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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 13ème jour de séance, 33ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 23 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

LOI DE FINANCES POUR 2004
-deuxième partie- (suite) 2

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT, SERVICES DU PREMIER MINISTRE, BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS ET
SGDN (suite) 2

QUESTIONS 17

SERVICES GÉNÉRAUX, ETAT B 20

PLAN, ÉTAT B 23

ORDRE DU JOUR DU
VENDREDI 24 OCTOBRE 2003 25

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT, SERVICES DU PREMIER MINISTRE, BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS ET SGDN (suite)

M. le Président - Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, concernant la fonction publique, la réforme de l'Etat, les services du Premier ministre, le budget annexe des Journaux officiels et le SGDN.

M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances pour la fonction publique et la réforme de l'Etat - Je remercie la présidence et mes collègues rapporteurs qui ont bien voulu « plancher » avant le dîner. Je les aurais écoutés avec le plus grand intérêt mais je devais m'adonner aux joies de la kinésithérapie ! (Sourires)

Monsieur le ministre, les crédits dont votre ministère assure la gestion peuvent sembler modestes au regard des enjeux - 223 millions - et ils sont affectés à trois postes essentiels : 121 millions pour l'action sociale interministérielle, 65 millions de dotation aux écoles et 20 millions au titre du fonds pour la réforme de l'Etat. 7,6 millions sont en outre affectés au fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées. Au total, les crédits augmentent de 5,6 % et, même si un bon budget n'est pas nécessairement un budget qui augmente, vous avez là un bon budget.

Concernant l'action sociale interministérielle, j'ai un satisfecit et une question - à laquelle je crois d'ailleurs savoir que vous avez déjà répondu ! Un satisfecit, donc, car 300 000 d'euros sont prévus pour financer la mise en place du titre emploi-service. Cette nouvelle prestation est créée à titre expérimental pour une durée de deux ans, en Auvergne et en Franche-Comté. Prestation d'aide à domicile, elle vise à alléger les contraintes des agents de l'Etat rencontrant des difficultés momentanées ou confrontés à des sujétions professionnelles. Cette innovation répond à l'intérêt grandissant des agents pour des prestations de nature individuelle, que je relevais déjà dans mon rapport de l'année dernière. L'action sociale est désormais déconcentrée, pour offrir aux échelons locaux plus d'autonomie et pour expérimenter des mesures nouvelles, pouvant donner lieu, après évaluation, à une extension à l'échelon national.

J'en viens à la question que j'avais prévu de vous poser : l'augmentation des crédits affectés à ce poste s'explique en grande partie par le quintuplement des crédits d'investissement, cependant que le taux de consommation sur ce chapitre reste faible. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

En 2004, l'engagement de l'Etat employeur en faveur des travailleurs handicapés doit rester une priorité, conformément notamment à l'engagement du Président de la République de faire de l'insertion des personnes handicapées l'un des grands chantiers de son quinquennat. C'est ainsi que les crédits demandés au titre du FIIPH atteignent 7,64 millions, contre 6,86 millions en 2003. Il faut cependant regretter que près de 20 % de la dotation initiale du FIIPH aient fait l'objet de gels et d'annulations en 2003, alors que les demandes des ministères étaient déjà supérieures aux crédits votés par le Parlement. Espérons que cela ne se reproduira pas l'an prochain, sinon, l'augmentation affichée dans la loi de finances restera lettre morte. Ces crédits vont-ils être dégelés ? Avez-vous reçu des assurances sur ce point de la part de Bercy ? Je crois, Monsieur le ministre, que vous avez déjà répondu affirmativement à cette question.

Les crédits consacrés au fonds pour la réforme de l'Etat augmentent significativement pour atteindre 20 millions. Nous nous réjouissons de cette avancée, même si la réforme de l'Etat est plus affaire de volonté politique que de crédits ! Enfin, les dotations aux écoles augmentent de 3,61 % pour atteindre 65,5 millions.

Dans le cadre de la mise en _uvre de la LOLF, vos crédits ont vocation à être intégrés au programme « action du gouvernement », dont le champ gagnerait à être rationalisé, puisque, dans sa configuration actuelle, il retrace aussi bien les crédits de la fonction publique que ceux de la communication gouvernementale, du conseil d'orientation des retraites ou du commissariat général au plan. Est-il envisageable de prévoir des regroupements plus cohérents ?

Si votre dotation budgétaire peut paraître relativement modeste, la mission dont vous avez la charge l'est beaucoup moins, puisqu'il vous revient d'orchestrer la réforme de l'Etat. Qu'il me soit permis de vous redire ma conviction absolue que la réforme de l'Etat ne sera jamais menée à bien sans une réforme de la fonction publique.

Est-il vraiment besoin de s'attarder sur les enjeux budgétaires ? Les dépenses de la fonction publique représentent une part grandissante du budget de l'Etat - 40,1 % en 1991, 42,5 % en 1999, 43,6 % en 2001 et 44 % en 2002, soit près de 8 % du PIB. M. Strauss-Kahn reconnaissait lui-même en 1999 que la part toujours croissante des dépenses de la fonction publique risquait à terme de priver l'Etat de toute marge de man_uvre budgétaire. Je pose donc ce constat sans aucun esprit polémique.

Les dépenses de personnel ont absorbé plus de la moitié de la progression du budget de l'Etat dans les dix dernières années, près de la totalité de cette augmentation durant les exercices 1998 à 2000. Ainsi les dépenses induites par la fonction publique de l'Etat sont estimées en 2002 à 118,3 milliards, soit une progression de 3,9 % en un an !

Les pensions des fonctionnaires coûtent de plus en plus cher à l'Etat. Le diagnostic est connu et il est inutile de s'y appesantir, la réforme d'envergure adoptée cet été tenant compte des différents enjeux de cette réalité. Rappelons toutefois que la progression des crédits de pensions sera encore de 5,3 % par rapport au budget 2003, puisqu'ils doivent atteindre 33,84 milliards ! Ainsi, le taux de contribution implicite de l'Etat continue de progresser : 39,5 % en 2001, 48,1 % en 2004.

Une « révolution culturelle » s'impose, pour passer d'une approche quantitative à une approche qualitative de la fonction publique. Cette approche inclut la recherche d'un mieux-être des fonctionnaires. En tout état de cause, il faut absolument mettre fin à l'idéologie du toujours plus, étant entendu que l'amélioration des services publics peut fort bien se faire sans augmentation des effectifs. Nous en avons l'illustration avec certaines politiques qui réussissent sans accroissement du personnel. Je pense en particulier à la lutte contre la délinquance, au combat contre l'insécurité routière, aux réorganisations qui ont eu lieu à Bercy et qui ont permis le non-remplacement de plus de 2 000 départs.

Par contre la franchise m'oblige à dire que certains ministères voient leurs moyens augmenter sans que les résultats soient au rendez-vous. Dans l'éducation nationale, par exemple, l'augmentation constante du nombre d'enseignants - en dépit d'une démographie scolaire en baisse - n'a pas mis fin aux dysfonctionnements relevés par différentes instances d'évaluation. Notons que si le nombre d'enseignants par élèves était resté le même en 2002 qu'en 1997, on aurait économisé 40 000 emplois. On voit bien donc qu'il y a des marges de man_uvre.

Le Gouvernement peut légitimement se féliciter d'être le premier depuis trente ans à présenter deux budgets successifs en diminution nette d'emplois budgétaires. Est-ce suffisant ? 700 emplois en 2003, 4 568 en 2004 : en comparaison des 2 225 000 emplois inscrits au PLF, ces chiffres restent modestes mais ils vont dans la bonne direction. Cela étant, seule une politique ambitieuse de réduction des effectifs de la fonction publique permettra de dégager des marges de man_uvre pour une politique salariale plus généreuse, car c'est bien aussi de cela qu'il s'agit : faire profiter les fonctionnaires eux-mêmes de leurs gains de productivité et rendre ainsi - pas seulement ainsi, d'ailleurs - la fonction publique plus attrayante.

Avoir une vision qualitative de la fonction publique, c'est donc moderniser la gestion des ressources humaines. Je sais les négociations que vous menez à ce sujet, Monsieur le ministre. Cela passe par un renforcement du lien entre notation et rémunération. Pour être honnête, je dois rendre hommage au précédent gouvernement, qui a lancé cette réforme du régime de notation des fonctionnaires, dont les défauts étaient bien connus. Cette modernisation du système de notation doit désormais entrer en pratique à tous les niveaux de l'administration. Ce sont plusieurs décennies de mauvaise pratique sur lesquelles il faut aujourd'hui revenir. Cela ne sera pas facile, mais il me parait indispensable de lier le versement des primes à la réforme de la notation, afin de mieux valoriser les plus méritants et d'imposer des notions de résultats et d'objectifs.

Tel est le projet du Garde des Sceaux, Dominique Perben, qui prévoit de moduler une partie de la revalorisation indemnitaire des magistrats en fonction de leurs résultats. De son côté, Nicolas Sarkozy a annoncé que 25 millions d'euros étaient prévus dans son budget pour financer des primes au mérite pour les policiers et les gendarmes. Elles ne seront « pas individuelles, mais iront aux services qui auront rempli les objectifs fixés en début d'année ». « Ceux qui en font davantage et mieux » bénéficieront, eux, d'une affectation plus rapide dans les régions qu'ils souhaitent et de promotion interne.

Il est absolument nécessaire de généraliser ce type de système.

Mieux gérer les fonctionnaires, c'est non seulement mieux servir les usagers, mais c'est aussi offrir aux agents de l'Etat des carrières plus valorisantes. Il faut à cet égard s'inspirer de l'excellent rapport Vallemont. La mobilité doit être favorisée car elle constitue un instrument puissant d'acquisition de nouvelles compétences, de nature à favoriser l'adaptation des agents aux changements continus de leur environnement professionnel. Cette mobilité peut se faire au sein de la fonction publique, entre les différentes fonctions publiques, mais aussi vers le secteur privé. Un cloisonnement excessif est source d'appauvrissement pour l'un comme pour l'autre. Aussi est-il nécessaire d'assouplir les textes encadrant les départs de fonctionnaires vers les activités privées, comme le propose M. Berger. La rigueur de la notion de prise illégale d'intérêt doit être réexaminée dans ce cadre. Il faudrait envisager de raccourcir le délai pendant lequel un fonctionnaire ne peut pas travailler dans une entreprise avec laquelle il a été en contact. Actuellement fixé à cinq ans, il pourrait être ramené à deux ans, une durée souvent constatée à l'étranger.

Rendre la fonction publique plus attrayante, en particulier pour les hauts fonctionnaires, constitue pour l'Etat un défi qu'il est indispensable de relever.

Le Gouvernement a annoncé une réforme de l'ENA...

MM. Bernard Schreiner et André Schneider - Très bonne...

M. Georges Tron, rapporteur spécial - ... et de la haute fonction publique, ce dont je me félicite. Fixation de contrats d'objectifs aux cadres dirigeants, lien entre mérite et primes : l'orientation est bonne, de même que l'idée de lancer un programme de fusion des corps de fonctionnaires sur des métiers communs. La notion de métier me paraît tout à fait opérationnelle. Je rappelle à ce propos que M. Pochard propose de réduire les 1 200 corps existants à une cinquantaine de « cadres de fonction », à partir de l'identification des grandes filières professionnelles nécessaires aux missions civiles de l'Etat.

Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins et, au-delà de la question des crédits - qui ont été acceptés par la commission des finances -, l'important me semble de vouloir vraiment la réforme de l'Etat, sans occulter un seul de ses aspects. Il faut avoir le courage, et je crois que vous l'avez, de prendre à bras-le-corps les problèmes de la fonction publique, sans s'arrêter aux barrages idéologiques. Nous serons à vos côtés dans cette démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - M. Tron va maintenant suppléer M. Carayon, empêché.

M. Georges Tron, suppléant M. Bernard Carayon, rapporteur spécial de la commission des finances pour le secrétariat général de la défense nationale et le renseignement - Je n'évoquerai ce soir, au nom de M. Carayon, que le budget du SGDN, réservant nos remarques sur le renseignement à la discussion des crédits du ministère de la défense.

Le projet de budget du SGDN pour 2004 s'élève à 50,1 millions d'euros, contre 48,3 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2003, soit une progression apparente de ses dotations de 3,8 %. Cette augmentation correspond à une hausse des dépenses ordinaires, justifiée, pour l'essentiel, par des mesures d'ajustement, des transferts d'emplois, ainsi que par la création de deux emplois budgétaires et des mesures nouvelles concernant les systèmes d'information sécurisés.

Les trois priorités du SGDN sont : la sécurisation des systèmes d'information de l'administration et des services publics, la surveillance et le contrôle des exportations des matériels de guerre, la prévention des crises et l'élévation du niveau de sécurité de la population sur le territoire national.

La première mission, celle de sécurisation, relève de la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, - la DCSSI.

Le développement de la société de l'information s'accompagne d'un accroissement des menaces. La France s'est déjà dotée de plans de prévention et de réaction à une attaque cyberterroriste et a mis en place un organe opérationnel de veille, d'alerte et de réponse, le CERTA, au sein de la DCSSI.

La cellule de la DCSSI qui est chargée de la fonction d'audit compétente pour l'ensemble des systèmes d'information de l'Etat, est composée de six personnes, recrutées parmi les meilleurs spécialistes informatiques. Ce chiffre est dérisoire au regard de la tâche, et certains ministères doivent attendre deux ans pour un audit. Il est donc impératif que l'équipe soit étoffée.

De plus, l'audit étant subordonné à une demande d'un service de l'Etat, de nombreux services ne font l'objet d'aucune évaluation. Il est en conséquence indispensable de donner à la direction la possibilité juridique et les moyens matériels de détecter les failles de leurs systèmes d'information.

Plus généralement, tous les ministères doivent prendre conscience des risques du cyberterrorisme et de la nécessité de protéger les informations individuelles. Bernard Carayon avait d'ailleurs proposé, dans son rapport au Premier ministre sur l'intelligence économique, de créer une mission interministérielle d'expertise technique et industrielle des systèmes d'information.

Le développement de nouveaux équipements de sécurité doit faire l'objet d'une priorité, en s'appuyant sur un réseau d'industriels de confiance à même de répondre aux besoins. Il convient d'acquérir des modules de base pour la sécurité, en particulier dans le domaine de la certification. Dans son rapport sur l'intelligence économique, Bernard Carayon a proposé la création d'un fonds à capitaux mixtes, appuyé sur la Caisse des dépôts, qui aurait vocation à devenir l'embryon d'un fonds européen.

Par ailleurs, force est de constater que les services et les établissements publics de l'Etat utilisent, y compris pour des fonctions sensibles, des solutions informatiques étrangères qui ne présentent pas, c'est le moins que l'on puisse dire, toutes les garanties de sécurité. L'analyse technique devrait, à l'avenir, se doubler d'une expertise industrielle, et la DCSSI devrait être consultée systématiquement pour les achats les plus importants.

En ce qui concerne la prévention des crises et l'élévation du niveau de sécurité de la population, la direction de la protection et de la sécurité de l'Etat assure la veille opérationnelle dans ses domaines de compétence et anime les travaux interministériels relatifs aux équipements et aux moyens de lutte contre le terrorisme nucléaire, radiologique, biologique et chimique ainsi que ceux qui portent sur la prévention et le traitement d'attaques informatiques majeures sur les infrastructures vitales.

Bernard Carayon déplore que les hauts fonctionnaires de défense n'occupent pas une place déterminante dans les équipes de direction des ministères car cela traduit une sensibilité insuffisante aux questions de sécurité. Par ailleurs, il propose de revoir l'instruction interministérielle de 1993 qui confie au SGDN la responsabilité du suivi de la réglementation sur les établissements à régime restrictif, civils ou militaires, afin que la liste de ceux-ci soit régulièrement actualisée.

La loi du 1er août 2003 sur la sécurité financière a ajouté le motif de « défense nationale » à la liste des critères autorisant le ministre de l'économie à soumettre un investissement étranger à autorisation préalable. De plus, le SGDN a été chargé par le Premier ministre de conduire une réflexion interministérielle sur les prises de contrôle par des capitaux étrangers d'entreprises françaises liées à la défense ou à la sécurité nationales, susceptibles de menacer notre autonomie technologique dans certains secteurs stratégiques.

Le comité interministériel du renseignement est chargé d'assurer la coordination du renseignement, mais il est nécessaire que celle-ci fasse l'objet d'une impulsion politique. C'est pourquoi il convient d'instituer un conseil national du renseignement, placé, à l'image du conseil de sécurité intérieure, sous l'autorité du Président de la République.

L'IHEDN, placé sous la tutelle du SGDN, doit s'internationaliser en renforçant ses liens avec les instituts étrangers. De plus, il doit développer les sessions internationales, accroître le nombre de ses intervenants étrangers et accueillir davantage d'auditeurs d'autres nationalités. Bien évidemment, une plus grande ouverture internationale représente pour lui un surcoût ; Bernard Carayon propose donc la création d'une fondation afin de drainer des finances.

A l'instar de la commission des finances, il invite l'Assemblée à adopter le budget du SGDN pour 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances pour les services généraux, le Conseil économique et social, le Plan et le budget annexe des Journaux officiels - Je vous prie d'excuser mon absence en fin d'après-midi : j'étais encore à Lyon pour fêter les vingt ans de la politique de la ville... Ce fut un beau colloque.

Le budget des services du Premier ministre recouvre cinq fascicules distincts. Je serai assez bref sur l'analyse des crédits, l'essentiel étant consigné dans le rapport, pour évoquer plus longuement le plan et ses nouvelles orientations.

Globalement, les crédits que nous analysons atteignent près de 1,4 milliard et les effectifs concernés s'élèvent à 3 561 personnes.

Les crédits du Conseil économique et social s'élèvent à 32,63 millions, soit une augmentation de 1,4 %.

La composition du Conseil n'a pas été modifiée depuis 1984, bien que la question soit régulièrement évoquée. Les actions de communication restent au c_ur de son programme. Un service de communication et de presse a du reste été créé en 2001.

La principale difficulté concerne l'insertion de l'institution dans la nouvelle nomenclature budgétaire : à l'évidence, le Conseil ne peut être assimilé à une administration de l'Etat ; mais n'étant pas non plus une assemblée parlementaire, il ne peut faire partie des pouvoirs publics.

Le projet de budget annexe des Journaux officiels est estimé à 169,07 millions, soit une diminution de 13,6 % s'expliquant principalement par la chute du produit des ventes et des prestations et par le développement des consultations en ligne.

L'évolution du budget annexe semble toutefois s'effectuer au détriment des activités traditionnelles du J.O. Il n'est pas normal que le Journal officiel des débats parlementaires parvienne à ses destinataires avec parfois plus de vingt jours de retard...

Cette année encore, l'exercice devrait dégager un excédent d'exploitation, celui-ci sera beaucoup moins important que par le passé. Le reversement au budget général ne sera que de 0,16 million. L'avenir de ce budget annexe dépend du futur statut des Journaux officiels, qui dépend lui-même de l'évolution du statut juridique de la société chargée de la fabrication des publications. Malheureusement, la question n'est toujours pas réglée.

Le budget des services généraux du Premier ministre représente à lui seul près de 90 % de l'ensemble des cinq fascicules budgétaires. Les crédits demandés pour 2004 s'élèvent à 1,15 milliard, soit une hausse de 0,86 %.

Un effort de présentation des crédits a été fait mais leur regroupement par agrégat ne saurait constituer une bonne base pour l'application de la loi organique. Quant au regroupement du chapitre des dépenses de personnel, il rend la répartition des charges et des emplois particulièrement illisible.

L'activité de la Documentation française est affectée, comme celle des Journaux officiels, par le développement des consultations en ligne. Une hausse de 11 % du nombre de visites sur le portail « Service-public.fr » est même encore envisagée pour l'an prochain. La direction compte sur ses réorganisations internes, ses recentrages éditoriaux et ses diffusions auprès de publics plus larges pour améliorer ses résultats et son chiffre d'affaires.

Le médiateur de la République bénéficie d'une dotation de 7,77 millions. S'agissant de l'insertion de l'institution dans la nouvelle nomenclature budgétaire, il est clair qu'un rattachement au Premier ministre est indispensable.

Un enveloppe de 2,26 millions est affectée aux centres interministériels de renseignements administratifs. Vitrine de l'administration, ceux-ci ont fait d'importants efforts de productivité. Ils ont toute leur place auprès du Premier ministre.

Le chapitre consacré à l'indemnisation des enfants de parents déportés et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'occupation, est doté de 74,04 millions contre 64,04 en 2003. Concernant l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie, le projet de loi de finances ne tient pas compte de l'extension envisagée des catégories de bénéficiaires.

Au sein des crédits des services généraux du Premier ministre, il convient de relever la stabilité des crédits des fonds spéciaux, désormais exclusivement consacrés à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, après la réforme opérée à l'initiative du précédent gouvernement. Une commission, à dominante politique et parlementaire, a été instituée au printemps dernier pour contrôler l'utilisation de ces fonds. Elle est chargée d'établir un rapport ainsi qu'un procès-verbal constatant que toutes les dépenses font l'objet de justificatifs, destinés in fine à la Cour des comptes. Elle fonctionne pour l'heure de façon tout à fait satisfaisante.

J'en viens au Plan, dont les crédits, après avoir déjà diminué de 7 % l'an passé, baisseront encore de plus de 5 % en 2004. Cela n'a aucun sens. En effet, cette nouvelle baisse intervient sans que l'on ait tenu compte d'aucune façon du recentrage du Commissariat général sur sa mission de prospective, demandé par le Premier ministre lui-même. Permettez-moi de m'en étonner, tout comme du fait que l'on ait ignoré les travaux de la MEC concernant la réforme des organismes de prospective.

Si le rôle du CGP s'est considérablement réduit au fil des ans, surtout depuis l'abandon des lois de plan, la situation a encore empiré avec l'actuel Gouvernement qui ne lui a passé aucune commande. La logique est-elle, en lui retirant toute compétence, y compris en matière d'évaluation, de justifier ainsi de nouvelles réductions de crédits dans le futur ? Certains voudraient aller plus loin encore et réduire même le poste rémunérations du CGP, alors même que celui-ci fait largement appel à des experts extérieurs et aux corps de contrôle pour mener à bien ses missions, ce dont on ne peut que se féliciter.

Les propos tenus par le Premier ministre le 13 octobre dernier, lors de l'inauguration des nouvelles salles du CGP, laissent pour le moins perplexe. Depuis 1946, l'essence de la mission du Plan est bien la prospective, « c'est-à-dire penser l'avenir, dans une approche associant acteurs politiques, économiques et sociaux, universitaires, syndicalistes, chefs d'entreprise et, naturellement, hauts fonctionnaires », a-t-il expliqué, ajoutant que le Plan avait « un rôle spécifique d'impulsion de par sa culture et sa vocation pluridisciplinaires », mais aussi parce qu'il est « l'héritier d'une tradition d'expertise partagée grâce à la concertation sociale. » Dès lors, pourquoi avoir laissé l'institution en déshérence l'an passé si c'est aujourd'hui pour la confirmer dans ses missions essentielles ? Pourquoi ne pas avoir associé les partenaires sociaux à la définition de ses fonctions et de son programme de travail ? Pourquoi le nouveau commissaire n'accorde-t-il pas davantage de place à la concertation ? Pourquoi vouloir casser ce bel outil ? Où est la cohérence ?

Les choix du Gouvernement sont très contestables. L'évaluation est passée à la trappe, alors même qu'il n'est pas raisonnable de séparer évaluation et prospective. Autonomiser l'évaluation n'est possible que s'il y a indépendance, ce que garantissait précisément le Plan - quels que soient les gouvernements -, mais non le transfert de cette fonction à un département ministériel, qui plus est celui de la réforme de l'Etat. L'évaluation concerne la pertinence des politiques publiques, non celle des administrations... Ce débat doit donner l'occasion au Gouvernement de clarifier ses intentions au sujet du Plan.

Contrairement à mon avis, vous l'aurez compris, la commission des finances a adopté les crédits des services généraux du Premier ministre, du Conseil économique et social, des Journaux officiels et du Plan.

M. le Président - Bien que j'aie laissé les rapporteurs dépasser leur temps de parole, j'invite maintenant les orateurs à respecter le leur.

M. Michel Piron - Les dépenses liées à la fonction publique représentent une part croissante du budget de l'Etat. De 40 % en 1991, elles sont passées à 42,5 % en 1999 pour atteindre aujourd'hui 44 %, soit 8 % du PIB. Et, dans cette masse, les dépenses de personnel ont absorbé plus de la moitié de la progression du budget de l'Etat au cours des dix dernières années. N'est-ce pas beaucoup ?

Les dépenses de la fonction publique ont été estimées à 118,3 milliards d'euros en 2002. Leur progression de 3,9 % sur un an s'explique à la fois par celle des charges de pension et par l'augmentation continue du nombre de fonctionnaires. Les charges de pension devraient encore croître de 5,3 % en 2003 pour atteindre 33,84 milliards d'euros l'année prochaine. Et plus de 30 000 emplois budgétaires ont été créés encore en 2001 et 2002.

En 2004, en revanche, les emplois budgétaires diminueront de 4 568, après 700 en 2003.

Il faut en effet s'interroger sur l'efficacité de l'action publique en cessant de confondre la fin et les moyens, en faisant passer au premier plan les attentes des usagers, en redéfinissant des objectifs concertés avec les personnels.

Le projet de budget pour 2004 intensifie l'effort du Gouvernement en faveur de la réforme de la fonction publique après celle des retraites et applique au budget du ministère de la fonction publique les principes de la réforme que ce ministère défend pour l'ensemble des administrations.

Le ministère étudie ainsi le transfert à la CNAF de la gestion de ses prestations familiales, qui mobilise actuellement 1 200 personnes.

Autre exemple : le budget de l'éducation nationale qui affiche en 2003 723 600 enseignants titulaires et 183 480 personnels de direction et ATOS, soit un taux de 1 pour 4. Ramener ce taux à 1 pour 5 représenterait 40 000 emplois de moins !

Alors que les départs à la retraite vont s'accélérer au cours des prochaines années, la fonction publique peut relever un double défi et saisir une opportunité.

Le premier défi est financier, il s'agit d'assurer le futures pensions. D'ici à 2008, les fonctionnaires verront leur durée de cotisation alignée sur celle du secteur privé. Un régime de décote-surcote analogue à celui du régime général sera progressivement mis en place, ainsi qu'un régime complémentaire afin d'intégrer les primes dans le calcul des pensions.

Le second défi est d'assurer des recrutements de qualité et de maintenir l'attrait de la fonction publique. L'opportunité est celle de ne pas remplacer tous les départs en retraite.

La réforme de l'Etat est plus que jamais un chantier prioritaire. Il faut moderniser les trois fonctions publiques, ce qui exige une meilleure gestion des ressources humaines - quand il en existe une... ; introduire dans l'administration une véritable culture de l'efficience, sinon de la performance ; mieux prendre en compte les réalités économiques dans la politique salariale.

Cela exige une approche non seulement quantitative mais aussi qualitative, l'augmentation des effectifs ne garantissant ni une meilleure qualité ni une meilleure efficacité du service rendu. Cela exige de réformer avec et pour les fonctionnaires, comme pour les usagers.

Pour réformer l'Etat et moderniser la fonction publique, il convient préalablement de renforcer l'attrait de celle-ci. Il faut repenser la politique salariale dans la fonction publique en y introduisant de nouveaux concepts qui, appliqués ailleurs, définissent des « objectifs » et prennent en compte des « résultats ». Lors de sa première réunion, le 14 octobre dernier, le collège des employeurs des trois fonctions publiques a constaté la difficulté de dégager des marges de man_uvre pour 2003.

La nécessité n'est pas moindre de développer - ou de mettre en place - une véritable politique de gestion des ressources humaines. A cet égard, amélioration des services et réduction des dépenses publiques ne sont nullement contradictoires si l'on accepte l'idée que l'Etat ne saurait s'exonérer du souci d'efficacité.

Comme le souligne M. Tron dans son rapport, « mieux gérer les fonctionnaires, c'est non seulement mieux servir les usagers mais aussi offrir aux agents de l'Etat des carrières plus valorisantes et renforcer l'attractivité de la fonction publique ».

Faut-il évoquer la nécessité de développer la polyvalence des fonctionnaires, de leur proposer des parcours professionnels inédits, de permettre l'évaluation des agents, de former aux exigences de la qualité, de motiver en valorisant compétence et prise de responsabilités ?

Dans le rapport qu'il a remis au ministre de la fonction publique en 1999, M. Vallemont avait dégagé six axes d'action : gestion de proximité, professionnalisation des recrutements, évaluation des agents, mobilité interne et externe, formation continue, transparence des règles et des critères de gestion.

Force est de constater que le statut et la gestion paritaire sont encore souvent évoqués comme étant des facteurs de blocage, et que pour de nombreux cadres, la gestion des personnels demeure une fonction exclusivement administrative.

Une réflexion sur le statut de la fonction publique ainsi que sur la diversité des primes pourrait constituer un point de départ pour le développement d'une vraie gestion des ressources humaines, fondée sur une approche plus personnalisée.

Le ministère de la fonction publique a annoncé l'ouverture prochaine de discussions avec les syndicats sur la rémunération du mérite, individuelle pour les cadres supérieurs et collective par service pour les autres fonctionnaires. La réflexion pourrait s'orienter vers des contrats de performances de service public.

Quant à l'outil, signalons la mise en place des stratégies ministérielles de réforme. Quelques ministres ont élaboré, sur la période 1999-2002, un programme pluriannuel de modernisation. Ces PPM sont arrivés à échéance. Une étude d'évaluation du dispositif indiquait que la capacité de coordination au niveau ministériel est tout à fait essentielle pour la réussite de la réforme de l'Etat.

Les stratégies ministérielles de réforme devraient se concentrer sur trois priorités : réexamen systématique des missions et structures, prise en compte des conséquences de la décentralisation et de la mise en _uvre de la LOLF ; développement des démarches qualité ; évolution des modes de gestion des ressources humaines.

Ces stratégies doivent constituer un cadre renouvelé au sein duquel chaque ministre pourra identifier l'ensemble des réformes à engager. Elles feront l'objet d'une actualisation et d'un suivi annuels.

A l'heure où la décentralisation s'affirme, qui pourrait imaginer que l'Etat ne doive s'interroger sur son propre fonctionnement ?

Si l'honneur du service public est de servir tous les publics, entre un néo-provincialisme centrifuge et un archéo-parisianisme centripète, n'y a-t-il pas place pour une gouvernance améliorée, en d'autres termes, pour une réforme de l'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Bourguignon - Comme l'a souligné Bernard Derosier, les fonctionnaires sont inquiets.

Cette inquiétude n'est sans aucun doute pas liée directement aux lignes budgétaires qui nous préoccupent, car les crédits du ministère chargé de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ne sont qu'une partie infime des moyens consacrés aux fonctionnaires.

Néanmoins, l'analyse de ces lignes fait apparaître les premières difficultés. Après une baisse de 2,12 % en 2003, ces crédits progressaient de 4,37 %, à 223,6 millions d'euros compte tenu de diverses modifications de périmètre, en 2004. Mais, signe de votre approche idéologique, Monsieur le ministre, vous vous êtes senti tenu de rappeler que cette hausse n'était qu'un effet d'optique, car la comparaison devait être faite avec les 266 millions réellement gérés en 2003.

Le Gouvernement tente d'expliquer qu'un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente. C'est sans doute possible en théorie, même s'il est tout aussi vrai qu'un budget dont tous les postes s'affichent à la baisse est très clairement mauvais.

M. Georges Tron, rapporteur spécial - Mais non !

M. Pierre Bourguignon - Mais concernant les fonctionnaires, qui font l'objet d'une véritable stigmatisation, vous en êtes à expliquer à votre majorité qu'elle ne doit pas prendre ombrage d'une petite hausse !

Sur ces 233 millions, 117,3 seraient consacrés à l'action sociale interministérielle, soit une baisse de 0,59 % en valeur, donc supérieure à 2 % en volume. Vous prétendez compenser cette baisse par un prélèvement sur les fonds de roulement de la mutuelle de la fonction publique, poursuivant ainsi l'intense sollicitation des recettes non fiscales observée en première partie du budget avec la ponction de 300 millions d'euros sur le fonds de garantie des assurances dommage obligatoire. Les crédits en question doivent pourtant servir à financer les aides et prêts à l'installation, l'aide ménagère à domicile, les chèques vacances ou les prestations crèches !

J'ajoute qu'aucune réflexion ne semble menée pour adapter ces prestations aux conditions actuelles de vie des agents.

La question des rémunérations préoccupe les fonctionnaires.

Vous n'avez pas encore officialisé votre position concernant leur revalorisation, mais il semble que 2003 ne sera l'occasion d'aucune progression du pouvoir d'achat. Ainsi, près de 4 % de perte de pouvoir d'achat auront été cumulés depuis l'année 2000. Difficile pour les actifs, cette situation devient encore plus inquiétante pour les retraités. Compte tenu des nouvelles règles d'indexation des retraites de la fonction publique, les pensions ne progresseront plus à l'avenir qu'au rythme de l'inflation. Si, à la veille de l'application effective de cette réforme, aucune revalorisation n'était accordée, les retraités perdraient définitivement ces quatre points de pouvoir d'achat.

Aujourd'hui, vous évoquez « la mise en cohérence de l'approche salariale avec les réalités économiques », vous indiquez que « la première réunion du collège des employeurs des trois fonctions publiques a conclu à la difficulté de trouver des marges de man_uvre pour l'année 2003 » et appelez l'ensemble des partenaires « à repenser l'approche de la politique salariale et des rémunérations, au-delà de la seule variation de la valeur du point ».

Pour ceux qui doutaient encore de votre volonté de faire diversion avec la mise en place d'une rémunération au mérite, les choses sont claires !

M. Georges Tron, rapporteur spécial - Mais non !

M. Pierre Bourguignon - Le débat sur le « non-remplacement » d'un fonctionnaire sur 2, ou sur 3 ou 5 n'est pas né chez les journalistes mais bien plutôt lors de la campagne présidentielle, lorsque l'opinion commençait à s'inquiéter de la multiplication des promesses, notamment fiscales, de Jacques Chirac. Certains ont alors pensé que ces non-remplacements favoriseraient un « bouclage » financier. Pour 2004, la diminution nette d'emplois serait de 4 568 postes, après une suppression de 701 emplois en 2003. Le taux de non-renouvellement serait ainsi proche de 20 %. Or, ces suppressions interviennent sans aucune réflexion préalable sur le périmètre souhaitable, à terme, de la fonction publique.

L'évocation rituelle de la loi organique relative aux lois de finances et du principe selon lequel l'Etat doit passer d'une culture de moyens à une culture de résultat ne saurait vous dispenser d'un réel effort pour appliquer cette nouvelle constitution budgétaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Christian Blanc - Votre volonté de moderniser l'administration est réelle. Nous pensons que vous allez dans la bonne direction.

Le groupe UDF et apparentés votera ce budget (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

Nous estimons que deux décisions fondamentales devront être prises rapidement pour doter la France d'une administration performante.

Quelle architecture pour la prise de décision publique ? Vous avez parlé d' « Etat stratégie ». C'est la commission du Plan, que j'ai présidé il y a fort longtemps, qui a mis en avant ce concept.

Dans notre esprit, cela signifiait qu'aucun acte de gestion ou d'administration ne devait remonter à Paris, que l'Etat assurait ses missions régaliennes, stratégiques, ainsi que sa fonction de péréquation.

Quelle décentralisation pour les régions ? Quel niveau de proximité choisir : département, agglomération, pays ? Nous pensons quant à nous que le département n'est pas un échelon pertinent.

Trois niveaux aux compétences précises permettraient d'avoir un véritable contrôle démocratique et de revitaliser la vie politique.

Et puis, il faut définir ce que sont les missions d'un Etat moderne, car certaines sont devenus obsolètes tandis que d'autres, dont on parle peu, exigent son intervention.

Vous dites, Messieurs les ministres, qu'il convient d'abord de former et de responsabiliser le management, et nous en sommes d'accord. Les jeunes gens qui choisissent d'entrer à l'ENA ne doivent pas le faire dans l'espoir de devenir ministre, premier ministre ou mieux encore, après avoir passé de longues années dans les cabinets ministériels, loin de la vraie vie. Pourtant, beaucoup de ces gens peuvent légitimement l'espérer, puisqu'au cours des décennies écoulées, la moitié des gouvernements successifs, de droite comme de gauche, est issue de l'ENA.

Vous avez donc proposé de dissocier politique et administration, en suggérant qu'un fonctionnaire qui exerce une activité politique n'acquiert pas d'ancienneté dans son corps. Voilà qui est très bien, mais encore insuffisant au regard de ce qui se pratique ailleurs en Europe. Ainsi, en Grande-Bretagne, tout fonctionnaire qui devient parlementaire démissionne de l'administration et, d'une manière générale, tous les pays européens ont réglé cette question plus nettement que nous ne le faisons.

Il se trouve aussi que, depuis trente ans, de 30 à 40 % des députés sont, en France, issus de la fonction publique, ce qui est une autre exception en Europe. Mais pourquoi pas, pense-t-on ? Les fonctionnaires sont des gens intelligents et proches de la vie publique, qui peuvent remplir ce rôle pas plus mal que d'autres. C'est vrai, à cela près que la culture administrative apprise à l'ENA est très centrée sur la France, que c'est une culture de l'uniformité, et qu'elle connaît mal - voire pas du tout - l'entreprise. Il peut donc être important que la culture apprise à l'ENA soit, comment dire ? Un peu moins administrative, dans un monde devenu très ouvert. Aussi, Messieurs les ministres, un effort plus grand reste à faire pour traiter progressivement la question de la frontière entre l'administration et la politique (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Choisir l'ENA, c'est choisir l'intérêt général, et l'intérêt public commande que tout manager, dans l'administration, soit capable d'adaptation permanente et qu'il dispose pour cela d'une ouverture suffisante sur l'Europe et sur l'entreprise. Tout cela est exact, mais la fonction principale des cadres qui sortent de l'ENA est bien de diriger le service public. Il reste donc à créer une direction des ressources humaines décentralisée, et à revaloriser les rémunérations. Ne pas le faire, c'est exposer la fonction publique à une hémorragie de talents et de compétences dans un avenir proche.

Il faut, aussi, traiter une fonction publique devenue obèse, et dont les effectifs sont passés de 1,2 million d'individus en 1947 à 4,7 millions en 2001...

M. Patrick Braouezec - Avec plein de nouveaux métiers !

M. Christian Blanc - Et beaucoup qui ont disparu ! Au cours des dix dernières années, 400 000 recrutements supplémentaires ont eu lieu, ce qui est sans équivalent en Europe. Pourquoi cela ? Par manque de gestion, et à cause du cloisonnement des corps.

Il va sans dire que l'on ne peut inverser une telle tendance en un seul exercice. Une réforme de fond ne peut se concevoir que dans le cadre d'un projet commun, d'une fierté partagée entre les Français et les fonctionnaires. Ainsi retrouvera-t-on cette administration qui était, il y a vingt ans, la fierté de notre pays et dont on disait alors qu'elle était, avec le Foreign office, la meilleure du monde. Qui le dit encore ?

M. Patrick Braouezec - Ce n'est pas la performance qui a changé, c'est l'idéologie !

M. Christian Blanc - L'un des instituts de « benchmarking » - c'est-à-dire d'évaluation comparative - les plus réputés, à Lausanne, place la France au vingt-cinquième rang sur quarante-neuf en performance globale et, s'agissant du seul chapitre « efficacité du Gouvernement et de l'administration », nous avons régressé de la vingt-cinquième place en 1997 à la trente-quatrième en 2002. Ainsi, notre situation n'est pas bonne, et elle ne s'améliore pas. Pourtant, l'efficacité de l'administration constitue un facteur compétitif de premier rang dans un affrontement concurrentiel global.

Messieurs les ministres, vous vous êtes prononcés en faveur d'une action de fond. Le temps presse. Nous vous accompagnerons dans votre action et nous voterons votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Patrick Braouezec - C'est un fonctionnaire de toujours qui vous parle mais mon ENA à moi, je l'ai faite à l'école normale d'Auteuil, et puis j'ai exercé, longtemps, à Saint-Denis !

Le budget du ministère de la fonction publique augmentera, en 2004, de 4,37 %, passant de 214,2 millions à 223,6 millions. Il n'est pourtant pas question de se réjouir trop vite de cette augmentation.

Baisse des effectifs, non-remplacement des départs à la retraite, non-renouvellement des emplois-jeunes, rémunérations non revalorisées, culture du résultat inapplicable dans certains ministères, égalité professionnelle entre les femmes et les hommes loin d'être atteinte, système des retraites inéquitable... Cette liste, non exhaustive, est malheureusement longue. Pourtant, votre projet de budget ne résout aucun de ces problèmes. La réforme de l'Etat est certes nécessaire, mais encore faut-il ne pas essayer de plaquer un modèle libéral sur les ministères et les fonctionnaires qui y travaillent.

Votre empressement à remettre en cause nos services publics, pourtant toujours performants, Monsieur Blanc, est très préoccupant.

En premier lieu, les fonctionnaires s'interrogent légitimement sur la stagnation de leur rémunération car le Gouvernement et le rapporteur général s'accordent pour dire qu'il n'y a pas de marge budgétaire pour une hausse des salaires.

Or, les fonctionnaires auront supporté une baisse de 1,5 % de leur pouvoir d'achat pour 2003, puisque la hausse de salaire qui leur a été accordée n'est que de 0,5 %, alors que l'inflation est estimée à 2 %.

Rendez-vous est fixé au 15 novembre afin que vous présentiez aux syndicats vos propositions. Nous souhaiterions connaître dès maintenant vos intentions, car cette perte de pouvoir d'achat concerne des centaines de milliers de citoyens...

Le salaire « au mérite » est une de vos préoccupations. Cela ne concernerait, dans un premier temps, que les hauts fonctionnaires et les fonctionnaires des ministères de la justice, de l'intérieur et des finances. Je reviendrai tout à l'heure sur ce sujet controversé. Qu'en est-il, d'autre part, de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ? Selon l'INSEE, l'écart reste malheureusement stable, et les salaires des femmes demeurent de plus de 16 % inférieurs à ceux des hommes dans la fonction publique. Le pire est donc à craindre s'agissant d'une improbable revalorisation de la rémunération des femmes fonctionnaires.

De plus, les femmes restent largement sous-représentées dans les fonctions d'encadrement, où elles n'occupent que 12,5 % des emplois supérieurs de la fonction publique d'Etat. Et la parité progresse si lentement qu'il faudra 75 ans pour l'atteindre ! Quant l'Etat montrera-t-il l'exemple, en contribuant de façon décisive à l'égalité des femmes et des hommes, à tous les échelons de la fonction publique ?

La question de la baisse des effectifs mérite aussi d'être posée et mise en relation avec le problème de redéfinition des missions. Vous avez vous-même expliqué dans La Croix, le 10 octobre, que « le débat n'est pas : combien de fonctionnaires ? » mais que « le raisonnement doit consister d'abord à analyser la pertinence des missions ». Le seul problème, c'est que vous prévoyez de réduire le nombre de fonctionnaires, sans repenser leurs missions. La suppression des 25 600 postes de personnels qui assuraient les fonctions d'encadrement dans les établissements scolaires est un exemple significatif. Leurs missions étaient claires, mais elles ont été remplacées par 16 000 assistants d'éducation dont les missions sont des plus vagues. Où est l'analyse de la pertinence des missions ?

Il est prévu de supprimer 4 561 emplois budgétaires en 2004. La ligne du Gouvernement est claire : tous les ministères devront faire des économies sur leurs dépenses de fonctionnement, y compris s'agissant des ressources humaines.

Dans une période d'augmentation continue du chômage, ce n'est pas en supprimant des postes dans la fonction publique que l'on facilitera l'accès à l'emploi ! Il faut au contraire augmenter les salaires et réduire la précarité du travail, en donnant aux salariés de nouvelles garanties.

Las, le Gouvernement s'obstine à vouloir faire mieux avec beaucoup moins ! Argument avancé pour tenter de justifier ces choix socialement inacceptables : un net recul des rentrées fiscales. Il s'agit surtout de ne pas remplacer les quelque 10 000 départs à la retraite prévus en 2004, et l'évolution démographique de la fonction publique ne laisse pas présager un changement de cap. Selon l'Observatoire de l'emploi public, 120 000 titulaires quitteront leurs fonction au cours de l'année 2010 ; ils n'étaient que 80 000 en 2002. Si l'on persistait dans le choix de ne pas les remplacer, c'est à un véritable démantèlement de la fonction publique qu'il faudrait s'attendre ! Une fois de plus, ce projet de budget démontre que l'emploi a cessé d'être une priorité pour ce gouvernement. Pour lui, l'emploi public est un boulet, à transmettre autant que faire se peut au secteur privé. Dans ces conditions, on ne s'étonnera pas que les tensions sociales s'exacerbent ou que de sérieuses difficultés de recrutement surviennent - M. Blanc l'a évoqué - dans les filières les plus hautement qualifiées. Vous opposez à la montée des besoins une rigueur budgétaire malvenue. C'est dire votre mépris du travail des agents et des attentes de l'usager.

Pourtant, servir l'intérêt général au sein d'une administration est une noble tâche. La plupart des agents de l'Etat en sont conscients et ils attendent de vous une autre politique que celle qui consiste à contracter toujours davantage les effectifs, au nom d'on ne sait quelle logique de « rentabilité » ou de « performance » ! Je ne suis pas de ceux qui considèrent que rien ne doit changer. Mais votre approche strictement libérale de la gestion de l'administration ne peut, à brève échéance, qu'altérer la qualité du service rendu à l'usager et, à terme, remettre en cause l'ensemble du service public.

A l'évidence, la réforme des retraites va dégrader le niveau des pensions servies, le rendement de chaque annuité de cotisation passant de 2 % en 2003 à 1,786 % en 2020. Au surplus, si tous les fonctionnaires sont pénalisés par la décote, les femmes seront particulièrement touchées car il est rare qu'elles atteignent 37,5 annuités. Alors que les salaires féminins sont déjà sous-évalués, qu'en sera-t-il des pensions de retraite ?

Notre collègue Christian Blanc a été chargé d'une mission sur l'épineuse question du service minimum et l'UMP se propose d'utiliser sa niche parlementaire de décembre pour présenter une proposition de loi à ce sujet. Une telle démarche ne peut que susciter nos plus extrêmes réserves. Le Gouvernement doit préciser sa position et s'engager à garantir le respect du droit de grève de tous les fonctionnaires et agents publics. Il y a en effet tout lieu de craindre que l'instauration d'un service minimum ne restreigne « mécaniquement » le droit de grève des fonctionnaires. Pourquoi ne pas privilégier plutôt la mise en place du dispositif de prévention des conflits sociaux dans les différents services publics ? L'objectif à atteindre n'est évidemment pas de durcir les conflits - tel est pourtant le résultat auquel vous aboutirez si vous persistez dans la voie du service minimum - mais de les réguler.

La réforme de l'Etat, ce n'est pas - via une décentralisation détournée de ses objectifs - moins d'Etat. Telle que l'envisage le Gouvernement, la décentralisation risque de se traduire par un désengagement de l'Etat dans nombre de domaines, au profit de collectivités territoriales dont les disparités de situation ne feront plus l'objet d'aucune compensation. La pression fiscale locale risque de s'en ressentir, alors même que la présence des services publics de proximité ne pourra plus être assurée partout.

Monsieur le ministre, la fonction publique ne se gère pas comme une entreprise. Depuis dix-huit mois, vous vous plaisez à parler de « performance », de « productivité » ou de « mérite » ! Las, le projet de budget qui nous est soumis confirme le bien-fondé de nos craintes : ce sont bien les finalités mêmes du service public que votre politique tend à mettre en cause.

M. Georges Tron - Je veux redire avec la plus grande fermeté que la réforme de l'Etat, si indispensable, ne peut se confondre avec une simple refonte des modes de fonctionnement de nos administrations. Elle poursuit des objectifs plus larges : rendre le meilleur service possible à l'usager - et la réflexion sur le service minimum garanti se situe dans cette perspective - et valoriser les carrières de manière à rendre la fonction publique plus attractive.

Vous n'avez pas, Monsieur Braouezec, le monopole de l'attachement au service public et notre conception de la fonction publique n'est pas moins élevée que la vôtre. La majorité respecte au moins autant ses fonctionnaires que vous !

La réforme de l'Etat exige du courage : Monsieur le ministre, vous n'en manquez pas ! Cela dit, il peut aussi arriver qu'un parlementaire de la majorité déplore une certaine forme de pusillanimité du Gouvernement qu'il soutient par ailleurs sans réserve. A ce titre, je regrette que le Gouvernement ne se soit pas davantage inspiré des travaux de la MEC. Aux termes de nos réflexions, nous avions en effet dégagé deux priorités : se doter d'un outil de prévision plus évolué - une sorte de « think tank » prospectif à la française - et améliorer sensiblement l'évaluation, à laquelle je vous sais, Monsieur le ministre, extrêmement attaché. Il y a tout lieu de regretter que la culture de l'évaluation des politiques publiques nous reste encore trop peu familière. Du reste, pour essentielles qu'elles soient, la prospective et l'évaluation passent après la sincérité. M. Braouezec a évoqué les négociations salariales dans la fonction publique. Celles-ci ne peuvent se fonder que sur une appréciation sincère de l'existant.

Réformer l'Etat, c'est penser la France de demain dans toutes ses dimensions. Au terme de six mois de réflexion, la MEC avait produit sur ces sujets un rapport très conséquent. Il me semblait essentiel de le rappeler (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Denis Merville - Le présent projet de budget s'inscrit dans un contexte dont chacun mesure la difficulté. Les dérapages de nos finances publiques nous imposent d'agir, et la nouvelle étape de la décentralisation, voulue et orchestrée par le Gouvernement, est de nature à donner l'impulsion nécessaire.

Pour remplir efficacement ses missions régaliennes, l'Etat ne peut plus s'occuper de tout !

Au reste, les collectivités locales sont prêtes à assumer plus de responsabilités.

Par ailleurs, la France ne maintiendra son rang au sein de l'Union européenne que si elle se dote d'un outil public rénové.

Mais malgré votre bonne volonté, cette réforme ne va pas assez vite. Lors du débat sur la maîtrise des dépenses publiques et l'amélioration des performances de l'Etat, au printemps dernier, nous avions pourtant tracé des pistes. Il faut maintenant s'y engager sans plus attendre. Dans le domaine de l'aménagement du territoire, par exemple, où les intervenants sont très nombreux, il faudrait simplifier, regrouper.

Des mesures ont été prises concernant la DATAR. Mais il faut aller plus loin, car l'action décentralisée que souhaite le Gouvernement exige que l'on fasse confiance aux acteurs locaux et au tissu associatif.

Cela vaut aussi dans le domaine économique. On nous parle beaucoup de zonages, de règles, d'aide, mais est-ce vraiment cela qui intéresse les entreprises ? Je n'en suis pas certain. Les chefs d'entreprise veulent surtout moins d'impôts, moins de charges, des choses plus simples.

On reproche parfois aux politiques d'être déconnectés du terrain et il fut envisagé d'inviter certains d'entre eux à partager, devant des caméras, le quotidien d'une famille pendant 36 heures. Je crois pour ma part que les hommes et femmes politiques qui ont un mandat local ont tout à fait l'expérience du terrain - ce n'est pas vous, Monsieur le ministre, qui avez été maire d'une petite ville et président de l'association des maires de France, qui me direz le contraire - et que cette expérience télévisuelle serait plus utile à certains hauts fonctionnaires. Ils verraient combien certaines procédures et réglementations, édictées dans les bureaux parisiens, sont difficiles à appliquer sur le terrain.

Un bon équilibre entre villes et campagnes constitue bien sûr un des éléments importants de l'aménagement du territoire. L'intercommunalité peut être une des voies de cet équilibre, mais ce n'est pas toujours le cas et l'on assiste parfois à la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Il ne faudrait pas, après les super et hypermarchés, que ce soient demain les zones d'agglomérations qui étouffent le tissu local et qui « déménagent » le territoire.

Il importe aussi de ne pas créer un troisième et quatrième échelon dans les collectivités locales, source d'un alourdissement de la fiscalité locale.

Je crois que la décentralisation doit s'accompagner d'une réforme de la fonction publique territoriale. Mais vous nous avez répondu sur ce point, Monsieur le ministre, je n'insiste donc pas.

En commission des finances, nous nous sommes interrogés sur l'efficacité réelle des CIRA et nous avons approuvé un amendement de suppression des crédits. Vous nous avez tout à l'heure, Monsieur le secrétaire d'Etat, apporté des informations qui montrent votre volonté de réformer ce service. On ne peut que s'en féliciter et notre v_u se trouve donc exaucé avant même d'être examiné.

Pour conclure je ne puis qu'engager le Gouvernement à ces réformes qui vont dans le sens de l'intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - Je salue tout d'abord le rapport de M. Tron, dont je connais les compétences et la motivation et dont je partage les analyses. A propos de l'article 5706, je voudrais lui dire qu'il y a eu des crédits mis en réserve et que nous sommes à 90 % de la consommation des crédits disponibles. Je crois donc qu'il faudra que nous améliorions encore la présentation des chiffres, afin qu'apparaissent mieux d'une part les crédits gelés, d'autre part les taux de consommation des crédits disponibles.

Je suis tout à fait d'accord avec l'idée qu'une révolution culturelle est nécessaire. Nous la mènerons en faisant confiance aux fonctionnaires, en les responsabilisant et en plaçant l'usager au c_ur des objectifs de l'action publique.

J'approuve aussi totalement ce qu'a dit M. Tron, dans son intervention remarquable, sur la nécessité de moderniser la gestion des ressources humaines. Beaucoup de fonctionnaires se sentent bridés, il faut leur donner la possibilité d'exprimer davantage leur imagination et leur capacité à innover. Réformer la notation ? Oui, car ce système qui amène tout un chacun, systématiquement et à l'ancienneté, à un vingt sur vingt, voire à des notes supérieures à 20 a quelque chose d'ubuesque. Un responsable de service doit pouvoir dire pourquoi une note augmente ou diminue. Nous devons aussi faire en sorte que la motivation et l'efficacité d'un fonctionnaire soient prises en compte pour l'accélération ou le ralentissement de sa carrière. Nous partageons aussi votre point de vue, Monsieur Tron, sur la mobilité : elle doit être géographique et fonctionnelle, s'opérer aussi bien au sein de la même fonction publique qu'entre les trois fonctions publiques et vers le privé. Nous sommes d'accord aussi sur l'abaissement de 5 à 2 ans du délai dont parle le rapport Berger. Enfin, je vous remercie, Monsieur Tron, d'approuver la fusion des corps qui donnera à la haute fonction publique un plus large espace de choix et de liberté.

M. Piron a lui aussi insisté sur la nécessité de moderniser la gestion des ressources humaines, domaine dans lequel la fonction publique est hélas un peu en retard sur le privé.

Quant à la culture de l'efficience, elle est obligatoire. Défendre le service public, c'est d'abord lui donner les moyens d'être efficient, car si cette efficacité fait défaut, nos concitoyens le remettront en cause. On voit d'ailleurs des gens qui seraient plutôt a priori partisans du service public placer leurs enfants dans des écoles privées. Et on voit le même genre de réaction dans le secteur médical. Il faut donc être très vigilant sur la qualité du service rendu. Enfin, M. Piron a mille fois raison, une économie en bonne santé a besoin d'un service public performant, et vice-versa. L'un ne va pas sans l'autre.

M. Bourguignon nous a fait part de l'inquiétude des fonctionnaires. Mais celle-ci se comprend, car ils sentent bien la fragilisation qui résulte de l'inflation des dépenses. Comme tout un chacun, ils savent qu'on ne peut pas vivre de déficit.

Le service public ne peut pas être le réceptacle de tous les reculs de la responsabilité individuelle. Si les contentieux explosent, cela signe souvent l'échec des médiations de proximité. Si les urgences débordent, cela renvoie parfois à un certain recul de la solidarité familiale. Si le nombre de professeurs doit sans cesse augmenter, c'est qu'on leur demande à la fois d'élever, d'éduquer et d'inculquer un savoir.

Mais il n'est pas possible de donner toujours plus de moyens au service public. Il faut redonner à chacun le sens de la responsabilité individuelle et collective, de façon à renforcer le pacte républicain.

M. Christian Blanc a parlé de l'architecture de la décision publique. Dans une économie de services mondiale, la question à se poser à propos des services publics n'est pas « faut-il une approche de droite ou de gauche ? » mais celle-ci : nos services sont-ils rapides ou non, efficaces ou non ? Il faut réduire le délai qui sépare la décision politique et sa mise en _uvre. Il faut aussi que les services publics aident les responsables politiques à anticiper et à apporter les bonnes réponses. La question de fond est en effet celle-ci : sommes nous capables d'écrire un avenir dans lequel nous avons envie de vivre ou allons-nous subir un avenir écrit par les autres ?

L'avenir de la démocratie dépend de la capacité des politiques à modifier le cours des choses. L'impuissance du politique ouvre en effet la porte au populisme et à l'extrémisme.

Le service public doit donc aider l'Etat à se faire stratège. Et cet Etat stratège doit de son côté faire confiance à son administration locale. Je partage totalement votre idée, Monsieur Blanc, que ce contrat de confiance doit reposer sur des objectifs et sur une évaluation.

Actuellement, nous sommes dans un système qui vit sur la méfiance. L'administration centrale se méfie de l'administration locale, qu'elle présume incapable de bien gérer les crédits. Faisons donc des contrats d'objectifs, pluriannuels, et jugeons les uns et les autres à leur capacité à les tenir.

On ne peut pas en tout cas laisser se multiplier les centres de décision, sauf à neutraliser l'action et à diluer la responsabilité, chacun ouvrant son parapluie et cherchant à minimiser la prise de risque. Or, dans un monde où il faut relever de plus de plus rapidement des défis, la prise de risque est un élément déterminant de l'efficacité. Si chacun évite de prendre ses responsabilités parce qu'il craint pour sa carrière, le système va périr. Nous commençons par responsabiliser la haute fonction publique, demain nous responsabiliserons l'encadrement intermédiaire ; la meilleure considération qu'on puisse témoigner aux fonctionnaires est en effet de leur permettre d'exprimer leurs talents.

L'ENA ne doit pas être une école de pouvoir ou de conquête du pouvoir, mais une école permettant de devenir un bon manager. Nous voulons dissocier la vie administrative de la vie politique. Sommes-nous allés assez loin ? Le débat parlementaire permettra d'y réfléchir. L'égalité des citoyens veut que les conséquences d'une implication dans la vie politique soient les mêmes pour tous, fonctionnaires ou non ; il est injuste que le fonctionnaire qui a quitté son administration pour faire de la politique ait le même déroulement de carrière que celui qui a toujours travaillé en son sein.

Monsieur Braouezec, il n'y a pas de question taboue dans un système démocratique. Mon instituteur disait qu'un problème bien posé est déjà à moitié résolu. Christian Blanc demande qu'on réfléchisse à l'équilibre entre le droit de grève, que personne n'entend remettre en cause, et le droit de l'usager, qui ne peut pas être méprisé ; le débat parlementaire permettra d'approfondir cette question.

S'agissant de l'égalité hommes-femmes, l'accès de celles-ci à la haute fonction publique est un sujet important. Mais nous sommes également confrontés au problème de la féminisation très importante de certains métiers : je pense à l'éducation nationale et à la justice.

Je remercie tous les intervenants de leurs propositions, qui nous permettent d'enrichir notre réflexion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

M. Jean-Claude Lemoine - Hier, dans le cadre du conseil national d'aménagement et de développement du territoire, nous avons longuement débattu du projet de loi relatif aux responsabilités locales. La question des ressources humaines est particulièrement importante.

J'ai l'exemple dans mon département, et ce n'est certainement pas un cas unique, de bonnes relations entre les fonctionnaires d'Etat et les fonctionnaires territoriaux. Il convient que cette situation soit préservée et qu'on facilite le passage d'une fonction publique à l'autre. Pouvez-vous nous préciser vos projets sur ce point, Monsieur le ministre ?

Nous avons aussi évoqué hier la question de l'accès au service public, et plus globalement des services au public. Ministre en charge tant de l'aménagement du territoire que de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, que comptez-vous faire, notamment dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ? J'ai bien compris que vous insistiez sur la distinction nécessaire entre le guichet d'accueil et le pôle d'intelligence administrative ; je souligne que mon département, la Manche, a engagé depuis plusieurs années des démarches en ce sens, et je vous félicite des engagements pris en faveur d'une réforme de l'Etat passant par l'administration électronique.

M. le Ministre - Nous entendons en effet faciliter la mobilité entre la fonction publique territoriale et la fonction publique d'Etat, et nous réfléchissons en conséquence à la mise en place d'un tronc commun de formation. Les générations nouvelles souhaitent ne pas subir leur carrière et aller « respirer » dans une autre fonction ; élargir les possibilités qui leur sont offertes, entre les trois fonctions publiques et entre le secteur public et le secteur privé, est une exigence.

S'agissant de l'organisation du service public, nous menons des expériences dans quatre départements. Les usagers attendent en premier lieu que leurs démarches soient simplifiées ; à cet égard, nous sommes désormais l'un des pays les mieux équipés en matière d'administration électronique alors que nous étions très en retard il y a quelques années, et je veux saluer tout le travail accompli par Henri Plagnol et son équipe.

Mais simplification des démarches ne veut pas dire simplification du traitement : il faut concilier l'exigence d'une réponse rapide et celle d'une fiabilité technique maximale. La réorganisation des services au public doit donc se faire avec d'une part des guichets de proximité et d'autre part des pôles d'intelligence administrative, afin d'assurer un égal accès de tous aux services publics et une égale puissance de traitement des dossiers sur l'ensemble du territoire.

M. Bernard Schreiner - Monsieur le ministre, vous avez courageusement lancé le débat sur la rémunération des fonctionnaires au mérite. Le statut des fonctionnaires fait de la manière de servir un des éléments de la notation ; il faut que cette règle, trop souvent contournée, soit concrétisée. Pouvez-vous nous préciser vos intentions et annoncer un calendrier ?

M. le Ministre - L'important est de créer un mouvement irréversible. Nous allons l'enclencher en commençant par la haute fonction publique. L'intéressement individuel aux résultats est souhaitable pour l'encadrement. Mais nous n'allons pas rémunérer les pompiers au nombre de feux éteints ou les infirmières au nombre de piqûres ! En revanche, il faut que les fonctionnaires d'un service connaissent un juste retour des efforts qu'ils ont accomplis pour améliorer sa performance.

Pour évoluer, tout système, quel qu'il soit, a besoin que ses acteurs soient responsabilisés. Cette responsabilisation est d'ailleurs une marque de confiance à leur égard. D'un mot, je résumerai les deux philosophies qui s'affrontent : certains croient aux systèmes, d'autres aux hommes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Victorin Lurel - Monsieur le ministre, je n'étais pas fonctionnaire à l'origine, je le suis devenu, tout en le restant très peu de temps. Ecoutant certains collègues, j'ai l'impression que l'on cherche aujourd'hui à donner mauvaise conscience aux fonctionnaires. Pouvez-vous m'ôter ce doute ?

J'en viens plus spécifiquement à l'outre-mer. Notre éminent collègue Laffineur a, pour le compte de la commission des finances, élaboré un intéressant rapport sur les fonctions publiques d'Etat et territoriale outre-mer, dans lequel il traite d'ailleurs surtout de la seconde, dont les agents, pour des raisons qui tiennent à l'histoire mais se justifient encore, bénéficient, vous le savez, d'un régime particulier pour leur rémunération, leurs indemnités, leurs remboursements de frais, leur retraite ou bien encore leurs congés. Il conclut qu'avec « des effectifs pléthoriques mais inefficaces », ces régions « sur-administrées sont, paradoxalement, sous-encadrées. » A son avis, « la République est trop généreuse avec ces fonctionnaires lointains », et il faut mettre le holà à cette « privilegentsia » éhontée et en finir avec cette « nomenklatura » dorée sous les tropiques. Ne manquant pas au passage de culpabiliser les fonctionnaires en question, il propose rien moins que de supprimer tous ces régimes particuliers. C'est, à notre avis, un ballon d'essai pour préparer les esprits, au nom d'une curieuse conception de l'unicité de la fonction publique, ignorant le contexte historique, géographique, économique et sociologique, à une véritable offensive contre la fonction publique.

M. le Président - Posez votre question, je vous prie.

M. Victorin Lurel - Je rappelle simplement qu'un amendement de MM. Méhaignerie et Carrez, visant à supprimer le régime particulier de déduction de TVA sur les produits exonérés outre-mer, a été adopté en première partie du projet de loi de finances.

Monsieur le ministre, je vous demande simplement d'assurer les fonctionnaires d'outre-mer de votre considération ainsi que de celle de votre gouvernement, et, d'une manière plus générale, aux fonctionnaires qu'ils ne sont pas des privilégiés et servent efficacement leur pays.

M. le Ministre - Permettez-moi de vous répondre également en tant qu'ancien président de l'Association des maires de France. Ayant eu le plaisir, à ce titre, de participer à de nombreuses réunions de maires dans votre beau département de la Guadeloupe et dans d'autres d'outre-mer, je puis confirmer le rôle essentiel qu'y joue la fonction publique pour le développement économique. Le rapport de M. Laffineur n'a absolument pas été demandé par le Gouvernement, mais par la commission des finances. La limite de ce rapport, M. Laffineur le reconnaît lui-même, est qu'il ne tient aucun compte de l'incidence des dispositifs en question sur les économies locales, ce qui serait pourtant nécessaire pour traiter des sur-rémunérations en toute connaissance de cause. Dans le cadre de la réforme de l'Etat, il faudra bien sûr s'interroger un jour sur l'adéquation de ces dispositifs au développement économique outre-mer, lequel doit avoir un effet d'entraînement sur les régions voisines, pour éviter les distorsions de concurrence. Toute réforme devra prendre en compte cet aspect, comme celui de la cohésion sociale et de la spécificité du contexte outre-mer où, contrairement à la métropole, la population jeune explose. Les caractéristiques actuelles de la fonction publique sont-elles un atout ou un frein au développement économique outre-mer ? Voilà la vraie question. Si vous aviez hier interrogé Mme Girardin à ce sujet, elle vous aurait confirmé que l'ensemble du Gouvernement, comme le Président de la République, sont convaincus que l'outre-mer constitue une richesse pour la métropole, et plus largement, pour l'Union européenne. Je vous avoue d'ailleurs n'aimer guère le terme de « régions ultra-périphériques ». L'outre-mer est en réalité au centre de zones de développement cruciales pour le rayonnement de la France dans le monde.

M. Patrick Braouezec - L'introduction prochaine du salaire au mérite dans la fonction publique suscite de multiples interrogations. Comment concilier restrictions budgétaires et politique d'intéressement ? On ne trouve aucune indication chiffrée dans le projet de budget sur cette politique, il n'y est pas dit non plus si elle concernera seulement les hauts fonctionnaires ou non. Les primes varieront-elles selon la personne ou la fonction ?

Dans cette opacité totale, il faut redouter un système fonctionnant sur l'arbitraire, que seuls des initiés pourraient décoder, qui pourrait varier d'un ministère à l'autre, voire au sein d'un même ministère. L'introduction du salaire au mérite, décision purement idéologique, signifie l'individualisation systématique des rémunérations, au risque de créer des différences entre les fonctionnaires, des divisions... peut-être pour mieux régner, imposer ensuite de nouvelles règles plus restrictives. Qui, à supposer que cela soit possible, évaluera le mérite ? Sur quels critères ? Introduire de la concurrence entre les fonctionnaires n'est-il pas un choix libéral, fait à leur détriment et qui nuira à la qualité du service public ? N'est-ce pas l'occasion de dérouler ensuite le tapis rouge au privé ?

M. le Ministre - Je suis ravi de votre question car, voyez-vous, prenant mes fonctions, je croyais comme vous à l'unité de la fonction publique, avant de m'apercevoir peu à peu que celle-ci était plutôt une fiction et qu'il existait des situations extrêmement différentes d'un ministère à l'autre. Découvrant cela, j'ai d'ailleurs demandé aux organisations syndicales si elles croyaient sincèrement à l'unité de la fonction publique. S'il y a opacité, Monsieur Braouezec, elle est bien dans ce système de primes opaques, inexistantes dans certains ministères, très importantes dans d'autres comme aux finances. Au nom de quoi a-t-on laissé ainsi, depuis des années, des administrations se différencier par rapport à d'autres, au point que l'on parlait d'administration noble, comme s'il en était de moins nobles, parmi lesquelles la fonction publique territoriale ?

M. Patrick Braouezec - Cela, c'est un peu vrai.

M. le Ministre - Quelle hypocrisie, cette opacité s'étant d'ailleurs installée avec la complicité des uns et des autres !

C'est pourquoi j'ai demandé, en accord avec les organisations syndicales, à ce que l'on connaisse les effectifs exacts de chaque ministère et à quoi ils sont affectés. Quand des fonctionnaires sont détachés pour des activités syndicales ou au sein d'une mutuelle, pourquoi ne le saurait-on pas ? Pourquoi avoir peur de la vérité ? C'est avec plus de transparence que l'on rapprochera les politiques des citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Pour ce qui est du mérite, je vous rappellerai seulement que mon plus illustre prédécesseur, Maurice Thorez, secrétaire général du parti communiste, expliquait ici même qu'il convenait d'introduire la notion de mérite dans la gestion de la carrière des fonctionnaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. J'appelle les crédits inscrits à la ligne Services du Premier ministre.

SERVICES GÉNÉRAUX

ETAT B

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial - L'amendement 72 rectifié minore de 336 000 € les crédits des services généraux du Premier ministre, qui augmentent encore en 2004, après avoir déjà augmenté en 2003. La récente communication du Gouvernement pour convaincre de la justesse de ses choix budgétaires, notamment au sujet de la PPE, a été particulièrement choquante. Il ne faut pas confondre information et propagande. La commission n'a pas examiné cet amendement auquel elle n'aurait sans doute pas été favorable. A titre personnel, je ne peux que vous inviter à l'adopter.

M. le Secrétaire d'Etat - Il est classique que l'opposition accuse le Gouvernement de propagande quand il informe, nous avons parfois nous-mêmes cédé à ce travers. Mais en l'occurrence, vous ne pouvez pas prétendre que les crédits d'information du Premier ministre augmentent car ils restent globalement stables - certaines lignes diminuent même. D'autant que vous oubliez un peu vite que ces crédits ont explosé sous le précédent gouvernement.

Avis défavorable.

M. Georges Tron, rapporteur spécial - Il est en effet tout à fait indispensable d'avoir une information à la hauteur des lois votées. Je suis donc certain que M. Bourguignon sera heureux que nous puissions informer les Français.

Ma seule surprise, c'est qu'il y ait eu en cinq ans si peu de lois importantes et tant de crédits dépensés (Sourires).

Avis défavorable.

L'amendement 72 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Louis Giscard d'Estaing - L'amendement 7 concerne les crédits de l'ENA et a été adopté par la commission des finances.

Les crédits de l'ENA se chiffraient à 39,9 millions dans le budget de 2003. Le projet de loi de finances de 2004 propose une augmentation de 4 %.

Mon amendement vise à ne pas donner suite à cette hausse et donc, à générer une économie. Il s'agit de réduire la taille des promotions en les ramenant de 120 à 100 élèves et de transférer la scolarité à Strasbourg.

En 2003, Valérie Pecresse estimait la réforme de l'ENA indispensable ; Jean-Jacques Descamps se déclarait favorable à l'amendement de la commission des finances car « la réduction de crédit proposée inciterait l'École à réfléchir à son avenir » ; pour François Sauvadet, ce débat faisait honneur au Parlement ; M. Gilles Carrez expliquait enfin l'adoption de mon amendement par la commission des finances par son ambition d'économiser l'argent public.

Vous aviez alors répondu, Monsieur le ministre : « Je propose que des représentants du Parlement et des entreprises se joignent à moi pour vérifier si le projet d'établissement de l'école est bien conforme aux objectifs que j'ai fixés à l'administration de cette école. Tel est le contrat moral que je vous soumets ». Vous m'aviez alors demandé de bien vouloir retirer mon amendement et d'accepter le contrat de confiance que vous me proposiez. J'avais pris acte de ces engagements et retiré mon amendement.

La réduction des crédits que je vous propose d'adopter est fondée sur l'évaluation des besoins futurs d'encadrement de la haute fonction publique, sur les perspectives liées à la décentralisation - qui réduisent les besoins pour les administrations centrales - et, enfin, les opportunités de promotion interne dans les filières de la fonction publique.

Pour toutes ces raisons, il convient donc de réduire la taille des promotions.

De plus, deux sites de l'ENA étaient maintenus à Paris alors que l'implantation à Strasbourg était commencée.

Je me réjouis, et avec moi tous les élus alsaciens, de l'annonce de la délocalisation de la scolarité à Strasbourg. 70 emplois ont ainsi déjà été transférés.

En outre, les crédits que vous proposez sont de fonctionnement, et non d'investissement. Or, il convient d'optimiser la dépense publique.

M. Georges Tron, rapporteur spécial - La commission des finances a accepté cet amendement car nous considérons que la réforme de l'ENA s'inscrit dans le cadre de la réforme de l'Etat.

Vous avez de plus annoncé, Monsieur le ministre, une réforme importante du recrutement pour toute la fonction publique.

Dans ces conditions, comment peut-on justifier une augmentation des crédits de l'ENA ?

M. le Ministre - Monsieur Giscard d'Estaing, si je partage votre objectif et comprends votre réaction, je ne partage pas vos conclusions. Nous souhaitons augmenter en effet le budget de l'ENA de 1,3 million.

Nous avons décidé une augmentation nouvelle de 1,5 million pour le rebasage du fonds de roulement. Nous avons prévu en outre 213 501 € de travaux pour sécuriser le site de Strasbourg.

Ces sommes ne sont pas inscrites dans les crédits d'investissement tout simplement parce que la subvention de l'Etat versée à l'Ecole est globale. C'est le conseil d'administration de l'ENA qui ventile les crédits en crédits de fonctionnement et d'investissement.

Je vous rappelle d'autre part que nous avons proposé d'importantes économies sur ce budget. Si l'amendement était adopté, la trésorerie de l'école ne serait plus assurée et les fournisseurs ne seraient plus payés.

S'agissant des effectifs, j'insiste en premier lieu sur le fait que la fonction publique a besoin de cadres. Jusqu'à présent, les promotions étaient de 120 élèves et seule la suppression du service national a produit un gonflement artificiel de 22 élèves supplémentaires. Mais la promotion de 2004, fixée à 100 élèves, sera en baisse sensible, alors même que l'on constate une augmentation de 22 % du nombre de candidats. D'autre part, l'école forme 150 élèves étrangers et plusieurs centaines de stagiaires, français et étrangers, en formation continue.

Quant aux surcoûts liés au fait que l'ENA a deux sièges, ils ont été réduits par le recours à la visioconférence, qui a déjà permis d'économiser quelque trois cents allers-retours et qui sera renforcé.

En conclusion, si le Gouvernement vous demande 1,1 million, c'est pour tenir compte du rebasage et pour faire fonctionner l'ENA à l'étiage tout en préservant son indispensable dimension européenne. Fort de l'appui des élus strasbourgeois, que je remercie, j'espère que la scolarité des élèves de la promotion 2005 pourra se faire à Strasbourg.

M. André Schneider - Très bien !

M. le Ministre - La rationalisation est en bonne voie. Je vous demande instamment de ne pas briser l'élan donné et de permettre à l'ENA de continuer à contribuer au rayonnement de la France. Je vous prie donc de retirer l'amendement.

M. André Schneider - Enfin un ministre qui aime l'Alsace !

M. Bernard Schreiner - En ma qualité de député alsacien, je ne peux approuver l'amendement de la commission des finances qui aurait un impact extrêmement négatif pour Strasbourg alors que nous nous battons constamment contre le lobby qui cherche à transférer dans une certaine capitale européenne le siège du Parlement européen.

Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'appuyer une réforme qui va dans le sens de la décentralisation. Je sais, pour leur avoir parlé, que les élèves de l'ENA se sentent bien à Strasbourg. Qu'ils y restent ! Leur vocation européenne en sortira renforcée, qu'ils se destinent à la fonction publique d'Etat ou à la fonction publique territoriale. Je le répète : supprimer ces crédits, ce serait porter un coup dur à Strasbourg et à notre pays. Aussi, mes chers collègues, je vous demande, comme le ministre, de ne pas adopter cet amendement.

M. Claude Goasguen - En ma qualité de député de Paris, je suis tout à fait favorable à ce que l'ENA se transporte à Strasbourg. Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue le vendredi 24 octobre à 0 heure 25, est reprise à 0 heure 35.

M. Louis Giscard d'Estaing - Ce débat nous a permis de faire, une fois encore, le point sur la situation de cette école et sur les perspectives qui s'ouvrent à elle. Je me réjouis, Monsieur le ministre, de l'annonce faite hier de sa délocalisation future, dans un avenir aussi proche que possible. Les élus d'Alsace la souhaitent dès 2004...

MM. André Schneider et Bernard Schreiner - Absolument !

M. Louis Giscard d'Estaing - S'agissant de l'impact de la fin du service national, il me semblait que dans nombre d'autres écoles, ce phénomène avait pris moins de temps à produire des effets ! Gageons que les promotions sont riches de nombreux officiers de réserve. Il y a tout lieu, précisément en cette « semaine du réserviste », de s'en réjouir ! (Sourires) Et puis il y a la question de la rationalisation des sites de l'école - trois dont deux à Paris. Il faut se prononcer aussi vite que possible sur le devenir d'immeubles pouvant servir utilement le patrimoine immobilier de l'Etat.

Compte tenu de l'état du fonds de roulement de l'école, il semble que nous ayons frôlé la catastrophe ! On ne peut prendre le risque de mettre l'institution en péril. Ses fournisseurs ne comprendraient pas que la représentation nationale ait pu agir de la sorte.

Monsieur le ministre, compte tenu des perspectives que vous offrez à l'école, et dans un esprit de responsabilité, je retire cet amendement (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Je remercie M. Giscard d'Estaing et l'ensemble de la commission des finances. Il est tout à fait enrichissant que les parlementaires aient un tel niveau d'exigence vis-à-vis des budgets ministériels. Cela correspond pleinement à l'esprit de la LOLF ! Au reste, je confesse que j'aurais sans doute dû m'employer à respecter plus scrupuleusement l'engagement pris devant vous l'an dernier d'associer très étroitement la représentation nationale aux réflexions sur le devenir de l'ENA. Nous aurions pu notamment améliorer la collaboration entre parlementaires et entrepreneurs au sein de la commission présidée par M. Yves Thibault de Silguy. Je rappelle en outre que le directeur de l'école a mandat pour conduire la réflexion sur un éventuel site parisien.

Je veux instaurer un partenariat permanent avec la représentation nationale et je m'engage à conduire cette démarche en toute transparence. Je vous remercie de votre confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Les amendements 7 et 11 sont retirés.

M. Denis Merville - L'amendement 4, que je co-signe avec M. Goulard, est moins prestigieux puisqu'il traite des CIRA. Au terme d'une trentaine d'années d'existence, les centres interministériels de renseignements administratifs ne remplissent pas toujours un service à la hauteur des attentes de l'usager. Compte tenu de la diversification des sources d'information et du développement des nouvelles technologies, le service aujourd'hui rendu par les CIRA ne justifie pas le maintien de moyens aussi conséquents.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial - La commission a adopté cet amendement... mais elle l'a fait un peu dans la précipitation ! (Sourires) Il tend en effet à supprimer de façon aveugle les moyens de fonctionnement des CIRA alors que les centres sont en pleine modernisation. Une telle décision risquerait de conduire à leur disparition et d'empêcher la mise en service du numéro d'appel généraliste, actuellement à l'étude. Contrairement à ce qu'avancent les auteurs de l'amendement, les CIRA ont un volume d'activité conséquent, le nombre d'appels ayant augmenté de 50 % par rapport à 2000, pour atteindre 2,2 millions par an. Rien ne permet donc d'affirmer que les prestations qu'ils fournissent ne sont pas conformes aux attentes des usagers.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat - Je crois comprendre que cet amendement vise surtout à appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité de moderniser les CIRA. Assurant une écoute de deuxième niveau, les centres ont vocation à répondre à des questions très ciblées. Las, les Français les connaissent mal et ignorent même souvent leur existence.

Comme vous le savez, les CIRA, sous l'impulsion du Gouvernement, sont en pleine modernisation. La première phase a consisté à mettre en réseau les centres, en s'appuyant sur les nouvelles technologies. Nous sommes maintenant à la veille d'une réforme majeure qui permettra à nos concitoyens, trop souvent victimes de la complexité des démarches et tout à fait perdus dans le labyrinthe des procédures, de mieux s'orienter. Je vais en effet inaugurer dans une quinzaine de jours, avec Jean-Paul Delevoye, un centre d'appel téléphonique intégré, fonctionnant à partir d'une base de données numérisées et donnant ainsi accès à tout ce qu'a fait « service public.fr » ainsi qu'à toutes les fiches questions-réponses excellemment rédigées par les CIRA. Le centre, qui va être expérimenté dans la région Rhône-Alpes et qui fonctionnera à partir d'un numéro unique, facile à mémoriser, permettra aux usager d'être orientés et sécurisés dans toutes leurs démarches en moins de trois minutes. Je crois qu'il n'est pas exagéré de parler de « big bang » du renseignement administratif. La réforme s'est faite grâce à l'engagement plein et entier des CIRA. Je souhaite donc que vous retiriez votre amendement.

M. Georges Tron, rapporteur spécial - L'information des citoyens est un objectif très important, qui justifie en effet le retrait de l'amendement.

M. Denis Merville - Compte tenu de la complexité des textes, l'information des administrés est en effet tout à fait nécessaire et il n'était pas dans nos intentions de l'amoindrir. Simplement, lors du débat en commission, nous n'avions pas tous les éléments d'information qui nous ont été donnés depuis. Puisque les CIRA se modernisent à ce point, je retire mon amendement. Mais il faudra assurer un suivi de cette modernisation et veiller à ce qu'elle réponde bien à la demande de nos administrés.

Les crédits de l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits de l'état C, titre IV.

ÉTAT C

Les crédits des titres V et VI sont successivement adoptés.

III - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Les crédits de l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits de l'état C, titre V

IV- PLAN

ÉTAT B

TITRE III

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial - J'aurais souhaité que l'auteur de l'amendement 5 le présente lui-même, étant donné que la commission l'a adopté contre mon avis.

Plusieurs députés UMP - Il n'est pas là. L'amendement n'est pas défendu.

M. le Président - L'amendement 53 2e correction n'est pas défendu non plus.

Les crédits de l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits de l'état B, titre IV, mis aux voix, sont adoptés.

ÉTAT C

Les crédits de l'état C, titre VI, mis aux voix, sont adoptés.

BUDGET ANNEXE DES JOURNAUX OFFICIELS

Les crédits ouverts à l'article 48 au titre des services votés, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits ouverts à l'article 49, au titre des mesures nouvelles.

II - SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE

Les crédits de l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits de l'état C, titre V.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat, ainsi que ceux des services du Premier ministre, du budget annexe des Journaux officiels et du secrétariat général de la défense nationale.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU VENDREDI 24 OCTOBRE 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093.)

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Rapport n° 1110.)

· Culture

M. Olivier DASSAULT, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 11 du rapport n° 1110.)

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Tome VI de l'avis n° 1111.)

· Ecologie et développement durable

M. Philippe ROUAULT, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 13 du rapport n° 1110.)

M. Christophe PRIOU, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Tome IV de l'avis n° 1112.)

M. Jean-Jacques GUILLET, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères.

(Tome V de l'avis n° 1113.)

· Equipement et transports ; article 77 ; budget annexe de l'aviation civile ; article 53

- Equipement et transports terrestres :

M. Hervé MARITON, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 20 du rapport n° 1110.)

M. François-Michel GONNOT, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Tome XIII de l'avis n° 1112.)

- Mer :

M. François LIBERTI, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 22 du rapport n° 1110.)

M. Jean-Yves BESSELAT, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Tome X de l'avis n° 1112.)

- Transports aériens :

M. Charles de COURSON, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 24 du rapport n° 1110.)

Mme Odile SAUGUES, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Tome XII de l'avis n° 1112.)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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