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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 19ème jour de séance, 47ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 4 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

DÉFICIT DE L'ASSURANCE MALADIE 2

POLITIQUE BUDGÉTAIRE 2

RETRAITE DES SALARIÉS AYANT COMMENCÉ
À TRAVAILLER JEUNES 3

OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA DÉLINQUANCE 4

CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS 5

RETRAITE ANTICIPÉE
POUR LES LONGUES CARRIÈRES 6

CHÔMAGE 6

ACCÈS AUX HAUTES TECHNOLOGIES 8

LUTTE CONTRE L'EXCLUSION 8

ÉCOLE MATERNELLE 9

POLITIQUE DE LA PÊCHE 10

DÉRIVES COMMUNAUTARISTES
DANS LE MONDE SPORTIF 11

LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2004 (suite) 11

EXPLICATIONS DE VOTE 12

LOI DE FINANCES POUR 2004
-deuxième partie- (suite) 15

JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite) 16

QUESTIONS 16

ETAT B - TITRE III 26

DÉFENSE 27

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

DÉFICIT DE L'ASSURANCE MALADIE

M. Jean-Marie Le Guen - Monsieur le Premier ministre, voilà deux ans que l'assurance maladie part à la dérive : votre politique de l'emploi, ou plutôt du chômage tarit les recettes, et votre laxisme fait s'envoler les dépenses. Du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous allons voter, ses premières victimes seront les assurés, moins bien remboursés désormais et moins exonérés du ticket modérateur. Cette diminution des prestations prépare une politique de privatisation.

Les dépenses prévues par cette loi de financement sont, comme le disait le ministre de la santé, abyssales : plus de 30 milliards d'euros de dettes ! Les parlementaires, surtout ceux de la majorité, ont bien compris qu'ils n'auraient pas à en assumer le remboursement devant leurs électeurs avant les élections. Mais quand et comment le leur demanderez-vous ?

Seconde question : ce projet ne comporte quasiment aucune mesure en faveur des personnes âgées, en dépit des évènements de cet été. Vous avez évoqué à ce sujet la suppression de jours fériés. Mais selon nos informations, le Gouvernement se serait engagé à Bruxelles à affecter ce produit au comblement des déficits sociaux.

A qui et quand dites-vous donc la vérité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Nous avons hérité d'une assurance maladie qui n'avait fait l'objet d'aucune réforme de structure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), lors de périodes de croissance qui justement auraient dû être mises à profit pour réformer (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

La sécurité sociale fait partie du patrimoine des Français : ensemble nous l'avons construite, ensemble nous la réformerons ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) Aussi prenons-nous le temps du dialogue, du diagnostic et enfin de la décision.

Dans une heure, l'Assemblée nationale se prononcera sur le PLFSS. Elle le fera en toute connaissance de cause : notre débat a été respectable. Vous ne pouvez pas dire que ce PLFSS est vide de réforme : l'hôpital, c'est plus de la moitié de notre budget, et nous réformons toute la tarification hospitalière.

M. Bernard Roman - Cataplasme !

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Quant à la solidarité qu'impose le vieillissement de la population, le Premier ministre annoncera prochainement des mesures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE BUDGÉTAIRE

M. Charles de Courson - Monsieur le Premier ministre, notre situation budgétaire extrêmement dégradée a conduit la Commission européenne à déclencher une procédure de déficit excessif. Le ministre des finances a promis hier soir à nos partenaires de la zone euro qu'il allait travailler à « un cheminement crédible pour réduire davantage les déficits 2004 ». Nos partenaires nous demandent un effort supplémentaire de réduction du déficit de 6 milliards d'euros. Le Conseil des ministres de l'Union serait prêt à accepter un compromis à 3 milliards.

L'alternative est simple : augmenter les impôts ou réduire la dépense publique.

Le groupe UDF défend trois principes : le respect des prérogatives du Parlement en matière de finances publiques, sur lequel insiste régulièrement le Président de l'Assemblée nationale, le respect de la parole donnée à nos partenaires européens par l'adoption du traité de Maastricht, et le respect des principes de bonne gestion des finances publiques et en particulier de la maîtrise des dépenses.

Le Gouvernement envisage-t-il d'augmenter les prélèvements obligatoires en créant une nouvelle cotisation sur les salaires via la suppression d'un jour férié, ou, comme le propose le groupe UDF, de diminuer les dépense publiques ? Dans l'affirmative, lesquelles ?

Le Gouvernement respectera-t-il les prérogatives du Parlement en déposant des amendements avant le vote du budget en première lecture à l'Assemblée nationale le 18 novembre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Le Gouvernement est attaché au principe de respect que vous avez affirmé, et sa parole (« Laquelle ? » sur les bancs du groupe socialiste) est la même à Paris et à Bruxelles.

Le dialogue avec nos partenaires européens est ouvert, sincère et transparent. Grâce aux efforts de maîtrise de la dépense que nous avons consentis avec le soutien de votre assemblée, nous avons obtenu, avec les Pays-Bas, la meilleure baisse du déficit structurel en Europe.

La Commission européenne a accédé à notre souhait de reporter à 2005 le retour du déficit en dessous de la barre des 3 % du PIB. Aucune modification du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est donc envisagée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RETRAITE DES SALARIÉS AYANT COMMENCÉ À TRAVAILLER JEUNES

M. Alain Bocquet - Monsieur le Premier ministre, j'ai défendu à deux reprises à cette tribune au nom de mon groupe, avant comme après 2002, le droit à une retraite pleine et entière avant 60 ans pour les travailleurs ayant cotisé quarante annuités. Cette mesure humaine, de bon sens et de justice est attendue par 800 000 salariés qui ont connu dès leur plus jeune âge des conditions de travail et de rémunération difficiles. Elle a été rejetée à deux reprises en raison de son coût financier. A-t-on porté la même attention au coût social ? A-t-on mesuré qu'elle ouvrirait aussi le chemin de l'emploi, au lieu de celui de l'ANPE, à des dizaines de milliers de jeunes ? Le Gouvernement a été contraint d'intégrer une proposition édulcorée à une réforme des retraites particulièrement rétrograde. Les décrets d'application en font une coquille quasiment vide. Vous exigez jusqu'à quarante-deux annuités et vous ne tenez compte que de façon limitée des périodes de maladie, d'invalidité, de chômage, de service militaire ou de maternité. Une fois encore les femmes sont pénalisées.

En outre, aucune garantie n'est assurée quant aux retraites complémentaires. Allez-vous imposer au Medef l'application de ce droit et revenir sur ces décrets qui déçoivent tous ceux qui ont commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans et ainsi participé au développement économique de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je rends hommage à M. Bocquet : le groupe communiste s'est en effet battu pendant de nombreuses années pour que l'on puisse partir à la retraite dès quarante annuités de cotisation quand on a commencé à travailler très jeune. Cette revendication des communistes, elle avait été refusée par les socialistes (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe UMP). Si M. Bocquet m'a posé cette question, c'est qu'il attendait cette réponse ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

C'est donc une avancée sociale majeure. Si la situation financière de notre pays était meilleure (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste), nous l'aurions volontiers étendue à plus de 200 000 personnes. Grâce aux décrets que nous avons pris, 200 000 personnes qui ont commencé à travailler très jeunes pourront partir avant 60 ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Voilà une avancée sociale majeure, et j'espère que nous pourrons développer ce type d'approche, qui était au c_ur de la grande réforme des retraites que nous avons voulue.

Nous faisons pression sur l'ensemble des partenaires sociaux pour qu'un accord sur les retraites complémentaires vienne renforcer cet acquis social. Deux autres grandes réformes témoignent de l'action sociale que mène le Gouvernement et que d'aucuns cherchent à caricaturer (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Je veux d'abord parler de l'augmentation du SMIC (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Je suis fier d'être à la tête du Gouvernement qui va donner l'équivalent d'un treizième mois à un million de smicards : cela c'est du vrai social, cela c'est du social de terrain, du social partagé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Et enfin le droit individuel à la formation que les syndicats ont approuvé. Sous le gouvernement précédent, le dialogue social était asphyxié. Les partenaires sociaux viennent de permettre aux salariés de conquérir ce droit à la formation tout au long de la vie. Voilà une autre avancée sociale !

Nous sommes très attentifs à ce que, dans cette période très difficile pour les Françaises et les Français, nous soyons en mesure de répondre à ce qui a toujours été la tradition de la République, c'est-à-dire la préoccupation sociale (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA DÉLINQUANCE

M. Jean Tiberi - (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Monsieur le ministre de l'intérieur, les Françaises et les Français sont de plus en plus rassurés (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ...par la volonté du Gouvernement - et la vôtre en particulier - de rétablir un climat de sécurité dans le pays en réaffirmant l'autorité de l'Etat. Sous votre impulsion, l'action des forces de l'ordre s'est traduite depuis plus d'un an par une baisse significative de la délinquance (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Nous sommes donc dans la bonne direction, mais il faut poursuivre l'action sur l'ensemble du territoire avec la même fermeté.

Dans ce sens, vous avez réuni ce matin pour la première fois le conseil d'orientation de l'observatoire national de la délinquance (« Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Quelles sont les missions essentielles de cet observatoire ? Quel bilan tirez-vous de cette première réunion ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Un rapport avait été confié par le précédent gouvernement à deux éminents parlementaires, M. le ministre Robert Pandraud et M. Christophe Caresche. Il avait été unanimement reconnu comme un rapport de qualité, comportant des propositions intéressantes. Le précédent gouvernement en avait tiré la conclusion que c'était intéressant... mais qu'il ne fallait rien faire ! Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en a tiré la conclusion que puisque c'était intéressant, il fallait donner suite à ces propositions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) C'est sans doute une différence de culture, à moins qu'il s'agisse d'une question de volonté politique. De quoi s'agit-il ? De mettre, pour une fois, les statistiques au-dessus de tout soupçon...

M. Daniel Vaillant - Quel aveu !

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Vous aviez rêvé d'un observatoire indépendant de la délinquance. Eh bien, soyez beaux joueurs, applaudissez car nous l'avons créé ce matin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il sera présidé par M. Alain Bauer... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Ce n'est pas parce qu'il a appartenu au cabinet de M. Rocard qu'il convient de le critiquer ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Dans mon esprit, c'est plutôt un gage d'indépendance et de respectabilité. Désormais, l'évaluation des résultats en toute transparence prévaudra. Et que cela ne nous empêche pas de nous réjouir d'ores et déjà des résultats du mois d'octobre. Monsieur Tiberi, à Paris - et c'est une première -, au mois d'octobre, la délinquance a reculé de 8 % ; la délinquance de voie publique a reculé de 15 % et la délinquance dans les transports et les voies ferrées d'Ile-de-France de 20 % (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Cela aussi, vous en aviez rêvé, merci de nous avoir laissé le faire (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS

M. Etienne Blanc - L'article 22 de la loi du 3 août 2002 crée les centres éducatifs fermés. Ce nouvel outil, mis à la disposition des magistrats, se situe entre les centres éducatifs renforcés et les placements en détention provisoire en maison d'arrêt. Ils s'adressent aux mineurs de treize à dix-huit ans, souvent très violents et, la plupart du temps, « réitérants ». Ces centres permettent de garantir la présence effective des mineurs dans un établissement et ils tendent à permettre aux jeunes concernés de retrouver une formation et d'être valablement accompagnés.

Au terme d'un an de mise en _uvre, pouvez-vous, Monsieur le Garde des Sceaux, nous indiquer combien de centres sont en état de fonctionner, combien de mineurs y ont été placés, et, surtout, quel est l'avis des professionnels sur leur fonctionnement et sur leur efficacité ? Pouvez-vous, enfin, nous faire part des dysfonctionnements éventuels et nous dire si vous sollicitez des moyens supplémentaires - y compris de nouveaux moyens législatifs - pour faire face au lancinant problème de la délinquance des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - La création des centres éducatifs fermés répond à un engagement fort du Président de la République. Six sont aujourd'hui en place et ils ont accueilli soixante-quatre jeunes ; neuf seront ouverts d'ici la fin de l'année et vingt avant l'été prochain. J'ai réuni la semaine dernière les professionnels de terrain, magistrats, juges pour enfants, directeurs des centres, responsables associatifs, responsables de la PJJ, etc. Quelles sont leurs premières conclusions ? D'abord les jeunes accueillis sont effectivement très difficiles. Jusqu'à présent, ni les magistrats, ni les professionnels de la réinsertion ne savaient comment les traiter et comment engager un processus positif avec eux, compte tenu de la fréquence de leurs délits. Ces jeunes sont très souvent dans un état sanitaire et psychiatrique extrêmement préoccupant. Le simple fait qu'ils ne soient plus dans la rue ni en prison est déjà tout à fait positif.

Deuxième observation très importante, après quelques semaines passées dans ces centres, le bilan, pour ceux qui les quittent sur décision de justice, est manifestement très positif. Un certain nombre d'entre eux ont pu ainsi reprendre un cursus de formation professionnelle tout à fait normal. Ces centres apportent donc une réponse positive, en matière de réinsertion comme de sécurité publique.

Deux aspects peuvent être améliorés. Il convient en premier lieu de renforcer la coordination entre le travail accompli à l'intérieur des centres et le suivi à l'extérieur. La PJJ doit pouvoir assurer la continuité de l'accompagnement, au-delà même de la période de placement. Deuxième amélioration à prévoir, la création de comités de suivi locaux, avec l'ensemble des responsables - justice, police, élus locaux, milieux économiques -, pour accompagner le travail effectué à l'intérieur des centres.

Le bilan est donc encourageant : la sécurité des Français est mieux assurée et les jeunes concernés bénéficient d'une deuxième chance. C'était un engagement. Nous l'avons tenu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

RETRAITE ANTICIPÉE POUR LES LONGUES CARRIÈRES

M. Alfred Trassy-Paillogues - Ma question, à laquelle j'associe Christian Vanneste, s'adresse au ministre des affaires sociales. Avec force concertation et conviction, vous avez réformé les retraites... (« Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste) pour donner aux générations qui nous suivent un système juste et équitable. S'il est une mesure qui plaît beaucoup dans nos circonscriptions, c'est bien celle qui concerne les personnes ayant commencé à travailler à quatorze ans. Nombre de nos administrés ont remarqué que le décret afférent avait été publié la semaine dernière. A quelle date les bénéficiaires potentiels pourront-ils engager leurs démarches ?

M. François Hollande - La question a déjà été posée !

M. Alfred Trassy-Paillogues - Quelles seront les modalités de suivi de cette opération ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Le groupe communiste avait rêvé de permettre à ceux qui ont commencé à travailler très tôt d'anticiper leur départ à la retraite, c'est l'UMP qui l'a réalisé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Cette mesure de justice sociale entrera en application le 1er janvier. Elle se fonde sur des critères incontestables : un début d'activité entre 14 et 16 ans, une condition de durée validée de quarante-deux ans et une condition de durée cotisée de quarante-deux ans à 56 et 57 ans, (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) de quarante et un ans à 58 ans et de quarante ans à 59 ans. L'objectif est de prendre en compte l'ensemble des longues carrières. Dire, comme le font certains, que cette mesure ne prend pas en compte les périodes de chômage, de service militaire, de maladie ou d'autre motif d'interruption professionnelle, est faux (Vives protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). La durée cotisée exigée diminue bien en fonction de l'âge de départ et le décret prend bien en compte, dans la limite d'un an, la durée du service national,...

M. Bernard Roman - Un an seulement !

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - ...ainsi que les périodes d'indemnisation, au titre de la maladie et des accidents du travail.

Ainsi, un salarié ayant commencé à travailler à l'âge de 15 ans, ayant accompli un an de service national, subi un an de chômage et un an d'arrêt maladie au cours de sa carrière, pourra partir à la retraite à l'âge de 58 ans contre 60 aujourd'hui.

M. Jérôme Lambert - La plupart des intéressés ont accompli un service militaire plus long !

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Cette mesure représente un progrès social unique en Europe. Le Gouvernement et la majorité peuvent être fiers de l'avoir fait voter (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

CHÔMAGE

M. Victorin Lurel - Monsieur le Premier ministre, malgré vos incantations et vos psalmodies, le chômage augmente partout, encore et toujours. Dans l'hexagone, les plans sociaux se sont multipliés sans frein et sans cran d'arrêt, mettant sur le pavé des milliers de salariés. En septembre, les nouveaux inscrits à l'ANPE ont augmenté de 7,9 %, ce qui porte le taux de chômage à 9,7 %.

Avec l'actuel sentier de croissance du chômage qui est en grande partie le fruit de votre politique, la barre des 10 % risque d'être allégrement atteinte en fin d'année.

La rupture avec la période antérieure, au cours de laquelle deux millions d'emplois ont été créés, est nette. Elle prouve, s'il en était besoin, le caractère injuste et erroné de votre politique, laquelle table sur d'hypothétiques retombées de la timide reprise américaine.

Ailleurs, dans l'outre-mer français, lequel avait pourtant connu grâce à la loi d'orientation du gouvernement précédent une croissance de l'emploi de plus de 10 % en deux ans, le chômage repart aussi.

La France a mal à cette politique dure et, moi qui vous parle, j'ai eu à connaître la lèpre du chômage et à sentir peser sur moi le regard accusateur des autres. S'il faut ajouter aujourd'hui la stigmatisation gouvernementale, vous accablez celles et ceux qui sont déjà frappés par le sort (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes transformé en évangéliste du marché (« N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe UMP) et vous avez ôté tout caractère volontariste - et interventionniste - à votre politique de l'emploi ! Votre politique économique, dont la matrice fondamentale est l'ultralibéralisme réagano-thatchérien (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), est conduite avec dogmatisme, si elle est présentée avec un langage compassionnel. Elle fait du salarié une simple variable d'ajustement, en spéculant sur la transition démographique de 2005-2006 et sur une improbable reprise mondiale.

Le travailleur est, avec vous, partout dans les fers ! Monsieur le Premier ministre, vous êtes personnellement responsable du chemin choisi (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) et, en conséquence de cette calamité. Puisque vous vous piquez de gérer en « bon père de famille », rendez aujourd'hui des comptes à la représentation nationale ! Quand entendez-vous inverser la courbe du chômage, comme avait su le faire votre prédécesseur ? (Huées sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Monsieur Degauchy, nous ne sommes pas au spectacle.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Vous arrive-t-il, Monsieur le député, de regarder au-delà de nos frontières ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Si vous le faisiez, vous verriez que l'ensemble des pays développés connaissent la même situation économique et vous éviteriez de parler de « timide reprise américaine » quand le taux de celle-ci atteint 7,2 % ! Vous arrive-t-il de faire votre autocritique ? Si c'était le cas, vous avoueriez que depuis 2001, le chômage a crû de façon régulière, et ce malgré les mesures extraordinairement coûteuses que vous et vos amis avez prises, qu'il s'agisse de la RTT ou de l'augmentation des emplois précaires dans le secteur public (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La vérité, c'est que depuis des années, notre pays fait moins bien en matière d'emploi que la plupart des pays européens, et ce pour des raisons structurelles tenant à l'absence de fluidité de notre marché du travail, à une formation pas toujours en adéquation avec les besoins de l'économie moderne, au poids du secteur public sur le secteur marchand. Le Gouvernement s'attaque à ces pesanteurs structurelles.

Nous avons baissé les charges comme cela n'avait pas été fait auparavant, nous avons augmenté le SMIC comme cela n'avait pas été le cas depuis vingt ans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : il aura en effet augmenté de 11,5 % en trois ans, hors inflation...

M. Bernard Roman - C'est faux !

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Comment pouvez-vous dire que c'est faux, alors que c'est la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Pour autant, nous n'oublions pas la nécessité d'un traitement social du chômage. Mais nous l'avons réorienté vers le secteur marchand, avec les emplois jeunes, le contrat initiative emploi, le CIVIS, le RMA.

L'objectif de la majorité n'est pas de réduire artificiellement le chômage, mais bien de lutter contre les problèmes structurels du marché de l'emploi. Après trois ans de hausse continue du chômage, de 2001 à 2003, toutes les prévisions montrent que 2004 sera pour la France une année de retour à la création d'emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ACCÈS AUX HAUTES TECHNOLOGIES

M. Jean-Claude Lenoir - Chaque jour, le rêve devient réalité et l'informatique rend de plus en plus de services. Dans ce domaine, le Gouvernement s'est fixé un objectif ambitieux : qu'en 2007, il y ait 10 millions d'abonnés au haut débit.

Pour l'atteindre, il faudra convaincre les Français que des équipements performants peuvent leur faciliter la vie. Comment le Gouvernement compte-t-il favoriser leur accès aux technologies nouvelles et quels moyens compte-t-il mettre en _uvre pour assurer une plus large diffusion du haut débit ? Actuellement, 90 % des Français y ont accès, mais il existe des difficultés réelles pour les 10 % restants. Dans l'Orne, par exemple, le taux de raccordement de la population est de 73 %.

Depuis un an, cinq mois et vingt-neuf jours, un retard important a certes été comblé, mais il faut encore faire des efforts sur l'offre, que ce soit dans l'Orne ou ailleurs, pour que tous les Français aient accès aux hautes technologies et pour que la France se situe à cet égard à un très bon niveau européen (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Avec le plan Réseau 2007, le Premier ministre a lancé la France dans une dynamique numérique qui était tout à fait indispensable, puisque nous n'étions qu'à la vingt-et-unième place des pays les plus avancés.

Dès l'été 2002, j'avais suscité une baisse des tarifs de revente de l'ADSL et cette initiative a marqué un tournant dans le développement du marché français, puisque les tarifs du grand public ont pu ainsi être abaissés à 30 € par mois, ce qui a engendré une croissance fulgurante dans ce domaine. Le marché français de l'internet à haut débit connaît en effet une croissance de 150 % en rythme annuel. Et cela a des effet induits : hausse de 60 % des transactions par le commerce électronique, de 20 % en un an du taux d'équipement des ménages en micro-informatique.

Cependant, une étude que j'ai fait réaliser montre que la France accuse encore un certain retard par rapport à d'autres pays et qu'il existe une fracture numérique, à la fois générationnelle, sociale et géographique. Je vous propose d'ailleurs de voir avec vous ce qu'il en est pour l'Orne, s'agissant de la couverture en haut débit.

L'étude montre qu'il y a deux freins à l'équipement : les Français n'ont pas suffisamment conscience de l'utilité des nouveaux moyens informatiques et le coût de cet équipement reste élevé. Nous allons donc lancer une campagne qui insistera sur l'utilité de l'ordinateur, à la fois comme outil d'accès à la connaissance et comme aide à la vie quotidienne, et qui renforcera opportunément les annonces traditionnellement faites à la veille des fêtes de Noël. Je terminerai en disant que le secteur des technologies informatiques représente 7 % du PIB en Europe, ce qui n'est pas négligeable dans la perspective du retour à la croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LUTTE CONTRE L'EXCLUSION

M. Denis Jacquat - Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion.

Plusieurs députés socialistes - Qui est-ce ?

M. Denis Jacquat - Messieurs, soyez corrects, s'il vous plaît (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'accès aux droits sociaux est au c_ur des préoccupations de l'ensemble des responsables européens. Mais il ne suffit pas que ces droits soient reconnus pour qu'ils soient totalement effectifs et un effort considérable reste à faire pour assurer cette effectivité.

Vous avez organisé hier, Madame la secrétaire d'Etat, en collaboration avec le Conseil de l'Europe, un colloque sur l'accès aux droits sociaux en Europe. C'est une bonne initiative pour faire avancer la réflexion sur le sujet et pour confronter l'expérience française à celle des autres pays. Pouvez-vous nous dire les conclusions que vous en tirez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion - J'ai effectivement organisé hier, en partenariat avec le Conseil de l'Europe, un colloque sur ce sujet important, qui rejoint celui de l'accès à la citoyenneté. Nous parlons bien des droits de tous, et non de droits spécifiques pour telle catégorie de citoyens.

Les différents experts et responsables politiques qui étaient présents ont souligné que, malgré l'adoption de la Charte sociale européenne - que d'ailleurs seules la France et l'Italie ont signée sans en changer un seul article -, l'accès aux droits demeure difficile. Il ne suffit pas en effet qu'un droit soit reconnu pour qu'il soit effectif. On voit bien d'ailleurs que la loi de lutte contre l'exclusion de 1998 n'a pas suffi à faire disparaître les exclusions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Le Conseil de l'Europe a signalé le caractère exemplaire du plan de renforcement de la lutte contre l'exclusion que nous avons mis en place en mars dernier. De fait, la France est le premier pays d'Europe à avoir adopté un plan pour repérer méthodiquement tous les obstacles à l'inclusion sociale.

La plupart des mesures proposées en mars sont engagées et 20 % d'entre elles sont déjà réalisées. C'est ainsi que nous avons simplifié des procédures administratives, facilité l'accès à l'aide juridictionnelle, signé soixante-huit chartes départementales de prévention des exclusions, introduit l'alimentation comme un outil d'insertion, renforcé la lutte contre l'illettrisme...

Mais nous comptons bien aller plus loin. A la demande du Président de la République et du Premier ministre, nous allons en effet évaluer l'impact de la loi de 1998, qui est loin d'être indiscutable et qui génère même des situations d'exclusion (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous allons le faire avec les associations et avec ceux qui vivent ces situations d'exclusion. Au printemps, nous lancerons en outre une campagne d'information sur l'accès aux droits, afin que celui-ci devienne une réalité pour chacun de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ÉCOLE MATERNELLE

M. Michel Lefait - L'école maternelle joue un rôle essentiel dans notre pays et elle est considérée comme l'une des meilleures par les pédagogues du monde entier. C'est en effet l'école maternelle qui permet aux enfants d'acquérir, dès l'âge de 2 ans, un certain nombre de notions et de valeurs et de faire des apprentissages, sur lesquels ils pourront ensuite construire l'ensemble de leur cursus scolaires. Bref, l'école maternelle assure une certaine égalité des chances.

Or, il y a quelques jours, le nouveau recteur de l'académie de Lille a tenu devant un auditoire d'enseignants et de parents d'élèves des propos qui nous font redouter le pire : « Un enseignant n'a pas besoin d'avoir bac plus cinq pour regarder des enfants dormir », a-t-il déclaré, laissant ainsi entendre que l'école maternelle se résumerait à une garderie.

Plusieurs députés socialistes - Scandaleux !

M. Michel Lefait - Dans le même esprit, certains répandent complaisamment l'idée selon laquelle la scolarisation dès 2 ans profiterait d'abord aux familles favorisées. Venez donc voir, Monsieur le ministre, si dans l'académie de Lille, où 65 % des enfants de 2 ans sont scolarisés, disposer de deux modestes salaires range un foyer dans la catégorie des riches et des privilégiés !

Venez vérifier par vous-même si le Nord-Pas-de-Calais, région sinistrée entre toutes, n'a pas le plus grand besoin d'une scolarisation précoce de ses enfants, pour rattraper ses nombreux retards !

Face à la menace sournoise, qui se répète depuis quelques temps, sur l'école maternelle, ma question est donc simple : sauf à vouloir à nouveau transférer des charges sur des communes qui n'en peuvent plus, que comptez-vous faire, dans le cadre du budget 2004, pour appliquer partout la loi du 10 juillet 1989, qui a posé les fondements d'une école maternelle à la française, réductrice de la fracture sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Ne mélangeons pas deux questions. La première, c'est de savoir si dans notre pays l'école maternelle pour les enfants de 3 ans est menacée : elle ne l'est pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), et j'observe que de votre côté de l'hémicycle on aime laisser croire à des menaces qui n'ont pas de réalité... Tout autre est la question, non de la scolarisation, mais de la préscolarisation en maternelle des enfants de 2 ans. Sur cette question, que vous posez souvent, je répéterai des choses simples. Dans notre pays 32 % des enfants sont préscolarisés à 2 ans. Or toutes les observations montrent que cette préscolarisation n'a aucun impact sur leur taux de redoublement au CP (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Toutes les observations, y compris celles qui sont faites par vos amis politiques, montrent que cette préscolarisation bénéficie surtout aux enfants des familles de cadres, ainsi qu'aux enfants d'immigrés, et n'a pas d'impact sur la suite de la scolarisation (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Faut-il pour autant renoncer à accueillir les enfants de 2 ans là où c'est nécessaire ? Non, et nous continuerons à le faire (Mêmes mouvements). Vous savez comme moi que la scolarisation des tout-petits s'est souvent faite en fonction de la carte scolaire, afin de ne pas fermer des écoles (Mêmes mouvements).

Vous pouvez hurler tant que vous voudrez : les observations conduites par les services de l'éducation nationale n'en confirment pas moins ce que je dis.

Il n'en est pas moins vrai que l'accueil par l'école des enfants qui n'ont pas d'autres possibilités d'accueil est souhaitable : mais il l'est pour des raisons sociales, non scolaires. Nous le faisons quand c'est nécessaire. Mais n'essayez pas de faire croire que la carrière scolaire des enfants est engagée, selon qu'ils sont scolarisés à un âge où ils ne savent pas leur nom, ou à l'âge normal de 3 ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Si vous n'êtes pas capables d'entendre des opinions différentes des vôtres, c'est tout de même inquiétant !

POLITIQUE DE LA PÊCHE

M. Alain Cousin - Ma question, Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, porte sur les futures adaptations de la politique nationale des pêches, dans le prolongement de la réforme de la politique commune de la pêche adoptée le 20 décembre 2002 par le Conseil des ministres de l'Union européenne. Malgré un contexte budgétaire très contraint, le Gouvernement a lancé en juillet un ambitieux plan de renouvellement et de modernisation de la flotte de pêche. La France montre ainsi qu'elle entend offrir à ses pêcheurs des conditions d'activité clarifiées, et c'est là l'expression de votre forte volonté politique.

Dans ce sens, lors du dernier conseil supérieur d'orientation de la pêche, a été signée une charte entre les chercheurs, les pêcheurs et votre ministère. Le monde de la pêche a besoin de perspectives. Pouvez-vous donc nous préciser la teneur et la finalité de cette charte ? Je souhaite aussi connaître vos intentions en matière de gestion de la ressource, de maîtrise des marchés des produits de la mer et de modernisation des structures, pour compléter le programme de modernisation de la flotte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Vous avez raison : la pêche a besoin de perspectives. Nous avons franchi l'an dernier une étape importante avec la réforme de la politique commune : nous avons obtenu à Bruxelles la possibilité de continuer à moderniser et à sécuriser notre flotte. Ainsi, en 2004, 20 millions d'euros seront consacrés à ce plan de modernisation, avec des engagements qui pourront aller jusqu'au 31 décembre 2004 et des réalisations qui iront au-delà.

Cela étant, il nous reste trois grands chantiers. Le premier est la gestion de la ressource. Il faut réduire l'incompréhension entre les scientifiques et les pêcheurs : c'est le but de la charte établie avec l'IFREMER, le conseil national des pêches et mon ministère, pour une gestion durable de la ressource. Nous cherchons d'autre part à établir une politique de gestion des quotas, et des liens meilleurs et plus clairs entre les organisations de producteurs et les comités locaux des pêches.

Le deuxième chantier est l'organisation des marchés. Il faut donner plus de pouvoir aux organisations de producteurs, pour une meilleure adéquation de la pêche aux attentes des consommateurs.

Troisième chantier enfin, nous travaillons avec Alain Lambert sur l'environnement économique des entreprises de pêche : les discussions progressent sur les SOFIPÊCHE, les déductions pour aléas, les réserves, les mécanismes assurantiels. Nous voulons assurer une gestion durable de la ressource, et maintenir cette activité indispensable à nos régions littorales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉRIVES COMMUNAUTARISTES DANS LE MONDE SPORTIF

M. Damien Meslot - Monsieur le ministre des sports, lors de votre audition par la commission sur la laïcité que préside Bernard Stasi, vous avez mis en garde contre le communautarisme et les dérives qui frappent le milieu associatif : créneaux horaires spécifiques pour les femmes dans les piscines et les gymnases, interdiction à celles-ci de la pratique sportive, développement de clubs sportifs constitués sur une base ethnique. Ces tendances qui mettent en cause les valeurs républicaines sont inadmissibles. Elles sont opposées à notre conception du sport comme facteur d'intégration et de brassage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Qu'en est-il de ce phénomène préoccupant ? Comment pensez-vous mettre fin à ces situations qui suscitent une véritable exaspération chez nombre de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-François Lamour, ministre des sports - Je suis informé par les dirigeants bénévoles et les éducateurs d'un nombre croissant de faits comme ceux que vous évoquez. Dans certains quartiers, passé 12 ou 13 ans, les jeunes filles accèdent de moins en moins aux clubs sportifs. De plus en plus de clubs ethniques se constituent, et participent à des championnats parallèles, échappant à ceux qu'organisent les fédérations sportives. On transforme les clubs, espaces de liberté, de brassage, de transmission de valeurs communes, en lieux de repli identitaire, communautaire, voire de prosélytisme. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai tenu à être entendu par la commission sur la laïcité, de laquelle j'attends beaucoup. En attendant, avec Mme Ameline, nous avons mis en place un groupe de travail chargé de mieux analyser les mécanismes qui empêchent les jeunes filles d'accéder aux clubs sportifs, et d'aider les dirigeants bénévoles et les élus à chercher des solutions. Avec M. Borloo, nous allons créer dix sites, dans dix villes pilotes, pour empêcher le développement de clubs communautaires. A vous tous, qui êtes bien souvent des élus locaux, je demande - et je vous y aiderai - d'être très vigilants sur la distribution de créneaux horaires et de subventions à des associations sportives qui seraient fondées sur le repli communautaire et l'activité de prosélytisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Il importe de préserver notre idée du club sportif comme espace de brassage et de liberté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF, sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise, à 16 heures 15.

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2004 (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public en application de l'article 65, alinéa 1, du Règlement.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Je remercie les rapporteurs et l'ensemble de la commission dont les travaux de qualité ont permis de débattre dans d'excellentes conditions, ainsi que tous les intervenants pour leurs propositions souvent très justes. Si les divergences subsistent, bien naturellement, je me félicite que nous ayons pu ainsi améliorer le texte, en adaptant le rythme de passage à la tarification à l'activité à l'hôpital et en clarifiant les intentions du Gouvernement sur l'article 31 relatif aux affections de longue durée et aux articles 35 et 37 relatifs à la maîtrise médicalisée des dépenses.

La situation financière de la sécurité sociale, en particulier de l'assurance maladie, est très dégradée. Faible dynamisme des recettes et progression élevée des dépenses conduisent à des déficits qui ne sont pas soutenables à moyen terme. Le Gouvernement a donc souhaité engager la modernisation de l'assurance maladie selon un calendrier maintenant connu de tous et le haut conseil installé par le Premier ministre a commencé ses travaux.

Dans ce PLFSS, le Gouvernement est resté fidèle à trois principes, à savoir le refus de la hausse des prélèvements - en l'occurrence de la CSG - qui ne ferait que retarder les échéances, la stabilisation du déficit de l'assurance maladie pour 2004 et le refus de prendre des mesures structurelles anticipant sur le résultat de la négociation.

Pour autant, nous ne nous en sommes pas tenus à l'immobilisme. Ce projet comporte des mesures importantes. Il conforte la cohérence de notre action dans la lutte contre le cancer, supprime le FOREC et prépare l'avenir de l'assurance maladie grâce à la tarification à l'activité et à la réforme profonde de l'hôpital.

M. Bernard Accoyer - Très bien !

M. le Ministre - Pour 2003, je vous avais présenté un projet de loi de transition ; cette année, il est de clarification ; l'an prochain viendra le projet de loi de la responsabilisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Yves Bur- L'assurance maladie est au bord de l'abîme, le déficit se creuse sous l'effet de la crise économique et la tendance lourde à l'augmentation des dépenses de santé. La dérive a atteint 25 % entre 1999 et 2003, menaçant les fondements de notre pacte social. Il nous faut donc engager avec courage la modernisation de notre système. Pour ce faire, le Gouvernement s'appuiera sur les conclusions que le haut conseil lui remettra au premier semestre, pour sauver le système de solidarité sans se contenter comme nos prédécesseurs d'une approche superficielle.

Ce projet constitue une première étape de responsabilisation de tous les acteurs. En premier lieu, l'Etat, grâce à la suppression du FOREC, respectera ses engagements, dans la logique de la loi de 1994, en compensant lui-même l'intégralité des exonérations de charges. Définir ainsi clairement les compétences de chacun est nécessaire pour responsabiliser pleinement les gestionnaires de la sécurité sociale. Dans ce même esprit, nous avons créé le comité des finances sociales. A l'hôpital, la même démarche passe par la généralisation de la tarification à l'activité. Les professionnels de santé sont responsabilisés par le renforcement de la maîtrise médicalisée des dépenses et une efficacité accrue des soins dans le cadre de nouveaux accords avalisés par l'ANAES.

Nous avons aussi rappelé sa responsabilité à l'industrie pharmaceutique en encadrant la promotion et en encourageant le générique. S'il est difficile de corriger certains excès de la consommation médicale, l'assurance maladie ne peut prendre en charge des dérives que souligne année après année la Cour des comptes.

Ce PLFSS traduit bien notre volonté de voir enfin solidarité rimer avec responsabilité. Le droit à la santé et à des soins de qualité, auquel nous tenons tous, ne peut être un droit de tirage illimité. Pour qu'il devienne universel, il faut sauver notre assurance maladie, comme nous l'avons fait pour les retraites, et malgré tous les efforts que cela exige.

Nous nous félicitons par ailleurs du grand retour de la politique familiale, notamment avec la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (Nombreux applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui respecte le choix des parents sur le mode de garde. Nous nous félicitons de même de la création d'un statut des assistantes maternelles, des simplifications de procédures, des mesures en faveur du développement des crèches, de l'ouverture du secteur de la petite enfance à des acteurs privés. Tout cela représente l'effort le plus important consenti depuis vingt ans au bénéfice des familles.

Enfin, je rappelle aux sceptiques de gauche que le décret sur les départs en retraite anticipée est paru vendredi.

Ce texte combine responsabilité et solidarité. Le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Marie Le Guen - Il y avait tant à faire pour l'assurance maladie, et ce projet apporte si peu que le malaise est perceptible au-delà des rangs de la gauche. La distance est telle - abyssale ! - entre la réalité et votre action, que l'on peut parler de votre part d'une mystification (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Vous dites refuser les hausses. Mais c'est reporter simplement le règlement d'un déficit de 30 milliards qu'il vous faudra bien assumer, par des prélèvements massifs, puisque ce déficit correspond à deux points de CSG. Vous dites avoir stabilisé le déficit. Absolument pas. Plusieurs collègues, en dehors même de l'opposition, ont souligné qu'il allait s'accroître.

Que ce projet ne contienne pas de mesures structurelles, en revanche, nous vous en donnons acte. Il y a trois semaines, vous vous vantiez d'être le premier gouvernement à mettre en _uvre une politique de santé publique

M. Bernard Accoyer - Et c'est vrai.

M. Jean-Marie Le Guen - Et vous commencez par supprimer le remboursement des certificats médicaux pour la pratique sportive des jeunes ! Vous irez expliquer votre politique de prévention aux familles ! L'an dernier, vous affirmiez que la tarification à l'activité serait appliquée à l'hôpital dès 2004. Nous apprenons aujourd'hui que cette réforme aura lieu dans une dizaine d'années.

Votre politique se limite à une diminution des droits des assurés, alors que la gauche assurait le développement et le financement de la protection sociale (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

C'est en fait une politique de privatisation que vous préparez.

Par manque d'ambition et de volonté politique, vous êtes incapables de réformer notre système de soins. Ce laisser-aller mène à la destruction de notre sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Ce projet est encore un projet d'attente avant la réforme que vous annoncez pour 2004. Or, la situation de l'assurance maladie est alarmante et la réforme urgente.

Ce projet comporte des éléments positifs : la suppression du FOREC, même si la vigilance s'impose pour vérifier que les exonérations sont effectivement compensées, la tarification à l'activité, la politique familiale. Mais il comporte également des éléments inquiétants : le déficit non financé, l'ONDAM sous-évalué et surtout le report des décisions. S'agissant de la politique familiale, l'UDF approuve la simplification des prestations, le principe du libre choix de garde, le plan crèche et la prestation d'accueil jeune enfant.

Mais, demandant une réelle politique familiale, clé de notre avenir démographique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF), l'UDF n'accepte pas le « hold-up », dénoncé en son temps par l'opposition et notamment par le RPR, qu'est le prélèvement opéré sur la branche famille pour payer la majoration pour enfant, prélèvement doublé l'année dernière et maintenu pour 2004.

Pierre-Christophe Baguet s'est élevé également contre le fait que les familles nombreuses et les femmes ayant des grossesses rapprochées soient exclues de la nouvelle prestation.

S'agissant de la santé, la réforme de la tarification est urgente.

En effet, le budget global a montré ses limites, assurant une rente de situation à certains établissements mais étranglant ceux dont l'activité croît parce que les malades et leurs familles leur font confiance. Or la mise en _uvre de la tarification à l'activité sera complexe avec deux tarifications différentes, l'une mise en _uvre dès 2004 pour le privé, l'autre échelonnée sur huit ans pour le public. Nous avons des doutes sur la convergence des tarifications et sur la possibilité d'y parvenir sans avoir rebasé au préalable les établissements déficitaires, près de 50 % des hôpitaux et des cliniques. Il eût été nécessaire de partir sur des bases saines et ce ne sera pas le cas.

Malgré ces interrogations, l'UDF approuve la réforme de la tarification.

Vous proposez un ONDAM à 4 %. En 2003, nous avions salué un ONDAM plus réaliste à 5,3 %, qui sera cependant réalisé à 6,7 %.

La sous-évaluation de l'ONDAM 2004 aura deux conséquences : son dépassement continuera à le décrédibiliser et, surtout, le déficit sera supérieur aux 14 milliards d'euros prévus. Or, ce déficit n'est pas financé et sur trois ans il s'élève déjà à 33 milliards d'euros.

Vous proposez d'autoriser l'ACOSS à emprunter un même montant, ce qui produirait des frais financiers de 800 millions : ce n'est pas raisonnable.

Certes, vous prévoyez quelques recettes de poche, notamment une nouvelle hausse du tabac. Si faire baisser dans un but de santé publique la consommation de tabac est légitime, espérer obtenir cette baisse en augmentant les taxes est illusoire et a des effets pervers : augmentation de la vente transfrontalière, développement de la contrebande, mise en grande difficulté des buralistes. De plus, le produit de la taxe risque d'être bien inférieur à celui attendu, comme en 2003 et comme l'exemple de la Suède le démontre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mais l'UDF regrette surtout le report d'un an de la réforme de la gouvernance.

Gouverner, c'est prévoir mais c'est aussi décider.

Si l'essentiel est de financer le différentiel entre l'augmentation des dépenses de santé et celles du PIB, il faut aussi dire qui pilote le système.

Selon nous, il convient, grâce à la régionalisation, de rendre chaque acteur responsable en l'associant aux décisions et à la gestion en mettant en _uvre une réelle maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

L'étatisation déresponsabilisante de notre système a atteint ses limites et le paritarisme n'a de légitimité qu'historique.

Ce projet de loi nous a déçus en raison des problèmes qui n'ont pas été abordés : permanence des soins et urgences, démographie médicale notamment.

Mais les débats se sont déroulés dans un climat apaisé, bien différent de celui qui avait prévalu sur la santé publique. Monsieur le ministre, vous avez répondu avec patience et compétence à nos questions et avez accepté 15 de nos amendements (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). C'est pourquoi l'UDF, qui souhaite être partenaire de la majorité, écoutée et entendue sur la prochaine réforme de l'assurance maladie et qui désire vous aider à réussir cette réforme, votera ce projet de loi (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Face à l'ampleur des déficits, notamment pour la branche maladie, aucune mesure significative n'a été prise. Pire, les quelques petites mesures proposées amplifieront ces déficits alors que la prise en charge des assurés sociaux diminuera.

Vos mesures de taxation des tabacs ou de la promotion pharmaceutique ne comblent pas un déficit structurel.

En outre, votre politique de modération des dépenses est semblable à celle de vos prédécesseurs. Vous continuez à faire peser sur les assurés sociaux le coût de l'accroissement des dépenses - au nom du principe de responsabilité ! Ainsi, vous augmentez le forfait hospitalier, vous déremboursez des médicaments, vous portez à la charge des familles les visites médicales exigées pour la pratique d'un sport.

La sécurité sociale ne souffre pas d'un excès de dépenses mais d'une grave insuffisance de recettes. Aussi avons-nous tenu à faire des propositions audacieuses.

Là où d'autres ont privilégié le recours à la CSG au détriment des contribuables les plus pauvres, nous avons proposé de moduler l'assiette des cotisations afin d'encourager les entreprises créatrices d'emplois. Nous avons également proposé d'instituer une cotisation additionnelle sur les produits financiers des entreprises afin de soumettre à contribution sociale des revenus qui en sont toujours exemptés.

Mais vous n'avez pas voulu entendre ces propositions qui pourtant dégageaient près de 35 milliards d'euros de recettes par an.

Vous préparez ainsi le terrain à la privatisation de la sécurité sociale.

En effet, ce PLFSS 2004 n'est pas un simple texte de transition. Il installe la réforme de la tarification hospitalière, pierre angulaire de la réforme de l'assurance maladie que vous préparez pour l'automne prochain.

Ce nouveau mode de tarification obligera les hôpitaux à faire des bénéfices. Dès lors, leur mission sanitaire sera subordonnée à un impératif de rentabilité. Vous ouvrez ainsi la voie à la sélection des malades selon la rentabilité des pathologies et à la désertification des zones géographiques jugées médicalement non rentables et vous signez la mort de la mission sanitaire du service public.

De surcroît, vous avez déposé en séance une série d'amendements culpabilisants qui visent à faire porter aux médecins et aux assurés sociaux « le chapeau » des déficits, insinuant même qu'ils frauderaient : voilà qui est indigne des valeurs républicaines !

Il est dorénavant très clair que votre politique vise à écraser toujours plus les assurés sociaux et à substituer à notre système solidaire un système individualiste et libéral.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste et républicain votera contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

A la majorité de 372 voix contre 161 sur 536 votants et 533 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 17 heures, sous la présidence de M. Salles.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite)

QUESTIONS

Mme Martine Aurillac - Monsieur le ministre, dans le cadre de l'année européenne des handicapés, et pour faire suite aux engagements du Président de la République, vous avez annoncé en janvier dernier un plan d'adaptation et d'intégration des élèves handicapés et vous avez souligné ce matin toute l'importance que vous y attachiez. L'enjeu est en effet de poids. Il s'agit de réaliser à terme l'intégration des élèves handicapés, grâce à une approche différente des dispositifs de scolarisation et à des solutions innovantes. En ce domaine, force est d'admettre que beaucoup reste à faire.

Outre les 6 000 auxiliaires de vie scolaire, mis en place en liaison avec Mme Boisseau, vous prévoyez notamment de créer 200 unités pédagogiques d'intégration scolaire dans l'enseignement secondaire, ce qui se concrétise par l'inscription d'un nouveau contingent d'heures supplémentaires d'enseignement et par la mise en place de formations adaptées pour les professeurs.

Pouvez-vous détailler les mesures prévues pour l'année qui vient ? L'effort financier consenti doit permettre d'intégrer dans le milieu scolaire des enfants qui ne pouvaient pas l'être jusqu'à présent.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - 2003 est l'année européenne des personnes handicapées et le Président de la République a décidé d'inscrire comme l'une des priorités majeures de son quinquennat la scolarisation des enfants handicapés. Voilà pourquoi nous avons accompli cette année un gros effort en leur faveur. Le problème majeur que nous avions à résoudre tenait à la rupture entre premier et second degré. Dans le premier degré, nous disposions en effet de 3 000 places dans les CLIS, contre 300 dans le secondaire ! C'est évidemment un sujet d'angoisse pour les parents ! Il convenait donc de faire un très gros effort en faveur du second degré. Nous avons donc créé cette année 297 unités pédagogiques d'intégration et 5 000 emplois d'auxiliaire de vie scolaire ; les crédits pour la fourniture d'équipements pédagogiques atteignent 7 millions, cependant que l'aide au transport des jeunes handicapés représente un effort d'1,5 million et que l'accès aux centres de loisirs est également favorisé. 48 millions ont ainsi été mobilisés en faveur des enfants handicapés scolarisables.

Le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 2004 prévoit d'amplifier l'effort : 200 UPI seront créées l'année prochaine, ainsi que 100 postes de professeur des écoles spécialisé. Nous consoliderons également le nombre d'auxiliaires de vie scolaire, pour lesquels une formation importante est également prévue.

Parallèlement, un effort significatif sera accompli en faveur des centres d'accueil de nos 7 500 étudiants handicapés. 650 000 € seront consacrés à la création d'un guichet unique pour l'accueil des étudiants handicapés dans chaque université. Dans la LFI pour 2004, ce sont donc près de 110 millions qui seront légitimement dévolus à l'intégration scolaire des personnes handicapées.

M. Yves Durand - Rappel au Règlement, fondé sur son article 58. Au nom du groupe socialiste et, j'en suis persuadé de bon nombre de nos collègues, je veux dire combien nous réprouvons les propos tenus par M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire en réponse à la question posée par M. Michel Lefait sur la scolarisation des enfants de 2 ans dans l'académie de Lille.

M. le ministre délégué a en effet prétendu que 32 % étaient préscolarisés, et que, finalement, il n'y avait pas à s'en préoccuper particulièrement puisqu'il ne s'agissait que, je cite - si j'ai bien entendu, dans le brouhaha légitime qu'ont provoqué ces propos - « d'enfants de cadres, d'immigrés et d'étrangers ».

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial de la commission des finances - Il n'a pas dit cela !

M. Yves Durand - De tels propos sont proprement intolérables. D'abord parce que cette affirmation est fausse. Venez voir dans l'académie de Lille quelle est la réalité de la scolarisation des enfants de 2 ans. Elle est totalement différente de ce que vous prétendez. Mais, au reste, si la réalité était conforme à vos allégations, cela nous renforcerait encore dans notre volonté de défendre la préscolarisation.

Mme Martine David - Tout à fait !

M. Yves Durand - Celle-ci s'inscrit en effet dans un véritable travail d'intégration républicaine. Alors, Monsieur Ferry, nous vous avons entendu ce matin achever votre discours en insistant sur le nécessaire ancrage de la République dans l'école. Quel crédit accorder à de tels propos si, quelques heures après, nous entendons M. Darcos exprimer en des termes inacceptables le fond - je le crains fort - de votre véritable pensée ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Les masques sont tombés ! Vous voulez effectivement détruire l'école maternelle (Rires et protestations sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs de la commission ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Goulard - Quelle enflure !

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Peut-on entendre ce que j'ai dit et ce que je vais répéter ? Aujourd'hui, en France, 31 % des enfants de moins de 3 ans sont scolarisés. Lorsqu'on étudie les effets de cette préscolarisation, l'on constate qu'elle profite en priorité dans la suite de la scolarité aux enfants de cadres, aux enfants néo-arrivants - c'est-à-dire aux enfants étrangers - et aux enfants d'immigrés...

Mme Martine David et plusieurs députés socialistes - Et alors ?

M. le Ministre délégué - C'est un simple constat. Je n'ai pas dit que cela était mal. Il est donc inexact de prétendre que la préscolarisation a un effet immédiat, global et systématique pour tous les enfants de 2 ans !

Je n'ai pas dit que cela était bien ou mal. J'ai fait un constat...

Mme Martine David - La façon de le dire était explicite !

M. le Ministre délégué - Je n'ai évidemment jamais condamné la scolarisation dès l'âge de 2 ans. Je prétends simplement que telle qu'elle s'opère aujourd'hui, ce ne sont pas ceux pour lesquels elle serait la plus utile qui en profitent en premier.

M. Yves Durand - C'est un recul en rase campagne !

M. le Ministre délégué - Non. J'ai dit la même chose tout à l'heure et du reste à chaque fois que M. Durand m'a lui-même posé la question ! Les résultats des études sont bien connus et personne ne peut laisser entendre - j'ai moi-même un enfant de deux ans et demi ! - que nous serions les ennemis des enfants de 2 à 3 ans ! Nous disons simplement que telle qu'elle s'organise aujourd'hui, la préscolarisation ne bénéficie pas en priorité à ceux pour lesquels elle devrait avoir lieu. Nous voulons que cela change et n'en déduisez surtout pas que nous entendons toucher en quoi que ce soit à l'école maternelle, la vraie, celle qui commence à trois ans - il n'en est rien. Nous sommes les premiers défenseurs de l'école maternelle, exception française qui nous est enviée dans le monde entier...

Mme Martine David - Pas grâce à vous !

M. le Ministre délégué - ...et qui fonctionne parfaitement. Jamais et d'aucune manière, il n'a été question de porter atteinte à la scolarisation en école maternelle. Le débat ne porte que sur la préscolarisation. Peut-être me suis-je mal exprimé mais peut-être aussi que le groupe socialiste était dans une telle humeur que ses vociférations l'ont empêché de bien me comprendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Decool - Monsieur le ministre délégué, vous avez anticipé sur ma question, puisqu'elle concerne la scolarisation des enfants de 2 à 3 ans. Si elle n'est pas obligatoire, des dispositifs de garde - organisés notamment par les mairies - existent dans notre pays.

En outre, des mesures ont été proposées par la conférence de la famille et M. Christian Jacob a annoncé la création de 20 000 places de crèche supplémentaires.

Cependant, ces dispositions ne sont pas forcément adaptées aux besoins des zones rurales. Les petites communes ne peuvent généralement pas prendre en charge l'accueil des jeunes enfants. Il est très fréquent que les deux parents travaillent et se trouvent dans l'obligation de confier leur enfant à l'école maternelle. Le Nord est particulièrement concerné par la préscolarisation. Alors que la moyenne nationale est de l'ordre de 30 %, 60 % des enfants de notre département vont à l'école maternelle dès l'âge de 2 ans.

De plus, dans les zones rurales, les enfants sont accueillis dans des écoles à cours et niveaux multiples et se retrouvent dans des classes de plus de trente enfants. Or, l'entrée d'un enfant à l'école doit être personnalisée. Le jeune enfant doit retrouver à l'école maternelle la présence rassurante de l'adulte, comme dans son milieu familial.

Pourriez-vous, Monsieur le ministre, préciser les moyens et personnels de l'éducation nationale que vous envisagez d'attribuer afin de permettre l'ouverture de classes supplémentaires dans les communes rurales pour l'accueil des enfants de deux ans ?

M. le Ministre délégué - Décidément, je suis amené à me répéter mais c'est bien puisque cela me permet de lever tout malentendu !

M. Yves Durand - Chacun sait que M. Decool appartient au groupe socialiste ! (Sourires)

M. le Ministre délégué - Je répète donc que nous souhaitons que la préscolarisation continue pour ceux pour qui elle est le plus utile, c'est-à-dire dans les zones et dans les réseaux d'éducation prioritaire et partout où les conditions d'accueil et de socialisation peuvent être meilleures à l'école qu'ailleurs. Nous voulons que la préscolarisation bénéficie à ceux pour qui elle a été conçue.

En zone rurale, c'est à nos yeux la constitution de réseaux d'écoles structurés qui permettra de maintenir dans des conditions matérielles et pédagogiques convenables des classes maternelles et élémentaires et je présenterai demain une communication en Conseil des ministres à ce sujet. S'agissant du financement, les moyens attribués aux inspecteurs d'académie tiennent compte du taux d'encadrement et des conditions socio-économiques de chaque département. Le département du Nord est bien doté.

Et je le répète une dernière fois, nous approuvons la préscolarisation de ceux pour qui elle a été conçue (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés socialistes - Cela ne veut rien dire !

M. André Schneider - Monsieur le ministre, vous nous présentez un bon budget, qui permettra à nos écoliers, collégiens et lycéens d'engager, chacun à son rythme, un véritable parcours de réussite.

Vingt-cinq ans après la mise en place du collège unique, l'expérience montre que près de 150 000 enfants quittent chaque année le collège sans qualification et sans diplôme. Ce constat vous a amené, Monsieur le ministre, à mettre en place, dès le collège, un dispositif de formation en alternance, fondé sur le partenariat entre les établissements scolaires et les entreprises.

Cette formation offrira à nos collégiens la possibilité de découvrir le monde de l'entreprise et les métiers qui s'y exercent. Il s'agit incontestablement - c'est un ex-principal de collège qui vous le dit - d'une excellente mesure. Pourriez-vous nous en dire plus sur sa mise en _uvre et sur les objectifs que vous poursuivez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - Depuis vingt ans, les ministres successifs ont tous tenté de revaloriser l'enseignement professionnel, mais les politiques menées à cet effet n'ont pas donné des résultats vraiment satisfaisants et les campagnes répétant que celui-ci valait bien l'enseignement général n'ont guère convaincu. Ce que nous voulons, c'est permettre aux élèves de découvrir plus tôt la réalité des métiers, sans pour autant les enfermer dans des filières - raison pour laquelle je suis hostile au rétablissement du palier d'orientation en fin de cinquième.

Notre stratégie consiste aussi à montrer qu'un enfant entrant dans une voie professionnelle peut avoir devant lui toute une panoplie de formations, qui vont éventuellement loin - bac + 3, voire plus - et qui peuvent constituer une voie d'excellence.

C'est pourquoi nous avons mis en place des dispositifs en alternance dès le collège. Les élèves qu'ils concernent restent des collégiens et il n'y a pas lieu de parler, comme on l'a dit bêtement, de sélection précoce (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Les élèves ne sont pas enfermés dans des filières, ils peuvent aller d'un système à l'autre. L'avantage, c'est que les enfants découvrent des métiers tout en restant dans l'enseignement général, qui leur permet d'acquérir la formation de base dont ils auront besoin pour aller ensuite jusqu'au bac professionnel, au BTS ou à l'IUT.

Nous aurons l'an prochain déjà plus de 30 000 élèves qui se trouveront dans ce dispositif, au niveau de la quatrième ou de la troisième (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Néri - Rappel au Règlement. Je suis stupéfait des mots que le ministre se croit autorisé à employer et j'espère qu'ils ont dépassé sa pensée. Selon lui, ceux qui parlent de sélection précoce parlent « bêtement ». De quel droit porte-t-il un tel jugement ? Nous demandons des excuses.

M. le Président - Le rappel au Règlement doit porter sur le déroulement de nos travaux, non sur le fond.

M. Yves Durand - Nous en avons assez de cette condescendance du ministre !

M. Jean-Pierre Blazy - Les projets éducatifs locaux doivent permettre la mise en synergie des différents partenaires et acteurs de l'éducation, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'école. Malheureusement, les maires qui sont censés piloter ces projets ont beaucoup de mal à obtenir de l'éducation nationale les éléments statistiques indispensables au diagnostic préalable. Ainsi, moi qui suis maire d'une ville de 25 000 habitants, je n'ai pu obtenir les résultats statistiques des évaluations réalisées tant à l'école élémentaire qu'au collège. Difficile dans ces conditions d'établir un réel partenariat avec l'éducation nationale. Pourtant, l'édition 2003 de « l'état de l'école » - tout à fait intéressante, d'ailleurs - que vous nous avez fait parvenir, Monsieur le ministre, comprend les résultats nationaux de ces évaluations.

J'aimerais d'autre part savoir quels sont les moyens financiers que vous comptez consacrer à ces projets éducatifs locaux. Ils ne semblent pas à la hauteur des enjeux et je constate que l'on demande beaucoup aux collectivités locales.

M. le Ministre - Vous pourrez trouver sur internet, à la rubrique « contrats éducatifs locaux », toutes les informations souhaitées sur le public concerné, les activités conduites dans ce cadre et la qualification des intervenants. Je crois que ce site est bien fait, mais si vous souhaitez des informations complémentaires, je suis bien entendu à votre disposition.

9 000 communes sont impliquées dans ce dispositif, qui bénéficiera en 2004 d'une mesure nouvelle de 300 000 €. Cela permettra de conclure cinquante nouveaux contrats éducatifs locaux. Vous voyez donc que le Gouvernement a une attitude très positive à leur égard, étant entendu que nous comptons les recentrer sur la prévention de l'illettrisme et sur la diffusion de la lecture. Enfin, je pense que le CIVIS sera le bon moyen de répondre aux besoins des associations qui participent à ces contrats éducatifs locaux.

M. Yves Durand - Ce matin, dans un rappel au Règlement, j'avais demandé que la commission des finances nous explique pourquoi elle a déclaré irrecevables...

Mme Marie-Jo Zimmermann - Elle vous l'a expliqué !

M. Yves Durand - ...des amendements à nous qui tendaient non à créer des postes supplémentaires mais simplement à ne pas supprimer des postes qui existaient déjà dans le budget 2003. L'an dernier, des amendements de même type avaient été jugés recevables. Cette année, l'article 40 leur a été opposé sans que nous comprenions pourquoi. Ce matin, le rapporteur de la commission des finances nous a certes fait une réponse où il était question d'un système de cliquet, mais j'avoue n'avoir pas compris grand-chose. J'aimerais donc que le président de la commission des finances vienne nous expliquer pourquoi ce qui était recevable l'an dernier ne l'est plus cette année et je demande une suspension de séance à cet effet.

M. le Président - M. Chamard vous a déjà répondu ce matin, mais il va le faire à nouveau, après quoi nous suspendrons la séance pour cinq minutes.

M. le Rapporteur spécial - L'an dernier, le projet supprimait des postes de MI-SE. Or, un parlementaire peut toujours demander que l'on revienne à l'état initial. Cette année, c'est différent car les suppressions de postes permettent d'en créer d'autres. Si un amendement tend à annuler ces suppressions, on se retrouve donc avec un budget supérieur à celui de l'année précédente. L'article 40 s'applique donc. Le président Méhaignerie n'a fait là qu'appliquer une jurisprudence constante de la commission des finances.

La séance, suspendue à 17 heures 30, est reprise à 17 heures 35.

M. Alain Néri - L'examen attentif de votre budget ne peut que nous inquiéter, Monsieur le Ministre, quant à votre intérêt réel pour la jeunesse. A l'article 10, la ligne « information pour la jeunesse », déjà réduite en 2003 de plus de 25 %, disparaît en 2004. A l'article 20 la ligne « action partenariale pour les initiatives, les loisirs, l'insertion et les échanges de jeunes », où sont transférés les crédits de l'article 10, baisse de 7,78 %, c'est-à-dire de 5,72 millions d'euros. Ceci révèle une absence de volonté politique pour ces actions.

Ces tours de passe-passe budgétaires cachent de bien mauvais coups. Ainsi, l'un des principaux outils d'aide au développement de l'éducation populaire est la possibilité pour les associations de bénéficier de postes FONJEP, c'est-à-dire de financements assurés pour trois ans par le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, et qui permettent de rémunérer des emplois permanents. Le montant est aujourd'hui de 7 300 euros par poste. En 2003 soixante nouveaux postes avaient été créées... mais cent postes ont été frappés en cours d'année par un gel de crédits. A quoi s'est ajoutée une baisse de 150 euros par poste de la prise en charge par l'Etat, source de réelles difficultés pour les associations. Pour 2004 vous annoncez quarante nouveaux postes...

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Alain Néri - ...mais 450 postes risquent d'être gelés, ce qui ferait 550 postes FONJEP supprimés en deux ans. Est-ce avec une politique de la jeunesse ainsi sacrifiée que vous pouvez prétendre préparer l'avenir ?

M. le Ministre - L'an dernier, à la suite de contraintes budgétaires que vous connaissez, il y a eu gel de quarante postes FONJEP prévus dans la loi de finances initiale. Pour 2004, ces postes ont été remis dans le projet de budget ; et ils ne seront pas frappés par la régulation budgétaire. Le ministre du budget s'y est engagé publiquement, et nous avons passé un accord sur cette question. Ainsi ces quarante postes figurent au budget et seront réellement au rendez-vous.

M. Yves Durand - Rappel au Règlement. Il y a un instant l'explication du rapporteur spécial aurait été, je l'avoue, intellectuellement satisfaisante... si elle avait correspondu à la réalité. Mais ce n'est pas le cas.

M. le Président - Ceci n'est pas un rappel au Règlement : vous discutez sur le fond.

M. Yves Durand - Je parle du déroulement de nos travaux.

M. le Président - Je suis désolé, il ne s'agit pas du déroulement de la séance.

M. Yves Durand - Dans ce cas, je demande une nouvelle suspension.

La séance, suspendue à 17 heures 40, est reprise à 17 heures 45

M. Gilbert Gantier - Vous avez raison de faire de la lutte contre l'illettrisme une priorité quand un enfant sur six arrive en sixième sans savoir lire. Mais à un niveau supérieur, une autre formation est négligée. Il s'agit des études classiques. L'apprentissage du latin et du grec facilite celui du français, ouvre sur des littératures qui ont contribué à forger la nôtre et prépare même aux études scientifiques. Or cette année de nombreux cours ont été fermés, alors que l'an dernier les effectifs remontaient légèrement. Quelles mesures comptez-vous prendre pour favoriser ces études dont nul ne conteste le caractère formateur ?

M. Alain Néri - Très bien !

M. le Ministre délégué - Ayant enseigné le latin, je vous répondrai aperto pectore. L'offre de langues anciennes répond surtout à l'attente des familles. Nous avons pour cela des moyens convenables, y compris en professeurs qualifiés, or qualis magister, talis discipulus. Près de 20 % des collégiens apprennent le latin à partir de la cinquième et de ce fait, paradoxalement, il n'y a jamais eu autant de latinistes en France. Il est vrai que - horresco referens - une très grande partie abandonnent. Mais d'autres peuvent commencer l'apprentissage en seconde et même en hypokhâgne et - per aspera ad astra - triompher des difficultés pour se hisser au meilleur niveau.

Favoriser les langues anciennes implique de réfléchir au contenu des enseignements. Une mission a été confiée au professeur Heinz Wismann sur les langues et cultures de l'Antiquité. Après une comparaison européenne, il remettra son rapport au printemps prochain. Dans l'immédiat, les nouveaux programmes du collège et du lycée rendent plus vivant l'enseignement des langues de sorte que l'élève ne soit pas seulement doctus cum libro, car fabricando fit faber. Cela devrait encourager plus d'élèves à apprendre le grec ou le latin au lycée. Sursum corda ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Michel Vaxès - Les contrats éducatifs locaux mis en place en 1998 en partenariat avec les collectivités locales ont permis de développer des projets éducatifs. Selon une étude portant sur 85 % des contrats, les moyens humains sont constitués au 1er janvier 2003 de personnels de l'éducation nationale, essentiellement d'aides éducateurs. Or vous supprimez 20 000 de ces postes en 2003, 15 000 autres en 2004 et les postes de MI-SE. Les assistants d'éducation ne les remplaceront que partiellement, et 10 000 postes d'encadrement vont disparaître. Comment comptez-vous compenser cette perte de moyens humains pour garantir l'avenir des contrats éducatifs locaux ? Par exemple dans une commune de ma circonscription, en 2001-2002, l'équivalent de 4,5 postes à temps plein d'aides éducateurs, soit 7 130 heures étaient consacrés aux CEL ; en 2003-2004, il reste un poste à tiers temps, et 19 assistants d'éducation à mi-temps et n'intervenant que sur le temps scolaire ont été embauchés pour remplacer 44 aides éducateurs.

Il est plus indispensable que jamais d'organiser l'aide éducative hors temps scolaire, notamment dans les ZEP. Les contrats éducatifs locaux y contribuaient. Vous les mettez à mal. Comment allez-vous compenser ce déficit et favoriser cette action éducative hors temps scolaire ?

M. le Ministre - Je suis d'accord avec vous, l'éducation ne se réduit pas à l'enseignement. Le ministère de la jeunesse et celui de l'éducation nationale étant réunis, sinon réconciliés, il est plus facile d'harmoniser les dispositifs et de nous appuyer sur les associations de jeunesse et d'éducation populaire. Une mesure nouvelle de 300 000 euros permettra de mettre en place l'an prochain cinquante nouveaux contrats éducatifs locaux. Cela confirme l'engagement du Gouvernement et devrait dissiper vos inquiétudes.

Nous avons conscience des difficultés que peuvent traverser collectivités locales et associations lors du départ des emplois-jeunes. C'est pour cela que le Gouvernement a créé un nouveau contrat, le CIVIS, auquel ils pourront avoir recours progressivement dans les mois à venir.

M. Pierre Goldberg - Vous voudrez bien pardonner la pauvreté de mon discours. J'ai arrêté mes études à l'université de Chouvigny, commune de 300 habitants, où je n'ai jamais fait de latin, pour devenir rapidement ouvrier agricole.

L'an dernier, le Gouvernement proposait de réformer le statut des MI-SE. Pourtant, la loi Jean Zay de 1937 était utile pour permettre à des étudiants d'origine modeste de poursuivre leurs études. La création des assistants d'éducation a marqué la mise à mort de ce statut et la disparition programmée des aides éducateurs. Ce sont autant d'adultes qui ne sont plus présents dans les établissements. 9 000 surveillants et maîtres d'internat ont disparu, comme 20 000 aides éducateurs et 30 000 postes qui subsistent sont très menacés. Alors que le taux de chômage des jeunes et le taux de pauvreté des moins de 30 ans sont les plus élevés d'Europe, ces réformes précarisent encore la jeunesse. MI-SE et aides éducateurs cèdent la place à un personnel hybride, flexible à souhait, pouvant exercer dans et hors l'établissement et sur plusieurs lieux. Il serait bon que le Gouvernement nous fasse part de l'avancement précis et chiffré de ces nouvelles mesures. Il ne faudrait pas que l'école, lieu de dialogue et d'apport des connaissances, devienne la grande muette.

M. le Ministre - La mort d'un statut n'est pas la disparition des personnels, heureusement. Or le statut des MI-SE, y compris selon un rapport rédigé par l'un des vôtres, était calamiteux. En effet, les surveillants avaient de grandes difficultés pour aller passer leurs partiels et ne pouvaient guère assister aux travaux dirigés et travaux pratiques, qui n'existaient pas lorsque le statut a été créé en 1937, ce qui fait que leur taux d'échec était élevé, supérieur à la moyenne des étudiants salariés. C'est pourquoi nous avons créé le statut des assistants d'éducation et encouragé le mi-temps, cumulable avec des bourses pour conserver un revenu suffisant. Cette solution est infiniment meilleure et nous n'avons eu aucune difficulté à pourvoir les postes offerts puisqu'il y a eu quatre candidats pour un poste. Enfin, je me suis engagé à ce que chaque poste de MI-SE soit remplacé par un poste d'assistant d'éducation.

Mme Muguette Jacquaint - Monsieur le ministre de l'enseignement primaire, vous affirmiez le 3 avril devant le Sénat que la scolarisation des enfants de moins de trois ans n'avait pas d'effet sur leur scolarité, et avez confirmé ici même lors des questions d'actualité ces propos inacceptables. Vous avez osé dire alors que cette mesure ne profitait qu'aux enfants de cadres, d'immigrés et aux étrangers ! Je ne savais pas que l'école de la République était celle de la ségrégation .

Trois enfants sur dix entrent à l'école de façon précoce selon vous, mais la tendance est à la baisse. La situation varie selon les difficultés des collectivités locales et le manque d'enseignants. Des études montrent pourtant que la scolarisation précoce favorise l'apprentissage de la lecture. Elle constitue également un facteur d'intégration sociale.

Maintenez-vous la réponse que vous avez faite tout à l'heure ou allez-vous donner des moyens pour développer la scolarisation précoce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - Je n'ai rien inventé. J'ai constaté le résultat d'une étude de la direction des études et de la prospective, qui n'a d'ailleurs pas été effectuée sous le gouvernement actuel et qu'a confirmée le livre de MM. Joutard et Thélot.

La préscolarisation a des effets lorsque l'enfant est accompagné dans la famille. Mais elle n'a pas d'effet sur le taux de redoublement en CP. Je ne dis pas qu'il n'est pas souhaitable d'accueillir les enfants de deux ans. Au contraire, il faut l'encourager, et précisément dans les quartiers dont vous parlez et dans les zones rurales. Il faut en effet que le service public soit présent et que la préscolarisation bénéficie à ceux qui en ont besoin.

Mme Muguette Jacquaint - Ne faites pas de différence entre les enfants.

M. le Ministre délégué - J'ai cité une étude dont je ne suis pas l'auteur et que j'ai décrite objectivement.

Mme Huguette Bello - Alors que s'achève l'année européenne des personnes handicapées et que s'ouvre le débat sur l'avenir de l'école, l'intégration scolaire des enfants handicapés doit retenir toute notre attention.

Au cours de votre conférence de presse de rentrée, vous avez annoncé des mesures en faveur de l'intégration des élèves handicapés, de la maternelle à l'université. Nous ne pouvons que vous soutenir, pour des raisons générales et, en tant que Réunionnais, pour des raisons particulières.

La mission sur l'intégration des enfants handicapés s'est heurtée à de surprenantes difficultés. Les données statistiques sont en effet incomplètes, parfois incohérentes. L'éducation nationale, qui dispose pourtant d'un secteur d'intégration et d'adaptation scolaire, ne semble pas s'y investir. Un rapport des inspections générales de l'éducation nationale et des affaires sociales a montré que les insuffisances de l'information sont un frein au bon développement de l'intégration scolaire.

Nous espérons que l'intérêt que vous portez à cette question rendra la situation plus lisible et, surtout, qu'elle permettra de la modifier.

Le flou artistique des statistiques nationales ne permet pas de comparer la situation globale du pays et celle de la Réunion...

M. le Président - Votre temps est écoulé.

Mme Huguette Bello - Je vous en prie, je n'abuse pas.

Le récapitulatif des listes d'attente établi par l'académie de la Réunion montre que près de 1 300 enfants y sont inscrits, dont 554 sur la liste de l'institut médico-éducatif et près de 200 sur la liste des classes d'intégration scolaire et de l'UPI.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour que l'accès au savoir ne soit pas semé d'obstacles supplémentaires pour ces enfants ?

M. le Ministre - L'académie de la Réunion a mis en _uvre une politique d'intégration des enfants handicapés très dynamique. En 2002-2003, 2 126 élèves ont été accueillis, soit individuellement, soit collectivement.

Dans le premier degré, 1 420 élèves ont été accueillis dans 131 classes d'intégration scolaire ; et dans le second degré, 110 élèves dans 13 UPI.

A la rentrée 2003, quatre nouvelles UPI ont été ouvertes pour scolariser près de 40 élèves supplémentaires. Un objectif a été fixé à l'académie : recruter 122 auxiliaires de vie scolaire. Il n'est que partiellement réalisé puisque 23 AVS ont été recrutées pour les CLISS ou les UPI et 35 pour des fonctions d'accompagnement individuel, mais il sera atteint.

Nous devons en effet assurer la transition progressive avec les emplois-jeunes recrutés dans les associations ou les collectivités locales, de telle manière que la mise en place des assistants d'éducation ne porte pas préjudice à ces dernières. Les emplois-jeunes ont en effet tendance à démissionner pour se diriger vers les emplois d'assistants d'éducation.

M. Gérard Voisin - L'Europe alimentera dans les prochains mois le débat public et nous déplorerons l'éloignement des Français des questions européennes. Le Gouvernement ne reste pourtant pas inactif. Mme Lenoir a présenté en conseil des ministres des mesures visant à renforcer la citoyenneté européenne.

L'effort de pédagogie à faire est immense, et l'école doit jouer un rôle essentiel. Je pense aux sections européennes des collèges et des lycées, ainsi qu'aux projets soutenus par les programmes européens, et en particulier SOCRATE. Je pense aussi aux échanges dans le cadre des jumelages.

Mais le projet d'un espace culturel et éducatif commun est loin d'être une réalité pour les enseignants et les élèves. Il es temps de prendre en compte les acquis de l'apprentissage des langues à l'école primaire pour ouvrir plus largement les collèges vers l'Europe en développant un enseignement bilingue. Mais les obstacles sont nombreux, ils tiennent en particulier à la rigidité de notre système éducatif.

Quelles initiatives comptez-vous prendre avec vos partenaires européens pour intégrer effectivement une dimension européenne dans l'enseignement secondaire ? Seriez-vous prêt à soutenir la mise en place de collèges européens ?

M. le Ministre - Je suis partisan de l'apprentissage précoce des langues vivantes, idée que j'avais défendue alors que je présidais le conseil national des programmes. Les classes de CM1 et de CM2 bénéficient de ces enseignements, comme bientôt toutes les classes de CE2. Nous progressons donc, à petits pas sans doute, car il faut veiller à la qualité de ces enseignements. Du reste, nous n'avancerons pas sur ce sujet tant que nous n'aurons pas réglé la question de l'anglais, choisi en priorité par 85 % des familles. Langue véhiculaire, il doit être appris en priorité, avant de passer aux autres langues dont nous entendons développer l'apprentissage dans le cadre européen, en particulier l'allemand.

L'enseignement dans la langue est préférable à l'enseignement de la langue. Il faut donc privilégier les sections internationales et européennes. Selon une étude de l'inspection générale, un élève qui a choisi l'allemand en première langue parlera en tout et pour tout quatre heures sur toute sa scolarité. Je n'ai jamais vu quelqu'un apprendre une langue en quatre heures !

Nous allons donc développer les sections européennes et assouplir la procédure de création des sections internationales, en permettant à des professeurs non natifs d'enseigner la langue. N'avons-nous pas d'excellents professeurs d'allemand en France ? Enfin, nous devons mener dans les académies une politique volontariste de diversification des langues (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Lionnel Luca - M. Bourg-Broc m'a demandé de poser sa question. Il tient à saluer votre budget, qui a le double mérite d'augmenter et d'être structuré. Ainsi se trouve affirmée votre priorité : un enseignement de qualité.

Ce budget investit dans l'intelligence. Vous profitez de l'effort général du Gouvernement pour gérer de façon pragmatique les moyens et les orientations en fonction des besoins et des priorités. Trop longtemps, le budget de l'éducation nationale n'a été qu'un empilement de moyens dénué de toute vision politique. Nous avons désormais une stratégie.

Le dispositif de l'école ouverte consiste à ouvrir les collèges pendant les vacances scolaires, ainsi que les mercredis et les samedis pour offrir aux élèves des activités scolaires et éducatives. Il bénéficie d'une mesure nouvelle qui permettra de le doubler dans les deux prochaines années. Ce dispositif encourage en effet une meilleure intégration à la vie scolaire et un changement de comportement chez les élèves : la disponibilité des enseignants est bien récompensée et les relations entre enseignants, élèves et parents en sont facilitées.

Il serait dommage de ne pas tirer toutes les conséquences de cette expérience : pourquoi ne pas inciter les enseignants volontaires à tenir des permanences dans l'établissement, en plus de leurs heures de cours, pour dispenser une écoute ou des cours de soutien ou d'approfondissement ? Cette extension du dispositif de l'école ouverte permettrait à chacun de s'investir davantage dans la transmission des connaissances. Ne pourrait-elle être expérimentée dans quelques départements ?

M. le Ministre délégué - Le dispositif « école ouverte » donne toute satisfaction. C'est pourquoi nous avons prévu de le doubler en deux ans.

Pourquoi ce succès ?

Les élèves qui fréquentent l'établissement en dehors des cours modifient leur vision de l'école et des enseignants et se réapproprient ainsi le lieu scolaire.

On peut donc, comme le souhaite M. Bourg-Broc, envisager des expériences dans les collèges pour permettre aux professeurs volontaires de consacrer du temps à leurs élèves en dehors des heures de cours. Certains assurent déjà des heures de soutien pendant le temps scolaire, dans le cadre de leur service ou en heures supplémentaires. Les enseignants du premier degré assurent même des heures de permanence après les cours.

Le principal obstacle à ce projet tient, en milieu rural, aux transports scolaires, qui ne fonctionnent guère après 16 heures 30 pour le collège. Il faudra donc consulter les départements et s'assurer de l'accord global de telle ou telle communauté scolaire.

Le financement de cette expérimentation sera assuré dans le cadre de répartitions nouvelles des dotations horaires correspondantes.

M. Yannick Favennec - J'appelle votre attention sur les conséquences pour les écoles privées sous contrat d'association de la fin des emplois-jeunes. Ce dispositif a permis d'assurer un accompagnement des élèves : surveillance, animation, aide aux devoirs.

M. Yves Durand - Très bien.

M. Yannick Favennec - En ce qui concerne l'intégration individualisée des élèves handicapés, les auxiliaires de vie scolaire peuvent indifféremment exercer leurs fonctions dans les établissements publics ou privés sous contrat. Pour les autres missions dévolues aux assistants d'éducation, les établissements privés recrutent eux-mêmes leurs personnels, cette charge étant couverte, pour le second degré, par la subvention du forfait d'externat. Mais quid du premier degré, dont les frais de fonctionnement ne font pas l'objet d'un forfait national ? C'est bien à ce niveau que se pose le problème de l'encadrement, et les écoles ne peuvent financer les emplois disparus sur leurs fonds propres. Quelle solution envisagez-vous pour permettre aux écoles privées sous contrat de recourir aux assistants d'éducation ?

M. le Ministre délégué - La loi prévoit que les assistants d'éducation sont recrutés par les établissements publics locaux d'enseignement : les établissements privés ne peuvent donc y recourir, en-dehors du cas particulier des AVS, qui apportent une aide individuelle aux élèves handicapés et sont recrutés par les inspecteurs d'académie et mis à disposition des établissements.

Pour le second degré, le financement des assistants d'éducation du privé est pris en compte dans le forfait d'externat, pour la part liée à la mise en _uvre du contrat, dans les mêmes conditions que pour les MI-SE. Le premier degré ne bénéficiait pas jusqu'à présent de personnels de surveillance. Le forfait d'Etat n'existant pas dans le premier degré et les communes ne pouvant en assumer la charge, la création d'assistants d'éducation dans les écoles privées exige une autre approche. Nous n'avons pas de solution miracle, mais nous réfléchissons à une solution respectueuse du principe de parité. Je vous tiendrai informé de ce dossier qui devrait aboutir dans les prochaines semaines.

M. Yves Durand - Sur quels crédits ?

M. Jacques Desallangre - Cette année encore, vous opérez des coupes claires dans les effectifs d'enseignants et d'encadrants : après 2600 emplois en 2003, ce sont encore 4 000 postes d'enseignants qui sont supprimés cette année. Vous aurez beau jeu d'affirmer qu'un bon budget n'est pas celui qui dispose de moyens supplémentaires : vos artifices de gestion alourdiront la note sur le terrain. On mesurera alors l'écart entre la réalité et la prévision, entre la réalité et la sollicitude affichée. Comment justifier cette politique alors que l'avenir de notre pays dépend de la qualité de notre enseignement ?

Réduire les effectifs des enseignants, c'est hypothéquer cet avenir. Et refuser de créer des postes d'infirmières, de médecins scolaires et d'assistantes sociales est inacceptable au regard de vos engagements. Cela laisse présager un inquiétant transfert de charges vers les collectivités locales. Votre projet de transférer la gestion des écoles primaires aux structures intercommunales illustre votre plaisante définition de ce matin : « augmenter la capacité d'initiative des collectivités locales ». Il va bien au-delà des regroupements pédagogiques existant en milieu rural et risque d'accentuer la désertification des campagnes.

Ne vise-t-il pas tout simplement à laisser à d'autres le soin de gérer la pénurie d'enseignants que vous créez ?

M. le Ministre délégué - A la fin du XIXe siècle, chaque commune avait son école. Aujourd'hui, c'est moins d'une commune sur trois. Nous voulons encourager les écoles à coopérer. Vous redoutez que le développement de l'intercommunalité ne précipite la désertification. Nous voulons au contraire maintenir un tissu scolaire de proximité qui offre les mêmes chances en milieu rural et en milieu urbain. L'apprentissage des nouvelles technologies de l'information et de la communication ou des langues vivantes, la prévention de l'illettrisme ne peuvent se faire dans de petites écoles isolées. De nombreux parents sont ainsi tentés d'inscrire leurs enfants dans une école urbaine. C'est contre cela que nous voulons lutter. La coopération des écoles entre elles, comme avec les collectivités territoriales et les EPCI, est porteuse d'avenir. Elle permettra de maintenir des écoles, grâce à la mutualisation des moyens et concourra à un regain de dynamisme pédagogique. Les réseaux d'écoles n'ont pas pour objectif de faire des économies de moyens mais bien au contraire de mieux utiliser ceux qui sont aujourd'hui saupoudrés à partir des académies.

Nous sommes convaincus qu'ils représentent une chance pour lutter contre le déclin de nos villages et de leurs écoles et pour maintenir la présence de l'école publique en milieu rural.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Plusieurs questions ont été soulevées quant à l'application de l'article 40. Jean-Yves Chamard, dont chacun reconnaît les grandes compétences, a déjà répondu à vos interrogations, mais je mesure parfaitement les difficultés de compréhension qui peuvent s'attacher à l'application de cet article. Il convient d'abord de replacer tout ce qui a été dit dans un contexte global. L'an dernier, des amendements qui paraissaient identiques avaient été jugés recevables, parce qu'il s'agissait de revenir sur des suppressions nettes d'emplois. Cette année, et c'est là toute la différence, il s'agit de supprimer des emplois gageant des créations d'emplois...

M. Yves Durand - Lesquelles ?

M. le Président de la commission des finances - Nous sommes donc dans une situation différente. Il apparaît du reste dans le bleu que les créations d'emplois sont plus nombreuses que les suppressions. Ces amendements aboutissent donc à un nombre d'emplois supplémentaires supérieur à la fois à l'effectif actuel et à l'effectif prévu dans le PLF. En conséquence, je suis dans l'obligation d'appliquer l'article 40, car il s'agit bien de dépenses publiques supplémentaires.

Plus globalement, et je me tourne notamment vers M. Durand, trois révisions constitutionnelles ont eu lieu au cours de la législature précédente et les tentations de modifier l'article 40 n'ont pas manqué. Pourtant, ni le Gouvernement ni la majorité d'alors n'ont touché à l'article 40 ! Mon approche s'inscrit dans cette continuité.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. J'appelle à présent les crédits inscrits à la ligne jeunesse et enseignement scolaire.

ETAT B - TITRE III

M. Yves Durand - Je remercie le président Méhaignerie d'avoir suspendu une réunion de la commission des finances pour venir nous apporter ces précisions. Je ne remets évidemment pas en cause son application de l'article 40. Ce que je ne comprends toujours pas, c'est que l'on explique que les suppressions de postes sont équivalentes, soit en nombre, soit en coût, aux créations. Si je lis bien le bleu, je ne retrouve rien pour accréditer cette thèse. Il y a donc des crédits restés « vacants », si l'on rapproche suppressions et créations de postes. Sinon, tous les discours de ce matin sur les nécessaires économies n'auraient pas de sens !

Au bas de la page 45 du bleu, nous trouvons bien les 2 500 suppressions de postes de stagiaires du second degré dont nous avons parlé ce matin mais ils ne gagent rien ! Dès lors, M. le président de la commission des finances peut-il nous communiquer le tableau attestant qu'il y a « équivalence » entre les suppressions de postes et les créations de postes gagés ?

S'il se confirme que nos autres amendements sont bien irrecevables, je retirerai l'amendement 79, lequel pousse simplement à faire des économies en supprimant - et que MM. Les ministres n'y voient pas une attaque personnelle - l'augmentation de 620 000 € qu'ils se sont accordée !

M. Guy Geoffroy - Quelle honte !

M. Yves Durand - Cet amendement faisait partie d'une série de propositions tendant à créer des postes. Si toutes sont jugées irrecevables, je ne le maintiendrai pas.

M. le Rapporteur spécial - La commission ne l'a pas examiné. M. Durand étudie le bleu avec la plus grande attention, mais, en des matières aussi complexes, il faut être encore plus précis (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Les crédits que l'amendement 79 tend à supprimer ne concernent pas la rémunération des ministres mais le versement des primes de cabinet. Il faut rapprocher les pages 10 et 62 du bleu. Depuis des décennies, les primes de cabinet n'étaient pas budgétées dans leur totalité. Nous y remédions cette année dans un souci de transparence. Il n'y a pas lieu de nous le reprocher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission des finances - Je transmettrai les tableaux récapitulatifs que M. Durand demande légitimement et je veux profiter de cette occasion pour faire un sort définitif au leitmotiv sur la prétendue augmentation du salaire des ministres. Je le dis avec force : le budget général fait des économies grâce aux mesures de transparence introduites par le Gouvernement actuel. Les fonds spéciaux alimentaient nombre de ministères dans des proportions bien supérieures (MM. les ministres acquiescent). C'est un mensonge que de répandre l'idée selon laquelle le Gouvernement se serait auto-attribué un régime indemnitaire plus favorable. La vérité, c'est qu'il a eu le courage de mettre fin à un système opaque et malsain (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement 79.

L'amendement 79 est retiré.

Les crédits inscrits aux titres III et IV de l'Etat B, successivement mis aux voix, sont adoptés, ainsi que ceux inscrits aux titres V et VI de l'Etat C et que l'article 78 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en avons terminé avec l'examen des crédits du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche concernant la jeunesse et l'enseignement scolaire.

La séance, suspendue à 18 heures 45, est reprise à 18 heures 50.

DÉFENSE

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la Défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Je voudrais en premier lieu remercier la commission de la défense, les différents rapporteurs et les futurs orateurs, non seulement pour leur présence et le travail que nous allons faire ensemble, mais aussi pour celui qui a été fait tout au long de l'année et qui a consisté, grâce à des rencontres régulières, à établir des relations de confiance et à suivre l'application de la loi de finances initiale votée l'an dernier ainsi que la consommation des crédits. Cette transparence est bénéfique tant pour la démocratie que pour la défense.

« La défense est la raison d'être de l'Etat. Il n'y peut manquer sans se détruire lui-même. » Cette formule du général de Gaulle est plus que jamais actuelle. La première responsabilité de l'Etat est en effet d'assurer la sécurité des Français, sur le territoire national bien entendu mais également à l'extérieur de nos frontières, où qu'ils se trouvent.

Or, l'état du monde nous impose de ne pas baisser notre garde : les crises régionales se multiplient, les menaces terroristes sont plus vives que jamais et le risque de prolifération des armes, qu'elles soient nucléaires, bactériologiques ou chimiques, s'étend à de nouvelles régions.

J'ajoute que l'effort de défense doit s'étendre sur le long terme, car le budget de la défense n'est pas seulement l'instrument d'une politique militaire de sécurité, il est aussi celui d'une politique économique et de présence internationale.

En tant qu'instrument de notre politique militaire, le budget s'inscrit dans le droit fil de la loi de programmation militaire votée en début d'année, et il respecte strictement les objectifs de cette dernière.

Le premier était d'améliorer la disponibilité de nos matériels. Plusieurs rapports parlementaires avaient en effet souligné le mauvais état de nos équipements, situation due aux prélèvements successifs effectués sur les budgets de la défense alors que, pourtant, la croissance était au rendez-vous.

Les efforts entrepris pour améliorer la disponibilité des matériels commencent à porter leurs fruits, puisque nous constatons une amélioration globale de 15 %, mais ils doivent être poursuivis pour atteindre l'objectif fixé.

Les crédits consacrés à l'entretien des matériels progressent donc de 11 % par rapport à l'an passé, pour atteindre 2,9 milliards d'euros. La disponibilité accrue des matériels permettra d'améliorer l'entraînement des forces, ce qui était aussi un objectif important de la loi de programmation militaire, étant entendu que cet entraînement est indispensable à l'efficacité de nos militaires et à leur sécurité.

Grâce à un accroissement des crédits de 49,5 millions, le nombre de jours d'entraînement de l'armée de terre passera de 86 à 94 jours, celui des heures de vol de l'armée de l'air de 165 à 175, tandis que celui des heures de mer des bâtiments de combat de la marine progressera de 6 %.

Notons que la vétusté des matériels accroît le coût du maintien en condition opérationnelle, ce qui est une raison supplémentaire pour moderniser nos équipements. Cette modernisation est la deuxième priorité de la LPM. Dans le domaine de la dissuasion, elle se traduit par la livraison du 3ème SNLE/NG et du dernier lot de missiles M45 ; en matière de renseignement et de communication, par le lancement d'Hélios II et de Syracuse III ; s'agissant de notre capacité de frappe dans la profondeur, par l'arrivée des cinq premiers Rafale de l'armée de l'air ; s'agissant de notre maîtrise du milieu aéroterrestre, par la livraison des sept premiers Tigre et de cinquante Leclerc ; enfin, en matière de sécurité intérieure, par la fin du renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie.

L'inscription de l'effort de défense dans le long terme exige qu'une attention particulière soit accordée à la préparation de l'avenir. Plus que toute autre institution, la défense a en effet besoin d'anticiper pour rester au niveau de performance qu'exigent les progrès continus de la technologie : 1,2 milliards d'euros y sont consacrés dans le budget 2004.

La politique de recours aux démonstrateurs technologiques va se poursuivre avec le drone de combat UCAV ; le démonstrateur de satellite d'écoute embarqué sur Hélios II ; le démonstrateur de radar de défense aérienne élargie.

Notre capacité opérationnelle ne dépend pas seulement des matériels, mais aussi surtout des personnels. C'est pourquoi la consolidation de la professionnalisation constitue le troisième objectif de la PLM.

Le personnel militaire verra ses effectifs augmenter au profit de l'armée de terre - 1 000 EVAT, du service de santé - 179 élèves médecins et infirmiers - et de la gendarmerie - 1 200 postes. Le fonds de consolidation et de professionnalisation est doté de 27 millions d'euros de mesures nouvelles pour garantir l'attractivité de la défense. Le plan d'amélioration de la condition militaire reçoit pour sa part 53 millions d'euros de mesures nouvelles.

Le personnel civil voit sa place et son rôle mieux reconnus, à la suite notamment du rapport que j'avais demandé, et dont les propositions vont être soumises à discussion, notamment avec les syndicats. Le projet de budget comporte à nouveau une très importante mesure de reconnaissance professionnelle pour 13,5 millions d'euros. Pour la deuxième année consécutive nous inscrivons, pour la reconnaissance professionnelle du personnel civil, des sommes supérieures au montant cumulé attribué entre 1997 et 2002 : c'est un effort qu'il faut souligner.

Enfin, les réservistes - cette troisième composante à laquelle, Monsieur le Président de la commission, je vous sais attentif - seront mieux associés aux activités opérationnelles, grâce à 37 millions d'euros supplémentaires. Et j'ai tenu, pour rendre la réserve plus attractive, à mieux définir les postes qui peuvent lui être confiés.

Quand une nation fait pour sa défense un effort financier aussi important, il faut veiller à ce que chaque euro soit utilisé au mieux. L'amélioration de la capacité opérationnelle et celle de la performance administrative vont de pair. C'est pourquoi j'ai engagé en 2003 des réformes de fond, qui se poursuivront en 2004.

De nombreuses mesures de réorganisation ont été menées par les armées et la DGA. La gendarmerie a modifié son implantation et créé des communautés de brigades. J'ai ouvert quatre chantiers importants pour le personnel : les retraites des militaires, la révision de leur statut général, dont vous aurez à débattre au premier semestre 2004, le rôle du personnel civil, enfin les réserves.

Sur le plan de l'organisation, notre stratégie de réforme pour 2004 va poursuivre et amplifier ce mouvement. Elle s'articule autour de trois principes. D'abord, clarifier les responsabilités. Dans chaque domaine de compétences, on doit savoir clairement qui est responsable. Grâce à la mise en place de la LOLF, les missions respectives des hauts responsables du ministère seront précisées.

Le second principe de la stratégie ministérielle consiste à mutualiser les moyens, afin de mieux maîtriser les ressources humaines et financières destinées à assurer des besoins communs aux armées. Dans ce cadre, j'ai ouvert sept chantiers qui devront se concrétiser en 2004 : la mutualisation de l'approvisionnement des rechanges aéronautiques ; l'approvisionnement en vivres, y compris en OPEX, avec la création récente de l'économat des armées ; le regroupement des services d'archives ; la mise en cohérence de l'informatique d'administration et de gestion ; la gestion centralisée des réseaux informatiques ; enfin le regroupement de la fonction immobilière et la création d'un service constructeur unique. D'autre part, les cinq corps administratifs de catégorie A, regroupant 1 100 agents, seront fusionnés en un corps unique.

Le troisième principe est de recentrer l'action du ministère sur ce qui relève de son intervention directe ou exclusive. Cette démarche s'accompagnera de mesures d'externalisation, dans un esprit non dogmatique. N'est-il pas aberrant que 1 200 gendarmes soient affectés à la gestion des logements ? De même nous amplifierons les cessions d'immeubles devenus inutiles à la défense. La gestion des 25 000 véhicules de la gamme commerciale ainsi que la fourniture d'heures de vol pour la formation initiale des pilotes d'hélicoptères seront également externalisées. Cette démarche doit répondre à nos objectifs opérationnels, tout en améliorant la gestion et l'organisation de nos structures. Ainsi, les engagements de la loi de programmation que vous avez votée sont respectés.

Le budget répond donc à un premier objectif, être l'instrument de notre action militaire et de sécurité. Mais il est aussi - on n'en est pas assez conscient - l'instrument d'une politique économique. Premier budget d'investissement de l'Etat, le budget de la défense irrigue un secteur économique riche d'industries performantes et d'un important capital humain, scientifique et technologique. Avec 15 milliards d'euros de commandes annuelles, il permet à nos entreprises de faire travailler 175 000 salariés en emplois directs. Le produit des exportations du secteur atteint 3 à 4 milliards d'euros par an. Enfin, par ses commandes, la Défense apporte à l'Etat deux milliards d'euros de TVA.

L'enjeu économique est donc considérable. Il l'est pour de grandes entreprises. Il l'est aussi pour tout un tissu de PME et de PMI qui assurent sur tout le territoire des activités de pointe. La défense joue aussi un rôle moteur, parfois méconnu, dans l'innovation. La composante Recherche et développement du budget de la Défense représente 25 % de la Recherche et développement des entreprises de ce secteur. On évoque souvent à cet égard la situation des Etats-Unis, en oubliant que nous faisons la même chose...

Plus généralement, le secteur de la défense représente un capital précieux de compétences et de formation. De lui dépendent de grandes écoles d'ingénieurs de renommée internationale, telle que Polytechnique et Sup'Aéro. Il joue aussi un rôle important dans la formation de cadres français, mais aussi étrangers, ce qui est source de connexions utiles à notre pays. Ce capital intellectuel, c'est aussi celui des laboratoires et des centres de recherche, comme l'ONERA, qui contribuent à notre développement économique. Alors, oui, gérer le budget de la défense, c'est un acte de politique économique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Ces richesses doivent être mises au service d'une politique économique placée au service de nos intérêts nationaux et de ceux de la défense européenne. Je veux développer cette action autour de trois grands axes.

Premier axe : promouvoir des entreprises performantes et compétitives, capables de s'insérer dans un marché et un système de concurrence.

Oublions l'image dépassée d'un secteur fait d'arsenaux et d'entreprises non rentables !

Certaines entreprises de ce secteur sont aujourd'hui des leaders européens de taille mondiale, comme Thalis ou EADS.

Cela montre que l'aiguillon de la concurrence et de l'ouverture européenne oblige les entreprises à développer sans cesse leur compétitivité et leurs performances. Le recours à la concurrence doit être encouragé dès lors que nos priorités stratégiques sont assurées. Il faut inciter les entreprises à constituer des pôles de compétences à l'échelle européenne, structurant ainsi le paysage de l'industrie de défense européenne. Ce pari a été signé avec la constitution d'EADS, et d'autres secteurs - construction navale, armements terrestres - doivent suivre le même chemin. Il faut y préparer nos entreprises.

Deuxième axe : maîtriser les enjeux des dépenses technologiques stratégiques. Nous devons garantir notre accès aux technologies-clés, celles qui nous permettent de faire nos propres choix en matière d'équipement ; d'où l'importance de la recherche et dans certains cas des investissements (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). Mais il s'agit également d'assurer notre indépendance en matière de fourniture de composants ou de matériaux indispensables aux armements d'intérêt stratégique. Nous avons déjà pour cela des outils : procédures de contrôle de certains investissements étrangers - mais peut-être devrions-nous être plus vigilants -, éventuellement actionnariat de l'Etat, recours à des conventions spécifiques - autant d'outils permettant de bloquer le passage à l'étranger de certaines entreprises sensibles. J'ai demandé au Conseil économique de défense de se pencher sur ces questions et d'analyser en particulier le lien entre les enjeux de dépendance et la détention du capital des entreprises de défense. Mais nous devons aussi sensibiliser sur ce point les industriels. Cette réflexion doit bien sûr être abordée dans une perspective européenne, mais sans perdre de vue les intérêts qui sont aujourd'hui en jeu.

Le troisième axe de cette politique économique tend à mieux assumer la préparation du long terme et la fonction de stratège, qui incombent à l'Etat. La préparation de l'avenir, c'est l'objet de la politique de recherche et technologie. Nous devons nous donner une base industrielle et technologique à la hauteur des ambitions de l'Europe de la défense. Il faut donc donner aux entreprises l'occasion d'acquérir les compétences dont nous aurons besoin pour les programmes futurs. C'est pourquoi j'ai décidé de donner la priorité au développement de démonstrateurs à finalités opérationnelles ou industrielles.

Au service d'une politique économique, le budget de la défense est aussi l'instrument d'une politique diplomatique. Comme l'a rappelé le Président de la République, la France entend contribuer à organiser un nouvel ordre international plus respectueux des identités et plus juste. En reprenant son effort de défense, elle pèse sur les décisions internationales. Dans la lutte contre le terrorisme, la qualité de ses militaires a été saluée par les plus hautes autorités de l'OTAN. Pour la stabilité et la paix en Afrique et dans les Balkans, elle est au premier rang, et dès lors qu'il a été connu que par la loi de programmation militaire elle se dotait de moyens d'action, sa voix a été mieux entendue dans les réunions internationales.

M. Patrick Ollier - Très bien.

Mme la Ministre - Cet effort rend crédible notre ambition pour l'Europe de la défense, qui a pris une nouvelle dimension grâce aux opérations conduites en Macédoine et en République démocratique du Congo. Demain en Bosnie, et sans doute ailleurs, l'Europe affirmera sa puissance militaire pour faire respecter ses intérêts et ses idéaux.

L'Agence européenne de défense préparera l'avenir et l'Union européenne doit acquérir une capacité autonome de planification des opérations conduites sous sa responsabilité, y compris en faisant appel à des moyens de l'OTAN.

La considération dont jouit la France serait bien différente si elle n'avait pas les moyens de mettre en _uvre sa vision du monde. Cette capacité conforte son siège permanent au Conseil de sécurité. Premiers contributeurs au Kosovo, nous sommes parmi les contributeurs majeurs dans l'ensemble des Balkans et en Afghanistan C'est vers nous que s'est tourné Kofi Annan lorsque les forces de l'ONU ont eu des difficultés en Iturie, en raison de nos liens avec l'Afrique. Nos alliés savent qu'ils peuvent compter sur nous quand il le faut.

Ce projet de budget est un élément déterminant de la politique de la France. Alors que certains se lamentent sur son « déclin », il donne l'image d'une France responsable, qui se donne les moyens d'agir, d'une France riche, inventive, dynamique soucieuse de faire fructifier son potentiel exceptionnel, d'une France visionnaire qui cherche à imaginer l'avenir sans cynisme, sans naïveté, sans défaitisme et dont nous pouvons être fiers. C'est à cette France que je suis attachée, comme la plupart d'entre vous, c'est elle que nos militaires défendent sur les champs d'opération extérieurs. Merci de leur donner les moyens de continuer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances - Second budget de l'Etat et premier budget d'intervention public, le budget de la défense nécessitait un effort, après cinq ans de coupes claires dans ses crédits d'équipement. Les engagements du Président de la République et du Gouvernement ont été tenus.

Dans un contexte marqué par la prolifération nucléaire et le terrorisme de masse, les outils de défense sont plus nécessaires et plus coûteux que jamais. La France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, assume pleinement ses responsabilités. Quelle serait sa place, sans une défense crédible, comment l'Europe de la défense pourrait-elle se construire ? (Assentiment sur les bancs du groupe UMP)

Face aux menaces diffuses rappelées par le Président de la République en juin 2001, la dissuasion reste indispensable. Nous devons maintenir la sanctuarisation de notre territoire. Mais face aux Etats voyous, le Président doit avoir un autre choix que la frappe nucléaire. C'est pour cela que nous renforçons notre défense. L'augmentation constante du nombre de puissances nucléaires et la doctrine américaine des attaques préventives nous conduisent à maintenir notre effort. En 2010, France et Etats-Unis seront les deux seules nations à disposer de l'outil complet de simulation, essentiel pour la dissuasion.

Dans un contexte marqué par les crises régionales, ce budget est à la hauteur des enjeux. La programmation des dépenses d'équipement est respectée et le budget de fonctionnement contenu.

Sur l'ensemble du ministère, 205 emplois sont supprimés, mais les postes de militaires progressent de 647. Les crédits de rémunération évoluent de 0,5 %, à 14 milliards. Le fonds de consolidation permettra de financer les mesures destinées à fidéliser les militaires. Mais des économies de fonctionnement sont réalisées. Grâce à la mutualisation entre armées, les 16 services d'archives devraient fusionner. La SIMMAD et le SSF, encore perfectibles, ont accru l'efficacité des armées.

L'an dernier, je suggérais des économies sur les crédits d'alimentation et sur ceux de la communication. Sur le premier point, grâce aux économies de gestion réalisées et à celles programmées pour 12,4 millions, le coût baissera de plus de 18 millions en 3 ans, quand je proposais une économie de 10 millions La gastronomie militaire aura sans doute progressé... (sourires) Sur la communication, vous avez obtenu 3,6 millions d'économies en 2004 sur un coût de 76,4 millions en 2003, sans toucher les campagnes de recrutement. 81 postes sont supprimés, dont 20 à la délégation à l'information et à la communication, qui n'étaient pas tous pourvus. Celle-ci édite une cinquantaine de revues. Réduire ce nombre rendrait la communication plus lisible. Quant aux 31 millions d'économies sur les carburants, ils ne sont pas pérennes mais liés à la baisse attendue des cours du pétrole.

D'autre part, au 31 août 2003, 785 militaires et 102 civils étaient en poste permanent à l'étranger. Sans remettre en cause ce réseau, on peut s'interroger sur son envergure. Son coût était de 121,6 millions en 2002, dont 105,5 millions au titre des rémunérations et indemnités. Les rémunérations et charges sociales pour les PPE passent de 115,9 millions en 2003 à 122 millions en 2004. Pourquoi cette hausse de 5 %, alors que la ligne des indemnités et allocations augmente de 8 % pour atteindre 9,2 millions ? La commission des Finances propose de limiter la progression de cette ligne à celle prévue pour les services votés en 2004. Mais nous déplorons que le ministère des finances comprenne mal que, lorsque des économies sont proposées, le ministère qui les fait doit en bénéficier en partie.

Le budget d'équipement, à 14,9 milliards respecte scrupuleusement la loi de programmation. C'est la première fois que cela se produit deux ans de suite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mais ce bon budget suscite quelques interrogations. D'abord, le périmètre des dépenses d'équipement paraît un peu souple. 200 millions sont affectés au BCRD. Cette enveloppe financera-t-elle vraiment uniquement la recherche intéressant la défense ? De même, si le coût de la recapitalisation de la DCN - 560 millions dont 420 restent à verser - ne pèsera pas sur le budget de la défense, ce dernier subira celui des crédits de restructuration qui atteignent 279,5 millions.

La recherche est renforcée de façon significative par la programmation 2003-2008. Elle fait l'objet d'une dotation de 1,24 milliards d'euros. Pourtant je m'inquiète d'un certain relâchement de l'effort sur les études en amont, leurs dotations baissant de près de 19 % en crédits de paiement. Or, si la France et l'Europe, veulent peser sur le plan technologique, il faut empêcher le fossé technologique de se creuser avec les Etats-Unis.

Les Etats-Unis favorisent leurs groupes industriels, mais également leurs PME. Il serait opportun de proposer qu'une partie des marchés militaires, lorsqu'il s'agit de haute technologie, puisse être réservée à des PME spécialisées dans la défense.

M. Jacques Myard - Très bien. Vous avez mille fois raison.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial - Alors que l'ensemble de l'Union européenne a exporté, en 2002, pour 0,8 milliard de dollars de technologies de défense aux Etats-Unis, ces derniers en ont vendu pour 3,6 milliards de dollars en Europe.

Il faut en outre compter avec un prélèvement de plus de cinq milliards de dollars sur les budgets de défense de l'Angleterre, de l'Italie, des Pays-Bas et du Danemark, qui ont fait le choix du JSF 35.

M. Jacques Myard - Eh oui.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial - Les dotations d'équipement devront permettre de relever le taux de disponibilité, compte tenu de la vétusté de certains matériels et des retards accumulés de 1997 à 2002. Dans l'optique de la mise en _uvre de la loi organique, il est nécessaire que le Parlement dispose d'indicateurs fiables. Si les pilotes d'hélicoptère de la marine sont supposés voler 220 heures, ceux de l'armée de l'air et de l'armée de terre sont censés voler 180 heures. Pourtant, ce dernier objectif a été ramené à 160 heures pour l'armée de l'air. Si les objectifs varient, comment apprécier les résultats ?

Les coûts de maintenance sont en forte progression, parfois de 25 à 30 %. J'insiste sur la nécessité de recourir aux financements innovants, meilleur moyen de respecter pleinement la programmation. La prochaine ordonnance sur les partenariats public-privé ouvre des perspectives prometteuses, pourtant je m'inquiète des retards pris par le ministre des finances dans son élaboration.

De même, alors que la LOPSI a été votée il y a seize mois, les décrets d'application sur la gestion immobilière ne sont toujours pas parus. Ils sont apparemment bloqués au Conseil d'Etat. Alors que ce texte a été voté en urgence, cette situation est inacceptable.

Je tiens à évoquer le caractère exemplaire du programme MINREM. En effet, l'Etat achètera un bâtiment avec - si cette option est utilisée - un contrat de maintenance assuré par le prestataire. Il s'engagerait sur un objectif global moyen de disponibilité de 350 jours par an, mesuré à partir de 23 fonctions de base identifiées.

Cette démarche est particulièrement intéressante, car la marine n'aura pas besoin de former des personnels à la maintenance de son bâtiment, optimisant ainsi la gestion de son personnel et ses coûts.

Vous avez lancé cinq chantiers pour 2004 : l'externalisation de la formation des pilotes d'hélicoptères, de la gestion immobilière et du parc automobile, du transport aérien à long rayon d'action ainsi que de la logistique des opérations extérieures.

S'agissant de la formation initiale des pilotes d'hélicoptères de Dax, le ministère de la défense ne procéderait pas à une acquisition d'hélicoptères mais passerait un contrat de service avec une entreprise. La société co-contractante pourrait rentabiliser son investissement en permettant l'usage des hélicoptères à des fins civiles. Cette externalisation doit être menée pleinement. Il convient donc de confier au prestataire une mission globale de gestion de l'école. Pour que ce contrat soit signé dans les meilleures conditions, il faut également que la définition du coût de l'école soit la plus exhaustive possible.

S'agissant de la politique immobilière, vous proposez de transférer la gestion des logements à un prestataire privé, ce que nous approuvons. Il est en effet surprenant que plus de 1 000 gendarmes soient affectés à cette tâche.

La commission des finances s'est interrogée sur le problème des cessions, dont le montant nous semble trop faible : l'occupation des locaux doit être optimisée pour limiter la sous-occupation et réaliser des cessions. Nous souhaitons que le montant des cessions prévues pour 2004 soit augmenté de 10 millions d'euros.

En outre, le délai entre la cession et l'encaissement de son montant par voie de fonds de concours peut atteindre quatre ans, ce délai devrait être réduit.

S'agissant des perspectives du second porte-avions, je rappelle que la construction du Charles de Gaulle a généré un surcoût de près de 20 % compte tenu des retards budgétaires observés, mais aussi de nombreuses modifications apportées en cours de réalisation. Son coût d'entretien est de plus particulièrement élevé.

Récemment, la DCN a proposé un porte-avions à propulsion nucléaire pour un coût de 1,8 milliard d'euros. Pourtant, son document ne prend pas en compte l'obsolescence de certains systèmes du porte-avions existant. Est-il raisonnable d'imaginer qu'un porte-avions admis au service actif en 2014 soit équipé de radars qui datent de trente ans ?

En outre, le besoin exprimé par les Britanniques se rapprochant du besoin français, une coopération doit être recherchée. Outre les économies budgétaires à en attendre, cette coopération serait un pas significatif quant à la mise en _uvre d'une défense européenne lisible. Les deux seules nations européennes disposant de porte-avions de taille significative peuvent-elles se permettre en effet de lancer deux programmes distincts ?

Le marché des avions ravitailleurs - 500 avions - n'a rien d'anecdotique. Les Britanniques vont très prochainement choisir entre la formule proposée par Boeing, sur des 767 d'occasion, et par Airbus, sur des A330-200 neufs ou très récents. Il me semble important pour l'Europe que ce marché ne fasse pas l'objet d'un monopole mondial.

M. Jacques Myard - Très bien.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial - S'agissant des programmes d'armement en cours, les défauts de jeunesse du Rafale livré à la marine sont en voie de résorption et cinq Rafale devraient être livrés à l'armée de l'air. Nos capacités de communication et de renseignement seront de plus renforcées par la mise en orbite des satellites Syracuse III et Hélios II.

Pourtant, deux programmes provoquent des inquiétudes, le Leclerc et le VBCI, véhicule blindé de combat d'infanterie.

Seuls huit chars Leclerc ont été livrés sur les 45 prévus pour 2003. Certes, l'an dernier à la même date, seuls neuf chars étaient livrés, et, finalement 33 ont été réceptionnés. La livraison des 12 chars manquants a été étalée : cinq en 2003, cinq en 2004 et deux en 2005. Donc, si l'on considère que les cinq premières livraisons de 2003 sont, en fait, les livraisons en retard de 2002, les livraisons programmées pour 2003 n'ont concerné que trois chars !

L'enjeu financier de ces retards n'est pas négligeable : 20 % du montant de chaque char est versé à la livraison. Le coût unitaire actuel étant de 8,33 millions d'euros, les 12 chars qui n'ont pu être livrés en 2002 ont généré un report de crédits d'environ 20 millions.

Ce retard s'explique par un rythme de production de GIAT Industries inférieur aux prévisions et par le rejet des chars par la DGA en raison de défauts. Compte tenu du rythme actuel, je crains que les 406 livraisons ne soient pas achevées en 2005...

De même, le programme VBCI a pris un an de retard, suite aux difficultés rencontrées par les utilisateurs et les acheteurs pour se mettre d'accord sur les spécifications à venir. Pourtant, nous avons voté les crédits au rythme initialement prévu. Quelle a donc été leur utilisation ?

Une partie a été logiquement redéployée pour fiabiliser l'AMX 10 P. Plus surprenant, une dotation de 10 à 15 millions d'euros devrait être, par redéploiement de crédits, affectée à des études pour une tourelle à deux hommes, alors que cette possibilité avait été écartée au début du programme. En outre, l'alourdissement du véhicule risque de remettre en cause la plateforme fournie par Renault Trucks.

Il s'agit là d'un dysfonctionnement classique que l'on rencontre dans le déroulement de certains programmes.

Il est vrai que la situation de GIAT Industries n'est pas étrangère à ces péripéties. Je songe aux recapitalisations à répétition qui ont conduit l'Etat à verser depuis 1990 un total de quatre milliards d'euros à l'entreprise, en faisant ainsi le plus gros programme de la défense...

La « participation du ministère de la défense au plan de renouveau de GIAT Industries » justifie l'inscription d'une mesure nouvelle de 56,8 millions d'euros sur les chapitres de personnel du titre III. Cette mesure se décompose en une dotation reconductible - qui serait donc intégrée aux services votés dans le prochain projet de loi de finances - d'un montant de 11,49 millions d'euros et en une dotation non reconductible de 45,32 millions d'euros.

Cette dotation devrait permettre de financer la transformation de 503 emplois, dont 392 à statut ouvrier et 111 de fonctionnaires.

Si les perspectives de la DCN laissent quelque espoir, le plan de charge de GIAT paraît plus problématique.

Je vous invite donc à adopter les crédits de la défense, comme la commission des finances l'a fait, après le vote de l'amendement sur les postes permanents à l'étranger, qui sera discuté tout à l'heure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - Dans un contexte budgétaire difficile, les crédits du ministère de la défense augmentent de plus de 4 %. Le Gouvernement indique que l'effort budgétaire consenti s'inscrit dans un contexte international marqué par la montée de nouveaux types de menaces. Il est donc légitime de se demander si notre outil de défense permet effectivement d'y répondre.

Force est de constater que l'appareil de défense de la France semble encore assez démuni. Si le terrorisme international est considéré aujourd'hui comme une menace majeure pour la sécurité de l'Europe, on peut néanmoins s'interroger sur les mesures concrètes prises pour lutter contre ce fléau depuis le 11 septembre 2001.

En matière de prévention, on n'a pas noté d'effort significatif dans le domaine du renseignement. S'agissant de la protection du territoire contre d'éventuelles attaques terroristes, notamment par des moyens non conventionnels de défense civile, le 11 septembre n'a eu aucun impact budgétaire. Quant à la capacité de projection de l'armée française, elle reste inférieure à celle de l'armée britannique. Le développement des crises régionales exige cependant que l'on puisse faire face à plusieurs crises simultanées.

Enfin, face aux dangers de la prolifération, il serait nécessaire de renforcer les outils d'observation spatiale pour se prémunir contre d'éventuelles attaques.

L'objectif de notre politique de défense doit donc être de répondre aux carences de l'Europe face aux nouvelles menaces. Ce budget permet-il de réduire nos lacunes dans les domaines les plus stratégiques ? Il est malheureusement évident qu'il confirme des choix budgétaires essentiellement nationaux, centrés sur une relance « tous azimuts » des grands programmes d'équipement militaire, sans réflexion de fond sur leur utilité pour la défense de l'Europe.

M. Jacques Myard - La défense de la France, c'est la défense de l'Europe !

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis - On constate des carences inquiétantes dans les domaines stratégiques. Les crédits prévus dans le domaine spatial sont très insuffisants. Ils s'inscrivent certes dans une loi de programmation militaire 2003-2008 qui n'a pas accordé à ce secteur hautement stratégique l'importance qu'il méritait. La part des dépenses d'équipement spatial dans les dépenses en capital de la défense descendra à 3 % en 2008 au lieu de 3,4 % en moyenne entre 1997 et 2002. Cette évolution est paradoxale : le spatial militaire est un outil déterminant pour la connaissance et la gestion des crises. Je rappelle que les Etats-Unis consacrent 10 % de leur budget de la défense et vingt fois plus que les Européens au spatial militaire.

Autre domaine décisif pour le futur, la recherche de défense. Les principaux pays européens ont réduit leur budget dans ce domaine où, là encore, la domination américaine est totale. La France a été particulièrement touchée par cette tendance : les dépenses de RD sont en baisse de 6,6 % par rapport à 2003. Cette baisse a été très forte dans le domaine, stratégique pour le futur, des études amont.

Ces lacunes s'expliquent assez facilement : le volume des dépenses consacré au nucléaire provoque un effet d'éviction au détriment des autres types d'investissement.

En effet, les crédits consacrés à la dissuasion sont considérables : ils représentent chaque année plus de 3 milliards d'euros, soit 20 % des crédits d'équipement et 10 % de l'ensemble du budget de la défense, contre 3 % au Royaume-Uni qui dispose aussi d'une force de frappe nucléaire.

M. Jacques Myard - Sous contrôle américain !

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis - En outre, ces crédits augmentent sensiblement depuis quelques années. Après avoir diminué dans les années 1990, ils ont progressé depuis 2001 de 68,7 % en AP et de 37 % en CP.

Cette augmentation est liée à ce que l'on appelle la « modernisation » de la force de frappe nucléaire de la France, qui n'a pourtant fait l'objet d'aucun débat préalable devant la représentation nationale. Pour ma part, je considère que les nouveaux programmes en cours ne sont pas indispensables au respect des grands principes de notre doctrine nucléaire : le concept du « non-emploi » et celui de la « stricte suffisance ». Pourquoi notre armement nucléaire - dont on ne connaît d'ailleurs pas la doctrine d'utilisation ou de non-utilisation - doit-il être de plus en plus sophistiqué ? Quelle est l'utilité du futur missile M51 à longue portée qui doit remplacer à partir de 2010 l'actuel missile M45 ? Répondra-t-il à un manque de l'actuel système de dissuasion ? Considère-t-on que dans les dix prochaines années la France aura à se défendre, seule, contre des ennemis lointains ?

Mme la ministre parlait l'autre jour à cette tribune de la Corée du Nord ou du Pakistan !

La prolifération des armes de destruction massive justifierait la sophistication croissante de notre arsenal nucléaire. Mais dans le contexte nouveau de menaces asymétriques, la dissuasion est inopérante. Le principe de la dissuasion consistant à menacer un éventuel agresseur de lui infliger des dommages inacceptables, il faut d'abord identifier l'agresseur - problème qui se pose dans le cas du terrorisme - et ensuite que celui-ci raisonne de façon rationnelle - problème de l'efficacité discutable de la dissuasion dite du « fort au fou » : cette théorie est en passe de devenir une sorte d'objet historique.

Il me semble donc urgent de lancer un débat sur l'utilisation des sommes considérables destinées au nucléaire et sur le rôle du nucléaire dans notre stratégie. Je pense qu'il est possible de dégager des marges de man_uvre financières importantes et présenterai un amendement en ce sens.

Pour toutes ces raisons, j'avais recommandé à la commission des affaires étrangères de ne pas adopter ce budget. Elle ne m'a pas suivi (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)... Je vois que vous êtes très favorable au débat !

Cela ne m'empêche pas de continuer à appeler à une vraie réflexion sur les priorités de notre défense, et tout particulièrement sur la signification de notre armement nucléaire. Il est normal qu'un consensus soit recherché - comme je l'avais fait lorsque j'étais ministre de la défense et président de la commission de la défense - autour des grandes orientations de notre politique de défense. Cela ne doit pas se faire par défaut, en évitant le débat au fond, en pratiquant la langue de bois ou en avançant des arguments d'autorité. Sur un sujet aussi sérieux et aussi grave, il ne peut y avoir de domaine réservé dans une démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE


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