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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 13ème jour de séance, 32ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 23 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite) 2

      AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE 2

      QUESTIONS 22

      FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT,
      SERVICES DU PREMIER MINISTRE,
      BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS ET SGDN. 25

La séance est ouverte à quinze heures.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, concernant l'aménagement du territoire.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances - Le projet de loi de finances comporte un budget de 272,77 millions pour la politique d'aménagement du territoire, soit une hausse de 1,9 % par rapport à 2003. Le principal outil de cette politique, à savoir le fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire, devrait bénéficier de 75,7 millions en dépenses d'intervention soit une hausse de 26,8 %, de 228,8 millions en autorisations de programme et de 143,8 millions en crédits de paiement.

Ces crédits ne retracent toutefois qu'une petite partie - 2,5 % ! - de l'effort financier en faveur de la politique d'aménagement du territoire. D'autres ministères, ainsi que les fonds structurels européens, contribuent en effet à cet effort, qui s'élève en 2004 à 10,63 milliards.

Le projet de budget illustre la volonté du Gouvernement de promouvoir une utilisation plus performante de la dépense publique.

Ainsi, le budget de fonctionnement de la DATAR - 13,1 millions - diminue de 2,27 % par rapport à 2003. Cette baisse est due à une diminution de 4,1 % des crédits affectés aux dépenses de matériels et de fonctionnement des services. De plus, deux emplois budgétaires devraient être supprimés par le non-remplacement de deux départs en retraite.

Il faut également saluer la prise en compte des préconisations de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée, suite à l'important travail de M. le rapporteur Georges Tron sur les perspectives de regroupement des organismes de prospective et d'évaluation. De plus, le Gouvernement assure la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances : les mesures de globalisation des emplois contractuels sont poursuivies.

L'objectif retenu en 2004 est de financer prioritairement les engagements pris au titre des contrats de plan Etat-régions. Ceux-ci bénéficient, au titre des dépenses d'intervention, de 36 millions d'euros, soit une hausse de 80 % par rapport aux crédits votés en 2003. Au titre des subventions d'investissements, ils bénéficient de 135 millions d'euros en autorisations de programme et de 70 millions d'euros en crédits de paiement. Les crédits délégués de 2000 à 2002 et les crédits programmés en 2003 portent le taux de mise en _uvre des crédits de l'Etat à 45,6 %. Je me dois néanmoins de souligner le retard pris lors des trois premières années. La procédure de révision des contrats de plan a été engagée en 2003 afin de permettre une utilisation des fonds qui soit à la fois plus souple et plus proche des besoins des collectivités locales.

L'agence française pour les investissements internationaux (AFII) a été créée en 2001 afin d'offrir un interlocuteur unique aux investisseurs internationaux. Elle devrait bénéficier en 2004 comme en 2003, d'une dotation de 7,46 millions d'euros, tenant ainsi compte de la réduction de crédits votée l'année dernière par le Parlement.

La prime d'aménagement du territoire permet d'accompagner les créations, localisations et extensions d'entreprises dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire. En 2002, plus de 12 478 emplois ont été aidés par le dispositif de la PAT. Le projet de loi de finances prévoit 50 millions d'euros d'autorisation de programme et 40 millions d'euros de crédits de paiement. Concernant le bilan de l'implantation des investissements internationaux en France en 2002, les annonces de créations d'emplois ont été de 22 860, ce qui correspond à une faible diminution par rapport à la forte chute enregistrée en 2001 par rapport à 2000. La France retrouve le niveau de projets d'investissements étrangers qu'elle avait atteint en 1999, soit 438 projets.

M. André Chassaigne - Paroles, paroles !

M. le Rapporteur spécial - Les engagements financiers associés aux investissements recensés par l'AFII en 2002 s'élèvent à 4,4 milliards d'euros, en hausse de 14 % par rapport à l'année précédente.

Le futur projet de loi sur le développement des territoires ruraux visera à renforcer l'attractivité des territoires ruraux tout en préservant leurs spécificités. La politique d'aménagement du territoire accompagnera la mise en _uvre de ces réformes, notamment à travers la réforme des ZRR, de leur zonage et de leur dispositif fiscal.

M. Patrick Ollier, Président de la commission des affaires économiques - Très bien !

M. le Rapporteur spécial - La création de 41 nouvelles zones franches urbaines prolonge les mesures d'exonération fiscales et sociales applicables aux entreprises nouvelles qui se créent dans les zones de redynamisation urbaine.

Le Gouvernement prévoit aussi diverses réformes en faveur des zones de montagne, annoncées notamment lors du CIADT du 3 septembre dernier.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Excellente politique !

M. Pierre Cohen - Ce sont encore des paroles !

M. le Rapporteur spécial - Non ! le Gouvernement a mis en _uvre le plan de rattrapage de couverture du territoire en téléphonie mobile, rompant avec l'immobilisme du gouvernement précédent. 44 millions d'euros, dont 30 millions d'euros au titre du FNADT, ont été affectés à ce plan en 2003.

M. le Président de la commission des affaires économiques - On ne peut que saluer cette initiative !

M. Pierre Cohen - C'était dans le CIADT de Limoges !

M. le Rapporteur spécial - Peut-être, mais c'est ce gouvernement qui l'a fait !

M. Pierre Cohen - Mais non !

M. le Rapporteur spécial - Diverses réformes ont permis de simplifier les procédures de gestion des fonds structurels européens. Les retards de la France dans l'engagement des crédits ont été en grande partie rattrapés. Les réformes doivent être néanmoins poursuivies afin d'améliorer l'efficacité de leur gestion. En 2004, compte tenu de la programmation pluriannuelle des crédits, 3,32 milliards d'euros en provenance des fonds européens devraient être affectés à la France.

Au titre des économies, il faut souligner la baisse du budget de fonctionnement de la DATAR et le maintien de la dotation de l'AFII au niveau souhaité l'an dernier par la commission des finances.

Le contrôle sur pièces et sur place mené au siège de l'association entreprise, territoire et développement a permis de constater que la subvention versée par de la DATAR a été ramenée de 1,8 million à 1,2 million d'euros. Par ailleurs, il n'est pas proposé de réinscrire les crédits de l'Institut des hautes études de l'aménagement et du développement du territoire supprimés l'an dernier.

Ce budget est réaliste et volontariste. Votre commission des finances vous invite à le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Le budget de l'aménagement du territoire est important pour les élus locaux de cette assemblée. Il l'est d'autant plus que le Gouvernement mène à bien une relance de la politique de décentralisation. La nécessité de maintenir une cohésion entre des territoires plus autonomes est fondamentale, faute de quoi les inégalités risquent de croître, brisant ainsi l'unité du pays.

Les crédits de la DATAR augmentent globalement de près de 2 % en crédits de paiement et de près de 3 % en autorisations de programme. Mais ils ne représentent qu'une petite partie de l'effort financier public en faveur de l'aménagement du territoire. Les autres ministères y contribuent également, tout comme les fonds structurels européens : le total de ces contributions dépasse les 10 milliards d'euros.

Néanmoins, on ne saurait se contenter de cette augmentation des crédits sans s'interroger sur leur gestion. A cet égard, je me félicite des principes qui ont guidé ce projet : les moyens de fonctionnement de la DATAR ont été rationalisés, en échange de quoi la délégation verra ses crédits d'intervention et de subvention d'investissement augmenter.

Les moyens de fonctionnement de la DATAR enregistrent donc une nouvelle baisse de 2,3 %, qui procède de l'intention de remettre ses crédits à plat compte tenu des reports importants enregistrés depuis quelques années.

Cet effort de bonne gestion a été étendu aux autres acteurs de l'aménagement du territoire. Ainsi, la dotation de l'Agence française des investissements internationaux est simplement reconduite et la dotation aux associations subventionnées par la DATAR baissera, mais celles-ci feront aussi l'objet d'un meilleur suivi, pour répondre aux remarques formulées par la Cour des comptes dans son rapport annuel pour 1997.

En contrepartie, la DATAR verra ses moyens d'intervention et ses subventions d'investissement augmenter. C'est le cas pour les crédits du titre V, qui progresseront de près de 22 %. Quant aux crédits du titre VI, ils baisseront légèrement en crédits de paiement, mais augmenteront de près de 3 % en autorisations de programme, ce qui permet de rester relativement confiant dans l'avenir. Ces deux titres sont principalement mis en _uvre par le biais du FNADT et de la prime à l'aménagement du territoire - PAT.

Le FNADT enregistre en 2004 une augmentation de ses crédits de près de 5 % ; le Gouvernement honore ainsi les engagements pris en 2000 dans le cadre des contrats avec les régions et montre qu'il est prêt à mobiliser les moyens nécessaires pour financer les nouvelles orientations de sa politique en faveur de l'aménagement du territoire.

En revanche, on peut regretter que les crédits destinés à la PAT soient en léger repli, car cette prime a une incidence directe sur la vitalité des territoires fragiles. Le Gouvernement l'a d'ailleurs reconnu le 7 février 2003, en annonçant l'octroi d'une prime à l'aménagement du territoire à 27 entreprises qui se sont engagées à créer près de 2 400 emplois en réalisant par ailleurs 1,2 milliard d'investissements. Ces entreprises bénéficieront d'une aide de 20 millions. C'est une bonne mesure, compte tenu aussi de la médiocre consommation des crédits de la PAT déjà dénoncée par la Cour des comptes. Il est préférable de multiplier les mesures de ce type que de reporter indéfiniment les crédits de la PAT pour ensuite justifier par ces reports la réduction des crédits.

Les moyens budgétaires en faveur de l'aménagement du territoire sont donc importants et je me réjouis surtout de constater qu'ils seront mobilisés en faveur d'objectifs clairement définis. A ce titre également, le budget de l'aménagement du territoire est exemplaire.

Ainsi, le Gouvernement a décidé de relancer la politique de solidarité en faveur des territoires ruraux, réagissant au sentiment d'abandon qui est largement ressenti... (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP) et dont les députés se sont fait l'écho. Le 3 septembre dernier, le CIADT, entièrement consacré au monde rural, a été l'occasion de présenter le projet de loi relatif au développement rural, qui témoigne d'une véritable mobilisation financière de l'Etat en faveur des territoires ruraux fragiles. Sans anticiper sur le débat qui aura lieu ici même en janvier prochain, je me réjouis de savoir que le zonage des zones de revitalisation rurale sera réformé et son dispositif fiscal sera renforcé, favorisant l'implantation et le maintien d'activités industrielles et de services dans les zones éligibles.

Le projet de budget contient également des mesures en faveur des territoires de montagne, répondant ainsi également à une demande forte des parlementaires. Le Gouvernement s'est en outre engagé à réduire la fracture numérique. Ainsi, je me félicite de la signature, le 15 juillet 2003, de la convention nationale de mise en _uvre du plan d'extension de la couverture du territoire en réseaux de téléphonie mobile, qui devrait permettre l'installation et l'exploitation de 1 250 sites nouveaux.

En revanche, la politique en faveur de l'accès aux technologies de l'information à haut débit mérite d'être approfondie. Une étude de la DATAR de juin 2003 montre en effet que l'accès au haut débit est réservé à 21 % de la population française, résidant dans 9 000 commune sur 36 000. C'est un nouveau défi à la politique d'aménagement du territoire. L'étude montre également que les projets d'extension du réseau émanent surtout des collectivités locales ; je ne peux donc qu'engager le Gouvernement à participer financièrement à la réduction de cette fracture.

Enfin, le Gouvernement a entrepris de mieux accompagner les mutations économiques, par la signature, conformément aux objectifs fixés par le CIADT du 13 décembre 2002, de plusieurs contrats de sites, en engageant pour cela près de 350 millions. Si je me réjouis de constater que les crédits pour 2004 seront mobilisés au profit d'objectifs aussi clairement définis, j'appelle l'attention du ministre sur la possibilité de perfectionner certains outils juridiques de la politique d'aménagement du territoire.

Ainsi, les difficultés de mise en _uvre des contrats de plan Etat-régions, connues de tous, expliquent la mauvaise consommation de leurs crédits, qui atteint près de 45 % après trois ans. La révision, à mi-parcours, des CPER devrait permettre de réaffecter les crédits non utilisés à d'autres projets. J'engage donc le ministre à faire preuve de souplesse.

Une analyse similaire vaut pour les fonds structurels, dont la mauvaise consommation entre 2000 et 2003 fait courir le risque d'un dégagement d'office des crédits. Le Gouvernement a déjà réagi en 2002, en prenant certaines mesures propres à améliorer la consommation des fonds communautaires. A la fin du premier semestre 2003, le taux d'engagement des crédits européens atteignait une courbe optimale de près de 40 %, mais les dépenses effectivement payées ne représentent que 10 % en moyenne... Le Gouvernement doit donc s'attacher à améliorer la gestion des fonds structurels.

Enfin, je ne peux qu'appeler la réforme de certains dispositifs dits de « recomposition territoriale » issus de la loi Voynet. En effet, les schémas de services collectifs peinent à être mis en _uvre, du fait d'objectifs trop difficiles à atteindre ou trop vagues. Il en va de même pour les contrats d'agglomération et les contrats de pays en raison de procédures trop complexes. On se félicitera donc que le dispositif des contrats de pays ait déjà fait l'objet d'une simplification à l'initiative de M. Patrick Ollier, mais ces réformes doivent être poursuivies.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Rapporteur pour avis - En conclusion, les crédits de l'aménagement du territoire pour 2004 ont été préservés et leur utilisation est optimisée. En outre, les objectifs fixés pour 2004 marquent la volonté du Gouvernement d'_uvrer à la cohésion du territoire.

C'est pourquoi, conformément à l'avis de votre rapporteur, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire, et je vous invite à les voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - Je tiens à remercier le président de notre commission des finances pour l'attention qu'il a portée à l'application, dans le projet de budget de mon ministère, de la loi organique, et vos rapporteurs pour la précision de leur argumentation. Je me félicite que les parlementaires aient tenu à aller examiner sur place et sur pièces l'utilisation des crédits des organismes qui concourent à l'aménagement du territoire. Le projet de budget qui vous est présenté traduit la détermination du Gouvernement à améliorer l'attrait de notre territoire tout en sauvegardant les zones en difficulté. Les crédits s'élèvent à 266 millions, en autorisations de programme, soit une diminution de 1,5 % à périmètre constant.

Les demandes de crédits de paiement et de dépenses ordinaires atteignent, en prévision, 265 millions soit une diminution de 0,9 %.

Conformément à l'esprit de la réforme des administrations publiques lancée par le Gouvernement, nous avons intensifié nos efforts de maîtrise des dépenses publiques et de rationalisation en recentrant notre action sur les contrats de plan Etat-régions et en globalisant les aides éparpillées. Nous avons également souhaité une présentation des crédits plus sincère. C'est pourquoi l'effort de gestion en vue d'une meilleure exécution de la dépense s'accompagne d'une révision des lignes de crédits en fonction des besoins effectifs. La diminution des reports permet également une plus grande transparence des crédits soumis au vote de votre assemblée.

Le montant des dépenses de fonctionnement de la DATAR pour 2004 s'élève à 13,1 millions, en diminution de 0,3 million. Hors dépenses de personnel, les moyens de fonctionnement de la DATAR baissent de 4,1 %.

Je tiens à féliciter la DATAR d'avoir rationalisé ses moyens de fonctionnement ce qui se traduit notamment par le non-remplacement d'un départ sur deux et par la réduction de la subvention à l'association « Entreprises, Territoires et Développement ».

Le même principe de rigueur vaut pour certaines subventions finançant des organismes aux missions essentiellement environnementales, qui ont été retirées du budget de l'aménagement du territoire pour être imputées sur le budget de l'environnement. Par ailleurs, j'ai bien entendu les critiques de votre Assemblée concernant le financement de l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire et j'ai décidé, comme vous le souhaitiez, de ne pas prolonger cet organisme.

Les crédits d'intervention qui figurent au titre IV concernent le FNADT, pour lequel est prévu une dotation de 75,7 millions.

L'écart important entre les 59 millions de la loi de finances initiale pour 2003 et ces 75,7 millions ne doit pas étonner : le montant des crédits sollicités en 2004 est à comparer avec les 91,47 millions disponibles en 2003 en raison de nombreux reports de crédits de 2002 sur 2003. Cette présentation améliore la transparence des comptes.

Malgré des efforts de réduction des coûts, l'Etat a préservé la part du FNADT correspondant aux contrats de plan Etat-régions afin d'assurer la couverture de ses engagements. Le choix a été fait de recentrer l'action de l'Etat sur les investissements qui permettent de renforcer notre potentiel de croissance à long terme et l'attrait du territoire français. Ont ainsi été privilégiés les crédits ayant un fort effet de levier : ainsi de la hausse de 16 millions des crédits des CPER qui atteindront 36 millions. En revanche, une réduction des dépenses du réseau de la DATAR, ainsi que des subventions, a permis de diminuer de 10 % les crédits de la section non contractuelle du FNADT. Je tiens à féliciter la DATAR pour la gestion dynamique de ses crédits en 2003, puisqu'au 31 décembre 94 % d'entre eux auront été consommés, contre seulement 49 % au 31 décembre 2002.

J'en viens aux crédits d'investissement. Les capacités ont été globalement maintenues, au prix d'un redéploiement des crédits et d'une redéfinition des politiques. Priorité a été donnée au FNADT et aux CPER, au détriment de la PAT.

Les autorisations de programme au titre de la PAT s'élèveront à 50 millions d'euros en 2004, en baisse de 17 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2003. Les reliquats pourraient atteindre 10 millions, ce qui porterait à 60 millions le total des crédits ouverts. Quant aux crédits de paiement, ils sont également en diminution. Une économie de 34 % a été réalisée entre les inscriptions de la loi de finances initiale de 2002 et celle de 2004, où ils sont limités à 40 millions d'euros. Aucun report ne devrait intervenir.

S'agissant du FNADT, les autorisations de programme ouvertes au titre de la section générale s'élèveront à 81 millions d'euros, en hausse de 9,5 % par rapport à l'an passé, et les crédits des CPER à 135 millions, en hausse de 4,7 %. Sachant que l'annuité théorique s'élève à 139 millions, on ne peut pas dire que l'Etat ne respecte pas ses engagements. Les crédits de paiement, quant à eux, diminuent de 10 millions, et là encore, aucun report n'est prévu de 2003 sur 2004, le taux de consommation prévisionnel en fin d'année étant de 100 %.

Quelles sont nos priorités en matière d' aménagement du territoire ?

Tout d'abord, accompagner les mutations économiques et sociales des territoires. Il importe de les anticiper au mieux et de renforcer l'attrait des territoires, surtout dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne. En effet, beaucoup d'industries, comme c'est déjà le cas pour l'automobile, risquent de se délocaliser en Europe centrale et orientale. La DATAR a donc engagé une réflexion sur les modalités probables de ces mutations, ce qui nous permettra de prendre les mesures politiques nécessaires pour consolider nos industries traditionnelles et attirer de nouvelles entreprises. Toute une ingénierie a été mise à la disposition d'une région volontaire, où devraient avoir lieu d'importantes restructurations industrielles. Pour autant, nous subissons encore davantage les crises que nous ne les anticipons.

Les contrats de site constituent un premier niveau de riposte. Ils sont destinés à pallier les conséquences économiques et sociales, le plus souvent dramatiques sur le plan humain, de la fermeture d'entreprises majeures dans certaines régions - je pense par exemple au drame de Metaleurop, dans une région qui vous est chère également, Monsieur le Président. Mais il faudra aller encore plus loin et repenser l'avenir des filières à l'échelle régionale.

Au-delà, la DATAR doit intensifier le travail d'accompagnement du développement local qu'elle mène depuis plusieurs années, en mettant à la disposition des acteurs locaux des moyens spécifiques.

Une autre priorité est de nouer de nouveaux partenariats entre l'Etat et les collectivités, au premier rang desquels les régions. La DATAR vient de fêter ses quarante ans, et il faut lui rendre hommage. Dans un monde en pleine évolution, elle reste un outil précieux, indispensable pour éclairer les choix de l'avenir, mener le dialogue avec les territoires, mais aussi faire en sorte que nous puissions peser davantage sur l'avenir de l'Europe. Sa contribution au grand débat sur les infrastructures de transport, secteur-clé pour la réussite économique de l'Europe, a été déterminante, permettant notamment au Parlement d'analyser les atouts et les faiblesses de notre pays.

Pour que vive effectivement le couple Etat-région, il convient de repenser les outils contractuels. La procédure actuelle des CPER est trop uniforme. Comment penser que ces contrats puissent avoir la même durée, la même teneur, le même phasage dans toutes les régions, ce qui est pourtant le cas aujourd'hui ? Plus de souplesse, mais aussi de transparence, est nécessaire. Le souci d'affichage l'emportait trop souvent sur le réalisme. Dans bien des cas, on savait que les sommes inscrites n'avaient aucune chance d'être dépensées dans le cadre du plan, le temps que les études préalables et autres soient menées à bien. Il serait plus correct et plus transparent, notamment vis-à-vis de nos concitoyens, d'inscrire dans ce cas seulement des crédits d'études. Nous souhaitons conserver les contrats, mais les faire évoluer pour les rendre plus souples et plus réalistes.

Troisième priorité : la solidarité entre les territoires. Ceux-ci ont à relever des défis majeurs comme le déclin de la démographie médicale - tel que s'imposent des incitations fiscales pour favoriser les installations en milieu rural -, la couverture en téléphonie mobile. A ce sujet, on ne peut que se féliciter de l'accord conclu avec les trois grands opérateurs, l'objectif assigné étant une couverture à 99 % en 2007, et de la sécurité juridique garantie aux collectivités en cette affaire. J'ai obtenu, grâce à l'implication personnelle du Premier ministre, et après un débat intense au sein du Gouvernement, que les collectivités participant à ce plan de couverture des « zones blanches » puissent, à titre tout à fait exceptionnel, récupérer la TVA sur leurs investissements en pylônes.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Il faudrait que la mesure soit prorogée.

M. le Ministre - C'est une première phase. Dois-je vous rappeler que le précédent gouvernement avait, lui, tout simplement proposé de mettre 500 millions de francs à la charge de l'Etat, 500 millions à celle des opérateurs et 500 millions à celle des collectivités ? Comme il avait diminué le prix des licences UMTS, il estimait que les opérateurs avaient de quoi financer les nouveaux équipements de téléphonie mobile nécessaires et souhaitait que par pylône, ne s'installe qu'un seul d'entre eux.

M. Pierre Cohen - Ce n'est pas vrai !

M. le Ministre - Il ne s'agit pas d'avancer n'importe quoi, mais de débattre preuve contre preuve ! La concurrence acharnée que se seraient livrée les opérateurs n'aurait joué que dans les zones, fussent-elles rurales, les plus rentables. Les territoires auraient également lourdement pâti de la situation, il n'était pas possible de les rendre ainsi dépendants des nouvelles technologies. Ce Gouvernement, lui, a proposé une aide de l'Etat de 44 millions d'euros et permis que les trois opérateurs puissent utiliser un même pylône, ce qui paraît la meilleure solution. Le Premier ministre a souhaité que les collectivités puissent récupérer la TVA sur leurs investissements, mesure juste et efficace.

Nos efforts en faveur du maintien des services publics en milieu rural vont dans le sens d'une plus grande solidarité. Quatre expériences ont été engagées en Savoie, en Charente, en Corrèze et en Dordogne, afin de redéfinir les modalités envisageables de l'offre de services publics dans les territoires, et de les adapter aux besoins des usagers.

S'agissant des pays, nous en avons considérablement simplifié le fonctionnement, conformément au souhait exprimé par le président Ollier, dont la contribution à ce projet a été très active.

La péréquation également doit être repensée. Davantage de liberté pour les collectivités ne doit en effet pas signifier rupture du principe d'égalité des chances pour tous les territoires. Un grand débat sur la péréquation, principe désormais inscrit dans notre Constitution, est nécessaire.

Nous devons aussi faire face aux nouveaux défis européens et, pour cela, remettre de l'ordre dans l'utilisation des fonds structurels. L'action que nous avons entreprise porte ses fruits : le taux de programmation est passé de 15 % en 2002 à 44  % en 2003. Mais il faut maintenir l'effort, car le taux de consommation suscite des inquiétudes dans certaines régions, car elles pourraient être frappées de dégagement d'office.

Pour la suite, nous défendons avec fermeté notre conception française de la cohésion régionale après l'arrivée des nouveaux pays. Puisque le critère de 75 % du PIB sortira alors tous nos territoires du dispositif, nous souhaitons préserver les critères de convergence, développer les interventions communautaires en faveur des grandes infrastructures de transport et les politiques transversales en faveur des villes, mais aussi des zones à faible densité, comme celles de montagne. La France plaide vigoureusement pour la poursuite des politiques régionales, mais ce combat reste à gagner.

Enfin, mon ministère prend toute sa part dans la stratégie de réforme engagée par le Premier ministre. Ainsi, le nombre des services a été ramené de huit à cinq et la DATAR a été mise en première ligne. Nous avons également constitué une équipe de collaborateurs, chacun en charge d'une région, qui se consacrent au dialogue direct avec les responsables des collectivités territoriales. Au-delà de la baisse des crédits de fonctionnement, l'objectif est que la DATAR s'occupe moins de gestion et davantage de l'Europe et des territoires.

Je remercie les députés pour la relation exigeante et cordiale qui est la nôtre. Dans l'esprit de la loi organique, vous êtes vigilants sur les objectifs, sur la consommation des crédits et sur l'évaluation des résultats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. André Chassaigne - C'est la première fois que le Parlement débat du budget de l'aménagement du territoire, séparé pour l'occasion de celui de la fonction publique. Nous étions en droit de penser que le Gouvernement souhaitait ainsi montrer, de façon symbolique, son attachement à cette problématique. Il n'en est malheureusement rien : les déclarations d'intention et les beaux discours ne font pas une politique !

Certes, ce budget augmente de 1,9 %, soit l'évolution prévisible des prix. Cela mériterait d'être salué car une telle progression est rare dans ce projet de loi de finances. Pourtant, une analyse poussée montre une situation nettement moins reluisante : diminution des crédits de fonctionnement de la DATAR ; dotations budgétaires nouvelles, certes, mais réduites au respect des engagements de l'Etat au titre des contrats de plan Etat-région ; crédits de paiement des subventions d'investissement très au-dessous du niveau des autorisations de programme. A l'évidence, la politique d'aménagement du territoire est, elle aussi, sacrifiée sur l'autel idéologique de la lutte contre les dépenses publiques.

Ce budget est marqué par une diminution des crédits de fonctionnement de la DATAR de 2,2 % par rapport à la loi de finances initiale, 2,6 % par rapport aux services votés, et sans tenir compte de l'inflation. Pourtant, personne ne peut critiquer la grande qualité de ses travaux ni remettre en cause son utilité.

L'évolution des interventions publiques au titre du FNADT ne peut s'apprécier uniquement au regard de la forte augmentation des crédits destinés à encourager l'action économique. Les 16 millions d'augmentation de ce titre sont le simple prix du respect de la parole donnée par l'Etat aux régions. Le nouveau chapitre, doté de 3,7 millions, est la concrétisation budgétaire de l'engagement du Gouvernement à aider, grâce aux contrats de site, des bassins d'emploi victimes de fermeture d'usines. Un cadeau de l'Etat ? En aucun cas, puisque ces bassins sont les victimes de la décision du Gouvernement de fermer des usines de GIAT Industries. En outre, la négociation de ces contrats n'est en rien transparente. On peut aussi déplorer l'absence de toute anticipation des difficultés, dans cette démarche des contrats de site, qui aurait permis de développer une réelle politique industrielle et non de se contenter de répondre à l'urgence.

Ainsi, le bassin d'emploi de Thiers, qui compte 55 000 habitants, a perdu près de 1 000 emplois industriels depuis le début de l'année. C'est une saignée terrible et l'Etat comme les collectivités territoriales ne peuvent qu'accompagner la dégradation de la situation. Thiers ne remplit-il pas les conditions pour bénéficier d'un contrat de site ? De même, à Amiens, plus de 1 200 emplois industriels ont disparu depuis quelques mois. Là aussi, des élus ont demandé une intervention des pouvoirs publics pour favoriser une réindustrialisation du site. Ces exemples illustrent la nécessité de bâtir une démarche territorialisée, pérenne, nationalement cohérente, ouverte à un maximum de bassins d'emplois, et destinée à contrecarrer la désindustrialisation.

Le titre relatif aux subventions d'investissement révèle le peu de considération du Gouvernement pour la politique d'aménagement du territoire. Les crédits de paiement sont en baisse par rapport à ceux votés l'année dernière. Surtout, ils sont sensiblement inférieurs aux autorisations de programme, notamment les contrats de plan Etat-région. A ce rythme, le taux de réalisation des investissements décidés par l'Etat et les régions et pour lesquels l'Etat s'est contractuellement engagé sera extrêmement faible. Pourtant ces investissements civils, destinés notamment au logement et à l'urbanisme, étaient vitaux au regard de la gravité de la crise du logement.

La politique d'aménagement du territoire ne peut se limiter à l'étude du bleu budgétaire. Nous aimerions donc savoir si le Gouvernement, par souci de lutter contre la désertification des territoires, compte revenir sur toutes ses décisions de fermeture de maternités, de succursales de la Banque de France, de perceptions ? Va-t-il renoncer à supprimer « l'être et l'avoir » des écoles communales ?

Compte-t-il exiger le maintien de bureaux de poste en zone rurale ? Hélas non, si l'on en croit les propos tenus hier par la ministre de l'industrie. Voilà des mois que l'on attend le nouveau contrat de plan entre l'Etat et La Poste. Mais, parce qu'il ne se considère plus comme un actionnaire de droit commun, le premier laisse la seconde poursuivre sa course à la rentabilité financière. Il justifie donc, de fait, la fermeture de centaines de bureaux de poste et la précarisation sociale de l'opérateur. Pouvez-vous vous engager, Monsieur le ministre, à garantir une présence postale sur l'ensemble du territoire ?

Quelle réponse budgétaire l'Etat compte-t-il apporter aux très nombreuses communes qui ne bénéficient ni d'une couverture en téléphonie mobile ni de l'accès à l'internet à haut débit ? C'est aussi une question fondamentale pour l'aménagement du territoire. Le Gouvernement a déjà beaucoup disserté sur cette question, mais il n'est toujours pas passé aux travaux pratiques !

Tout ce qu'il propose pour améliorer la couverture par le haut débit est de permettre aux collectivités locales de prendre acte de la défaillance du marché et d'exercer elles-mêmes les fonctions d'opérateur, en mettant la main à la poche. Ainsi, les collectivités rurales, en déclin économique, financeraient un équipement payé, dans les villes plus riches, par le privé !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - C'est vrai !

M. André Chassaigne - Curieuse conception de la liberté des collectivités locales, curieuse conception du service public ! Pourquoi ne pas obliger les entreprises de télécommunications à remplir leurs obligations de service public ? On voit bien là les conséquences dramatiques de la privatisation du secteur des télécommunications. Il est de la responsabilité de l'Etat d'améliorer au plus vite la couverture du territoire en matière de téléphonie mobile ou d'accès à l'internet à haut débit, d'autant que la prolifération d'initiatives locales utilisant des techniques souvent différentes nécessite une intervention régulatrice des autorités.

La défaillance de l'Etat est la conséquence directe du refus des autorités de mobiliser des ressources nouvelles pour financer ce développement. Pourtant, vous-même, Monsieur le ministre, aviez déclaré au congrès de l'AMF, en 1995 : « Quand l'économie était agricole, la richesse et la fiscalité étaient basées sur le foncier. Quand l'économie est devenue industrielle, la richesse était fondée sur le travail et le capital, et la fiscalité aussi. L'économie est devenue principalement aujourd'hui une économie de services et financière. Or cette sphère est notoirement sous fiscalisée ». Que le Gouvernement accepte donc de lever des ressources nouvelles, prélevées sur les activités financières, qui permettraient aux collectivités rurales de financer le développement de leurs territoires !

La politique d'aménagement du territoire doit passer au stade de mesures concrètes et ambitieuses.

Nous sommes las des belles paroles, nous voulons aider les Français à sortir de cette caverne de l'ignorance où vous voulez les tenir enfermés.

M. Frédéric Dutoit - Très bien !

M. Jacques Bobe - Avec 273 millions d'euros, le budget de l'aménagement du territoire pour 2004 est en progression de 1,9 %, malgré un contexte difficile.

Les moyens des services, qui représentent 4,8 % de ce budget, continuent à diminuer
- 2,3 % - tandis que les crédits du FNADT augmentent de 28 % et les subventions d'investissement de 5,7 %. L'objectif de réduction des charges de fonctionnement au profit du soutien à l'investissement est donc réalisé.

L'aménagement du territoire bénéficie de financements provenant d'autres ministères
- transports, agriculture, industrie, enseignement supérieur - pour un total de 7 milliards d'euros. De plus, le FIATA va être abondé pour améliorer la desserte aérienne des régions isolées, et le seuil d'accès à ces fonds a été ramené de 10 000 passagers par an à 500, ce qui est une bonne mesure.

S'y ajoutent les fonds européens, à raison de 3,3 milliards d'euros. Le Gouvernement a décidé une simplification des procédures d'attribution, et le résultat est probant puisque le taux de consommation des fonds est passé de 14 à 43 %. Quant aux allégements de charges consentis aux entreprises établies dans les zones difficiles, ils atteignent 272 millions d'euros.

Au total, l'effort financier pour l'aménagement du territoire représentera près de 11 milliards d'euros. L'essentiel a été préservé.

La rationalisation de la DATAR permettra d'augmenter les crédits aux investissements, tandis que les moyens de l'Agence française pour les investissements internationaux sont stabilisés.

Lors des CIADT des dix-huit derniers mois a été affirmée la volonté d'inverser les logique de déclin des territoires les plus fragiles. J'insiste, à ce sujet, sur la nécessité d'une concertation étroite avec les élus et partenaires locaux, notamment en ce qui concerne les services collectifs. La mondialisation de l'économie doit conduire à des politiques de développement local non plus imposées, mais concertées. S'il importe de renforcer l'armature urbaine, les zones rurales malmenées par les lois Voynet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) ont beaucoup de retard à rattraper. Il est donc impératif de respecter l'obligation constitutionnelle d'accompagner les transferts de compétences du transfert des ressources correspondantes : les finances sont le nerf de la guerre et c'est bien une guerre pour la revitalisation rurale qu'il faut mener ! Nous attendons avec impatience le projet de loi relatif au développement rural.

Le CIADT du 3 septembre dernier a arrêté toute une série de mesures d'ordre réglementaire et financier concernant l'habitat, les services privés, le développement économique.

Nous nous réjouissons que ce budget soit construit sur deux priorités : l'anticipation des mutations territoriales et le développement équitable des territoires, dans le respect des engagements pris par l'Etat dans le cadre des contrats de plan - je pense en particulier aux liaisons routières et ferroviaires nécessaires au désenclavement de nombreuses régions. Je citerai comme exemple la mise à deux fois deux voies de la RN 10 entre Poitiers et Bordeaux et de la RN 141 entre Royan et Limoges, ainsi que la dernière tranche des études du TGV Sud Europe-Atlantique.

Je souhaiterais que vous me confirmiez que la diminution des crédits des PAT ne remettra pas en cause les projets en cours.

Le CIADT du 13 décembre a défini une politique de création de richesses dans le respect des identités locales. La DATAR aura ainsi pour missions d'assurer la cohésion sociale des territoires ; de renforcer la place de la France en Europe, notamment par la politique des transports et par la création de pôles d'excellence ; de rendre plus attractives les régions défavorisées en généralisant l'accès au haut débit et à la téléphonie mobile. Tout le monde en parle, vous le faites, bravo ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La décision de permettre l'amortissement à 100 % en un an des paraboles satellitaires est une excellente mesure, ainsi que celle autorisant les collectivités locales à devenir opérateurs. Le calendrier de cette politique de développement numérique devrait être communiqué rapidement : elle encouragera les implantations d'entreprises en zone rurale.

Dernière mission de la DATAR : rétablir la souplesse nécessaire aux outils de l'aménagement du territoire - contrats de plan, pays, etc. Vous en avez parlé.

En conclusion, l'UMP estime que ce budget présente de nombreux aspects positifs. Après des années d'errements, la politique d'aménagement du territoire doit devenir plus cohérente et plus lisible. Il conviendrait, dans cet esprit, de réduire l'écart de DGF entre les agglomérations urbaines et les communautés de communes.

Nous avons de bonnes cartes en mains ; nous sommes certains, Monsieur le ministre, que vous saurez en jouer au mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pierre Cohen - Plus que sur ce budget, je m'attarderai sur les orientations de votre politique. Le budget, en effet, est peu explicite, et sa progression de 2 % ne peut occulter la baisse de 8 % en 2003, ni les gels de crédits intervenus.

Ce qui compte, ce n'est pas la présentation comptable du budget, mais son exécution. Or le décalage entre votre discours et la réalité traduit l'incohérence qui règne au sein du Gouvernement (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

D'un côté, vous et plusieurs députés de la majorité soulignent l'importance d'un organisme comme la DATAR qui a pour tâche de répartir les crédits du FNADT, de gérer la PAT, de négocier les CPER, d'attribuer les fonds européens et d'animer les réseaux d'associations. Or, vous diminuez les moyens des services de cet organisme sous prétexte de « rationalisation ».

Vous déclarez qu'il y a urgence à soutenir le tissu économique, donc les entreprises. Depuis avril 2001, le seuil d'éligibilité de la prime a été abaissé. Mais les crédits de la PAT passent de 45 millions d'euros à 40 millions d'euros en CP et de 67 millions d'euros à 50 millions d'euros en AP.

Enfin, l'augmentation apparente de la ligne des contrats de plan Etat-région ne trompe personne, car depuis deux ans vous gelez les crédits à hauteur de 20 % et vous remettez en question certains projets. Les élus locaux s'inquiètent du devenir de leurs projets et du désengagement de l'Etat. Là non plus, vous ne m'avez pas convaincu ! Il est bien difficile d'accorder crédit à ce budget...

Permettez-moi d'inscrire mes propos dans la continuité du débat sur les infrastructures. Votre politique consiste à exclure tout projet qui n'a pas dépassé le stade de la déclaration d'intention du cadre contractuel. Or nous savons par expérience que, sans inscription officielle dans les contrats de plan ni phasage financier, les projets sont condamnés. Quant à soumettre leur réalisation à la conduite d'études préalables, c'est le plus sûr moyen pour que rien n'avance. Votre proposition me paraît donc désastreuse.

Le désengagement de l'Etat est patent. On se demande quel est réellement son rôle dans le rééquilibrage et la solidarité à l'échelle du territoire national. La situation est si confuse que le groupe socialiste a demandé, par la voix de Didier Migaud, la création d'une mission d'information sur l'exécution des contrats de plan Etat-régions. Je ne puis que renouveler cette demande.

Dans le seul budget de l'industrie, les interventions publiques dans le cadre des CPER en direction du commerce, de l'artisanat et des services ont diminué de 25 % Il en va de même pour les budgets des routes et des transports.

Il ne suffit donc pas d'afficher des hausses budgétaires non suivies d'effet. Il est vrai que votre gouvernement maîtrise assez bien la communication, mais je crains que cela ne dure plus très longtemps...

Nous ne savons pas si ce phénomène est le fruit d'une idéologie libérale ou d'une conjoncture générale de manque de moyens, qui n'empêche pas de privilégier la défense au détriment des territoires. Tout au plus consent-on quelques saupoudrages budgétaires à l'occasion des CIADT. Un exemple : le CIADT de décembre 2002 à Toulouse, dont nous attendons toujours les retombées telle la création de l'institut de technologie avancée des sciences du vivant ou celle de l'institut de recherche en technologie spatiale, qui a été purement et simplement abandonnée.

A l'issue du CIADT du mois de mai, consacré à l'accompagnement de la restructuration du groupe GIAT Industries, le président du conseil régional de Midi-Pyrénées, Martin Malvy, a annoncé que le CIADT confirmait la suppression de 650 emplois à Tarbes et de 300 à Toulouse, décision qui sonnait le glas de toute solution préservant l'emploi et l'outil de travail.

Ce CIADT avait pourtant mis l'accent sur la revitalisation des territoires les plus touchés par les plans sociaux. Des contrats de site avaient été signés et la création de 7 000 à 8 000 emplois annoncée. Du reste les critères d'éligibilité à ces contrats sont peu clairs.

Alors que les entreprises ferment, que votre politique de l'emploi n'est comprise par personne, aucune démarche volontariste ne transparaît dans ce budget. Cela veut dire que vous vous résignez au chômage. Votre budget fait son deuil d'une vision globale du territoire, alors que vos discours affirment le contraire. C'est en vain qu'on y cherche une cohérence.

Prenons encore l'exemple des transports. Que dire du schéma de ferroutage et du développement du transport de marchandises sur la voie d'eau, qui pèsent peu à côté du lobby du transport routier. Pourtant ces modes de transport ne sont-ils pas soumis aux mêmes impératifs et conditions d'acheminement ? Je regrette les atermoiements de votre ministère quant aux alternatives possibles au transport routier : ils empêchent d'atteindre les objectifs du protocole de Kyoto sur les émissions de gaz à effet de serre.

Le développement des transports en commun dans nos agglomérations, seule alternative à la pollution et au désengorgement de nos villes, est lui aussi remis en cause du fait du désengagement de l'Etat des transports en commun en site propre et des plans de déplacement urbains.

Les élus des grandes agglomérations attiraient récemment l'attention du secrétaire d'Etat aux transports sur les graves conséquences de cette situation incompatible avec la mise en _uvre dans les grandes agglomérations des plans de déplacement urbains, instrument indispensable pour répondre aux enjeux de notre société. Au total, ce ne sont pas moins de 22 projets de transport urbain qui se retrouvent aujourd'hui dans l'impasse !

Un autre sujet a mobilisé tous les congrès départementaux, dont celui de la Haute-Garonne. Tous les élus se sont émus du désengagement du Gouvernement vis-à-vis des services publics. Une clinique de ma région, en particulier, fait beaucoup parler d'elle, mais on parle aussi de fermetures de trésoreries, tout cela sans aucune concertation ni cohérence. Ces fermetures ne concernent pas que des zones rurales, mais aussi des zones périurbaines. Bref, le projet de loi du ministre de l'agriculture sur la ruralité aura du mal à nous convaincre.

Le Gouvernement ne s'appuie pas assez sur les territoires émergents que sont les agglomérations ou les pays.

Le CIADT du 3 septembre dernier était consacré au monde rural. Si vous êtes vraiment confiant, Monsieur le ministre, dans l'expérimentation qui est en cours dans quatre départements, et si vous voulez vraiment rester crédible, je vous demande de geler l'ensemble des fermetures de services publics jusqu'à la fin de cette expérimentation.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Très bien !

M. Pierre Cohen - Vous avez ironisé, l'année dernière, sur l'ambition du gouvernement Jospin en matière de téléphonie mobile et de réseaux à haut débit. Permettez-moi de vous dire que vous n'avez pas fait mieux !

Remise en cause des projets et des investissements avec des conséquences désastreuses pour l'emploi, absence de cohérence entre les discours et les grands principes de développement durable avec un manque de soutien aux transports en commun, remise en cause des services publics, en particulier dans les territoires en difficulté comme les quartiers sensibles et les zones rurales, absence d'efficacité pour relever le défi des technologies de l'information : vous comprendrez, Monsieur le ministre, que ce budget de mystification ne puisse avoir notre soutien. Nous voterons contre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Sauvadet - Je me réjouis que nous puissions débattre de l'aménagement du territoire, sujet que vous connaissez bien, Monsieur le ministre, pour avoir représenté, au plus haut niveau, nos collectivités territoriales et sujet qui mérite toute notre attention parce qu'il est essentiel à l'équilibre du pays et à la préservation du lien social.

Les zones rurales souffrent d'un sentiment d'abandon. Nos compatriotes savent qu'il y a une politique de la ville, parce que les quartiers sensibles font souvent la une de l'actualité. Les plus hautes autorités de l'Etat se sont d'ailleurs récemment rendues chez le ministre de la ville... Mais le quotidien de ces millions de ruraux n'est pas regardé avec suffisamment d'attention. L'aménagement du territoire doit aujourd'hui être axé prioritairement sur les territoires ruraux.

Il faut une politique cohérente. Ne cédons pas à la démagogie - tout n'est pas possible - mais donnons une direction claire !

L'aménagement du territoire est un domaine complexe, précisément parce qu'il requiert une vision interministérielle. Il fait d'ailleurs l'objet de comités interministériels - mais vous en êtes, Monsieur le ministre, le chef de file.

Une politique d'aménagement du territoire doit faire naître des solidarités nouvelles entre villes et campagnes. On a pu avoir le sentiment, par le passé, que l'on ne se préoccupait que des villes. Et nous l'avons suffisamment dénoncé pour vouloir aujourd'hui marquer une nette rupture avec ces pratiques. Mais comme pour la politique de la ville, il nous faut un chef de file pour la politique rurale. La réalité est là : 80 % du territoire accueillent 20 % de la population, et les inégalités subsistent entre des zones qui se dépeuplent et des zones périurbaines soumises à de fortes pressions, notamment foncières.

L'Etat a des responsabilités, les régions aussi, et la décentralisation que nous appelons de nos v_ux va les confirmer. La constitution de communautés et de pays le montre, les élus locaux ont désormais conscience qu'ensemble ils pourront davantage. Mais il faut que l'Etat soit à leurs côtés, qu'il les écoute et les accompagne. Cela implique de changer certaines pratiques de nos pouvoirs publics.

La présence des services publics sur les territoires ruraux doit être maintenue : enseignants, autour des pôles scolaires organisés, gendarmes, comme le rappelait en chanson notre collègue Jean Lassalle, ou fonctionnaires de La Poste.

A ce propos, je souhaiterais, dans un souci de transparence, que les missions de La Poste soient débattues devant le Parlement.

Une réorganisation est nécessaire. Vous avez parlé, Monsieur le ministre, d'« accompagnement » des mutations. Il faut être encore plus offensif et _uvrer pour une meilleure stabilité : vous avez mis en place un schéma régional d'organisation sanitaire et à peine était-il accepté qu'il fut remis en cause. Des familles, des professionnels doivent pouvoir envisager une carrière dans les territoires fragiles.

Vous avez vous-même engagé un débat sur la prise en compte du mérite dans la rémunération des fonctionnaires. Nous vous soutenons. Mais il faut également rappeler aux fonctionnaires qu'ils ont l'obligation de pourvoir les postes qui sont offerts, quel que soit l'endroit où ils se trouvent. Le service public, c'est aussi l'exigence de servir l'Etat là où se trouvent les besoins, et non en fonction de son avenir personnel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. André Chassaigne - Il ne faut pas exagérer !

M. Pierre Cohen - Ce sont les médecins qui ne vont pas sur ces territoires !

M. François Sauvadet - Je ne parle que de faits avérés.

Nous devons réfléchir aussi à la question du zonage. Celui-ci pose des problèmes de lisières, mais si nous voulons que les territoires ruraux bénéficient d'activités économiques, il faudra consentir des avantages fiscaux à ceux qui viennent s'y installer.

M. Folliot a rédigé un excellent rapport sur les fonds structurels européens, mais d'ores et déjà, soyons beaucoup plus incitatifs vis-à-vis des entreprises.

Je me réjouis des priorités que vous avez définies, Monsieur le ministre, lors du CIADT du 3 septembre, en ce qui concerne la formation en milieu rural et la territorialisation. J'approuve aussi votre décision relative à l'ENA.

L'accès aux nouvelles technologies - ADSL, internet, téléphonie mobile - est également essentiel en milieu rural. Le précédent gouvernement n'a rien fait pendant cinq ans...

M. Pierre Cohen - C'est inouï ! Nous sommes devenus le premier pays européen pour internet !

M. André Chassaigne - Il fait de la provocation.

M. François Sauvadet - La moitié des emplois nouveaux seront créés dans le domaine des nouvelles technologies. Engageons les pays et les régions à travailler en ce sens.

Les crédits européens, enfin, sont sous-consommés. Il est urgent de continuer à simplifier les procédures.

Le groupe UDF soutiendra votre action (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) en faveur des territoires ruraux, et votre politique d'aménagement du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Emile Blessig - L'aménagement du territoire est au centre des préoccupations politiques. Comment soutenir nos pôles de compétences et en même temps permettre à des territoires moins favorisés de rester attractifs ?

Il y a encore quelques années, l'Etat pouvait décider seul de la politique d'aménagement du territoire. Celle-ci s'organise aujourd'hui autour d'une pluralité de partenaires : intercommunalités, pays, régions, échelon national et européen.

A tous ces niveaux doivent coexister un projet, des moyens, une mise en _uvre de la solidarité territoriale.

La mission de réflexion sur l'aménagement du territoire est au c_ur des préoccupations de la DATAR qui, de ce point de vue, est un maillon indispensable. Nous avons besoin d'ingénierie humaine, de soutien à la réflexion pour penser dans la cohérence, à tous les niveaux, la politique d'aménagement du territoire.

En période économiquement difficile, le temps des saupoudrages financiers est révolu. A l'avenir on devra soutenir les projets intégrés dans les plans structurants.

Nous avons une responsabilité collective dans la mobilisation des fonds structurels européens. De 1994 à 1999, selon M. Barnier, nous avons renvoyé à Bruxelles 12 à 13 % des crédits alloués, soit environ 240 millions d'euros. Pour 2000-2006, nous avons un crédit de 16 milliards d'euros, nous devons absolument les utiliser.

Je suis inquiet quant aux crédits de paiement : 12 % d'ici 2006, c'est insuffisant. Comment améliorer cette situation ?

Trois observations pour terminer. D'abord mettre l'accent sur la téléphonie mobile. Ensuite simplifier les procédures, par trop complexes. Enfin, trouver les moyens d'aider les collectivités territoriales à dégager l'apport national obligatoire sans lequel aucune attribution de fonds européens n'est possible. L'ensemble de ces mesures est indispensable si l'on ne veut pas que les fonds structurels européens destinés à la France fassent l'objet d'un dégagement d'office faute d'avoir été utilisés dans les temps (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Réduire la fracture territoriale est une des missions essentielles de votre ministère Monsieur le ministre. Or l'enclavement est un élément majeur de déséquilibre que l'élargissement de l'Europe et la compétition accrue entre les territoires vont exacerber jusqu'à les rendre irréversibles si rien n'est fait.

Comment, alors, ne pas s'inquiéter des lourdes menaces qui pèsent sur les infrastructures routières ou ferroviaires, le budget des transports étant frappé de plein fouet par la politique d'austérité budgétaire du Gouvernement ? Les retards qu'engendrera mécaniquement ce choix regrettable seront extrêmement préjudiciables pour les régions enclavées, tel le centre de la France où les besoins sont patents.

Certes ces dossiers ne relèvent pas directement de votre ministère mais l'aménagement du territoire étant par essence une politique transversale, nous espérons que vous aurez à c_ur de ne pas laisser exclure des pans entiers de notre territoire du maillage routier, ferroviaire et aérien.

Quant à l'équipement numérique, il relève bien de vos attributions, et son importance est majeure. Les zones déjà pénalisées par leur situation géographique, la déprise démographique et les lacunes des infrastructures traditionnelles ne doivent pas l'être de surcroît dans ce domaine. Permettez-moi de vous faire à nouveau part de ma préoccupation à cet égard.

Les collectivités sont en première ligne, en tant que maîtres d'ouvrages et que co-financeurs. Pour étendre la couverture numérique, il faut donc que l'intégralité des 44 millions, dont l'octroi a été annoncé lors du CIADT de décembre 2002 soit débloquée. Une première enveloppe de 30 millions a été bien répartie au titre de la première phase, mais le solde devait être ventilé avant la fin de cette année. L'enveloppe initiale ayant, semble-t-il, été sous-évaluée au regard des investissements nécessaires, il est particulièrement important de pouvoir compter sur la deuxième enveloppe. Or, elle ne serait plus assurée... certes, la décision dépend du ministère de l'industrie, mais votre impulsion serait la bienvenue, car il y va bel et bien de l'aménagement du territoire.

Il est tout aussi capital que les fonds européens soient disponibles sans que soient amputés ceux qui sont destinés aux équipements de haut débit. C'est pourtant la position contestable que défend parfois l'Etat en région, en proposant que les fonds FEDER destinés à la téléphonie soient prélevés sur l'enveloppe prévue pour les infrastructures de haut débit.

J'insiste enfin sur la nécessité de maintenir la déductibilité de la TVA après 2005 pour tenir compte de la longueur des délais de réalisation de ces équipements. L'Etat ne peut se désengager de la réalisation de telles infrastructures, dont les régions les moins nanties ne peuvent assumer seules le coût - M. Blessig ne vient-il pas de le dire ?

J'appelle d'autre part votre attention sur les sérieuses menaces qui pèsent sur le maintien des crédits européens du DOCUP dans de nombreuses régions.

La sous-consommation des crédits FEDER, imputable à diverses raisons, souvent conjoncturelles, fait qu'une part significative de ces crédits risque d'être reprise et réinjectée dans le budget communautaire. Pour que ces fonds, qui contribuent à nombre de financements publics sur notre territoire, ne nous échappent pas, il serait souhaitable de pouvoir transférer sur d'autres programmes les parts non consommées.

M. Nicolas Forissier - C'est juste.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Quant aux crédits FEOGA non utilisés, s'ils peuvent pour partie, être restitués à l'Etat, rien ne garantit qu'ils reviendront aux territoires auxquels ils étaient initialement affectés. Il serait regrettable que les difficultés budgétaires de l'Etat, largement liées à ses choix fiscaux, et les nombreux gels de crédits auxquels le Gouvernement a procédé ne le conduisent à rechercher dans les crédits européens le financement de ses propres politiques ou des compensations financières à ses désengagements.

Vous connaissez, Monsieur le ministre, le rôle de levier qu'exercent les fonds européens sur les politiques territoriales. Aussi espérons-nous pouvoir compter sur votre vigilance pour que de tels dérapages ne se produisent pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Léonce Deprez - Vous avez déjà répondu à certaines des questions que je m'apprêtais à vous poser, Monsieur le ministre, ce qui n'a rien d'étonnant puisque vous connaissez nos préoccupations. Il n'empêche... Me confirmerez-vous que le Gouvernement considère bien l'aménagement du territoire comme le nouveau contrat social ? La question est fondamentale, car il s'agit de préserver, en toute équité, l'équilibre entre les régions de France.

C'est donc tout naturellement que j'en viens aux contrats de plan Etat-régions, pour vous demander des éclaircissements. « Ils seront maintenus », avez-vous dit, mais certaines de vos déclarations parues dans la presse ont suscité les inquiétudes les plus vives. Certes, vous les avez nuancées par la suite, mais lire que ces contrats sont voués à la mort ne peut que susciter la révolte, surtout chez ceux qui, comme moi, ont contribué à rédiger les premiers. Nul n'ignore l'effet mobilisateur des CPER ; il est donc capital de ne pas laisser se perdre cet effet d'entraînement, cet élément de rassemblement. Autant dire qu'aucun doute ne doit subsister sur la durée de ces contrats. Evidemment, certains projets peuvent aboutir en deux ou trois ans, mais tant d'autres demandent six ans et plus ! Il a fallu dix ans pour construire l'autoroute A16, il en faudra autant pour achever l'autoroute A24. On peut imaginer que ce sera pareil pour les projets qui visent à restructurer le Nord-Pas-de-Calais, cette région qui vous tient à c_ur, Monsieur le ministre ! Attention, donc, à ne pas laisser croire que les CPER n'ont pas d'avenir. Outre cela,il convient aussi de donner aux communes qui ont l'intelligence de se rassembler en communautés, et aux pays, les moyens nécessaires à l'aboutissement de leurs projets communs, et il serait de mauvaise politique de donner à penser que ces communautés territoriales auraient moins de garanties demain.

Enfin, notre territoire est notre richesse commune, et nous l'oublions souvent, comptant trop sur l'étranger pour assurer notre développement. Un effort continu de valorisation s'impose donc, qui concerne aussi notre littoral. Dois-je rappeler que la loi Littoral tendait à le protéger mais aussi à l'aménager et à le mettre en valeur ? Etes-vous prêt à user de votre influence, Monsieur le ministre, pour que les élus locaux retrouvent le pouvoir qui leur permettrait de procéder aux aménagements indispensables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Forissier - Vos crédits sont préservés, et vos objectifs sont clairs ; c'est bien. Laissez-moi cependant m'appesantir un instant sur les FEDER, dont vous avez souligné vous-même que si le taux de programmation s'est redressé, le taux de consommation est d'une faiblesse inquiétante. Il est donc très important de faire pression sur la Commission européenne pour obtenir que la règle du dégagement d'office soit interprétée avec plus de souplesse. De très nombreuses petites villes et communautés de communes ont fait des efforts de modernisation considérables en profitant de ces fonds.

Mais comme il est normal, elles ne se lancent dans les projets que lorsqu'elles sont certaines d'obtenir les fonds, c'est-à-dire après avoir reçu l'aval des comités de programmation. Elles doivent ensuite lancer les appels d'offres et suivre toutes les procédures administratives, lourdes et complexes, ce qui prend parfois plus de temps que prévu. Il est donc indispensable d'introduire davantage de souplesse dans les délais pour améliorer la consommation des crédits. Six mois supplémentaires, sinon un an, devraient être accordés, au moins avant le premier dégagement d'office. Six mois de plus avaient été accordés pour le premier programme du FEDER.

Il faudrait également que les crédits puissent être transférés d'une mesure à l'autre. Ainsi ceux du FSE sont-ils peu consommés tandis que d'autres sont insuffisants pour boucler les opérations engagées.

Enfin, il convient de préparer dès aujourd'hui la suite du programme actuel. Certaines ZRR auront peut-être besoin, comme il y en a déjà eu, de mesures transitoires - même si j'ai bien compris que tous les crédits iront désormais à l'Europe centrale... Une concertation sur le sujet est urgente.

S'agissant des zonages, la seule demande des élus, ruraux en particulier, est davantage de souplesse. Nous ne voulons plus, comme nous l'avons trop souvent vu, que certains cantons, à l'évidence ruraux, se trouvent exclus des dispositifs, parce qu'ils ont tout juste franchi le seuil fixé.

Une clarification et une simplification des aides aux entreprises sont également nécessaires. Le ministre délégué au budget a bien voulu assouplir l'article 44 sexties du code général des impôts, mais il faudrait aller plus loin. L'article 44 septies, relatif aux reprises d'entreprises en difficulté, devrait, quant à lui, être profondément modifié.

Pour ce qui est de la téléphonie mobile et du haut débit, je tiens à souligner comme mes collègues, que c'est ce gouvernement qui a lancé une véritable politique de rattrapage dans les zones rurales.

M. Pierre Cohen - C'est faux.

M. Nicolas Forissier - Je le sais d'autant mieux que j'ai personnellement suivi ce dossier de très près.

Il faut maintenant donner une impulsion supplémentaire au développement de l'ADSL, notamment dans les communes rurales dépendantes d'une entreprise, qui y est souvent le seul gros employeur. Je vous demande de faire un effort particulier, dût-il n'être que temporaire, dans l'affectation des crédits. En effet, certaines de ces entreprises se demandent si elles ne vont pas partir s'implanter dans des zones plus favorisées de ce point de vue.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Nicolas Forissier - Il est urgent de régler cette question, car il y va de nombreux emplois.

Un dernier mot sur la liaison ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, déjà évoquée par Mme Pérol-Dumont. Le récent rapport de la DATAR a encore nourri les inquiétudes que l'on peut avoir concernant cette ligne, pourtant indispensable au désenclavement du Berry et du Limousin. Les engagements pris par l'Etat sous le précédent gouvernement seront-ils tenus ? Il est urgent de répondre, et surtout de ne pas mégoter. Les considérations techniques et financières ne sont certes pas indifférentes, mais l'aménagement du territoire, c'est aussi la solidarité territoriale. Il ne faudrait pas que le Berry et le Limousin soient laissés de côté du seul fait d'approches trop technocratiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Victorin Lurel - Permettez-moi d'introduire une petite touche d'outre-mer dans ce débat.

Le budget de l'aménagement du territoire pour 2004 diminue, ce qui aura des conséquences encore plus lourdes outre-mer qu'en métropole. En effet, nous partons de plus loin - la Guadeloupe n'est-elle pas classée 211e sur 211 régions en Europe ? - et nos économies sont, à bien des égards, sous-développées. L'idéologie libérale qui anime ce gouvernement et le conduit à penser que les lois du marché pourraient régir aussi l'aménagement du territoire est, hélas, de mauvais augure. Nous l'avons déjà constaté dans nos départements, l'Etat s'est retiré, comme sur son Aventin. Pour autant, le marché n'a pas pris le relais, et les inégalités territoriales se sont accrues. Même situés à huit mille kilomètres de la République, voire le double pour certains d'entre eux, les départements et territoires d'outre-mer font partie de la République.

La continuité territoriale n'est que l'une des expressions du principe républicain d'égalité. Or, la solution imaginée par ce gouvernement, qui a été, je le reconnais, le premier à poser le principe de cette continuité, n'est pas acceptable, tout simplement parce qu'il n'y a pas un sou pour la financer. Imaginerait-on que les liaisons entre Paris et Marseille ne soient en rien subventionnées ? Eh bien, c'est ce qui se passe pour les liaisons entre l'outre-mer et la métropole. Je ne parle même pas du fait que le caractère archipélagique de certains départements, comme la Guadeloupe, n'est pas pris en compte. Vous ne pouvez pas être indifférents à ces questions, ni les traiter par la désinvolture.

Après la fracture territoriale, arrêtons-nous un instant sur la fracture numérique. France Télécom explique en Guadeloupe qu'elle ne peut équiper en ADSL la côte sous le vent, trop peu rentable.

M. Patrice Martin-Lalande - Le même argument est invoqué chez nous !

M. Victorin Lurel - L'Etat ne peut pas se désintéresser de la question.

Les inégalités sont également flagrantes en matière sanitaire. On nous a fait voter une belle carte sanitaire, il n'empêche que des hôpitaux ferment ou sont fusionnés à d'autres, sous prétexte de rentabilité insuffisante. Cela a été le cas à Basse-Terre. La télé-médecine offre des possibilités, permettant d'éviter certaines évacuations sanitaires lourdes. Hélas, l'Etat ne veut pas participer à son financement. Quant à notre CHU, qui a longtemps été le navire-amiral des hôpitaux antillais, il est devenu une ruine - je reconnais que les plans mis en _uvre par le précédent gouvernement étaient eux aussi insuffisants.

Quant à notre université d'Antilles-Guyane, elle est en quasi-cessation de paiement. Comme S_ur Anne nous attendons, mais ne voyons rien venir...

Enfin, parlons de la politique de la ville et, par voie de conséquence, aussi de celle conduite en faveur des zones rurales. Une zone franche urbaine a été créée à Basse-Terre qui a littéralement siphonné toutes les entreprises et tous les emplois des secteurs ruraux alentour. Prendrait-on à ceux qui n'ont pas pour donner à ceux qui ont ? Est-ce là le précepte ? Ou bien il fallait classer tout le territoire en zone franche ou bien créer aussi une zone franche rurale.

J'espère que mon appel au secours aura été entendu (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Cohen - Très bien.

M. François Guillaume - Je veux seulement, Monsieur le ministre, vous interroger sur l'avenir de la partie rurale de notre territoire, que les institutions européennes, lors de la récente réforme de la PAC, ont privée de l'un de ses meilleurs atouts en limitant le développement des activités de ses principaux acteurs, les agriculteurs.

C'est, déjà, un grave sujet de préoccupation, mais il en est d'autres, qui contribuent à la désertification de vastes contrées que n'irriguent pas les grandes infrastructures et qu'abandonnent progressivement les services publics sous prétexte d'absence de rentabilité. En effet, des écoles ferment, des classes sont supprimées, le couperet du nombre minimal d'élèves contrôlé sur place par l'inspecteur d'académie le jour de la rentrée n'épargne personne alors que des dizaines de milliers d'enseignants en France n'ont pas d'affectation ou sont employés à des tâches que je nommerai, pudiquement, « externes ». Certes, deux gouvernements ont stoppé ou modéré ces fâcheuses pratiques : le vôtre, qui en a assoupli l'application, et celui d'Edouard Balladur qui avait décidé un moratoire sur les fermetures de classes...

M. Pierre Cohen - Caricature !

M. François Guillaume - ...que la gauche n'a pas maintenu.

La Poste, elle, mijote sa restructuration. Certes elle prétend ne pas souhaiter se retirer des zones rurales, mais elle prévoit de ne maintenir que 6 000 bureaux de plein exercice au lieu des 12 000 actuellement en service, rentabilité oblige.

M. André Chassaigne - C'est la conséquence de votre politique.

M. François Guillaume - Bruxelles veille pour sa part à replacer dans le secteur concurrentiel les services publics, ce qui gêne moins que nous nos partenaires anglo-saxons dont la densité de population est plus forte et l'habitat moins dispersé. Je ne doute pas de la volonté de La Poste de chercher des formules de remplacement, mais le service en pâtira inévitablement.

Nous aurions pu espérer que les nouvelles techniques de communication compenseraient ce déficit de service : tel n'est pas le cas. La téléphonie mobile ne couvre pas tout le territoire : 5 000 communes ne sont pas desservies par les réseaux, 3 000 étant en zone blanche. Pour y remédier, les collectivités locales sont invitées à financer les infrastructures passives, c'est-à-dire les pylônes, alors que, bien entendu, les villes n'ont pas été tenues au même effort. Et l'annonce par le Président de France Télécom de fournir d'ici la fin de l'année le haut débit à 95 % des internautes est apparue comme une provocation pour les communes rurales encore victimes de pannes fréquentes de leur téléphone classique parce que le coût de remplacement de leur commutateur n'entre pas dans le prochain budget de l'entreprise...

M. André Chassaigne - C'est juste.

M. François Guillaume - Je proteste aussi contre la prétention des services de l'équipement de refuser des permis de construire dans nos villages sous de mauvais prétextes, quand bien même une délibération du conseil municipal les aurait autorisés. Pour sauver son école, repeupler si peu que ce soit son village, un maire se réjouit toujours de l'arrivée d'une nouvelle famille. De quelle droit une administration s'y opposerait-elle lorsque l'esprit de la réglementation est préservé ?

Pour répondre aux attentes de la population, vous proposez de relancer une politique de zonage. Mais cela ne donnera pas grand-chose tant le respect des critères d'éligibilité, le recours aux financements croisés et l'incapacité des petites collectivités concernées à fournir l'autofinancement indispensable, relativisent l'avantage ainsi concédé. Le faible niveau actuel d'utilisation des crédits européens en porte témoignage. En revanche, un relèvement du niveau des aides aux entreprises pour leurs investissements productifs pourrait effectivement encourager leur développement et susciter des vocations.

Votre implication dans la simplification administrative rencontre notre total assentiment. La France est sur-administrée. La cascade des pouvoirs nuit à leur bon exercice, pèse lourdement sur le contribuable, désoriente le citoyen dont le quotidien est réglementé par une Union européenne bientôt à 25, et par une nation éclatée en 21 régions, 99 départements, 500 pays, 20 000 EPCI dont 3 000 intercommunalités et 36 000 communes. Plus de 2,5 millions de fonctionnaires gèrent cette énorme machine. Depuis vingt ans, on ne cesse d'ajouter des strates supplémentaires à notre organisation des pouvoirs sans en supprimer d'autres, tout en procédant à un regroupement des communes dont le nombre est considéré par la haute administration parisienne comme un anachronisme. Mais les ruraux ont pensé avant eux que la petite taille de leurs collectivités ne permettait pas de répondre à tous les besoins de leurs habitants ; c'est pourquoi ils se sont organisés pour offrir les équipements et les services qu'un seul village ne peut prendre à sa charge. Il y a un demi-siècle, les premiers regroupements pédagogiques et souples étaient créés pour répondre à des problèmes concrets. Avec les intercommunalités, on leur a substitué un cadre institutionnel rigide doté de pouvoirs et d'une administration en délirante expansion. Les préfets en fixent les périmètres ; ils contraignent les municipalités récalcitrantes à s'insérer dans ces ensembles. Une sorte de compétition s'est engagée entre eux pour savoir qui assurera le premier la couverture totale de son département...

Se superposant à cette architecture en construction, sont apparus les pays. C'est une nouvelle religion. Ils sont établis dans la confusion des rôles entre la société civile et les élus, alors que les projets de développement peuvent parfaitement naître d'une simple concertation organisée par les sous-préfets. Or ces pays recrutent du personnel comme la plupart des collectivités territoriales. Les efforts de votre gouvernement pour réduire les effectifs de la fonction publique sont ainsi annihilés par ces généreuses embauches qui en suscitent d'autres. Le conseil général de Meurthe-et-Moselle, conduit depuis cinq ans par une majorité de gauche, a augmenté son personnel de près de 30 %. Peut-on s'étonner alors que les impôts locaux aient progressé en France de 4 % alors que votre gouvernement s'efforce de les réduire ?

M. Pierre Cohen - Vous détenez 70 % des conseils généraux !

M. François Guillaume - Autant je suis favorable à la décentralisation, autant je redoute que les suppressions de postes de l'échelon central ne soient surcompensées par des emplois administratifs dans les régions et les départements et que cela n'élève le niveau des prélèvements obligatoires qu'en peu de temps vous avez pourtant réduit de quelques points.

Il est temps de simplifier l'organigramme des collectivités publiques pour éviter les empilements et les enchevêtrements et la confusion des pouvoirs qui font de la France le pays le plus administré du monde sans que le peuple en soit plus heureux. Je souhaite ardemment que vous y parveniez (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cohen - C'est la même famille que Poujade...

M. Michel Raison - Plus que ce budget, c'est votre force de persuasion, Monsieur le ministre, qui peut faire la qualité de la politique d'aménagement du territoire, afin qu'il n'y ait pas d'un côté les villes, de l'autre les campagnes, aussi peu peuplées que cet hémicycle, ce qui serait dramatique (Sourires) ; afin que l'équilibre de notre pays ne soit pas cherché entre asphyxie et atrophie. Cette force, je sais que vous l'avez !

Pour inverser la tendance actuelle, priorité doit être donnée au désenclavement des zones les moins peuplées. Je me réjouis donc de l'augmentation de 12 millions des dépenses d'intervention du FNADT.

Vous avez su lancer une politique de résorption des zones blanches de téléphonie mobile. Convaincre l'Europe et les opérateurs n'était pas chose aisée. La phase 1, celle des pylônes, est réglée...

M. André Chassaigne - Pas du tout !

M. Michel Raison - ...la phase 2, pas tout à fait encore et on aura certainement besoin d'une phase 3 qui nécessitera, encore, de convaincre les opérateurs. Aux 30 millions prévus au titre du FNADT s'ajoutent 14 millions du ministère de l'industrie. Pouvez-vous m'indiquer où en est la mobilisation de ces crédits ?

L'enclavement est aussi lié à l'absence de haut débit, nécessaire pour nos entreprises, pour la vie courante, pour le travail à domicile, pour l'attrait de nos territoires. France Télécom est prudent, mais conscient de la nécessité de développer le haut débit. Il a, malheureusement, du mal à s'intéresser à autre chose qu'à ses fibres optiques, alors que les collectivités souhaitent qu'on les aide à développer réseaux satellitaires et WiFi. Je souhaite savoir où l'on en est et comment accélérer les choses.

La DATAR a remis un rapport positif sur le désenclavement routier alors que le rapport sur les grandes infrastructures inquiétait les zones les plus désertiques. La RN 19 est retenue comme priorité nationale mais j'insiste pour que ce dossier avance le plus vite possible.

L'accès aux soins, enfin, relève aussi de la stratégie de désenclavement.

Même si quelques inquiétudes persistent, je me réjouis de l'accord intervenu entre le ministre de l'aménagement du territoire et celui de l'agriculture, qui pilotera la loi sur le développement des territoires ruraux.

Pour que les financements de l'Union européenne, de l'Etat et des collectivités soient efficaces, il faut simplifier. Le général de Gaulle a d'ailleurs dit que les plus grandes choses que l'on ait dites au peuple ont toujours été des choses simples. Il faut aussi favoriser l'ingeniering. Je sais que tel est votre souci, Monsieur le ministre, avec les agences de développement territorial, destinées à renforcer la synergie entre chambres consulaires, services de l'Etat, collectivités.

Synergie, audace et innovation pour les services publics, simplification, désenclavement, tout ceci relève du refus de la fatalité. Tel est le sens de votre action, pour engager le pays vers un meilleur équilibre, pour le plus grand bien des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Je me réjouis de la qualité de ce débat. Je souhaite tout d'abord revenir sur quelques grands sujets.

Le premier, évoqué notamment par Léonce Deprez, est celui des contrats de plan dont vous avez été, Monsieur le Président, un des premiers négociateurs.

Je suis convaincu que la contractualisation entre les partenaires publics est un gage de mobilisation et de gestion moderne et efficace des fonds publics. L'esprit du contrat, c'est l'équilibre entre les parties. Tout comme il a voulu poser dans la Constitution les principes de la décentralisation avant de les décliner au quotidien, le Gouvernement souhaite réfléchir aux principes qui doivent guider la contractualisation avant de les mettre en application.

Les contrats de plan doivent évoluer pour tenir compte des transferts de blocs de compétences mais aussi des différences entre les projets, de la diversité des territoires, de l'hétérogénéité des situations, qui nous interdisent d'appliquer partout les mêmes méthodes.

Pour ma pat, je ne crois pas à l'égalité des situations, mais à l'égalité des chances, qui peut passer par des moyens différents. Contractualisons les objectifs, mais donnons-nous un peu de souplesse sur les modalités des actions.

Quel est le niveau de réalisation des contrats de plan ? Après un démarrage un peu lent, il s'établit à 45,6 % au bout de quatre ans. Mais cette moyenne recouvre de grandes différences selon les régions.

Vous vous interrogez sur des annulations de crédits, notamment en matière d'infrastructures routières et ferroviaires, qui remettraient en cause les engagements théoriques de l'Etat dans ces contrats. Nous avons la chance d'avoir à la tête du Gouvernement une personnalité particulièrement sensible aux réalités territoriales. Nous sommes intervenus auprès du Premier ministre au sujet de ces crédits gelés et nous nous attendons à un arbitrage favorable.

M. Pierre Cohen - Il aurait été préférable de pouvoir l'annoncer aujourd'hui ! Mais je prends date.

M. le Ministre - De même, pour la téléphonie mobile, nous avons obtenu un arbitrage exceptionnellement favorable.

En ce qui concerne les fonds structurels européens, vous vous êtes inquiété de leur faible taux de consommation. Nous avons beaucoup assoupli les procédures, avec des résultats significatifs. Mais il n'est pas question que la France demande la suppression de la règle du « dégagement d'office » car elle a plaidé pour que cette règle s'impose à tous les pays. Sinon le risque serait grand que des crédits soient mobilisés et finalement non consommés.

En ce qui concerne l'extension de la téléphonie mobile, le Gouvernement a conclu un bon accord avec les trois opérateurs et le Conseil d'Etat étudie actuellement la formule assurant une totale sécurité juridique aux collectivités locales qui s'engageront dans ces opérations. La DATAR en suivra la réalisation et je vous garantis qu'il y aura des résultats d'ici à la fin 2005.

Monsieur Chassaigne, vous avez évoqué les contrats de site. Le rapporteur spécial, qui connaît bien votre région (Sourires), et d'autres parlementaires nous ont alertés sur sa situation difficile. Nous réfléchissons à un recalibrage de l'intervention de l'Etat. Mais de grâce, ne multiplions pas les normes, les règles trop contraignantes qui, pour éviter des abus éventuels de 3 ou 4 % des intéressés, compliquent la vie aux 96 % restants !

En ce qui concerne la présence des services publics, M. Sauvadet a fait état d'un sentiment d'abandon du monde rural et je le partage. A contrario, la DATAR a publié un rapport intéressant sur le développement quelque peu anarchique de la ruralité périurbaine. Le problème est donc double, déclin de la population dans certaines zones rurales, demande foncière non maîtrisée dans d'autres. Mais là encore, la solution ne réside pas toujours dans le maintien des structures actuelles. Dans les quatre expérimentations en cours concernant le service postal, l'objectif fixé est d'augmenter la proportion de courrier délivré le lendemain de l'expédition. Mais cela n'implique pas forcément la maintien du bureau de poste : certaines localités ont même accepté de transformer ce local en maison médicale, car l'urgence la plus pressante était d'avoir des médecins sur place.

Monsieur Blessig, les fonds structurels ont une contrepartie nationale, c'est la règle européenne.

Monsieur Guillaume, je suis d'accord avec vous : la décentralisation ne doit pas conduire à multiplier les structures et donc les dépenses de fonctionnement.

Monsieur Lurel, les crédits du FIATA ont été augmentés de 16 millions d'euros pour faciliter la desserte des villes moyennes. Nous avons fermement défendu auprès de la commission européenne le maintien du statut particulier des zones ultra périphériques, qui représentent aussi une richesse pour l'Europe.

Je partage l'analyse de M. Raison sur le refus de la fatalité du déclin. L'aménagement du territoire, pour moi, c'est avant tout le développement des territoires, au profit de leur population.

QUESTIONS

M. le Président - Nous en arrivons aux questions que je souhaite concises.

M. Jean-Michel Couve - Dans le Var, nous avons des communes incluses dans le périmètre d'une agglomération qui souhaiteraient s'associer à certaines actions menées par le pays des Maures. Lors d'un récent débat à l'Assemblée, vous avez précisé que des opérations communes, ponctuelles étaient possibles par voie de convention. Ce type de conventionnement peut-il être élargi à des opérations plus importantes ? Nécessite-t-il une délégation de compétence des communes concernées ? Faudra-t-il un contrat entre les pays et les communes ou entre les pays et les structures communautaires ? Je parle de 27 communes du Var souhaitant créer un pays des Maures et dont 4 ont été intégrées dans les communautés d'agglomération de Toulon et de Draguignan.

M. le Ministre - Un pays doit respecter le périmètre de l'intercommunalité. A contrario, il peut passer des conventions avec certaines communes périphériques, sous réserve de l'accord de la communauté compétente.

M. Patrice Martin-Lalande - Le conseil général de Loir-et-Cher projette une desserte tout fibre optique pour 75 zones d'activité afin de répondre aux besoins des entreprises en liaisons haut débit.

L'opération serait financée à 30 % par des fonds privés et à 70 % par des fonds publics provenant des collectivités locales, de l'Etat et du FEDER. Pouvez-vous nous confirmer le niveau de l'engagement de l'Etat sur cette opération, notamment pour le contrat de site de Romorantin ?

La mise en _uvre de ce plan suppose de revenir à un assouplissement du code général des collectivités territoriales, en ce qui concerne son article 15. J'avais personnellement _uvré pour cela lors de l'examen de la loi économie numérique, mais le Sénat l'a remis en cause. Il faut en effet autoriser le montage de projets permettant l'aménagement du territoire en réseaux et services de télécommunication haut débit. On ne peut pas refuser à la fois le service universel et le droit d'agir quand le marché n'intervient pas.

Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce point ? Quand le texte nous sera-t-il à nouveau soumis. Quant peut-on espérer engager réellement les projets ? Quels sont les sites retenus en Loir-et-Cher au titre de la phase I ? Quelles seront les modalités de financement de la phase II ? Les collectivités locales craignent d'avoir à assumer le coût des infrastructures passives et des antennes.

M. le Ministre - Le Gouvernement salue l'effort du conseil général du Loir-et-Cher pour améliorer la desserte de son territoire. L'Etat précisera le moment venu les modalités de son soutien financier. Le contrat de plan, dans le cadre de l'enveloppe de 13 millions d'euros prévue pour le développement des technologies, et le contrat de site de Romorantin pourront être mobilisés. Le Gouvernement avait repris l'amendement que vous aviez déposé le 25 février 2003. Contre son avis, le Sénat a limité les possibilités d'intervention des collectivités locales. Je souhaite que l'Assemblée puisse rétablir l'équilibre en deuxième lecture.

Le Loir-et-Cher est également concerné par le plan téléphonie mobile, mais seules 7 communes sur 84 sont à ce jour considérées comme non couvertes. Réajusté à la demande du conseil général, le plan concerne dans la phase I les communes de Crou-sur-Cosson et Thoury.

Nous préciserons les conditions financières de la phase II avec les associations d'élus et les opérateurs. Nous y travaillons d'ores et déjà avec la DATAR afin de ne pas créer de rupture avec la phase I. Il faudra trouver un juste équilibre entre les collectivités territoriales, les opérateurs et l'Etat.

Je tiens, enfin, à vous remercier de votre contribution sur ce sujet difficile.

M. Denis Merville - Je me félicite qu'il ait été tenu compte des observations que nous avions formulées l'année dernière sur la DATAR. Votre exemple mérite d'être suivi. La DATAR a-t-elle un rôle à jouer dans les projets de pays ? D'autre part, elle est en charge du comité d'implantation territoriale des emplois publics. 300 délocalisations ont été décidées depuis 1991, mais seuls 29 700 des 42 000 emplois à transférer l'ont été. Quid des autres ? J'en viens à l'équilibre entre villes et campagnes. L'intercommunalité ne permet pas toujours de réaliser cet équilibre. C'est souvent le pot de terre contre le pot de fer. Après la mode des grandes entreprises, puis des hypermarchés, on voit arriver les grandes agglomérations, au risque d'étouffer le tissu local. En outre elles ont besoin de moyens : elles touchent déjà quatre fois plus de DGF par habitant. Cela pèse sur la fiscalité locale. Pouvez-vous nous confirmer que vous ne créerez pas de quatrième, voire de cinquième échelon de collectivité territoriale ?

Pour réussir la décentralisation, il faut réformer la fonction publique territoriale. Des réflexions sur l'amélioration du statut sont en cours, qu'il s'agisse de la formation initiale, de la validation des acquis, des primes, des passerelles avec la fonction publique d'Etat. Quelles sont vos intentions en la matière ?

M. le Ministre - Il est hors de question que le pays devienne une collectivité supplémentaire. C'est un espace qu'ont souhaité les intercommunalités, rien de plus. Il ne peut d'ailleurs servir de tremplin à une ambition politique. Les hommes se déchirent sur des ambitions et se rassemblent sur des projets : le pays est un lieu de rassemblement.

Sur l'équilibre entre agglomérations et périphéries, jouons la complémentarité des territoires au lieu d'opposer la ville et la campagne. Evitons de parler en termes de rapports de forces, de pouvoirs. Léonce Deprez se demandait tout à l'heure si l'on pouvait assouplir la loi littoral en faisant davantage confiance aux élus. La loi littoral étant dépourvue de caractère normatif, la jurisprudence est tout bonnement en train d'écrire la loi. On peut parfaitement imaginer, sur des projets permettant une saine gestion des territoires et conformes aux principes définis par l'Etat, une contractualisation adaptée au contexte local.

J'en viens à la délocalisation des emplois publics. Sur les 13 000 qui n'ont pas été délocalisés, certains sont en passe de l'être. Mais d'autres projets ont été abandonnés par souci de réalisme. Rappelons que le transfert de l'ENA à Strasbourg a finalement été un échec, faute d'aller au bout de la décision. Je compte sur votre vigilance pour porter un regard exigeant sur les annonces politiques et surtout leur traduction concrète, dans l'esprit d'ailleurs de la nouvelle loi organique. Nous avons beaucoup travaillé, avec les organisations syndicales et les représentants de la fonction publique territoriale, pour mettre fin à un certain nombre d'hypocrisies - postes affichés alors qu'ils sont déjà affectés, absence de reconnaissance des compétences... Pour attirer les compétences dont elle a besoin, la fonction publique territoriale doit se réformer. Nous proposerons notamment de réorganiser le CNFPT et les centres de gestion pour mieux gérer les concours et les carrières, assurer l'adéquation des offres et des demandes sur un bassin régional, enfin permettre une respiration entre les trois fonctions publiques, mais aussi entre le privé et le public. Pourquoi se priver d'attirer des compétences disponibles dans le privé vers les collectivités territoriales ? C'est le bon sens qui nous guide.

Reste un problème que nous n'arrivons pas à résoudre : nous voulons maintenir le principe du concours mais éviter le recrutement de sur-diplômés qui s'est généralisé à tous les niveaux. Votre contribution sera la bienvenue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Folliot - Je voudrais évoquer des arlésiennes de l'aménagement du territoire : les maisons de service public annoncées par vos prédécesseurs.

Il est indispensable de rapprocher les usagers des administrations. Je vous citerai ainsi le cas de la commune de Lacaune, isolée dans la montagne tarnaise, à 50 kilomètres de la sous-préfecture, Castres, et à 70 de la préfecture, Albi. Pour les plus fragiles, il est donc difficile de se déplacer. La mairie a proposé un terrain pour que puissent être regroupés les services existants, voire les antennes des services publics implantés à Castres et à Albi. Cela permettrait une certaine mutualisation.

Je sais que vous souhaitez également maintenir des services de proximité dans les zones rurales isolées. Les maisons de service public devraient être de véritables « administrations de mission » pour répondre aux préoccupations des populations concernées.

M. le Ministre - Vous avez raison de parler de « mission ». Les maisons de service public manquent d'encadrement législatif. Nous souhaitons assouplir leur constitution afin qu'elles puissent s'adjoindre des services privés et déléguer des missions. Il y a tout intérêt à concentrer sur un même lieu des services divers pour améliorer le traitement des dossiers et la qualité des services rendus aux usagers.

Au mois de février, vous nous avez saisi d'une demande de création d'une maison de service public à Lacaune. Nous sommes à votre disposition pour faire le point.

L'Etat doit accompagner les initiatives locales en fonction de leurs singularités. Arrêtons d'imposer une réponse unique à des situations différentes.

M. Léonce Deprez - Très bien !

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Services du Premier ministre » chapitre V « Aménagement du territoire ».

Les crédits des titres III et IV de l'Etat B, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits du titre VI de l'Etat C, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire concernant l'aménagement du territoire.

La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 15.

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT, SERVICES DU PREMIER MINISTRE, BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS ET S.G.D.N.

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.

Nous examinerons aussi les crédits des services du Premier ministre, du budget annexe des Journaux officiels et du Secrétariat général de la défense nationale.

MM. Georges Tron et Pierre Bourguignon, rapporteurs spéciaux, provisoirement empêchés, n'interviendront qu'au cours de la séance de ce soir.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la fonction publique et la réforme de l'Etat - Au nom de la commission des lois, j'ai établi un rapport écrit dans lequel vous trouverez des éléments d'information et d'analyse sur la fonction publique, mais avant d'apprécier si les sommes inscrites dans votre projet de budget sont suffisantes pour permettre une action sociale interministérielle ou une formation digne de ce nom, demandons-nous quelle fonction publique pour quel service public ?

Je n'ai pas la prétention de répondre de façon exhaustive à cette question, mais je regrette de constater, Monsieur le ministre, que vous ne menez aucune action significative ni pour la fonction publique, ni pour le service public, ni pour l'Etat.

Quelles que soient les blandices de vos discours, le budget de la fonction publique qui nous est proposé assure malheureusement moins que le service minimum, alors que les enjeux auxquels doivent faire face l'Etat et son administration devraient inciter à présenter mieux qu'un budget immobile.

Un véritable projet pour la fonction publique est plus que jamais nécessaire, au moment où les incertitudes s'accumulent et alors que le régime des pensions a été profondément modifié il y a quelques mois.

Une stratégie claire fait défaut face à la baisse prévisible du nombre des agents liée aux départs en retraite. Il est urgent de s'attaquer à la question de l'attrait de la fonction publique autant qu'à celle de l'accroissement de son efficacité.

De fait, la compensation des départs à la retraite qui vont se multiplier n'étant pas garantie, le risque d'amoindrissement de la qualité du service public est réel.

Malgré cela, le Gouvernement reste muet sur ses intentions et donne l'impression de se satisfaire de la perspective de baisse des effectifs.

Il se limite ainsi à annoncer que près de dix mille départs à la retraite ne seront pas remplacés en 2004, soit un taux de non-renouvellement proche de 20 %. Quant à la destruction nette d'emploi, elle sera de 4 468 postes en 2004. Je désapprouve un tel choix, qui n'a été formulé que par défaut. Dès le printemps, vous aviez posé le principe du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Vous ne semblez pas l'avoir concrétisé. Serait-ce que vous n'avez pas osé appliquer une règle comptable aussi brutale ?

On peut toutefois douter du bien-fondé des raisons qui vous ont poussé à proposer la suppression de tel ou tel poste : en tout cas, je n'en ai pas trouvé la justification dans les documents budgétaires qui nous ont été distribués.

Ces restrictions ne sont donc pas inspirées par une réforme planifiée et raisonnable, mais par une démarche libérale fortement suggérée par le ministre de l'économie, qui privilégie l'allégement de la fiscalité des revenus des plus aisés.

Pourtant, la fonction publique incarne le service public, qui porte l'intérêt général.

Les discours incantatoires sur la réforme de l'Etat, multipliant les références aux gains de productivité et à la recherche de performance, ne suffiront pas à assurer un même niveau de service avec un effectif en forte réduction. Je vous rappelle donc ma suggestion : modifier les dispositions qui organisent l'observatoire de l'emploi public afin que l'opposition parlementaire y soit représentée.

En fait, vous ne semblez envisager la réforme de l'Etat que sous l'angle de la réduction des coûts, réduction dont la fonction publique serait la principale variable si l'on omet les multiples désengagements consécutifs aux transferts de responsabilités opérés dans le cadre d'une pseudo-décentralisation.

Pour l'heure, votre principale contribution à la réforme de la fonction publique a été l'annonce, après réflexion, de la rémunération des fonctionnaires « au mérite ».

L'administration française n'est pourtant pas une somme d'individualités qui concourent au service public ! Au contraire, c'est l'association de l'ensemble des fonctionnaires à des contrats de performance ou à la formulation d'objectifs - pratique qu'a engagée le précédent gouvernement - qui suscite une dynamique profitable à l'Etat. Cette piste est, à mon sens, la plus respectueuse des individus et la plus mobilisatrice.

Sans même attendre la pleine effectivité du décret du 29 avril 2002 relatif aux conditions générales d'évaluation de notation et d'avancement des fonctionnaires de l'Etat, vous prétendez révolutionner le fonctionnement de l'administration. Comment ce texte s'intégrera-t-il dans le dispositif que vous proposez ?

Le mérite tel que vous l'envisagez peut créer des inégalités évidentes entre les fonctionnaires, puisqu'aucun critère d'évaluation ne pourra prétendre à l'objectivité, cette objectivité qui garantit l'impartialité et la neutralité du service public. La dépendance dans laquelle on placera les hauts fonctionnaires incitera à une importante politisation de ces postes, au risque de certaines dérives dans des dossiers qui exigent une parfaite neutralité républicaine. On ne saurait tolérer que les préfectures deviennent des annexes des cabinets ministériels ! L'évolution de toute la fonction publique doit faire l'objet d'un véritable débat d'orientation.

L'introduction de la rémunération au mérite dans la fonction publique, telle que vous l'envisagez, c'est d'abord le signe d'une nouvelle stigmatisation des fonctionnaires. Du reste, l'annonce de sa mise en place coïncide curieusement avec l'imminence d'une décision politique difficile. L'année 2003 sera-t-elle donc une année blanche en matière de revalorisation salariale, et l'année 2004 aussi, puisqu'après avoir repoussé les négociations salariales à janvier 2003, puis au débat sur les retraites, vous proposez à partir de 2005, « un rendez-vous annuel obligatoire de négociation des salaires » ? Voilà qui ne répond pas à l'attente des fonctionnaires, dont les représentants estiment à 3,6 % des salaires le montant du rattrapage nécessaire avant que de nouvelles mesures en 2004 permettent le maintien et la progression du pouvoir d'achat.

Vous prétendez réformer l'administration, mais vous vous contentez de lui couper les vivres, et vous n'ignorez pas que cela a une conséquence sur l'attrait de la fonction publique. Déjà, on a constaté une diminution de 40 % du nombre des candidats au concours d'entrée dans les instituts régionaux d'administration.

Plutôt que de privilégier la formation et la diversification, vous préférez geler les emplois et vous polariser sur les ministères régaliens.

J'ajoute que je suis surpris de vous voir procéder par ordonnances à une prétendue simplification de l'administration. Ce procédé, qui est tout sauf transparent, laisse à l'administration le soin de se réformer comme elle l'entend. Je ne pense pas, contrairement à ce qu'affirmait M. Plagnol devant la commission des lois, que les informations jointes au projet de loi d'habilitation suffisent à satisfaire le débat parlementaire et à garantir le bien-fondé de ces réformes. J'espère que le gain de ces simplifications pourra être évalué et nous être présenté le plus rapidement possible.

Tout comme mes interlocuteurs syndicaux de la fonction publique, nous sommes inquiets car les crédits de votre ministère apparaissent figés, et ne servent qu'à appliquer des mesures dont l'initiative revient au précédent gouvernement.

Leur progression est négligeable. Les améliorations relatives à l'action sociale interministérielle ne sont pas significatives. Pire, leur efficacité me semble sujette à caution, et les réponses aux questionnaires budgétaires me semblent insuffisantes car elles se limitent à énoncer des taux de consommation et des montants affectés. Pourtant, l'article 32 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances dispose que la sincérité de ces textes « s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ».

Je souhaite donc qu'un bilan soit dressé des mesures de modernisation et de réforme de l'Etat qui ont été financées par le fonds pour la réforme de l'Etat.

Le chapitre 34-94 me semble symptomatique de votre politique. Il regroupe les crédits destinés à financer les actions de formation et de perfectionnement des personnels, les opérations interministérielles de formation ainsi que les dépenses du fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. Ces crédits, dont vous nous demandez l'augmentation, étaient consommés à hauteur de 12,3 % au 31 août. Sous couvert d'action, l'immobilisme est de rigueur et je tiens à souligner la nocivité d'une politique qui consiste à inscrire des crédits tout en prévoyant qu'ils ne seront pas consommés ou qu'ils seront gelés par le ministère de l'économie.

Alors que l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique était présentée comme un chantier prioritaire, des mesures de régulation budgétaire remettent en cause l'autorisation budgétaire donnée pour 2003 et aussi une grande cause nationale. Qui plus est, le taux de consommation des crédits concernés est ridicule, particulièrement au regard de la demande d'augmentation de la dotation destinée à financer le fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Alors même que la formation des fonctionnaires garantit l'amélioration des performances, voire de la productivité du service public, plus de 20 % des crédits consacrés aux actions de formation interministérielles ont été gelés ! C'est d'autant plus regrettable que nombre de réformes importantes, telles que celles de la gestion publique et de la commande publique, exigent un programme soutenu de formation des agents de catégorie A dans tous les ministères. En ce qui concerne les autres fonctionnaires, je regrette que l'accent ne soit plus mis sur la progression de leur carrière mais sur leur spécialisation dans le poste qu'ils occupent.

Le projet de loi de finances de votre gouvernement m'apparaissait l'année passée comme une demande de moyens sans engagement. Il est désormais acquis que, s'agissant de fonction publique et de réforme de l'Etat, l'immobilisme est de rigueur. C'est donc un budget de régression que vous nous présentez pour l'année 2004.

Il n'est pas acceptable de continuer dans cette voie alors que les recrutements de la fonction publique sont à l'étiage. Il n'est pas plus acceptable de persister dans la stigmatisation d'une administration qui devrait par ailleurs se réformer tout en subissant des coupes claires injustifiées dans ses crédits. Votre gouvernement sera comptable du démantèlement progressif de l'appareil d'Etat.

Parce que je souhaitais vous entendre préciser quelle fonction publique vous définissez pour quel service public, j'ai proposé à la commission des lois de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de votre ministère. La majorité de la commission ne m'a pas suivi et a donc émis un avis favorable.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le plan - Soixante ans après la création du Commissariat général au plan, la planification restera-t-elle « l'ardente obligation » qu'elle était après-guerre ? A l'examen de ce projet de budget, la réponse est clairement non, et c'est très regrettable.

En effet, le budget du plan diminue de près de 5 % en crédits de paiement et de 5,2 % en autorisations de programme - après, rappelons-le, une baisse des crédits de paiement de 7 % en 2003. Il fait donc, comme les autres, les frais de la situation financière dans laquelle le Gouvernement a placé le pays. Nous annoncera-t-on dans quelques années qu'il faut supprimer le plan, devenu inutile ? Ce jour-là, j'expliquerai que c'est en réduisant ses crédits année après année que l'on a réduit au silence les organismes qui le constituent, lesquels devraient pourtant être des outils essentiels de conseil et d'évaluation pour le Gouvernement.

Il n'est pas nouveau qu'un gouvernement réduise les crédits du plan, mais que l'on en remette en question l'utilité, comme le font aujourd'hui certains membres de la majorité, est encore plus préoccupant. Après avoir déposé un amendement à la loi de finances pour 2003 visant à supprimer carrément le Commissariat général au plan, la majorité a décidé de lancer une mission « afin de faire le point sur les outils de prospective et d'évaluation de l'Etat ». On imagine aisément dans quel esprit celle-ci a conduit ses travaux ! Elle a fort logiquement conclu à une profusion d'organismes aux rôles confus, et proposé de créer une instance nationale d'évaluation et une délégation à la prospective nationale et territoriale, en rapprochant la DATAR et le CGP. Ces propositions ont toutefois été critiquées jusque dans les rangs de la majorité. Suite à ces recommandations pour le moins expéditives, le Premier ministre a modifié les fonctions du CGP, afin de le remettre, selon son expression même, « au service de l'Etat-stratège ».

Le nouveau commissaire au plan, M. Etchegoyen, a alors entrepris une réforme visant à recentrer le CGP sur ses missions de prospective. Le CGP a en réalité été contraint d'abandonner sa mission d'évaluation des politiques publiques. La MEC avait pourtant recommandé la création d'une instance nationale d'évaluation, avant toute suppression des fonctions d'évaluation du CGP. Cela n'a pas été fait, aboutissant à cette situation, inacceptable, où il n'existe plus dans notre pays d'instance spécialisée en mesure d'évaluer les politiques publiques.

M. Etchegoyen a modifié les méthodes du CGP dans le seul domaine de compétence qui lui reste, à savoir la prospective économique et sociale, créant une trentaine de groupes de projets, capables de répondre très rapidement à une sollicitation ponctuelle des ministères. Si elle ne se limite pas à une réorganisation de façade, cette réforme sera positive. Il conviendrait d'ailleurs que ces groupes puissent répondre aussi aux sollicitations du Parlement, qui pourrait ainsi être épaulé dans son contrôle de l'action gouvernementale.

Pour toutes ces raisons, il est inacceptable que les membres de la majorité à la commission des finances aient voté un amendement réduisant de deux millions d'euros les crédits du CGP. Comment celui-ci pourrait-il réussir sa réorganisation dans ces conditions ?

La majorité actuelle souhaite à tout prix affaiblir le plan, ce qui est paradoxal à un moment où nos voisins européens, eux, renforcent leurs outils de prospective et d'évaluation. Ainsi l'Allemagne a-t-elle créé une commission « Economie 2000 » en Bavière et une « Commission sur l'avenir » en Rhénanie afin de mieux prendre en compte la dimension territoriale dans la prospective. Le Gouvernement, si partisan de la décentralisation, pourrait utilement s'inspirer de notre voisin allemand, qui est une référence en matière d'autonomie des territoires.

Je pense, pour ma part, qu'il faudrait renforcer les outils de planification, au service de deux priorités : la prospective territoriale et l'anticipation des mutations économiques. C'est ainsi que la planification retrouverait un contenu concret, au plus près du terrain.

Au lieu de cela, le Gouvernement donne l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire, ou du moins ce qu'il ne suffit pas de faire. En signant dans l'urgence des contrats de site - qui comportent une participation de l'Etat au profit de certaines régions frappées par des restructurations industrielles - il intervient à contretemps, en sapeur-pompier, sélectif de surcroît, bien loin de l'Etat-stratège que le Premier ministre appelait de ses v_ux. Chacun connaissait les difficultés industrielles à Longwy, Romorantin ou Angers. Quant aux restructurations de GIAT Industries à Bourges, Tulle, Vichy, Roanne, Saint-Chamond, Tarbes et Toulouse, elles ont été planifiées, j'emploie le mot à dessein, en accord avec le Gouvernement, qui a préféré sacrifier ces régions plutôt que de planifier la reconversion des industries de défense. La majorité n'est pas non plus pressée de tirer au clair les circonstances de la fermeture de Metaleurop à Noyelles-Godault, puisqu'elle a repoussé notre proposition de créer une commission d'enquête à ce sujet.

Pour toutes ces raisons, j'ai proposé à la commission de rejeter les crédits du plan. Elle ne m'a pas suivi. Je renouvelle néanmoins mon appel en séance publique (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - Je laisserai à mon collègue Henri Plagnol le soin de répondre s'agissant des services du Premier ministre, du plan notamment.

Bien que le montant du budget de mon ministère soit à peu près le même en 2004 qu'en 2003, des changements profonds sont intervenus. Nous nous sommes engagés à réformer l'Etat, cette réforme est en marche. Comme le disait l'un des anciens ministres du plan, Michel Rocard, l'Etat a le devoir d'analyser ce qu'il doit conférer à l'Europe, ce qu'il doit transférer aux collectivités, ce qu'il doit supprimer et ce qu'il doit conforter. Un Etat-stratège, et il ne peut y en avoir qu'un, Monsieur Chassaigne, doit dans le même temps promouvoir la solidarité entre les territoires, éviter la fracture territoriale, anticiper et accompagner les mutations, mais aussi réparer lorsque cela est nécessaire, et les contrats de site sont un outil utile en ce cas.

Les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat s'élèvent à 220,45 millions d'euros pour 2004. Le Gouvernement souhaite en 2004, après le chantier des retraites, accroître l'effort pour réformer la fonction publique, et surtout, sur le plan budgétaire, s'appliquer à lui-même les principes de la réforme qu'il prône pour l'ensemble des administrations publiques. Nous pensons en effet qu'il appartient aux ministres d'être les acteurs de la réforme en s'impliquant davantage dans la gestion de leurs départements ministériels et en les engageant sur la voie du changement.

Pour le ministère de la fonction publique, cela impliquait en premier lieu de refonder le budget sur des bases sincères. Ainsi les crédits sollicités pour 2004 ne doivent-ils pas être comparés aux 211 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale pour 2003, mais bien aux 266 millions effectivement consommés en 2003, du fait d'un important volume de reports, hérité des gestions passées qui préféraient l'affichage à l'exécution réelle du budget. Notre objectif, à nous, est que l'autorisation budgétaire votée par le Parlement corresponde exactement aux dépenses du ministère.

Les crédits de l'action sociale interministérielle s'élèvent à 117,3 millions d'euros contre 118 l'an passé. En réalité, ce poste augmente de 1,17 %, progression financée par un prélèvement sur le fonds de roulement de la mutuelle de la fonction publique.

Les crédits des établissements publics de formation augmentent de 3,62 %, pour atteindre 65,45 millions d'euros. Cette augmentation résulte du choix du Gouvernement d'améliorer l'encadrement intermédiaire dans la fonction publique. Les effectifs des IRA seront augmentés de 25 élèves afin de faire face aux besoins nés de l'accélération des départs en retraite. La dotation de l'ENA, quant à elle, a été réajustée, après que l'Ecole a dû prélever sur son fonds de roulement pendant deux ans pour assurer son fonctionnement. Le budget a donc été rebasé - c'est ce qui explique sa hausse de 3,5 %, nécessaire pour remettre à niveau le fonds de roulement et financer les travaux exigés par les commissions de sécurité pour le bâtiment de Strasbourg.

Les crédits des études et de la communication publique augmentent de façon importante, mais cela s'explique par l'évolution des missions de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, laquelle doit devenir une sorte de DRH de groupe, conseillant les DRH opérationnelles des différents ministères. L'ampleur des réformes engagées comme celle des retraites, de la négociation salariale, des rémunérations, de la gestion des ressources humaines, de l'encadrement supérieur, et bien d'autres encore parmi lesquelles celle de l'ENA et de la fonction publique territoriale, justifie que la DGAFP fasse appel à des compétences dont elle ne dispose pas en interne. En effet, si la teneur du changement est importante, la façon dont il est conduit l'est encore plus.

Un quatrième poste concerne les subventions pour la formation et l'insertion, hors fonds d'insertion des personnes handicapées. Dans le prolongement de l'année du handicap, les crédits passent de 6,86 à 7,64 millions Les actions en faveur de l'insertion professionnelle des handicapés dans la fonction publique ou d'aide à la vie quotidienne des travailleurs handicapés atteindront ainsi 5,5 millions, les subventions aux organismes qui proposent des formations spécifiques d'insertion sera de 1,1 million, enfin le financement des opérations d'amélioration de l'accessibilité dans les administrations est reconduit à hauteur de 1 million. Nous réfléchissons, avec Marie-Thérèse Boisseau, à une modification des conditions de travail favorisant l'insertion des handicapés.

Le fonds pour la réforme de l'Etat augmente en apparence de 24 %, mais, en réalité, il a été procédé à une « opération vérité », en redotant le fonds, dont tous les reports ont été consommés en 2003, grâce à une excellente gestion.

Enfin, un dernier poste concerne les crédits d'équipement qui couvrent la rénovation des restaurants inter administratifs et la réservation de logements pour les nouveaux fonctionnaires nommés en Ile-de-France.

Le budget des services du Premier ministre est marqué par un effort de rationalisation sans précédent.

Le Premier ministre a demandé aux ministres de réexaminer de façon critique leurs missions et leurs structures, dans le cadre des stratégies ministérielles de réforme. Une démarche identique s'est déroulée dans ses propres services. A cette occasion, il a souligné le caractère exceptionnel que doit avoir le fait qu'un service lui soit rattaché. En réalité, l'existence de ses services ne se justifie qu'au regard des missions qu'il tient de la Constitution. Ses services doivent donc lui donner une vision stratégique, lui permettre de diriger l'action du Gouvernement, d'organiser et de moderniser l'administration, de coordonner l'action de l'Etat jusque dans les territoires ainsi que l'ensemble de la défense nationale. Les ministres, eux, sont chargés de proposer et de mettre en _uvre les politiques publiques dans leur secteur d'activité.

En application de ces principes, le Premier ministre a fait figurer dans les lettres-plafond signées pendant l'été des décisions supprimant 7 des organismes qui lui étaient rattachés et en affectant 21 aux ministres compétents, pour n'en conserver auprès de lui qu'une dizaine.

De la même façon, la mise en place de la LOLF dans les services relevant du Premier ministre repose sur le pragmatisme : cette réforme sera progressive, ce budget en est la première étape. Henri Plagnol vous décrira plus en détail les aspects financiers du budget des services généraux du Premier ministre et du plan.

J'en viens aux politiques qui sont menées par le Gouvernement : Henri Plagnol développera aussi les orientations de la modernisation de la gestion publique et de la politique en faveur des usagers. Je traiterai donc maintenant ce qui touche à la gestion des ressources humaines dans les fonctions publiques.

Bernard Derosier s'est demandé « Quelle fonction publique pour quel service public ? » Je veux donc présenter ma vision du vaste chantier que nous avons engagé et des défis que la fonction publique doit relever.

La démographie et les modes de rémunération l'empêchent d'attirer vers elle les compétences dont elle a besoin. Nous avons donc lancé une nouvelle politique de recrutement. Une place plus importante sera faite aux recrutements internes, par concours interne, examen professionnel et liste d'aptitude qui devront être fondés sur une appréciation rigoureuse du mérite professionnel des agents.

Je souhaite instituer des formules de pré-recrutement par concours et des dispositifs d'aide, de tutorat, de formation en alternance, ouverts aux jeunes sélectionnés qui auront choisi les métiers de la fonction publique.

Je compte aussi favoriser plus largement l'ouverture de la fonction publique à des profils différents, notamment à des personnes ayant acquis une expérience dans le privé.

La validation des acquis professionnels doit fournir à l'administration les compétences dont elle a besoin sans forcément passer par le filtre d'un concours.

La professionnalisation sera renforcée par des avancées en matière de formation initiale et continue. Il est frappant que la formation initiale donne à celui qui en a bénéficié l'assurance que, toute sa vie, il sera au niveau de compétences exigé. Suivre des formations à des moments-clés de la carrière me paraît donc indispensable. Je souhaite faire un effort particulier pour la formation à l'accueil, désormais essentiel.

Le troisième axe que je retiens est l'assouplissement des règles de gestion. Un nouvel élan doit être donné à la déconcentration de la gestion des personnels afin de favoriser les effets de proximité. Nous allons introduire des règles de promotion plus fluides, grâce à la technique du ratio « promus/promouvables », et accélérer la fusion des corps de fonctionnaires. Entrer dans la fonction publique ne doit pas signifier être enfermé dans le même métier. Il faut permettre à la jeune génération de respirer dans une autre fonction publique, dans le privé et même à l'étranger. Nous avons donc engagé les travaux en vue d'une plus grande mobilité fonctionnelle et géographique des agents, y compris entre les trois fonctions publiques, en tenant compte bien sûr de l'aspect familial, indissociable du bien-être de l'agent.

La gestion devra aussi être adaptée pour assurer effectivement l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. L'accès ne doit pas découler de l'ancienneté, de l'appartenance à un corps ou de la complaisance mais la reconnaissance, validée par un concours, des compétences à ce poste. Or, pour les jeunes, assumer leurs tâches familiales et professionnelles et réviser tard le soir pour passer un concours est bien difficile. Il faut donc réfléchir au temps partiel familial. La formation continue est un investissement pour la fonction publique, pas une charge.

Les évolutions doivent aussi s'appliquer aux cadres : l'encadrement supérieur a une responsabilité éminente dans la conduite de la réforme. Il nous faut maintenir la qualité du recrutement, veiller à sa motivation et à son engagement dans le mouvement tourné vers le progrès. J'ai proposé hier au Conseil des ministres des mesures pour améliorer la gestion et les parcours professionnels des cadres supérieurs.

Il faut mettre l'usager au c_ur des préoccupations, faire de la responsabilité le c_ur de la réforme et de l'agent son acteur. Je souhaite donc l'ouverture des recrutements, notamment en direction du secteur privé, pour diversifier la culture de l'administration, tout en veillant à favoriser la promotion interne ; la suppression des entraves à la mobilité entre les corps et entre les fonctions publiques ; l'amélioration de la prévision des flux de recrutement et la création de viviers de cadres à potentiel ; l'ouverture européenne de la haute fonction publique. La formation aux questions européennes sera intensifiée, et nous tirerons les conséquences de la jurisprudence communautaire en ouvrant notre fonction publique supérieure aux ressortissants communautaires, à l'exception des emplois comportant des prérogatives de puissance publique. Enfin, il convient de promouvoir, à partir de ministères expérimentateurs, une plus grande responsabilisation des cadres supérieurs, sur la base de contrats d'objectifs, permettant d'asseoir une partie de la rémunération sur les résultats atteints.

J'engagerai aussi prochainement avec les partenaires sociaux un travail sur la situation des cadres intermédiaires, qui sont la colonne vertébrale de tout changement.

Plus généralement, nous introduirons, et c'est le fil conducteur de notre politique, une culture de la performance. La modernisation de notre service public passe par la définition d'objectifs d'amélioration de la qualité et par l'association des personnels à leur mise en _uvre.

J'ai l'intention de mieux reconnaître le mérite des bons agents en différenciant les rythmes d'avancement. Cela est d'ailleurs conforme à l'esprit du statut imposé en 1946 par le secrétaire général du parti communiste...

S'agissant du lien entre la performance et le salaire, je suis en faveur de la création d'outils permettant la reconnaissance des résultats obtenus. Il pourrait s'agir soit de mécanismes d'intéressement soit de retours financiers vers le service, permettant, par exemple, d'améliorer les conditions de travail.

En cohérence avec ce qui précède, je souhaite faire évoluer l'approche salariale. Il s'agit pour moi de faire confiance aux hommes et non plus au système. Comment comprendre que celui qui prend des risques soit plus sanctionné que celui qui n'en prend pas ?

A court terme, tout le monde connaît l'état des finances publiques. J'ai reçu les organisations syndicales le mois dernier. Je leur ai indiqué que j'apporterai une réponse pour 2003 vers la mi-novembre, après avoir pris l'avis - nouveauté importante -, d'un collège réunissant les différents employeurs des trois fonctions publiques. J'ai présidé la semaine dernière la première réunion de ce nouvel organe.

A moyen terme, il faut des solutions novatrices. Il est impossible de raisonner en matière salariale comme par le passé, en ne retenant que la valeur du point en niveau et en glissement. La politique salariale doit également intégrer les effets des mesures catégorielles et indemnitaires ; elle pourrait être mieux mise en relation avec la croissance.

J'ai proposé aux organisations syndicales de se joindre à une conférence destinée à repenser l'approche de la politique salariale et des rémunérations. Je préconise que se tiennent à l'avenir des négociations annuelles, qui pourraient être obligatoires, à partir des travaux d'un observatoire des salaires de la fonction publique ouvert aux syndicats, que j'installerai dans les premiers jours de novembre.

Un mot des autres directions de notre politique. Sur la base du rapport que vient de me remettre M. Guy Berger, je proposerai bientôt au Premier ministre la modernisation des règles de déontologie relatives aux départs dans le secteur privé. Notre fonction publique doit aussi s'adapter aux changements qui surgissent en Europe. La Cour de justice des communautés européennes vient de donner raison à une directrice d'hôpital d'origine portugaise, formée au Portugal qui désirait intégrer la fonction publique hospitalière de notre pays sans passer le concours de l'école de Rennes. Je tirerai rapidement les leçons de cet épisode. Parallèlement à la concertation sur la gestion des ressources humaines, je vais ouvrir avec les syndicats des discussions sur l'évolution des outils du dialogue social, en particulier pour ce qui touche aux organes paritaires. Un gros travail est aussi conduit en liaison avec les syndicats pour rédiger les décrets d'application de la loi sur la réforme des retraites, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2004. Enfin, il me paraît également essentiel de clarifier les rapports des fonctionnaires et de la politique. La démocratie suppose que les fonctionnaires, comme tous les citoyens, puissent briguer des mandats électifs. Mais elle exige que des frontières plus nettes soient définies, en particulier que l'exercice à temps plein de fonctions politiques ne puisse être considéré comme le simple prolongement de l'activité administrative. J'ai annoncé hier que les fonctionnaires exerçant des fonctions politiques à temps complet seront placés en disponibilité pour la durée de leur mandat ; le statut de la fonction publique sera adapté en conséquence. C'est un principe d'équité et de justice.

Je m'étais engagé il y a un an à vous présenter une réforme de l'École nationale d'administration répondant à la triple exigence de l'ouverture à la société et au monde, de la professionnalisation des parcours de formation et de la rationalisation du fonctionnement. Le Conseil des ministres en a approuvé hier les grandes lignes.

Le premier objectif est de redonner pleinement à l'ENA sa vocation d'école d'application. La scolarité sera recentrée sur l'expérience de terrain. Comment imaginer qu'un haut fonctionnaire ignore la culture des administrés ? La scolarité sera rebâtie autour de trois stages consacrés à l'administration des territoires, à l'Europe et à la gestion publique dans la perspective de la réforme de l'Etat ; la formation théorique sera organisée en fonction de ces stages, qui devront inclure un stage en entreprise. La dernière partie des études s'effectuera au sein d'une « dominante » permettant d'acquérir des compétences en rapport avec le projet professionnel.

Le choix des corps d'affectation continuera d'être fonction du classement, gage de neutralité. La « dominante » professionnelle sera prise en compte et un bilan des compétences acquises réalisé à l'issue de la scolarité. Une fois le corps d'affectation choisi, c'est sur la base de ce bilan que le ministère employeur déterminera l'emploi d'affectation.

A titre personnel, je serai partisan d'un stage pratique avant la sortie, au contact des usagers.

La formation à l'administration des territoires et à l'Europe constitue le deuxième enjeu.

Le Gouvernement souhaite rapprocher les formations initiales des cadres supérieurs de l'Etat et de la fonction publique territoriale. Nous proposerons au Centre national de la fonction publique territoriale de conclure une convention organisant un parcours commun de formation.

De même, la vocation européenne de l'ENA sera renforcée, dans les enseignements dispensés, et en ouvrant l'école sur l'Europe : les ressortissants de l'Union européenne pourront passer les concours de l'ENA et faire carrière dans la fonction publique française à l'exception des emplois de souveraineté.

La localisation et l'organisation de l'école seront repensées en fonction de ces choix et aussi pour comprimer les coûts de gestion.

L'ENA sera regroupée à Strasbourg, seules resteront à Paris les activités qui ne peuvent pas être délocalisées. Ce transfert se fera progressivement, en tenant compte des possibilités de reclassement des personnels concernés. Le comité technique paritaire et le conseil d'administration seront saisis de ces aspects. Ils auront à donner leur avis sur la cession de l'un des sites parisiens, sur la base d'une étude qui sera conduite par le directeur de l'Ecole, M. Antoine Durrleman, à qui je fais toute confiance pour conduire ce projet délicat avec efficacité et rapidité.

En complément, le conseil d'administration, dont la composition sera revue et l'effectif réduit, sera présidé par une personnalité choisie par le Gouvernement. Le pilotage stratégique de l'école se fera dans le cadre d'un contrat d'établissement avec l'Etat, assorti d'un dispositif d'évaluation.

J'en viens maintenant à la stratégie de réforme de mon ministère.

Le Premier ministre, sur ma proposition et sur celle d'Henri Plagnol, a demandé à chacun des ministres de présenter une stratégie de réforme destinée à repenser les missions des ministères.

Leurs propositions ont été remises au début du mois d'octobre et transmises aux commissions des finances des deux assemblées. Voici les principaux points de la stratégie que j'ai soumise au Premier ministre.

Un comité des directeurs se réunira tous les mois, sous ma présidence, pour assurer la cohérence des réformes.

Parmi les missions pouvant être supprimées ou externalisées figurent notamment la suppression du contreseing sur les arrêtés d'ouverture de concours et le transfert aux CAF de la gestion des prestations familiales des fonctionnaires ; cette dernière mesure économiserait 1 200 emplois.

Notre schéma porte aussi sur la réforme d'organismes relevant du ministère. J'ai évoqué la réforme de l'ENA. Je voudrais aussi mentionner l'évolution de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique vers un rôle de pilotage dégagé de la gestion.

Naturellement, la réforme s'étend à la DATAR, qui doit renforcer son rôle de stratégie et de conseil aux collectivités territoriales.

Monsieur Derosier, vous avez exprimé, à titre personnel, des réflexions qui contribueront à la clarification du débat.

Notre vision pour la fonction publique est claire : un usager plus satisfait, un fonctionnaire plus épanoui, un service public plus efficace.

Aujourd'hui, la légitimité du service public est remise en cause si sa qualité est insuffisante. Pour nos concitoyens, le service public n'est plus porteur des valeurs de la République : ce n'est plus l'égalité des chances, mais la bonne ou la mauvaise école, ni la santé pour tous, mais le bon ou le mauvais hôpital. L'aspect civique diminue, le réflexe du consommateur augmente.

Nous devons donc définir des méthodes d'évaluation et accroître la qualité du service public. Le moratoire est la pire des solutions : dans une société qui évolue à toute vitesse, vouloir l'immobilisme, c'est être en décalage sur la société et la sanction sera lourde.

Nous voulons donc inverser totalement la culture de la fonction publique, à la demande, d'ailleurs, de nombreux fonctionnaires qui souhaitent voir leurs talents et leurs initiatives reconnues. Or aujourd'hui le système les paralyse : celui qui économise voit ses crédits non reconduits, celui qui prend des risques compromet sa carrière.

Nous souhaitons responsabiliser, fixer des objectifs et récompenser ceux qui les atteignent. La rémunération au mérite pour la haute fonction publique n'a rien à voir avec la « performance » individuelle, c'est la reconnaissance des résultats obtenus par un service.

Il n'a jamais été question de payer les infirmières au nombre de piqûres ou les gendarmes au nombre de contraventions ! Nous souhaitons que les fonctionnaires se sentent responsabilisés et aussi reconnus, avec possibilité d'accélération de carrière et aussi une mobilité accrue permettant de changer de métier.

L'efficacité ne se mesure donc pas à la baisse des effectifs, mais aux résultats obtenus. Monsieur Derosier, vous exercez avec brio la présidence du Conseil général du Nord et vous devez en permanence opérer des choix en fonction de vos moyens. L'Etat, lui aussi, doit hiérarchiser ses priorités et réduire son train de vie en fonction de ses ressources. La dette publique représente aujourd'hui 60 % du PIP, contre 15 % en 1980. Nous ne pouvons pas continuer à faire payer aux générations futures notre incapacité à réduire notre déficit structurel.

Il faut donc faire des choix, les assumer et c'est la meilleure façon de sécuriser le service public. Nous ne sommes pas dans une logique libérale : une économie performante a besoin d'un service public performant. Ce qui coûte cher, ce n'est pas le service public, mais l'échec du service public.

Vous craignez que la rémunération au mérite n'entraîne la politisation des promotions. Il y a deux extrêmes à éviter : l'égalitarisme consistant à dire « d'accord pour les primes si tout le monde les touche » et « les jeunes sont moins compétents que les vieux ». Cet égalitarisme recouvre d'ailleurs une bonne dose d'hypocrisie car on sait souvent d'avance qui va occuper les postes annoncés.

L'autre extrême, ce serait une notation partisane, partiale, de caractère affectif.

Nous voulons, nous, une intervention de la hiérarchie, mais avec capacité de recours. Arrêtons de faire des lois pour les 5 ou 6 % de gens qui ne respectent pas les règles, qui paralysent les 95 % restants ! Acceptons de faire confiance, soutenons notre hiérarchie, dont la carrière ne doit pas consister à mettre un parapluie sur tout le monde, mais à développer les capacités d'initiative et la responsabilité de chacun. Nous souhaitons développer l'autonomie des directeurs d'administration centrale.

L'année 2003 sera difficile, c'est vrai. A croissance faible, hausse faible ! Vous parlez de rattrapage des rémunérations, mais vous avez une part de responsabilité dans le non-rattrapage ! Depuis cinq ans, toutes les négociations ont échoué et les 3,6 % réclamés sont hors de portée de nos moyens budgétaires. Donc arrêtons de créer l'illusion qu'il peut y avoir une négociation sur le rattrapage.

C'est vrai que les crédits du chapitre 34-94 sont insuffisamment consommés. Il y a eu un dégel de 700 000 € en octobre et ils seront engagés avant la fin de l'année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat - Jean-Paul Delevoye vient de le rappeler avec force, la réforme de l'Etat est au c_ur des priorités du Président de la République et du Gouvernement. Elle implique tous les ministères et tous les services publics.

Le Premier ministre l'a organisée autour de quatre grands chantiers : la décentralisation, qui nous oblige à un effort de réorganisation si l'on veut réduire les coûts, la réforme budgétaire, la nouvelle gestion des ressources humaines et enfin la modernisation de l'Etat, par la simplification, la révolution qualité, l'extension des nouvelles technologies, que je vais présenter plus précisément à travers les actions du fonds pour la réforme de l'Etat.

Quels sont les outils de pilotage de la réforme de l'Etat ?

Jusqu'au début de l'année 2003, ce pilotage était confié à la délégation interministérielle à la réforme de l'Etat, rattachée à la DGAFP, qui regroupait des services très disparates.

Le décret du 21 février 2003 a réorganisé ce pilotage autour de trois délégations.

La délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'Etat participe à la mise en _uvre de la loi organique, apporte son concours à l'adaptation de l'organisation de l'Etat à l'évolution de ses missions et à la décentralisation, impulse les stratégies ministérielles de réforme et encourage le développement de l'évaluation des politiques publiques.

La délégation aux usagers et aux simplifications administratives coordonne la politique d'allégement des formalités administratives ; elle a préparé la première loi d'habilitation - votée en juillet - et travaille à la seconde ; elle supervise l'amélioration de la qualité de l'accueil et du service rendu.

Enfin, l'agence pour le développement de l'administration électronique est notre fer de lance dans ce domaine essentiel pour la modernisation des services publics.

Le fonds pour la réforme de l'Etat est l'instrument financier de ces trois entités.

Je voudrais rassurer le rapporteur de la commission des lois : ce budget garantit la transparence des actions du fonds.

Sur ses sept années de fonctionnement, le FRE a soutenu 615 projets pour un montant de 39 millions d'euros au niveau central et 742 projets pour un montant de 26 millions d'euros au niveau territorial. Il exerce donc un véritable effet de levier.

La dotation du fonds pour 2004 s'élève à 18 millions d'euros contre 20 millions d'euros de crédits inscrits en 2003, sachant que la totalité des reports de 2002 seront consommés à la fin de cette année grâce à l'amélioration de la gestion du fonds.

Nous avons voulu mener à l'égard du Parlement une opération de transparence : nous nous étions engagés à mettre fin à la pratique des reports qui rend opaque le vote du Parlement. Nous avons donc accepté une réduction des crédits en loi de finances initiale, en prenant la résolution de consommer intégralement les reports. C'est chose faite. Les 18 millions d'euros ne représentent donc pas une hausse des crédits demandés, mais ce qui sera effectivement utilisé.

Quelles sont à présent les priorités ?

D'abord la simplification. Vous avez demandé dans quelle mesure le Parlement serait associé au suivi des ordonnances. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a validé la loi d'habilitation, consacrant ainsi la simplification comme un objectif constitutionnel.

Les deux tiers des ordonnances seront prises d'ici à la fin de l'année, et la deuxième loi d'habilitation inclura un article de ratification qui donnera lieu à un débat, conformément à notre engagement.

Le conseil d'orientation pour la simplification, composé en majorité d'élus et ouvert aux représentants de l'opposition, sera installé dans les deux mois qui viennent. Il lui appartiendra d'impulser cette politique de simplification.

La deuxième loi d'habilitation nous permettra de simplifier les procédures de débat et d'enquête publique, de lever les obstacles juridiques à l'extension de l'administration électronique, de simplifier les procédures relatives aux établissements sociaux - notamment aux maisons de retraite -, de développer, dans un souci d'attractivité, la pratique du rescrit social - c'est-à-dire de la stabilité de la règle de droit pour les cotisations sociales, unifier le régime des sanctions fiscales et moderniser les procédures électorales, notamment pour les Français de l'étranger. Nous espérons être en mesure de vous présenter ce projet de loi au début de l'année prochaine. La simplification ne vise pas seulement à faciliter la vie de nos concitoyens, mais aussi à encourager l'initiative des fonctionnaires de terrain, qui nous ont proposé eux-mêmes un grand nombre de mesures de simplification : plus de 400 propositions nous sont venues des préfectures et environ 200 des administrations sociales.

Deuxième priorité, la révolution qualité, qui a connu de grands succès en 2003, à commencer par celui des premiers trophées qualité des services publics de l'Etat : plus de soixante projets ont été distingués.

Je présenterai dans les jours prochains la charte commune pour l'accueil des services publics, adoptée par tous les ministères et qui comporte des engagements concrets et mesurables, en matière, notamment, de traitement des réclamations.

Mais il faut aller plus loin et progresser vers un « management par la qualité ». Ce sera l'objet des conclusions de la commission Cannac.

Troisième priorité, l'administration électronique, qui enregistre des progrès spectaculaires : on peut parler d'un déclic de l'e-administration. La fréquentation des sites publics est en très forte hausse. Ainsi 80 % des chercheurs d'emploi qui maîtrisent Internet utilisent le site de l'ANPE. Les Français sont de plus en plus confiants quant à l'utilisation des données personnelles. 85 % des formulaires sont désormais en ligne. Plus de 5 500 sites publics existent et service-public.fr reçoit 1,5 million de visites par mois. Enfin on a enregistré 600 000 télédéclarants pour les impôts, soit un quintuplement en un an.

Pour ce qui est de la modernisation du travail des agents publics et de leur environnement, elle se traduira par une simplification des échanges de documents et d'information, grâce au projet de carte d'agent public, qui suppose un vaste plan de formation auquel la DGAFP s'est attelée.

L'Etat comme les collectivités territoriales doivent progresser dans la mutualisation des informations, des hommes et des ressources logistiques. On peut déjà saluer des succès en matière d'inscription et de gestion des concours, d'achats publics et bientôt de ressources humaines.

D'autres projets concernent la vie quotidienne des Français. Le plus emblématique est celui du changement d'adresse, qui ne devrait plus être déclaré qu'une seule fois. Un prototype sera développé dans le courant de l'année prochaine.

Les cartes de vie quotidienne sont un succès dû aux collectivités locales. Grâce au partenariat avec la DATAR et la Caisse des dépôts, plus de soixante projets des collectivités locales ont vu le jour. Les stratégies ministérielles de réforme sont présentées en ce moment même au Parlement dans le cadre du débat budgétaire. Les ministres s'engagent en effet devant vous à prendre en compte les conséquences de la décentralisation, de la préparation de la nouvelle loi organique sur les finances publiques et la politique de simplification et de révolution qualité. Il était important à nos yeux que les ministres soient responsabilisés devant vous et que puisse ainsi s'engager un dialogue fructueux avec le Parlement. C'est une novation institutionnelle qui a été rendue possible grâce au concours des commissions des finances, qui examineront de façon approfondie cinq ministères, et du Président de l'Assemblée nationale.

L'objectif de cette réforme est simple : il s'agit de concilier la croissance zéro des dépenses publiques avec le maintien des missions de service public.

Il vous appartient, Mmes et MM. les députés, d'exercer votre contrôle de la dépense publique en toute transparence. A nos yeux, la réforme de l'Etat doit en effet mobiliser les bureaux, les fonctionnaires et, au-delà, l'ensemble de la représentation nationale.

Le budget des services généraux du Premier ministre concerne les agrégats « administration générale et autorité administrative indépendante », le commissariat général au plan, les Journaux officiels et le conseil économique et social.

Il augmente de 0,85 %, ce qui témoigne d'un effort significatif pour maîtriser les dépenses et les emplois puisqu'à structure constante, il y aura dix emplois budgétaires en moins et que, si l'on prend en compte toutes les mesures de transfert, le solde effectif diminue de 34 emplois.

Ce budget renforce les moyens de l'Agence pour le développement de l'administration électronique, levier interministériel pour accélérer la numérisation des services publics.

Il consolide et étend le projet de centre d'appel téléphonique qui vise, à partir d'un numéro unique, à orienter tous les usagers de l'administration, quelles que soient leurs démarches.

Avec Jean-Paul Delevoye, nous inaugurerons ce centre, expérimenté dans la région Rhône-Alpes, à la mi-novembre. Je tiens à souligner l'apport essentiel des centres d'information régionaux administratifs dans sa constitution. En 2004, ce numéro unique sera étendu à 40 % du territoire et sa généralisation interviendra à la fin de l'année 2004 ou au début de l'année 2005.

Les moyens consacrés à l'indemnisation des victimes de spoliations du fait des législations antisémites pendant l'occupation sont renforcés : l'augmentation de 10 millions des crédits permettra d'assurer leur financement.

Dans le cadre de la loi de finances dont vous débattez, vous avez demandé un rapport relatif à l'extension des mesures de réparation prises pour les orphelins juifs, à l'ensemble des orphelins des victimes du nazisme.

A le suite du rapport de M. Dechartre, le Premier ministre a décidé de procéder à cette extension qui, en 2004, fera l'objet d'un décret spécifique.

S'agissant des autorités administratives indépendantes, les crédits du Médiateur de la République augmentent, pour assurer le financement du coût de fonctionnement des 130 délégués de quartier dans le cadre du ministère de la ville.

Je salue la présence de M. Alain Etchegoyen, nouveau commissaire au plan, et tiens à rassurer M. le rapporteur Chassaigne sur la volonté du Premier ministre de soutenir le commissariat au plan qui doit être, je le cite, « au c_ur de l'Etat stratège ».

Les pays voisins, notamment l'Allemagne, réinvestissent également dans la prospective territoriale ou nationale, l'Etat devant anticiper les défis à venir.

Le commissariat au plan doit faire en sorte que l'ensemble des acteurs - partenaires sociaux, syndicats - soit partie prenante des enjeux futurs.

M. Alain Etchegoyen tient à recentrer les activités du commissariat au plan sur la prospective, les fonctions d'évaluation devant être progressivement transférées. A cette fin, une trentaine de groupes de projets travaillant sur des problématiques centrales ont été créés. Il s'agit de groupes transversaux, responsables, avec un chef de projet qui dispose d'une réelle autonomie mais également de groupes astreints à des obligations de résultats puisque tous les trois mois les travaux seront évalués par un comité composé de neuf personnalités indépendantes et présidé par le commissaire général au plan ou son adjoint.

Ce recentrage du commissariat implique un réajustement progressif des effectifs. En 2005 et ultérieurement, aucun départ en retraite ne sera donc remplacé. Ceci correspond aux préoccupations de MM. les rapporteurs Tron et Bourguignon.

Le Gouvernement propose à la représentation nationale un rendez-vous commun, par exemple au début de l'année prochaine, pour faire le point sur l'évaluation des politiques publiques puisque le commissariat au plan n'assumera plus cette mission.

Enfin, il sera progressivement mis un terme aux liens un peu artificiels qui unissaient le Plan et plusieurs organismes - l'OFCE, le CREDOC, le CEPREMAP - qui représentent jusqu'à 22 % du budget du commissariat au plan.

Le Premier ministre est très attaché au conseil économique et social. Ses crédits progressent de 1,38 %.

Les Journaux officiels connaissent une mutation rapide. Pour la première fois l'an passé, les pages imprimées ont commencé à diminuer en raison du succès des sites internet « Journal officiel » et « Légifrance ». Les moyens des Journaux officiels étant constants, il faut saluer leur grande productivité puisque nous sommes passés de 402 000 pages publiées en 2000 à 470 000 en 2003.

Il faudra, pour maintenir un tel effort, que le budget annexe des Journaux officiels accélère en 2004 son programme d'investissements pour moderniser ses systèmes d'information et d'impression.

Il faudra également que progresse la numérisation des annonces de marchés publics transmises par l'Etat et les collectivités locales.

Je me dois d'insister, Monsieur le Président, sur la transmission numérisée des débats parlementaires, qui serait emblématique de notre volonté de modernisation. Mais l'Assemblée nationale et le Sénat sont évidemment souverains.

Si nécessaire, nous devrons enfin adapter les statuts des Journaux officiels.

Le Secrétariat général de la défense nationale a vécu une année particulièrement intense : suivi des grands rendez-vous internationaux, Europe de la Défense, G8, conflit en Irak, très forte réactivité du comité interministériel du renseignement face à l'accroissement des risques de prolifération d'armes de destruction massive, d'ailleurs saluée dans un remarquable rapport par M. Carayon.

Je rappelle que le SGDN est partie prenante du Conseil de sécurité intérieure créé le 15 mai 2002. Son budget s'élève désormais à 50 millions. Le budget d'investissement du centre de transmissions gouvernementales augmente significativement afin de sécuriser les communications, enjeu essentiel pour notre souveraineté.

L'exemplaire réforme des services du Premier ministre passe par un réexamen critique de leurs missions et de leurs structures. Le Premier ministre compte sur cette réforme, liée à la mise en place de la nouvelle constitution financière, pour amplifier la politique ambitieuse qu'il souhaite.

Ces différents budgets sont présentés de telle sorte qu'il est difficile pour les parlementaires de contrôler leur financement et leur périmètre, dispersion qui ne contribue pas d'ailleurs à responsabiliser les chefs de service.

La future nomenclature budgétaire sera construite de manière à avoir une vision simple et ramassée du budget dans un petit nombre de programmes correspondants à des politiques clairement individualisées.

Les services du Premier ministre doivent s'engager dans un partenariat avec les ministères afin de faciliter une mobilité à double sens, organisée dans la transparence.

C'est de cette gestion fluide des ressources humaines que dépendra la capacité des services du Premier ministre à s'adapter en permanence aux nouveaux besoins liés à leur mission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - M. le ministre de la fonction publique souhaite préciser sa réponse à M. Derosier. Je lui donne la parole.

M. le Ministre - M. Derosier m'a interrogé sur l'observatoire de l'emploi public. Il ne peut ignorer qu'en le créant, le précédent gouvernement a estimé suffisant qu'y siège un seul représentant de l'Assemblée nationale, estimant sans doute qu'il n'était pas nécessaire que l'opposition y soit représentée... (M. Derosier proteste) Pour ma part, je suis tout à fait favorable à ce qu'un décret modificatif assure la représentation de l'opposition à l'observatoire.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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