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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 20ème jour de séance, 50ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 5 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

LOI DE FINANCES POUR 2004
-deuxième partie- (suite) 2

AFFAIRES SOCIALES, TRAVAIL ET SOLIDARITÉ,
ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE (suite) 2

QUESTIONS 12

ÉTAT B - TITRE III 17

TITRE IV 17

APRÈS L'ART. 80 22

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 6 NOVEMBRE 2003 25

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

AFFAIRES SOCIALES, TRAVAIL ET SOLIDARITÉ, ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE (suite)

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58.

Cet après-midi, le Président de séance m'a interrompu brutalement, alors qu'il avait laissé M. Vercamer dépasser son temps de parole et que M. Perrut a pu parler pendant treize minutes.

Le Président l'a nié mais, vérification faite, il y a bien eu deux poids, deux mesures.

Certes, Monsieur le Président, ce n'était pas vous qui siégiez et j'ai quelque scrupule à faire ces observations ce soir, mais je souhaite que la suite du débat se déroule dans de bonnes conditions. On perd plus de temps qu'on en gagne par de pareils procédés.

M. le Président - Je ne présidais pas la séance de cet après-midi en effet, mais on ne m'a pas signalé d'injustice flagrante. Vous pouvez compter sur moi pour que le débat se déroule tranquillement.

Mme Catherine Génisson - L'égalité professionnelle entre femmes et hommes est une priorité nationale quand les discriminations perdurent avec tant d'acuité.

Les écarts de salaires sont de 24 % en moyenne en faveur des hommes, à parcours et postes équivalents. En dix ans, la hausse de l'emploi féminin a été dix fois plus forte que l'emploi masculin, mais les femmes représentent 80 % des 3,2 millions de salariés au SMIC. Près de 30 % des femmes travaillent à temps partiel, contre 5 % des hommes. Pourtant, Mme la ministre déléguée l'a souligné, le travail des femmes contribue largement au développement économique de notre pays.

Je souhaite saluer ici l'action de la présidente de la délégation aux droits des femmes, Mme Marie-Jo Zimmermann, avec qui nous faisons un bon travail. Mme Zimmermann a récemment reconnu l'utilité de la loi du 9 mai 2001, ce dont je me félicite.

L'inégalité professionnelle entre les femmes et les hommes est criante. Reconnaissons l'ampleur du problème, mais aussi la difficulté d'y remédier. L'année 1983 a été marquée par la loi Roudy qui, interdisant toute discrimination au travail, fait de l'égalité professionnelle un principe fondateur. Vingt ans après, nous voyons les limites de sa mise en _uvre. Le gouvernement de Lionel Jospin a fait de l'égalité professionnelle une priorité. Si le problème se pose sur le lieu de travail, il s'agit cependant d'un sujet transversal : il faut réfléchir à l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale, aux politiques familiales, à l'orientation scolaire des filles et des garçons...

Les femmes bénéficient de la validation des acquis de l'expérience et je m'en réjouis.

La modification du code du travail était nécessaire. La loi du 9 mai 2001 a créé deux obligations de négocier : une négociation spécifique sur l'égalité professionnelle, et l'intégration de ce sujet dans la négociation obligatoire sur les salaires, la formation ou la promotion. Oui, c'est une loi souple dans la mesure où le plan de rattrapage s'étale sur trois ans. Ce texte a été discuté et approuvé par les partenaires sociaux, les associations, les centres d'information des droits des femmes et si les organisations patronales, dont le Medef, regrettent son caractère contraignant, sur le terrain nombre d'employeurs oeuvrent à sa concrétisation. Permettez-moi d'évoquer quelques exemples d'accords exemplaires dans la région Nord-Pas-de-Calais : Peugeot, Tanis, Française des mécaniques, Faurecia, Transpole... Nous le devons à l'implication des acteurs de l'entreprise, mais aussi à celle des services de l'Etat et au travail de la délégation régionale aux droits des femmes.

Je ne peux que me réjouir, Madame la ministre déléguée, de vous entendre prôner la négociation, mais je m'étonne que vous vous contentiez d'une incitation à négocier. Je m'étonne davantage quand vous évoquez l'éventualité d'une nouvelle loi en cas d'échec.

J'entends avec intérêt les propositions du Gouvernement : l'égal accès aux postes de responsabilité, égalité de rémunération ou encore renforcement de la lutte contre la discrimination au travail. Je souhaite à ce titre rappeler l'importance de la loi du 16 novembre 2001 contre toutes les formes de discrimination.

Je trouve également intéressante l'idée d'un label destiné à faire connaître les entreprises soucieuses d'égalité professionnelle. Mais nous sommes dans le registre de l'annonce et les actes ne suivent pas.

Je ne ferai que citer la rapporteure spéciale de la commission des finances : « Bien que modestes, les crédits consacrés aux actions en faveur du droit des femmes devront être identifiés grâce à un programme spécifique au sens de la loi organique relative aux lois de finances, ainsi qu'à un projet coordonné de politique interministérielle, dont les objectifs devront figurer dans les projets annuels de performance de chaque ministère concerné. Ce sera un véritable outil de pilotage, allant bien au-delà de l'actuel jaune budgétaire dont la visée est purement informative ».

En effet, malgré l'existence d'un ministère à part entière, il faut aller à la pêche aux crédits pour appréhender l'ensemble du budget. Entre 2003 et 2004, on note une baisse des crédits alloués dans le cadre du ministère du travail de 5,9 % hors inflation. Les crédits, tous ministères confondus, s'élèveront à 31 millions en 2004, contre 41 millions en 2003.

La réalité, c'est donc le désengagement de l'Etat au moment où les efforts des entreprises et des associations devraient être soutenus. Le beau discours est démenti par les faits.

M. Pierre Cardo - J'aurais bien voulu parler de l'égalité professionnelle, mais Mme Génisson m'a soufflé le sujet... (Sourires) Je parlerai donc de l'insertion. Nul ne conteste l'importance du rôle joué par les structures d'insertion. En 2003, pour maintenir leurs moyens, il a pourtant fallu l'intervention du Conseil national de lutte contre l'exclusion et toute votre volonté, Monsieur le ministre. Je souhaite d'abord qu'il ne faille pas recommencer ce combat cette année. Sans contrats d'insertion, il y aurait toute une population qui ne trouverait jamais sa place dans l'entreprise.

Mais les entreprises d'insertion sont défavorisées par le code du travail. Dans le secteur marchand, les contrats emploi-solidarité, les contrats emploi consolidé ou les contrats de qualification ne sont pas décomptés : ils ne font pas partie des effectifs pris en compte au sens des seuils légaux. En revanche, dans les entreprises d'insertion, tous les salariés sont inclus dans le décompte. Or, la plupart du temps, on leur propose ensuite, dans le secteur privé, un CES, un CEC ou un CIE. Une harmonisation serait donc nécessaire pour que les entreprises d'insertion et les entreprises privées soient traitées de façon égalitaire.

Il conviendrait par ailleurs que le secteur marchand respecte au moins quelques règles de bonne conduite. Tel n'est pas le cas avec le travail confié aux détenus, payés fort peu et à la pièce au bénéfice d'entreprises privées, alors que des entreprises d'insertion, qui versent des salaires normaux, sont exclues de ce marché. De même, alors que des structures d'insertion comme Emmaüs récupèrent des vieux cartons et chiffons dont la transformation permet de créer des emplois solvables, des sociétés du secteur marchand utilisent des organisations caritatives comme la Croix-Rouge pour ramasser gratuitement ces objets.

Parce que le secteur de l'insertion accompagne la politique gouvernementale, parce qu'il peut créer de nouveaux emplois, il faut y mettre un peu d'ordre. Je compte sur vous, Monsieur le ministre, pour faire avancer les choses (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je suis, comme nombre de mes collègues, très marquée par le rapport du Secours catholique, qui reflète ce que nous disent les associations de lutte contre l'exclusion et les organisations caritatives.

Quand je lis que les pauvres sont de plus en plus pauvres, comment ne m'interrogerais-je pas sur les décisions que prend ce gouvernement ?

Le Secours catholique le montre, l'enjeu est d'inscrire l'accompagnement et le soutien des plus démunis dans la durée. Mais vous, avec des mesures comme la suppression de l'ASS, vous envoyez les gens vers plus de difficultés encore, au risque de les priver même de dignité. Quand organiserez-vous une véritable concertation sur l'emploi des plus démunis ? Aurons-nous ce débat à l'occasion du transfert du RMI aux départements et de sa transformation en RMA ? Comment entendez-vous, comme le recommande le rapport Schwartz, faire en sorte que les exclus cheminent dans une logique d'insertion globale, qui touche aussi bien au logement, à la santé, à la formation professionnelle qu'à la capacité de s'en sortir soi-même ?

J'ai cru comprendre par ailleurs que vous arrivez de Matignon où les derniers arbitrages ont été rendus sur le plan vieillesse-solidarité-handicap. Nous ignorons encore si l'on a choisi de supprimer un jour férié ou une journée de RTT ou d'aller vers un jour flottant. Allez-vous enfin, ce soir, remédier au défaut de communication du Gouvernement sur ce sujet ?

Surtout, je me demande comment ce plan pourrait être lancé en 2004 alors que ni le PLFSS ni le présent budget ne comportent le moindre crédit pour cela. Allez-vous nous présenter un collectif, ce qui serait une première pour la sécurité sociale ? Ou bien ce plan n'est-il qu'un effet d'annonce ce qui serait fort dommage humainement et politiquement et qui fragiliserait encore la relation entre les Français et les responsables politiques ?

Qu'avez-vous concrètement l'intention de faire pour les centres locaux gériatriques, pour les services de soins à domicile ? Même l'annonce de M. Mattei à propos des maisons de retraite ne repose que sur la réinscription de crédits précédemment supprimés.

La prise en charge des personnes âgées suppose un travail de fond en termes d'emploi, de formation professionnelle pour ne pas briser la dynamique que nous avions su créer.

Je sais bien que vous allez me répondre que l'APA n'était pas financée, mais au moment où la loi a été votée, nous savions bien qu'il faudrait trouver un financement fin 2003, au moment de la montée en charge du dispositif. Vous, vous avez choisi de ne rien faire !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances pour le travail - Traitement discriminatoire entre les départements sur les compensations...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - C'est un domaine auquel vous devriez être sensible, Madame la ministre, car ce sont souvent des femmes qui s'occupent des personnes âgées.

Je souhaite vivement que ce débat vous permette de lever nos doutes quant à l'application du plan vieillesse dès 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Je remercie les rapporteurs pour leur soutien et pour le travail qu'ils ont accompli.

Mme Montchamp a longuement évoqué la mise en _uvre de la loi organique. Nous parlons ici d'une ministère dont les missions sont très diverses et dont l'architecture varie en fonction de la composition des équipes gouvernementales. Il n'est donc pas facile pour lui de remplir les objectifs de la LOF. Cela vaut en particulier pour le programme support, sujet qui nous a attiré de vives critiques de Mme Montchamp et de M. Bouvard. S'il faut modifier ce programme support, ma préférence va à un rattachement à la mission solidarité cogérée avec M. Mattei.

A titre personnel, je crois qu'il faudra un jour qu'un texte fixe les périmètres des ministères car les changements au gré des alternances sont source de bien des tracas pour les administrations.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale de la commission des finances pour la solidarité, et M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Très bien !

M. le Ministre - M. Jacquat a beaucoup insisté sur la modernisation de la politique d'accueil des demandeurs d'asile. Ses observations sont pleinement partagées par le Gouvernement. Nous avons décidé de réformer la procédure, notamment en réduisant les délais, et d'augmenter considérablement le nombre de places en centre d'accueil ; notre objectif à terme est que tout demandeur d'asile soit accueilli dans une structure dédiée, le logement à l'hôtel étant en effet la pire des solutions. Dans le même esprit, nous fusionnons l'OMI et le service social d'aide aux émigrants dans une nouvelle agence qui sera opérationnelle au premier semestre 2004.

M. Fourgous a appelé une nouvelle fois l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'investir dans les compétences de la « Maison France ». Une politique d'aide au conseil en gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sera menée en 2004, afin notamment d'appuyer l'action des PME et des branches pour relever le défi du choc démographique et pour parer aux difficultés spécifiques de recrutement de certains secteurs.

M. Ueberschlag a souligné l'inadaptation du mode de financement de la formation professionnelle. Le Gouvernement est très attentif aux propositions qu'il a formulées, mais il faut bien distinguer le réseau de collecte des fonds de la formation professionnelle de celui qui concerne l'apprentissage. Le premier a fait l'objet d'une profonde réforme avec la loi quinquennale de 1993, qui a conduit à un resserrement important du nombre des collecteurs ; pour le second, la réforme est en cours. Elle devrait améliorer la transparence de la collecte. Même si les moyens de contrôle restent insuffisants, des progrès ont déjà été accomplis en termes d'effectifs et de hiérarchisation des objectifs.

M. Ueberschlag a également beaucoup insisté sur la validation des acquis de l'expérience. C'est une politique récente, qu'il faut donc avant tout promouvoir... Elle est pleinement complémentaire de l'accord interprofessionnel qui vient d'être signé par les partenaires sociaux.

Enfin, M. Ueberschlag a souhaité le rétablissement de la Commission nationale des comptes de la formation professionnelle, qui avait été créée en 1995 mais ne s'est jamais réunie et a été supprimée sous la législature précédente. Compte tenu des évolutions actuelles, et en particulier de la décentralisation, j'ai proposé lors de la table ronde du 21 octobre dernier, la création d'une structure permanente regroupant les trois acteurs principaux, à savoir l'Etat, les régions et les partenaires sociaux. Je souhaite qu'elle soit placée sous la présidence d'une personnalité qualifiée. Elle remplacerait le comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et le Conseil national de la formation professionnelle.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Très bien !

M. le Ministre - M. Bouvard a évoqué la loi organique et l'affectation d'une partie des personnels aux programmes opérationnels. Nous sommes tout à fait prêts à intégrer l'inspection du travail dans le programme « relations du travail », et décidés à mieux afficher la lutte contre le travail clandestin ; nous allons dans cet esprit rapprocher la délégation interministérielle de la direction des relations du travail.

M. Bouvard a également plaidé pour une simplification des dispositifs d'allègement des charges sociales. L'article 24 de la loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances les vise expressément ; plusieurs ordonnances en cours de préparation viendront en ce domaine compléter ce qui a déjà été fait grâce à la réforme qui a été votée par le Parlement.

M. Tian a parlé de l'emploi des travailleurs handicapés. C'est une priorité du quinquennat. Avant la fin de cette session, un projet de loi vous sera soumis ; il fait actuellement l'objet d'une étroite concertation. Le maintien d'un taux d'emploi obligatoire doit s'accompagner d'un effort pour rendre le dispositif plus incitatif et pour simplifier les formalités imposées aux employeurs. Le rôle de l'AGEFIPH doit être précisé et conforté. Enfin, nous devons nous interroger sur la vocation et le statut des établissements de travail protégé, faciliter le passage d'une structure à une autre et offrir aux personnes concernées un statut aussi proche que possible du droit commun.

MM. Fourgous et Ueberschlag ont souligné le caractère historique de l'accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle. Ce texte reconnaît aux salariés des droits nouveaux : droit individuel à la formation, contrat de professionnalisation, orientation et accompagnement tout au long de la vie, information, évaluation des compétences et validation des acquis de l'expérience. Les partenaires sociaux ont su trouver trois équilibres essentiels : entre temps de formation et temps de travail ; dans l'effort financier des entreprises, la contribution de celles de plus de dix salariés passant de 1,5 à 1,6 % de la masse salariale, et la contribution des PME passant de 0,25 à 0,44 % puis à 0,55 % au 1er janvier 2005 ; enfin, entre les branches, certaines ayant jusqu'à présent bien davantage développé la formation que d'autres.

M. Paul a demandé où se trouvaient, dans ce budget, les crédits permettant d'appliquer cet accord. C'est faire preuve d'un étatisme forcené que de réclamer qu'ils soient déjà inscrits... Les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités, ils apprécient la manière dont l'Etat va transcrire leur accord, mais c'est dans le projet de loi qui sera débattu en décembre qu'apparaîtront les modalités budgétaires de l'accompagnement de l'Etat.

M. Vercamer s'est inquiété du fait qu'on passerait d'une politique du tout-emploi aidé dans le secteur public à une politique du tout-emploi aidé dans le secteur privé. Je comprends qu'étant un homme du centre, il souhaite une politique équilibrée, mais c'est bien la caractéristique de celle que nous menons. Nous donnons plus d'importance à l'insertion dans le secteur marchand, à l'instar de tous les pays qui nous entourent, avec lesquels il faut être bien conscients que nous formons un ensemble solidaire. Mais, dans le même temps, nous maintenons une part importante des crédits alloués aux contrats aidés du secteur public et nous y ajoutons même les contrats civis. Simplement, nous entendons réserver ces dispositifs aux personnes réellement en difficulté. On ne me fera d'ailleurs pas croire que les 450 000 CES figurant au budget de 1998 ou les 4,5 milliards consacrés aux emplois-jeunes étaient dans leur totalité destinés à ce public ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Hélène Mignon - Nous y reviendrons !

M. le Ministre - Une réorientation s'imposait : nous l'avons entreprise et nous la conduirons jusqu'à son terme.

Monsieur Vercamer, vous avez bien voulu reconnaître que nous réformions l'ASS, mais que nous ne la ne supprimions pas. Nous avons de fait estimé qu'une allocation servie indéfiniment ne pouvait constituer un programme d'insertion et, en contrepartie de la réduction de durée de versement, nous proposons précisément des programmes d'insertion qui procureront à leurs bénéficiaires un revenu à peu près équivalent au montant de l'ASS. La suppression de cette allocation ne pourra donc en aucune façon conduire à une forme d'exclusion (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

La différence essentielle entre le RMI et l'ASS est que le premier constitue un programme d'insertion...

Mme Hélène Mignon - Réservé aux plus de 25 ans !

M. le Ministre - Croyez-vous qu'il existe beaucoup de jeunes de moins de 25 ans qui soient au chômage depuis cinq ou six ans et qui pourraient à ce titre percevoir l'ASS ? Croyez-vous d'ailleurs qu'il serait souhaitable de leur servir cette allocation jusqu'au terme de leur vie professionnelle ? La vérité est que le RMI est équivalent en volume à l'ASS, mais qu'il constitue, je le répète, un programme d'insertion, que nous souhaitons conforter par une délégation aux départements. Quelqu'un qui est au chômage depuis cinq ou six ans a en effet besoin d'un accompagnement et d'un vrai projet de réinsertion. Ce projet, il le trouvera grâce au RMI, avec un contrat, mais aussi grâce au revenu minimum d'activité, programme qui concernera, non 50 000, mais 100 000 personnes au moins - la moitié au titre du secteur public, l'autre au titre du secteur privé. Et si les départements ont envie d'aller au-delà, rien ne s'y opposera. La formule sera même ouverte au secteur associatif et aux entreprises d'insertion.

L'argument selon lequel le Gouvernement réduirait la durée de versement de l'ASS pour des raisons purement financières ne tient pas : nous nous sommes engagés de la façon la plus solennelle qui soit - en l'inscrivant dans la Constitution - à ce que les transferts financiers correspondent aux transferts de charges ! Au bout d'un an d'application de la réforme, nous constaterons la réalité des transferts entre ASS et RMI et nous procéderons aux correctifs budgétaires nécessaires, de sorte que l'Etat ne réalisera aucune économie.

S'agissant de la politique de l'intégration, M. Vercamer s'est inquiété de l'installation de l'autorité de lutte contre les discriminations, promise par le Président de la République. Ce dernier a confié à M. Stasi une mission de préfiguration de cette autorité administrative, qui devrait être créée au premier semestre de 2004. D'autre part, nous entendons généraliser progressivement la formule toute nouvelle des contrats d'intégration.

Pour M. Gremetz, tout baisse et pourtant le budget augmente ! La plupart de ses craintes, quant à la suppression de tel ou tel programme, sont vaines, et il le sait d'ailleurs très bien, car c'est un expert de ces questions. On peut critiquer la réorientation à laquelle nous procédons, mais le volume des programmes reste inchangé. Quant aux allégements de charges, vous avez le droit de les combattre, Monsieur Gremetz, mais vous ne pouvez pas ne pas constater l'effort considérable - plus d'un milliard d'euros - que nous y consacrons ! Selon vous, ces allégements ne serviraient à rien. La vérité, comme vous le savez fort bien, est très différente : la DARES, l'INSEE et la direction de la prévision ont démontré que ces mesures enrichissaient la croissance en emplois. Avant elles, il fallait 2,3 points de croissance pour créer des emplois dans le secteur marchand ; grâce aux allégements Juppé et Aubry, cette limite est tombée à 1,3 point et, grâce aux décisions récentes, elle se situe maintenant en dessous d'1 point. On a également évalué à quelque 450 000 créations les effets des seuls allégements Juppé. Cette politique s'impose donc pour combattre le chômage aussi bien que pour assurer la compétitivité de notre économie.

M. Perrut a raison de décrire la loi sur les 35 heures comme une faute.

M. Gaétan Gorce - Vous émettez là un jugement moral ?

M. le Ministre - C'est surtout, me semble-t-il, une faute en raison de la façon dont on a expliqué cette réforme aux Français. Au moment où il convenait de leur faire comprendre que, pour préserver notre modèle social, notre niveau de vie et notre avance technologique, nous devions retrousser les manches et mieux organiser notre économie - en bref, travailler plus et mieux -, on a envoyé le message contraire ! La faute première est là car, du fait de cette erreur de pédagogie, la France a pris un retard considérable sur ses partenaires européens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Perrut a également raison de rappeler que nous avons considérablement augmenté le SMIC.

M. Guy Geoffroy - Eh oui !

M. le Ministre - Certains ne voient là qu'une réorganisation technique, mais est-ce l'expression qui convient pour une hausse de 11,5 %, bénéficiant à plus de 40 % des personnes au SMIC, hors inflation, sur trois ans, et de presque 16,5 % si l'on tient compte de l'inflation ? Pour l'ensemble des personnes au SMIC, ces chiffres sont respectivement de 6 % et de 10 % ! La décision n'était pas facile à prendre, en raison de ses effets sur la compétitivité des entreprises, mais nous l'avons tout de même prise, parce que c'est une mesure de justice sociale de nature à valoriser le travail plutôt que l'assistance.

Messieurs Grand, Kert et Vercamer, notre action en faveur des rapatriés s'est traduite aussi bien par la reconnaissance morale de la nation à l'égard de cette population meurtrie par l'histoire que par la réparation de la dette matérielle. Le choix du 31 mars comme journée nationale d'hommage aux harkis a été pérennisé, un mémorial de l'_uvre française d'outre-mer va être construit à Marseille et, en mars, le Premier ministre a installé le Haut Conseil des rapatriés. Il a également demandé à M. Diefenbacher d'évaluer les politiques menées depuis plus de quarante ans et d'ouvrir des perspectives pour l'avenir. Sans attendre les conclusions de cette mission, je puis vous indiquer que M. Diefenbacher a pris position en faveur de la restitution des prélèvements opérés au titre de l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 et que le Gouvernement ne juge pas illégitime cette revendication ancienne des associations de rapatriés.

Nous nous préoccupons également de la sécurité matérielle des veuves de harkis, Monsieur Grand. En 2002, nous avons demandé au Parlement la création de l'allocation de reconnaissance et nous entendons améliorer encore les conditions de vie des familles de harkis. Pour ce qui est des personnes exilées en raison des événements d'Algérie, une solution avait été élaborée en 1997 pour permettre la reconstitution de leurs retraites. Le dossier était resté depuis en souffrance, mais nous comptons en traiter lors de notre débat prochain.

Afin de clôturer l'étude des dossiers d'aménagement des dettes des rapatriés, nous avons renforcé les moyens de la Commission nationale de désendettement, qui a ainsi pu examiner l'éligibilité de 1 856 demandes sur 3 145 déposées avant le 28 février 2002.

Monsieur Gorce, vous auriez dû reconnaître que le 21 avril s'est produit après cinq ans de gouvernement socialiste !

M. Guy Geoffroy - Eh oui !

M. le Ministre - Vous avez donc vraisemblablement une part de responsabilité ! Considérer que les seules solutions valables sont celles que vous avez appliquées pendant cinq ans est une erreur. Reconnaissez que certaines mesures expliquent pour une part la crise que nous traversons, je pense par exemple au partage du travail et aux créations d'emplois dans le secteur public, et qu'il convient au moins de tester d'autres formules !

Je ne reviens pas sur l'utilité des allégements de charges. M. Gorce, s'appuyant sur des rapports du ministère du travail, a évoqué les effets négatifs des politiques de l'emploi et a cité les chiffres de 2002. Mais ces effets étaient encore plus négatifs en 2001, à cause de la suppression de l'abattement temps partiel ! La même étude montre également que l'introduction du contrat jeunes en entreprise a compensé pour partie ces effets négatifs, mais vous n'êtes sans doute pas allé jusque là dans votre lecture...

En ce qui concerne le taux de chômage, vous avez fait comme si, après cinq ans de beau fixe, il repartait brusquement à la hausse. Mais si le chômage s'établissait en 2001 à 8,8 %, son niveau le plus bas, il était de 9,3 % en 2002. N'est-il pas troublant que cette évolution soit exactement identique à celle de l'ensemble des pays européens ? Vos mesures n'ont donc eu aucun effet sur l'emploi ! L'embellie était directement liée à la croissance économique, extrêmement forte dans l'ensemble des pays développés, et vos mesures n'ont même pas permis de réduire les handicaps que notre économie conserve en matière d'emploi. Nous avons bien sûr souhaité mener une politique différente, qui ne pourra être jugée qu'au terme de la législature, comme le fut la vôtre. Le chômage augmente régulièrement depuis 2001, mais je suis convaincu que 2004 verra un retournement, lié à la fois à la conjoncture et aux allégements de charges. La question essentielle est de savoir comment aborder les prochains creux de croissance, car il y en aura d'autres, sans connaître des conséquences aussi immédiates et aussi graves sur l'emploi.

Plusieurs d'entre vous, et notamment M. Paul, ont évoqué la baisse des contrats emploi-solidarité comme si elle avait commencé avec ce gouvernement. Mais leur nombre diminue régulièrement depuis 1998 !

M. Gaëtan Gorce - Le contexte n'était pas le même !

M. le Ministre - Les 440 000 CES de 1998 révèlent manifestement une utilisation massive de l'argent public non pour l'insertion, mais pour faire baisser les chiffres du chômage. M. Paul a également évoqué l'AFPA. Le projet de loi de décentralisation prévoit en effet le transfert aux conseils régionaux des crédits de l'Etat qui aujourd'hui financent les actions de formation menées par des centres relevant de l'AFPA.

M. Christian Paul - Vous ne transférez pas l'AFPA !

M. le Ministre - Les conventions entre l'Etat, la région et l'AFPA vont préciser pour chaque région les modalités et le calendrier des transferts, qui seront effectifs au plus tard au 31 décembre 2008, et les orientations régionales pour la formation.

M. Christian Paul - Avec quelle péréquation ?

M. le Ministre - Ces évolutions ne remettent en cause ni le statut de l'AFPA, ni la convention collective applicable au personnel.

M. Christian Paul - Vous en faites une coquille vide !

M. le Ministre - C'est une véritable insulte, à l'égard d'une formidable machine qui s'adresse notamment aux personnes les plus éloignées de l'emploi. Le fait que l'AFPA ait désormais à négocier avec les conseils régionaux, composés d'élus du peuple, ne me paraît pas constituer une catastrophe !

M. Christian Paul - Vous ne donnez aucune garantie !

M. le Ministre - Mme Guinchard-Kunstler a évoqué le projet de loi sur le RMI et le RMA. Nous avons sur ce sujet une divergence de fond. Nous considérons, pour notre part, que le département et les collectivités locales qui travaillent avec lui constituent le meilleur échelon pour mener des politiques d'insertion. Le transfert aura le mérite de maintenir le même dispositif sur l'ensemble du territoire, avec bien sûr les mêmes plafonds et les mêmes règles d'éligibilité, mais le contrat sera discuté au plus près du terrain et surtout avec un interlocuteur unique. Le problème de la décentralisation française est en effet que plusieurs autorités interviennent en concurrence sur chaque sujet.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Très bien !

M. le Ministre - Quant au plan vieillissement, il va nous faire littéralement changer de dimension. Les divers dispositifs élaborés au fil des ans n'avaient pas pris la mesure du problème de la dépendance des personnes âgées et handicapées, qu'il s'agisse du financement ou des actions à mener. Je ne critique pas en cela le dernier gouvernement, mais tous ceux qui se sont succédé depuis quinze ans.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Vous n'avez pas davantage pris la mesure du problème !

M. le Ministre - Prétendre aujourd'hui que les dispositifs que vous aviez annoncés étaient suffisants...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Je n'ai pas dit cela !

M. le Ministre - D'autres l'ont dit sur vos bancs, et cela sera apprécié par le personnel concerné. L'effort financier que nous allons engager n'a strictement rien à voir avec les chiffres dont nous avons parlé jusqu'à présent.

M. Christian Paul - Raffarin et Tartarin ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - M. Cardo a montré l'importance de régler les relations entre les entreprises d'insertion, les entreprises classiques et l'accompagnement social. Les contacts entre ces mondes différents nécessitent des réglages permanents et je suis très attentif aux échos du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et du Conseil national de l'insertion par l'activité économique. Nous en traiterons avec le plus grand pragmatisme.

La gauche doit se méfier des discours qu'elle tient elle-même. Il y a six mois, elle nous avait annoncé une apocalypse dans le dossier des retraites. Nous avons obtenu un accord et mené une réforme qui est aujourd'hui observée comme l'une des plus généreuses de tous les pays européens.

M. Maxime Gremetz - Attendez un peu !

M. le Ministre - On nous a expliqué qu'il n'y aurait jamais d'accord sur la formation professionnelle, que les efforts du Gouvernement étaient vains et que les partenaires sociaux ne s'entendraient jamais sur la réécriture de la loi de modernisation sociale. On nous a annoncé des catastrophes sur les retraites complémentaires et l'échec du contrat jeune. C'est tout le contraire.

M. Maxime Gremetz - Vous ne voyez vraiment rien !

M. le Ministre - Qu'aujourd'hui la gauche soit contre la politique de l'emploi du Gouvernement et le revenu minimum d'activité est donc plutôt bon signe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - Je voudrais d'abord exprimer ma gratitude à Mme Montchamp, qui, au-delà de la lettre, a excellemment traduit l'esprit du budget des droits des femmes et de l'égalité, et remercier les orateurs qui ont mis l'accent sur l'enjeu fondamental que représente l'égalité entre les hommes et les femmes. Les crédits inscrits au chapitre 43-02 sont destinés à soutenir les actions en faveur des droits des femmes et à accompagner sur le terrain les actions normatives, informatives et d'innovation sociale menées par l'Etat.

Ces actions s'exercent dans le cadre du pôle social, et je remercie François Fillon de son soutien et l'ensemble du Gouvernement, qui a su intégrer la politique centrale de l'égalité. L'objectif est de faire pénétrer dans tous les secteurs d'activité et toutes les composantes de la société nos cinq grandes priorités : l'égalité des chances et la mixité des emplois, la parité et l'accès des femmes aux postes de responsabilité, l'égalité professionnelle et salariale, la dignité de la personne et la lutte contre les violences et enfin l'articulation de la vie familiale et professionnelle, tant pour les hommes que pour les femmes.

Le travail des femmes constitue une force exceptionnelle de développement économique.

Le champ de l'égalité professionnelle dont l'action représente près d'un tiers du budget, est tourné vers les entreprises dont la participation est nécessaire au succès d'une telle politique.

Cette action se traduit notamment par la signature de contrats d'égalité et de mixité et la mise en _uvre du fonds de garantie pour l'entreprenariat féminin et l'insertion. Cette politique sera complétée en 2004 par une démarche exemplaire d'incitation à la création d'entreprises. Seules 30 % des femmes se lancent aujourd'hui dans la création d'entreprises, ce qui est insuffisant.

Au-delà, l'action passe par la voie associative. Pour ce qui est de la lutte contre les violences, le financement de numéros d'appels nationaux et des permanences d'accueil et d'écoute - 158 structures - représente 20 % du budget.

Par ailleurs, plus du tiers de notre budget est consacré aux 117 centres départementaux d'information des femmes, destinés à améliorer l'accès au droit de femmes particulièrement démunies, et qui fonctionnent grâce au concours des collectivités territoriales et en recourant au bénévolat. Je tiens du reste à saluer l'action de tous les responsables et animateurs qui jouent un rôle essentiel, malgré l'insuffisance des moyens.

15 % des crédits d'intervention sont consacrés aux associations généralistes de défense des droits des femmes, notamment en matière de santé. Si ces missions d'intérêt général étaient assurées par l'Etat, leur coût en serait sans doute plus élevé, pour un service rendu moindre. Rendons donc hommage à l'engagement de ces femmes et de ces hommes de terrain.

Madame Génisson, je vous remercie du ton que vous avez employé. C'est vrai, nous partageons cette vision de l'égalité professionnelle comme priorité nationale et enjeu de société.

Sans renier le rôle de la loi, il est cependant nécessaire aujourd'hui de favoriser le dialogue social afin d'aboutir à une véritable culture de l'égalité qui irrigue toutes les couches de la société. Ce dialogue social, que nous avons réactivé après des années de silence, porte ses fruits, et des avancées sont encore attendues durant les prochaines semaines.

L'efficacité d'une politique publique ne se mesure pas au volume des dépenses qu'elle entraîne.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Malgré un exercice contraint, nous pouvons nous appuyer sur l'ensemble des mesures rappelées par M. François Fillon, au service de la cause des femmes.

Par ailleurs, la décentralisation permettra la création de nouveaux outils à l'échelon territorial et une approche plus pragmatique de ces questions.

S'agissant de la nouvelle loi de finances, les programmes coordonnés de politique interministérielle apporteront une meilleure visibilité des dynamiques en matière d'égalité, à travers l'ensemble des ministères.

Le projet de budget pour 2004 porte la ligne budgétaire à 17 millions d'euros, avec pour objectif de contribuer à la maîtrise des dépenses publiques, de rationaliser l'utilisation des crédits de l'Etat et de rechercher des gains de productivité, enfin d'_uvrer avec l'ensemble des partenaires territoriaux pour faire progresser cette culture de l'égalité.

De surcroît, la valorisation du dialogue social permettra de concrétiser ce qui est un droit aujourd'hui proclamé, mais non une réalité quotidienne. Le constat dressé par Mme Génisson doit nous permettre de progresser.

Les chances de la France moderne passent par la mobilisation de tous ses talents. Les femmes sont solidement ancrées dans cette réalité du travail, mais n'en ont jamais été récompensées.

Le modèle social français est marqué par un taux d'activité féminine et un taux de natalité élevés, qu'il convient de préserver. La France doit être un exemple pour l'Europe.

Enfin, il s'agit d'un enjeu de valeurs, car c'est sur le terrain de l'égalité que progressera la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Monsieur Colombier, nous avons pérennisé le financement des centres locaux d'information et de coordination - CLIC - pour 2004. Mais au-delà, c'est un vaste plan de prise en charge des personnes âgées, tant en établissement qu'à domicile, que le Premier ministre dévoilera demain. Les CLIC y auront toute leur place et nous allons les développer. Favoriser le maintien à domicile des personnes âgées est pour nous une priorité, comme en témoignera le plan vieillissement et solidarité.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre m'a accusé de mauvaise foi lorsque j'ai affirmé que l'utilisation massive d'exonérations patronales ne créait pas d'emplois ! Oui ou non, alors que nous multiplions ces exonérations depuis des années, le chômage a-t-il continué d'augmenter ? Ces exonérations atteignent désormais 18 milliards avec quel résultat ? Le taux de chômage avoisine les 10 % !

Quant au dispositif en faveur des jeunes, leur taux de chômage témoigne de son inefficacité ! Oui ou non, une étude récente n'a-t-elle pas démontré que cette politique n'était pas créatrice d'emplois mais de profits !

M. Jean-Michel Fourgous - Pauvre M. Gremetz !

M. Maxime Gremetz - La productivité du travail en France n'est-elle pas l'une des plus élevées ?

M. Jean-Michel Fourgous - Pas globale ! Pas horaire !

M. Maxime Gremetz - Un dernier chiffre : la part des profits n'est-elle pas passée à 31,6 % en 2001 ? Quant aux retraites, la page n'est pas tournée ! La situation actuelle favorise l'abstention et l'extrême droite.

QUESTIONS

M. Francis Vercamer - Je pose cette question au nom de mon collègue Rodolphe Thomas. En avril dernier, le Gouvernement avait suscité une vive émotion en annonçant le gel des reports de crédits dans le domaine de l'insertion économique. De nombreuses structures se sont senties menacées, d'autant que le gel portait sur des crédits déjà accordés. Elles ont donc réduit le nombre de leurs actions d'insertion, jusqu'au dégel des crédits intervenus en juin.

Ces structures d'insertion connaissent en outre des difficultés de trésorerie en raison des retards de paiement de l'Etat. Comptez-vous mensualiser les aides de l'Etat et améliorer le suivi des actions engagées ? Cela permettrait aux structures d'insertion de planifier leurs projets à moyen et long termes.

M. le Ministre - Je veux d'abord rassurer M. Gremetz dont je sais qu'il connaît parfaitement le droit du travail. Je ne l'ai nullement accusé de mensonge, même si je conteste son analyse des allégements de charges. Si nous supprimions les allégements décidés par les trois derniers gouvernements, le taux de chômage ferait un bond considérable (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Pour répondre à M. Vercamer, l'ensemble des crédits de l'insertion ont été délégués aux directeurs départementaux du travail et de l'emploi. Leur montant est conforme aux besoins locaux. Les mesures de gel n'ont pas eu d'incidence, puisque le dégel est intervenu dès le mois de juin.

Les procédures de versement des aides sont d'une lourdeur incompatible avec le rythme de fonctionnement des structures d'insertion. Avec le ministère des finances, nous avons donc entrepris de réformer ce système de financement, et je souhaite que cette réforme aboutisse en 2004. Il faut rendre mensuel ou trimestriel le paiement des aides de l'Etat.

M. Gilles Artigues - Je souhaite revenir sur la hausse des taxes sur le tabac. Faire la guerre au tabac est certes une question de santé publique, même si on peut douter que les mesures prises fassent baisser la consommation. Mais cela ne doit pas signifier la guerre aux buralistes !

Prenez-vous en considération les difficultés rencontrées par les buralistes ? Comment envisagez-vous une éventuelle harmonisation européenne ? Il est nécessaire d'accorder une compensation aux buralistes en difficulté, dans les zones frontalières notamment.

M. le Ministre - Votre question est plutôt de la compétence de mon collègue en charge de la santé et je vous répondrai en son nom.

La hausse du prix du tabac s'inscrit dans la politique de santé publique du Gouvernement. En outre, des discussions sont engagées au plan européen pour parvenir à l'harmonisation que vous souhaitez.

En attendant, le Gouvernement a pris des mesures pour compenser le choc que représente cette hausse sur l'activité des buralistes. Il compensera 50 à 80 % de la baisse du chiffre d'affaires et une remise additionnelle sera accordée : elle sera de 15 % pour un chiffre d'affaires de 400 000 € et de 23 % pour un chiffre d'affaires de 200 000 €. Le Gouvernement souhaite en outre signer une charte avec les buralistes. Nous souhaitons aborder les thèmes de la sécurité et de la lutte contre la contrebande, mais aussi donner aux buralistes de nouvelles missions de service public, comme la mise à disposition de formulaires, et leur ouvrir de nouveaux marchés afin d'améliorer leur rémunération.

Mme Muguette Jacquaint - La délégation aux droits des femmes, comme les organisations syndicales, constatent que le mouvement vers l'égalité professionnelle se ralentit depuis l'adoption de la loi du 9 mai 2001, malgré la parution des décrets du 12 septembre et du 8 novembre 2002.

Si j'approuve les dix recommandations de la délégation, je souhaite évoquer la précarisation du travail féminin.

Encourager le temps partiel comme moyen de concilier vie familiale et vie professionnelle, c'est revenir à l'idée dangereuse selon laquelle le salaire féminin n'est qu'un revenu d'appoint. Or, on compte de plus en plus de familles monoparentales. Travailler à temps partiel, ce n'est pas avoir plus de temps pour s'occuper des enfants, mais travailler à des horaires déréglés pour un plus bas salaire.

Notre pays compte 2,6 millions de chômeurs, mais on dénombre aussi 3,2 millions de salariés pauvres, dont 80 % sont des femmes. Il y a donc, aujourd'hui, davantage de travailleurs pauvres que de chômeurs.

Les femmes représentent 45 % de la population active, mais aussi 52 % des chômeurs. Alors que le taux de chômage masculin est de 10 %, le taux de chômage féminin s'élève à 14 %.

On parle souvent du chômage des jeunes, des salariés de plus de 50 ans ou des personnes sans qualification, mais jamais du chômage des femmes et tout particulièrement de celles qui sont peu qualifiées.

Les travailleurs sociaux et les associations observent une féminisation de l'exclusion. Ne faudrait-il pas engager une politique plus volontariste et revaloriser l'ensemble des bas salaires ? Quelles dispositions comptez-vous prendre ? L'évolution de vos crédits m'inquiète.

Mme la Ministre déléguée - Vous ne pouvez douter de la volonté du Gouvernement. Les écarts entre les taux de chômage tendent à se réduire, mais le différentiel entre hommes et femmes, dans la tranche des 25-49 ans, reste important et nous devons concentrer nos efforts sur cette classe d'âge.

Il nous faut lever l'ensemble des obstacles à l'emploi : ce sont le plus souvent des problèmes d'articulation des temps de vie qui se posent. Notre priorité est de favoriser l'accès et le retour à l'emploi. Nous voulons réduire de 5 % le nombre des demandeuses d'emploi en 2004 et nous portons une attention toute particulière aux femmes victimes de plans sociaux.

Nous voulons aussi favoriser l'accès des femmes à certains métiers qui leur sont fermés, par exemple dans le bâtiment. Je viens de signer une convention en ce sens avec la CAPEB.

Nous allons en outre renforcer la lutte contre les discriminations et nous comptons sur la nouvelle autorité indépendante dans ce domaine.

Nous menons enfin des actions auprès des entreprises. Actuellement, les deux tiers de celles qui emploient plus de 50 salariés se disent sensibilisées aux exigences de mixité et d'égalité professionnelle. Elles étaient beaucoup moins nombreuses il y a quelques années.

Vous avez évoqué la qualification : il s'agit d'un enjeu majeur. Il faut faire en sorte que les femmes puissent construire un projet professionnel et accéder à la qualification.

Avec le soutien de François Fillon et l'accord des partenaires sociaux, je m'efforce d'ouvrir davantage aux femmes la formation continue. Les écarts que vous signalez se retrouvent en effet en matière de formation professionnelle.

Il faut donc que nous agissions sur ces deux aspects pour que l'égalité des chances soit de plus en plus une réalité. J'insiste tout particulièrement sur les problèmes d'articulation entre temps de vie et temps de travail, qui sont une des causes de la précarité que vous avez évoquée.

M. Maxime Gremetz - Ma question a trait aux conséquences du protocole d'accord sur le régime d'assurance chômage, signé le 20 décembre 2002, et agréé le 5 février dernier. En effet, le PARE auquel les demandeurs d'emploi ont souscrit dans la période de la convention UNEDIC 2001-2003 donnait droit à une certaine durée d'indemnisation. Un avenant du 20 décembre 2002, censé être appliqué à compter du 1er janvier 2004, a un effet rétroactif sur les durées d'indemnisation.

Il s'agit là d'une attaque sans précédent contre les demandeurs d'emploi confrontés à un marché du travail de plus en plus étroit.

Ces chômeurs, s'ils ne retrouvaient pas d'emploi à la fin de leurs droits réduits, pourront prétendre à l'ASS ou au RMI... Il est inacceptable que l'on fasse ainsi sortir du régime d'assurance chômage des salariés privés d'emploi pour les orienter vers des minima sociaux qui les fragiliseraient plus encore.

Je rappelle en outre que nous allons examiner prochainement la transformation du RMI en RMA, ce nouveau contrat, superbe pour les patrons, qui institutionnalise la précarité avec 20 heures de travail et un renouvellement tous les six mois. Les patrons ne paieront des charges que sur la partie du salaire qu'eux-mêmes acquitteront. Et l'on ose encore nous parler du déficit de la sécurité sociale !

Avez-vous l'intention de suspendre ces mesures et d'inciter les partenaires sociaux à reprendre les négociations ?

M. le Ministre - Il ne vous a pas échappé que les partenaires sociaux avaient pris cette décision, qui s'inscrit dans la philosophie du PARE, dans le respect des règles du paritarisme et que le Gouvernement n'avait donc aucune raison de ne pas l'agréer. Il s'agissait pour eux de réduire ces filières en raison du déficit de plus en plus grand de l'UNEDIC.

Les demandeurs d'emploi auront plusieurs possibilités : l'ASS, qui n'est pas supprimée mais dont la durée est réduite ; le RMI ; les dispositifs de formation que nous avons relancés.

Nous aurons d'ici peu un débat sur le RMA. C'est un contrat à durée limitée, non renouvelable. Il ne s'agit donc pas d'une solution durable mais d'un mécanisme d'insertion.

Je vous invite à rompre avec l'idée, qui a fait tant de mal à l'insertion, que quand le secteur privé assure l'insertion, ce n'est pas bien et que quand ce sont les associations ou des structures publiques, même si les conditions sont moins bonnes, c'est bien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Loin de ce manichéisme, nous pensons que le secteur privé peut aujourd'hui faire beaucoup pour l'insertion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Guy Geoffroy - Très bien !

Mme Muguette Jacquaint - Je veux appeler votre attention sur le mauvais fonctionnement du dispositif d'aide à la création d'entreprises des chéquiers-conseil EDEN. Je m'appuie pour cela sur mon expérience de présidente de la Maison de l'initiative économique locale de Seine-Saint-Denis, structure créée par des collectivités locales qui a pour vocation de conseiller et d'aider des créateurs de petites et très petites entreprises, et confrontée en 2002 et 2003 à des interruptions fréquentes et prolongées des aides liées au dispositif EDEN.

Ces dysfonctionnements ont gravement pénalisé les porteurs de projets, demandeurs d'emploi pour la plupart, qui ont besoin des conseils de spécialistes et d'un soutien financier.

La crédibilité de notre structure a aussi été entamée par des suspensions du dispositif dont nos intervenants n'ont pas été informés. C'est l'insuffisance de l'enveloppe budgétaire qui est à l'origine de tout cela. Je vous demande donc, Monsieur le ministre, si vous avez prévu d'y remédier en 2004 et si ce dispositif sera reconduit.

M. le Ministre - Oui, ce dispositif sera reconduit. Nous avons même, à l'occasion de la loi pour l'initiative économique du 1er août 2003, élargi l'accès aux chômeurs de 50 ans et plus et pris un certain nombre de mesures pour favoriser la création d'entreprises par les personnes en difficulté. A ce titre, 68 millions sont inscrits dans ce budget, contre 52 l'an dernier.

Il est vrai que nous avons connu un certain nombre de difficultés en raison d'une demande sensiblement supérieure à nos prévisions et de gels intervenus en 2002 et 2003.

Par ailleurs, nous voulons aller vers un dispositif de gestion de toutes les aides à la création plus souple et plus intégré. C'est pourquoi, dans la loi de décentralisation, il sera proposé de confier les dispositifs EDEN et chéquiers-conseil aux conseils régionaux.

M. François Guillaume - L'aide médicale d'Etat, qui est la plus ancienne des lois d'assistance de notre pays, a été modifiée par la loi sur la CMU de 1999 pour être réservée désormais aux sans-papiers et aux étrangers non régularisés. Ses bénéficiaires, 70 000 dès la première année, seront 170 000 cette année avec une explosion de la dépense estimée à 630 millions d'euros, soit cinq fois plus qu'en 2000.

Si le caractère humanitaire de l'AME n'est contesté par personne, ses abus, qui s'apparentent à ceux de la CMU, sont régulièrement dénoncés par les professionnels de santé qui les vivent au quotidien. Ils sont liés, d'une part, à une prise en charge obtenue par simple déclaration sur l'honneur d'absence de ressources par les demandeurs, d'autre part, à la nature des interventions médicales couvertes à 100 % par l'AME. Si les soins d'urgence sont justifiés, d'autres le sont moins, notamment les prothèses dentaires, auditives et visuelles, prises en charge dans des conditions auxquelles même un smicard n'aura jamais accès, avec un montant moyen de dépense triple de celui d'un affilié au régime général.

Au moment où le financement de l'assurance maladie doit être repensé afin de responsabiliser les Français dans leur consommation médicale et d'assurer la pérennité de notre système de sécurité sociale, quelles mesures entendez-vous prendre pour mettre fin à ces dérives intolérables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Vous avez raison de souligner, après Mme Montchamp, à quel point le dispositif de l'AME a été mal conçu, au point que le risque était réel de remettre en cause un mécanisme d'accès aux soins absolument nécessaire.

Ce dispositif était mal conçu d'abord parce qu'il interdisait l'accès immédiat des bénéficiaires de l'AME à la médecine de ville, dont bénéficiaient en revanche les personnes restées trois ans en situation irrégulière sur notre territoire. Il contribuait en outre à la saturation des services d'urgence.

Ce dispositif était mal organisé puisque les enfants mineurs en situation irrégulière étaient censés relever de la CMU, ce qui était inapplicable dans les faits.

Ce dispositif était mal estimé puisque, à l'origine, Mme Aubry l'avait doté de 45 millions alors que nous devrions dépenser 645 millions en 2003... Le dispositif était mal contrôlé, la simple déclaration sur l'honneur quant à l'identité, au domicile et aux ressources s'étant généralisée.

Ce constat a été fortement mis en avant par le rapport de l'IGASS. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité réformer l'AME. Cela va se traduire en premier lieu par un meilleur contrôle de l'ouverture des droits, les textes réglementaires devront être présentés dans les plus brefs délais (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Le contrôle d'accès sera identique à celui effectué vis-à-vis des assurés, avec justification de l'identité, du domicile et des ressources.

Nous appliquerons également la disposition sur le ticket modérateur qui a fait l'objet d'un vote du Parlement, avec un montant plafonné afin de préserver le principe de l'accès de tous aux soins. Bien évidemment, en seront exemptés tous ceux qui doivent l'être, en particulier les personnes atteintes de pathologies graves, les femmes enceintes, les mineurs. De même, tous les actes de prévention continueront à être intégralement pris en charge.

Ce projet est équilibré. Et le système français d'accès aux soins restera, après cette réforme, le plus complet et le plus protecteur de l'Union européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Billard - La décision prise sur l'ASS vient s'ajouter aux conséquences de la convention UNEDIC de décembre 2002. On estime à 130 000 le nombre de personnes qui perdront l'ASS en 2004. Or, vous n'avez prévu que 100 000 contrats RMA dans le budget. En outre, il faudra sans doute, pour y avoir accès, remplir les conditions d'éligibilité au RMI ; on tiendra donc compte de l'ensemble des ressources du foyer, ce qui aboutira à exclure de nombreux allocataires de l'ASS.

Les plus de 50 ans pourront accéder aux contrats initiative-emploi mais que se passera-t-il pour ceux d'entre eux qui n'en obtiendront pas ? Et pour les moins de 50 ans ? Accéderont-ils à l'insertion, à la formation ?

M. le Ministre - La réforme de l'ASS ne produira ses effets qu'au 1er juillet, alors que le RMA devrait être mis en place au 1er janvier.

D'autre part, vous ne pouvez pas parler de contrats RMA inscrits au budget : plus les départements seront imaginatifs, plus il y aura de contrats ; le chiffre de 100 000 correspond à une estimation, mais il n'est pas gravé dans le marbre.

Certes, les personnes sortant du dispositif ASS et qui auront des ressources dépassant le plafond du RMI, n'auront pas droit au RMA ce qui paraît tout à fait normal. En revanche, elles auront accès au CIE - qui est ouvert à tous même si le dispositif est particulièrement avantageux pour les plus de 50 ans - ainsi qu'aux autres dispositifs d'insertion.

M. Jacques Desallangre - Le 13 juin dernier, 81 députés de la majorité ont déposé une proposition de loi visant à réformer le statut de l'inspection du travail et à en changer la dénomination. Cette initiative a suscité une vive émotion dans le monde du travail.

M. Christian Paul - A juste titre !

M. Jacques Desallangre - Comment leurs auteurs peuvent-ils affirmer que la moitié des inspecteurs sont employés à des « tâches entravant la liberté d'entreprendre », alors même qu'on ne compte que 427 inspecteurs pour 15,5 millions de salariés et 1,2 million d'entreprises ? La vérité c'est que faute de moyens, ces agents sont dans l'incapacité de mener à bien leur mission, qui est de protéger les salariés et de réprimer la délinquance patronale.

L'entreprise serait-elle appelée à devenir une zone de non-droit ? Pouvez-vous, Monsieur le ministre, vous engager dès à présent à ce que cette proposition de loi ne soit pas inscrite à notre ordre du jour ou, si elle devait l'être, à vous y opposer ?

M. le Ministre - Premièrement, le Gouvernement n'a pas de projet de réforme de l'inspection du travail.

Deuxièmement, nous n'avons pas la même conception de la vie économique. La vision que vous avez des relations entre les acteurs est dépassée et explique bien des blocages.

Les rapports qui ont été faits sur l'inspection du travail convergent : augmenter la présence de ses services dans les lieux de travail ; mesurer l'action collective ; renforcer la lisibilité de l'action. Dans cet esprit, j'ai fixé dans une instruction ministérielle du 12 mars 2003, quatre orientations prioritaires à l'action des services déconcentrés de l'inspection du travail : accompagner les PME dans la mise en _uvre du droit du travail ; connaître et prévenir les risques à effets différés ; approfondir la maîtrise des organisations complexes du travail et la sécurisation des relations du travail - c'est toute la question des sous-traitances et des prestations de services ; prévenir les discriminations et exclusions au travail.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement.

Le texte sur le RMI-RMA que j'ai sous les yeux, Monsieur le ministre, indique que le contrat peut être renouvelé deux fois et que sa durée ne peut excéder dix-huit mois, renouvellement compris. Ce n'est pas ce que vous m'avez dit.

M. le Ministre - Si. Pas plus de dix-huit mois !

M. le Président - Ce n'était pas un rappel au Règlement.

M. Maxime Gremetz - Mais une précision utile !

M. le Président - J'appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne « Travail, santé et solidarité ».

TRAVAIL

ÉTAT B - TITRE III

M. Gaétan Gorce - Notre amendement 115 vise à réduire les crédits destinés aux rémunérations des ministres et secrétaires d'Etat (Protestations et exclamations sur les bancs du groupe UMP) afin de les ramener à hauteur du RMI. Nous l'avons déposé pour bien souligner combien ce que vous appelez une réforme de l'ASS est en réalité une régression considérable. Nous considérons comme une dérive inacceptable le fait de faire prendre en charge ceux qui sont privés d'emploi après avoir eu un contrat de travail non par l'UNEDIC, système d'assurance professionnelle auquel ils ont cotisé, mais par l'Etat, à travers un système mis en place pour lutter contre l'exclusion.

Cette décision, que vous niez avoir prise pour des raisons financières, rapportera tout de même à l'Etat un peu plus de 100 millions d'euros cette année, et 800 à terme. Elle est surtout socialement injuste et humainement choquante, et le groupe UDF a donc eu raison de la combattre et de déposer un amendement visant à rétablir le dispositif antérieur, amendement que nous voterons. Vous avez beau mettre en avant votre souci de l'intégration et de la cohésion sociale, cette mesure révèle le vrai visage de votre politique, un visage peu agréable puisque vous pénalisez ceux qui sont déjà en difficulté. C'est pour protester au nom de ces derniers que nous avons tenu à déposer symboliquement cet amendement 115.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Si la commission des finances avait pu l'examiner, l'image qu'elle se fait du gouvernement de la République et de la dignité de la représentation nationale l'aurait conduite à le rejeter ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. le Ministre - Pour traiter de cette réforme importante, était-il nécessaire de montrer le visage du poujadisme et de tomber dans la provocation ? Je ne le crois pas ! (Mêmes mouvements)

M. Francis Vercamer - Il n'était sans doute pas très intelligent de présenter cet amendement provocateur. Mieux eût valu demander une diminution de 40 % du traitement des ministres âgés de plus de 55 ans ou une réduction de leur mandat. Vous auriez alors obtenu une majorité ! Naturellement, le groupe UDF votera contre cette proposition.

M. Maxime Gremetz - Vous parlez de provocation, mais que faites-vous d'autre lorsque vous stigmatisez les pauvres, les chômeurs et les RMistes ? Vous vous montrez sous un jour si exécrable que je voterai cet amendement que je n'aurais pas voté sinon - et, de plus, je demanderai un scrutin public ! A force d'abaisser malades, médecins, RMistes et quantité d'autres, vous faites le jeu de Le Pen ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Gaëtan Gorce - Je peux concevoir que cet amendement fasse réagir, d'autant que c'était son objet, mais je ne puis admettre que le ministre ne nous réponde que par une accusation scandaleuse. A moins qu'il ne la retire, je demande une suspension d'un quart d'heure (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Mallié - Le ministre a raison !

M. le Président - Je vous accorde deux minutes.

La séance, suspendue à 23 heures 50, est reprise à 23 heures 52.

L'amendement 115, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits inscrits à l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés.

TITRE IV

M. le Ministre - Par l'amendement 98, le Gouvernement tient l'engagement pris il y a quelques jours à l'égard de ceux d'entre vous qui s'inquiétaient des conséquences de la réforme de l'ASS : il porte de 80 000 à 110 000 le nombre des CIE prévus pour 2004.

Nous avions prévu 70 000 de ces contrats en 2003, mais les crédits des années passées n'ont pas été totalement consommés, faute d'une priorité suffisamment forte accordée à ce dispositif. Nous avons donc demandé un effort aux services de l'emploi et nous avons modifié les conditions de versement aux entreprises, moyennant quoi la mesure bénéficie maintenant d'un véritable engouement. D'où cet amendement, qui induira un surcoût de 30 millions d'euros, financé par redéploiement.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le Président, j'avais demandé un scrutin public sur l'amendement 115 !

M. le Président - Vous n'avez pas de délégation de votre groupe.

M. Maxime Gremetz - Dans ces conditions, je demande une suspension de séance.

M. le Président - Je ne puis davantage vous l'accorder, faute de cette même délégation !

M. Maxime Gremetz - Le Règlement dispose que la suspension est de droit ! Serait-ce un coup de force ?

M. le Président - La demande de suspension est de droit « à la demande d'un président de groupe ou de son délégué ». La parole est au rapporteur spécial.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - La commission des finances n'a pas examiné l'amendement mais, à titre personnel, j'y suis favorable. Je salue également le procédé qui consiste à redéployer des crédits dont nous savons déjà qu'ils ne seront pas consommés en 2004.

M. Gaëtan Gorce - Je ne puis vous laisser dire que les crédits destinés aux CIE auraient été insuffisants, Monsieur le ministre. Quatre-vingt-dix mille CIE étaient inscrits en 2001, soit plus que ce que vous aviez prévu initialement pour l'an prochain. Vous relevez le nombre de ces contrats : dont acte.

Nous avons pour notre part critiqué ce dispositif pour son coût, et, si nous devons bien reconnaître qu'il produit des résultats meilleurs que nous n'escomptions, nous ne pouvons que constater votre lenteur à relancer un dispositif que vous jugez prioritaire.

M. Francis Vercamer - Le groupe UDF enregistre avec satisfaction cette relance des CEI. Cependant, lorsque j'étais conseiller prud'homme, j'ai constaté que ce dispositif, par sa complexité, était à l'origine de nombreux litiges. Il a donné lieu à quantité de jugements défavorables aux entreprises. Je demande donc au Gouvernement de veiller à ce que les contrats civis et le RMA ne produisent pas les mêmes effets.

M. le Ministre - Je tiendrai compte de votre observation.

Monsieur Gorce, je n'ai pas dit que les crédits étaient insuffisants, j'ai simplement relevé qu'ils n'étaient pas consommés en totalité, faute de vraie priorité. Il a fallu modifier les modalités de mise en _uvre et donner des instructions pour que ce programme devienne une priorité pour le service de l'emploi.

L'amendement 98, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Les amendements 99 et 100 rectifié organisent le financement du contrat d'insertion dans la vie sociale - civis. Ce contrat comportera trois volets : en premier lieu, un contrat associatif, mis en _uvre par voie réglementaire, permettra d'aider des jeunes non qualifiés mais ayant un projet de travail au service d'une association humanitaire, sociale ou sportive. Ce programme sera financé pour les deux tiers par l'Etat et pour le reste par les collectivités - essentiellement la région.

Le deuxième volet consiste en une aide à la création d'entreprises, et le dernier reprend intégralement le dispositif TRACE.

Conclu pour deux ans, le civis est conclu entre un jeune rencontrant des difficultés d'insertion et la région. Une convention organisera le partenariat entre celle-ci, les autres collectivités concernées et le réseau des missions locales. Pour donner à la région un rôle pilote dans l'organisation des actions d'insertion professionnelle et de formation destinées aux jeunes, les cinq premiers alinéas de l'amendement 100 rectifié adaptent les dispositions de la loi du 19 juillet 1998, et les alinéas 14 et suivants organisent la compensation des charges ainsi transférées aux régions. Le civis montera progressivement en charge d'ici à 2006, pendant que le programme TRACE arrivera à son terme. L'évolution des montants transférés aux régions suivra le même rythme.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - A titre personnel, je donne un avis favorable aux amendements 99 et 100 rectifié, même si j'aurai quelques précisions à demander sur ce dernier.

Mme Martine Billard - Je dois avouer que je ne comprends pas vos objectifs. A quoi sert de remplacer le programme TRACE par le civis, qui est quasiment identique, avec quelques défauts en plus ? Le Gouvernement ne cesse de dire qu'il veut simplifier les dispositifs existants, mais en l'occurrence, il rajoute des couches ! Les trois volets du civis sont censés être dans le même chapitre du budget du travail, mais nous n'avons pour l'instant que le premier volet du civis et un autre ailleurs, qui en réalité n'est que la reprise du programme TRACE, l'aide au logement en moins, sans compter le transfert à la région à organiser ! Je suis de manière générale favorable à la décentralisation, mais en l'occurrence, en tant que contribuable, je ne peux qu'être inquiète. Tous ces transferts sont censés être compensés, mais en ce qui concerne le RMI par exemple, la rectification se fera en fin d'exercice ; ce sont en attendant les départements qui devront faire l'avance de fonds pour les allocataires supplémentaires, qui ne manqueront pas entre les intermittents du spectacle et les anciens titulaires de l'ASS. Je crains donc que l'année 2005 ne voie de très fortes augmentations d'impôts de la part des collectivités locales.

M. Christian Paul - Ce sera l'impôt Raffarin !

Mme Hélène Mignon - Nous attendions vos propositions sur le civis depuis plusieurs mois, mais le projet de budget n'avait pas semblé le mettre à l'ordre du jour et j'ai donc été très surprise en découvrant votre amendement 100. Le programme TRACE, de l'avis même de la DARES, facilite l'insertion de nombreux jeunes en grande difficulté et a suscité des emplois plus nombreux et plus stables. Le civis me semble, à quelques exceptions près, être exactement la même chose et je ne vois pas l'intérêt de changer de nom, sinon pour transférer le financement de ces actions entièrement à la région, même pour ce qui relevait auparavant de la solidarité nationale. L'aide au logement est en revanche supprimée, alors que d'un appartement dépend la stabilité de ces jeunes, et donc leurs chances d'intégrer le monde professionnel. Pourquoi cet amendement a-t-il été présenté ce soir, et à quoi sert-il ?

M. le Ministre - L'innovation apportée par le civis est justement la gestion par la région de l'ensemble du dispositif. La simplification est indéniable : un seul dispositif en remplace plusieurs, et la gestion de l'ensemble de la formation et de l'insertion des jeunes est assurée par la seule région, selon la philosophie globale du projet de loi de décentralisation. Cet amendement a été présenté ce soir parce que le calendrier parlementaire ne dégageait aucune place pour un texte spécifique avant longtemps et que nous tenions à ce que le civis entre en _uvre le plus rapidement possible.

Vos craintes concernant les transferts de charges sont légitimes : après tout, vous avez une longue expérience en ce domaine ! Si l'augmentation de la fiscalité locale doit être imputée à quelqu'un, c'est bien à ceux qui pendant cinq ans ont transféré des charges considérables aux collectivités locales sans en assurer la compensation financière ! Nous avons au contraire choisi de faire voter par le Parlement une disposition extrêmement contraignante, une garantie inscrite dans la Constitution, qui s'impose donc au Gouvernement et qui l'oblige à veiller à ce que l'ensemble des charges transférées aux régions soient compensées.

M. Gérard Bapt - Vous comprendrez notre surprise devant l'amendement 100 alors que jeudi dernier, en commission, le rapporteur spécial Michel Bouvard évoquait le civis, dont on parle depuis dix-huit mois, sans donner aucune des précisions qui nous sont communiquées ce soir. Quel est l'élément nouveau qui a ainsi pu précipiter la décision ? Seraient-ce les derniers chiffres de l'emploi et le record du chômage des moins de 25 ans ?

Une concertation a-t-elle eu lieu avec les présidents de région ? Le dispositif comprend en effet un volet tout à fait nouveau sur l'accompagnement de la création ou de la reprise d'entreprises par les jeunes, qui bouscule tous les dispositifs existants et contredit la transformation, proposée par M. Dutreil, de la prime donnée aux allocataires sociaux en avance remboursable. Ce dispositif prévoit la rémunération, par contrat, de jeunes de moins de 25 ans peu qualifiés qui créent ou reprennent une entreprise. Avouez que les régions, le 1er janvier prochain, seront bien en peine d'appliquer ce dispositif sans explications complémentaires !

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 99, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

M. le Ministre - La concertation avec les présidents de région a eu lieu, et le projet a bien sûr également été présenté au Conseil national des mission locales. Je ne vois pas quelles difficultés se poseront aux régions à partir du 1er janvier. Si le dispositif a été un peu long à élaborer, c'est notamment en raison du calendrier de travail du Parlement et du texte sur la décentralisation. Nous voulons renforcer le rôle des régions dans l'ensemble du domaine de la formation et de l'insertion des jeunes. Il n'y a aucune difficulté dans les relations entre l'Etat et les régions. Le civis est le point de départ d'une politique de contractualisation avec les régions qui me paraît extrêmement prometteuse.

A la majorité de 32 voix contre 9 sur 42 votants et 41 suffrages exprimés, l'amendement 99 est adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 116 vise à montrer que la progression du budget de l'emploi ne repose en fait que sur le transfert des allégements de cotisations, qui augmentent, alors que les moyens accordés à d'autres politiques sont au contraire en forte réduction. Au moment où l'emploi diminue, c'est à ceux qui sont le plus en difficulté qu'on demande un effort supplémentaire ! Les emplois aidés non marchands comme les CES ou les stages pour les chômeurs de longue durée régressent par rapport aux autres dispositifs. Cette situation injuste illustre le décalage avec le discours du Gouvernement. Il est caricatural d'opposer ces deux catégories. Tel est le sens de l'amendement 116.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - La commission n'a examiné ni cet amendement ni les suivants. Je ne peux qu'y être personnellement défavorable.

M. le Ministre - Cet amendement s'attaque à l'augmentation des allégements de charges
- plus de 1,2 milliard d'euros - décidée en conformité avec les engagements pris par le Parlement lors du vote de la loi sur l'assouplissement des 35 heures et l'harmonisation des SMIC. Par ailleurs, nous réalisons une plus grande transparence de la politique d'allégement des charges, aussi suis-je défavorable à cet amendement, ainsi qu'aux suivants.

M. Gérard Bapt - Cet argument serait recevable si vous n'aviez fait peser, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, une dette de l'Etat sur la CADES.

Par ailleurs, la réintégration du FOREC se traduira par une charge supplémentaire pour vos services.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis - Quel argument !

M. Gérard Bapt - D'après un hebdomadaire satirique du mercredi, votre ministère, comme celui de M. Mattei, souffriraient de conditions de fonctionnement de plus en plus précaires, du fait de la paupérisation de leurs moyens ! Vous auriez des dettes auprès de France Télécom et d'Orange ! Vous auriez échappé de peu à une coupure d'eau ! Comment la DARES continuera-t-elle de fonctionner, une fois son passif apuré ?

M. le Ministre - Il est piquant que M. Bapt nous reproche de payer les dettes laissées par son propre gouvernement ! Quant au fonctionnement de mon ministère, je veux rendre hommage au personnel qui accomplit un travail remarquable dans des conditions difficiles, et qui continuera à sortir des études dont vous êtes nombreux à vous prévaloir lors des débats parlementaires.

L'amendement 116,mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - L'amendement 117 tend à réduire de 170 millions d'euros la dotation destinée à la réduction dégressive des cotisations sociales patronales sur les bas salaires, afin de maintenir les conditions de versement de l'allocation de solidarité spécifique.

L'amendement 117, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 118 tend à réduire de 149 millions d'euros la dotation destinée à la réduction dégressive des cotisations sociales patronales sur les bas salaires, ce qui correspond à la diminution des crédits alloués aux CEC.

L'amendement 118, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 119 tend à une réduction des crédits de 78 millions d'euros, qui correspond à la baisse des crédits au détriment des CES, dans un contexte économique difficile.

L'amendement 119, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - L'amendement 120 tend à réduire de 48 millions d'euros la dotation destinée à la réduction dégressive des cotisations sociales patronales sur les bas salaires.

L'augmentation de cette dotation de + 12 % laisse entendre que la proportion des salariés percevant des bas salaires devrait encore s'accroître au cours de l'année 2004, ce qui est inacceptable.

L'économie que nous vous proposons permettrait de redonner un souffle aux contrats de qualification, dont vous allez, pour la deuxième année consécutive, provoquer l'effondrement.

L'amendement 120, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 121 propose une économie de 27,4 millions d'euros pour améliorer le programme TRACE. Mais c'est un amendement in memoriam.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - De profundis !

L'amendement 121, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - L'amendement 122 propose une économie de 5 millions d'euros qui permettrait d'éviter la réduction de la commande publique à l'AFPA de 5 millions d'euros. Ces crédits de l'AFPA seront déconcentrés sans garantie de péréquation entre les régions. Pour le Gouvernement, l'AFPA ne sera plus un service public.

Pouvez-vous nous expliquer comment cette association va intervenir dans un contexte de concurrence ? Pouvez-vous garantir que certaines régions ne devront pas renoncer totalement à ses services ?

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Avis défavorable.

M. le Ministre - Il s'agit là de fantasmes véhiculés pour des raisons évidentes... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). La commande publique ne fait pas l'objet d'appels d'offres. Par ailleurs, à périmètre constant, le budget de l'AFPA reste le même. Enfin, je l'ai déjà dit, nous avons prévu un dispositif de conventions tripartites entre l'Etat, les régions et l'AFPA. Cela montre que l'Etat doit rester un acteur stratégique. Quant à l'implication des régions, elle est conforme au v_u d'un gouvernement que vous souteniez et qui a transféré la formation professionnelle à ces collectivités. Nous ne faisons que poursuivre dans cette voie, tout en préservant l'AFPA.

M. Christian Paul - Il y a actuellement une déconcentration, et non une décentralisation des crédits. Or, les crédits déconcentrés pour 2004 seront inférieurs aux crédits de 2003. Cette évolution préfigure-t-elle une baisse des crédits qui seront décentralisés ?

Vous tentez de nous rassurer, mais vos propos vaudront-ils toujours après la décentralisation ? Garantissez-vous que le périmètre d'intervention de l'AFPA sera maintenu ? Il faut avoir le courage de nous dire ce qu'il en sera. M. Devedjian a une approche très générale du problème. Peut-être ignore-t-il comment l'AFPA travaille. Mais sa déclaration au Sénat, selon laquelle l'AFPA n'est pas un service public a beaucoup inquiété le personnel de cette association.

L'amendement 122, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Mon amendement 123 vise à réduire les crédits de 3 millions pour restaurer les moyens de l'ANPE. Nous lisons en effet dans le rapport de M. Bouvard que le transfert du RMI aux conseils généraux a pour conséquence une réduction de la subvention de l'Etat à l'ANPE. Pourquoi cette agence est-elle ainsi pénalisée ?

Par ailleurs, on nous dit que vous souhaitez faire intervenir des structures de placements privées qui viendraient concurrencer l'ANPE. On voit les dérives possibles d'un tel système, de telles structures risquant de ne s'intéresser qu'aux chômeurs les plus facilement employables.

M. le Président - Sur le vote des crédits des titres V et VI de l'état C, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

L'amendement 123, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits du titre IV de l'état B modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

A la majorité de 28 voix contre 9 sur 39 votants et 37 suffrages exprimés, les crédits du titre V de l'état C sont adoptés.

A la majorité de 28 voix contre 7 sur 37 votants et 35 suffrages exprimés, les crédits du titre VI de l'état C sont adoptés.

L'article 80, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 80

M. le Ministre - J'ai déjà défendu l'amendement 100 rectifié du Gouvernement.

M. Francis Vercamer - Le groupe UDF est favorable au civis mais, sur la forme, il nous semble curieux qu'il soit créé par un amendement au budget des affaires sociales. Un dispositif aussi ambitieux méritait un vrai débat.

Sur le fond, j'ai les mêmes craintes pour le civis que pour le CIE. On ne sait s'il s'agit d'un contrat de travail, régi par le code du travail, ou d'un contrat de droit public. Il y a un risque de confusion. Je souhaite donc que le Gouvernement précise la nature de ce contrat.

Vous nous dites que le civis donnera droit à une couverture médicale. Mais qu'en sera-t-il des droits à la retraite ? Et quels seront les droits des bénéficiaires ? Comment les licenciements se passeront-ils ? Ces bénéficiaires pourront-ils adhérer à un syndicat, auront-ils des droits sociaux ? Je souhaite aussi qu'on nous précise le montant de l'allocation, qui sera fixé par décret.

Mon sous-amendement 127 est rédactionnel : dire d'un jeune de 16 à 25 ans en difficulté qu'il est « confronté à un risque d'exclusion professionnelle » est un peu redondant et je propose de supprimer cette précision.

Mon sous-amendement 128 vise à étendre le dispositif aux projets « humanitaires », pour permettre aux jeunes de travailler avec les ONG, éventuellement hors de France.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - La commission n'a pas examiné ces sous-amendements.

Personnellement, je pense qu'il serait bon que le Gouvernement nous précise la nature du contrat, le montant de l'allocation et la manière dont s'effectuera la transition.

Le sous-amendement 127 n'est pas purement rédactionnel. Supprimer la mention du risque d'exclusion professionnelle ferait du civis un contrat de droit commun, qui s'adresserait au même public que le dispositif des emplois-jeunes, dont nous connaissons les dérives.

S'agissant du sous-amendement 128, il me semble que notre collègue confond thème du civis et objet du contrat. Bien évidemment, ce dernier pourra porter sur l'humanitaire.

M. le Ministre - Même avis sur les sous-amendements. Je veux aussi répondre aux questions qui m'ont été posées. Sur la nature du contrat, il ne s'agit pas d'un contrat de travail, mais d'un engagement réciproque entre le jeune et la région. Le montant de l'allocation sera fixé par décret. Nous tablons sur 450 € sur trois mois et de 300 € sur un mois. Enfin, l'Etat financera les programmes TRACE pour tous les jeunes qui en bénéficient, puis les régions prendront le relais avec les civis, le Conseil national des missions locales me semblant le lien approprié pour l'apprentissage nécessaire.

M. Maxime Gremetz - Afin d'aider le retour vers l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés, en particulier les jeunes, vous offrez aux régions la possibilité de participer à l'insertion par le biais des civis. Mais pourquoi avoir supprimé les emplois-jeunes, qui étaient plus intéressants puisqu'ils couraient sur cinq ans au lieu de deux ? Par ailleurs, quelles garanties de formation offrira le nouveau dispositif, alors que de nombreuses collectivités ont déjà mis en _uvre des plans de formation qualifiante et que certains jeunes ont ainsi pu intégrer la fonction publique territoriale ? Enfin, quelle sortie du dispositif prévoyez-vous pour ne pas commettre les mêmes erreurs qu'avec les emplois-jeunes ?

M. Gérard Bapt - Les questions de M. Bouvard confirment la difficulté de traiter un tel amendement en séance. Par ailleurs, nous nous étonnons que nous aient été distribués simultanément l'amendement du Gouvernement et les sous-amendements de M. Vercamer... L'opposition aurait-elle été, seule, tenue dans l'ignorance de cet amendement ?

M. Maxime Gremetz - Ils sont superréactifs ! (Sourires)

M. Gérard Bapt - Cela dit, je partage l'avis du rapporteur sur les sous-amendements. Si nous-mêmes avions eu la possibilité d'en déposer, nous aurions proposé d'ajouter non pas le mot « humanitaire » mais le mot « social », plus conforme aux difficultés auxquelles les jeunes sont confrontés.

M. le Président - L'amendement du Gouvernement a été déposé en fin d'après-midi, les sous-amendements de M. Vercamer en début de soirée, tout cela est conforme au Règlement.

M. Francis Vercamer - Que nous ayons été plus réactifs que le groupe socialiste, c'est un événement ! (Sourires) Cela étant, je retire le sous-amendement 128, déposé après une lecture un peu rapide de l'amendement 100 (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Le sous-amendement 127, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 100 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Francis Vercamer - L'amendement 93 est capital puisqu'il vise à maintenir l'ASS. La première explication est pratique, il s'agit d'éviter qu'un certain nombre de bénéficiaires de l'ASS, qui ne percevront ni le RMA ni le RMI, perdent un certain nombre d'avantages.

J'entends bien que le Gouvernement entend privilégier l'insertion par rapport à l'assistance, mais n'oublions pas que celui qui perçoit l'ASS n'a rien demandé à personne. Je pense à ces ouvriers du textile qui, dans ma circonscription, ont vu leur entreprise fermer et qui n'ont pu retrouver un emploi parce qu'ils étaient trop vieux ou, simplement, parce qu'il n'y en avait pas.

M. Maxime Gremetz - Pour l'UMP, ce sont des fainéants !

M. Francis Vercamer - Autant je comprends qu'on veuille les accompagner vers l'emploi, autant je considère que la suppression de l'ASS n'est pas très juste.

La deuxième raison est symbolique : alléger l'impôt sur le revenu quand on s'en prend à l'allocation au profit des chômeurs de longue durée, cela donne l'impression que les pauvres paient pour les riches. Pourquoi ne pas attendre le texte sur le RMA pour travailler, sereinement, sur cette question de l'ASS. On pourrait alors admettre que celui qui refuse le parcours destiné à revenir vers l'emploi soit sanctionné. Mais, en l'état, pas plus que la baisse des températures ne pousse les SDF vers le logement, la baisse de l'ASS ne poussera les chômeurs de longue durée vers l'emploi.

C'est pour réaffirmer les principes de solidarité nationale et de fraternité que le groupe UDF souhaite rendre à l'ASS sa forme initiale.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Vos derniers mots montrent bien que l'ASS n'est pas supprimée. On ne peut amender ce qui est supprimé ! Mais la commission n'a pu approuver cet amendement puisqu'elle a accepté les modifications du dispositif de l'ASS proposées par le Gouvernement.

M. Christian Paul - Quel aveuglement !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - En maintenant le système actuel, vous empêcheriez le cumul entre l'ASS et le revenu d'activité ; vous empêcheriez le maintien de l'ASS en cas de retour bref à l'emploi ; vous empêcheriez une prise en compte des charges plus favorables aux personnes concernées.

M. le Ministre - Il ne s'agit nullement de supprimer l'allocation des chômeurs de longue durée qui n'ont pu trouver de travail, mais de dire à ceux qui sont éloignés de l'emploi depuis plus de quatre ans que ce n'est plus d'une allocation dont ils ont besoin mais d'un dispositif de réinsertion. Il est difficile de contester la philosophie de cette mesure, surtout quand on sait que, la compensation étant intégrale pour les départements, elle n'occasionnera pas d'économies pour le budget de l'Etat.

Quant à la comparaison avec la baisse de l'impôt sur le revenu, elle est facile mais bien malvenue. Si nous baissons l'impôt sur le revenu, comme d'ailleurs beaucoup d'autres pays européens, c'est pour hâter le retour de la croissance, sans lequel nous n'avons aucune chance de pouvoir maintenir notre modèle social.

M. Christian Paul - C'est une fable !

M. le Ministre - Ce n'est pas rendre service à notre pays que de faire ainsi une pédagogie à l'envers de la réforme nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Le ministre n'a pas répondu à mes questions. Sans doute est-il fatigué...

L'amendement de M. Vercamer ne me déplaît pas, sinon le fait que l'allocation soit attribuée « par périodes de six mois renouvelables » : l'ASS doit être un droit.

M. Vercamer ayant annoncé un amendement capital, un scrutin public s'impose !

M. le Président - Je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public sur l'amendement 93.

M. Gérard Bapt - Quelques mots en attendant le scrutin public...

Sans revenir sur le caractère profondément injuste des mesures fiscales et sociales de ce gouvernement, je veux souligner que, comme en 1995-1996, vous vous êtes engagés dans une politique économique à contre-emploi, orientée sur l'offre alors qu'il faudrait soutenir la demande. Vous attendez le salut de la reprise aux Etats-Unis et dans le Sud-Est asiatique, mais tous les conjoncturistes disent qu'elle n'aurait que des effets relativement faibles et décalés dans le temps.

Vous avez dit que la réforme de l'ASS n'était pas destinée à faire des économies, mais alors pourquoi donc avez-vous supprimé la majoration de 40 % pour les chômeurs de plus de 50 ans ? Quant à la compensation intégrale, comment pouvez-vous la garantir alors qu'on ne sait pas combien d'allocataires de l'ASS vont basculer dans le RMI-RMA ?

M. Francis Vercamer - Monsieur Gremetz, le renouvellement tous les six mois peut permettre, le cas échéant, de supprimer le bénéfice de l'allocation à une personne qui, à plusieurs reprises, aurait refusé un parcours d'insertion.

A la majorité de 21 voix contre 14 sur 35 votants et 35 suffrages exprimés, l'amendement 93 n'est pas adopté.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 6 novembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 10.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 6 NOVEMBRE 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093.)

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Rapport n° 1110)

· Anciens combattants ; articles 73 et 74

M. Xavier BERTRAND, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 10 du rapport n° 1110).

M. Patrick BEAUDOUIN, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Tome V de l'avis n° 1111).

· Intérieur

- Sécurité intérieure et gendarmerie :

M. Marc LE FUR, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 27 du rapport n° 1110).

- Sécurité intérieure :

M. Gérard LEONARD, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Tome II de l'avis n° 1115).

- Sécurité civile :

M. Thierry MARIANI, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Tome III de l'avis n° 1115).

- Administration générale et territoriale :

M. Jérôme CHARTIER, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 28 du rapport n° 1110).

- Collectivités locales :

M. Marc LAFFINEUR, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 29 du rapport n° 1110).

- Administration générale et collectivités locales :

M. Manuel AESCHLIMANN, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Tome IV de l'avis n° 1115).

· Tourisme

M. Augustin BONREPAUX, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Annexe n° 23 du rapport n° 1110).

M. Jean-Michel COUVE, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Tome XI de l'avis n° 1112).

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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