une diminution.

Madame la ministre, l'inquiétude est grande à la Réunion et entame la confiance nécessaire à la réussite du développement. L'outre-mer n'est pas une priorité pour ce gouvernement. Le groupe socialiste votera contre votre projet budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Gabrielle Louis-Carabin - La situation budgétaire difficile a fait planer des doutes sur l'effort en faveur de l'outre-mer. Certains auraient pris la maîtrise des dépenses au pied de la lettre, faisant fi des besoins de développement de nos régions.

Mais notre budget, Madame la ministre, augmente de 3,4 % et c'est un signe fort. Les réajustements opérés reflètent votre volonté de dépenser mieux. Point d'affichage comme dans le passé, mais une action pragmatique menée avec courage et détermination. Vous, au moins, avez appris à nous connaître, à respecter nos particularismes, qui sont des atouts pour la France.

Chers collègues, on ne peut mener une politique de développement de l'outre-mer par petites touches, encore moins à coup d'amendements. Les crédits qui lui sont consacrés dans les budgets des autres ministères confirment cette orientation - je citerai la défiscalisation, le soutien à la rénovation urbaine, les aides au tourisme et aux PME, etc.

Le soutien au secteur marchand, l'effort pour le logement social, la résorption de l'habitat insalubre, le relèvement du plafond de la CMU, toutes ces mesures participent à la lutte contre l'exclusion que nous, élus locaux, menons sur le terrain, terrain que nous connaissons bien, contrairement à certains élus nationaux.

Cependant quelques difficultés persistent et je profite de cette tribune pour vous interpeller sur la filière canne-sucre-rhum. Les planteurs font de grands efforts pour la moderniser. Les critiques portées à l'encontre du régime européen du sucre et la perspective d'une franchise de droits de douane pour les importations en provenance des pays les moins avancés nous inquiètent. Le 23 septembre, la Commission européenne a proposé la diminution des quotas de production et du prix du sucre. Quelle sera la position du Gouvernement ?

Par ailleurs, la Guadeloupe est pénalisée par la répartition inégale des contingents de rhum. Les producteurs souhaitent se voir attribuer des quotas supplémentaires. L'arrêté du 31 décembre 2002 peut-il être revu en ce sens ?

Ce budget est bon, je le voterai et je vous soutiendrai tant que votre politique défendra nos régions et évitera que l'outre-mer ne soit perçu que sous l'angle des dépenses fiscales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alfred Marie-Jeanne - Madame la ministre, je prends acte de votre accord pour donner la parole au peuple sur la création d'une collectivité unique se substituant au département et à la région.

Cette réponse fait suite à la proposition des élus de la Martinique. Un large accord s'est dégagé, concrétisé dans un document qui sera remis à chaque électeur. Ce document constitue un tout, il ne saurait donc être déchiqueté.

Pour éviter toute équivoque, j'attire votre attention sur la notion malencontreuse de « vote déterminant pour le oui », qui ne relève d'aucun code juridique, ni moral.

C'est un a priori qu'il faut lever, car en matière de consultation un non est un non et un oui est un oui.

Ce préalable clarifié, venons-en à votre projet de budget. Malgré l'austérité ambiante, il serait en augmentation de 3,4 %. Un certain nombre d'interrogations se posent cependant.

Le taux annoncé est-il réel ou résulte-t-il de transferts astucieux ? Les crédits votés ne seront-ils pas immédiatement gelés pour contenir le déficit de l'Etat ? On sait que pour l'exercice 2003, 18,87 millions d'euros des crédits de l'outre-mer ont déjà été annulés.

Quant à la loi-programme, son application prend du retard. Elle risque de ne devenir totalement opérationnelle qu'après la mort de très nombreuses petites et moyennes entreprises.

L'efficacité des mesures décidées dépendra aussi de la rapidité de leur mise en _uvre.

Quant à la continuité territoriale, c'est un cadeau piégé : la modicité des sommes allouées - cinquante-trois fois moins qu'en Corse ! - ne fera qu'entraîner surenchères et insatisfactions. Le financement devrait relever directement de l'Etat. Le système ne risque-t-il pas d'ailleurs d'être épinglé par la Commission européenne ? En tout cas, ce financement ne saurait être assuré, ni de près ni de loin, par la collectivité régionale. De grâce, ne chargez pas indûment la yole et le gommier martiniquais !

S'agissant des mesures en faveur de l'emploi, le moment n'est-il pas venu de refondre tous les contrats existants - CES, CEC, CIA, CAE, CRE et autre CEJ ?

Par ailleurs, la décision de la conférence maritime d'appliquer sans concertation une surcharge de cogestion portuaire de 300 € par équivalent vingt pieds aux importateurs va à l'encontre du maintien de l'emploi : c'est une ponction de 2,7 millions d'euros que l'on opère brutalement sur les entreprises martiniquaises. Cette affaire soulève d'ailleurs le problème de la composition de l'autorité décisionnelle, qu'il faudrait revoir.

Enfin, le harcèlement de la commission des finances a quelque chose d'humiliant. Si l'on doit reconsidérer l'attribution de certaines aides afin d'accroître leur efficacité, il ne faut pas le faire à la sauvette.

En matière de logement, autre priorité reconnue, ne serait-il pas judicieux de prévoir des moyens nouveaux pour inciter à la construction sur appuis parasismiques.

Madame la ministre, j'ai mis l'accent sur quelques points qui font problème. Il vous revient maintenant le soin de démontrer pour convaincre (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Mme Béatrice Vernaudon - Madame la ministre, vous avez présenté ce matin en Conseil des ministres le projet de loi organique destiné à doter la Polynésie française d'un nouveau statut d'autonomie renforcée. Nous ne doutons pas de son adoption en 2004, vingt ans après notre premier statut d'autonomie.

Vous savez combien celui-ci a été déterminant pour le développement de notre collectivité, dans la période particulièrement incertaine marquée par le moratoire puis par l'arrêt des essais nucléaires. Grâce à ce statut, grâce également à la solidarité nationale, nous avons pu rattraper nos retards d'infrastructures, renforcer la cohésion sociale et développer nos ressources propres.

La commission des lois, Jérôme Bignon l'a dit, a été impressionnée par le dynamisme économique de notre collectivité, par notre engagement dans la modernité, et surtout par la volonté farouche de notre population d'être pleinement actrice d'un développement harmonieux et durable.

Même s'il est bien engagé, ce développement reste fragile. Il reste beaucoup à faire, notamment en matière d'éducation et de formation, de développement agricole et plus encore de développement communal.

M. Jean-Christophe Lagarde - C'est vrai !

Mme Béatrice Vernaudon - Nous avons donc besoin que la solidarité nationale s'exerce de manière plus régulière. Le territoire connaît des difficultés financières parce que l'Etat est en retard dans ses paiements. Je souhaiterais, Madame la ministre, que vous nous apportiez des garanties.

M. Victor Brial, rapporteur spécial - Le précédent gouvernement n'a pas tenu ses engagements.

Mme Béatrice Vernaudon - Pour la dotation globale de développement économique, nous avons enregistré un retard de 226 millions d'euros. Le territoire, pour poursuivre la politique que cette dotation devait assurer en matière de logement et d'emploi, a dû réduire ses dépenses et sa politique d'investissement. L'Etat s'est engagé à rattraper son retard sur sept ans ; confirmez-vous cet engagement ?

De même, depuis 2001 l'Etat ne verse plus sa dotation au fonds intercommunal de péréquation. Elle n'est toujours pas inscrite dans le projet de loi de finances pour 2004. Pouvez-vous nous confirmer qu'elle sera inscrite dans la loi de finances rectificative ?

Enfin, la loi d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie va venir à échéance le 31 décembre 2003, après dix ans d'exécution. Nous nous acheminons vers une prorogation d'un an du contrat de développement qui lui est adossé et qui n'a pas encore été totalement exécuté ; mais les domaines dans lesquels le programme a été pleinement réalisé vont être pénalisés s'ils sont privés de financement pendant un an. Pouvez-vous nous apporter des précisions, Madame la ministre, sur ce qui sera fait en matière d'éducation, en matière de financement du régime de solidarité santé - pour lequel nous enregistrons un retard de paiement de l'Etat de 16 millions d'euros ?

Quant au contrat de ville, vous avez vous-même constaté sur place la dynamique qu'il a enclenchée dans les sept communes de l'agglomération de Papeete en matière de lutte contre la précarité et la délinquance. Il ne saurait y avoir de rupture dans les programmes ; qu'en sera-t-il donc l'année prochaine ?

Je sais que les temps sont difficiles, Madame la ministre, mais nous avons justement besoin de votre autorité pour que l'Etat paie les sommes dues et pour qu'il poursuive son action (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Louis-Joseph Manscour - Je me réjouis à mon tour que la discussion du budget de l'outre-mer ait lieu à une heure raisonnable. J'en remercie le Président Debré, qui a entendu notre message.

L'an dernier, j'avais laissé sa chance à un gouvernement qui défendait son premier budget. Aujourd'hui, force est de constater qu'il n'a pas tenu ses promesses.

Le budget de l'outre-mer voté l'an dernier s'élevait à un peu plus d'un milliard, mais plus de 90 millions et non 44 millions comme vous l'annonciez devant la commission des lois, Madame la ministre, le 15 octobre dernier, ont été annulés.

Lors de cette audition, vous aviez déclaré que les priorités seraient à peu près les mêmes en 2004 ; mais comment peut-on vous faire confiance pour 2004 au vu des annulations de crédits de 2003 ?

Après avoir annulé plus de 45 millions de crédits destinés à l'aide au logement, vous annoncez que celui-ci reste une priorité de votre projet de budget 2004 sans que ce poste budgétaire ne progresse d'un centime...

Les moyens dévolus à l'emploi, autre priorité affichée, augmentent de 0,02 %, autant dire rien. S'y ajoute une annulation de 35 millions pour le FEDOM en 2003. dans ces conditions, il est légitime de s'inquiéter du sort réservé à la politique de l'emploi outre-mer. Vous avez mis sur le compte de la loi Perben le recul du chômage outre-mer. Or chacun sait que cette baisse est principalement due aux dispositions de la loi d'orientation présentée par Christian Paul.

Encore une priorité, le soutien aux collectivités, auxquelles vous prévoyez de consacrer 116 millions. Mais 80 % de ces crédits iront directement à la Nouvelle-Calédonie ; elle en a certainement besoin. Mais ne nous dites pas que ce sont seulement les 20 % restants que vous comptez consacrer au soutien à toutes les autres collectivités d'outre-mer. Quelque désireux que l'on soit de croire que vous aimez l'outre-mer, les tentatives sournoises de vos amis de l'UMP pour supprimer certains avantages acquis inclinent à penser que beaucoup vous reste à faire pour convaincre ces amis, et ensuite pouvoir nous convaincre.

Le 25 septembre 2003, présentant à la presse le projet de budget pour 2004, Francis Mer annonçait que 55 millions d'allégements de charges seraient financés directement par votre ministère. Or ces exonérations applicables à l'outre-mer ont toujours été supportées par le ministère des affaires sociales. En conséquence, à périmètre constant, votre budget, loin d'augmenter, diminue, comme l'a démontré Jérôme Lambert.

Vous le comprendrez, je voterai contre votre projet de budget, dans lequel transparaît le désengagement de l'Etat, qui ne garantit pas un véritable service public dans le cadre de la continuité territoriale. C'est ainsi que les crédits affectés au passeport mobilité diminuent de 37 %, et une nouvelle discrimination est instaurée entre la Corse et les DOM.

A l'instar du projet de loi de finances, votre budget n'apporte pas de réponses aux problèmes rencontrés quotidiennement par les producteurs de bananes, les artisans, les jeunes, les retraités, les fonctionnaires... L'outre-mer doit contribuer à l'effort de maîtrise de la dépense publique, avez-vous indiqué. C'est bien ce qui ressort de la lecture de votre budget : la réduction du déficit s'opère au détriment du développement de nos territoires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alfred Almont - Nous examinons le projet de budget pour l'outre-mer au moment où il nous est offert d'expérimenter le grand chantier de la décentralisation, et pour l'outre-mer, de passer d'une démarche de rattrapage à une logique de développement.

De fait, nous attendons de ce budget qu'il fasse écho à notre volonté de mettre en _uvre de grands projets régionaux destinés à favoriser l'activité et l'emploi, dans le droit fil des mesures nouvelles figurant dans la loi de programme, dont nous attendons avec impatience la publication des décrets d'application. Ces derniers doivent en effet donner à ces mesures toute leur efficacité, à l'heure où l'activité économique continue à s'effondrer mais où, malgré tout, de nombreux acteurs économiques se préparent à lancer des projets d'importance, en raison de l'espoir que suscite la loi de programme. C'est particulièrement le cas dans les secteurs du BTP et du tourisme. La République étant une et indivisible, s'ajouteront aux dispositions de la loi de programme des soutiens relevant de différents ministères, y compris celui de la ville, avec lequel nous travaillons à l'extension de la zone franche de Fort-de-France. La discussion budgétaire offre aux parlementaires d'outre-mer que nous sommes une bonne occasion de mieux sensibiliser la représentation nationale à nos réalités, à nos atouts et à nos difficultés. Parmi ces dernières, citons le chômage, l'exclusion, un PIB par habitant inférieur de 55 % à la moyenne nationale, un taux de couverture ridiculement bas, de l'ordre de 12 %. Aussi le Gouvernement doit-il susciter une synergie efficace entre vos moyens propres qui représentent 14 % des dépenses pour l'outre-mer, et les autres financements disponibles ministère par ministère, afin d'y voir clair et de faire litière de certains discours, voire de certaines man_uvres, relatives par exemple au financement de la continuité territoriale.

Vous répondez à présent à nos demandes récurrentes de nous procurer les moyens d'une économie plus autonome, conformément aux engagements pris par le Président de la République au nom de la solidarité et de la cohésion nationales.

Je tiens à souligner votre rôle de coordination et d'impulsion au service des intérêts de l'outre-mer, qui démontre que l'outre-mer fait figure de priorité alors que la situation budgétaire du pays est particulièrement difficile. Politique dynamique de l'emploi dans le secteur marchand, soutien à la formation et à l'insertion professionnelle, voilà les lignes directrices de votre action, que renforce de substantielles subventions d'investissement.

Malgré une baisse significative, le taux de chômage demeure élevé. Aussi avez-vous raison de maintenir un volume d'emplois aidés plus important outre-mer qu'en métropole. Le dispositif dérogatoire applicable à la sortie des emplois-jeunes est reconduit en 2004. Nous nous en réjouissons. Je salue l'effort budgétaire en faveur du logement social et de la résorption de l'habitat insalubre, outil essentiel pour lutter contre l'exclusion.

Enfin, je me félicite que votre budget accroisse le soutien aux actions de coopération régionale, bon instrument de développement économique. En effet, c'est bien sur le terrain économique et social que se joue notre avenir. Aux indispensables transferts sociaux s'ajoutent désormais, grâce à la loi de décentralisation, de nouveaux moyens d'activité économique.

C'est pourquoi je voterai votre budget, qui est réaliste et cohérent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Edmond-Mariette - C'est en homme de terrain que je veux m'exprimer. Je tiens à affirmer la place que doit occuper l'humain dans toutes nos problématiques, et en particulier la jeunesse ultra-marine, sur quelque rive qu'elle se trouve. Il n'est pas habituel dans nos débats d'évoquer la situation de nos compatriotes vivant dans l'hexagone. Cependant il nous faut construire aussi pour eux la solidarité nationale, car ils sont de plus en plus souvent exclus ici, et même quelquefois de retour chez nous.

Vous avez déclaré souhaiter mettre en place d'ici la fin de l'année un système permettant de recueillir l'avis de nos frères et s_urs vivant en France, s'agissant du référendum relatif à notre évolution statutaire. C'est heureux, car nous étions soucieux de prendre leur pouls et d'entendre leur voix. C'est aussi une manière de les sortir de l'isolement qu'ils subissent, et que renforcent les tarifs prohibitifs pratiqués par les compagnies aériennes

Nos régions ont besoin de modèle car notre identité plurielle constitue la colonne vertébrale d'hommes et de femmes qui ont aujourd'hui rendez-vous avec leur histoire.

Au moment où s'ouvre le débat sur l'avenir des images ultra-marines, nous devons faire en sorte que les nouveaux exemples consolident notre fierté de domiens nourris par une télévision de proximité conjuguant nos racines et notre ouverture au monde. Nous soutiendrons ainsi la politique touristique qui, pour partie, a pris forme dans la loi-programme.

Je demeure une sentinelle vigilante qui tient à vous rappeler que le combat pour l'emploi constitue une priorité absolue. Certes, j'ai noté l'importance des crédits du FEDOM, mais ils font l'objet d'une telle globalisation que les statistiques sont parfois trompeuses. La suppression des emplois-jeunes condamnera ainsi au chômage une partie de nos concitoyens.

L'innovation qu'est la continuité territoriale est une bonne mesure mais son financement ne doit prêter à aucune discussion ni être remis en cause annuellement, d'autant plus qu'il est pour partie constitué de notre propre effort, par la charge pesant sur la contribution des passagers de nos régions.

Mais des craintes très sérieuses pèsent sur le financement de la continuité territoriale, certains pensant que son mode de financement court un risque d'inconstitutionnalité. L'exprimer, c'est mettre en relief la criante inégalité entre la dotation pour la Corse nourrie par les crédits du ministère de l'intérieur et concernant 200 000 habitants, dispositif presque soixante fois supérieur à celui réservé à l'outre-mer pour 2 400 000 habitants.

Il faut donc que la ligne budgétaire de la continuité territoriale soit sanctuarisée. Mieux, son enveloppe par habitants doit être augmentée, ce ne sera que justice.

La mise en place du passeport mobilité n'a pas réglé la question de nos étudiants qui viennent en Europe et qui manquent de logements. Pourriez-vous apporter des précisions à ce sujet ?

Il est indispensable de mettre en place une commission d'évaluation des transferts de compétences, car nos collectivités endettées disposent de faibles potentiels fiscaux.

Raison majeure pour que nos soyons à vos côtés pour défendre l'octroi de mer et sa nouvelle écriture qui doit être pérenne, et compatible avec la rigueur de Bruxelles.

Concernant les relations interministérielles, il est nécessaire d'assurer rue Oudinot une veille financière car s'il est exact que plusieurs lignes de financement pour l'outre-mer se retrouvent au sein des budgets d'autres ministères, il convient que les arbitrages de consolidation et de distribution ne fassent pas des régions ultra-marines la Cosette de quelques misérables euros non consommés.

Concernant l'épineuse question de l'environnement, la réduction des moyens affectés à la lutte contre les pollutions agricoles interpelle. Quand on sait les risques que les pesticides présentent pour l'environnement et la santé humaine, je suis inquiet face à l'insuffisance des mesures prises par le Gouvernement.

Nous partageons avec vous la volonté de mettre un terme à la politique d'assistanat, pour au contraire privilégier une politique faisant appel à l'obligation de solidarité d'une France dont la richesse est plurielle.

Les attaques nourries de ces derniers jours nous inquiètent. Je crois en votre parole, Madame la ministre, mais quel poids pèse-t-elle quand la solidarité du Gouvernement s'évanouit, comme samedi matin, dans la formule : « Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée » ?

Enfin, je vous invite à lever une hypothèque : vous ne pouvez laisser au soir du 7 décembre quatre populations - Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Guadeloupe et la Martinique - accrochées aux murmures de vos lèvres.

Nous comprenons votre formule d'une « large participation ». Mais vous devez pouvoir dire avant le 24 novembre sous quelle forme notre « oui » sera entendu. Ne pas répondre avant, c'est nous renvoyer, comme il y a très longtemps, à la seule parole du maître. Je ne vous dis pas cela pour vous faire injure, mais parce que Napoléon Bonaparte, ayant pris femme chez nous, disait : « Ma décision est prise, faites entrer les juristes ».

Nous ne subirons plus l'avenir, nous le construirons ensemble, dans une fraternelle égalité. Puisse le budget de 2004 y contribuer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Pascal Clément - Je souhaite intervenir pour dire la chance qu'a la France d'avoir son outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) à qui toute la France s'intéresse.

Nous avons dix collectivités d'outre-mer dans trois océans. Nous avons une superficie émergée plus grande que celle de l'hexagone. Nous avons 10,9 millions de km2 de zone économique exclusive.

La population des DOM-TOM est jeune. La moitié des Polynésiens ont moins de vingt ans.

Nous avons un immense potentiel de ressources naturelles halieutiques et minières - or, chrome, cobalt, fer, cuivre, plomb, zinc.

J'ai conduit une mission en Nouvelle-Calédonie, M. Bignon l'a rappelé. Nous tenons à ce que les deux nouvelles usines de nickel, au nord et au sud de l'île, soient réalisées.

Nous avons une faune et une flore diversifiées. Nous avons des réserves sur plus de 7 000 hectares à la Réunion, la forêt tropicale en Guyane, le plus forestier des départements français, des lagons paradisiaques tant à Mayotte qu'en Calédonie.

Nous disposons d'une base formidable pour la recherche scientifique. Nous avons à la Réunion le laboratoire volcanologique du piton de la Fournaise et le centre météorologique de Saint-Denis. En Guyane, la base de Kourou permet à la France et à l'Europe d'être présentes sur le marché de la technologie spatiale. Les îles Kerguelen et la Terre-Adélie abritent les programmes conduits par l'Institut français pour la recherche et la technologie polaires.

Grâce aux DOM-TOM, la France occupe sur le plan mondial une place stratégique. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles notre pays conserve une place au Conseil de sécurité de l'ONU.

La France est la seule puissance européenne riveraine du Pacifique. Or, l'avenir du monde pourrait bien se jouer dans cette zone.

En outre, les DOM-TOM sont un vecteur fantastique de promotion de la francophonie.

Enfin, l'outre-mer permet à la France de relever les défis du multiculturalisme.

La première richesse de l'outre-mer pour la France n'est ni économique, ni stratégique : elle est culturelle et politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Dans les départements et collectivités d'outre-mer, c'est tous les jours qu'est relevé le défi du multiculturalisme. Ni reliques du passé, encore moins confettis de l'histoire coloniale, les collectivités d'outre-mer apprennent à la France à affronter l'avenir. C'est une chance si extraordinaire qu'il faudrait envoyer beaucoup de métropolitains outre-mer : ils constateraient que l'on peut vivre heureux en permettant à tous d'être Français, sans négliger telle ou telle identité. Cette chance inouïe, nous sommes le seul pays à l'avoir, et c'est surtout cela que je voulais vous dire ce soir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce budget n'est rien à côté des richesses humaines et culturelles qu'il nous rapporte (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

L'outre-mer représente pour la France une ouverture exceptionnelle sur le monde et un facteur indéniable de rayonnement culturel. Le paradoxe est que les Français n'en ont pas conscience. L'outre-mer n'est pas un poids : c'est une chance formidable pour l'avenir de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Mansour Kamardine - Puissiez-vous être entendu par la commission des finances !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE


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