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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 16ème jour de séance, 40ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 29 OCTOBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PROJET ITER 2

SUPPRESSION D'UN JOUR FÉRIÉ 2

ASSURANCE DES MÉDECINS 3

REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ 4

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE 5

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
(suite) 5

JUSTICE DE PROXIMITÉ 5

CLASSES DE DÉCOUVERTE 6

AGENCES DE L'EAU 6

LUTTE CONTRE LE SIDA 7

AUGMENTATION DES LOYERS HLM 8

COMMISSIONS LOCALES
D'INFORMATION NUCLÉAIRE 8

CITOYENNETÉ EUROPÉENNE 9

COMMERCE EXTÉRIEUR 10

FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2004 (suite) 10

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 16

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

PROJET ITER

M. Richard Mallié - Monsieur le Premier ministre, en début d'année vous avez confirmé que la France était candidate pour accueillir le projet ITER à Cadarache, dans le pays d'Aix, dont la présidente, notre collègue Maryse Joissains-Masini, s'associe à ma question (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste).

L'Union européenne, la Russie, le Japon, les Etats-Unis, la Corée, le Canada mènent ensemble ce grand projet essentiel pour l'avenir énergétique de la planète et pour l'environnement. En région PACA, nous espérons très vivement que ce grand centre de recherche sera implanté à Cadarache, au bénéfice de l'économie et de l'emploi. Les ministres originaires de la région, l'ensemble des parlementaires et les collectivités territoriales se sont d'autant plus mobilisés que le Canada, le Japon et l'Espagne veulent également accueillir ITER. Mme Haigneré a défendu la candidature française. Mais l'Union européenne tarde à choisir entre les deux sites candidats en Europe, et nous craignons que les autres pays ne le fassent pour nous. Après huit ans d'effort depuis son lancement, lorsque Jean-Claude Gaudin dirigeait la région et était ministre de l'aménagement du territoire, si cet équipement nous échappait, ce serait une immense déception. Quand la décision va-t-elle intervenir ? Pouvez-vous réaffirmer solennellement votre engagement en faveur de la candidature française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je confirme devant la représentation nationale l'engagement de la France à agir avec détermination pour que ITER s'implante à Cadarache (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). C'est ce dont la France a besoin en ce début du XXIe siècle (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et il s'agit de 10 milliards d'investissement, apportés par l'ensemble des partenaires. La France a une carte à jouer et lors de chaque contact international par la voix du Président de la République, du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères, elle présente son dossier. ITER est un projet de fusion qui peut doter la planète de l'énergie dont elle aura besoin en 2050. Sur le plan technique et scientifique, la France est à la hauteur. Autour de Mme Haigneré, avec Mme Fontaine (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et l'ensemble des parties concernées, le Gouvernement est mobilisé. Les collectivités locales, de gauche comme de droite, ont déjà prévu 500 millions pour participer au financement de ce projet ambitieux pour toute la nation. La France du XXIe siècle ne doit être ni celle de l'arrogance ni celle du déclin, elle doit affirmer son goût de l'avenir en lançant des grands projets, comme le faisait en son temps le Président Pompidou. ITER, l'A380, le TGV Lyon-Turin...

M. Patrick Ollier et M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Premier ministre - ...Galiléo, le plan de lutte contre le cancer ou l'encouragement aux véhicules propres, autant de grands projets qui doivent mobiliser chercheurs, élus, industriels, toute la nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

SUPPRESSION D'UN JOUR FÉRIÉ

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Suite aux effets dramatiques de la canicule, il était question de supprimer un jour férié pour financer les mesures en faveur des personnes âgées. Mais vous ne cessez de tergiverser : un jour c'est oui, un jour c'est non, un jour on ne sait plus.

Il y a une différence fondamentale entre générosité et solidarité. Les Français sont naturellement généreux : ils donnent dans les quêtes publiques, et 75 % d'entre eux, selon un sondage, se disent prêts à verser l'équivalent d'une journée de travail pour de telles causes. Mais l'appel à la générosité s'adresse toujours aux mêmes. En revanche, la solidarité s'organise. C'est le rôle des pouvoirs publics et il existe nombre de solutions pour cela. Pour justifier la baisse d'impôts de 1,9 milliard, vous avez répété cent fois qu'il ne fallait pas décourager le travail. Mais supprimer un jour férié sans compensation, c'est taxer à 100 % le travail productif, pour un montant du même ordre. Seulement, la première mesure concerne les plus fortunés, la seconde les travailleurs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Or la solidarité doit impliquer tous les citoyens.

En second lieu, il sera très compliqué de mettre en application une telle mesure, laquelle risque en outre d'entraîner la suppression de 20 000 à 30 000 emplois. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Enfin, son apport financier serait très insuffisant pour prendre en charge les besoins des personnes âgées. Aussi le Parlement doit-il connaître les intentions réelles du Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président - La parole est à M. le ministre de la santé.

M. Michel Delebarre - Il n'est pas à la hauteur ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Nul n'en doute, il faut revoir la loi de 1975 sur les personnes handicapées. Le Gouvernement présentera avant la fin de l'année un projet relatif au droit à compensation du handicap. Cette solidarité nouvelle exige de nouveaux moyens. Nul n'en doute non plus, il faut mieux prendre en compte le vieillissement. Le maintien à domicile, les aides techniques demandent des moyens nouveaux. Dans les deux cas, se pose le même problème de la dépendance. Y faire face exige une grande réforme moderne. Le Gouvernement réfléchit (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) aux moyens nouveaux pour la mener à bien. Vous évoquez l'hypothèse de supprimer un jour férié. Elle est intéressante, puisque nos voisins allemands l'ont retenue. Elle n'est pas la seule.

M. Michel Delebarre - Deux jours fériés !

M. le Ministre - Certains ont proposé de reprendre un jour sur la réduction du temps de travail. Mais, en tout état de cause, cela ne suffit pas. La solidarité ne peut se limiter aux salariés et aux employeurs, elle doit concerner la nation toute entière. Lorsque la réforme aura été élaborée, le Premier ministre se prononcera donc (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Delebarre - Je l'avais dit, il n'est pas à la hauteur !

ASSURANCE DES MÉDECINS

M. Olivier Jardé - Grâce à la loi About sur la responsabilité civile professionnelle, tous les médecins français ont été assurés en 2003. Mais actuellement, plusieurs compagnies d'assurances dénoncent leurs contrats. Conscient du problème, Monsieur le ministre de la santé, vous avez mis en place le bureau central des tarifications. Cependant, les médecins souhaitent une solution définitive. Certains en viennent à ne plus exécuter certains actes pour diminuer leurs primes d'assurance, au détriment de la santé publique. Comptez-vous prendre des mesures pour que tous les médecins puissent soigner tous les malades sans se soucier du coût de l'assurance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Le droit de la responsabilité repose depuis plus de deux siècles sur le principe de la réparation. La loi du 4 mars 2002 a entériné la jurisprudence en ce sens et il n'est pas question d'y revenir. Reste qu'il faut trouver des solutions au problème que vous mentionnez, sinon certaines spécialités médicales risquent d'être déstabilisées.

Par la loi du 30 décembre 2002, nous avons assoupli les conditions contractuelles, en concertation avec les assureurs, qui, en contrepartie, avaient pris certains engagements qu'ils ne donnent pas le sentiment de vouloir respecter (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean Glavany - Quelle surprise !

M. le Ministre - M. Mer et moi-même avons demandé à l'Inspection générale des finances et à celle des affaires sociales un rapport sur le marché de la responsabilité civile des médecins et surtout sur le mode de calcul des primes d'assurances qui, pour le moins, paraît opaque. Les conclusions nous en seront remises début novembre. Le groupement temporaire d'assurance médicale devrait logiquement cesser ses activités à la fin du mois. Mais le bureau central des tarifications fonctionne. J'en appelle solennellement à la responsabilité des assureurs pour qu'ils remplissent leurs engagements. Nous suivons la situation régulièrement, et je puis vous assurer que les professionnels de santé et les établissements de soins seront assurés en 2004 comme ils l'ont été en 2003, tout simplement parce qu'il ne peut pas en être autrement (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ

M. Maxime Gremetz - Monsieur le Premier ministre, vous dites faire du social et être à l'écoute des plus fragiles. Prenez-vous les Français pour des demeurés ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Hausse du gazole, du tabac, du forfait hospitalier, déremboursement de médicaments, attaques sans précédent contre les chômeurs en fin de droits et contre les érémistes... En semant la colère sociale et la précarité, vous favorisez l'extrémisme !

Avec le RMA, vous réussissez le tour de force de mettre à la disposition de vos amis du Medef des salariés au SMIC qui ne leur coûteront que 325 € au lieu de 622 €. Le Baron Seillière (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) rêvait d'une main-d'_uvre à bon marché, digne du Moyen Âge. Avec le RMA, il l'a ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Il aura en effet à sa disposition un salarié qui ne lui coûtera pratiquement rien puisque nos concitoyens financeront le RMA par une nouvelle augmentation de l'impôt, départemental notamment. C'est scandaleux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Sous peine de se voir exclu du RMI, un érémiste sera obligé d'accepter n'importe quel emploi, sous forme de contrat de six mois renouvelable trois fois, sans formation et avec des droits sociaux limités. Par exemple, une année de RMA ne comptera que pour un trimestre du point de vue de la retraite ! Il est évident que le patronat favorisera le RMA au détriment de l'emploi durable. Jamais on n'a vu un tel cadeau au Medef !

Voilà donc votre conception de l'insertion : être taillable et corvéable à merci ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je comprends et partage la colère des associations. Et que dire des allocataires en fin d'ASS ! Vous leur promettez le RMA...

Plusieurs députés UMP - Ça suffit ! La question !

M. Maxime Gremetz - ...mais vous les trompez, puisqu'il leur faudrait d'abord percevoir le RMI. En fait, ils se retrouveront sans rien !

M. le Président - Je vous prie de poser votre question.

M. Maxime Gremetz - Allez-vous, Monsieur le Premier ministre (Protestations sur les bancs du groupe UMP), comme vous le propose Mme Boutin, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) suspendre immédiatement votre funeste projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste ; vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Fillon, en déplacement à l'étranger.

Au-delà de l'assistance et de la solidarité, les politiques sociales doivent être des politiques d'aide active à l'autonomie et à la responsabilité.

S'agissant du RMI et du RMA, le calendrier prévu sera respecté : au 1er janvier 2004, les préfets auront à préparer le transfert de compétence et mèneront avec les présidents des conseils généraux toutes les négociations utiles à cet effet. Techniquement, la gestion des paiements et l'instruction des demandes continueront d'être assurées par les CAF. Il n'y aura donc pas de risque pour les bénéficiaires du RMI. En ce qui concerne le RMA, on ne peut évidemment attendre des départements la même rapidité dans la mise en _uvre de la réforme. Mais le Gouvernement est persuadé qu'ils sauront se saisir de cet outil d'insertion professionnelle, qui correspond à un réel besoin (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste), pour compléter les actions d'insertion dans lesquelles ils se sont déjà largement engagés.

Quant à la réforme de l'ASS, je rappelle qu'elle ne produira pour l'essentiel son effet qu'au second semestre 2004 et qu'elle n'interviendra donc qu'au moment où le RMA sera pleinement opérationnel. Le Gouvernement acceptera du reste que, par amendements au projet de loi, le passage direct de l'ASS au RMA soit rendu possible.

Enfin, laissez-moi vous dire que le Gouvernement se conformera naturellement aux dispositions désormais constitutionnelles qui subordonnent toute décentralisation à la stricte compensation des charges transférées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation conduite par M. Rory O'Hanlon, président de la chambre des députés de la République d'Irlande (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

JUSTICE DE PROXIMITÉ

M. Emile Blessig - Monsieur le Garde des Sceaux, les juridictions de proximité, voulues par le Président de la République, ont été créées pour répondre au besoin de justice et d'accès au droit de nos concitoyens dans les petits litiges de la vie quotidienne et assurer ainsi une meilleure efficacité du service public judiciaire. Mais la mise en _uvre de cette réforme suscite quelques réserves parmi les magistrats. Dans ces conditions, il serait utile de faire le point sur la situation et d'informer la représentation nationale sur le nombre et le rythme des recrutements...

Plusieurs députés socialistes - Allô ?

M. Emile Blessig - ...ainsi que sur les modalités d'installation des juges de proximité dans les tribunaux d'instance et sur les améliorations procédurales envisagées (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Vous avez raison de rappeler que la création des juges de proximité a résulté du débat national que nous avons eu avec les Français il y a un an et demi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et correspond à un engagement du Président de la République en faveur d'une justice plus accessible et plus rapide.

Ces juges de proximité, dont j'ai accueilli la première promotion à l'Ecole de la Magistrature le 16 septembre, traiteront les petits litiges entre particuliers et certains petits délits.

Environ une trentaine, ils sont d'origines professionnelles très variées, même si tous ont, bien sûr, une formation juridique. Plus de cinq mille dossiers de candidature ont été retirés, 2 000 sont actuellement traités dans les cours d'appel et 1 000 seront transmis par elles à la Chancellerie avant la fin de l'année. Le rythme probable de nomination par le Conseil supérieur de la magistrature sera donc d'environ 150 par trimestre, ce qui devrait nous permettre d'atteindre l'objectif de 3 000 à la fin de la législature.

Il y aura naturellement des postes de greffiers et de fonctionnaires supplémentaires pour accompagner l'arrivée de ces nouveaux juges. Pour ce qui est des procédures, j'envisage notamment une simplification permettant au juge d'instance - en l'absence du juge de proximité - d'exercer sans autre formalité les fonctions de ce dernier.

Dans cette réforme, je suis le même fil rouge que depuis un an et demi : rendre la justice plus simple et plus accessible (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

CLASSES DE DÉCOUVERTE

Mme Béatrice Pavy - La Ligue de l'enseignement vient de célébrer le 50ème anniversaire de l'organisation de la première classe de découverte, et ce au moment où une étude diligentée par le ministère montre que, par rapport aux années 1994-1995, le nombre de séjours effectués dans ce cadre a diminué, de même que leur durée. A peine 10 % des élèves du primaire sont déjà partis en classe de découverte. Ces classes constituent pourtant des travaux pratiques très utiles sur le plan pédagogique, et permettent aux enfants d'en rencontrer d'autres, issus de territoires différents et n'ayant pas le même mode de vie. Les classes facilitent en particulier la compréhension entre le monde rural et urbain. Elles ont en outre une utilité sociale irremplaçable, dans la mesure où elles permettent à des enfants issus de milieux défavorisés de sortir du cadre familial et de construire des souvenirs inoubliables.

Comment le Gouvernement compte-t-il réagir à cette diminution ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Les classes de découverte ne sont pas une fin en elles-mêmes, mais un moyen de participer à certains apprentissages. Peut-être l'obsession des apprentissages fondamentaux a-t-elle fait oublier l'importance de ces classes, sur lesquelles en outre nous ne disposions pas d'une évaluation récente. Nous avons donc fait réaliser une étude et avons ainsi constaté que le nombre et la durée des séjours avaient diminué par rapport à la dernière évaluation, la moitié des séjours ayant une durée inférieure ou égale à cinq jours.

Nous avons constaté aussi que ces classes se recentraient désormais sur un environnement plus proche, et que les séjours à la montagne, par exemple, étaient évités comme plus risqués. Il faut dire que des mesures assez draconiennes ont été prises, depuis septembre 1999, en matière de sécurité, à la suite de divers incidents. Les professeurs se sentent donc peut-être peu encouragés à prendre des initiatives.

Nous allons donc relancer le processus, en incitant les inspecteurs d'académie à collecter des projets de qualité, en organisant des formations dans ce secteur, en encourageant les séjours dans un environnement plus diversifié et surtout en faisant avec les associations concernées un bilan et un projet communs. Je réunirai bientôt l'encadrement sur ce sujet. Il faut aussi que l'on s'efforce d'utiliser l'année scolaire de manière complète, et non pas seulement son second semestre.

Nous allons donc revivifier les classes de découverte. Si ce projet vous intéresse, Madame la députée, nous essaierons de vous y associer (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

AGENCES DE L'EAU

M. Daniel Vaillant - Depuis leur création en 1964, les Agences de l'eau prélèvent auprès des usagers - principalement des ménages - des redevances distribuées ensuite aux collectivités territoriales, aux industriels et aux agriculteurs pour lutter contre la pollution de l'eau et des milieux naturels.

Leur autonomie budgétaire était garantie jusqu'ici. Elle est aujourd'hui remise en cause. En effet, à la demande de Mme la ministre de l'écologie, les conseils d'administration des agences votent ces jours-ci des fonds de concours à l'Etat, pour environ 210 millions d'euros. Alors que l'on s'apprête, paraît-il, à inscrire dans la Constitution le droit à un environnement de qualité, on retire aux agences de l'eau les moyens d'appliquer ce principe, et ce contre l'avis des personnels, des élus de gauche et des consommateurs. D'ailleurs, le président du conseil d'administration de l'agence Rhin-Meuse a démissionné à l'issue du vote.

Bel exemple de mystification, alors que le Président de la République ne cesse de clamer son attachement à la protection de l'environnement. Quel manque d'intérêt pour nos concitoyens ! Ce sont encore les plus modestes qui paieront la facture !

Sur les 210 millions d'euros dont vous ponctionnez les agences de l'eau, 135 permettraient de financer l'ADEME - à laquelle vous coupez les vivres pour 2004. Le solde servirait à financer les dispositifs de dépollution dans les secteurs agricoles les plus productivistes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous remettez ainsi en cause le principe « pollueur-payeur ».

Allez-vous laisser les usagers et les élus locaux assumer vos choix budgétaires désastreux pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable - Je regrette votre ton inutilement polémique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). En effet, j'ai décidé d'activer la trésorerie des agences de l'eau (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui s'élève à 1 milliard d'euros, dont 574 millions placés en bons du Trésor ! J'ai demandé par fonds de concours un prélèvement de 210 millions sur la trésorerie des agences en veillant à ce que ce prélèvement leur permette néanmoins de mener à bien leurs projets, tels que consacrés par le huitième programme d'investissement. Cet argent, qui permettra également de continuer la baisse prévue des redevances des agences de l'eau, sera entièrement consacré à des politiques environnementales ayant une conséquences directe sur la qualité de l'eau : dépollution des nappes, traitement des déchets, traitement des inondations. Voilà une vraie politique environnementale, conforme à nos engagements : activer des crédits inutilisés en faveur de la protection de l'environnement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

LUTTE CONTRE LE SIDA

M. Alain Marty - J'associe à ma question M. Jean-Claude Lefort, président du groupe d'études sur le sida, ce qui prouve au passage que certaines causes transcendent les clivages politiques.

M. Gérard Charasse - Très bien !

M. Alain Marty - 45 millions de personnes sont touchées par le sida dans le monde, et l'on compte 6 millions de nouveaux cas par an. En France, entre 100 000 et 130 000 personnes sont séropositives, et 1 500 à 5 000 cas nouveaux se manifestent chaque année. Face à cette recrudescence de la maladie, il faut poursuivre avec force notre politique de prévention. Le rôle de l'Etat ayant été confirmé dans la loi de santé publique, quels moyens comptez-vous mettre en _uvre pour lutter contre ce fléau, à un moment où les associations s'essoufflent et la prévention se relâche ? N'est-il pas temps de faire de la lutte contre le sida une cause nationale ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Quant aux pays en développement, ils ont besoin de traitements et de prévention. L'engagement pris par le Président de la République de doter le Fonds mondial de 150 millions d'euros sera-t-il tenu ? Il y va de la parole de la France. Au-delà d'un problème de santé publique, il s'agit de la sécurité du monde et du développement de la planète (Applaudissements)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Rassurez-vous. C'est l'honneur de la France que de rester résolument engagée dans la lutte contre le sida.

Au plan international, conformément à la volonté du Président de la République, la participation de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida sera portée l'an prochain de 50 à 150 millions d'euros, et j'essaie de convaincre l'Union européenne de nous suivre dans cette démarche. En outre, et avec l'accord du Premier ministre, le ministère de la santé poursuit le programme de jumelage hospitalier entrepris par Bernard Kouchner.

Sur le plan national, l'Agence nationale de recherche contre le sida voit ses actions confirmées jusqu'en 2010. Par ailleurs, les efforts engagés dans le domaine thérapeutique font baisser la mortalité, mais dans une mesure encore insuffisante.

L'objectif fixé de par la loi relative à la santé publique est de baisser de 20 % l'incidence du sida en France dans un délai de cinq ans. A cet effet, la France met en place l'un des systèmes les plus performants du monde en matière de surveillance de l'infection par le VIH.

Enfin, la journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre, sera l'occasion d'une nouvelle campagne de prévention. Nous n'avons pas l'intention de relâcher notre attention (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

AUGMENTATION DES LOYERS HLM

M. Gérard Hamel - Monsieur le ministre de l'équipement et du logement, 10 millions de nos concitoyens, les plus modestes, vivent dans un logement social. Le Gouvernement fait déjà beaucoup pour le logement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), notamment au travers du plan Borloo dans les quartiers difficiles. Il serait cependant nécessaire que les pouvoirs publics contrôlent l'évolution des loyers décidée par les organismes HLM. En effet, les dépenses de logement constituent une part importante du budget des ménages. Or, si l'augmentation des loyers dans le secteur privé est limitée par l'indice du coût de la construction, les bailleurs du secteur HLM peuvent augmenter leur loyer de 10 % par semestre, soit 21 % par an. Quelles sont les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Je vous remercie de mettre l'accent sur ce problème si délicat et douloureux. Le Gouvernement précédent s'était engagé à sortir progressivement du gel des loyers. Or, dès 2001, les loyers du secteur HLM ont augmenté de 3,3 %, contre 2,7 % seulement dans le secteur libre. Le Gouvernement actuel ne saurait se satisfaire d'une situation qui pénalise les plus modestes, aussi ai-je interpellé l'Union sociale de l'habitat, afin qu'elle incite le réseau HLM à ne pas augmenter les loyers au-delà de l'indice INSEE. Je suis sûr que le secteur HLM répondra à cette invitation, mais j'ai néanmoins donné instruction aux préfets d'y veiller. Et j'ai bon espoir, car le secteur HLM est l'une des institutions dans lesquelles s'incarne la solidarité nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

COMMISSIONS LOCALES D'INFORMATION NUCLÉAIRE

M. Bernard Madrelle - Monsieur le ministre de l'économie, vous avez pris le 24 juillet dernier un arrêté aux termes duquel toutes les matières nucléaires et leurs connexions relèvent désormais du secret défense. Or, cette mesure n'est pas compatible avec l'activité des commissions locales d'information, créées par Pierre Mauroy en décembre 1981, et destinées à promouvoir un réel partage des responsabilités entre les collectivités locales, les régions et l'Etat, ainsi qu'à modifier les procédures d'information des populations et des élus.

La circulaire du 15 décembre 1981 précisait que le fonctionnement des CLI était conditionné par le respect du secret de la défense nationale et des impératifs de sécurité publique, tout en enjoignant au Gouvernement de limiter cette réserve au strict nécessaire. En imposant arbitrairement le secret défense, vous paralysez l'exercice des CLI, et vous portez ainsi atteinte au droit à l'information, alors qu'un projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité nucléaire est toujours en attente d'examen au Sénat. Avez-vous l'intention, soit de retirer cet arrêté, soit de rendre obsolètes les CLI ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur - Nous avons conscience de l'immense travail accompli par les CLI, et de l'importance de leur rôle. Je tiens à vous rassurer : il n'est pas question de remettre en cause la politique de transparence voulue par le Gouvernement dans le domaine nucléaire (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). C'est pourquoi, au début de l'année prochaine, nous vous soumettrons un projet de loi relatif à la transparence nucléaire, qui renforcera le droit d'accès à l'information.

Mais la transparence, l'information, le débat, sont une chose, la sécurité, la surveillance et l'ordre public en sont une autre. Un arrêté a donc était pris cet été par le Haut fonctionnaire de défense, afin de protéger certaines données permettant éventuellement à des personnes malveillantes de voler des matières nucléaires civiles ou militaires.

Néanmoins, la portée de cet arrêté a été sans doute mal interprétée. Nous avons donc demandé à son auteur d'en expliciter le dispositif aux associations et aux CLI.

Il s'est rendu à cette fin au comité d'orientation de La Hague, et se rendra à la conférence de l'association nationale des présidents de CLI le 26 novembre prochain.

De plus, nous lui avons demandé d'élaborer un nouvel arrêté précisant que seules les informations dont la divulgation est de nature à nuire à la protection des matières nucléaires seront couvertes par le secret défense (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

CITOYENNETÉ EUROPÉENNE

M. Bernard Schreiner - Le choix fait par la Convention sur l'avenir de l'Europe d'intituler son projet « Constitution » est porteur d'espoir et lourd de conséquences. Car créer une Constitution européenne, c'est reconnaître que nous sommes des citoyens européens, de même que nous sommes devenus des citoyens français lorsque la Révolution a doté la République d'une Constitution.

Nous sommes appelés aux urnes en juin prochain pour élire un Parlement européen dont les prérogatives sortent renforcées des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe.

Mais nombre de Français n'ont pas conscience de ces enjeux. Que compte faire le Gouvernement...

Plusieurs députés socialistes - Rien !

M. Bernard Schreiner - Certainement plus que vous n'avez fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Que compte faire le Gouvernement pour permettre à la France d'être à la hauteur de ce grand défi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - A l'heure de la Constitution européenne, l'Europe doit en effet se faire, mais au plus proche des citoyens.

M. Philippe de Villiers - Référendum !

Mme la Ministre déléguée - C'est d'ailleurs le sens de la régionalisation du mode de scrutin (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) voulue par le Gouvernement, et qui prendra effet pour les élections du 13 juin.

C'est aussi pourquoi nous nous réjouissons de plusieurs mesures prises dans le cadre du projet de Constitution : extension des compétences du Parlement européen, association directe des Parlements nationaux au contrôle du respect du principe de subsidiarité, droit d'initiative citoyenne qui permettra, si un million de signatures sont réunies, d'obliger la Commission à engager une procédure législative.

M. Arnaud Montebourg - Référendum !

Mme la Ministre déléguée - A la demande et sous l'autorité du Premier ministre, j'ai établi un plan d'action fondé sur la pédagogie, le civisme et les symboles, pour rendre l'Europe plus proche des citoyens.

Ainsi, une langue étrangère sera enseignée dès l'école primaire ; toutes les classes élémentaires bénéficieront en outre de cours d'instruction civique sur l'Europe ; les sections européennes seront multipliées, notamment dans les lycées professionnels.

Le Gouvernement a également décidé que serait délivré aux jeunes, à leur majorité, lors de la journée d'appel à la préparation de la défense, un livret du citoyen européen (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), dont le contenu sera défini en liaison avec Michèle Alliot-Marie.

Enfin, nous demanderons, avec Jean-François Lamour et Hamlaoui Mékachéra, que le drapeau européen figure sur les brassards de nos sportifs (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

COMMERCE EXTÉRIEUR

M. Claude Gatignol - S'il est un domaine où les entreprises françaises performantes doivent être présentes, c'est bien l'exportation. Mais la démarche est difficile. Il est donc important que le Gouvernement ait une action efficace d'information, de soutien et d'accompagnement, relayée par nos ambassades.

La majorité a voté la loi d'initiative économique, qui prévoit la création de l'agence UBIFRANCE pour aider le développement international des entreprises. Elle disposera de postes de VIE - volontaire international en entreprise -, formation stimulante qui débouche pour 70 % de leurs bénéficiaires, sur un CDI, et souvent sur un accès privilégié aux métiers internationaux.

Quel développement entendez-vous donner aux missions VIE ? Quand le décret d'application concernant UBIFRANCE sera-t-il publié ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur - Il est en effet essentiel de dynamiser notre commerce extérieur pour favoriser la croissance et l'emploi. Nous avons amélioré notre dispositif public avec la loi d'initiative économique et la création d'UBIFRANCE. Le décret d'application est actuellement au Conseil d'Etat et sera publié d'ici quelques semaines. UBIFRANCE apportera ainsi un soutien plus efficace aux PME, qui ne représentent qu'un tiers de nos exportations.

Il est également nécessaire de réorienter nos priorités géographiques. Si nous sommes très présents en Europe et en Afrique, nous devons accentuer notre effort en direction de l'Asie et des Amériques.

Enfin, nous devons donner aux jeunes le goût de l'international. Nous avons donc mis en place le dispositif VIE qui accueille actuellement 2 198 jeunes. Ils seront 200 à partir en novembre, et nous espérons doubler ce chiffre d'ici 2005.

Ce dispositif, d'une grande souplesse, permet aux jeunes de partir dans d'excellentes conditions et aux entreprises d'établir de nouvelles bases dans de nouveaux pays (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de Mme Mignon.

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2004 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Mme la Présidente - Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je voudrais faire un rappel au Règlement au titre de l'article 58, alinéa 1. La canicule dramatique que nous avons connue cet été a montré le grand besoin de prise en charge des personnes âgées. Les directeurs d'établissements spécialisés que nous avons reçus ont confirmé ce que nous pensions déjà : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ne contient aucune mesure nouvelle. Les 300 millions que le ministre a évoqués correspondent aux économies faites au titre du budget 2003 : 200 millions de crédits débasés et 100 millions supprimés sur le plan pluriannuel. Il n'y aura donc rien de plus en 2004 pour les maisons de retraite, les soins à domicile, le plan Alzheimer ou l'accueil de jour... Concrètement, aucune des mesures que vous avez annoncées dans le cadre du plan pour les personnes âgées ne pourra se mettre en place avant 2005.

Le drame douloureux que nous avons vécu nous a amenés à nous interroger sur la place des personnes âgées dans notre société et sur le regard que nous portons sur elles. A l'évidence, il faudra trouver des ressources supplémentaires - et je ne pense pas que cela se fasse par la suppression d'un jour férié. Mais il n'y a strictement rien dans ce projet de loi ! Nous nous devons d'alerter l'ensemble de la représentation nationale sur la situation. Nous ne pouvons prendre la responsabilité de ne rien faire cette année. Cela serait un rendez-vous manqué avec la société tout entière, et en particulier avec le personnel concerné, qui attend depuis des années des mesures améliorant la qualité de la prise en charge des personnes âgées - ce que j'avais commencé à faire.

Vous comprendrez donc qu'il est indispensable que le Premier ministre et le ministre de affaires sociales viennent s'expliquer sur ce qui sera fait concrètement en 2004 pour les personnes âgées - concrètement : nous ne nous contenterons pas d'effets d'annonce ! Je demande, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance de dix minutes pour que nous puissions réfléchir ensemble à notre réaction devant cette incapacité du Gouvernement à agir en faveur des personnes âgées.

Mme la Présidente - La suspension est de droit.

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 30.

M. Gérard Bapt - En attendant la réforme de l'assurance maladie, vous présentez un PLFSS qui tend à contenir le déficit à 10,9 milliards, après les 10,6 milliards qui devraient être constatés cette année. Pour colmater ce déficit abyssal, vous proposez deux séries de mesures disparates : des taxations sur les entreprises concernées, en contradiction avec votre affirmation qu'il n'est pas utile de remplir un panier percé, et des déremboursements de médicaments ou d'actes de médecine de ville, ainsi que l'augmentation de 22 % du forfait hospitalier, ce qui se traduira par une hausse des cotisations aux mutuelles, là aussi en contradiction avec votre refus affiché d'augmenter la CSG pour ne pas peser sur la consommation intérieure.

Il vous arrive de contribuer vous-même à l'aggravation de ce déficit abyssal : à preuve les dispositions de l'article 82 du projet de loi de finances, tendant à créer un forfait unifié de prise en charge des dépenses de CMU complémentaire. Déjà l'an dernier, par un amendement très tardif, vous aviez réalisé une économie de 32 millions en modifiant la date d'ouverture des droits et en contrôlant plus rigoureusement les déclarations de ressources, ce qui n'avait pas d'incidence sur l'assurance maladie.

Pour 2004, vous présentez une mesure d'économie globale de 117 millions, par transfert de 128 millions sur le budget de l'assurance maladie. En fait, vous voulez transformer les caisses primaires d'assurance maladie en assureurs complémentaires porteurs d'un risque financier, alors que ce n'est pas leur métier. Vous supprimez le remboursement des dépenses supportées par les caisses au titre des 85 % de dossiers CMU complémentaire qu'elles gèrent. Il s'agit bien de dépenses nouvelles pour l'assurance maladie, qui seront imputées au FNASS, ce qui réduira de 20 % l'action des caisses en matière de maintien à domicile, de développement des soins palliatifs ou d'éducation sanitaire, autant de reculs qui contredisent les priorités affichées par le Président de la République, par Mme Boisseau et par vous-même.

Je distingue là les prémices d'un basculement complet de la CMU complémentaire dans le champ assurantiel privé, et en fait le début d'une privatisation de l'assurance maladie. Vous souriez, Monsieur le ministre ? Ecoutez plutôt : la Commission européenne et la Cour de justice des Communautés n'exonèrent les caisses de l'application du droit de la concurrence qu'en raison de la mission de service public que leur confie l'Etat. Le basculement dont je parle pourrait bien entraîner l'application aux caisses des directives communautaires relatives à l'assurance. Il s'agit là du projet du Medef de mise en concurrence des caisses, des mutuelles et des assurances privées, en commençant par la CMU.

Au cours de la discussion du PLFSS pour 1999, vous aviez vous-même déclaré : « Pourquoi, puisque tout le reste a été essayé, ne pas introduire de la concurrence dans la gestion de l'assurance maladie ? ». Y sommes-nous aujourd'hui ? Voilà pour nous la question essentielle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Xavier Bertrand - Le vote du PLFSS prend cette année un relief particulier, entre la réforme des retraites et celle de l'assurance maladie. Les réformes, jusqu'à présent, n'avaient pas vu le jour. Nos prédécesseurs se sont contenté de commander des rapports, mais après les rapports sont venus les reports. Nous avions une croissance forte, nous n'avons pas eu les réformes.

En 2002, les Français nous ont donné un mandat clair : réformer le pays ; c'est ce que nous faisons. Le financement de la branche vieillesse traduit les dispositions de la réforme des retraites, menée avec une détermination sans faille et en trois temps : celui du diagnostic partagé, celui de la consultation, celui de la décision. A chaque étape, nous avons su prendre nos responsabilités, ce qui nous a permis de tourner le dos aux trois scénarios présentés par le COR : en 2040, faute de réforme, les futurs retraités devraient soit cotiser neuf ans de plus, soit payer jusqu'à 60 % de cotisations supplémentaires, soit voir baisser de moitié le montant de leurs pensions. Tout cela était inacceptable et la réforme permet de l'éviter.

La réforme a été guidée par l'impératif de sécurité ; plutôt que d'augmenter les impôts ou la CSG, comme le réclamait déjà le parti socialiste devenu partisan de la réhabilitation de l'impôt, nous avons choisi d'allonger la durée de cotisation, ce qui est le choix du bon sens...

M. Jean-Marie Le Guen - On en reparlera !

M. Xavier Bertrand - ...que prônait naguère Lionel Jospin lui-même.

La réforme répond ainsi à l'exigence d'équité dont les Français nous ont fait part, et qui consiste à prendre en compte des situations profondément injustes comme celles des retraités agricoles et des veuves, ou encore des handicapés.

L'article 27 a pour effet de revaloriser les pensions, avec une augmentation de 1,7 % supérieure de 0,2 % à l'inflation. Nous avions dit que la loi garantissait le pouvoir d'achat des retraités. Nous tenons notre engagement. La meilleure preuve du respect du principe d'équité se trouve dans la prise en compte des carrières longues. Ceux qui ont commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans, et qui incarnent la valeur du travail, pourront partir avant 60 ans. En 2001, en 2002, le sort de ces salariés avait été évoqué, à l'initiative des députés communistes. Mais le Gouvernement Jospin avait opposé une fin de non-recevoir. Aujourd'hui, cette revendication est devenue réalité. Déjà les partenaires sociaux ont ouvert une négociation pour adapter en conséquence le régime complémentaire.

Enfin la réforme se caractérise par la liberté et la souplesse, ce qui requiert une meilleure information. Le PLFSS dispose qu'un groupement d'intérêt public sera mis en place à cet effet, première étape vers un service national d'information sur les retraites.

Cette réforme des retraites permet d'assurer le financement de la branche vieillesse de la sécurité sociale, à côté d'une politique familiale ambitieuse.

Dans l'action politique, il est important de dire ce que l'on va faire, de faire ce que l'on a dit, et surtout d'assurer ses choix. C'est ce que nous avons fait avec la réforme des retraites, c'est ce que nous ferons pour celle de l'assurance maladie. Rien ne serait pire que l'immobilisme. Nous avançons...

M. Jean-Pierre Blazy - En arrière !

M. Xavier Bertrand - Dans ces vrais défis de société, vous pouvez compter sur notre soutien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Blazy - La crise sanitaire de l'été a mis en évidence la gravité de la situation à l'hôpital public. La solution du problème relève d'une politique globale de santé.

A l'hôpital public, la paralysie menace en raison d'une pénurie de personnels. Cette question est aujourd'hui largement médiatisée à travers celle des urgences qui se pose depuis plusieurs années, comme vient de le rappeler le docteur Pelloux.

Il manquerait près de 10 000 infirmiers dans les hôpitaux, du fait des départs en retraite plutôt que de la RTT. Sur ce dernier point, les créations d'emplois nécessaires avaient été prévues, et le gouvernement précédent avait déverrouillé le dispositif de formation des personnels infirmiers, les postes passant de 18 000 à 25 000 en 2000 et à 30 000 cette année (Rires sur les bancs du Gouvernement). Mais le temps de formation d'une infirmière est d'au moins trois ans. De plus, au-delà d'une simple crise conjoncturelle, il existe une crise des vocations, qu'il faut traiter en partenariat avec l'Education nationale, de façon à intéresser les jeunes, et à les attirer par une communication très active.

Il y a également pénurie de médecins, en raison du malthusianisme avec lequel le numerus clausus a été fixé à la fin des années 1970 par les politiques et par la profession. Actuellement, nombre de médecins étrangers exercent en France, et dans certains pays du sud nos consulats organisent même des concours de recrutement ! Il manque plus de 3 000 médecins dans les hôpitaux, surtout des spécialistes. La situation a peut-être été aggravée par la mise en place de la RTT en 2002, mais surtout par celle de la directive relative au temps de travail que vous vous êtes engagés à appliquer dès janvier 2003. Selon le rapport du professeur Berland, le nombre de médecins baissera de 20 % d'ici à 2020. Que comptez-vous faire ? Il est à craindre que les événements comme ceux de Saint-Affrique se multiplient.

Enfin, nous manquons d'aides soignantes, de masseurs kinésithérapeutes et de manipulateurs radio - au point que l'IRM récent de l'hôpital de Gonesse ne peut fonctionner.

Je souligne enfin la situation grave des hôpitaux publics d'Ile-de-France sur laquelle nous alerte le président de l'URIF, Yves Tavernier. L'assainissement nécessaire après six ans de péréquation interrégionale n'a pas eu lieu et l'ARH a amputé de nombreux crédits en 2003. Elle a ainsi amputé de 100 millions les crédits du fonds de modernisation des établissements de santé et des aides d'urgence accordées aux établissements d'Ile-de-France. La situation financière des hôpitaux franciliens s'est dégradée en 2003 comme celle de l'Assistance publique. Mais cette dernière bénéficiera d'une aide, conditionnelle et étalée, de 230 millions. Il serait logique que les hôpitaux bénéficient de même d'une aide pour solder les comptes du passé. Les événements de l'été et la fuite de personnel qualifié vers la province montrent que notre région a besoin d'un traitement adapté, en prenant en compte dans le nouveau régime tarifaire le surcoût structurel de 10 %.

Sur ces questions, il faut de véritables engagements. Après la mort de 15 000 personnes âgées cet été, votre projet nous inquiète. Vous laissez s'aggraver le déficit de la sécurité sociale et l'ONDAM nous paraît insincère. Surtout, votre avant-projet de réforme de l'assurance-maladie nous fait redouter le pire. Rassurez-nous. Le système de santé est aussi un des fondements du contrat social, comme le dit le Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Marc Bernier - Le vieillissement de la population affecte notre système de santé : maintenir le niveau de vie des personnes âgées et leur prodiguer les soins nécessaires a coûté 136 milliards en 2002. Or, de 16 % de la population aujourd'hui, les plus de 65 ans devraient passer à 21 % en 2020 et à 29 % en 2050.

Les personnes âgées sont en meilleure santé qu'autrefois. Mais les dépenses de santé augmentent néanmoins avec l'âge, en particulier après 80 ans.

Le Gouvernement a pris de nombreuses mesures pour veiller à la rationalité de ces dépenses, faciliter l'accès des personnes âgées aux prestations de santé à domicile et moderniser les réseaux sanitaires.

Il est essentiel, naturel, humain, de maintenir les personnes âgées dans leur cadre familial, comme elles le désirent pour la plupart. Encore faut-il que les soins soient adaptés. Aussi avez-vous pris un certain nombre de mesures pour coordonner les structures, les services et les financements, de l'APA à la constitution des coordinations gérontologiques locales. Cela suppose également des travailleurs sociaux en nombre suffisant, leur formation, et le partenariat entre les équipes médico-sociales et les associations.

Une trentaine de réseaux gérontologiques bénéficient de financements du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville. Mais il est regrettable que l'on ne s'occupe que de façon très marginale de l'adaptation de l'habitat. Souvent, c'est ce qui rend le retour à la maison impossible après un séjour hospitalier, obligeant à un placement précipité en maison de retraite. Je vous suggère donc de rendre obligatoire, par voie réglementaire, un volet logement dans les schémas gérontologiques départementaux ; d'élaborer un programme expérimental d'adaptation de l'habitat en vue du retour à domicile des personnes âgées ; de créer des fonds départementaux d'aide d'urgence pour les personnes âgées sortant de l'hôpital.

Votre politique tend de plus en plus à une prise en charge cohérente de la dépendance laissant le choix entre le maintien à domicile et l'entrée en établissement. Pour rester viable face au vieillissement, notre système de soins doit moderniser ses méthodes et économiser des prestations coûteuses qui, de surcroît, ne sont pas toujours conformes aux attentes. Moderniser l'assurance maladie et améliorer la prise en charge des personnes âgées tout en maîtrisant les prélèvements obligatoires sont vos priorités. Convaincu de votre détermination à sauver notre système de protection sociale, je voterai ce texte avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Simon Renucci - Présenté à mi-mandat, ce projet permet de juger de votre action. Or pas plus que celui de l'an dernier, il n'assure le financement de la sécurité sociale, dont le déficit passe de 9 à 11 milliards . Et la situation de l'assurance maladie est pire encore.

Peut-on accepter deux budgets successifs « de transition » ? Ce ne serait pas sérieux. Plus on attend pour traiter les causes, plus ce sera douloureux pour les Français. Dès lors, était-il nécessaire d'évaluer encore et d'attendre de nouveaux rapports ? Vous en chargez le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, dont le Premier ministre a bien affirmé l'orientation libérale en parlant des mécanismes personnalisés qui doivent venir renforcer les mécanismes de solidarité.

Faire appel à la responsabilité individuelle n'est pas en soi critiquable. Mais en l'occurrence, c'est un pas vers la privatisation de l'assurance maladie, à l'opposé des principes de solidarité et d'égalité. Nous devons alerter les Français, car la sécurité sociale est le symbole de la cohésion sociale. Laisser entendre que face à la souffrance, face à l'ultime échéance, les êtres humains seront traités différemment selon qu'ils auront fait preuve ou non de « responsabilité individuelle » est effrayant. Nous touchons ici, en quelque sorte, au sacré.

Or l'on s'oriente vers une protection sociale à trois vitesses. D'abord, la solidarité nationale financée par l'impôt garantira une protection minimale aux plus démunis, avec par exemple la couverture médicale généralisée, même si cette année la participation de l'Etat est devenue forfaitaire. Ensuite, l'assurance de base sera toujours assurée dans le cadre du travail, même si les risques seront moins bien couverts comme on le voit avec les déremboursements de médicaments et l'augmentation du forfait hospitalier. Enfin, les individus souscriront de plus en plus des assurances complémentaires dans un cadre concurrentiel. On passe ainsi d'une protection sociale universelle à une protection sociale reposant sur la discrimination, fût-elle dans certains cas positive.

La charge contre la sécurité sociale est donc bien idéologique.

Sans doute l'augmentation des dépenses est-elle inéluctable. Mais le nécessaire contrôle ne doit pas porter atteinte à l'égalité d'accès aux soins et à leur qualité. Par ailleurs, on peut estimer que la société ne veut plus ou ne peut plus prendre à sa charge telle dépense, ou l'on peut choisir de dégager de nouveaux moyens en répartissant autrement la richesse nationale, et faire des acteurs de santé de vrais partenaires responsables.

Les Français sont prêts à l'effort, j'en suis convaincu, mais à condition qu'il soit justement réparti.

Le préambule de 1946 pose le principe d'universalité de la protection sociale. Avec Mme Génisson, j'ai donc déposé un amendement à l'annexe du projet qui réaffirme solennellement que jamais l'assurance privée ne devra couvrir les dépenses du régime de base. Je garde l'espoir, Monsieur le ministre, que vous défendez ce principe, car sans égalité, il n'y a pas de justice sociale, et sans justice sociale, il n'y a pas de fraternité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Door - S'agissant du bien le plus précieux dont chacun dispose, en l'occurrence la santé, il est normal que le Gouvernement s'impose un délai d'un an pour préparer, dans la concertation, la modernisation du régime de l'assurance maladie. C'est la seule démarche à même de parvenir à un projet partagé sur ce sujet difficile. L'assurance maladie a vu se multiplier les plans de sauvetage depuis plus d'un quart de siècle, mais aucun n'a produit de résultats durables. On peut à cet égard regretter l'incurie du précédent gouvernement, qui, pendant cinq années, se félicitait du retour à l'équilibre des comptes grâce aux recettes, mais qui n'a rien fait pour maîtriser les dépenses. Dans l'attente du débat de l'an prochain, vous prenez dans ce PLFSS quelques mesures d'urgence et vous traitez, à l'article 31, le problème des affections de longue durée, dont le nombre a fortement augmenté puisque ce sont désormais 5,7 millions de personnes qui sont touchées par ces affections. En 2001, sur le territoire métropolitain, les ALD représentaient environ 12 % de la population totale du régime général.

Après 75 ans, pratiquement une personne sur deux est en ALD, avec prise en charge à 100 % normalement pour l'affection en cause. Face à cette situation, l'objet de l'article 31 revu et corrigé est de médicaliser les critères d'exonération du ticket modérateur et de prédéfinir le périmètre des soins considérés comme particulièrement nécessaires au traitement de l'affection concernée. L'appréciation médicale et le protocole de soins sur la base desquels sont déclenchés l'exonération doivent bien entendu être précisés au départ, mais aussi suivis dans la durée, car chaque professionnel a eu connaissance d'exonérations pour ALD qui se poursuivaient durant des années, alors que le motif médical n'était plus de mise.

Il faut savoir que les malades en ALD sont à l'origine de 62 % de l'augmentation des dépenses de soins de ville et de 75 % de l'évolution de la dépense totale des médicaments en 2001. Entre 1995 et 2001, leur nombre a progressé de 6,4 % par an en moyenne et la tendance à l'accroissement des effectifs n'a fait que s'accentuer au fil des ans.

Ce sont les admissions au titre du diabète qui ont augmenté le plus rapidement, avec un taux de croissance annuel moyen d'environ 10 %. Viennent ensuite les maladies cardio-vasculaires, les tumeurs malignes, les psychoses et autres troubles de la personnalité.

Je me félicite que l'information du patient sur le périmètre des soins considérés comme liés à son affection et médicalement justifiés soit désormais reconnue comme un droit.

Autre amélioration notable : les recommandations du Haut comité de la sécurité sociale auront désormais un caractère opposable et pourront être invoquées par le patient en cas de différend avec les caisses.

Le protocole de soins facilitera quant à lui la compréhension par le médecin - qui peut ne pas être le médecin traitant l'ayant élaboré - du plan de soins du patient : le patient remettra ce protocole à son médecin, lors de chaque consultation, de façon que la stratégie thérapeutique et la gestion de sa pathologie soient correctement signalées et respectées.

L'article 31 donne une base législative claire à ce protocole, ce qui paraît légitime pour un dispositif de prise en charge qui concerne plus de 5,7 millions de personnes et représente plus de 60 milliards d'euros de dépenses.

Pour toutes ces raisons, je soutiendrai et voterai ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain, une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

Mme Muguette Jacquaint - « Un plan d'économies de bric et de broc », « la Sécu tout au fond du trou », « Panique sur les finances de la sécurité sociale », « Remèdes escamotés », voilà un bref florilège des compliments adressés par la presse à ce projet, qui a, comme le Gouvernement, un double visage, dans la mesure où il est à la fois indigent et destiné à faciliter une réforme structurante.

Vous pensez en effet, Monsieur le ministre, qu'en laissant filer le déficit, il sera ensuite plus facile de faire accepter par nos concitoyens une privatisation rampante de la protection sociale et de nouveaux sacrifices.

Nous considérons quant à nous que certes la protection sociale a besoin d'une réforme qui lui permette de poursuivre sa mission dans l'esprit de sa création - à savoir : chacun participe selon ses moyens et l'utilise selon ses besoins - et qu'il faut certes se donner le temps de la concertation, mais que cela n'empêchait pas de chercher dès maintenant des recettes nouvelles afin d'engager ensuite la réforme sur des bases financières plus saines.

L'année 2002 a été marquée par le retour des déficits après trois années d'excédents. La faiblesse de la croissance, due largement aux choix budgétaires et sociaux du Gouvernement, a en effet provoqué un net ralentissement de la progression des recettes, alors que dans le même temps les dépenses d'assurance maladie augmentaient beaucoup plus fortement que par le passé.

Si les branches famille et vieillesse ont conservé une situation excédentaire, la branche maladie a donc vu, elle, son déficit se creuser pour atteindre 6,1 milliards en 2002.

Ce déficit pourrait atteindre 11 milliards d'euros en 2003, selon la Cour des comptes. Au total, les déficits cumulés de la branche maladie depuis 1997 pourraient approcher les 29 milliards d'euros. Devant l'ampleur de ce déficit, on ne peut se contenter de simples mesures correctrices comme celles que soutient ce PLFSS.

La vraie question est de savoir s'il y a un excès de dépenses ou une pénurie de recettes.

En vérité, vous instrumentalisez le déficit, dont la dérive vous permettra de présenter comme inévitable une réforme menant à des droits amoindris pour les assurés sociaux. Pour masquer la man_uvre, vous prônez des mesurettes destinées à colmater les fuites. Ce sont d'ailleurs les assurés qui en supportent l'essentiel du coût.

Nous pensons quant à nous qu'il y a surtout une crise du financement de la protection sociale et que les assurés sociaux, contrairement à ce que le Gouvernement veut faire croire, n'en sont pas responsables.

Le coût du travail serait trop élevé, nous répète-t-on, les charges trop lourdes !

C'est surtout la crise économique qui a conduit à la crise du financement de la sécurité sociale, notamment de la branche maladie. En effet, assis sur les cotisations en fonction des salaires, le financement a subi la montée du chômage et les exonérations de charges sur les bas salaires. Le taux de cotisation employeur au niveau du SMIC est ainsi passé, en dix ans, de 30,2 % à 4,2 %. La part du financement de la sécurité sociale ne cesse de diminuer alors que les effets positifs de ces allégements restent à démontrer.

Alors qu'il s'élevait à 6,27 milliards de francs en 1992, le déficit de la branche maladie explose en 1993, jusqu'à atteindre 31,5 milliards en 1994, puis 39,7 milliards en 1995 et 35,9 milliards en 1996. Il régresse ensuite, au prix de nombreuses restrictions de dépenses et de sacrifices, toujours pour épargner le patronat et la finance. Rappelez-vous le discours de l'époque « trop de médecins », « trop d'infirmières », « il faut fermer des lits ». On y est parvenu !

Le déficit de notre système de santé est à imputer à l'insuffisance de recettes plus qu'à la montée des dépenses. Par ailleurs, le dépassement systématique de l'ONDAM depuis 1998 est révélateur de la défaillance des instruments et procédures de régulation, ainsi que des actions structurelles sur les comportements des professionnels, des patients et de l'organisation des soins. J'entends le ministre délégué à la famille siffler...

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - D'admiration !

Mme Muguette Jacquaint - J'y vois, pour ma part, un manque de respect.

Le déficit traduit l'échec de la réforme fondée sur la maîtrise comptable des dépenses. Souvenons-nous du livre blanc sur le système de santé et d'assurance maladie présenté en 1994 par Raymond Soubie qui conditionnait le maintien de l'assurance maladie à la réduction des prélèvements obligatoires, notamment des prélèvements sociaux à la charge des entreprises.

Le plan Juppé a repris le raisonnement en augmentant massivement les prélèvements sur les salaires, en réduisant les prestations et en diminuant les cotisations patronales, censées peser sur l'emploi.

Depuis 1994, les plans de réforme du système de santé s'articulent autour de mesures d'économie et de réformes structurelles pour institutionnaliser la maîtrise comptable des dépenses de santé, sans succès. En effet, si le taux de croissance des dépenses de santé s'est réduit à la suite des mesures du plan Veil de 1993 et 1994, et du plan Juppé de 1995 et 1996, il a repris de plus belle à partir de 1998.

Depuis 1996, en application de la loi Juppé, un objectif national de dépense assurance maladie est fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale, mais est régulièrement dépassé. Ainsi, en 2002, les dépenses d'assurance maladie ont augmenté de 7,2 % au lieu des 3,5 % prévus.

Il est en effet impossible de décréter un taux directeur des dépenses publiques de santé, responsable de surcroît de l'asphyxie des hôpitaux publics. Le numerus clausus a provoqué une carence des médecins et des professionnels de santé. Il importe, surtout après l'application des trente-cinq heures, de créer de nombreux emplois qualifiés et de former de futurs médecins.

Des réformes sont incontournables, mais l'influence du Medef vous incite à prendre des mesures régressives. Votre projet de loi ne prend pas la mesure du défi. Pis, il fait peser sur les assurés sociaux l'essentiel de ses réformes.

Concernant les recettes, alors que des solutions devraient être trouvées dès cette année, vous vous contentez de colmater les brèches, en choisissant soigneusement les poches dans lesquelles vous puisez. Vous relevez ainsi le forfait hospitalier.

Pour sauver la face, vous majorez quelques taxes et contributions à la charge de l'industrie pharmaceutique. Vous augmentez le prix du tabac, sans certitude quant aux effets de cette mesure, du fait de la chute des ventes et du développement du marché parallèle.

De même, vous incitez les caisses d'assurance maladie à améliorer le recours contre les tiers, autrement dit à réclamer systématiquement à l'auteur d'un accident ou à son assureur le remboursement des frais médicaux engagés par la victime. Gain attendu de la mesure : cent millions d'euros.

Par ailleurs, vous cherchez à réaliser des économies sur l'assurance maladie, mais toujours aux dépens des assurés sociaux : restriction des ALD, chasse aux arrêts de travail, déremboursement des médicaments, restriction des soins remboursables, définition d'un panier de soins, à quoi s'ajoute la réforme du financement des établissements de santé avec la tarification à l'activité, que vous voulez appliquer avant même de nous avoir présenté un bilan des expérimentations en cours.

Il s'agit là d'une réforme lourde de conséquences. Les établissements de santé ne relèveront plus ainsi de la sphère sanitaire mais de la sphère économique.

De centres de coûts, ils deviendront centres de profits. Ils ne seront plus abondés en fonction des objectifs de dépenses pour satisfaire la population, mais ils seront dotés d'un financement calculé en fonction de leurs recettes. Or, ces recettes seront elles-mêmes le résultat d'une évaluation moyenne nationale des tarifs de prestations de soins effectués par tous les établissements de santé, qui seront donc confrontés à une réduction et non à une rationalisation de leurs ressources, laquelle provoquera une catastrophe sociale. L'expérience allemande montre que le budget des hôpitaux a ainsi diminué parfois de 70 %. Dans ces conditions, la seule variable immédiate étant le personnel, l'équilibre de votre budget ne sera possible que grâce à des suppressions d'emplois.

Les établissements de santé seront également confrontés à un dilemme : ou ils acceptent l'endettement en dispensant les soins utiles à la population, ou ils se spécialisent dans les soins qui assureront des recettes maximales pour équilibrer leurs comptes. Les établissements désireux de réaliser des profits, quant à eux, se spécialiseront dans les secteurs les plus rentables.

Les établissements de santé cherchant à avoir un minimum de retour sur investissement, la conséquence en sera la sélection des malades selon les pathologies, comme le montre l'expérience anglaise.

Cette nouvelle technique de gestion risque de peser sur le réseau sanitaire. Si l'on peut espérer une spécialisation des établissements selon les régions où la densité de population permet une rentabilisation des investissements, lorsque cette densité ne sera pas au rendez-vous, les établissements risquent de cesser leur activité. Dès lors, c'est au détriment des régions les plus pauvres que la tarification à l'activité se mettra en place.

Cette spécialisation risque de se faire également selon la qualité des prestations médicales. Les établissements se livreront ainsi une guerre des salaires pour attirer les meilleures compétences et les meilleurs matériels. Les files d'attente grossiront à l'entrée de ces établissements quand les autres verront leurs demandes d'admission chuter.

Quant au reste de votre projet, rien sur la branche « accidents du travail et maladies professionnelles ». Vous vous contentez de reconduire les dotations aux différents fonds d'indemnisation. Qu'advient-il de la réparation intégrale ? Or, le risque d'accident par heure travaillée est toujours présent. La durée moyenne des arrêts de travail pour incapacité temporaire s'est accrue tandis que le nombre de maladies professionnelles a augmenté - selon la CNAM, 35 919 en 2002 contre 34 000 en 2001, alors même que les sous-déclarations sont en outre nombreuses.

Un ouvrier de 35 ans sur quatre mais un cadre sur dix seront morts à 65 ans ; 25 % des mises en invalidité sont dues à des maladies psychiatriques liées au travail, de même qu'un tiers des suicides.

Votre texte sur la santé publique met volontairement de côté l'entreprise. Vous avez d'ailleurs refusé toutes nos propositions, notamment l'élection d'un délégué santé dans toutes les entreprises dépourvues d'un CHSCT.

Concernant la branche vieillesse, rien non plus. Les inquiétudes montent pourtant quant aux projets de décrets d'application de la réforme, et en particulier quant au décret relatif au dispositif de cessation anticipée d'activité pour les salariés qui ont commencé à travailler très jeunes.

S'agissant de la branche « famille », la prestation d'accueil du jeune enfant est loin de correspondre à la réforme attendue.

Est-il normal d'avoir pour seul objectif la stabilisation d'un déficit ? Cette stratégie idéologique vise à la privatisation de la sécurité sociale. Le déficit de l'assurance maladie fournit un alibi majeur.

Ainsi, dans un document diffusé en novembre 2001, « Pour une nouvelle architecture de la sécurité sociale », le Medef affirmait que notre système de santé était à bout de souffle, que ses dépenses dérivaient en permanence, et ceci bien avant que le déficit de 2002 n'ait été connu.

Ce document témoigne du retour en force des postulats libéraux. Il faudrait limiter les dépenses publiques, accroître la part des dépenses à la charge des ménages, ceux-ci ne pouvant alors se couvrir que par l'assurance privée.

N'est-ce pas ce qu'a exprimé le Premier ministre lors de l'installation du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ?

La multiplicité d'opérateurs de soins mis en concurrence permettrait d'obtenir un meilleur rapport entre le coût et l'efficacité des soins. Il s'agirait donc de favoriser une double concurrence entre les assureurs et entre les soignants.

Le panier de soins constitue le détonateur de ce projet. Il s'articule entre les soins couverts par une couverture de base et les soins assurables par le secteur privé. Dès octobre 2002, vous avez du reste nommé M. Chadelat à la tête d'un groupe de travail chargé de réfléchir sur les conditions d'un nouveau partage de responsabilité entre l'assurance maladie de base et l'assurance complémentaire.

Le Premier ministre s'interrogeant sur l'étendue de la prise en charge en cas de fracture due à un accident de ski ou à une chute dans la rue s'inscrit dans la même démarche.

Instaurer un panier de soins revient à dresser une liste limitative, périodiquement modifiée par le Parlement, des soins pris en charge par l'assurance maladie de base. La couverture des soins hors panier imposerait la souscription d'une assurance complémentaire santé, mais il ne s'agirait plus comme maintenant de prendre en charge un ticket modérateur, mais les soins eux-mêmes dans leur intégralité ! Ce système aboutirait à une sorte de couverture universelle généralisée minimale, réduite à la composition du panier de soins. Ce projet ne peut être annoncé sans détour, mais les argumentations en sa faveur en deviennent paradoxales. Elles font appel au sens des responsabilités des usagers, afin de les convaincre que la limitation des dépenses de santé remboursables est une nécessité. Cela résonne comme un écho aux propos du Premier ministre...

La notion de panier de soins est ambiguë. L'Organisation mondiale de la santé a relevé que son instauration, si elle permettrait, dans les pays en développement, l'instauration d'une couverture minimale des soins, représenterait pour les pays européens une régression sensible. Dans le même temps, le fameux accord général sur le commerce des services de l'OMC encourage la promotion d'assurances maladie privées dans tous les pays industrialisés... On voit ici la convergence éminemment redoutable d'une couverture santé socialisée minimaliste et des assurances privées, autrement dit l'apparition d'un système de santé à deux vitesses...

La méthode du panier de soins peut revêtir des formes diverses, le dénominateur commun se réduisant à la volonté de limiter les dépenses de santé remboursables. Séparer la couverture de base et les soins couverts par une complémentaire constitue la méthode la plus simple. Le Medef propose ainsi, en s'appuyant sur le modèle néerlandais, une dichotomie entre gros et petit risque de santé - soutenue également par l'ex-ministre des affaires sociales et président de l'UMP Jacques Barrot. Une autre méthode consiste à définir, par pathologie, le montant des soins pris en charge par la couverture de base. L'existence des références médicales opposables fournirait une base prétendument objective, puisqu'elles visent à déterminer un coût de traitement socialement légitime pour chaque pathologie. Nombre de médecins ont d'ailleurs tenté de résister à la logique des RMO à l'époque du plan Juppé. Mais cela ne vous a pas empêchés de calquer la réforme des hôpitaux sur cette logique...

C'est vers une assurance maladie à trois étages que tend le rapport Chadelat. La couverture de base prendrait en charge des tickets modérateurs et un certain nombre de soins à 100 %, mais selon une liste limitative. La couverture complémentaire de base, définie par les pouvoirs publics, comprendrait également l'aide à l'accès à une complémentaire proposée par le Gouvernement. Enfin, des contrats privés d'assurance maladie personnalisés couvriraient les dépenses restantes. Cette diversité va de pair avec un système à plusieurs vitesses.

On voit bien que la notion de panier de soins porte des coups très graves à l'assurance maladie.

M. Yves Bur - Il ne faut pas exagérer !

Mme Muguette Jacquaint - Sous couvert de responsabilisation, terme qui revient souvent dans la bouche du Président de la République, on veut faire augmenter la part des dépenses couvertes par les complémentaires de santé. Certains imaginent même une participation directe des assureurs privés dans la gestion de la couverture de base, reprenant le vieux rêve de Claude Bébéar consistant à gérer l'assurance maladie dès le premier franc. C'est ce qu'on appelle la gouvernance...

M. François Goulard, rapporteur pour avis de la commission des finances - La délégation de service public n'existe-t-elle pas ?

Mme Muguette Jacquaint - Il affirmait que l'augmentation des dépenses rend nécessaire une distinction claire entre les charges assumées par la collectivité et celles qui relèvent de la responsabilité individuelle - en d'autres termes, le panier de soins et les complémentaires santé... Le Premier ministre, le 13 octobre, a repris la problématique en ces mêmes termes. Faut-il y voir un signe ? La gestion de la couverture de base universelle devrait revenir, selon le Medef, indifféremment aux caisses d'assurance maladie, aux mutuelles, aux institutions de prévoyance et aux assurances privées. Les salariés seraient inscrits d'office au contrat de groupe de leur entreprise, qui l'aurait choisi sur appel d'offres. Quant aux non-salariés, ils auraient le choix de l'organisme d'affiliation, comme pour la CMU actuelle. On ferait ainsi tomber le monopole des caisses primaires d'assurance maladie et on remettrait en cause l'existence même de la CNAM... Les organismes d'affiliation recevraient un forfait par personne inscrite.

En insistant sur la couverture de soins à 100 %, vous tentez de faire croire que le panier de soins favorisera l'accès aux soins, mais vous organisez parallèlement la baisse des dépenses de santé ! Le mirage de la couverture intégrale masque une réduction drastique des dépenses socialisées commandée par l'organisme patronal. Souvenons-nous de vos premières préoccupations, Monsieur le ministre, à votre arrivée : vous disiez que contenir les dépenses de santé dans le budget des ménages était inéluctable, que les ressources publiques ne sont pas infinies et que la nouvelle politique devrait assurer que les dépenses couvertes par l'assurance maladie sont les plus légitimes médicalement et responsabiliser toutes les parties prenantes...

Certains médecins ont renchéri avec vigueur : nous serions sur une lancée folle de consommation toujours plus dispendieuse et il faudrait alerter les citoyens sur le fait que le système de soins est fragile et ne peut être longtemps gâché par un laxisme irresponsable... Le premier coupable, dans cette affaire, serait le progrès technique de la médecine, qui suscite une demande croissante. On en arrive à fustiger le principe de solidarité lui-même, jugé déresponsabilisant et inflationniste : l'accès aux soins pour tous relève ainsi de l'idéologie. En revanche, vouloir se soumettre aux lois du marché échappe par nature à toute considération idéologique !

Vous cherchez à faire croire que certains n'hésitent pas à s'exposer sciemment à des risques parce qu'ils savent qu'ils seront protégés. Comme pour la réforme des retraites, vous tentez de dresser les catégories d'usagers et les générations les unes contre les autres. Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, M. Barrot avait déclaré qu'il faudrait enfin cesser d'être hypocrite et en venir à une distinction entre maladies graves, celles que l'assurance sociale continuerait de prendre en charge, et petit risque, couvert par le privé. Mais où commencent les maladies graves, et qui en décide ? Pris au dépourvu, Monsieur le ministre, vous avez d'abord semblé désavouer M. Barrot, mais pour déclarer quelques jours plus tard qu'il fallait sortir du « tout gratuit » et proposer des couvertures variables selon la volonté de s'assurer pour tel ou tel risque... Conscients qu'ils portaient un sérieux coup au principe de solidarité, les partisans du panier de soins se sont empressés d'arguer que chacun bénéficierait d'une complémentaire santé quel que soit son revenu. Mais une assurance complémentaire gratuite pour les bas revenus serait-elle vraiment semblable aux complémentaires payantes ? Dans une logique de rentabilité financière, les complémentaires, y compris celles proposées par les organismes mutualistes, tendraient plutôt à différencier plus encore que maintenant leurs garanties en fonction des cotisations payées...

L'instauration du panier de soins institutionnalisera un système de santé à plusieurs vitesses. Nier cette évidence c'est dire une contre-vérité.

On ne peut pas non plus passer sous silence l'enjeu que constituent ces projets de réforme pour les fédérations mutualistes qui, désormais régies par le code de mutualité de 2001, sont justiciables des directives européennes et donc soumises à une concurrence directe avec les assurances privées. Les mutuelles comme les assurances attendent. Qu'en sera-t-il du développement des complémentaires santé dans la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie ?

Qu'en est-il au juste de cette gouvernance ? Il y a gouvernance, et il y a qui gouverne. Nous voyons se profiler, à travers les assurances privées et le Medef...

M. François Goulard, rapporteur pour avis - Nous y voilà ! A quand Mme Bettencourt ?

Mme Muguette Jacquaint - Eh oui ! Qui gouvernera la gouvernance ? Ainsi la différence entre mutuelles et assurances privées tend à s'atténuer, les unes et les autres s'entendant pour faire toute leur place aux complémentaires santé dans l'assurance maladie. Inévitablement les mécanismes de marché accroîtraient la différenciation des couvertures selon le niveau de revenus de la clientèle. Au bout du compte, un principe de sélection des risques organiserait le partage du marché entre prestataires d'assurances complémentaires. Les caisses primaires d'assurance maladie s'occuperaient de la quasi-totalité de la CMU complémentaire, les mutuelles et les complémentaires santé d'une partie des classes moyennes, les assurances privées des moyens et hauts revenus. Or, l'exemple des Pays-Bas prouve qu'une segmentation de ce type s'effectue invariablement au détriment des plus défavorisés et des classes moyennes.

Voilà ce que vous préparez par votre action de tous les jours, afin d'imposer le jour venu vos choix ultra-libéraux, au service du grand patronat.

Pour parer à ces dangers, nous rencontrerons nous aussi les partenaires sociaux, pour réfléchir avec eux aux fondements d'une réforme progressiste. Celle-ci devrait s'appuyer sur cinq éléments : démocratie, prévention, accès de tous aux soins, mesures exceptionnelles pour l'hôpital, nouveau financement.

Qui doit déterminer la politique de santé et de protection sociale ? Les décisions ne doivent pas rester le monopole du cercle étroit des décideurs. Est-ce aux parlementaires seuls de décider ? Chaque année, on nous demande de voter un ONDAM que l'on sait délibérément sous-estimé, tout en nous interdisant pratiquement de nous intéresser aux recettes de la sécurité sociale. Les professionnels de santé, eux, sont sommés de réduire leur activité, ce qui suscite chez eux amertume et conflit permanent. Les hôpitaux publics corsetés dans des enveloppes budgétaires délibérément sous dimensionnées, sont contraints à des réorganisations drastiques. Les ARH, sorte de préfectures sanitaires, taillent, coupent et redessinent le tissu sanitaire national au mépris des besoins.

Les conséquences de ces politiques sont apparues de façon dramatiques cet été. La canicule a mis en évidence le manque de moyens dans les établissements : urgences débordées, nombre de victimes élevé. Que se passera-t-il si nous connaissions un hiver rigoureux, si une épidémie sévissait ? On ne pourrait plus dire qu'on n'était pas prévenu, et compter uniquement sur le dévouement et le sacrifice des personnels. C'est pourquoi il est indispensable de discuter des recettes.

En 1998-1999 s'est levé un formidable espoir de rompre avec cette logique infernale. Pendant six mois, au cours des états généraux de la santé, 150 000 personnes ont participé à plus d'un millier de réunions à travers tout le pays. Hélas, cette première expérience de démocratie devait rester sans lendemain, à l'exception de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, dont l'application, au reste, demeure au point mort.

L'élaboration de la politique de santé publique et d'assurance maladie doit donc devenir l'affaire des citoyens. Il ne suffira pas de régionaliser le système de santé, dans le but d'en faire supporter partiellement le coût par le contribuable. C'est d'une démocratie participative, à tous les échelons, que nous avons besoin pour préparer les meilleurs choix. Faudra-t-il créer de nouvelles structures, réunir périodiquement des états généraux ? La réflexion est ouverte.

La prévention est le second pilier d'une véritable politique de santé. « Mieux vaut prévenir que guérir », l'adage n'a rien perdu de sa force. La santé demeure le plus souvent conçue comme un état de non-maladie. En pratique, le volet curatif l'emporte sur le préventif. La prévention reste le parent pauvre de la politique sanitaire.

Dans la dernière loi de santé publique, vous lui réservez un chapitre qui se résume essentiellement au dépistage, sans d'ailleurs qu'apparaisse un euro pour le financer. Ainsi faut-il préférer la définition de l'OMS : la santé est un état complet de bien-être physique, psychique et social.

L'environnement économique et social, les conditions de travail jouent ainsi un rôle déterminant dans l'état sanitaire de la population, et non pas simplement les comportements individuels, même si la lutte contre le tabagisme doit être soutenue. Les salariés et les syndicats devraient pouvoir négocier sur l'organisation du travail chaque fois que celle-ci peut mettre la santé en danger. De même devrait être combattu l'abaissement du coût du travail au prix de la santé des gens.

Encore faudrait-il pour cela que le rôle de la médecine du travail soit revalorisé. On ne compte que 6 000 équivalents temps plein de médecins du travail, ce qui les empêche de se rendre sur les postes de travail. Il en va de même pour les inspecteurs du travail, qui ne sont que 400 pour 14 millions de salariés, et pour les médecins et infirmières scolaires, qui sont de véritables sentinelles de la santé. Leur nombre ne dépasse pas 6 700, pour 63 000 établissements scolaires.

Enfin, pour que la prévention devienne un droit pour tous, ne faudrait-il pas se donner les moyens de proposer une visite médicale annuelle aux chômeurs, aux exclus et aux retraités, ainsi qu'aux femmes victimes de violence, auxquelles leurs compagnons ont parfois retiré leurs papiers ? Une véritable politique de prévention appelle donc un investissement humain et financier considérable.

L'accès de tous aux soins constitue un troisième pilier. Il faut faire tomber les barrières qui freinent l'exercice de ce droit : baisse du taux de remboursement des médicaments, instauration du secteur 2 dans la médecine libérale autorisant les dépassements d'honoraires, forfait hospitalier...

La politique de « responsabilisation », elle, conduirait tout droit à une aggravation des inégalités devant l'accès aux soins. Déjà 14 % de la population déclarent renoncer à des soins pour des raisons financières.

C'est le cas de 23 % de ceux qui gagnent moins de 750 € et de 30 % des chômeurs. En outre, les plus démunis se tournent plus vers l'hôpital, et alors que leur santé est déjà dégradée, ce qui augmente les coûts. Leur situation ne s'améliore pas, constate Médecins du monde. Les 15 % à 20 % de pauvres ne le sont pas assez pour avoir droit à la CMU, mais trop pour se payer une mutuelle.

Le système de soins devenant de plus en plus payant, les inégalités se cumulent, et la santé se détériore. Vous voudriez mettre à profit le déficit de l'assurance maladie pour vous débarrasser une fois pour toutes des principes fondateurs de la sécurité sociale. Il faut au contraire renforcer son rôle de service public et reprendre la marche vers la gratuité, qui pourrait concerner dans un premier temps la prévention et la dépendance.

L'accès aux soins, c'est aussi l'accès aux médicaments. Aujourd'hui, l'industrie pharmaceutique agit selon son bon vouloir et sacrifie des pans entiers de la recherche au mépris des besoins. En mettant sur le marché un nouveau produit au principe actif à peine remanié, elle évite que les molécules les plus rentables ne tombent dans le domaine public. Elle détermine seule, depuis juillet, le prix de vente de ses nouveautés. L'industrie pharmaceutique a toujours brillé par son sens des affaires, exploitant à l'envi les failles de la réglementation complexe sur l'AMM. Les firmes peuvent faire entrer à l'officine sur la base de tests des produits que la commission de transparence jugera ensuite très médiocres, justifiant un remboursement minimal. Dans tous les cas, le malade paye pour une mauvaise régulation. La facture s'alourdit encore en raison de la liberté de prix pour les innovations depuis l'été qui s'ajoute à celle déjà ancienne, des prix des nouveaux médicaments à l'hôpital. La Cour des comptes a d'ailleurs souligné ce point très sensible.

Assurer le service public de la santé passe par la maîtrise publique de l'industrie pharmaceutique. Une firme ne devrait plus pouvoir sacrifier des recherches d'intérêt général à la rentabilité, comme Avantis vient de le faire pour les anti-infectieux au centre de Romainville. Nous vous ferons des propositions immédiates dans ce domaine.

Le développement du service public hospitalier doit être une priorité. Vous voulez favoriser les méthodes de gestion du privé, comme le montre votre plan « Hôpital 2007 » avec le financement en fonction des activités et de leur prix, la collaboration plus aisée avec les spécialistes libéraux, le rapprochement public-privé, l'indépendance des directions d'hôpitaux. Mais vous donnez peu de garanties sur l'égalité dans l'accès aux soins.

La mission publique s'efface ainsi devant l'obsession du déficit de l'assurance maladie, qui conduit à remettre en cause la solidarité nationale. Pourtant la canicule a montré les insuffisances, la nécessité de former les personnels qui manquent. Vous avez relevé, timidement, le numerus clausus car il faudrait former d'ici cinq ans 9 250 médecins et 40 000 infirmières. Il faudrait rendre plus attractive la formation de ces dernières en prenant parfois en charge le salaire et l'hébergement dès l'entrée à l'école d'infirmières.

Chacun l'admet, la croissance des dépenses de santé est inéluctable. Mais en installant le haut conseil de l'assurance maladie, M. Raffarin a écarté la possibilité d'augmenter les prélèvements obligatoires, donc la part de richesse nationale consacrée à la santé, rencontrant en cela les v_ux du Medef qui souhaite qu'une partie des risques soient couverts par les individus eux-mêmes à titre privé. Ce serait développer encore les inégalités.

Il faut au contraire garantir l'avenir de l'assurance maladie. Peut-on apporter de manière pérenne des ressources importantes à la sécurité sociale ? Le déficit est lié à la montée du chômage, et la politique gouvernementale a plombé la consommation, principal ressort de la croissance et de l'emploi. Un point de PIB en moins, c'est 2 milliards d'euros de cotisations en moins pour la sécurité sociale, 100 000 chômeurs supplémentaires, c'est 2,5 milliards de pertes pour elle. Selon M. Raffarin et M. Seillière, augmenter les prélèvements sur le travail jouerait contre l'emploi. Pourtant une réforme est tout à fait possible pour garantir plus de ressources à la sécurité sociale tout en développant l'emploi. Le premier volet consisterait à taxer les revenus financiers des entreprises, issus pour l'essentiel de la spéculation boursière. Ces 165 milliards soumis à une cotisation au même taux que celle prélevée sur les salaires, rapporteraient à la sécurité sociale 16 milliards Cette recette serait certes aléatoire, mais la mesure détournerait les entreprises de la spéculation au profit des investissements productifs. Le second volet consisterait à refondre les cotisations patronales. Aujourd'hui plus une entreprise embauche, plus elle paye de cotisations, plus elle limite l'emploi et privilégie la croissance financière, moins elle finance la protection sociale. Les industries de main-d'_uvre sont ainsi désavantagées au profit des assurances et des banques. Nous voulons renverser cette logique au profit des entreprises qui privilégient la part des salaires dans la valeur ajoutée. Cette réforme aurait aussi le mérite de réhabiliter le travail.

Tous ces aspects n'ont pas été suffisamment approfondis en commission. Il faut les reprendre pour décider dans la sérénité à l'été 2004. La commission a travaillé, en partie, dans l'urgence. Le projet a été déposé tardivement ; le rapport nous est parvenu lundi. C'est largement insuffisant pour travailler la question prioritaire cette année, celle des nouvelles recettes à dégager.

Nos propositions à cet effet ont été balayées et la majorité de son côté n'en a fait aucune, ce qui laisse entier le problème du déficit. Telles sont les raisons qui motivent notre demande de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Je commencerai pas M. Morange pour son rapport, qui s'appuyait beaucoup sur le travail de la Cour des comptes, dont les conclusions constituent, il faut le dire, une sorte de réquisitoire sur ce qui a été fait avant 2002.

M. Gilles a bien résumé les mesures et les enjeux et a fort bien parlé de la maîtrise médicalisée des dépenses.

M. Goulard a été comme à son habitude incisif et juste, notamment quand il s'est interrogé sur la portée réelle des PLFSS. Que le Parlement puisse enfin discuter de sommes supérieures au budget de l'Etat constitue assurément une avancée, que nous devons au plan Juppé, mais c'est tout de même un exercice assez particulier que celui consistant à fixer un ONDAM et donc un budget, qui est ensuite exécuté par les caisses d'assurance maladie, à charge ensuite pour nous d'assumer le résultat de leur gestion et de prendre éventuellement la responsabilité de recettes nouvelles.

M.  Goulard a souligné à juste titre la confusion qui existe dans la plupart des esprits entre la « sécu » et l'assurance maladie. Toutes les analyses d'opinion nous le confirment, pour les Français la « sécu » se résume à l'assurance maladie, alors qu'elle compte en réalité quatre branches, qui ont des objectifs bien différents. Nous avons donc un travail de pédagogie à mener.

Enfin, il a bien montré qu'un des enjeux de la réforme était de mieux articuler la médecine de ville et l'hôpital. La cohérence de notre système de santé passe par là, de même que par la fongibilité des enveloppes, mais ce n'est pas facile, car l'hôpital obéit à une logique de fonction publique hospitalière et fonctionne sous la responsabilité de l'Etat, tandis que la médecine de ville est un système partenarial géré par les caisses.

M. Dubernard a brossé un tableau sociologique très intéressant. Les Français, nous dit-il, sont tout à fait conscients des gaspillages, des abus et des excès. C'est ainsi que 90 % d'entre eux pensent qu'il se consomme trop de médicaments. Le problème est qu'ils sont à peu près aussi nombreux à penser que c'est le voisin qui consomme trop...

M. Dubernard a évoqué ces deux écueils que sont pour la réforme l'étatisation et la privatisation et a raison de souligner qu'à la limite, quel que soit le système, le plus important est de garantir la qualité des soins, qui est probablement le meilleur instrument de régulation. Il a cité toute une série d'économies possibles, nous pourrons y revenir peut-être.

J'attendrai, pour répondre à Mme Guinchard-Kunstler - qui devrait nous rejoindre prochainement - et à M. Evin - retenu par la commission d'enquête sur la canicule - qu'ils soient de retour dans cet hémicycle.

M. Le Guen a dit que l'explication reposant sur l'« héritage » devenait ridicule. Je ne partage pas ce point de vue, car dans le domaine de la santé, les choses prennent du temps. Il faut ainsi trois ou quatre ans pour former une infirmière, huit ou dix ans pour former un médecin, plusieurs années également pour construire un hôpital, ce qui fait que nous sommes tous solidaires les uns des autres. Vous avez assumé le plan Juppé, nous assumons aussi votre héritage. Je le dis sans polémique, car je voudrais que nous soyons capables, tous ensemble, loin de tout dogmatisme, de renforcer un système que nous aurons les uns et les autres à gérer, au gré des alternances, pour assurer le mieux-être des Français. En 1945, la sécurité sociale a été créée dans le consensus ; en 1967, elle a été confortée par des ordonnances. Je pense que dans une période difficile comme celle que nous vivons, nous devrions être capables de nous retrouver sur de nombreux points, une fois chacun convaincu que le Gouvernement écarte sincèrement la privatisation comme l'étatisation.

Mais s'il y a une chose que je n'accepte pas, c'est que l'on m'accuse de laisser faire, de subir, de laisser filer le déficit. M. Renucci trouve qu'au bout de dix-huit mois, l'heure devrait être plutôt au bilan, mais dois-je lui rappeler les difficultés rencontrées par le précédent gouvernement, malgré la croissance, dans sa gestion de l'assurance maladie, la promesse non tenue du retour à l'équilibre, les déficits déjà qualifiés à l'époque d'abyssaux, la façon dont le plan Johanet s'est soldé par le départ de celui-ci.... ? Plutôt que de nous jeter des anathèmes, essayons donc de construire ensemble !

M. Le Guen a utilisé un ton proche de l'imprécation à propos de la privatisation et de l'étatisation. Certains de ses arguments m'ont étonné, car enfin ce n'est pas nous qui avons fait des complémentaires les partenaires obligés de la CMU - ce qui au demeurant n'était pas une mauvaise idée.

L'expression « panier de soins » a, j'en conviens, quelque chose de péjoratif et donne à penser que certaines choses sont dedans, d'autres pas...

M. Jean Le Garrec - C'est bien que vous le reconnaissiez.

M. le Ministre - L'expression me gêne en particulier lorsqu'on dit qu'il y a l'obligatoire dans ledit panier, le complémentaire au dehors. Je n'approuve pas cette terminologie.

De surcroît, la comparaison avec un panier dont on pourrait faire valser l'anse n'est pas une bonne image.

M. Jean-Pierre Blazy - Surtout si c'est un panier percé !

M. Jean-Marie Le Guen - Ou le panier du Chaperon rouge ?

M. le Ministre - Méfiez-vous, il contenait de la confiture et des galettes, et vous voulez lutter contre l'obésité ! (Sourires)

Pour ce qui est du service médical rendu, j'ai toujours approuvé la décision de Martine Aubry, en 1999, de charger la commission de la transparence d'évaluer les médications en fonction du service médical rendu. J'ai encore adhéré au début de sa mise en _uvre par Mme Guigou, et il est dommage que le texte ait été annulé en Conseil d'Etat, sans doute pour des raisons de forme plus que de fond. Voilà donc un point de convergence.

Vous avez critiqué la composition de la commission de la transparence, où siègent trop peu d'experts, mais surtout des administratifs et des membres des caisses avec voix délibérative.

Eh bien, j'ai réformé la commission cet été pour qu'elle ne soit plus composée que d'experts, nommés en fonction de leur compétence. Si nous sommes d'accord, pourquoi nous accuser de procéder à des déremboursements, de faire payer les plus modestes, et d'organiser une médecine à deux vitesses ?

M. Jean-Marie Le Guen - On vous expliquera !

M. le Ministre - Pourquoi rembourser des médicaments inefficaces ? Mme Guigou n'avait-elle pas elle-même réduit le remboursement de 65 % à 35 % de tout un volet de médicaments ?

Quant aux génériques, vous avez approuvé l'augmentation à 20 € de la consultation des généralistes, en échange. Pourquoi alors nous reprocher aujourd'hui les tarifs forfaitaires de responsabilité ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Pour ce qui est du forfait hospitalier, M. Cugnenc s'est livré à un pertinent rappel historique. Et permettez-moi, Madame Jacquaint, de le compléter ainsi : le forfait hospitalier a été créé en 1983 par M. Ralite, dont vous étiez la suppléante ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP) Il a été relevé le 1er janvier 1984, puis en 1985 et 1986 ; nous avons continué à l'augmenter, vous avez fait de même à partir de 1989, mais c'est M. Evin qui a procédé en juillet 1991 à une hausse historique de 51,5 % ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Vous l'avez approuvé ?

M. le Ministre - Concernant la privatisation et l'étatisation, vous nous avez rappelé les exemples des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne pour souligner la coexistence des deux systèmes. C'est vrai, mais en France, vous ne pouvez jamais distinguer la part de l'Etat de celle des gestionnaires, car d'un côté l'Etat est garant de la qualité, des objectifs, et de l'égal accès aux soins et de l'autre, l'ambulatoire est géré par les partenaires sociaux, tandis que les mutuelles et assurances jouent aussi leur rôle. Vous pourrez donc toujours qualifier notre système d'étatisé ou de privatisé ! Avec ce distinguo fallacieux, vous avez redécouvert le fil à couper le beurre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur Bur, c'est vrai, la situation est grave et la réforme nécessaire. C'est vrai encore, il n'est jamais bon d'agir dans l'urgence. Je le reconnais, il aurait été préférable de profiter des années de croissance pour réformer l'assurance maladie dans la durée.

La position de l'opposition est toujours confortable. Si nous avions engagé la réforme aujourd'hui, vous nous auriez reproché d'avoir agi sans concertation ni dialogue. J'ai au contraire adopté une démarche consensuelle, à l'image de ce qui a réussi en Allemagne, où la majorité et l'opposition ont pu se retrouver sur des problèmes d'intérêts nationaux.

M. Jean-Marie Le Guen - Parce que leur majorité ne détient pas tous les pouvoirs !

M. le Ministre - Monsieur Préel, vous avez dit : « écouter et réussir ». Nous nous y emploierons. Vous vous inquiétez de l'ONDAM hospitalier, mais vous vous référez au calcul de la Fédération hospitalière de France - 4,48 % - qui date d'avant l'été. Depuis, nous avons sorti de l'ONDAM hospitalier les médicaments innovants, ce qui représente un gain de 0,40. Si l'on y ajoute le gain du forfait hospitalier, nous aurions pu présenter un ONDAM à 3,6 mais nous en sommes restés à 4,2. L'opposition nous reproche un budget hospitalier insuffisant, alors que l'ONDAM était augmenté de 1,7 par an lorsqu'elle était aux affaires. Nous passons à 4,2 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur Préel, vous vous inquiétez encore d'un ONDAM à 4, ajoutant que le taux de 5,3 de l'an dernier était plus réaliste. Il est vrai que l'ONDAM tendanciel est à 5,5. Mais les maîtrises médicalisées font économiser 800 millions, le forfait journalier 180 millions, le plan médicament 290 millions. En tout, ce sont 1,870 milliard qui sont économisés.

M. Préel s'est interrogé sur la gouvernance. Nous allons en discuter dans les mois à venir : qui doit diriger, avec quel niveau de responsabilité, avec quel cahier des charges, défini par qui ?

Nous devons également régler la question des relations entre l'Etat et les partenaires sociaux, de la nature des financements, du rôle respectif des régimes obligatoire et complémentaire, de celle des relations conventionnelles entre les professionnels de santé et les gestionnaires, de l'articulation entre la ville et l'hôpital.

En ce qui concerne la régionalisation, je n'accepterai pas qu'il y ait en France vingt-six politiques de santé. Il y aura une politique définie par l'Etat et votée par le Parlement.

M. Jean-Pierre Blazy et Jean Le Garrec - D'accord !

M. le Ministre - Cela n'empêche pas de tenir compte des spécificités de chaque région, d'inclure éventuellement les conseils régionaux dans la mise en _uvre de la politique de santé publique, de considérer les départements comme des acteurs possibles ou de donner plus de responsabilités aux ARH et, éventuellement, de s'acheminer vers l'Agence régionale de santé.

On évoque les situations allemande, italienne, espagnole, c'est-à-dire des politiques de santé différentes selon les régions ; cela est incompatible avec l'idée que nous nous faisons de l'égalité de tous les Français devant l'accès aux soins (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Jacquaint a émis l'hypothèse du complot : avec la complicité sournoise du Medef, il s'agirait de faire main basse sur le magot pour soigner les riches et laisser mourir les pauvres.

Mme Muguette Jacquaint - Vous m'avez bien comprise !

M. le Ministre - J'ose espérer que nos idéaux sont plus proches que vos propos ne le laissent penser. Notre objectif est de soigner chaque Français en fonction de ses besoins et non de ses moyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Comment ?

M. le Ministre - Vous défendez l'idée de l'économie administrée, qui a partout échoué, et proposez des formules de financement inapplicables. Taxer par trop une entreprise...

Mme Muguette Jacquaint - Taxer un peu.

M. le Ministre - ...c'est provoquer un dépôt de bilan ou une délocalisation.

Mme Jacqueline Fraysse - Nous avons déjà l'un et l'autre.

M. le Ministre - Il faut se donner les moyens de financer la politique de santé publique. Tous nos partenaires se sont convertis, même à gauche, à une politique...

Mmes Jacqueline Fraysse et Muguette Jacquaint - Ultra-libérale !

M. le Ministre - ...qui respecte l'initiative et l'entreprise.

Mme Muguette Jacquaint - Nous refusons une santé à crédit.

M. le Ministre - Quand Mme Fraysse prétend que la tarification à l'activité vise, à terme, à privatiser l'hôpital, j'en suis consterné.

Outre que 50 % des établissements privés connaissent des difficultés de paiement, le Gouvernement met en _uvre un plan d'investissement de 10 milliards essentiellement à destination de l'hôpital public. De plus, nous avons repris la promesse du précédent gouvernement concernant la création de 45 000 postes à quoi s'ajoutent 4 500 postes de praticiens hospitaliers pour l'hôpital public.

J'ajoute que les investissements lourds pour l'achat de matériels sont en très grande majorité destinés aux établissements publics.

Enfin, j'ai été pendant trente-cinq ans praticien dans l'hôpital public, et j'en suis fier.

La T2A, je m'adresse à M. Accoyer, constitue pour nous une réforme très attendue.

Mme Jacqueline Fraysse - J'aurais souhaité plus d'explications sur la tarification à l'activité.

M. le Ministre - Je vous répondrai plus précisément pendant la discussion des articles.

Mme Guigou a évoqué la libéralisation des prix, en particulier concernant les molécules innovantes. Nous voulons que les patients qui les attendent en bénéficient rapidement, et par conséquent éviter de passer par des semaines de négociations entre le comité économique des produits de santé et les industriels. Nous ne posons qu'une condition, que le prix proposé soit eurocompatible. L'Union européenne vient de créer l'Agence européenne du médicament qui, désormais, donnera les autorisations de mise sur le marché. Les prix seront donc à peu près équivalents.

Enfin, j'ai décidé que le prix du médicament s'imposera désormais à l'hôpital, alors que jusque là il était libre.

Vous m'avez reproché de ne pas engager suffisamment de réformes structurelles, mais nous souhaitons une nouvelle délégation de gestion aux partenaires sociaux, selon d'ailleurs une nouvelle configuration puisque le Medef ne reprendra pas sa place. Nous avons, pour ce faire, un cahier des charges très précis, en particulier quant à l'intervention de l'Etat.

Mais nous sommes ouverts à la discussion. Les clivages ne sont d'ailleurs pas politiques. Je sais que certains parlementaires socialistes ne sont pas favorables à la délégation de gestion ; dans la majorité, certains pensent qu'elle serait une nouvelle aventure. Nous devons donner une nouvelle chance au modèle français.

Il a montré qu'il était meilleur que d'autres quant à l'égalité de l'accès aux soins. Mais nous voulons le moderniser. Je me souviens de conversations avec Jean Le Garrec sur les systèmes de concurrence en 1999, selon lui le c_ur du sujet. A l'époque, pour lutter contre la pensée unique, j'avais voulu provoquer le débat en évoquant le modèle néerlandais et d'autres qui s'étaient orientés vers la concurrence. Depuis, bien des choses ont changé. Le modèle néerlandais n'est pas au mieux de sa forme et aucun, qu'il soit basé sur la concurrence ou sur l'étatisation, n'a fait la preuve de sa supériorité. Nos difficultés économiques ne sont pas pires que celles de nos partenaires, mais nous faisons mieux en termes d'égalité. Je souhaite donc conserver le système à la française.

Mme Muguette Jacquaint - Et comment réaliser votre souhait ?

M. le Ministre - Nous voulons un système juste et solidaire. Cet objectif n'est pas incompatible avec le fait que les dépenses de santé vont croître inéluctablement. A mon initiative, la semaine dernière, douze ministres de la santé de l'OCDE se sont réunis : tous ont dit que leurs dépenses de médicaments avaient été multipliées par deux à quatre en dix ans, qu'elles se situaient entre 9 et 10 % de leur PIB - nous sommes à 9,5 - et qu'ils cherchaient de nouveaux modes de financement. Nos problèmes ne sont donc pas différents de ceux des autres.

La santé est un bien supérieur, et il ne saurait être question de la compromettre pour des motifs comptables. Il faudra donc trouver des moyens pour répondre à ces besoins. Se pose dès lors la question éthique de l'allocation des ressources. Lorsque le pot commun qui contient l'argent de la collectivité est vide, chacun veut savoir si les dépenses ont été justes, contrôlées et empreintes de bon sens. Avant de redonner de l'argent, il faut savoir comment il a été utilisé. Il nous faudra donc installer des systèmes de contrôle et définir ce qui est vraiment utile - intervient par exemple la notion de service médical rendu - et ce qui l'est moins. Certains besoins superficiels sont aujourd'hui pris en charge par la solidarité nationale de façon indue. Nous devrons en discuter et je pense que même vous serez d'accord pour supprimer certains remboursements actuels.

Monsieur Claeys, la sécurité sociale est véritablement un bien commun et le consensus n'est pas remis en cause. Il faut aborder le débat avec un a priori d'honnêteté réciproque sans chercher des idées cachées. Vous dites que le trou de la sécurité sociale est une grande préoccupation des Français, mais nous nous désespérons de constater, de sondage en sondage, que ce n'est pas vrai. Les Français pensent qu'ils ont toujours vécu avec le trou de la sécurité sociale... (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Muguette Jacquaint - Les Français seraient des inconscients ?

M. le Ministre - Le trou s'est creusé en 1977. Il fait partie du paysage quotidien, et les Français ne le prennent plus pour un épouvantail. J'ai donc toutes les peines du monde à leur expliquer la gravité de la situation. Il faut faire comprendre aux gens que la santé va coûter plus cher et que chacun devra payer davantage.

M. Jacquat a abordé le sujet de la cinquième branche. Je précise tout de suite qu'il ne s'agit pas de transférer une partie de l'argent de l'assurance maladie vers une branche qui regrouperait les personnes les plus malades, handicapées ou âgées, qui coûtent très cher... L'assurance maladie prend en charge tout ce qui touche à la maladie, de la vie à la mort. Mais le problème de la dépendance s'aggrave sans cesse. Le maintien à domicile, les aides humanitaires et techniques imposent de découvrir une nouvelle solidarité à laquelle la structure et le financement actuels de la sécurité sociale ne sont pas adaptés. Il ne s'agira peut-être pas d'une véritable cinquième branche, trop lourde, mais il faudra un moyen clairement identifié de financer les dépenses relatives à la perte d'autonomie en regroupant les crédits des collectivités locales et de l'Etat et en créant des ressources nouvelles.

M. Jacques Domergue a fait une excellente démonstration sur l'homéopathie. M. Jean-Marie Rolland a plaidé à nouveau pour la maîtrise médicalisée. Quant à M. Bacquet, ses propos ont certainement dépassé sa pensée.

M. Jean-Paul Bacquet - Pas du tout !

M. le Ministre - Il rappelle que nous nous sommes fait admonester par l'Europe au sujet des déficits, mais que n'évoque-t-il pas une admonestation qui suivrait une augmentation indue des prélèvements obligatoires ! Or il faut tenir compte à la fois de ces deux éléments, et j'espère que nous y arriverons ensemble. Il est hors de question d'augmenter sans arrêt les prélèvements obligatoires. Divers orateurs ont évoqué une hausse de un point de la CSG. Quelle facilité cela aurait en effet été pour moi d'annoncer dix milliards de recettes supplémentaires ! Avec trois milliards d'économie, mon budget arrivait à l'équilibre... Nous n'avons pas voulu faire ce choix (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - On n'est pas d'accord !

M. le Ministre - Je le comprends parfaitement, mais je veux vous expliquer nos raisons. D'abord, avec une croissance annuelle de 0,2 ou 0,3 %, prendre dix milliards dans la poche des ménages compromet évidemment la croissance.

Mme Jacqueline Fraysse - Là, nous sommes d'accord !

M. le Ministre - Ensuite, consacrer dix milliards à un système dont on n'a pas fixé les nouvelles règles, réformé les structures, établi les objectifs ni les responsabilités était pour le coup irresponsable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Un seul petit point de CSG, et nous n'avions plus de problèmes ! Le choix que nous avons fait est le plus difficile, mais nous l'assumons, au risque de lire et d'entendre que le Gouvernement laisse filer les déficits (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Jacqueline Fraysse - Il y avait d'autres choix !

M. le Ministre - J'en viens maintenant à la question de la santé au travail. La loi sur la santé publique a défini cinq priorités, dont la question de la santé et de l'environnement. Or le travail est notre environnement pour sept ou huit heures par jour. François Fillon, Roselyne Bachelot et moi avons installé une commission d'orientation qui nous remettra en janvier tous les éléments qui nous permettront de bâtir un plan santé environnement, comme nous l'avons fait pour le cancer. Trois commissions sont au travail, pour les facteurs physiques et chimiques et pour la santé au travail. Nous tiendrons un débat sur ce thème.

En ce qui concerne l'amiante...

M. Maxime Gremetz - Ah !

M. le Ministre - D'après les données statistiques du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, au 31 août, le fonds avait fait 1961 offres d'indemnisation et au 30 septembre, il avait versé 85,5 millions d'indemnisations. Six mille cinq cents dossiers vont devoir faire l'objet d'une indemnisation d'ici la fin 2003, pour un montant évalué à 400 millions. Ce montant est estimé à 468 millions pour 2004. Les provisions du fonds, abondé de 100 millions par l'assurance maladie, se montent dorénavant à plus d'un milliard. Je n'en vois pas la nécessité pour une dépense de 800 millions sur deux ans, mais je prends l'engagement que tous les dossiers reçus feront l'objet d'une indemnisation. Il s'agit là d'assurer la continuité de l'Etat.

M. Blazy a présenté les choses d'une façon que je ne trouve pas très honnête.

M. Lucien Guichon - Une façon socialiste !

M. le Ministre - Bernard Kouchner avait commencé à relever les quotas d'infirmières, les fixant à 26 000. Seuls 24 000 candidats se sont présentés et vous avez raison, Monsieur Blazy, de parler de crise de vocation. A mon arrivée, j'ai donc maintenu le chiffre de 26 000. Toutes les places ayant été remplies, je suis passé cette année à 30 000, et j'ai bon espoir que toutes les places soient pourvues, car le métier d'infirmière continue à susciter une réelle attirance.

Pour les médecins, vous avez eu l'honnêteté de reconnaître...

M. Jean-Pierre Blazy - Vous voyez que cela peut m'arriver !

M. le Ministre - ...que nous partagions la responsabilité du numerus clausus durant une quinzaine d'années.

Nous avons donc augmenté le numerus clausus, le portant à 5 600 étudiants l'an prochain, 500 de plus que cette année. Il y en va de même pour la pharmacie, la kinésithérapie, l'odontologie.

Nous avons agi sur les filières. J'ai commencé à agir tout de suite sur la chirurgie, la psychiatrie, l'anesthésie, la pédiatrie, pour que dans quatre ans nous disposions déjà d'effectifs plus nombreux.

Une autre réforme que nous partageons est celle de l'internat. Je l'avais proposée en 1997, le projet a été repris en 2002, et la réforme aura lieu en 2004, en sorte que tous les médecins seront internes, les généralistes étant formés avec la même qualité que les spécialistes.

Nous allons ouvrir la première année de médecine à l'ensemble des professionnels de santé, parce que nous voulons créer une solidarité entre tous les membres du corps de santé.

Nous avons voulu valoriser les acquis de l'expérience (Approbations). 14 % des nouvelles infirmières étaient des aides soignantes, que nous avons aidées.

Nous avons créé un nouveau statut de médecin attaché à l'hôpital. Nous avons développé les hôpitaux locaux.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Très bien !

M. le Ministre - Enfin, grâce au deuxième rapport du professeur Berland, nous avons décidé de faire des expérimentations pour repousser la frontière des métiers paramédicaux. Il n'est pas normal qu'entre bac + 3 ou 4, pour les infirmières, et bac + 8 ou 10 pour les médecins, il n'y ait pas de profession intermédiaire, à bac + 5 ou 6. Nous allons donc créer des spécialités destinées à aider les spécialités médicales déficitaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - Je remercie le président de la commission, et les rapporteurs, en particulier Claude Gaillard, qui a beaucoup contribué à préparer la conférence sur la famille, et à élaborer les propositions que traduit les PLFSS.

Bernard Perrut, Martine Aurillac, bien d'autres, ont assis leurs propos sur le trépied qui fonde notre réflexion : simplifier, renforcer le pouvoir d'achat des familles, développer l'offre de garde.

Je remercie également M. Préel de son soutien appuyé.

Monsieur Baguet, vous êtes partisan d'un développement total des aides et de l'universalité de la politique familiale. J'y suis favorable. Mais il faut tenir compte des contraintes budgétaires. La prestation la plus universelle, l'APJE était versée à 1,4 million de familles. Elle le sera désormais à 1,9 million. 90 % des familles vont ainsi bénéficier de la prime à la naissance de 800 € et d'une prestation de 160 € jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant. Seront seules écartées les 10 % de familles ayant les revenus les plus élevés. Il en coûte 450 millions.

Vous vous préoccupez de la prise en compte du congé de maternité dans la période d'activité entrant dans l'attribution de la PAJE. N'ayez pas le moindre souci ! Dans la période d'activité figurent les congés de maternité, les congés parentaux rémunérés, les arrêts de travail, les périodes de chômage...

Vous souhaitiez déposer un amendement tendant à supprimer le taux de transfert de 60 % permettant de majorer les pensions. Adopter cet amendement porterait le taux de transfert à 100 %, et l'intégralité des majorations de pensions reposerait alors sur la branche famille. J'attire votre attention sur ce point. Vous avez parlé du financement de choses « qui n'ont rien à voir » avec la politique familiale. Je ne suis pas de cet avis.

Il s'agit de majorations de pensions pour des familles ayant trois enfants et plus. Nous exprimons ainsi notre solidarité à l'égard des familles les plus nombreuses.

Vous proposez de verser les allocations familiales jusqu'à 22 ans. Pourquoi pas ? Mais il en coûterait 1,2 milliard.

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas cher !

M. le Ministre délégué - Tout est relatif !

Nous avons mis en place le 1er juillet la mesure « grands enfants », qui prolonge, pour l'aîné d'une famille de trois enfants et plus qui arrive à l'âge de 20 ans, les allocations familiales à hauteur de 70 € pendant un an, ce qui évite une perte de revenus importante alors que l'enfant est encore à charge.

Vous souhaitez obtenir un rapport d'évaluation sur le dispositif du congé libre choix d'activité. Je suggère que, avec tous les intéressés, nous faisions plus largement le point sur le bilan d'une année de nouvelle politique familiale, à l'occasion de la conférence de la famille. Ainsi, dans le domaine de la garde d'enfant, nous avons réalisé un effort sans précédent.

Mme Marie-Françoise Clergeau - Au profit de qui ?

M. le Ministre délégué - Je ne vous oublie pas, Madame Clergeau.

MM. Evin et Le Guen, Mmes Clergeau et Fraysse nous ont dressé des procès d'intention. Ainsi M. Evin a émis des doutes sur le financement de notre politique. C'est tout simple, ce financement se trouve dans le PLFSS que vous allez certainement voter. 140 millions y sont réservés pour la PAJE, 50 millions pour le plan crèches, 10 millions au titre de l'évolution du statut des assistantes maternelles.

Et en année pleine, en 2007, notre engagement s'élèvera à un milliard, plus les 200 millions du plan crèche.

Certains se sont demandé si la simplification n'était pas un faux semblant. Non, des six prestations, l'APJE courte, l'APJE longue, l'APE, l'AFEAMA, l'AGED, l'allocation d'adoption, nous en avons fait une seule. A chaque prestation correspondait des formulaires, de longs délais. Aujourd'hui il n'y a plus qu'un chèque, avec remboursement dans un délai d'un mois. On ne peut pas faire plus simple (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Toujours selon Mme Clergeau, la PAJE, le libre choix, c'est pour les riches. Il est vrai que vous aimez tellement les plus défavorisés que l'essentiel de votre action pendant cinq ans au gouvernement a été d'en créer chaque jour davantage ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP) Je fais en sorte que la PAJE soit perçue par 90 % des familles, mais pas par les 10 % les plus aisées, et votre première demande est qu'elle soit universelle. Où est la cohérence ?

Mme Marie-Françoise Clergeau - Vous déformez mes propos !

M. le Ministre délégué - Quant au libre choix, il serait réservé aux riches parce qu'on tente de développer l'accueil individuel. Mais ce n'est pas à l'Etat, c'est à la famille de décider d'un mode de garde.

Mme Marie-Françoise Clergeau - Si le choix existe.

M. le Ministre délégué - Vous avez une position tranchée : le collectif pour les plus démunis, la garde individuelle pour les riches.

Mme Marie-Françoise Clergeau - Non ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Laissons le choix ouvert. Par exemple, pour une famille de deux personnes qui travaillent avec un revenu d'un SMIC, payer une assistante maternelle représente 30 % de ce revenu. Evidemment elle n'a pas de liberté de choix. Mais nous mettons en place une prestation grâce à laquelle le mode de garde n'excèdera pas 10 % à 12 % du revenu, qu'on choisisse la crèche ou l'assistante maternelle. Nous donnons à ces familles la liberté de choix que vous leur avez toujours refusée par dogmatisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Quant aux assistantes maternelles, qu'avez-vous fait en cinq ans ?

Plusieurs députés UMP - Rien !

M. le Ministre délégué - Rien. Vous les stigmatisez en disant qu'elles accueillent les enfants de riches. C'est faux !

Mme Marie-Françoise Clergeau - Je n'ai pas dit cela !

M. le Ministre délégué - Les familles souhaitent cette liberté de choix. Nous avons fait voter au Sénat une modification de l'agrément pour augmenter de 15 % les capacités de garde. Je compte sur votre soutien. Nous mettons en place la validation des acquis, le paritarisme, la mensualisation des salaires, à partir de 2005 une caisse maladie et accidents du travail, et un véritable contrat de travail. En cinq ans, sur tous ces points leur avez-vous apporté une réponse ? Non.

Enfin, je rappelle que le plan crèches de 200 millions, dont 40 millions dès cette première année, permettra de créer 20 000 places.

M. Maxime Gremetz - Vous prévoyez beaucoup, vous ne faites jamais.

M. le Ministre délégué - Le dernier plan crèches mis en place par votre gouvernement, nous avons dû le financer !

Plusieurs députés UMP - Eh oui !

M. le Ministre délégué - De toute façon, le conseil d'administration de la CNAF a voté contre votre projet de PLFSS en 1999, en 2000, en 2001.

Mme Marie-Françoise Clergeau - Non, une fois seulement !

M. le Ministre délégué - Et nos deux projets ont bénéficié d'un vote favorable. Les partenaires sociaux ont condamné votre politique familiale. C'est objectif, me semble-t-il.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - C'est inacceptable !

M. le Ministre délégué - Puisque vous considérerez que nous manquons d'objectivité, acceptez la leur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Françoise Clergeau - J'interviens pour fait personnel. M. Jacob a totalement déformé mes propos. Hier, il a dit que je mentais à propos d'un exemple précis. Ce soir à la tribune, il n'a rien démenti. Il a tenu dans cet hémicycle des propos machistes (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Rappel au Règlement. Mme Clergeau a tout à fait raison. Je n'ai jamais vu un ministre attaquer ainsi la personne d'un député et travestir ainsi ses propos. Je n'ai jamais vu non plus une telle attitude de mépris systématique des membres du cabinet assis derrière le ministre. Cette attitude est inadmissible (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Il y a un devoir de réserve !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je tiens en premier lieu à remercier tous les députés présents qui ont participé à un débat parfois un peu vif, j'en conviens, mais intéressant. Je remercie avant tout les membres de la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et les rapporteurs, Pierre Morange, François Goulard, Bruno Gilles, Claude Gaillard, pour terminer par Mme Guinchard-Kunstler, pour la seule raison que le budget de la vieillesse est le dernier dans l'ordre d'examen (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Présidente - Veuillez faire votre intervention afin que nous puissions lever la séance, car il s'est produit quand même un certain nombre de faits assez désagréables.

M. le Président de la commission - Je ne regrette pas d'avoir renouvelé les rapporteurs. Leur qualité est égale à celle de M. Bur et de M. Jacquat. Des équipes compétentes se mettent en place pour le plus grand profit de l'assemblée.

Je ne regrette pas non plus d'avoir demandé au bureau de la commission de désigner les rapporteurs en janvier. Ils ont ainsi bien pu se préparer.

Quant à cette motion de renvoi, quelques chiffres montreront que la commission a bien travaillé. Elle a tenu cinq séances soit au total 13 heures 15 et examiné 220 amendements.

M. Maxime Gremetz - Et toujours l'article 40 !

M. le Président de la commission - 113 amendements ont été adoptés, dont cent émanant des rapporteurs, neuf du groupe UDF, trois du groupe UMP et un du Gouvernement. Le groupe socialiste n'avait pas présenté d'amendements, ou très peu, au cours de la première discussion.

M. Maxime Gremetz - Mais nous si !

M. le Président de la commission - Au cours de ce premier examen nous avons voté à l'unanimité en faveur de la création d'un comité des finances sociales, à l'initiative de Pierre Morange.

Hier lors de la réunion tenue au titre de l'article 88, sur 66 amendements examinés, 37 ont été repoussés, trois rectifiés, 26 acceptés dont deux du groupe socialiste et trois du groupe UDF.

Au terme d'un tel travail, je vous demande de rejeter la motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Nous en venons aux explications de vote (Murmures sur les bancs du groupe UMP). C'est le Règlement !

M. Jean-Paul Bacquet - Monsieur le ministre, vous avez fait appel au consensus. Pourquoi pas. Vous avez fait appel au rassemblement, car la protection sociale est en difficulté. Pourquoi pas.

Vous avez dit qu'il est facile de s'opposer. Vous jugez en expert, car pendant des années, vous ne vous êtes pas privé de le faire. Il y a un an, je vous avais d'ailleurs posé une question d'actualité, que vos collègues de la majorité avaient huée parce qu'elle venait de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais qui était en réalité mot pour mot la reprise d'une question que vous aviez vous-même posée au ministre précédent.

Le consensus, pourquoi pas, mais comment le trouver après les propos caricaturaux, machistes et inacceptables de M. Jacob ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) Et surtout, nous n'avons pas la même conception de la solidarité.

Vous avez beaucoup parlé et beaucoup écrit, Monsieur le ministre, quand vous étiez dans l'opposition et je crois avoir lu l'intégralité de vos déclarations. Je me souviens donc que vous aviez beaucoup critiqué la hausse des droits du tabac quand nous l'avions pratiquée. Aujourd'hui vous y recourez ! Vous critiquiez naguère sans vergogne le fait de nous appuyer sur la croissance. Aujourd'hui, vous l'attendez comme la providence !

Je me rappelle aussi que vous avez voté sans hésiter le départ de 28 000 médecins du MICA, vous qui vous inquiétez aujourd'hui de la démographie médicale, de même que vous avez voté sans hésiter le plan Juppé et la maîtrise comptable.

Vous avez dit tout à l'heure à la tribune que vous souhaitiez que nous gardions un système de sécurité sociale à la française. Pourquoi ne pas vous croire ? Peut-être parce qu'à propos du PLFSS pour 1999, vous aviez suggéré d'introduire de la concurrence dans la gestion de l'assurance maladie... Sortez donc de l'ambiguïté et dites-nous si vous reniez celui que vous étiez naguère ou si vous nous cachez quelque chose.

Quoi qu'il en soit, nous voterons la motion de renvoi en commission.

Une dernière chose : quand on fait ainsi appel au consensus, on ne laisse pas ses collaborateurs sortir de l'obligation de réserve. On n'avait jamais vu ça au Parlement ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Oh, vous êtes les premiers dans vos circonscriptions à critiquer cette technocratie qui se permet parfois de mépriser le Parlement. Eh bien, nous venons d'en avoir un bel exemple et je souhaite, Monsieur le ministre, vous que je crois être un homme d'honneur, que vous rappeliez sévèrement vos collaborateurs à leur obligation de réserve et, éventuellement, à faire le vide ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Luc Préel - Je remercie le ministre de son intervention, mais beaucoup de choses méritent encore d'être clarifiées, notamment sur la gouvernance, et je tiens à rappeler que l'important est de financer le différentiel entre l'augmentation du PIB et celle des dépenses de santé.

J'ai écouté avec attention Mme Jacquaint, mais elle ne m'a pas convaincu. Le groupe UDF votera donc contre le renvoi en commission.

M. Maxime Gremetz - Mme Jacquaint a remarquablement démontré la nocivité des projets du Gouvernement, surtout face aux besoins nouveaux qui existent en matière de santé, compte tenu du vieillissement de la population, de l'apparition de nouvelles maladies, professionnelles notamment, de l'augmentation des accidents du travail. A besoins nouveaux, il faut des financements nouveaux. Or, j'ai beau chercher, même avec une loupe, je n'en vois pas le début d'un ! Pour essayer de contenir un peu le déficit, vous vous contentez de prélever un peu plus les usagers au nom d'une prétendue responsabilisation !

Vous dites, Monsieur le ministre, que les nouveaux financements que nous proposons sont dignes d'une économie planifiée. Je vous en prie, ne prenez pas les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

En réalité, depuis des années, les financements proposés sont toujours les mêmes. Vous en appelez à la nouveauté, mais la créativité n'est guère au rendez-vous. Vous devriez donc nous écouter.

Vous ne voulez pas d'une augmentation de la CSG. Très bien, nous non plus. Nous avions d'ailleurs voté contre son instauration, car nous ne sommes pas favorables à une fiscalisation de la sécurité sociale, qui doit reposer sur des cotisations patronales et salariales, autrement dit sur les richesses produites.

Sur ce point, nous sommes donc d'accord avec vous, encore qu'on lise dans la presse que M. Mattei pense qu'il faudra peut-être faire appel à la CSG. C'est comme pour la suppression d'un jour férié : l'avis du Gouvernement varie selon les heures ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Vous ne me ferez pas taire comme cela !

Mme la Présidente - Laissez terminer l'orateur. Les interruptions sont désagréables pour tout le monde et retardent la levée de séance. Mais veuillez conclure, Monsieur Gremetz. Vous avez comme tout le monde droit à cinq minutes, je vous demande de les respecter.

M. Maxime Gremetz - Nous sommes les seuls à faire de véritables propositions de financement. Nous sommes les seuls à nous attaquer à la racine du mal. Tant qu'on ne fera pas cela, le déficit se creusera et certains diront ensuite aux Français qu'il faut privatiser la sécurité sociale. Nous ne voulons pas d'une telle évolution. C'est pourquoi nous voterons le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Yves Bur - Rappel au Règlement. Je m'indigne que l'on profite du fait que les collaborateurs des ministres n'ont ici pas le droit à la parole pour les attaquer. Il faut avoir vraiment peu à proposer pour en arriver à demander que le ministre fasse le vide parmi ses collaborateurs. Cette attaque est scandaleuse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Il ne me paraît pas utile de revenir sur des incidents que je considère comme clos. Cela étant, Monsieur Bur, j'ai vu certaines choses (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je souhaite que le débat se poursuive ce soir dans une sérénité retrouvée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir à 21 heures 45.

La séance est levée à 20 heures 15.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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