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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 22ème jour de séance, 55ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 7 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite) 2

      AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COOPÉRATION ET FRANCOPHONIE (suite) 2

      QUESTIONS 17

      ÉTAT B - TITRE III 21

      ÉTAT C 22

      ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR 22

      QUESTIONS 34

      ÉTAT B - TITRE III 37

La séance est ouverte à quinze heures.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COOPÉRATION ET FRANCOPHONIE (suite)

Mme la Présidente - Nous poursuivons l'examen des crédits des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie.

M. Daniel Garrigue - Les rapporteurs ont exposé toutes les qualités de ce budget. L'UMP partage cette appréciation et veut souligner l'excellence, Monsieur le ministre, de la politique que vous menez, au côté du Président de la République, et qui est fondée sur des principes dont nous sommes fiers : la volonté de faire prévaloir dans un monde chaotique l'organisation et la procédure internationale, de définir et de soutenir des positions communes entre les partenaires européens, de préserver les relations privilégiées que nous avons avec certains Etats et enfin d'affirmer le rayonnement culturel mais aussi scientifique de la France.

Cette politique s'inscrit dans des alliances à propos desquelles certains points devront être éclaircis. Lorsque la Constitution européenne sera entrée en vigueur, l'un des personnages clefs de l'Union sera son ministre des affaires étrangères. Quelle sera alors la marge d'influence et d'initiative de notre propre politique étrangère ? Après l'indispensable réforme des Nations unies, quelle sera la place de la France et peut-être de l'Union dans le Conseil de sécurité ? Enfin, si nous sommes profondément attachés à notre alliance avec les Etats-Unis, nous avons besoin de faire le point sur l'état des relations transatlantiques : celles-ci peuvent prendre la forme d'un dialogue entre l'Union et les Etats-Unis ou de relations particulières entre eux et chacun des Etats membres. Nous avons clairement opté pour la première conception, mais nous avons souvent le sentiment que certains de nos partenaires et des Etats-Unis eux-mêmes hésitent encore.

Ces incertitudes ne sont pas sans conséquences, qui se traduisent en particulier dans le secteur du Moyen et du Proche-Orient. En ce qui concerne l'Iran, les discussions que vous avez menées, Monsieur le ministre, avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne sur la non-prolifération des armes nucléaires ont été très positives. Pour l'Irak en revanche, nous avons l'amer privilège d'avoir analysé trop tôt les conséquences de l'intervention militaire. Nous avons cependant adhéré à la résolution 1511 parce qu'elle marquait une évolution de la position des Etats-Unis. Mais il urgent de définir le calendrier du véritable transfert de la souveraineté, sous peine d'une déstabilisation complète de l'Irak.

Au Proche-Orient, l'autorité palestinienne est trop affaiblie pour contenir le terrorisme et le gouvernement israélien a pour toute ligne d'action le fait accompli. Il est urgent que les puissances internationales pèsent de tout leur poids. L'Union est présente, notamment dans le Quartette, et vous avez, Monsieur le ministre, essayé de donner un contenu précis à la feuille de route en proposant la réunion d'une conférence internationale et la mise en place d'un force d'interposition. Vous avez également marqué votre intérêt pour le plan de Genève. Le moment n'est-il pas venu pour l'Union européenne de prendre des initiatives plus ambitieuses pour sortir de l'impasse ?

En Afrique, les liens ont été largement resserrés avec nos partenaires, aussi bien au nord qu'au sud du Sahara. Nous sommes très attachés à la stabilité de ce continent. Vous avez renforcé l'aide au développement mais aussi les actions de santé publique, qui sont devenues en Afrique un véritable enjeu de politique internationale. Quant aux puissances émergentes, si l'on parle souvent de la Chine, on a tort d'oublier l'Inde. Quel type de relations allons-nous établir avec ces pays, qui feront partie des puissances dominantes de ce siècle ? En effet, si nous sommes attachés à l'idée d'un monde multilatéral, notre politique étrangère comme celle de l'Union manquent de lisibilité.

Le groupe UMP apporte tout son soutien tant à ce budget courageux qu'à la politique que vous menez, et qui est celle que nous attendons de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Lefort - Monsieur le ministre, vous avez prononcé en juillet, au musée anthropologique de Mexico, un discours sur le nouvel esprit de la frontière. En la matière, votre budget pour 2004 est composé de multiples incursions extérieures qui n'aboutissent qu'à le placer dans une situation critique. Il traduit en cela une sous-estimation du rôle que notre pays doit jouer en Europe et dans le monde. Certains tentent d'enfermer la planète dans une conception non plus bipolaire, mais binaire : le monde se réduirait à un affrontement entre le bien et le mal. Ce schéma simpliste est inefficace, mais aussi dangereux. Promouvoir une vision multipolaire, qui concilie la justice et le droit et le respect des diversités, est une tâche urgente. L'esprit de domination est non seulement étranger à l'idéal humaniste, mais également source de tensions incontrôlables.

Votre ministère a affiché une option pour un monde multipolaire. Votre budget laisse toutefois une tout autre impression : comme s'il hésitait entre la tentation de cette conception binaire et une vision d'un monde indéchiffrable, complexe et fragmenté, il porte à la fois les traces d'un esprit de volonté et d'un état de résignation. Cette résignation est patente lorsqu'on constate que, hors aide publique au développement, votre budget recule de 1,26 %. Certains prétendent qu'il s'agit d'une contribution à l'effort de réduction de la dépense publique. Mais d'autres budgets régaliens augmentent de façon significative. C'est le signe que votre budget n'est pas considéré, après incursion de Matignon, comme une priorité. Hors aide publique au développement, toutes les lignes régressent ou stagnent, quoique ce ne soit pas tout à fait exact. Une augmente - après incursion cette fois de la place Beauvau -, celle des crédits affectés au droit d'asile, revu et corrigé en fonction de concepts sur lesquels l'ONU a exprimé les plus vives réserves.

Ce qui sauve votre budget, c'est l'augmentation de l'aide publique au développement, à laquelle nous sommes extrêmement favorables. Hélas là encore - incursion de Bercy cette fois - sur les 114 millions d'euros supplémentaires annoncés, 90 proviennent du déblocage de crédits gelés l'an passé ! Combien de temps encore la représentation nationale sera-t-elle ainsi bafouée, placée devant le fait accompli ? Est-il acceptable plus longtemps qu'elle vote des dispositions et que le Gouvernement fasse ensuite le contraire ? Comment croire qu'il en ira différemment en 2004 ? Nous attendons de votre part des engagements fermes sur ce point. Une loi de programmation en matière de coopération serait indispensable. Nous la réclamons avec insistance depuis longtemps, hélas sans succès.

Que le tiers de l'augmentation de l'aide publique au développement profite aux concours financiers, parmi lesquels les contrats de désendettement-développement, pose également problème. Sans doute encore une incursion de Bercy ! Tous ces crédits sont aujourd'hui gérés dans la plus totale opacité. Un contrôle parlementaire devrait s'exercer. L'exemple de la chaîne de télévision d'information en continu est une autre illustration de ce manque de transparence. Le principe en a été arrêté ici, mais le concept en a été si dénaturé qu'il n'a plus rien à voir avec l'idée originale. Tout cela est inacceptable. Des décisions s'imposent ; nous attendons que vous les annonciez.

J'en viens à des considérations plus politiques. Le projet de Constitution européenne, encore en discussion, devra impérativement être soumis à référendum, sous peine de n'avoir pas de légitimité. Le projet actuel, qui vise à garantir l'exercice d'une concurrence totale « non faussée », constitutionnalise pour l'éternité un libéralisme pur et dur, conforme au modèle dominant dont l'Union européenne prétend pourtant chercher à s'extraire. Ce projet, pour reprendre une expression de Jean-Claude Guillebaud dans son ouvrage Le goût de l'avenir, tend à sacraliser « une fin de l'historicité, c'est-à-dire une privatisation de l'avenir. » Quant à la politique de défense commune, comment pourrait-elle à la fois être autonome et intégrée dans l'OTAN ? Où est la cohérence ? C'est pour cela que nous refusons cette Europe, qui tourne le dos à celle que nous appelons de nos v_ux, porteuse de progrès social et forte d'un modèle qui lui soit propre.

Nous soutenons la réforme engagée de l'action extérieure de la France. Le fait que cette action ait longtemps été l'affaire de douze ministères à la fois la rendaient peu lisible et peu cohérente. Des plans d'ambassade, et non plus du seul ambassadeur, devraient voir le jour. Soit, mais pourrait-on y voir plus clair sur cette question ? S'agit-il simplement de redécouper autrement votre ministère ou, comme nous le souhaiterions, de mettre en place une véritable politique extérieure de la France, qui soit une ?

Vos propositions en matière de réforme de l'ONU, en particulier sur le renforcement des organes spécialisés, nous satisfont assez. L'OMC n'a pas à s'occuper de tout : à preuve, s'il le fallait, Cancùn ! Nous serions encore plus satisfaits si vous considériez que le continent européen peut être couvert, en matière de sécurité et de coopération, par l'OSCE, organisation régionale de l'ONU. Il faudrait toutefois pour cela la doter d'un statut juridique. Nous souhaiterions également que la charte des Nations unies soit mieux appliquée.

S'agissant de l'Irak, on mesure aujourd'hui à quel point la position française a été juste. L'Irak, où pas une seule arme de destruction massive n'a été trouvée, s'enfonce dans une crise dont les Américains, mais aussi les représentants de l'ONU et de la Croix-Rouge, subissent les conséquences. M. Bremer, l'administrateur américain, en vient à considérer qu'il faut accélérer le transfert de la souveraineté irakienne aux Irakiens, semblant avoir finalement découvert que l'Irak appartient à son peuple ! Il faut encourager un retour rapide de la souveraineté pleine et entière des Irakiens sur leur pays, leurs richesses, leur vie politique et administrative. Une attitude ferme de la France en ce sens est indispensable.

Je terminerai par le Proche-Orient. Combien ce conflit va-t-il durer pour la seule raison que la paix est tenue en otage par les extrémistes, qui ne se trouvent pas d'un seul côté ? Combien de temps encore l'ONU acceptera-t-elle d'être bafouée sur cette terre ? Des responsables israéliens et palestiniens courageux ont élaboré un plan de paix qu'ils présenteront à Genève début décembre. Vous avez reçu les auteurs de ce plan, Monsieur le ministre, nous nous en félicitons. Mais nous ne pouvons pas les laisser seuls, ni en décembre, ni après. Si le Premier ministre palestinien, Abou Alaa, homme de paix, obtient une nouvelle trêve, qui peut assurer que l'engrenage de la violence ne reprendra pas ? Nous approuvons votre proposition de mise en place d'une force internationale d'interposition. Qu'elle se heurte à des réticences multiples ne doit pas vous faire renoncer. La France doit, au sein du Quartette, jouer tout son rôle dans cette région meurtrie, dont le sort provoque tant de frustrations en Israël et en Palestine, mais aussi bien au-delà. Soyez l'homme de la paix au Proche-Orient, Monsieur le ministre. Cet objectif peut supplanter tous les autres.

Après avoir dit notre désaccord sur ce budget et en souhaitant être entendus, nous retiendrons néanmoins les efforts entrepris à l'ONU, en Irak et au Proche-Orient. C'est l'unique sens de notre abstention sur ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jacques Myard - Vous l'approuvez donc. Entre gaullistes et communistes, il n'y a plus de parti aujourd'hui !

M. Gilbert Gantier - Le budget des affaires étrangères symbolise l'action extérieure de la France, donc sa place dans le monde, et l'effort qu'elle consent en faveur du développement. Avec 4,22 milliards d'euros en 2004, ce budget permet de redresser la barre après une période de laisser-aller où il ne représentait guère plus de 1 % du budget de l'Etat.

Vous avez entrepris, l'année dernière, Monsieur le ministre, deux « opérations vérité » : une juste évaluation des contributions obligatoires de la France, d'une part, la création d'un nouvel instrument de coopération bilatérale, les contrats de désendettement-développement, d'autre part. Il faut poursuivre dans cette voie.

Nous approuvons également les orientations fixées pour 2004 : l'accroissement de l'aide publique au développement, restructuration de l'appareil public chargé de l'action extérieure de l'Etat, promotion de la francophonie, réforme du droit d'asile.

Selon nous, votre budget doit se donner plusieurs priorités. Tout d'abord, rationaliser ses moyens. Cela revient certes à diminuer la part des crédits de fonctionnement : un effort a déjà été entrepris en ce sens en 2003.

Autre priorité : promouvoir la francophonie. Il faut saluer à cet égard l'action de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger. La promotion du français est un enjeu géostratégique majeur. L'avenir de notre langue se joue en grande partie au sein de l'Union européenne : le français devrait devenir la deuxième langue étrangère apprise par les écoliers, ce qui n'est malheureusement par le cas actuellement. En matière de francophonie, il convient également de porter une attention particulière à l'Afrique et aux pays émergents. La promotion de la langue française passe par de multiples canaux : l'accueil des étudiants étrangers, mais aussi RFI et bientôt la chaîne télévisée d'information continue C2I.

Les projets de coopération et d'aide au développement sont l'expression d'une tradition de solidarité de la France, d'une présence démocratique, gage de la préservation des libertés et d'une présence culturelle porteuse de la francophonie et de ses valeurs. La France est l'un des principaux acteurs mondiaux en matière d'aide publique au développement : elle figure en effet parmi les premiers pays donateurs en volume, et parmi les plus généreux du G8 par tête d'habitant. Une restructuration s'impose cependant : l'ensemble des interventions doit être placé sous l'autorité du ministère des affaires étrangères. On en est encore loin. L'objectif du Gouvernement, conformément à la volonté du Président de la République, est que l'APD atteigne 0,5 % du PIB d'ici à 2007. Nous verrons alors si cette promesse aura été tenue . En tout cas, il faut rendre notre politique de coopération plus efficace, plus transparente et plus proche.

Membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, notre pays se doit plus que jamais, de conserver une ambition mondiale.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. Gilbert Gantier - La France a un message à apporter au monde, avec ses valeurs, son idéal démocratique et sa spécificité culturelle - la fameuse « exception culturelle » française - mais aussi au-delà toute la civilisation européenne et la tolérance envers les autres civilisations.

Donner à la France la place internationale qui lui revient, telle est la mission du ministère des affaires étrangères. Ce projet de budget le permet. La commission des finances et celle des affaires étrangères l'ont approuvé. Le groupe UDF le votera également (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Bruno Bourg-Broc - Dans un contexte financier difficile, le budget des affaires étrangères pour 2004 permettra à la France d'être présente dans le monde, conformément à l'engagement pris par le Président de la République. Il ne faudrait toutefois pas qu'il fasse l'objet de gels de crédits. En effet, la solidarité gouvernementale a imposé une grande rigueur, si bien que, hors aide publique au développement, beaucoup de crédits diminuent, d'autres étant simplement reconduits par rapport à 2003.

En dépit de cet effort de rigueur, le budget des affaires étrangères pour 2004 progresse de 2,6 %. Il respecte bien l'engagement du Président de la République de porter notre aide publique au développement à 0,5 % du PIB en 2007. De fait, son taux est passé de 0,32 % en 2001 à 0,41 % en 2003, et atteindra 0,43 % l'an prochain. Cette progression exprime une véritable volonté politique de sanctuariser l'APD. Ainsi les concours financiers, qui incluent les contrats de désendettement-développement augmentent cette année encore de 29 %. La participation de la France au fonds européen de développement passe de 496 millions à 565 millions. Avec 140 millions, les crédits du FSP augmentent de 25 %. Dans la hausse de l'APD, la part des allégements de dettes occupe une place significative. Certaines ONG, je le sais, estiment que les méthodes de comptabilisation des annulations de dettes conduisent à surévaluer leur impact sur le financement du développement. Mais ces annulations, qui se traduisent dans nos comptes par une dépense définitive, se concrétisent en fait par le transfert de leur montant en faveur de programmes et de projets concrets. Les contrats de désendettement-développement servent de supports à ces réaffectations.

Pour autant, les difficultés à mettre en _uvre ces contrats, particulièrement au Cameroun et en Côte d'Ivoire, démontrent que la France doit pallier les faibles capacités d'absorption de nos partenaires et associer davantage la population et les ONG.

Globalement, malgré la hausse des crédits du fonds européen de développement, le rééquilibrage de notre APD en faveur de l'aide bilatérale se poursuit, et à l'intérieur de cette action la part de l'Afrique sub-saharienne augmente.

Les motifs de satisfaction ne doivent pas cacher la très grande difficulté d'exécution du budget 2003. Selon vos propres termes, la régulation a été sans précédent. Les à-coups de la programmation de notre APD sont désastreux. Aussi, l'an dernier, reprenant une suggestion du Président de la République, j'appelais à l'élaboration d'une loi de programme qui donnerait un cadre de programmation pluriannuelle aux crédits de l'APD. Il est en effet indispensable de rénover et de clarifier les instruments de la coopération. De plus, l'application de la LOLF pourrait offrir une chance à la politique d'aide au développement, en évitant que ses crédits soient dispersés entre différents ministères.

Nous serions plus crédibles, au plan international, en présentant une politique de coopération clairement définie dans un cadre budgétaire approprié. Créer, dans le cadre de la LOLF, une mission aide au développement répondrait à cet objectif. Vous avez approuvé cette idée, tout en soulignant que ce serait un choix politique lourd de conséquences pour les autres administrations. Espérons que vous saurez les convaincre.

Grâce à ce budget, la France conforte sa place sur la scène internationale, en particulier au travers de la francophonie, qui est un véritable combat en faveur de la diversité culturelle. Sur ce point, les réseaux des établissements culturels français ont pour rôle de mettre en _uvre la politique culturelle extérieure de la France. Or il semble que vous ayez choisi de fermer certains établissements, principalement en Europe proche, ces fermetures étant compensées par des ouvertures là où la présence française est insuffisante. Or, avec l'élargissement, l'Europe s'oriente de fait vers une langue unique, qui est l'anglais. Notre action en faveur du français et du plurilinguisme est donc plus que jamais indispensable en Europe même. La proximité territoriale n'est pas forcément un atout pour la francophonie. Veillons à ce que la fermeture de certains centres n'ait pas des conséquences fatales à la francophonie.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc - Des rapports comme celui de M. Herbillon soulignent ce danger. Réagissons tant qu'il est temps ! En Allemagne, jusqu'à votre arrivée, des instituts français fermaient tous les ans. En 2003, la fermeture de celui de Sarrebrück a été suspendue. Tant mieux, et soyons vigilants !

La présence française doit également être effective en dehors de l'Europe. Notre rayonnement passe aussi par notre action dans le domaine audiovisuel. Aussi est-il bienvenu de nous doter d'une grande chaîne internationale d'information, à l'égal de la BBC ou de CNN. Cette chaîne est essentielle pour le rayonnement de notre pays, déclarait le Président de la République le 7 mars 2002. Cette nécessité est ressentie par tous ceux qui ont l'occasion de séjourner à l'étranger. Le statut du français comme langue internationale s'en trouvera conforté. Diffuser dans les langues utilisées dans les aires de diffusion n'empêchera pas de véhiculer une manière de penser d'origine française et permettra d'échapper à une vision uniquement anglo-saxonne, telle qu'on l'a observée lors de l'intervention américaine en Irak.

Pour monter cette chaîne, l'association du public et du privé nous paraît un excellente solution, car elle garantira l'indépendance de la chaîne, qui n'apparaîtra pas aux yeux du public comme un organe du gouvernement français.

M. Jacques Myard - C'est dommage !

M. Bruno Bourg-Broc - Cependant, le PLF pour 2004 ne comporte aucun crédit destiné à cette chaîne.

Conformément au rapport de la Cour des comptes, vous vous efforcez de rationaliser l'ensemble du dispositif de l'audiovisuel intérieur, beaucoup trop foisonnant et coûteux. Réduire le coût global de l'intervention de l'Etat au profit d'un financement en faveur de la chaîne internationale soulève de nombreuses questions dont fait état notre rapporteur spécial Patrice Martin-Lalande.

Nonobstant ces quelques points, votre budget est digne de nos ambitions. Le groupe UMP le votera sans hésiter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Janquin - N'ayons pas peur des mots. A Cancùn, en septembre dernier, les pays pauvres ont dit non aux pays riches. Ce défi international doit nous faire réfléchir.

Je vous approuve de n'être pas revenu sur les grandes orientations décidées par le gouvernement Jospin en 2000 dans le domaine de l'aide et de la coopération. Les décisions prises pendant la présidence française de l'Union européenne ont favorisé l'utilisation effective des crédits du FED, et au sommet de Tokyo, en février 2000, a été lancée une initiative originale en faveur des pays pauvres les plus endettés. L'effet de ces mesures se fait de mieux en mieux sentir, avec la hausse de l'APD française en 2004.

Mais peut-on se réjouir de l'augmentation des crédits de votre ministère, quand une part importante a été gelée puis annulée en 2003, et que le scénario risque de se reproduire en 2004 ?

En effet, le Gouvernement n'a-t-il pas fait voter, pour 2003, une loi de finances initiale sur une hypothèse de croissance largement surévaluée ? Le groupe socialiste l'avait dénoncé, comme beaucoup d'experts.

Monsieur le Premier ministre présente aujourd'hui comme une évidence la réduction du taux de croissance en 2001, puis en 2002, puis en 2003 : que ne l'a-t-il prise en considération plus tôt, au moins comme un risque potentiel ! Nous aurions pu être plus prudents dans l'appréciation des chances de reprise en 2004 ! Car enfin, même si M. Mer a semble-t-il obtenu un « laisser voter » de son projet de budget par Bruxelles, peut-on vraiment croire qu'il n'y aura pas, dès janvier, des gels de crédits de 3 à 6 milliards ? Dans quelle mesure les crédits de votre ministère en seront-ils affectés ?

Les rapporteurs MM. Cazenave, Godfrain, Rochebloine et Emmanuelli ont eu à cet égard des accents de sincérité auxquels je ne peux que rendre hommage, ayant moi-même défendu les crédits de la coopération pour soutenir l'action de Charles Josselin, avec un succès mitigé. Je leur en souhaite davantage. Jamais cependant l'écart entre crédits votés et paiements n'a été aussi important ! Il en va de la sincérité du budget, de la considération que le Gouvernement porte au Parlement, mais surtout de la confiance que nos concitoyens placent dans leurs institutions. 250 millions d'euros ont été annulés sur vos crédits, ce qui ne s'était jamais vu ! Le fonds de solidarité prioritaire est en cessation de paiement, des actions programmées ont été différées, des affectations d'experts techniques suspendues - jusqu'à quand ? Des organisations de solidarité internationales ont été entravées dans leur action, mais c'est l'aide publique bilatérale qui a le plus souffert.

Votre projet de budget est volontaire, mais conserve-t-il les marges qui lui sont aujourd'hui dévolues ? J'en doute, car le Gouvernement sait déjà que les gels, puis les annulations, sont inévitables.

Là est le trait essentiel de votre projet de budget : l'écart entre l'ambition qu'il affiche et ses chances d'être exécuté. La question de sa sincérité est posée.

Par ailleurs, c'est surtout par des allégements de dette dans le cadre de l'initiative PPTE que se redresse le volume de l'aide publique au développement depuis 2002. Cependant, beaucoup sont convaincus, et notamment les ONG, que les méthodes d'évaluation des allégements, en particulier pour les créances commerciales, sont opaques et conduisent à des surévaluations en termes de financement du développement.

De même, l'APD sert souvent de variable d'ajustement budgétaire, et son périmètre est incertain, ce qui gêne les comparaisons d'une année sur l'autre.

La négociation par la France au sein du comité d'aide au développement pour une meilleure prise en compte des opérations de maintien de ces prix pose problème. Le cadre est actuellement restrictif, mais pourrait évoluer, et il convient de bien distinguer les dépenses d'APD civile de celles liées aux sorties de conflits.

De surcroît, malgré le communique du dernier CICID sur une participation plus large des acteurs de la coopération que sont la société civile et les collectivités locales, les crédits d'appui aux initiatives privées ou décentralisées stagnent après avoir baissé de 3 % dans le PLF 2003 et avoir été touchés par des annulations de reports de crédits. La France reste ainsi au dernier rang européen pour la collaboration avec les ONG.

Au demeurant, notre politique de coopération reste opaque, peu contrôlée par le Parlement, et mal connue de l'opinion publique.

Une loi de programmation serait à ce titre nécessaire, notamment à l'égard des Etats bénéficiaires d'Afrique et de leur population si mal informée qu'elle en veut souvent à la France, malgré l'importance de sa contribution au regard, par exemple, de celle des Etats-Unis.

Le gouvernement de Lionel Jospin avait tenté d'améliorer le dispositif, et émis des propositions pour construire un monde plus équitable : refus de l'accord multilatéral sur les investissements, initiatives pour lutter contre le blanchiment de capitaux et les paradis fiscaux, proposition de création d'une organisation mondiale de l'environnement, amorce d'une réforme de la PAC. Le parti socialiste a poursuivi son aggiornamento au forum mondial de Porto Alegre, avant de défendre la logique d'une autre mondialisation à Cancùn comme à Sao Paulo. Il continuera dans cette lancée au forum social européen.

Nous sommes de plus en plus immergés dans un monde global. Le dialogue inégal avec des partenaires africains accommodants est dépassé du fait du marché de l'Afrique et du monde. Nous devons adapter nos pratiques à l'éthique exigeante de ce siècle.

La transparence de nos choix politiques et budgétaires, l'intangibilité des moyens affectés sont des gages essentiels du crédit de notre politique à l'égard du continent africain.

Peut-on s`étonner que certains de nos partenaires les plus fidèles fassent les yeux doux à d'autres ?

Il vous arrive, Monsieur le ministre, d'évoquer les relations entre la France et l'Afrique avec lyrisme, ce qui ne me déplaît pas, « on ne comprend bien qu'avec son c_ur ». Pour ne pas être en reste, je dirai que les temps changent : la France sera désormais jugée en Afrique à ses actes et non sur un paternalisme hors d'âge. De plus en plus, l'Afrique nous dit : « Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour ! » avant, peut-être, de consommer sa déception demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Herbillon - Je consacrerai mon intervention à l'action en faveur du développement de la langue française et de la francophonie, qui sont les maillons importants de notre politique étrangère, placés par le Président de la République Jacques Chirac, lors du sommet de Beyrouth d'octobre 2002, au centre de nos priorités.

La langue est l'expression de la culture et de l'identité d'un pays, mais aussi un instrument de pouvoir et d'influence dans le monde. Or, la langue française recule en Europe et dans le monde. C'est une réalité, mais ce n'est pas une fatalité si l'on réagit.

Face à la mondialisation, la francophonie est au c_ur du combat mené par notre pays pour le respect de la diversité culturelle et linguistique, aussi la France et l'organisation internationale francophone réclament-elles depuis longtemps l'élaboration d'une convention sur la diversité culturelle. Ce projet, qui a fait l'unanimité, sera présenté à l'UNESCO en 2005. Dans un tel contexte, nous devons soutenir le projet du Président de la République visant à créer à Paris, en 2006, une maison de la francophonie et un festival des cultures francophones regroupant cinéastes, scientifiques, créateurs. Où en est ce projet ?

Plus largement, la France a-t-elle dans ce domaine les moyens de ses ambitions ?

Elle mobilisera en 2004 près de 880 millions d'euros en faveur du développement de la langue française et de la francophonie, ce qui est à saluer dans un contexte budgétaire difficile.

Par ailleurs, les moyens accordés par le ministère des affaires étrangères aux boursiers et stagiaires étrangers étudiant en France augmentent, tout comme ceux du fonds multilatéral unique ou du plan de développement de la langue française en Europe.

Mais, c'est vrai, le décalage est tel entre les besoins et les ressources qu'il conviendrait d'engager une véritable réflexion. Ainsi, la situation financière de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger est fragile. Quelle reconfiguration envisagez-vous ?

Il en va de même de notre réseau culturel et scientifique à l'étranger, qui compte 150 centres culturels et 130 alliances françaises. Là encore, un projet de modernisation est annoncé : pourriez-vous le préciser ?

Permettez-moi d'évoquer une autre piste. Lors des auditions que j'ai menées à l'occasion de mon rapport sur la diversité linguistique en Europe, j'ai été frappé par le nombre d'organismes, de directions et de sous-directions qui interviennent. Une rationalisation s'imposerait.

Enfin, notre pays a mesuré l'enjeu que constitue la question linguistique dans la construction européenne. Vous avez pris, Monsieur le ministre, l'initiative d'organiser une table ronde à ce sujet lors de la dernière conférence des ambassadeurs et j'ai rédigé sur cette question un rapport qui doit faire prochainement l'objet d'un débat devant notre assemblée.

A l'heure où l'Europe s'apprête à accueillir dix nouveaux pays et à se doter d'une Constitution, elle est confrontée au plus grand défi linguistique de son histoire. Mais loin de constituer un handicap, le pluralisme linguistique peut être un formidable atout pour notre langue. Il faut aujourd'hui des actions concrètes - des « réalisations concrètes » comme disait Robert Schuman - au service d'une Europe qui assure la promotion de sa diversité culturelle et linguistique. Je propose donc de créer un pôle européen de formation initiale et continue des fonctionnaires européens, qui pourrait être localisé à Strasbourg, capitale européenne.

M. André Schneider - Très bien !

M. Michel Herbillon - Nous devons aussi convaincre nos partenaires européens d'introduire dans leur système éducatif l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères, qui n'existe aujourd'hui que dans sept pays. Ce n'est qu'à cette condition que nous échapperons à la domination de l'anglais. La France, ce n'est pas la résignation. La France, ce n'est pas le consentement. Vous le dites mieux que quiconque, Monsieur le ministre. J'espère donc que le Gouvernement aura à c_ur, pour la promotion de notre langue et pour la défense de la diversité linguistique et culturelle, de porter ces propositions. Pour ma part, j'aurai plaisir à voter votre budget : il est digne des ambitions de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Etienne Pinte - La réforme de la double peine met déjà à contribution nos diplomates et nos consulats. En effet, de même que les ministères de la justice et de l'intérieur auront à la mettre en _uvre d'ici le 1er janvier prochain sur le territoire national, le ministère des affaires étrangères aura le devoir de l'appliquer à l'étranger.

Deux situations se présentent ainsi à l'appréciation de nos diplomates, ambassadeurs et consuls.

La première est d'actualité. C'est celle de ces hommes qui ont accompli leur peine d'interdiction du territoire français ou en ont été relevés, ou dont les arrêtés ministériel ou préfectoral ont été abrogés et qui sollicitent un visa pour retrouver leur famille. Ils ont eu le courage de ne pas revenir en France clandestinement, ils doivent pouvoir l'obtenir. Or, dans la quasi-totalité des cas, ce visa de retour leur est refusé.

Mohamed Kerouch, de nationalité algérienne, né en France il y a quarante ans, a été expulsé vers l'Algérie, pays qu'il ne connaissait pas, il y a cinq ans. L'arrêté ministériel d'expulsion dont il faisait l'objet ayant été abrogé, il tente aujourd'hui vainement d'obtenir un visa pour rentrer en France rejoindre sa compagne française et leur fille âgée de 12 ans. La commission de recours contre les décisions de refus de visa vient de lui refuser la délivrance de ce sésame, au prétexte qu'il ne peut pas prouver qu'il exerce l'autorité parentale sur son enfant. Comment le pourrait-il alors qu'il est éloigné de 2 000 kilomètres et ne peut sortir de devises d'Algérie ? Il ne peut alléguer que les échanges de courriers avec sa fille et les multiples démarches de sa compagne.

En désespoir de cause, je vous ai saisi de ce cas puisque l'avis de la commission ne lie pas l'administration. Lui refuser ce visa, c'est le condamner à une troisième peine. J'attends de vous un geste d'humanité.

La seconde conséquence de la promulgation de la loi sera que tous ceux qui entreront dans les catégories protégées parce qu'ils ont leur vie familiale en France depuis longtemps, sinon depuis toujours, seront automatiquement relevés de leur peine et leur expulsion immédiatement abrogée. Comment nos services consulaires vont-ils appliquer la loi si déjà ils ne l'appliquent pas dans son esprit à ceux qui ont purgé leur peine ?

Le ministre de l'intérieur, lui, applique déjà avec humanisme et par anticipation la réforme de la double peine : il assigne à résidence avec droit au travail, les futurs bénéficiaires de la loi. Faites-en autant, sans quoi on pourrait douter de vos bonnes intentions en matière de droit d'asile.

Je ne méconnais pas les difficultés de la tâche : en tant que maire, je suis confronté tous les jours aux problèmes des attestations d'accueil et des mariages de complaisance. Mais il me paraît urgent d'insuffler un esprit nouveau à nos agents consulaires et de leur donner les moyens d'accueillir dignement les demandeurs de visa, ce qui est loin d'être le cas dans certains endroits. Est-il normal qu'une veuve se voie refuser un visa pour venir régulariser sa pension de réversion en France ? Est-il normal que des enfants soient séparés de leurs parents, des femmes de leur mari ? Est-il concevable qu'il faille l'intervention d'un parlementaire pour qu'un réfugié politique puisse faire venir sa fiancée pour se marier dans notre pays ? Est-il tolérable qu'un enfant soit décédé parce que le visa lui permettant de subir une intervention chirurgicale urgente dans un hôpital français lui a été refusé ainsi qu'à sa mère ?

Je pourrais évoquer beaucoup de cas semblables. Nous sommes pour le monde entier le pays des droits de l'homme et du citoyen. Je souhaite donc que nos représentants à l'étranger en témoignent et que des directives claires leur soient données pour appliquer la réforme de la double peine.

Vous nous avez donné la preuve de votre savoir-faire dans l'affaire irakienne. Je compte sur vous pour améliorer encore l'image de la France à travers le monde.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la francophonie et les relations culturelles internationales - Très bien !

M. Jacques Myard - Je salue à travers vous, Monsieur le ministre, la France à la man_uvre. Des forces armées rénovées, une police qui assure à nouveau sa protection intérieure : la France est en effet revenue à la man_uvre. Elle parle d'une seule voix, d'une voix forte. La France se fait entendre quand elle assume son destin et définit librement sa politique, quand, sans renier ses alliances ni ses amitiés, elle défend une certaine conception du monde qui passe par une certaine conception de la nation, creuset de toute démocratie. Cette France dérange : ce qu'elle veut pour elle-même, elle le défend aussi pour les autres. Et les mythes de revenir, toujours défendus par quelques idiots utiles qui, fatigués d'être libres, nous invitent au renoncement. On entend ainsi que la France serait trop petite. Mais le monde, Monsieur le ministre, appartient aux petits... (Sourires et applaudissements sur divers bancs)

M. André Schneider - Très bien !

M. Jacques Myard - ...pas aux empires hétéroclites , qui s'écroulent tôt ou tard. On nous dit qu'il n'y aurait point de salut hors de l'Europe, oubliant sans doute que toute organisation de l'Europe suppose d'abord un effort national. Tout cela n'est que billevesées, quand ce n'est pas trahison !

Les faits viennent d'infliger un démenti cinglant à ces faux prophètes. Le monde est redevenu un jeu ouvert où s'accroissent les interdépendances, condamnant les prétentions unilatéralistes à courte vue. Il y a une véritable leçon d'Irak : lorsqu'un puissant bafoue impunément le fait national, il est toujours vaincu par sa conquête. Il n'y a pas d'hyperpuissance.

Dans ce monde en mouvement perpétuel, la France peut prendre toute sa place si elle définit une politique claire. Si elle n'a pas le premier PNB de la planète, elle a la capacité de mobiliser, de faire bouger ses alliés, non seulement dans cette Europe finistère euro-asiatique, mais partout dans ce monde globalisé qui favorise la constitution de réseaux.

Dans une bataille, disait Bonaparte, la décision est emportée pour un tiers seulement par les forces matérielles, et pour les deux tiers par les forces morales. La décision appartient à ceux qui s'appuient sur une forte cohésion interne. C'est le sens de votre politique et nous la soutenons.

Encore faut-il ne pas négliger l'outil. Et là, Monsieur le ministre, la colère me gagne. Il est inacceptable que le budget des affaires étrangères, c'est-à-dire la voix de la France, devienne la variable d'ajustement de celui de l'Etat. La baisse continue de vos effectifs pose un problème politique : l'affaiblissement de notre action extérieure. C'est d'autant plus inacceptable que votre ministère est le seul à avoir consenti de réelles économies depuis dix ans. Ses effectifs ont ainsi diminué de 10 %. Les efforts ont été faits, il convient d'y mettre un terme, sauf à amener nos couleurs dans de nombreux pays.

Je défendrai donc un amendement visant à rétablir quelques crédits au demeurant modestes. L'action de la France dans le monde passe aussi par la vigilance et le soutien du Parlement. C'est là notre honneur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Cousin - J'interviens au nom de Frédéric de Saint-Sernin.

Deux millions de nos compatriotes vivent hors de l'hexagone, et ce nombre ne cesse d'augmenter depuis le début des années 1990. L'Europe et l'Amérique du Nord accueillent les deux tiers de la population française expatriée.

Ce budget va améliorer le soutien qui lui est apporté, tant en matière de sécurité, d'éducation et de protection sociale qu'en matière de respect de leurs droits civiques.

Les crédits inscrits pour la sécurité des Français de l'étranger, qui avaient déjà doublé en 2003 et augmentent encore de presque 1,4 million d'euros, ne sont pas excessifs au regard d'un contexte international extrêmement sensible.

Devons-nous le rappeler ? Les risques que rencontrent quotidiennement nos compatriotes sont importants : terrorisme, instabilité politique, catastrophes d'ordre sanitaire ou accidentel.

Vous avez décidé de créer un comité interministériel qui se réunit régulièrement pour renforcer le dispositif de sécurité de nos postes, d'envoyer des missions interministérielles d'évaluation et de conseil dans les pays les plus exposés, enfin d'engager la remise à niveau de l'organisation, des équipements de télécommunication et des stocks de sécurité des ambassades, ainsi que la modernisation de leurs plans de sécurité. Nous ne pouvons que nous en féliciter et espérer des résultats concrets.

En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger, domaine qui à juste titre vous tient particulièrement à c_ur, Monsieur le ministre, je suis heureux de constater que les moyens seront reconduits en 2004.

L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger présente la particularité de relever du double engagement financier de l'Etat et des parents d'élèves. 90 % des 340 millions de son budget sont consacrés à la rémunération des personnels. Le coût de cet enseignement, qui s'élève en moyenne annuelle à 4 740 €, est supporté à 59 % par les familles. En France, le coût moyen est de 6 470 €, entièrement financé par l'Etat. Il est donc essentiel de faire évoluer les critères d'obtention des bourses au profit des familles à revenus moyens, qui sont dans l'impossibilité financière de mettre leurs enfants dans le réseau d'enseignement français. La réflexion que vous menez en concertation avec votre collègue de l'Education nationale sur une cotutelle de l'Agence ou une prise en charge des bourse scolaires par l'Education nationale, a-t-elle pu aboutir ?

L'Etat veille également à garantir des conditions de vie décentes à nos compatriotes les plus démunis. Dans ce but, les crédits d'action sociale ont été maintenus, et je vous en remercie.

L'aide accordée par les 219 comités consulaires concerne 5 300 de nos compatriotes, handicapés, retraités ou au chômage. Il conviendrait de réviser se critères d'attribution et d'accroître l'autonomie des postes consulaires dans sa gestion.

De manière plus générale, nous devons faciliter l'exercice effectif de leurs droits par nos compatriotes. A cet égard, je me félicite de votre annonce d'un plan d'action visant à améliorer la qualité du service rendu aux Français de l'étranger. Je veux aussi rappeler la grande avancée que constitue, pour nos concitoyens résidant aux Etats-Unis, l'adoption de la loi autorisant le vote électronique pour les élections des délégués au CSFE : 60 % des votants ont choisi ce système et la baisse de la participation a été enfin enrayée.

Les Français vivant à l'étranger voient donc les crédits qui leur sont alloués globalement sauvegardés, et accrus dans certains domaines comme celui de la sécurité. Nous devons cependant demeurer vigilants afin de leur assurer les meilleures conditions de vie possibles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Jacques Guillet - En votant votre budget, Monsieur le ministre, je veux saluer votre politique.

La politique extérieure est un élément essentiel de ce patrimoine rassembleur, plébiscite de tous les jours, disait Renan, que vous évoquiez dans un article récent. C'est en effet autour d'elle et grâce à elle que les Français éprouvent le mieux ce sentiment d'appartenir à cette communauté de destin qu'est la nation. Face au danger que le général de Gaulle savait si bien leur faire saisir, ils se rassemblent. Quel est-il aujourd'hui ? Un monde unipolaire, incapable de maîtriser la globalisation et de préserver l'équilibre naturel et culturel de la planète. Aussi n'est-il pas surprenant que les Français se soient retrouvés presque unanimes derrière le Président de la République et vous-même et aient adhéré aux fortes paroles que vous avez prononcées au Conseil de sécurité.

La France est entendue et attendue parce qu'elle offre la vision d'une mondialisation régulée et d'une croissance conciliée avec le développement humain et la préservation de la planète - vision du monde indissociable de l'approche multilatérale, impliquant une réforme de l'ONU et la mise en place d'une hiérarchie des normes au niveau international.

Nous nous battons à juste titre pour la création d'une organisation mondiale de l'environnement qui serait le pendant de l'OMC pour les accords multilatéraux environnementaux, et qui passe par l'élargissement des pouvoirs et la transformation du PNUE en une agence spécialisée de l'ONU, l'ONUE. Mais si nous voulons être crédibles, il serait souhaitable d'augmenter notre contribution volontaire au PNUE. Celle-ci a progressé depuis 1999, et surtout depuis deux ans ; nous n'étions cependant en 2003 qu'au onzième rang des contributeurs volontaires. En 2004, nous devrions être au sixième rang, mais encore loin derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne.

Par ailleurs, comme l'a souligné M. Cazenave, il conviendrait de ne pas éparpiller entre les ministères les contributions volontaires aux organismes internationaux mais de les regrouper au sein du ministère des affaires étrangères.

Autre sujet important : la lutte contre le réchauffement climatique. Mais là encore, j'observe certaines contradictions. D'une part, il semble que la France n'honore pas ses promesses de contribution au secrétariat de la convention des Nations unies sur le changement climatique : les ministères concernés ne débloquent pas les fonds. D'autre part, l'organisme d'expertise internationale compétent, le GIEC, ne reçoit de la France que 310 000 francs suisses, alors que l'Allemagne lui consacre 1 million de francs suisses, les Etats-Unis 4,3 millions et le Japon, 6,6 millions. Lors du sommet de Delhi, notre pays n'a pas été en mesure de débloquer la somme modeste de 50 000 € pour financer un programme relatif aux échanges de quotas. De même, la France n'a pas, à ce jour, contribué au fonds spécial pour le changement climatique. Nous ne pouvons, d'un côté, inciter la Russie, à défaut des Etats-Unis, à ratifier le protocole de Kyoto, et de l'autre, par notre faible présence, laisser le champ libre aux man_uvres anglo-saxonnes.

Je crois comme vous que la France a un destin et qu'elle ne connaît pas le déclin dont on nous serine les oreilles. L'expression de notre volonté passe parfois par des aménagements modestes mais nécessaires. Je ne manquerai pas cependant de voter votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Je remercie tous les orateurs pour leurs contributions nourries. Je répondrai aux questions relatives aux Français de l'étranger et aux étrangers en France, posées par MM. Cousin et Pinte ; ensuite, à celles qui ont trait à l'influence de la France au regard des réformes en cours à l'ONU ou au sein de l'Union européenne, puis à celles qui portent sur notre politique à l'égard du Moyen-Orient et de l'Asie, en réponse à MM. Garrigue et Lefort. Mais auparavant, je voudrais répondre à MM. Myard et Sicre, qui estiment que ce budget ne permet pas à la France de tenir son rang.

Oui, la France a un rôle particulier à jouer sur la scène internationale. Il reste que le contexte budgétaire est défavorable et que nous nous sommes engagés à limiter la dépense publique.

Les 116 postes que nous perdons pourront être compensés par une gestion plus serrée des vacances d'emplois. De même, les réductions d'effectifs passées ont pu être compensées par des gains de productivité, tels ceux qui ont résulté de la fusion avec le ministère de la coopération. Enfin, à l'image d'une organisation qui se professionnalise, si nous avons perdu des effectifs, nous en avons également beaucoup transformé en emplois de catégories supérieures.

C'est en recherchant en notre sein des marges de man_uvre que nous trouverons les ressources nécessaires au financement de la modernisation. C'est le sens de l'exercice que j'ai lancé sur nos réseaux. C'est le but de la simplification et de la rationalisation en cours de nos méthodes de travail. C'est l'objectif de la stratégie ministérielle de réforme dont je vais saisir le Premier ministre.

L'accroissement de notre efficacité passe aussi par la mise en perspective des missions et des moyens de tous les services de l'Etat présents à l'étranger. La mission interministérielle « action extérieure de l'Etat » peut nous apporter cette vision transversale.

Monsieur Sicre, votre pessimisme est à l'image de ces écrits qui décrivent une France en déclin qui se replierait dans un conservatisme morose. Mais au-delà d'une conjoncture difficile, il faut reconnaître les succès de notre pays. Le dynamisme de la société française est reflété par celui de nos entreprises : Air France, Renault, nos industries aéronautiques ou spatiales sont autant d'exemples de ce que la France sait faire et aucun de nos partenaires ne doute qu'elles continueront.

Vous avez évoqué les discussions en cours à Bruxelles sur le pacte de stabilité. Le Gouvernement entend bien évidemment tenir la parole donnée : les règles du pacte s'imposent à tous, il en va de la solidité de l'euro. Nous devons toutefois veiller, dans une conjoncture difficile, à ce que la discipline budgétaire ne compromette pas la reprise économique ni ne menace des emplois. Je ne doute pas, Monsieur Sicre, de pouvoir compter sur votre soutien sur ce point. Par ailleurs, comme il est triste que vous n'entendiez pas la parole de la France, alors que tous les Européens et tant de peuples amis l'écoutent ! La politique a parfois des mystères que la raison ignore, mais je ne doute pas que la France, sans calcul ni arrière-pensée, continue de rassembler.

J'en viens à la question des Français à l'étranger et des étrangers en France. La sécurité de nos ressortissants à l'étranger est une priorité du budget pour 2004, qu'il s'agisse des deux millions de Français établis hors de France ou des 5 millions de touristes. Les risques sont aussi variés que le terrorisme, les crises politiques ou encore les catastrophes naturelles. Beaucoup a été fait depuis l'été 2002 : création d'un comité de sécurité interministériel, missions d'évaluation dans les pays les plus exposés, équipements de télécommunications, stocks et plans de sécurité dans nos ambassades. Le ministère apporte par ailleurs une aide sociale permanente à plus de 5 000 de nos compatriotes les plus démunis. Il soutient une centaine d'associations françaises de bienfaisance à l'étranger et finance l'approvisionnement de nos centres médicaux dans les pays dépourvus d'infrastructures médicales fiables. Les propositions des comités consulaires pour la protection et l'action sociale sont examinées dans un souci d'équité et d'efficacité de gestion.

En 2004, nous poursuivrons notre effort envers les plus démunis, et en particulier des handicapés. A plus long terme, nous réfléchissons à une plus grande participation des élus des Français de l'étranger à la gestion de leurs aides sociales.

M. Pinte m'a interrogé sur les conséquences du projet de loi sur l'immigration, qui prévoit l'abrogation de la double peine. Désormais, les étrangers qui ont obtenu la levée d'une mesure d'expulsion ou d'interdiction du territoire bénéficient, sauf menace de l'ordre public, d'un visa d'entrée en France. Les autorités consulaires examineront les demandes au cas par cas, car chacune est particulière. Elles recevront bientôt les instructions nécessaires pour agir à la fois dans un souci d'humanité et dans le respect des lois, sous le contrôle du juge. Gardons-nous dans de tels domaines des conclusions hâtives et d'une bonne conscience sans effet.

Oui, Monsieur Gantier, la France a un message à apporter au monde, et le ministère des affaires étrangères doit le faire entendre. Et de fait, la voix de la France est écoutée : notre histoire, nos liens avec d'autres cultures, notre vision politique nous permettent de comprendre et d'exprimer les réalités du monde nouveau.

Monsieur Lefort, comme vous l'avez dit, j'ai choisi le droit et le multilatéralisme. Aucun peuple n'est disposé à accepter des solutions imposées par l'extérieur. S'il ne prend pas appui sur le socle du droit et des valeurs universelles, du dialogue et du respect de l'autre, le nouvel ordre mondial ne sera pas accepté. Voilà pourquoi l'ONU, l'OSCE et l'Union européenne ont un rôle essentiel à jouer. L'OSCE est une organisation unique qu'il faut soutenir sans hésitation. C'est la seule enceinte de sécurité où Moscou puisse dialoguer directement avec l'Europe, ainsi qu'avec les Etats-Unis et le Canada. Elles est souple et flexible. La France contribue à son budget pour 10 %, soit 19 millions par an.

En ce qui concerne la réforme des Nations unies, Monsieur Garrigue, le système multilatéral doit apporter des réponses aux défis actuels : paix, sécurité, développement, santé, environnement, accès à l'information. Les institutions des Nations unies doivent devenir plus légitimes pour empêcher le règne de la loi du plus fort. Le Président de la République a formulé des propositions de réforme. Il a plaidé pour une action contre la prolifération et le terrorisme et a marqué son soutien résolu aux droits de l'homme, à la protection de l'environnement et à l'aide au développement. L'Union européenne est pour notre pays un relais d'influence, même si elle ne va pas toujours aussi loin ou aussi vite que nous le souhaiterions. Nous sommes donc favorable à un renforcement de sa présence dans les Nations unies, notamment par le biais du prochain ministre européen des affaires étrangères.

Enfin, M. Lefort m'a posé la question d'un référendum pour l'adoption de la Constitution européenne.

M. Jacques Myard - Il a raison !

M. le Ministre - Quatre de nos voisins ont pour l'instant choisi cette voie.

M. Henri Emmanuelli - Il y a au moins quatre démocraties !

M. le Ministre - Ce sont l'Espagne, le Luxembourg, le Danemark et l'Irlande, les deux derniers y étant obligés par leur Constitution. La Suède l'a exclue et la Constitution de l'Allemagne le lui interdit. La négociation étant toujours en cours, il est prématuré de se prononcer sur le mode de ratification que nous choisirons. La décision appartient au Président de la République, qui vient de consulter les formations politiques représentées au Parlement. L'important, au bout du compte, est qu'il y ait bien un débat sur l'Europe !

M. Garrigue a souligné la place que vont prendre les puissances asiatiques. Ce continent est pour nous un enjeu majeur. Son poids dans les affaires du monde ne cesse de croître - voyez le rôle de la Chine dans la crise coréenne ou celui de l'Inde à Cancùn. Il est aussi la zone de tous les défis en matière de sécurité : la prolifération, avec la Corée du Nord, le terrorisme en Afghanistan et en Asie du Sud-Est, la drogue, la criminalité financière, le trafic des êtres humains ou les épidémies. La très forte croissance économique de ces pays est un des moteurs de la croissance mondiale. Nos exportations en leur direction sont capitales pour notre économie, et les échanges universitaires et culturels devraient l'être aussi. Nous devons accueillir davantage d'étudiants de cette région du monde. L'Asie est d'ailleurs de notre côté dans le combat pour la diversité culturelle, comme l'a montré son soutien à notre projet à l'UNESCO. Notre partenariat avec l'Inde et la Chine passe par des sommets annuels, un dialogue stratégique, le soutien de nos entreprises et la hausse des crédits culturels. Avec le Japon, nous entretenons un dialogue politique étroit, notamment en ce qui concerne l'Irak et la Corée du Nord.

MM. Garrigue et Lefort ont également abordé la question israélo-palestinienne. Jean-Claude Lefort m'a demandé d'être l'homme de la paix au Proche-Orient, mais cela ne peut être l'_uvre d'un seul ! C'est aux peuples de la région qu'il revient de bâtir la paix, en sortant de la logique des préalables et en se reconnaissant mutuellement un droit à l'existence et à la sécurité. Ces peuples ont connu tous les deux l'exil et le déni d'identité. Qui mieux que chacun d'eux pourrait comprendre l'autre ?

Nous pouvons cependant les aider. Le cadre existe - la feuille de route - et nous devons lancer le mécanisme. Nous avons un devoir collectif d'action. Le quartet doit retrouver son rôle d'impulsion, les pays de la région assumer leurs responsabilités et l'Europe, forte de son intervention dans le dossier iranien, se doit de se mobiliser.

En ce qui concerne l'Irak, notre politique s'articule autour de trois principes : la légitimité, fondement de la démocratie, l'équité et la justice, qui imposent que les mêmes critères président au règlement de toutes les crises, et la responsabilité collective, garante de la stabilité du monde face à la tentation de l'unilatéralisme. Nous avons la conviction que l'a logique d'occupation doit céder le pas à celle de la souveraineté. Nous avons également la volonté d'être aux côtés des Irakiens pour participer à la reconstruction.

M. Wiltzer répondra aux autres questions. En attendant, je voudrais dire à M. Janquin que je me suis rendu en Afrique plus qu'aucun de mes prédécesseurs et que la France y est partout présente, pour encourager le règlement de toutes les crises. La France est engagée, à la demande de la communauté internationale et des pays de la région eux-mêmes : c'est vrai en Centrafrique, au Congo et en Côte d'Ivoire comme hier à Madagascar. Elle se mobilise au service de l'Afrique : 4 000 soldats français de la paix en Côte d'Ivoire font preuve de leur courage. Plus de 10 000 de nos compatriotes sont toujours dans ce pays par conviction, fidélité et amour de l'Afrique. Allons, Monsieur Janquin : quelle autre preuve d'amour voulez-vous ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Notre diplomatie a changé de nature. Elle est aux avant-postes, vigilante, guidée par une exigence d'action. Elle veut contribuer à l'émergence d'une communauté internationale mieux organisée, soucieuse de justice, de tolérance et de solidarité. Elle est de plus en plus entendue et nous devons en être fiers. Votre soutien à propos de l'Irak, du Proche-Orient ou de l'Afghanistan témoigne de notre capacité à nous rassembler autour des valeurs de la République chaque fois que l'essentiel est en jeu. Je souhaite maintenir cet esprit de dialogue, dans le respect de nos différences et avec la conviction que nous défendons tous les intérêts de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Je voudrais remercier à mon tour les porte-parole de l'UMP et de l'UDF pour leur soutien. Un sujet a été particulièrement traité : celui de l'aide publique au développement. Un large consensus a salué l'accroissement de notre effort. J'ai toutefois relevé dans les propos de M. Janquin une sorte de revendication de paternité. N'engageons pas de querelle !

Les chiffres sont néanmoins incontestables : l'aide publique au développement n'a cessé de décroître sous le précédent gouvernement, tombant de 0,39 % en 1997 à 0,31 % en 2001, après être même descendue à 0,3 % en 2000. Ce n'est qu'à partir de 2002 qu'elle est repartie à la hausse, atteignant 0,37 %. Je suis tout à fait prêt à entendre les critiques, à condition qu'elles soient de bonne foi. Et sur ce sujet, il ne devrait pas y avoir de polémique.

M. Serge Janquin - Il n'y en avait pas dans mon intervention

M. le Ministre délégué - MM. Bourg-Broc, Lefort et Janquin ont exprimé le souhait d'une loi de programmation en matière de coopération. S'il s'agit seulement de fixer des objectifs pluriannuels quantifiés, nous disposons déjà des outils nécessaires et une loi de programmation n'apporterait pas grand-chose de plus. S'il s'agit d'établir un véritable tableau de bord, permettant une connaissance précise de l'exécution budgétaire, la mise en _uvre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances devrait suffire. Celle-ci me paraît l'outil le mieux adapté.

M. Lefort s'est inquiété d'un manque de transparence concernant les contrats de désendettement-développement. Je tiens à le rassurer, il n'y a là-dedans aucune opacité. D'ailleurs, M. Emmanuelli consacre à ces contrats plusieurs pages du rapport qu'il a établi au nom de la commission des finances. Y figurent toutes les indications nécessaires sur cette nouvelle procédure, certes appelée à se roder, mais qui permet déjà d'associer utilement les sociétés civiles du Nord et du Sud, et les grandes organisations non gouvernementales. Les critiques me semblent donc pour l'instant relever plutôt du procès d'intention.

Plusieurs orateurs, en particulier M. Bourg-Broc et M. Herbillon, ont évoqué la place de la langue française, dont il faut en effet éviter le déclin. Pour ce faire, nous avons plusieurs batailles à mener de front. Tout d'abord, mieux garantir le statut juridique et, partant, la pratique du français dans les institutions européennes. C'est en nous appuyant sur les conventions et les textes existants, mais aussi en recherchant le soutien de pays, comme nous soucieux d'éviter un monolinguisme, de droit ou de fait, en Europe, que nous défendrons le mieux notre langue. Ensuite, l'enseignement obligatoire de deux langues vivantes dans tous les pays européens, et non dans sept seulement comme aujourd'hui, devrait profiter au français. On l'a déjà constaté en Italie, où l'enseignement de notre langue s'est fortement développé, après que l'apprentissage d'une deuxième langue vivante a été rendu obligatoire. Enfin, l'Organisation internationale de la francophonie a engagé un plan d'action en Europe, sur lequel nous sommes très mobilisés. Il ne s'agit pas de jouer le français contre toutes les autres langues, mais de faire en sorte, avec le concours d'alliés, comme l'Allemagne, qu'il ait toute sa place parmi les grandes langues internationales.

M. Herbillon m'a plus particulièrement interrogé sur le projet de convention internationale relative à la diversité culturelle en instance à l'UNESCO. L'OIF a décidé lors de son dernier sommet à Beyrouth, à l'initiative de la France, de faire de la défense de la diversité culturelle le socle de son engagement. Une bataille s'est ensuite engagée à l'UNESCO pour faire adopter une convention excluant les biens culturels du champ d'application des règles de l'OMC. Lors de la dernière assemblée générale à Paris, une large majorité d'Etats membres a donné mandat au directeur général de l'UNESCO pour étudier la possibilité de mettre en place cet outil.

M. Janquin s'est inquiété des effets de la régulation budgétaire, en particulier sur les opérations d'assistance technique et sur le soutien aux organisations de solidarité internationale. Les gels de crédits ont en effet eu des conséquences fâcheuses, nul ne le nierait. 359 postes ont été gelés en 2003, dont 100 postes de volontaires internationaux et 259 postes civiles ordinaires. Je puis vous assurer que ces postes seront dégelés à compter du 1er janvier prochain. 52 contrats sont d'ores et déjà prêts à être signés à cette date. Quoi qu'il en soit, soyez assurés qu'aucun agent n'a été pénalisé dans sa carrière du fait de ces difficultés.

M. Herbillon et M. Voisin m'ont interrogé sur l'avenir de l'Agence d'enseignement du français à l'étranger, ainsi que sur ses relations avec l'Education nationale. L'AEFE est en effet un opérateur-clé et un vecteur essentiel à l'influence du français dans le monde. L'an passé, 160 000 élèves étaient scolarisés dans 268 établissements, et l'effectif progresse d'environ mille élèves par an. La subvention de l'Agence pour 2004 s'élève à 332 millions d'euros, certes en diminution de 1,68 % par rapport à l'an passé. Les capacités d'action de l'Agence ne devraient toutefois pas en souffrir, son fonds de roulement ayant bénéficié d'effets de change favorables. Un effort d'un million d'euros a par ailleurs été consenti en faveur du développement des bourses. Pour ce qui est de l'Education nationale, elle ne participe en rien ni au financement ni à la gestion de l'AEFE. En revanche, elle travaille en concertation étroite avec elle pour tout ce qui relève du domaine éducatif.

M. Guillet a plus particulièrement évoqué les contributions volontaires de notre pays à certains organismes internationaux, celles du système des Nations unies en particulier. M. Guillet a ainsi évoqué le programme des Nations unies pour l'environnement. C'est vrai, nos contributions volontaires à ces organisations sont insuffisantes. Nous aurions voulu les majorer dès maintenant. La situation budgétaire ne le permet pas.

En 2003, notre contribution au PNUE s'est élevée à 3,1 millions, payée pour moitié par les affaires étrangères, pour moitié par le ministère de l'environnement. Ce n'est pas assez, mais il paraît difficile de redéployer les contributions que nous versons à d'autres organisations, comme le Haut Commissariat aux réfugiés ou le Comité international de la Croix-Rouge. Nous espérons faire mieux l'an prochain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTIONS

M. Frédéric Dutoit - La feuille de route puis le récent accord de Genève offrent des espoirs de paix. Mais le gouvernement Sharon estime que l'initiative de Genève est « pire que les accords d'Oslo », et s'obstine à construire un mur qu'il qualifie cyniquement de clôture de sécurité, alors qu'il s'agit bien d'un mur d'apartheid, dont le tracé lui permettra d'englober 40 % de la Cisjordanie. Il donne par ailleurs le feu vert à la colonisation.

Tout cela est contraire au droit international. De fait, l'assemblée générale de l'ONU a adopté le 21 octobre une résolution enjoignant à Israël de revenir sur la construction du mur. Face au refus d'Israël, la communauté internationale va-t-elle rester passive ? Les Etats-Unis avaient envisagé de réduire leur aide financière à proportion du coût du mur. Ils y ont renoncé. Le Parlement européen a voté une résolution demandant la suppression de l'accord d'association entre Israël et l'Union européenne pour non-respect de son article 2. Mais l'Europe ne donne pas suite.

Alors, de quelle manière plus « intuitive », pour reprendre votre mot, allez-vous agir pour que les autorités israéliennes reviennent à la table des négociations ?

M. le Ministre - Nous partageons votre préoccupation face au sort d'une population palestinienne si éprouvée. La situation dans les territoires occupés ne cesse pas de se dégrader.

Oui, la communauté internationale doit maintenir vivante des perspectives de paix. Aussi nous sommes-nous résolument engagés pour concevoir la feuille de route et commencer à la mettre en _uvre. L'ensemble des parties ont accepté de s'engager dans ce processus, qu'il faut poursuivre. Cela ne suffit pas, face à une situation mouvante, avec la colonisation, avec la construction du mur que nous avons dénoncée d'autant plus fortement qu'il s'élabore non pas sur la base des frontières de 1967, mais sur d'autres, qui éloignent toute perspective de solution politique.

Faut-il alors rentrer dans une logique de régression et de sanction ? Nous ne le croyons pas. Seule une mobilisation de la communauté internationale peut relancer le processus de la feuille de route. Nous avons salué l'accord de Genève, qui fixe un horizon. Pour rentrer dans la feuille de route, nous avons soutenu l'idée d'une conférence internationale, celle aussi d'une force d'interposition qui garantirait la sécurité et des Palestiniens et des Israéliens. Chacun doit prendre ses responsabilités : pour les Palestiniens, renoncer à la violence et au terrorisme, pour les Israéliens renoncer à toute perspective de colonisation et s'engager résolument dans le processus de paix. Nous ne voyons pas d'autre issue que politique et diplomatique. Toute politique sécuritaire ne peut conduire, dans cette région, qu'à davantage d'insécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Lefort - L'incroyable dispersion des moyens de notre action internationale rend cette dernière largement illisible. A preuve notre participation à la lutte mondiale contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Notre participation au fonds mondial de l'ONU est inscrite au budget de Bercy, tout comme l'accès des pays pauvres aux médicaments contre le sida, mais via l'Union européenne et les négociations de l'OMC. S'y ajoutent des programmes menés de façon bilatérale par le ministère de la coopération, celui de la santé, ou par le FED.

Il est bien beau de proclamer l'urgence de la situation sanitaire mondiale. Mais les efforts français sont dispersés, quand ils ne sont pas obérés par une vision purement mercantile. L'accord sur les médicaments conclu à l'OMC est inapplicable et restreint, soumis qu'il est aux desiderata des industries pharmaceutiques. Pourtant les trois pandémies provoquent 6 millions de morts chaque année, soit 700 toutes les heures. Il serait possible de créer une caisse internationale de sécurité sanitaire qui mettrait à la disposition de chacun des médicaments à bas coût.

Pour atteindre ces objectifs, commençons par faire le ménage chez nous, en décidant de disposer d'un acteur principal. Y êtes-vous disposé ?

M. le Ministre délégué - Il est vrai que, au plan international tout comme en France, les opérateurs sont multiples et divers. La prise de conscience grandit de la nécessité de créer une bonne synergie entre eux. Nous avons rencontré, M. Mattei et moi, le nouveau directeur général de l'OMS de passage à Paris, et nous avons examiné avec lui comment articuler l'action de l'OMS, celle d'ONU-sida, auquel nous contribuons à hauteur de 1,15 million, et celle du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. La France a réuni il y a quelques semaines une conférence des donateurs, à l'occasion de laquelle le Président de la République a annoncé que la France porterait son effort de 50 millions à 150 millions au 1er janvier prochain, ce qui fait de notre pays le deuxième contributeur mondial, derrière les Etats-Unis.

Entre ces trois organismes principaux, une convention a été passée, qui garantira un fonctionnement harmonieux. En France, dans le même esprit, nous avons installé le 28 mars dernier une plateforme de concertation et d'échanges sur les grandes pandémies. Elle s'est réunie à deux reprises, en ma présence. Nous en attendons une meilleure efficacité.

M. André Schneider - J'associe à ma question Bernard Schreiner, vice-président du Conseil de l'Europe.

Nous connaissons l'attachement du Gouvernement à la défense de Strasbourg comme siège des institutions européennes. Nous saluons votre implication personnelle ainsi que le remarquable travail de Mme Noëlle Lenoir.

Le Premier ministre souhaite permettre à chaque député européen de se rendre à Strasbourg en moins de quatre heures. Il y faudra au minimum la reconduite du soutien financier accordé par l'Etat et les collectivités locales à la desserte aérienne de Strasbourg, soit 19 millions sur trois ans, dont 12 à la charge du ministère des affaires étrangères. Or, les 2,6 millions provisionnés ne correspondent qu'au seul financement des liaisons existantes jusqu'en mars prochain.

Afin de permettre la poursuite de l'exploitation des liaisons entre Strasbourg et les métropoles européennes, il conviendrait d'ajouter à cet article au moins 4 millions d'euros de mesures nouvelles en 2004.

Comment allez-vous financer ces liaisons à partir d'avril 2004 ?

M. le Ministre - C'est vrai, le Gouvernement est attaché au développement de Strasbourg comme capitale européenne et à l'importance de son accessibilité. Les conventions triennales qui lient l'Etat et les collectivités locales à plusieurs compagnies aériennes expirent en mars prochain, et leur renouvellement revêt une importance particulière à la veille de l'élargissement. Le Gouvernement a décidé de lancer un appel d'offres pour relier Strasbourg à Amsterdam, Copenhague, Madrid, Milan, Munich et Vienne, dont le résultat sera connu avant la fin de l'année. Le Gouvernement décidera alors, avec les collectivités locales partenaires, de l'ouverture effective de ces six lignes, et dégagera les crédits nécessaires au financement des actuelles conventions jusqu'à fin mars.

Si les appels d'offres sont fructueux, les grandes villes européennes seront à une matinée de vol de Strasbourg, avec une correspondance au plus, conformément à l'engagement du Premier ministre.

M. Patrick Bloche - Ma question concerne l'avalisation par le Gouvernement des conclusions de la mission Brochand, sur la création d'une chaîne française d'information internationale, au mépris des travaux de la mission d'information créée au sein de notre assemblée.

Le mariage forcé entre TF1 et France Télévisions, sur la base d'un partenariat 50/50 d'autant plus choquant qu'il est financé par l'Etat, vous paraît-il réellement viable ? Est-il normal d'en exclure les opérateurs qui ont une vraie connaissance du public et des réseaux de distribution internationaux - TV5 et RFI - et de privilégier un groupe privé au détriment d'un autre ?

Pour RFI qui vient de signer un si lourd tribut à sa mission d'information en Afrique, pour TV5 qui engage la France dans un cadre multilatéral à l'égard de pays amis et francophones, le signe donné par le Gouvernement n'est-il pas des plus inopportuns ?

Est-il normal qu'une chaîne financée par le contribuable ne soit pas visible en France ?

L'indépendance de cette nouvelle chaîne à l'égard du Gouvernement est-elle garantir, malgré l'absence de contrôle sur les programmes par le CSA, qui n'a pas non plus reçu la mission d'en nommer le président ?

Enfin, le Gouvernement ne devrait-il pas soumettre à la représentation nationale un projet de loi sur la mise en place de cette future chaîne, ce qui serait une garantie supplémentaire de son financement pérenne ?

M. le Ministre - Je ne reviendrai pas sur la nécessité de chaîne internationale, reconnue par tous. M. Brochand a rendu son rapport au Premier ministre, première étape de la création d'une chaîne indépendante, fondée sur un partenariat public-privé, diffusant en français, en anglais et en arabe pour commencer. Le Premier ministre a demandé à M. Brochand de poursuivre sa mission pendant encore trois mois car il reste à définir précisément le cahier des charges, à analyser l'impact sur les dispositifs existants de l'audiovisuel extérieur et à en tirer les conséquences. Par ailleurs, il faudra clarifier les relations de cette chaîne indépendante avec l'Etat et affiner la question du financement.

Le ministre des affaires étrangères n'a pas les moyens de financer une telle chaîne, et je souhaite attendre la remise du rapport final pour que l'ensemble des contraintes soient prises en compte.

M. Patrick Bloche - Afin de libérer Mme Betancourt, ancienne sénatrice, militante écologiste colombienne, otage des FARC depuis près de deux ans, le ministère des affaires étrangères a mené dans la forêt amazonienne une opération militaro-policière désastreuse.

Le 8 juillet dernier, un avion de transport de troupe, Hercules C130, a quitté la base d'Evreux dans l'Eure, et M. Loncle s'associe à ma question, avec à son bord le directeur-adjoint de cabinet du ministre des affaires étrangères, M. Pierre-André Guignard, plusieurs agents de la DGSE et du personnel médical du Val-de-Grâce.

Sur le déroulement et le fiasco de l'opération, la presse brésilienne, puis une partie de la presse française, notamment Le Monde et Le Nouvel Observateur, ont fourni certaines informations, au contraire du gouvernement français.

Pour quelle raison le gouvernement brésilien n'a-t-il pas été associé à cette opération, ni même tenu au courant alors que le commando français s'est posé sur l'aéroport de Manaus ?

Pourquoi l'équipe française a-t-elle refusé l'inspection de l'avion C130 à Manaus ? Etait-il question d'un échange, d'un versement de rançon ou encore de la prise en charge médicale de l'un des chefs du FARC, Paul Reyes ? Pourquoi les responsables du Quai d'Orsay n'ont-ils pas prévenu le ministère de l'intérieur ni les services du Premier ministre ?

Enfin, à qui incombe, en France, la responsabilité de ce fiasco, quel en a été le coût financier et sur quel budget a été financée l'opération ? Mais surtout, quelles sont les perspectives aujourd'hui d'une libération effective d'Ingrid Betancourt ?

M. le Ministre - Je ne mets pas en cause votre bonne foi, mais je ne trouve pas grand-chose de vrai dans votre propos. S'il est une décision que je ne regrette pas, c'est bien celle-là. La famille de Mme Betancourt m'a personnellement informé d'une possibilité de libération, et il fallait prendre d'urgence la décision d'envoyer sur place un avion médicalisé, compte tenu de l'état de santé de l'otage. Qu'auriez-vous fait à ma place ? J'ai bien évidemment accepté, après avoir sollicité l'accord des plus hautes autorités de l'Etat.

Un avion a donc été envoyé au plus près de la zone où elle devait être libérée, et nous avons attendu trois jours, en vain. L'information a circulé à chaque étape. Le ministre de l'intérieur a été informé avant même son départ pour la Colombie. En revanche, le ministre des affaires étrangères brésilien, en déplacement, n'a pas pu être prévenu, mais il a compris mes explications et il n'y a eu, à aucun moment, de crise diplomatique entre la France et le Brésil, pas plus qu'entre la France et la Colombie.

Nous nous sommes mobilisés sur ce dossier depuis le premier jour. Sans évoquer des questions de budget qui n'ont pas leur place ici, je vous répète que nous n'avons rien à cacher sur ce dossier. Le premier devoir d'un pays est de se mobiliser pour venir en aide à un concitoyen en difficulté, et ce fut le cas pour Ingrid Betancourt, à laquelle de surcroît nous sommes très attachés compte tenu de ses valeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Janquin - Comme l'a dit M. Lefort, l'action du Gouvernement à l'égard de la pandémie du sida est peu lisible. Pas moins de huit rubriques budgétaires relevant de votre ministère, comme de celui de la santé, de la recherche ou des finances. On pourrait faire plus simple !

Par ailleurs, Lionel Jospin avait fait une promesse, confirmée par le Président de la République à Evian en juin 2003, celle de porter la contribution française au fonds mondial contre le sida de 50 à 150 millions d'euros de 2004 à 2006.

Or, l'inscription au budget du ministère des finances n'est pour l'heure que de 50 millions d'euros.

Vous avez tout d'abord prétendu qu'un collectif budgétaire ferait l'appoint, ce qui n'est pas réaliste. Vous avez ensuite évoqué des redéploiements, mais au détriment de qui ? Vous parlez maintenant de crédits de report disponibles en fin de gestion 2003. J'ignorais cette heureuse cagnotte ! Mais n'eût-il pas été plus simple d'annuler ces crédits de report au bénéfice d'une inscription budgétaire de 150 millions d'euros dans le projet de loi de finances, donnant lieu à paiement conforme ? Mais c'est vrai, un déficit supérieur de 100 millions d'euros à celui proposé au vote serait alors apparu aux yeux de Bruxelles. A ce propos, votre budget comporte-t-il d'autres altérations de présentation budgétaire ?

Rassurez-nous au moins sur le décaissement de 150 millions d'euros qui sera effectué par le ministère des finances au profit du fonds mondial contre le sida et sur la provenance de cette dotation.

M. le Ministre délégué - Le ministère des finances a publié le 5 novembre un communiqué officiel qui confirme que les versements de la France au fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme seront effectués dès le début de l'année 2004, pour le montant de 150 millions d'euros annoncé par le Président de la République, à partir des crédits inscrits au projet de loi de finances et des crédits de report éventuellement disponibles en fin de gestion 2003.

M. Serge Janquin - C'est très contestable.

M. le Ministre délégué - La répartition entre les deux rubriques n'est pas précisée. L'essentiel est que l'engagement soit clair. Quant à l'inscription des crédits au budget de plusieurs ministères - finances, affaires étrangères, santé -, cela justifie, il est vrai, une harmonisation. Nous y travaillerons.

M. Henri Emmanuelli - Évoquant l'adoption de la Constitution européenne, vous avez dit que l'essentiel était que le débat ait lieu. J'ai plutôt le sentiment que l'essentiel réside dans la manière dont il va être tranché.

Car il s'agit d'une Constitution ! Celle de la Ve République a été approuvée par le suffrage universel, à la demande expresse de son fondateur, le général de Gaulle. Je pourrais aussi rappeler le référendum sur le traité de Maastricht. On imagine mal que les institutions qui seront celles de notre peuple pour très longtemps, le texte étant difficilement modifiable, ne soient pas soumises à référendum.

Le choix appartient bien sûr au Président de la République. Mais je suis saisi de malaise lorsque j'entends dire que le résultat pouvant n'être pas conforme au souhait des oligarchies, mieux vaudrait éviter le référendum. Ces considérations furent celles des adversaires du suffrage universel !

M. le Ministre - Je ne crois pas devoir prouver ici mon attachement personnel au suffrage universel. Mais nous avons une Constitution, et celle-ci offre deux voies pour adopter la nouvelle Constitution européenne : la voie référendaire et la voie parlementaire. Le choix appartient au seul Président de la République.

S'il faut d'abord, comme je l'ai dit, un débat de fond, c'est parce que ce choix a pu, dans le passé, être occulté par d'autres considérations, et parce que le débat est crucial pour notre avenir. Nous y reviendrons dans les prochains mois. Un travail immédiat nous attend : définir le meilleur projet de constitution possible. Nous ne sommes pas au bout du chemin : nous avons un projet de grande qualité, mais nous devons discuter, dans le cadre de la conférence intergouvernementale, sur des points importants : le ministre des affaires étrangères européen, la présidence, la gouvernance économique et sociale... Certains points sont très délicats : le fonctionnement et l'organisation de la Commission, le vote à la double majorité. Attendons que le projet soit mis au point. Éclairé par les avis des uns et des autres - il a reçu les représentants des partis politiques représentés au Parlement -, le Président de la République pourra alors prendre sa décision.

M. Serge Janquin - Hors crédits APD, votre budget diminue de 1,26 %. Je m'inquiète de l'affaiblissement de vos moyens en crédits de personnel et de fonctionnement. Vous avez perdu 57 emplois en 2003, vous en perdrez 116 en 2004. Je m'inquiète particulièrement pour notre réseau d'ambassades, consulats, centres culturels et établissements d'enseignement à l'étranger. Les rapporteurs ont parlé de rationalisation, mais ils ont aussi déploré le manque de moyens au regard de la densité du réseau.

En particulier, quel sort sera réservé à notre consulat d'Alexandrie, ville qui connaît un nouvel élan, pas seulement avec la prestigieuse bibliothèque mais aussi sur les plans urbain et économique ?

M. le Ministre - Note réseau consulaire n'est pas figé. Il évolue en fonction des missions, des demandes de visa, de la densité des communautés françaises. J'ai décidé de lancer une réflexion d'ensemble sur nos réseaux. Elle ne débouchera qu'exceptionnellement sur des fermetures de postes.

L'évolution de la carte consulaire se fera plutôt par une adaptation des fonctions, des regroupements de sites, une polyvalence des agents. S'agissant d'Alexandrie, la réflexion est en cours. S'y côtoient un centre culturel et un consulat. Nous étudions le renforcement du rôle politique de notre représentation et le transfert éventuel d'une partie de ses fonctions consulaires au Caire.

Il n'est pas question de supprimer le pavillon français dans la deuxième ville d'Egypte, centre économique et universitaire, escale de la marine nationale et lieu éternel dans les domaines culturel et commercial.

Mme la Présidente - J'appelle les crédits inscrits à la ligne affaires étrangères, état B, titre III.

ÉTAT B - TITRE III

M. Jacques Myard - Chacun a reconnu la justesse de la politique étrangère que vous conduisez sous l'autorité du Président de la République. Ses effets sont bénéfiques pour la paix dans le monde et la construction d'une communauté internationale plus équilibrée.

Il est dès lors paradoxal que vos crédits, notamment ceux du titre III, diminuent. Cela ne fait certes que poursuivre la glissade entamée depuis dix ans, qui aura vu disparaître 10 % des effectifs du ministère. Si tout l'appareil d'Etat avait été géré avec autant de vertu, le budget de la France se porterait mieux. Mais ici les limites sont atteintes. Il est temps que le Parlement dise non ! Une grande politique étrangère exige des moyens. Les affaires étrangères sont un instrument régalien, au même titre que la Défense ou l'Intérieur dont les crédits ont été à juste titre augmentés. Il serait tout de même paradoxal que le ministère des affaires étrangères en fasse une nouvelle fois les frais de la rigueur, à l'heure où la situation internationale fait irruption sur notre territoire national.

L'amendement 92 tend donc à supprimer une mesure nouvelle au titre III pour majorer ses crédits de 12,234 millions d'euros. Nous adresserions ainsi un signe fort au Gouvernement.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les affaires étrangères - La commission n'a pas examiné cet amendement. J'ai toutefois expliqué dans mon rapport que la baisse des crédits du titre III n'affectait en rien les capacités opérationnelles de notre réseau diplomatique et consulaire, ce que le ministre a confirmé. Grâce à une meilleure mobilisation de nos ressources, à des économies sur les primes et à la recherche de synergies, tous les postes seront en effet pourvus.

M. Jacques Myard - Tous les rapporteurs parlent ainsi depuis dix ans !

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis - Je comprends l'intention de notre collègue, mais je pense qu'il fait fausse route. Il ne faut pas soustraire les affaires étrangères à toute rationalisation. Ce qui a déjà été fait ne nous empêche pas de soutenir brillamment la comparaison avec d'autres réseaux diplomatiques. La discipline s'impose à tous. Si notre capacité opérationnelle était attaquée, nous devrions réagir, mais ce n'est pas le cas. Je demande donc le rejet de cet amendement.

M. le Ministre - Je suis très sensible à l'offre généreuse de Jacques Myard et quelque peu gêné de devoir refuser une main si fraternellement tendue... Néanmoins, il ne l'ignore pas, il ne saurait être question pour moi de me désolidariser de l'action gouvernementale, dictée par un impératif de rigueur. Je lui demande donc de bien vouloir retirer son amendement.

M. Jacques Myard - Monsieur le ministre, je comprends la situation dans laquelle je vous mets, mais pour une fois, retirez-vous, laissez faire le Parlement !

Cher Richard Cazenave, ce que vous venez de dire, je l'entends depuis dix ans que je siège dans cet hémicycle. Or, je sais que l'outil est atteint : le quantitatif pose un problème qualitatif, comme le diraient Marx ou Hegel... Et comme le disait le premier lord de L'Amirauté à l'amiral Jellicoe, vous avez toutes les qualités de Nelson, sauf une : celle de désobéir ! Je maintiens donc mon amendement, et chacun prendra ses responsabilités.

L'amendement 92, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits inscrits à l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jacques Myard - Je me suis abstenu.

Les crédits inscrits à l'état B, titre IV, mis aux voix, sont adoptés.

ÉTAT C

Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits à l'état C, titre V, mis aux voix, sont adoptés.

Les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits à l'état C, titre VI, mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère des affaires étrangères.

La séance, suspendue à 17 heures 50, est reprise à 18 heures.

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche concernant l'enseignement supérieur.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial de la commission des finances - L'élaboration du projet de budget pour 2004 fut un exercice délicat, voire subtil. Dans un cadre contraint, il a dû marier des objectifs fondamentaux, de long terme, avec des éléments plus conjoncturels. Le premier impératif est la mise en _uvre de l'organisation universitaire définie par une succession de sommets européens, de Bologne à Berlin en passant par Prague. L'Europe des universités et de la recherche va voir ses programmes thématiques, qui pour l'instant s'enchevêtrent, s'organiser dans un cadre commun, qu'il s'agisse du rythme des études, le fameux 3-5-8 - licence, master et doctorat - ou des unités de compte, afin que les équivalences de diplôme puissent être mises en place.

Le budget a aussi dû servir des objectifs à plus court terme, le premier étant le débat sur l'éducation qui s'ouvre. L'enseignement supérieur et la recherche, qui sont un des chaînons de la politique de l'éducation nationale, sont naturellement concernés par ce débat, mais plus particulièrement sur deux points : d'abord, la loi sur l'autonomie des universités, bien que différée, reste d'actualité ; ensuite, le débat abordera forcément la question de la formation des professeurs, donc de l'enseignement supérieur. Le projet de budget se devait d'offrir au débat, sur tous ces points, des perspectives d'avenir. La deuxième contrainte à court terme du budget pour 2004 est due aux effectifs : pour la deuxième rentrée consécutive, le nombre des étudiants est en légère augmentation, alors que la décrue des effectifs était annoncée. Nous sommes sur un palier qui impose de revoir la politique des sites universitaires, des filières de formation et les mesures financières.

Dans ce cadre, le budget est en nette augmentation. Il franchit le cap des 9 milliards. L'évolution des dépenses ordinaires est supérieure à l'inflation, mais la plus marquée est celle des dépenses d'investissement, qui augmentent de 15 % en crédits de paiement. Je voudrais m'étendre, plus que sur les chiffres, sur les grands objectifs de ce budget.

Le premier est, à l'évidence, celui de l'autonomie des universités. Dans cette optique, il fallait d'abord créer des emplois. La Cour des comptes comme la mission d'évaluation et de contrôle menée par Alain Claeys avaient bien démontré que l'autonomie des universités serait impossible sans un renforcement de leur encadrement et des compétences internes en matière d'organisation des filières ou de fonctionnement général. La création de 125 postes IATOSS de catégorie A, la « sapinisation » de 250 emplois précaires et la transformation de 225 emplois de catégorie C font suite à l'effort déjà substantiel du budget 2003. Toutefois, j'attire votre attention sur le fait que certains services ont besoin d'autant d'emplois de catégorie C que B ou A - les bibliothèques par exemple ou l'accueil.

L'autonomie doit également être renforcée par la dotation budgétaire de chaque université. Les dotations de fonctionnement augmentent de 4 points. Progressent également les dotations des contrats quadriennaux, de plus de 5 points, et celles de l'enseignement privé. La volonté est clairement de laisser les initiatives s'exercer : une fois le contrat signé, les établissements doivent avoir les moyens de les appliquer et de prendre toutes leurs responsabilités. Ce choix est courageux, surtout après un rapport de la Cour des comptes qui pourrait être caricaturé.

Mais le plus important pour l'autonomie est l'effort d'investissement. Les crédits de paiement augmentent de 50 % pour l'exécution des contrats de plan Etat-région, qui entrent enfin en phase de réalisation, et pour amorcer de grands chantiers, au premier rang desquels Jussieu. Il est heureux de passer de l'engagement à l'action. La signature des contrats de plan Etat-région date de 1999-2000. La maturité des projets est très différente d'un rectorat à l'autre et certains avaient été inscrits avant même d'avoir été sérieusement élaborés. Il faudrait peut-être que la contractualisation Etat-région dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche s'assouplisse, car les projets ne s'y conçoivent pas de façon pluriannuelle mais en flux roulants. Par ailleurs, les crédits de maintenance font l'objet d'une nette augmentation : les petits travaux d'aujourd'hui nous dispensent des grands de demain. Le plan de sécurité est achevé et les crédits de recherche augmentent de près de 3 %. La capacité des universités à se développer est donc assurée.

En ce qui concerne la loi organique sur les lois de finances, la commission des finances est très satisfaite de la façon dont le ministère de l'éducation a défini une mission interministérielle qui veille à ne pas dissocier l'enseignement supérieur et la recherche. La dimension interministérielle mérite cependant d'être pleinement réalisée : un programme enseignement-recherche doit être inscrit tant dans le ministère de la culture que dans celui de l'agriculture afin que la mission soit déclinée en programmes. La commission des finances vous assistera dans cette tâche. Reste à décliner les programmes en actions, ce qui est indispensable à toute logique d'évaluation. La commission des finances y tient et je ne ménagerai pas mes efforts à vos côtés pour y parvenir en 2004.

Le plus difficile sera de traduire la LOLF dans les universités. La loi sur l'autonomie fera franchir une étape essentielle en matière de globalisation des budgets, outil premier de la LOF. Il restera deux questions épineuses à trancher. La première est celle de l'évaluation : les contrats quadriennaux ne définissent pas de critères et la Cour des comptes a souligné ce défaut, comme la MEC l'avait déjà fait. Les deux versants de la LOLF, globalisation et évaluation, doivent être appliqués pareillement et chaque université devra élaborer ses propres critères. La seconde est celle des autorisations d'emplois. Si l'on veut que le plafond d'emplois conserve sa pertinence, il faut imaginer une sorte de globalisation de la globalisation : le ministère doit, malgré la globalisation, assurer le suivi de l'ensemble des moyens.

Pour tout ce qui concerne le débat sur l'éducation et l'autonomie des universités, nous sommes donc dans les temps. Le budget a préparé les choses, sans pour autant les figer. Le deuxième grand objectif du ministère consiste, lui, à préserver un service public de l'enseignement supérieur nationale et accessible à tous. Vous avez ainsi veillé à ce que l'Europe des universités et de la recherche se construise dans le domaine public. Berlin a notamment permis de réaffirmer qu'elle se trouvait hors du secteur marchand. Au niveau national, chaque Etat conservera toute sa compétence d'habilitation des diplômes. C'est l'Etat qui recrute le corps des enseignants-chercheurs, qui assure leur promotion et leur carrière et qui les met à la disposition des établissements universitaires.

La commission des finances est heureuse que le ministère ait rapidement tiré les enseignements du rapport de la Cour des comptes, qui avait relevé des taux de postes non pourvus et d'emplois non utilisés trop importants. Une meilleure gestion des postes permettra d'augmenter les capacités en enseignants-chercheurs des universités : avant de créer de nouveaux postes, il faut rationaliser ceux qui existent déjà ! D'autant que l'augmentation des dotations permettra aux universités d'assumer des heures supplémentaires, des recrutements partiels ou des interventions extérieures. Par ailleurs, 900 000 € sont dégagés pour rendre la carrière enseignante plus attrayante. Préparer le remplacement des nombreux départs en retraite est en effet une priorité. La commission des finances espère donc que ces mesures pourront être renforcées. Nous souhaitons par exemple que le cap des 10 % de maîtres-assistants hors classe puisse être dépassé.

Le nombre de professeurs pourrait également être augmenté. Pourquoi ne pas doubler le nombre de postes inscrits au budget, ce qui en ferait 90 en plus ? Des possibilités de promotion accrues donneraient plus d'attrait à la carrière.

Ce budget met aussi l'accent sur l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur. Ainsi les bourses ont-elles été revalorisées pour tenir compte de l'inflation. Un dialogue va maintenant s'ouvrir avec les syndicats étudiants sur l'accompagnement social, dont j'espère qu'il aboutira à des mesures concrètes dès la rentrée prochaine, notamment en matière de simplification. Le nombre de bourses de mobilité, après avoir augmenté de 25 % l'an passé, augmente encore cette année de 40 %. L'effort devra être poursuivi pour que se mette en place l'Europe des universités que nous appelons de nos v_ux. Enfin, la rénovation des résidences universitaires se poursuit à un rythme soutenu. Alors que de 1998 à 2001, on rénovait moins de 2 300 chambres par an, on est passé l'an dernier à 7 000, et l'effort sera le même cette année. Cela augure d'ailleurs bien des conditions de la future décentralisation puisque l'Etat continue d'assumer son rôle en dépit des perspectives de transfert aux collectivités du patrimoine immobilier des CROUS.

La commission des finances se félicite de ce budget à plusieurs titres. Tout d'abord, parce que celui-ci affiche une priorité claire, qui est de se donner les moyens à la fois de l'autonomie des établissements et de l'Europe des universités. Ensuite, parce que, tenant compte des remarques formulées par la Cour des comptes, notamment en matière de gestion des effectifs, il reflète un effort particulier de rigueur. Enfin, parce qu'il donne l'assurance que l'éducation nationale demeurera bien nationale, y compris au niveau du supérieur, et qu'il prend en compte les souhaits des personnels enseignants comme des usagers du service public de l'enseignement supérieur que sont les étudiants. De la qualité de notre enseignement supérieur dépendent non seulement nos capacités d'innovation mais aussi celles à réformer l'enseignement primaire et secondaire, grâce à des formateurs bien formés.

Vous l'aurez compris, la commission des finances a adopté ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - On compte cette année en France deux millions d'étudiants, soit 38 000 seulement de plus que l'an passé, alors que de 1985 à 1995, le nombre d'étudiants augmentait d'environ 100 000 par an. Cette moindre augmentation pourrait être source de difficultés à l'avenir. Ainsi, selon le recteur Forestier, pour faire marcher correctement notre pays, il faudrait que 70 % d'une classe d'âge obtienne le baccalauréat - contre seulement 62 % aujourd'hui - et 45 % un diplôme de l'enseignement supérieur.

Notre enseignement supérieur est dispensé dans 186 lieux, dont 85 universités proprement dites. Ce maillage est sans doute intéressant pour l'aménagement du territoire mais n'est pas lui non plus sans poser de problèmes, car il ne saurait y avoir d'enseignement de qualité sans parallèlement une activité de recherche, fût-ce seulement au niveau local.

Bien que le budget de l'enseignement supérieur ait été multiplié par 2,3 depuis 1975, atteignant près de dix milliards d'euros, l'effort consenti par notre pays en ce domaine est moindre que celui des pays voisins. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de la hausse de 2,93 % des crédits en 2004.

Les dépenses de personnel représentent 4,7 milliards d'euros, dont 70 % consacrés à la rémunération des enseignants-chercheurs - dont je note au passage qu'un quart seulement sont des femmes. Il n'y a pas eu de création de postes cette année, mais 16 % des postes actuellement ouverts ne sont pas occupés. Certains rééquilibrages ont eu lieu : ainsi vingt postes de PU ont été transformés en postes de PU-PH et plusieurs postes de MCU en MCU-PH, ce qui, vous le savez, me satisfait tout particulièrement. Cela étant, 52 % des professeurs d'université partiront en retraite dans les dix prochaines années. Un problème d'effectif risque d'en résulter car il n'est aujourd'hui pas facile de motiver les étudiants pour qu'ils passent l'agrégation. 125 postes d'IATOS ont en revanche été créés, en même temps que vont être résorbés tous les emplois précaires dans ce secteur. Ainsi parviendra-t-on à un ratio d'un enseignant-chercheur pour 19 étudiants et d'un IATOS pour 29.

Pour ce qui est des étudiants, les bourses ont été revalorisées, ce qui était nécessaire. Un effort devra être fait également en matière de logement - on a enregistré cette année 384 000 demandes pour 150 000 places seulement - et de restauration - de nombreux restaurants universitaires souffrent d'un manque d'hygiène de base.

Les moyens de la recherche progressent ce dont il faut se féliciter, car il n'est pas de bonne université sans bons laboratoires de recherche. Pour demeurer toujours au niveau et dispenser à leurs étudiants un enseignement de pointe, dans un monde où les connaissances évoluent très vite, il est indispensable que les enseignants fassent aussi de la recherche.

Les crédits d'investissement augmentent de 15 %. Il faut encore créer de nouvelles surfaces. Le gros chantier du désamiantage de Jussieu n'est toujours pas terminé. Et des travaux de maintenance sont nécessaires dans de nombreux établissements, où non seulement les peintures de couloirs sinistres s'écaillent mais où parfois même les installations ne sont pas aux normes de sécurité actuelles.

Il faudra aller, comme envisagé, vers l'autonomie des universités. Nous le souhaitons - je parle là en mon nom personnel -, car nous pensons que c'est de nature à donner une nouvelle direction aux établissements en leur permettant notamment de nouer des partenariats avec des collectivités et des entreprises locales.

Nous nous félicitons de l'harmonisation, enfin, de nos diplômes au niveau européen. La mise en place du dispositif LMD, licence-master-doctorat, n'a pas été sans poser de problèmes, mais elle était indispensable.

L'échec massif dans les premières années d'enseignement supérieur est préoccupant
- 90 000 jeunes ressortent de l'université sans aucune qualification. 29 % des étudiants de première année redoublent et 24 %, découragés à jamais, n'obtiendront rien. Ce gâchis considérable n'est plus acceptable. On observe de fortes disparités selon les filières : ainsi 70 % des étudiants qui font des études d'ingénieur obtiendront leur diplôme, alors qu'en médecine ou en pharmacie, l'échec est massif. Il serait d'ailleurs souhaitable dans ces deux disciplines d'aménager des passerelles avec d'autres enseignements. Les raisons de ce fort taux d'échec sont multiples. Les étudiants qui travaillent en même temps qu'ils font leurs études ont un taux de réussite inférieur de 25 % aux autres. La liaison entre le lycée et l'université se fait mal, et les lycéens sont mal préparés aux méthodes de travail de l'université. Les réorientations ne sont pas assez encouragées et facilitées. Le tutorat est insuffisant. Trop de filières sont choisies par défaut.

Les enseignants doivent se remettre en cause. Certains cours manquent d'intérêt, sachons le reconnaître !

L'université française est un lieu de culture, mais qui doit ouvrir sur une activité professionnelle.

Tout cela, votre budget le permet. C'est pourquoi la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à son adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Claude Goasguen - Voici un bon budget.

Je vous remercie d'avoir su préserver le calme dans nos universités. Universitaire moi-même, je sais que ce n'est pas facile. Beaucoup de bons esprits s'attendaient en juin à des débordements qui auraient mis en cause les universités. Il n'en a rien été, heureusement.

L'université est en pleine modernisation, votre budget va lui permettre de gagner en maturité, elle qui a tant souffert naguère d'incidents, au point qu'elle subit une réputation imméritée de lieu d'agitation et de non-travail, elle qui pourtant répond largement à ce que la France attend de ses élites.

Votre budget augmente. J'y vois la manifestation de votre talent pour convaincre Bercy. Il augmente même de 100 millions par rapport à celui de l'enseignement scolaire, dont on s'occupe à juste titre mais quelquefois au détriment de l'enseignement supérieur.

Vous avez entrepris l'harmonisation européenne des diplômes. Le système LMD existe déjà dans vingt universités françaises, et nous progressons sur ce point plus vite que nos voisins. Cette réforme suscite un grand engouement dans nos universités.

En second lieu, celles-ci ont besoin d'être modernisées, dans le calme. Vous vous y employez en proposant votre projet de loi à la discussion au sein de l'université. C'est la bonne méthode. Il eût été artificiel et sommaire de procéder par un acte législatif sans concertation préalable. Notre système éducatif qui, dans le premier et le second degré, surclasse nettement celui des Etats-Unis, est battu en brèche dans le supérieur par les campus américains. L'université européenne doit donc donner la mesure de sa dimension mondiale.

Le groupe UMP a apprécié le dégel de vos crédits et l'esprit général qui prévaut et que le Premier ministre a exprimé en annonçant l'augmentation des bourses de mobilité internationale.

Outre le caractère gigantesque de l'enseignement supérieur, nous nous soucions particulièrement de la dimension internationale des universités. Elle impose des modifications importantes de structures, et je vous incite à l'audace dans ce domaine. Des dogmes devront être renversés. Ainsi je souhaite ardemment qu'une procédure d'évaluation à la fois budgétaire et qualitative s'applique à nos universités. Elles doivent se remettre en cause. Les universitaires sont aptes à le comprendre.

Le rôle d'Edufrance mériterait d'être précisé. Un rapport du Conseil économique et social a fait apparaître la nécessité d'une immigration qualifiée. Nos universités doivent pouvoir contribuer à cette qualification. Les étudiants étrangers sont nombreux chez nous. Comment non seulement bien les accueillir, mais les préparer à un débouché professionnel ? Voilà des questions auxquelles nous ne savons pas répondre.

Le problème du logement étudiant se pose de façon aiguë. Sans doute va-t-il être transféré aux communes. Mais comme l'a souligné Gilles de Robien, le logement étudiant est partie intégrante du logement social. Je souhaite que vous souteniez cette cause. Nous avons besoin non seulement de réhabiliter nos cités universitaires, mais d'en construire de nouvelles. Dans ce domaine, notre Ile-de-France est très en retard, et les étudiants ne trouvent pas à se loger. La Ville de Paris avait passé en 2002 avec l'Etat une convention qu n'a pas été respectée. On ne construit plus dans notre région. Associez-vous avec Gilles de Robien, avec les communes, pour loger décemment nos étudiants, en particulier étrangers. Nous déplorons la montée, du moins dans les universités parisiennes, d'une sorte d'antagonisme communautariste. Que les étudiants soient majeurs n'empêche pas que le service public soit neutre, et je souhaite que dans les universités aussi la main de l'Etat laïque se fasse sentir.

On ne peut plus accepter de voir flotter aux frontons de nos universités des banderoles qui, par leurs dénonciations racistes, insultent l'esprit de la France. Prenez garde aux groupes qui cherchent à pousser les étudiants dans la rue en provoquant des réflexes communautaires.

Le groupe UMP votera sans hésiter votre budget, en vous souhaitant de mener à bien la modernisation et l'ouverture internationale nécessaires au rayonnement de nos universités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Alain Claeys - Le budget de l'enseignement supérieur est important, tant sont considérables les chantiers qui s'ouvrent devant notre université. J'ai apprécié ce qu'a dit Claude Goasguen sur le patrimoine universitaire, tant est grand le retard pris en région parisienne. C'est que les collectivités locales ont tardé à contractualiser avec l'Etat. Réussir tous ses chantiers, de l'autonomie universitaire à l'harmonisation des diplômes en Europe, requiert la confiance de la communauté universitaire. Or celle-ci, aujourd'hui, fait défaut.

Depuis dix-huit mois, l'enseignement supérieur et la recherche n'ont pas été traités convenablement. Les insuffisances en matière de dotations et de postes sont criantes, les budgets ne répondent plus du tout aux besoins.

De sérieux retard se font sentir dans l'exécution des contrats de plan Etat-région, qui ne sont pas tous imputables à l'Etat. Certains s'expliquent par des dossiers insuffisamment élaborés lors de la signature de ces contrats, mais ils se concluent dans des conditions si difficiles !

Votre politique rompt avec celle menée par Lionel Jospin qui créa de nombreux emplois, et augmenta les crédits de fonctionnement.

C'est vrai, votre budget affiche une augmentation de 3 %, ce qui, comme le relève M. Goasguen, n'est pas rien. Mais qu'en est-il exactement ? Les mesures nouvelles ne représentent que 0,6 % du budget, ce qui correspond à peu près à l'augmentation du nombre d'étudiants. Quant aux crédits affectés aux dépenses de fonctionnement et à l'action sociale, il n'augmentent que de 1,91 %, soit 150 millions d'euros. Encore faut-il intégrer dans cette augmentation des mesures qui ne sont que le prolongement de dispositions adoptées en 2002, comme l'extension en année pleine des créations d'emplois 2003 pour 74 millions d'euros, ou la revalorisation du point dans la fonction publique, ou encore les incidences en année pleine des mesures relatives aux bourses prises en 2003.

Concernant les dépenses d'investissement, les crédits de paiement augmentent de 15 % et les autorisations de programme diminuent de 3 %. Deux raisons essentielles à la hausse des crédits de paiement : le désamiantage de Jussieu, mais surtout le rattrapage du retard pris dans le débloquage des crédits de paiement sur les contrats de plan. En revanche, pour ce qui est des constructions nouvelles, on note une baisse de 30 %.

Votre budget n'est pas ambitieux.

Vous n'anticipez pas les départs à la retraite, ce qui pose un réel problème, notamment pour les filières scientifiques. Vous ne remédiez pas au sous-financement de l'enseignement supérieur en France. Aucun emploi d'enseignant-chercheur n'est créé. Dans ces conditions, l'amendement de M. le rapporteur de la commission des finances est un cautère sur une jambe de bois.

Vous prenez du retard dans la création de postes IATOS, et je vous renvoie aux chiffres.

Par ailleurs, la fonction internationale de l'université est importante ; j'y avais travaillé, mais, malgré les efforts accomplis, beaucoup reste à faire. Je m'inquiète notamment de l'accueil des étudiants étrangers en France et du logement social étudiant. Au moment des contrats de plan, les collectivités ne se sont pas intéressées à l'hébergement et seul l'Etat en a aujourd'hui la charge. Si cette compétence est transférée demain aux collectivités locales, je crains que les ambitions ne soient pas à la hauteur des nécessités et que les étudiants étrangers ne se détournent de la France.

Dans ce contexte se pose le problème de l'autonomie. J'ai beau être dans l'opposition, je n'ai pas changé d'avis à ce sujet. Ce projet ne pourra aboutir que dans un climat de confiance, qui ne règne pas aujourd'hui. Il faudra être clair sur la notion de service public. Toutes les universités doivent être traitées de la même manière sur l'ensemble du territoire, mais aussi sur le concept d'autonomie qui ne saurait s'assimiler à une décentralisation des compétences universitaires vers les collectivités locales.

Enfin, trois conditions sont requises pour que ce projet fonctionne. Tout d'abord, les dotations de l'Etat doivent être suffisantes pour que l'autonomie ne soit pas ressentie par les universitaires comme un désengagement de l'Etat. Ensuite, en contrepartie, l'Etat - et non les collectivités locales ou des organismes privés - doit assurer une évaluation quantitative et qualitative. Il doit aussi garantir au personnel de l'Education nationale son statut de fonctionnaire d'Etat, et être clair sur la notion complexe de fongibilité asymétrique.

Je conclurai par deux chantiers importants. Celui du patrimoine, particulièrement difficile à évaluer et j'en discutais encore ce matin avec un président de chambre régionale des comptes. Celui du budget global, notion sur laquelle personne ne s'accorde.

L'amélioration du service public des universités nécessite des moyens, qui ne sont malheureusement pas au rendez-vous, aussi ne voterons-nous pas votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Leteurtre - Avec plus de 9 milliards d'euros pour 2004, le budget de l'enseignement supérieur progresse de 3 %, après une hausse l'an passé de 1,1 %. C'est donc un bon budget qui affiche une réelle volonté politique, et nous vous en remercions.

Il s'articule autour de trois priorités, que l'UDF partage : la restructuration des cursus d'une part et la rénovation des installations universitaires d'autre part, le développement de la recherche et un nouvel effort pour assurer l'égalité des chances de tous les étudiants.

Ce dernier point est essentiel - 1,3 million d'euros sont affectés aux bourses d'enseignement supérieur allouées sur des critères sociaux et universitaires, auquel s'ajoutent 285 millions d'euros pour les logements et les structures de restauration gérés par les CROUS. C'était plus que nécessaire du fait de l'extrême dégradation des locaux qui ne répondent plus aux normes minimales de confort.

Par ailleurs, si aucun poste d'enseignant n'est créé cette année, 125 nouveaux postes vont renforcer le personnel d'encadrement et de direction.

De même, je vous félicite de la création, cette année, de 6 000 bourses de mobilité qui permettront aux étudiants qui le souhaitent de poursuivre leurs études à l'étranger dans de bonnes conditions.

Nos universités sont encore trop timides dans leur coopération avec leurs homologues européens. Ces bourses devront donc être utilisées en priorité dans le cadre d'échanges avec nos partenaires de la Communauté.

Nous avons en revanche quelques inquiétudes pour ce qui concerne les crédits d'investissement. L'essentiel sera consacré à la maintenance, quand ce ne sera pas à des travaux d'urgence.

Permettez-moi de vous dire un mot de l'université de Caen et de vous lire un courrier adressé le 30 septembre par le rectorat aux entreprises travaillant sur les chantiers universitaires de Caen et de Lisieux : « Suite à des restrictions budgétaires, je vous informe que je ne suis plus en mesure de payer les prestations réalisées depuis le 1er septembre 2003. En conséquence, je vous saurai gré de bien vouloir me faire connaître quelle serait pour vous la solution la moins douloureuse : soit continuer le chantier en sachant que les paiements ne reprendront qu'à partir de l'année prochaine, soit l'arrêter ». Les entreprises ont finalement été payées sur des crédits de mise en conformité. Qu'adviendra-t-il en 2004 puisque le rectorat a dû pour cela retarder des ordres de service ?

Cette situation est alarmante pour l'enseignement supérieur. Pour l'UDF, la solution réside dans une décentralisation de cette compétence vers les régions qui, depuis des années, contribuent largement aux investissements universitaires. Il faut entériner cet état de fait puisque l'Etat n'a plus les moyens de ses ambitions dans ce domaine. Aussi l'UDF attend-elle avec impatience le projet de loi relatif à l'autonomie des universités. Pour l'heure, elle votera ce budget dont elle salue la volonté affichée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Dutoit - Le budget de l'enseignement supérieur s'élève à environ 9 milliards d'euros. Après la baisse significative de l'année dernière, il augmente de 2,93 %. L'enseignement supérieur n'est donc pas considéré, contrairement à la défense, à l'intérieur ou à la justice, comme un budget prioritaire.

L'augmentation des crédits reste centrée sur les crédits de fonctionnement, et l'enseignement supérieur privé bénéficie toujours d'un effort important.

La hausse de ce budget est donc en trompe-l'_il, d'autant plus que le Gouvernement ne respecte pas le principe de sincérité budgétaire.

En 2003, plusieurs centaines de millions d'euros ont été gelés en catimini, et selon la rumeur, Bercy envisagerait déjà de nouveaux gels en 2004.

Les besoins de l'enseignement supérieur sont pourtant immenses. Selon un rapport du Haut Conseil d'évaluation de l'école, il faudra 70 % de bacheliers par génération en 2010 contre 62 % aujourd'hui, et 45 % de diplômés de l'enseignement supérieur contre 38 %.

Les signaux d'alarme de l'année dernière auraient dû vous alerter : que dire de la fermeture temporaire de deux universités, ou des velléités de Sciences Po d'augmenter ses droits d'inscription ? Partant du principe que le désengagement financier de l'Etat est inéluctable, la réforme Descoings ouvre la porte à la privatisation de Sciences Po.

En créant, sous couvert de démocratisation, un système progressif où les droits pourraient atteindre 4 000 € par an pour les plus riches, on instaure une logique selon laquelle c'est aux familles d'assumer le coût des études, et non plus à la collectivité, en fonction de la situation de l'étudiant. Que pensez-vous d'une telle inversion ?

La dépense moyenne par étudiant et par an s'élève à 8 680 €, contre 9 060 pour un élève du second degré général et technologique. L'enseignement supérieur serait-il le parent pauvre de l'Education nationale ? Et que dire de la disparité scandaleuse entre un étudiant à l'université, qui ne coûte que 6 850 €, et un étudiant en classe préparatoire, qui coûte près du double ? Selon la direction de l'évaluation et de la prospective, l'enseignement supérieur comptait 44 000 étudiants de plus à la rentrée 2002 malgré le recul démographique. Les progrès de la scolarisation touchent toutes les filières et répondent à une vraie demande sociale. Rien d'étonnant à cela : le diplôme est un atout déterminant pour l'emploi.

L'augmentation de 1,5 % des bourses sur critères sociaux et universitaires est dérisoire comparée aux hausses que connaissent la restauration universitaire, les droits d'inscription et la sécurité sociale étudiante.

Les droits d'inscription, passés de 137 € l'an passé à 141 cette année, atteignent 278 € pour certaines maîtrises. S'y ajoutent des frais illégaux - contributions pour le sport ou la culture, normalement facultatives - qui peuvent aller jusqu'à 50 €, et de sécurité sociale - 277 € : on est loin d'un service public d'éducation gratuit.

Non, Monsieur le ministre, la démocratisation de l'enseignement supérieur ne fait pas partie de vos priorités.

Les échecs en premier cycle universitaire s'expliquent en partie par la situation financière et sociale des étudiants. Près d'un sur deux travaille pour financer ses études. Pour ceux-là, la probabilité de réussite diminue de 29 %.

Alors que l'accès à un logement indépendant est la première étape de l'autonomie, 46,9 % des étudiants vivent chez leurs parents dont 14 % seulement l'ont choisi. Ceux qui ont la chance de disposer d'un logement vivent trop souvent dans des lieux exigus ou insalubres.

Il y a trente ans, les CROUS disposaient de 100 000 logements pour 300 000 étudiants. Aujourd'hui, ils ne proposent que 50 000 logements de plus pour 2 200 000 étudiants ! Ils ne peuvent donc accueillir que 8 % des étudiants. Alors que les loyers explosent, 50 % des étudiants sont obligés de passer par le locatif privé.

Depuis 1998, le plan social étudiant a fait passer de 23 % à 30 % le nombre d'étudiants aidés. Cette progression est aujourd'hui stoppée alors que les détresses sont nombreuses.

Vous prétendez favoriser l'accompagnement social des étudiants, mais la frilosité de votre budget ne peut satisfaire ni les étudiants, ni la communauté éducative. Pourquoi ne pas relancer un plan social étudiant, instaurer un plan d'accès au logement étudiant ?

Une démonstration effective de l'enseignement supérieur suppose des moyens budgétaires pour assurer la gratuité de l'accès aux études, mais aussi assurer à tous les étudiants de réelles conditions de réussite.

Créer des passerelles entre les filières, soit. Mais il faut surtout instaurer un encadrement pédagogique et social de qualité, donc se donner les moyens financiers et humains de cette ambition.

Or, pour la première fois, aucun emploi d'enseignant ne sera créé cette année dans le supérieur. En 2003, 500 emplois avaient été créés et 1 000 en 2002.

111 créations d'emplois non enseignants sont prévues, alors que vous en aviez annoncé 125. Au titre de la résorption de l'emploi précaire sont inscrits 250 emplois non enseignants gagés sur les ressources propres des établissements. Cela ne coûte donc rien à l'Etat : ce sont les établissements qui financeront les promotions ultérieures de personnels ainsi titularisés.

L'université est entrée dans un processus d'harmonisation européenne. Il faudrait saisir cette occasion pour développer des coopérations inédites entre lieux de formation, laboratoires de recherche, entreprises innovantes et collectivités territoriales. Nous pourrions ainsi développer des réseaux associant aux projets, citoyens, syndicalistes, décideurs économiques et politiques, chercheurs et spécialistes de divers champs de savoirs et de compétences.

Le droit européen ne conteste pas le caractère public de nos services publics. Mais il s'attaque à tous les monopoles. A cet égard, la division des études en trois niveaux et l'autonomie des universités font bel et bien entrer les notions de concurrence et de rentabilité dans le vocabulaire universitaire. Partout en Europe, les mêmes logiques sont à l'_uvre : désengagement de l'Etat, hausse des frais d'inscription et entrée de capitaux privés. Les universités ne seront plus des agents au service d'un espace national d'éducation, mais des entités autonomes se livrant concurrence. Elles devront se placer sur le marché de l'offre de formation, et le projet de loi de modernisation des universités prévoit la création de conseils d'orientation stratégique dans lesquels siègeront ceux qui payent. Les collectivités et les entreprises paieront donc pour des formations adaptées à leur besoins propres.

La sectorisation n'existant plus, les universités devront se faire concurrence pour attirer les étudiants, ce qui entraînera une spécialisation à outrance de leurs diplômes. La professionnalisation inhérente à cette logique marchande s'accompagnera inéluctablement de l'abandon des filières non rentables pour l'entreprise : histoire, philosophie, lettres, arts, sociologie.

Vous allez ainsi casser l'égalité de dotation et la répartition des diplômes sur le territoire.

Pire : les universités seront autorisées à changer de statut pour pouvoir pratiquer légalement la sélection à l'entrée.

On pouvait attendre à la rentrée un débat sur l'enseignement supérieur, sur le modèle du « grand débat sur l'école ». Il s'est limité à une consultation réduite dans le temps, circonscrite à quelques interlocuteurs « choisis », et organisée par la conférence des présidents des universités. Le « colloque » du 9 octobre, « l'université française du XXIe siècle : la réforme nécessaire », qui a eu lieu dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, a clos ce simulacre de consultation, conçu sur le mode d'une action de lobbying, notamment auprès des parlementaires, pour faire valoir les positions des présidents et leurs intérêts. Il a été organisé en un temps record et en l'absence de la majeure partie de la communauté universitaire, notamment des étudiants.

Les besoins du développement humain, la nécessité d'anticiper pour permettre le renouvellement du patrimoine planétaire, lancent à l'enseignement supérieur des défis qui appellent de profondes réformes. L'organisation d'un débat sérieux sur l'avenir de l'enseignement supérieur est donc un impératif, sans quoi vous vous exposez à une confrontation légitime avec notre jeunesse.

Parce que votre politique met en péril l'avenir de l'enseignement supérieur public de notre pays, nous voterons contre ce budget.

M. Mansour Kamardine - Nous ne pouvons que nous réjouir, dans le contexte budgétaire actuel, de la hausse de près de 3 % des crédits de l'enseignement supérieur. Le pari de l'intelligence est capital, Monsieur le ministre, car c'est un pari sur l'avenir !

Les crédits de fonctionnement et d'investissement des établissements supérieurs enregistrent une augmentation de 10 %, qui permettra notamment d'amplifier les travaux de construction, de maintenance et de mise en sécurité des bâtiments universitaires.

Ce budget permettra également de tenir les engagements pris, notamment en matière de contractualisation avec les établissements et d'accompagnement social des étudiants.

Ce dernier point me tient particulièrement à c_ur, en tant qu'élu d'une collectivité d'outre-mer qui voit de plus en plus de ses enfants partir poursuivre des études supérieures à La Réunion ou en métropole. Cette mobilité de la jeunesse d'outre-mer est nécessaire, et j'ai salué en son temps la création du passeport mobilité par votre collègue de l'outre-mer. Mais je déplore que, faute d'établissements supérieurs à Mayotte, les Mahorais n'aient pas le choix et soient contraints à de très gros sacrifices pour financer les études supérieures de leurs enfants. 3 237 Mahorais sont partis l'année dernière poursuivre leurs études hors de Mayotte, l'augmentation très rapide de la population scolaire ne peut que faire progresser régulièrement ce chiffre.

Songez que Mayotte comptait 53 lycéens en 1981 et 4 219 aujourd'hui ! Le nombre des admis au baccalauréat général est passé de 212 en 2002 à 302 en 2003.

Le statu quo sur la question de l'implantation des filières universitaires serait donc très grave car à Mayotte, l'ascenseur social par le jeu des études supérieures ne peut pas fonctionner...

La seule structure qui pourrait s'apparenter à un établissement de formation supérieure est l'IFM, chargé de former les instituteurs mahorais, mais elle n'est plus adaptée. Nous attendons avec impatience la mise en place d'un IUFM calqué sur ceux de métropole. En effet, l'ancrage de Mayotte au sein de la République française ne fait plus débat et l'éducation ne doit plus être territoriale, mais nationale.

La nécessité de développer l'enseignement supérieur à Mayotte est reconnue par l'accord sur l'avenir de Mayotte du 27 janvier 2000. L'heure est donc venue de tenir cet engagement politique. Le volontarisme du Gouvernement et l'énergie que vous déployez doivent profiter aussi à Mayotte. Je vous remercie par avance de vos réponses et vous renouvelle mon total soutien, souhaitant que ce budget profite à l'ensemble de la jeunesse de France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - Je voudrais d'abord adresser mes remerciements les plus chaleureux aux rapporteurs pour leur excellent travail, qui me permettra d'être bref dans la présentation de ce budget. Je remercie également tous les orateurs de leur participation à ce débat quelles que soient les divergences entre nous.

Un budget n'est pas forcément bon parce qu'il augmente : un budget est bon quand il permet de mener une politique. Je le dis d'autant plus librement que ce budget des universités est en hausse de 3 %.

Monsieur Claeys, en considérant que c'est une augmentation en trompe-l'_il, vous commettez la même faute de logique que vos collègues socialistes qui se sont exprimés sur l'enseignement scolaire : d'un côté, vous enlevez l'effet en année pleine des hausses de l'année précédente, mais de l'autre, vous n'ajoutez que l'effet sur un tiers de l'année des mesures nouvelles inscrites dans ce projet. La comparaison ne peut se faire qu'à périmètre constant.

Monsieur Leteurtre, aux crédits d'investissement inscrits au PLF 2004, qui sont déjà en hausse de 15 % en crédits de paiement, il faut ajouter les crédits gelés en 2003 et reportés, soit 100 millions.

Première observation que je voudrais faire : depuis plus de vingt ans, nous dépensons relativement moins pour l'enseignement supérieur que pour l'enseignement scolaire. Nous procédons donc au redéploiement de 100 millions du second vers le premier, afin de corriger ce défaut particulièrement français, mais néanmoins assez largement partagé en Europe, qui nous place dans une situation difficile par rapport aux universités américaines.

Deuxième observation : toutes les analyses, en particulier celle du Conseil d'analyse économique, montrent qu'il nous faut non seulement investir davantage dans l'enseignement supérieur, mais au sein de celui-ci dans les niveaux supérieurs - c'est-à-dire dans le M et le D du LMD. Cela a été clairement dit au Conseil des ministres de Berlin il y a un mois et demi ; c'est en effet la condition des retombées en termes de croissance et de franchissement de la barrière technologique.

Enfin, je veux faire observer que l'université française est dans une situation inconfortable dans la mesure où l'autonomie n'est pas achevée. Ce mi-chemin entre la tutelle de l'Etat et l'autonomie est déresponsabilisant pour les universités ; le rapport qui m'a été remis par l'IGF et l'IGA sur leur gestion est de ce fait très critique.

Il faut donc faire un choix. Je propose celui d'une autonomie beaucoup plus grande des universités, et en même temps d'un engagement beaucoup plus fort de l'Etat.

Nous avons en effet décidé, dans la logique qui était déjà celle de mes prédécesseurs, d'aller résolument vers un espace européen d'enseignement supérieur, sachant que nous avons besoin, par rapport au modèle américain, d'un modèle concurrentiel et alternatif.

28 % des étudiants étrangers qui ne font pas leurs études dans leur pays d'origine vont aux Etats-Unis, 14 % au Royaume-Uni, 12 % en Allemagne et seulement 9 % en France. L'attrait de nos universités est donc insuffisante, et nous devons le développer.

C'est dans cette perspective que se situe l'avant-projet de loi qui est encore en discussion. Je rejoins pleinement Claude Goasguen quant à la nécessité de prendre le temps du dialogue.

C'est également dans cette perspective que nous allons installer mercredi prochain avec Dominique de Villepin le Conseil national pour la mobilité internationale des étudiants et que nous allons engager dans les trois mois qui viennent une réorganisation complète de la fonction internationale de mon ministère.

L'avant-projet de loi sur la modernisation des universités s'organise autour de trois axes, qui expliquent largement ce budget.

Le premier axe consiste en la réalisation du LMD, qui non seulement incite à la mobilité des étudiants en Europe, grâce à l'harmonisation des diplômes, mais renforce aussi le caractère national des diplômes français. Chaque diplôme doit en effet recevoir une habilitation nationale, délivrée par une commission unique. Cette nationalisation est un effet certes paradoxal, mais certain de l'harmonisation des diplômes européens.

Ensuite, autonomie des universités ne signifie en aucun cas désengagement de l'Etat, et le budget le prouve ! Quant à la privatisation, je vois M. Dutoit sourire... Il est vrai que parler de privatisation de Sciences-Po est une douce plaisanterie ! Les universités ne sont ni privatisées, ni régionalisées : au contraire, nous leur demandons de relever le défi de la concurrence des entreprises privées, notamment américaines. Soyons clairs : la marchandisation des services et de l'enseignement existe bel et bien ! Il y a, partout en Europe, des antennes de ces universités privées, et nous n'avons pas l'intention de les interdire. En revanche, nous voulons que le service public relève ce défi. L'autonomie, la responsabilité et la liberté des universités doivent leur permettre de résister à cette concurrence. Elles pourront mener une véritable politique scientifique et universitaire et constituer avec les autres universités européennes des réseaux et des pôles d'excellence plus attrayants et plus lisibles vus de l'extérieur, aidées par exemple par le programme européen Erasmus Mundus, qui vise les étudiants étrangers à l'Europe. La privatisation et la régionalisation sont des épouvantails qu'on agite pour pousser les étudiants dans la rue, mais elles sont totalement incompatibles avec notre projet. Il a été réaffirmé à Berlin que l'enseignement supérieur est un bien public et une responsabilité publique, et la France a même réussi à faire inscrire dans le communiqué, malgré l'opposition initiale de la Grande-Bretagne, qu'en cas de conflit entre des intérêts commerciaux et des intérêts universitaires, ces derniers devraient prévaloir.

Dernier grand axe : contrairement aux rumeurs qui ont été répandues pour faire peur aux étudiants, nous voulons permettre aux petites universités de résister à la concurrence que la mondialisation nous impose en mutualisant leurs moyens, sur une base volontaire et contractuelle. Les universités de Strasbourg, justement parce qu'elles sont frontalières, ont ainsi choisi de s'associer sans la moindre pression du ministère. Cette politique ne vise donc en rien à réduire le nombre de sites universitaires, mais à conforter les petites universités.

L'autonomie des universités suppose une évaluation non seulement de leur qualité, mais de leur gestion. Le communiqué de Berlin recommande à ce propos l'instauration d'une évaluation internationale. Elle suppose aussi un gros effort d'accompagnement des étudiants. Depuis début septembre, je réunis régulièrement les quatre principales organisations étudiantes pour progresser en matière d'accompagnement social, de démocratie étudiante et de logement. Le député Anciaux nous remettra dans les prochaines semaines des propositions sur ce dernier sujet. Les étudiants ne s'y trompent pas, alors que ce sujet avait été aussi mal traité dans les dernières années que celui des bâtiments universitaires.

Je terminerai par une énumération rapide des principales mesures de ce budget. Les mécanismes d'incitation à la recherche privée sont refondus : le crédit d'impôt-recherche est augmenté de 440 millions. Un fonds pour la recherche, doté dès 2004 de 150 millions, est créé. Les crédits de fonctionnement et d'investissement connaissent une très forte augmentation : ce choix supposait de faire moins d'efforts de création de postes, et nous l'assumons, d'autant qu'il a été très bien reçu par les présidents d'université. Les équipes de direction et d'encadrement seront renforcées.

L'enseignement supérieur privé fait l'objet d'un effort très important s'élevant à 5 millions. Les crédits consacrés aux rémunérations sont loin d'être négligeables. Les étudiants vont bénéficier de 6 000 bourses de mobilité supplémentaires. Des mesures s'adressent spécifiquement aux étudiants et jeunes chercheurs, en particulier la revalorisation du taux des bourses de 1,5 % dès la rentrée 2004, les allocations et les dotations aux _uvres universitaires et scolaires. Enfin, les établissements d'enseignement supérieur recevront les moyens de payer les charges sociales afférentes à 300 bourses de thèse dont la rémunération est servie par des tiers.

Ce budget marque donc une rupture avec les précédents. Il reflète des choix parfaitement assumés et qui sont, pour le moins, clairement exposés. Ces choix trouveront leur aboutissement dès cette année, je l'espère, avec la loi sur la modernisation des universités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

QUESTIONS

M. Antoine Herth - Monsieur le ministre, vous avez cité des pourcentages, mais pourriez-vous préciser le nombre des étudiants étrangers en France et des étudiants français qui partent ? Comment comptez-vous encourager ces départs ?

Par ailleurs, des zones géographiques sont-elles privilégiées dans ces échanges ? Je pense en particulier aux pays d'Afrique, qui sont traditionnellement proches de nous, ne serait-ce que par la langue, ou à ceux qui vont bientôt rejoindre l'Union européenne : l'échange d'étudiants permettrait de nouer des liens étroits avec ces régions.

Enfin, M. Hénart a évoqué les liens qui doivent être mis en place avec l'enseignement supérieur agricole. Je puis lui dire que des démarches sont faites dans ce sens, et je me réjouis que ce soit une volonté forte de votre ministère.

M. le Ministre - Nous accueillons 181 000 étudiants étrangers, et 35 000 des nôtres sont à l'étranger. Les pourcentages que je vous ai cités tout à l'heure - 9 % seulement des étudiants hors de leur pays choisissent la France - montrent les efforts que nous avons à accomplir, qui se divisent à mon avis en quatre actions. Il faut d'abord améliorer l'accueil matériel, notamment le logement des étudiants. Nous avions prévu la réhabilitation de 7 000 logements étudiants par an. Les travaux ont pris du retard l'année dernière, mais les crédits sont là. Nous avons tout de même réussi à réhabiliter 4 000 logements, soit deux fois plus que la moyenne des cinq années précédentes ! Il faut également améliorer l'accueil psychologique des étudiants. Les étrangers qui arrivent dans nos établissements sont perdus, surtout si l'on compare avec les Etats-Unis ou le Canada, où les étudiants sont totalement pris en charge, voire maternés. Troisième action : rendre nos diplômes plus lisibles, et ce sera le grand bénéfice de l'harmonisation et de la mise en place du LMD. Enfin, il faut choisir les étudiants que nous voulons voir venir. Il ne s'agit en aucune façon d'établir des quotas, mais de cibler nos actions pour encourager les échanges avec les pays avec lesquels nous avons passé des accords pour créer des formations communes, comme c'est le cas avec l'Allemagne ou la Russie. Aucun outil n'existait pour cela, et je me réjouis de la création du Conseil national pour la mobilité des étudiants, qui formulera des propositions sur cette question.

M. Victorin Lurel - Ma question porte sur les nouveaux moyens alloués à l'université Antilles-Guyane (UAG). Votre budget, Monsieur le ministre, après avoir fortement diminué en 2003, augmente en 2004 de 1,5 % en volume, ce qui ne permettra assurément pas de conduire une politique ambitieuse, ni en tout cas de combler les manques, que je pourrais qualifier d'abyssaux, de l'UAG. Après la grève particulièrement dure qui a eu lieu dans l'établissement à la rentrée 2002, alors qu'il se trouvait en cessation de paiement, quelques moyens supplémentaires, hélas bien insuffisants, ont été débloqués. Mais aucun des grands maux dont souffre notre université n'est guéri.

Tous les projets de recherche, excepté ceux qui bénéficient d'un financement communautaire, sont bloqués. La dotation globale de fonctionnement n'a pas été réévaluée, ce qui interdit toute possibilité d'investissement structurant. Ainsi même quand l'université aura assaini ses finances, demeurera le problème de son attractivité. Après les quelques mesures d'urgence obtenues de haute lutte, quels moyens de rattrapage, à la fois financiers et humains, le Gouvernement compte-t-il accorder à l'UAG pour en faire le pôle d'excellence qu'elle devrait être pour former les cadres des départements français d'Amérique ? J'attends avec impatience votre réponse.

M. le Ministre - S'agissant des structures, nous avons promis l'autonomie du site de Guyane, laquelle sera effective dès le 1er janvier 2004. Pour le reste de l'université, nous avons demandé au conseil d'administration de nous faire des propositions. Nous les attendons. Pour ce qui est des emplois, l'effort de l'Etat n'est pas négligeable puisque nous avons créé neuf emplois d'enseignants-chercheurs et stabilisé 54 emplois précaires d'IATOS. Sur le plan budgétaire, l'université Antilles-Guyane est l'exemple même des conséquences potentielles d'un déficit d'encadrement. Le budget 2004 prévoit d'augmenter les crédits de fonctionnement et d'investissement de l'université, et d'y renforcer l'encadrement.

M. Jean-Pierre Blazy - Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la réforme des droits de scolarité lancée en mai dernier à l'Institut d'études politiques de Paris et entérinée mardi dernier par le conseil d'administration de la FNSP. Alors que les droits s'élèvent aujourd'hui à 1 050 €, avec le nouveau système, ils pourront atteindre jusqu'à 4 000 € pour les étudiants des familles les plus aisées.

Le directeur de l'IEP, M. Descoings, justifie sa réforme en expliquant que son établissement a besoin de moyens pour « participer à la compétition internationale entre les établissements d'enseignement supérieur », ce qui ne l'empêche pas, paradoxalement, d'invoquer la justice sociale et d'assurer que cette réforme « permettra une meilleure redistribution au sein de l'établissement ». L'argument ne tient pas. Au contraire, cette réforme interdit toute démocratisation réelle de l'IEP car elle suppose une stabilité du nombre d'étudiants issus de milieu aisé. En effet, si l'origine sociologique des étudiants de l'IEP était à l'image de la société française - ce qui est loin d'être le cas -, cette réforme ferait perdre de l'argent à l'établissement par rapport à la situation actuelle ! Cette réforme n'est donc pas celle qu'elle prétend être, ayant des implications bien au-delà de l'IEP. Le directeur explique d'ailleurs, sans s'en cacher, qu'il faut « briser en France le tabou de la gratuité de l'enseignement supérieur » et qualifie son projet « d'expérience innovante pour le système éducatif français.» Sans doute souhaite-t-il montrer la voie aux universités. Vous-même, Monsieur le ministre, avez qualifié cette réforme de « courageuse », ajoutant qu'il faudra « un jour se poser la question des droits d'inscription à l'université », tout en vous défendant bien sûr d'y penser pour l'instant. Est-il cohérent de juger courageuse l'augmentation des frais de scolarité à l'IEP et d'assurer que le principe de cette réforme ne sera pas étendu aux universités ? Quelle place entendez-vous donner à la contribution financière des étudiants d'une manière générale ?

M. le Ministre - Je maintiens que la réforme engagée à l'IEP est courageuse, et tout à fait légitime concernant cet établissement. C'est en expliquant, à juste titre, qu'équité et égalité ne sont pas la même chose, que M. Descoings l'a fait admettre par une large majorité des étudiants. Mais ce qui vaut pour l'IEP ne vaut pas pour les universités, qui ne sont pas du tout dans la même situation et où existerait un réel risque de dérapage. En, effet, celles-ci pourraient être tentées de rechercher les étudiants des familles les plus aisées pour financer leur fonctionnement. Et cela, nous ne le voulons pas. Je regarde donc avec intérêt l'expérience conduite à l'IEP, mais n'ai, soyez-en assuré, aucune arrière-pensée et n'envisage pas qu'elle soit étendue. J'avais d'ailleurs promis que les droits d'inscription n'augmenteraient pratiquement pas à l'université à cette rentrée, ce qui a bien été le cas, puisque l'augmentation, de 3 % à 5 %, a été la plus faible de ces dix dernières années. Ceux qui ont prétendu sur les campus que la réforme en cours à l'IEP conduirait prochainement dans les universités à une situation à l'américaine, où les frais de scolarité peuvent s'élever à 15 000 €, ne faisaient que brandir un épouvantail pour faire descendre les étudiants dans la rue !

M. Olivier Jardé - L'université d'Amiens a d'ores et déjà adapté ses cursus pour les harmoniser avec le cursus européen, dit LMD. Quand celui-ci sera-t-il appliqué dans toutes les universités ?

M. le Ministre - Il est difficile de répondre avec précision en raison même de l'autonomie dont disposent déjà les universités. Vingt universités ont adopté dès cette année le nouveau système, et notre pays est sur ce point plutôt en avance par rapport à ses voisins européens. On peut raisonnablement envisager que toutes les universités soient passés au cursus LMD en 2006 ou 2007, peut-être même avant. La moitié d'entre elles devraient l'avoir fait en 2005. Certains problèmes demeurent néanmoins. Il faut notamment veiller à ce que la mise en place du cursus LMD ne se fasse au détriment de certains diplômes nationaux bac+2, en particulier ceux des IUT, ou bac+4.

M. Claude Leteurtre - Grâce au plan Handiscol, de nombreux handicapés ont pu accéder à l'université, où, hélas, les locaux, souvent vétustes, ne leur sont guère accessibles, sans même parler des problèmes de logement. Est-il prévu, parmi les crédits de construction et de rénovation, une enveloppe spécifique pour un aménagement des locaux pour les handicapés ? Et, d'une manière générale, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour faciliter l'intégration des étudiants handicapés dans les universités comme dans les grandes écoles ?

M. le Ministre - Le sujet me tient particulièrement à c_ur alors que l'année 2004 a été déclarée année européenne du handicap et alors que le Président de la République a fait de la scolarisation et de l'intégration des handicapés l'une des priorités de son quinquennat. On dénombre aujourd'hui un peu plus de 7 500 étudiants handicapés. En raison même de l'autonomie dont disposent les universités, l'Etat ne peut qu'octroyer des crédits, il n'est pas responsable lui-même de l'accueil. Nous avons notamment prévu une aide à la création d'un guichet unique d'accueil et d'aide pour les étudiants handicapés dans chaque université. Toute une série d'actions sont par ailleurs conduites, en partenariat avec des associations comme Anima Fac, pour améliorer cet accueil. Ces associations sont subventionnées non pas sur le budget de l'enseignement supérieur, mais sur celui de la jeunesse.

M. Frédéric Dutoit - Monsieur le ministre, vous avez cet été augmenté les droits d'inscription à l'université, le prix des tickets de restaurant universitaire et la cotisation de sécurité sociale des étudiants. Vous avez fort heureusement abandonné la réforme, un temps envisagée, de l'allocation logement pour les étudiants vivant en couple. Un tiers des étudiants ne vivant plus chez leurs parents jugent leurs ressources insuffisantes et souhaiteraient être plus autonomes sur le plan financier. Plus des trois quarts des étudiants exercent une activité rémunérée parallèlement à leurs études, ce qui nuit à celles-ci. Le plan social étudiant de 1997 tendait à créer les conditions d'une meilleure reconnaissance de la place des étudiants dans la société, en leur procurant les moyens d'une plus grande indépendance.

Les récentes mesures gouvernementales remettent en cause l'effort national impulsé par ce plan. Vous avez ensuite ouvert une concertation sur l'accompagnement social des étudiants, mais rien ne pourra aboutir sans moyens supplémentaires.

Comment comptez-vous lutter concrètement contre la précarité et la pauvreté des étudiants ?

M. le Ministre - L'augmentation des droits d'inscription est la plus faible depuis dix ans.

Sur l'accompagnement social des étudiants, nous avons créé un groupe de travail que j'ai encore réuni personnellement avant-hier, et je retrouve quatre organisations étudiantes sur ce thème dans dix jours, pour évoquer l'iniquité du dispositif actuel d'aide sociale aux étudiants.

Il y a deux sujets lourds à traiter : d'abord, l'aide au logement étudiant ne bénéficie que très peu à ceux qui en ont le plus besoin, alors qu'elle est très généreuse là où les étudiants sont les plus riches ; il faut y remédier. Ensuite, un débat divise les organisations étudiantes pour savoir si l'aide sociale doit aller aux familles ou aux individus, avec les conséquences fiscales et budgétaires que cela entraîne.

On peut avancer plus vite, et nous le faisons, sur l'implantation de cellules d'aide au logement étudiant dans toutes les académies, sur le déblocage plus rapide de bourses ou sur l'augmentation du nombre des prêts d'honneur.

Vous le voyez, il est des questions qui demandent un travail approfondi, d'autres sur lesquelles des décisions seront prises dans les prochaines semaines.

Mme la Présidente - Nous avons terminé les questions. J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Jeunesse, éducation nationale et recherche » : « enseignement supérieur ».

ÉTAT B - TITRE III

M. le Rapporteur spécial - La commission des finances s'était souciée, comme Alain Claeys, de préparer le renouvellement des effectifs d'enseignants-chercheurs et de renforcer l'attractivité de la carrière. L'amendement 86 tendait à ce que le budget pour 2004 affiche un symbole fort en direction des maîtres de conférences, de sorte que 10 % d'entre eux figurent en hors classe. D'autre part, il nous paraissait souhaitable de maintenir la proportion de 31 % de professeurs dans l'ensemble des enseignants. Le coût de la mesure s'élevait à 818 866 €. L'article 40 oblige aujourd'hui la commission des finances à supprimer la dépense, mais elle ne peut rien compenser.

Par bonheur le ministre a déposé un amendement qui nous donne toute satisfaction, puisqu'il permet d'affecter la somme en question conformément aux souhaits de la commission !

C'est pourquoi je retire l'amendement 86.

M. le Ministre - L'amendement 176 reprend la proposition exposée par M. Hénart, qui permet de repyramider le corps des maîtres de conférences et de maintenir le rapport du nombre des professeurs par rapport à celui des maîtres de conférences.

M. le Rapporteur spécial - Avis bien entendu favorable.

M. Frédéric Dutoit - Je m'abstiendrai sur cet amendement.

L'amendement 176, mis aux voix, est adopté.

Les crédits du titre III de l'état B modifiés, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits du titre IV.

Les crédits des titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, concernant l'enseignement supérieur.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 10.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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