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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 34ème jour de séance, 86ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 3 DÉCEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2003 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 17

      ARTICLE PREMIER 25

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 4 DÉCEMBRE 2003 30

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2003

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003.

M. Nicolas Perruchot - Le projet de loi de finances rectificative pour 2003 démontre la difficulté exceptionnelle de la situation des finances publiques, avec un déficit historique de quelque 54 milliards et, au total, un besoin de financement des administrations publiques qui représente 4 % de la richesse nationale et 25 % des recettes de l'Etat, qui vit donc à crédit trois mois par an.

Je ne reviendrai pas sur les causes évidentes de cette situation, qui sont la gestion du précédent gouvernement et le contexte économique mondial, mais je souhaite que notre majorité assume pleinement ses responsabilités en menant à bien les grandes réformes nécessaires. La réforme des retraites a été engagée, mais il reste beaucoup à faire. S'agissant de l'assurance maladie, le Gouvernement a, contre l'avis du groupe UDF, reporté la réforme qui est pourtant des plus urgentes. Il faut, aussi, accélérer la réforme de l'Etat pour le rendre à la fois plus efficace et plus économe. Enfin, le groupe UDF considère que la relance de la croissance imposera inévitablement de réformer en profondeur les 35 heures. Toutes ces réformes sont indispensables car, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

Le Gouvernement - et particulièrement le ministre délégué au budget, auquel je rends hommage - a réussi à maîtriser la dépense en la contrôlant en permanence. Cela a conduit au gel de 6 milliards de dépenses. Qu'en penser ? Ces gels traduisent-ils une saine gestion ? Doit-on, comme le font nos collègues socialistes et communistes, dénoncer un plan de rigueur ?

Le groupe UDF estime nécessaire l'effort du Gouvernement, et reconnaît qu'il a su maîtriser le taux de progression de la dépense qu'il s'était fixé malgré l'apparition de dépenses nouvelles. Cette rigueur de gestion est l'une des conditions de la justice sociale, puisque les déficits d'aujourd'hui seront les impôts de demain, et que ces impôts pèseront inévitablement sur le coût du travail et, au premier chef, sur le coût du travail le moins rémunéré, sur ces bas salaires que nos collègues socialistes prétendent défendre. Il est donc étrange d'entendre accuser le Gouvernement de rigueur comme si cette rigueur était un mal !

Le groupe UDF regrette cependant de ne pas avoir été entendu lorsqu'il affirmait le décalage entre la prévision de croissance retenue - 2,5 % - dans le projet de loi de finances initiale et la réalité. De fait, la croissance sera d'à peine 0,5 %. Nos remarques auraient-elles été prises en compte que l'Assemblée aurait examiné le budget plus sérieusement, et que le gel des crédits aurait été limité. Nous aurions pu faire les choix qui s'imposaient, et l'on aurait bien compris qu'une seule voie était possible : celle de la réforme.

Malheureusement, le Gouvernement ne nous a pas écoutés et les recettes s'effondrent, ce qui induit ce déficit record...

M. Didier Migaud - Historique !

M. Nicolas Perruchot - ...que les générations futures nous reprocheront à juste titre.

J'en viens aux mesures contenues dans le texte. L'article premier prévoit un prélèvement exceptionnel sur les organismes agricoles et en particulier sur Arvalis. Or, cet institut mutualise la recherche agricole, qui tend à améliore la compétitivité et la qualité de notre agriculture. Or, le Gouvernement institue un prélèvement exceptionnel de 79 millions sur les boni de liquidation dévolus à cet organisme. Le groupe UDF est opposé à cette mesure, car la recherche agricole française doit continuer de se caractériser par son dynamisme.

La profession a su s'organiser en toute indépendance et de façon exemplaire pour développer des organismes de recherche mondialement reconnus. L'Etat, afin de trouver des financements, pourtant négligeables, ne saurait mettre en péril un tel modèle de développement. Ce prélèvement pourrait provoquer l'interruption de programmes de recherche fondamentaux pour l'avenir. Ces prélèvements touchent en outre la filière céréalière, déjà très durement affectée par la canicule de cet été et par les prélèvements passés.

La commission des finances a adopté des amendements limitant partiellement ce prélèvement. Nous souhaitons aller plus loin et obtenir qu'il soit, en toute justice, au moins égal à la part de l'actif équivalente à la taxe parafiscale, soit 45 millions. Cela garantirait la pérennité des programmes de recherche et respecterait l'équité. Le groupe UDF propose aussi des solutions pour trouver les trente millions manquants. Nous espérons que le Gouvernement saura entendre la majorité sur ce point.

Notre groupe est aussi particulièrement attentif à la fiscalité des biocarburants. Cette filière doit être fortement encouragée car elle permettra à terme d'accroître notre indépendance stratégique tout en contribuant à la préservation de l'environnement. Nous proposons donc d'étendre les avantages prévus à l'incorporation directe d'éthanol.

Le groupe UDF salue les efforts du Gouvernement pour maîtriser la dépense, même s'il regrette les choix faits l'an passé en ce qui concerne les hypothèses de croissance. S'agissant des mesures budgétaires et fiscales nous souhaitons que le Gouvernement nous entende sur les deux points que je viens de soulever. La commission des finances a voté des amendements à ce propos, si l'Assemblée les adoptait nous aurions satisfaction et nous voterions ce texte.

M. Jean-Claude Sandrier - Ce projet nous donne l'occasion de nous pencher sur un nouvel record battu par le Gouvernement, celui du déficit public, qui atteindra 56 milliards à la fin de l'année : 11 milliards de plus que prévu, 4 % du produit intérieur brut !

Face à cette situation particulièrement préoccupante, vous usez de l'argument de l'héritage. La ficelle est bien grosse ! Ce déficit est la conséquence de vos choix politiques.

Ainsi, les recettes sont inférieures de 10 milliards aux prévisions de la loi de finances initiale. Cette moins value est liée à l'écart entre la prévision et la croissance effectivement constatée : vous aviez parié sur 2,5 %, vous avez perdu puisque la France frôlera la récession, avec un PIB n'augmentant que d'à peine 0,2 %, vous en êtes bien responsables !

La loi sur l'initiative économique, les lois de finances, les collectifs ont été autant d'occasion de multiplier les cadeaux fiscaux pour les hauts revenus, sans contrepartie en terme d'emplois, puisque le chômage continue à augmenter.

Nous avons dénoncé les critères de Maastricht, notamment la sacro-sainte règle de la limite du déficit public, non que nous soyons des champions du déficit, mais parce qu'en période difficile, cette règle supprime les possibilités de relance keynésienne. Car il y a déficit et déficit : celui que vous créez en multipliant les cadeaux fiscaux aux plus aisés est injuste socialement et inefficace économiquement. Vous rendez d'ailleurs un hommage involontaire à ceux qui ont combattu le traité de Maastricht, ses critères, sa Banque centrale européenne uniquement axés sur les rendements financiers au détriment de l'emploi et de la croissance.

Face à tant d'échecs et de désillusions, vous croyez avoir trouvé deux motifs de satisfaction. Ainsi, vous vous félicitez d'avoir su contenir la dépense dans les limites prévues par la loi de finances initiale. Mais à quel prix ? Ou plutôt au prix de quelles difficultés pour les plus modestes. Vous avez annulé 5,7 milliards de crédits. Ayez donc le courage de dire aux Français que vous avez ainsi supprimé 50 % des crédits pour la sécurité maritime et 30 % des crédits de recherche de l'IFREMER. De même, 7 milliards de crédits non consommés sont gelés, sur un total de 11,3 milliards de reports. Et vous prévoyez de nouveaux gels dès janvier 2004 ! Le montant des annulations est énorme et les 4 milliards d'euros ouverts apparaissent bien modestes, d'autant qu'ils couvrent des dépenses obligatoires. Comme la prime de Noël, les dépenses sociales, la compensation des pertes liées à la sécheresse.

La rigueur budgétaire a entraîné des coupes dommageables dans les budgets du logement, de la recherche, des transports, de la culture, de la jeunesse, des infrastructures, bref dans tout ce qui dynamise un pays, une économie... et les engagements pris récemment vis-à-vis de l'Union européenne nous font craindre, une fois les élections passées, des lendemains qui déchantent.

Sur la façon dont vous allez réduire ce déficit, pas un mot, pas une explication, que vous devez pourtant à nos concitoyens.

Le Gouvernement avance un deuxième motif de satisfaction : après avoir annoncé, tous les mois, depuis un an, que la reprise n'était qu'une question de semaines, certains indicateurs donneraient un semblant de crédit à vos allégations : le nombre de créations d'entreprises aurait augmenté, la reprise aux Etats-Unis aurait des effets entraînants sur l'économie mondiale, la consommation des ménages français demeurerait solide.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Espérons !

M. Jean-Claude Sandrier - L'enthousiasme du Gouvernement mérite pourtant d'être tempéré. En effet, la croissance américaine est faiblement créatrice d'emplois et aucun analyste ne juge qu'un tel rythme puisse être soutenu : l'absence de réaction des investisseurs est significative... En outre, les effets d'une reprise US sont toujours relativement faibles pour la France.

Par ailleurs, la consommation des ménages ne semble pas aussi solide qu'on le prétend. L'environnement général s'est considérablement dégradé. « Le pouvoir d'achat ralentit, l'inflation ne fléchit pas, le chômage poursuit sa progression, la confiance des ménages n'arrive pas à se redresser », note justement Nicolas Claquin, économiste du CCF. Attitude sans précédent depuis 1998, les Français compteraient dépenser 30 % de moins pour les fêtes que l'an dernier.

Mais vous avez trouvé un nouvel alibi à vos déboires : la France serait un pays insuffisamment compétitif et attrayant pour cause de réglementations rigides et pénalisantes.

M. le Ministre délégué - C'est très vrai !

M. Jean-Claude Sandrier - « Améliorer la compétitivité de nos économies nationales pour attirer la croissance », selon la formule du Président de la République à Auxerre, le 16 septembre dernier, devient une véritable obsession. L'article 17 de ce projet, qui prévoit des mesures fiscales dérogatoires en faveur des cadres « impatriés » en est l'illustration symbolique.

Pourtant, rien n'interdit de rompre avec cette obsession de la compétitivité : c'est une question de choix politique, économique et idéologique. Car cette obsession, qui conduit à remettre en cause les conquêtes sociales, a des conséquences dramatiques : destruction des services publics ; contre-réforme des retraites ; attaques contre la sécurité sociale, chômage, précarité.

Selon la pensée unique, compétitivité rime avec baisse du coût salarial et compression des dépenses sociales. Selon ces critères, la France serait bien en déclin et mériterait la douzième place pour le revenu par tête au sein de l'Union.

Pourtant, selon un récent rapport du Conseil d'analyse économique intitulé Compétitivité, le niveau de vie des Français ne se distingue pas fondamentalement de celui des autres grands pays de l'Union européenne et la recherche effrénée d'une amélioration de la compétitivité et des prix par une dépréciation du change entraîne une perte de pouvoir d'achat du revenu national en monnaie internationale : vendre moins cher n'enrichit pas la nation. Ce rapport constate que, dans un environnement international peu porteur, la France a bénéficié en 2002 d'une augmentation des flux d'investissements directs entrants, contrairement aux autres pays industrialisés, et devrait encore améliorer sa position de quatrième pays d'accueil des flux d'investissements au sein de l'OCDE. Voilà qui fait voler en éclats une idée reçue en montrant que la fiscalité française sur les hauts revenus n'est pas défavorable. Toujours selon les auteurs de ce rapport, « le taux de pression fiscale est largement compétitif jusqu'à 300 000 € de revenus annuels bruts imposables, quelle que soit la structure familiale du salarié. Le régime français d'imposition des stock-options est aussi assez favorable, dans la moyenne des autres pays européens ».

Monsieur le ministre, permettez-moi de citer à nouveau cet éminent prix Nobel d'économie, américain, ancien conseiller du Président Clinton : M. Stiglitz. Dans son dernier livre Quand le capitalisme perd la tête, il tire les leçons de ce capitalisme pur et dur :...

M. le Ministre délégué - Vous aimez l'Amérique...

M. Jean-Claude Sandrier - ...« Nous avons perdu de vue le juste rôle de l'Etat. Depuis vingt ans, la politique économique nationale a été orientée par des idéologies du libre marché qui idéalisaient le secteur privé et diabolisaient les programmes et les réglementations de l'Etat... On sait depuis longtemps que les marchés ne sont pas capables de s'autoréguler ». Les communistes ne sauraient mieux dire. Je poursuis la citation : « Il y a eu de bons investissements dans le privé comme dans le public, mais, dans le secteur privé, trop de capitaux ont été gaspillés... On ne sait toujours pas jusqu'à quel point l'investissement privé des années 1990 a été du pur gaspillage... Le chiffre doit se situer dans les centaines de milliards de dollars. Nous avons trop peu investi, en revanche, dans les besoins publics vitaux : l'éducation, les infrastructures, la recherche ». Enfin, à la page 51 de son livre, ce prix Nobel dénonce « l'économie vaudoue de Reagan qui croyait qu'en réduisant les impôts, on pouvait augmenter les recettes de l'Etat... » Ne pensez-vous pas que nous pourrions gagner du temps en évitant de refaire les mêmes erreurs ?

En définitive, la question n'est pas de travailler plus et plus longtemps, comme le ministre des affaires sociales le prétend, mais de travailler mieux. Pour cela, il faut se redonner les moyens de mener une politique volontariste. Les quelque 20 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales patronales pourraient, par exemple servir à doter utilement un fonds national et décentralisé pour l'emploi, la formation et les nouvelles technologies. Ce fonds accorderait des bonifications d'intérêt sur les crédits pour les investissements des entreprises, dont les taux seraient d'autant plus bas que les investissements s'accompagneraient de créations d'emplois et de formation.

Avant de conclure, j'insiste sur l'urgence qu'il y a à adopter un amendement destiné à réparer un des effets les plus pervers de la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Aux termes de cette loi, les dons aux associations, quelles qu'elles soient ouvrent droit à une réduction d'impôt de 60 %, jusqu'à présent réservée aux seuls versements effectués au profit d'organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent à la fourniture gratuite de soins. Pour les autres associations, le taux de réduction était de 50 %.

Les Restos du c_ur craignent une baisse des dons, qui pourrait avoir des effets dramatiques. C'est pourquoi les élus communistes et républicains défendront un amendement qui porte le taux de la réduction d'impôt à 70 % pour les versements effectués au profit d'associations qui, comme les Restos du c_ur, interviennent dans le domaine de l'urgence.

Mais apparemment, vous pensez davantage à faire bénéficier d'une amnistie fiscale les détenteurs de fonds illégalement placés à l'étranger qui les rapatrieraient en France. Vous vous êtes défendu tout à l'heure à ce sujet, Monsieur le ministre, mais jusqu'à preuve du contraire, quand on parle d'amnistie, c'est à propos de coupables, pas d'innocents ! Quand on prétend faire respecter les valeurs de la République, on n'accorde pas l'amnistie fiscale aux voyous financiers de la France d'en haut tout en refusant à la France d'en bas l'exonération fiscale des dons de solidarité.

Bien entendu, nous voterons contre ce projet de loi qui favorise les nantis et pénalise la majorité de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Bouvard - Le collectif budgétaire de fin d'année est l'occasion de faire le point sur l'exécution du budget en cours en même temps que d'acter les mesures d'ajustement nécessaires.

Il y a un an, Monsieur le ministre, vous nous disiez votre attachement au respect de l'autorisation parlementaire. Aujourd'hui, nous constatons avec satisfaction que le plafond des dépenses autorisées par le Parlement est strictement respecté.

Il s'agit là d'une étape importante dans la maîtrise de la dépense publique, indispensable pour notre crédibilité vis-à-vis tant de nos concitoyens que de nos partenaires européens. Malheureusement, l'insuffisance de recettes ne nous permet pas de contenir le déficit. Il n'en reste pas moins que la situation est stabilisée.

Je veux, Monsieur le ministre, vous donner acte du respect scrupuleux de la procédure adoptée dans le cadre de la LOLF concernant l'information du Parlement sur les mesures d'annulation et de gel. Cela étant, je souhaite qu'à l'avenir, ces mesures s'appliquent avec plus de discernement, en particulier quand elles concernent des crédits d'investissement et qu'elles risquent de bloquer des opérations cofinancées par les collectivités locales, voire par des fonds européens.

Pour autant, ces mesures étaient nécessaires. D'abord, pour les crédits de report, car je rappelle que la LOLF fixe à 3 % le volume des crédits de report de chaque programme. Elles l'étaient aussi pour assurer les redéploiements indispensables à la prise en compte des aléas climatiques et des besoins sociaux. D'ailleurs, M. Fillon s'était engagé à adapter les moyens de la politique de l'emploi à la conjoncture économique. C'est ainsi que le chapitre 44-70 a augmenté de 6,17 % afin d'accroître les entrées en CES et en CIE, ce dernier dispositif ayant d'ailleurs été reconnu par la DARES comme un sas vers un emploi durable. Les crédits du RMI ont quant à eux augmenté de 9,8 % ce qui permet de ne pas clôturer l'exercice avec une dette au moment même où la décentralisation du dispositif vers les conseils généraux fait l'objet d'un projet de loi en discussion au Parlement.

M. François Goulard - Très bien !

M. Michel Bouvard - Ce même souci de transparence conduit à prendre en compte la réalité des dépenses de l'aide médicale d'Etat.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Nous rompons là avec des pratiques coupables !

M. Michel Bouvard - Je note également avec satisfaction la disparition de cinquante taxes parafiscales. Cela répond à l'objectif de simplification - l'intégration dans le budget des garanties accordes par la CDC - ce qui permet de mieux mesurer les risques encourus par les finances publiques. Cette présentation permet de voir ce qu'il en fut des engagements pris par le gouvernement de l'époque en faveur du deuxième parc d'Eurodisney et de comparer avec l'engagement de l'actuel gouvernement pour la sauvegarde de nos capacités industrielles. Je pense en particulier au plan de sauvetage du groupe Alstom, ô combien nécessaire dès lors qu'on ne veut pas s'en tenir à des incantations sur la désindustrialisation de l'Europe.

C'est ce même souci de conforter l'économie de notre pays qui amène le Gouvernement à encourager, par des mesures en faveur des impatriés, le retour à encourager, par des mesures en faveur des impatriés, le retour des centres de décision et de recherche. Vous permettrez à un élu voisin de la Suisse et de l'Italie de s'en féliciter.

La suppression de la taxe sur l'hydroélectricité répond également à un engagement que vous aviez pris devant nous il y a un an. Elle est conforme à notre volonté commune de privilégier l'énergie propre ainsi qu'à l'intérêt industriel du pays.

Dans quelques jours, Monsieur le ministre, vous remettrez la maquette des missions des programmes et des actions qui doivent constituer l'architecture future du budget de l'Etat, conformément à la LOLF. Certaines attentes n'ayant pas encore été satisfaites, je souhaite, Monsieur le ministre, que le dialogue avec la commission des finances - ainsi qu'avec les rapporteurs des autres commissions - se poursuive. Sachant votre attachement à une réforme que vous avez portée, je ne doute pas que vous aurez à c_ur d'en faire non seulement un outil de transparence budgétaire - comme en témoigne l'exécution de la loi de finances pour 2003 - mais aussi de rénovation du rôle du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Emmanuelli - On vous a connu plus inspiré, Monsieur Bouvard !

M. Jean-Louis Dumont - Suppléant M. Balligand, je voudrais souligner quelques contradictions dans la politique du Gouvernement. J'entends sans cesse parler de rigueur et de la nécessité de maîtriser la dépense publique, mais on nous présente aujourd'hui une loi de finances rectificative qui entérine un important déficit. Nos ministres ont déployé tout leur talent, ils en ont, votre majorité n'en doute pas, leurs convictions. On peut leur faire crédit sur ce point (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Néri - Pas trop de crédit !

M. Jean-Louis Dumont - Vos collègues européens, Monsieur le ministre, ne paraissent pas considérer que les propositions de la France et, plus graves, celles du couple franco-allemand, méritent une attention particulière. Je relève chez vous un manquement évident aux règles européennes. Vous nous parlez de rigueur budgétaire pour l'avenir, mais c'est le laxisme que nous constatons aujourd'hui.

M. le Ministre délégué - Vous êtes favorable à la diminution des dépenses ou à l'augmentation des recettes ?

M. Jean-Louis Dumont - J'ai écrit dans mon rapport, que peut-être personne n'a lu...

MM. François Goulard et Jean-Claude Lenoir - Bien sûr que si !

M. Jean-Louis Dumont - Je vous remercie ! J'ai noté dans mon rapport, exprimant une conviction personnelle... Quand je vous interpelle ici, au risque de parfois vous fâcher, je parle à titre personnel. J'avais raison de vous interpeller sur l'application de la loi organique, et je ne suis pas le seul à l'avoir fait. L'application de cette loi demande que les élus s'y impliquent davantage. Je reviens à l'Europe. Je considère que les recettes de l'Europe doivent être augmentées.

M. le Ministre délégué - Vraiment ?

M. Jean-Louis Dumont - Oui, et vous devriez écouter davantage sur ce point certains commissaires européens d'origine française, et issus de votre majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Vous avez sanctuarisé une enveloppe budgétaire au service des agriculteurs, qui ont reçu leur chèque avec satisfaction, et voilà que vous proposez à votre majorité de prélever sur les réserves qu'ils ont constituées pour investir. Comment revenir de Bruxelles en proclamant avoir signé le meilleur accord possible pour les agriculteurs, en y incluant l'éco-conditionnalité, et ne pas ensuite les convaincre qu'ils peuvent produire avec profit tout en respectant des règles protectrices de l'environnement ?

Comment accepter qu'une ferme ITCF travaillant avec un centre permanent d'initiative pour l'environnement afin de réaliser une action pédagogique auprès des agriculteurs se voie aujourd'hui, du fait de votre collectif, manquer de moyens ? L'Etat ne tient pas ses engagements, ce qui crée un climat délétère. Il y va de la parole de l'Etat !

Dans le domaine du logement, la tendance était à la relance de la construction depuis deux ou trois ans.

M. Michel Bouvard - Depuis trois ans ?

M. Jean-Louis Dumont - Tout à fait. Des mesures ont été prises, des ministres ont fait leur travail, si bien que 2003 peut apporter des résultats meilleurs que ceux des années précédentes.

M. François Goulard - C'est bien de le reconnaître !

M. Jean-Louis Dumont - Je vais le faire ! Mais c'est que vous bénéficiez de la relance engagée précédemment, et ce sont les Français qui en profitent. Tant mieux !

Mais les décisions que vous allez prendre risquent de casser cet élan nouveau, alors que les besoins restent ceux retenus par le Conseil économique et social depuis dix ans ou quinze ans : 320 000 logements par an. Nous en sommes loin. De plus, la politique de réhabilitation et de remise à niveau est oubliée. Votre projet de loi de finances rectificative porte donc les marques...

M. Henri Emmanuelli - Les stigmates !

M. Jean-Louis Dumont - ...de mesures négatives pour l'environnement, le logement et les agriculteurs.

L'argent, dit-on, est le nerf de la guerre. De fait, il se trouve que j'arrive à l'instant de ma circonscription...

M. le Ministre délégué - Verdun !

M. Jean-Louis Dumont - ...où j'ai passé l'après-midi avec des agriculteurs. Il fallait les entendre parler de l'avenir !

M. Jean-Pierre Grand - Les ministres socialistes de l'agriculture ne se sont guère distingués !

M. Jean-Louis Dumont - Eh bien, ces agriculteurs commençaient à regretter MM. Glavany et Le Pensec (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Lenoir - Je ne peux pas le croire !

M. Jean-Louis Dumont - Nous avions pratiqué une politique de cohérence et de rigueur. La vôtre est faite d'annonces non suivies d'effets (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Le débat va démontrer que les mesures prises cette année ont cassé une dynamique lancée par la majorité précédente (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Philippe Auberger - Revenons à l'examen du collectif. Il est frappant de constater que les recettes n'aient pas été évoquées, comme si on pouvait les laisser de côté.

M. Jean-Claude Lenoir - Voilà des propos responsables !

M. Philippe Auberger - Je vous remercie, Monsieur le ministre...

M. Alain Néri - Ils ne vont pas tarder à être remerciés ! (Sourires)

M. Philippe Auberger - ...d'avoir maintenu les prévisions de recettes annoncées en septembre pour 2003. C'est qu'elles étaient raisonnables. Il faut en effet constater, par rapport à la loi de finances initiale, une baisse de recettes de 10 milliards. Vous n'avez rien caché de la situation, en particulier aux autorités de Bruxelles. La base de vos prévisions de recettes pour 2004 peut être aujourd'hui confirmée.

M. Didier Migaud - C'est vous qui le dites !

M. Philippe Auberger - Côté dépenses, la gestion des crédits tout au long de l'année a été particulièrement rigoureuse.

M. Alain Néri - Grâce aux annulations !

M. Philippe Auberger - C'est une preuve de rigueur !

M. Alain Néri - Une très grande rigueur !

M. Philippe Auberger - Au total, 5,8 milliards de crédits ont été annulés, et 3,4 milliards de crédits nouveaux ont été ouverts, en raison de circonstances particulières et justifiées, comme l'a établi la Cour des comptes.

Vous avez su ne pas mener une politique trop restrictive, qui aurait contribué à déprimer davantage encore la conjoncture, tout en faisant face à l'essentiel des dépenses nécessaires. La gestion des finances publiques en 2003 a donc été particulièrement responsable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Pourquoi revenir maintenant sur la question du gel des crédits, annoncé dès le début de l'année et autorisé expressément par la LOLF ? Les décisions prises en début d'année sont donc tout à fait responsables et de saine gestion. Simplement, il semble que certains de nos collègues croient que le Parlement vote, non des autorisations de dépenses, mais des injonctions de dépenses.

M. François Goulard - Tout à fait !

M. Philippe Auberger - Le Gouvernement a le droit, que dis-je le devoir, de contenir la dépense en deçà du montant des crédits ouverts.

Le déficit budgétaire s'élève, comme annoncé dès septembre, à 54 milliards d'euros. C'est essentiellement le niveau moindre des recettes qui explique l'écart par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.

M. Didier Migaud - C'est un déficit record.

M. Philippe Auberger - Avez-vous une solution à proposer ?

M. Henri Emmanuelli - Après avoir diminué l'impôt sur le revenu, vous avez l'audace de nous demander une solution !

M. Philippe Auberger - Soyons sérieux. La baisse de l'impôt sur le revenu représente environ 1,6 milliard d'euros quand il manque dix milliards de recettes.

A ce niveau, le déficit budgétaire représente environ 4 % du PIB, soit davantage qu'imposé par le pacte de stabilité. Cela étant, contrairement à ce qui avait été annoncé ici ou là, la France a su faire valoir son point de vue à Bruxelles et, que cela vous plaise ou non, les pays de la zone euro ont entériné nos prévisions pour 2004 et accepté de reporter à 2005 l'objectif de ramener le déficit en dessous de 3 % du PIB. Dans une conjoncture particulièrement difficile, un assouplissement temporaire des critères du pacte est parfaitement justifié. La lecture strictement juridique des traités que fait la Commission n'est pas pleinement responsable sur le plan économique dans la situation actuelle.

Nous ne pouvons qu'approuver ce collectif qui comporte nombre de mesures novatrices et intéressantes, comme le statut fiscal envisagé pour les « impatriés », et confirme le sauvetage, indispensable, d'Alstom, c'est-à-dire quelque cent mille emplois, directs et indirects.

M. Michel Bouvard - Nous, nous ne disons pas, comme certains, que l'Etat ne peut rien faire...

M. Philippe Auberger - Ce collectif comporte aussi des mesures délicates concernant le monde agricole, comme les prélèvements au profit du BAPSA ou le statut fiscal des biocarburants. Permettez-moi de dire que la méthode choisie n'est pas la bonne. Ces mesures auraient plutôt eu leur place dans la loi de finances initiale et auraient exigé une concertation préalable avec la profession, le ministre de l'agriculture étant tout à fait fondé à faire connaître son avis.

Au bénéfice de ces observations, le groupe UMP votera ce collectif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - Je n'ajouterai rien à l'excellent propos de nos collègues Didier Migaud et Augustin Bonrepaux qui ont parfaitement exprimé la position du groupe socialiste et apparentés sur ce projet de collectif. Je n'interviendrai que sur deux points.

Tout d'abord, l'amendement voté par la commission revalorisant l'allocation de reconnaissance allouée aux rapatriés et prorogeant d'un an le dispositif d'aide à l'accession à la propriété et à l'amélioration du logement. Dans le même esprit, j'avais déposé un amendement, hélas, déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Il tendait à ce que les dossiers éligibles, inférieurs à 106 000 €, soient automatiquement transmis à la CONAIR, la commission nationale de désendettement. Je demande que cette proposition soit étudiée dans le cadre de la préparation du projet de loi annoncé hier par M. Mékachéra.

Je souhaite enfin intervenir sur l'article 49 qui durcit les conditions d'accès à l'aide médicale d'Etat. Sans doute cette décision a-t-elle été prise sous le seul angle comptable, dans le but de limiter les dépenses. Encore qu'il faudrait s'entendre sur l'évaluation du coût de l'AME ! En effet, les chiffres avancés additionnent des créances hospitalières irrecouvrées, antérieures à la loi, et des dépenses de santé acceptées, au cas par cas et de manière discrétionnaire, par le ministre de la santé à titre humanitaire, en général pour des non-résidents ayant besoin de soins très coûteux. L'article du Figaro intitulé « Les stupéfiantes dérives de l'aide médicale aux sans-papiers » faisait exclusivement référence à la prise en charge de non-résidents comme le roi d'Afghanistan ou des footballeurs étrangers. Cela n'a rien à voir avec l'AME ! A combien évaluez-vous, Monsieur le ministre, les dépenses de l'AME pour 2003 ? En effet, Mme Montchamp, rapporteure du budget des affaires sociales, avançait en commission le montant de 233 millions d'euros quand le ministre parlait, lui, en réponse à une question d'actualité, de 645 millions...

Monsieur le ministre, je vous demande solennellement de revoir les dispositions prises qui sont d'une gravité extrême. Sur le plan humanitaire tout d'abord. J'aimerais à ce sujet connaître l'avis de notre collègue UMP Etienne Pinte, qui a récemment défendu avec honneur la régularisation des sans-papiers : je ne peux croire qu'il voterait vos dispositions, si contraires à l'esprit d'humanité qui l'anime.

Celles-ci sont graves aussi sur le plan de la santé publique, comme l'ont dénoncé de nombreuses ONG et associations. Alors que le collectif de 2002 avait mis fin à la gratuité de l'AME, les décrets d'application n'ont jamais été publiés, grâce à l'intervention de Mme Versini. Or, l'article 49 du présent collectif va encore beaucoup plus loin - on se demande où est passée Mme Versini... La fin de la gratuité est confirmée avec l'instauration d'un ticket modérateur. La procédure d'admission immédiate, connue sous le nom d'admission d'urgence et dont le principe était acquis depuis 1992, est supprimée. Or, l'admission immédiate, qui existe également pour la CMU « quand la situation particulière du demandeur l'exige » a un champ beaucoup plus vaste que celui de l'urgence médicale. Après instruction rapide du dossier, elle est accordée pour un an, sous réserve d'un contrôle des déclarations et des justificatifs - en cas de fausse déclaration, le bénéfice de l'AME comme de la CMU peut être remis en question. L'admission immédiate n'est donc nullement un chèque en blanc, elle permet seulement que des personnes ayant besoin de soins puissent être soignées avant d'être à l'article de la mort. Sa suppression empêchera les étrangers de se soigner à temps, au risque que leur cas s'aggrave et les conduise aux urgences de l'hôpital, où leurs soins seront beaucoup plus coûteux, au risque aussi, en cas d'affection contagieuse, qu'une épidémie se propage.

Le durcissement par voie de décret des conditions d'éligibilité à l'AME et le renforcement des contrôles sont tels qu'ils dissuaderont les demandeurs - peut-être est-ce d'ailleurs l'objectif recherché ? - et transformera l'instruction des dossiers par les agents de la sécurité sociale en véritable enquête policière. Les délais risquent d'être tels que la seule solution pour les malades sera de se rendre aux urgences. Aucune limitation n'est posée pour l'instruction du dossier !

Dans ces conditions, le nombre de bénéficiaires de l'AME diminuera certainement de façon drastique... et le coût de cette prestation sera donc moindre. Tout se passe comme si l'on cherchait à expérimenter la proposition de Jacques Barrot distinguant le petit risque du gros risque, seul le second étant pris en charge par la solidarité nationale. Vous ne supprimez pas l'AME, vous la rendez inaccessible.

Avez-vous calculé par ailleurs qu'il en coûtera beaucoup plus cher, puisque le seul recours sera d'aller aux urgences, déjà saturées, et dans un état plus grave, puisque plus tardif : l'hospitalisation sera donc plus lourde et plus coûteuse. Elle sera plus longue aussi, les traitements de consolidation après la sortie n'étant plus pris en charge. Et qu'en sera-t-il des affections contagieuses ? La dotation que vous prévoyez pour rembourser aux hôpitaux le coût des soins urgents sera insuffisante. Au prix d'une monstruosité en termes de santé publique, vous ne ferez même pas les économies attendues...

Je vous invite donc, Monsieur le ministre, à retirer cet article 49 pour en évaluer l'impact en termes de santé publique, mais aussi de coût hospitalier. A défaut de m'écouter, écoutez au moins Mme Montchamp, rapporteure UMP du budget des affaires sociales : elle indiquait hier, en commission, qu'un groupe référent travaillait à proposer une alternative qui ne remette pas en cause la vocation humanitaire du dispositif. Il serait donc prématuré de réformer radicalement l'AME, avant que le groupe de travail n'ait rendu de conclusions.

Si vous mainteniez votre intention, vous vous feriez le complice, sans en avoir pris l'exacte mesure, d'une mauvaise action au regard de la santé publique, comme de la tradition d'accueil et d'humanisme qui fait que la voix de la France est encore parfois entendue dans le monde (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Sébastien Huyghe - Avec l'article 17 de ce collectif, le Gouvernement pose la première pierre d'une politique sans précédent d'attractivité du territoire, en prenant en considération la situation des cadres internationaux qui viennent travailler et créer de l'emploi dans notre pays. La France ressent enfin l'impérieuse nécessité d'une politique d'attractivité, tout comme dans les années 1970, lorsqu'elle a voulu exporter, elle s'était dotée d'une politique du commerce extérieur.

L'objectif primordial est la création et le maintien d'emplois, notamment industriels dans notre pays. Pour cela, nous devons tout d'abord attirer les centres de décisions de grands groupes internationaux. J'entends par centre de décisions, non seulement le lieu où se prennent les décisions stratégiques de l'entreprise, mais également les centres de recherche et de développement.

Il est certes d'usage de mesurer l'impact des investissements étrangers à l'aune des emplois directs créés à l'occasion des implantations de sites. Au regard de ce critère, un centre de décisions ne présente pas un intérêt majeur, il ne crée que quelques dizaines d'emplois.

Mais les effets induits par la présence de tels centres sont considérables. Un premier élément tient aux revenus des cadres présents dans ces centres. Leurs salaires étant élevés, les revenus fiscaux engendrés et la consommation de ces personnels sont très importants pour notre économie.

Cependant, l'intérêt majeur de la présence d'un centre de décisions pour l'emploi tient à son effet sur d'autres décisions d'investissement ou de désinvestissement du groupe. On peut citer l'exemple du quartier général d'une société américaine située à Paris : il emploie 70 personnes, mais contrôle en moyenne chaque année 100 millions d'euros d'investissements industriels européens.

Ce phénomène est bien sûr très difficile à quantifier et aucune étude, à ma connaissance, ne l'a chiffré. Mais sa réalité est confirmée par les responsables d'entreprises internationales comme par les cabinets de conseil qui travaillent avec eux sur les décisions d'implantation.

Cet effet peut être appréhendé par quelques exemples. L'un des plus frappants est celui d'une entreprise dont la présence du quartier général pour l'Europe en France a favorisé une implantation très importante en région Rhône-Alpes. Des sites français de production de l'entreprise, dont la fermeture avait été envisagée, ont pu être maintenus, en étant adossés à des centres de recherche et ce sont des sites situés dans un pays voisin qui feront l'objet de restructurations.

Cet exemple est doublement instructif. D'abord, le maintien de ces sites a été décidé par le management Europe qui, grâce à sa connaissance du site France, a pu trouver une solution à même de concilier l'efficacité industrielle et le maintien d'un outil productif en France. Ensuite, il montre l'effet que peut avoir la présence de centres de recherche et de développement, y compris sur les activités productives.

On peut également penser que l'implantation du centre de décisions joue un rôle dans les autres décisions de l'entreprise, en particulier dans les décisions d'investissement. Celles-ci sont prises par l'équipe dirigeante qui, lorsqu'elle est installée en France, a une vision du pays plus fine que lorsqu'elle est située à l'étranger.

Des témoignages de chefs d'entreprise étrangers confirment cette analyse. Ainsi, un cadre dirigeant américain, en visite dans une filiale française au cours d'un mouvement social, avait tendance à en exagérer la gravité ; l'expérience du responsable résidant en France l'a ramené à une plus juste mesure de l'événement.

Ce qui vaut pour l'analyse des relations sociales vaut aussi pour celle des données économiques. Un management situé hors de France aura tendance à sur-réagir en cas de mauvaise nouvelle et, éventuellement, à prendre des décisions de retrait qu'il ne prendrait pas s'il était mieux informé.

L'image de la France est aujourd'hui dégradée à l'étranger, souvent en décalage avec sa réalité. La présence sur notre sol des décideurs des grands groupes étrangers est le meilleur gage qu'une image juste du pays soit véhiculée à l'intérieur de ces groupes. Les présidents de filiales françaises de groupes étrangers sont généralement de fervents avocats du site France. Cela tient en partie, certes, à l'effet de concurrence interne aux entreprises, mais ne semble pas s'y réduire, et, de toute façon, cela joue en faveur de notre pays. Ce trait commun ne dépend pas de la nationalité du dirigeant, mais bien de son implantation en France.

En conséquence, la présence de ces centres de décisions produit des effets à long terme : un cadre dirigeant quittant la France dans le cadre d'une mobilité professionnelle gardera une impression favorable qui pourra influencer ses décisions ultérieures. De même, lorsque des décisions de désinvestissement doivent être prises, il est plus simple de rayer d'un trait de plume un site industriel situé à 5 000 kilomètres plutôt qu'une usine proche avec laquelle on a des relations quotidiennes.

Dans un rapport que j'ai récemment remis au Premier ministre, j'ai préconisé dix séries de mesures, propres à attirer ces centres de décisions. Je suggère notamment une fiscalité adaptée au cas des salariés détachés en France par leur entreprise pour une durée déterminée, ce que l'on appelle des impatriés. Je remercie le Gouvernement d'avoir agi rapidement, car il y a urgence, neuf de nos partenaires européens ayant déjà adopté une législation particulière pour les impatriés. Son absence en France nous handicapait dans les comparaisons de coût d'implantation de sièges sociaux, du fait d'un mécanisme arithmétique appelé gross up par les spécialistes.

Le phénomène est le suivant. Lorsqu'une entreprise envisage d'implanter son siège, elle fixe le salaire de ses cadres dirigeants de façon à leur garantir un même revenu après impôts, indépendamment de la fiscalité du pays choisi et des coûts d'impatriation liés au coût de la vie : c'est ce que l'on appelle l'égalisation. Pour tenir compte de la fiscalité plus élevée en France que chez nos voisins, elle va intégrer dans la prime d'expatriation un différentiel de taxes. Mais ce différentiel sera taxé en France, contrairement à nos principaux concurrents européens, et ce au taux marginal : là réside le désavantage comparatif. L'entreprise devra augmenter d'autant la prime pour compenser cette taxation, mais ce surplus est à nouveau taxé, et ainsi de suite... Par ce cercle vicieux, le coût pour l'entreprise devient considérable. L'effet de ce phénomène de gross up est bien supérieur à l'écart initial de fiscalité sur le revenu, ce qui pénalise fortement la France dans le calcul du coût d'implantation. L'article 17 du collectif, sans remettre en cause le niveau de la fiscalité, remédiera à cette structure qui affecte directement notre compétitivité.

Cette mesure ne devrait pas susciter de grands débats entre la majorité et l'opposition, puisqu'un rapport rédigé par un parlementaire socialiste à la demande de la majorité précédente, concluait à la nécessité d'adopter un régime spécifique aux impatriés.

M. Philippe Auberger - Mais ils ont l'habitude de retourner leur veste !

M. Sébastien Huyghe - Quant à ceux qui s'inquiètent d'un risque de rupture d'égalité entre les cadres impatriés et les cadres français, leur crainte est infondée. Elle traduit une méconnaissance du phénomène de l'impatriation et la posture critique de principe de gens qui n'ont pas pris la peine d'étudier le régime proposé. En effet, le texte prend la précaution de réaffirmer qu'à poste équivalent, la part taxable de la rémunération doit être égale, que l'on bénéficie ou non du régime des impatriés. Le coût de l'emploi d'un cadre impatrié restera donc supérieur à celui d'un cadre français. Il s'agit simplement de faire en sorte que ceux qui souhaitent créer des emplois le fassent dans notre pays plutôt que chez l'un de nos voisins.

M. Henri Emmanuelli - Pendant ce temps, le chômage continue de monter...

M. Sébastien Huyghe - Il me reste, Monsieur le ministre, à vous remercier de lancer un signal fort ; la France a décidé de mener une politique offensive et volontariste pour conserver ses emplois industriels d'aujourd'hui et favoriser la création des emplois de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse - Ce collectif pourrait s'apparenter à un premier bilan de votre politique. Les commentateurs s'accordent pour confirmer, au moins sur un point, les reproches des socialistes au budget initial pour 2003 : un budget irréaliste, dangereux pour l'emploi, favorisant la baisse de l'impôt pour les plus riches, dramatique pour les plus faibles. Bien des exemples nous donnent aujourd'hui raison. Comment croire que si l'on favorise ceux qui ont des moyens, la croissance sera au rendez-vous ? Ce n'est pas le cas, la preuve en est faite.

Les Français n'ont plus confiance : qu'il s'agisse de retraite, d'emploi ou de formation, ils sentent que demain sera plus difficile qu'hier. Il faudrait faire des efforts pour l'éducation, l'innovation, la recherche - mais rien de tout cela ne vaut aux yeux du Gouvernement.

Comment les Français pourraient-ils croire en votre volonté de réforme, alors que vous reportez celle de l'assurance maladie, dont le déficit s'accroît dans des proportions inédites ? Cette politique de Gribouille, incompréhensible, mine la confiance de nos concitoyens. Voyez la politique de lutte contre le tabagisme ! Quelles sont donc vos orientations ?

M. Augustin Bonrepaux - Ils n'en ont pas !

M. Pascal Terrasse - On a assisté à une valse-hésitation désordonnée, qui m'incite à vous suggérer de marquer une pause dans la hausse du prix du tabac en 2004. L'Etat n'a d'ailleurs aucune garantie quant aux recettes fiscales escomptées, vous le savez bien, Monsieur le ministre ! Annulez donc la nouvelle hausse prévue et engagez enfin un débat avec les buralistes qui ont subi une hausse de plus de 50 % du prix du tabac en un an sans aucune concertation. Profitez-en pour faire un bilan de vos mesures tant en matière de santé publique qu'en terme d'impact financier pour l'aménagement du territoire...

M. Jean-Louis Dumont - Il faut un plan de solidarité comme pour les pompistes !

M. Pascal Terrasse - A l'heure où je vous parle, le sud de la France connaît des pluies diluviennes. Aujourd'hui même, le Gouvernement a annoncé diverses mesures destinées à venir en aide aux habitants sinistrés et aux communes dévastées. Mais comment le croire, quand on se rappelle que le 14 mars puis le 3 octobre, il a annulé plus de 73 millions des crédits du ministère de l'environnement ?

M. Michel Bouvard - De votre temps, les budgets étaient factices ! Pour certains, ils n'étaient consommés que pour un tiers !

M. Pascal Terrasse - Et que dire encore de ces crédits inscrits dans les contrats de plan mais annulés, de ces crédits pour le logement qui stagnent,...

M. Michel Bouvard - A votre époque, ils n'étaient pas consommés ! (M. Emmanuelli proteste)

M. Pascal Terrasse - ...de ces crédits pour l'agriculture dont 161 millions ont été annulés ! Quoi d'étonnant à ce que les Français, de plus en plus nombreux, doutent de vos choix politiques, qui font que « La France qui tombe », ce n'est plus le titre d'un livre, c'est une réalité !

M. Jean-Pierre Grand - Mon département, l'Hérault, subit un déluge dont les conséquences catastrophiques inquiètent tous les maires, moi compris. J'ai pris acte de l'annonce faite par le Premier ministre que 12 millions seraient débloqués pour parer au plus pressé, et qu'il sera procédé à un inventaire des zones sinistrées pour déterminer comment intervenir au mieux...

M. Henri Emmanuelli - On m'a dit ça cet été, et je n'ai rien vu venir !

M. Jean-Pierre Grand - Ne dites pas cela, Monsieur Emmanuelli ! Chez nous, les dossiers sont suivis, demandez à nos collègues de l'Aude !

M. Henri Emmanuelli - Et demandez au maire UMP de Biscarosse ce qu'il en pense ! Lui non plus n'a vu personne !

M. Jean-Pierre Grand - Il nous faudra non seulement prendre les dispositions immédiates nécessaires, mais aussi définir des dispositifs de long terme, coûteux, pour limiter l'impact de ces précipitations importantes et répétées, qui sont un phénomène nouveau dans notre région. Cela doit être pris en considération.

Lors de l'examen de la loi de finances, nous nous étions inquiétés de l'absence de crédits destinés à financer les transports collectifs de province en site propre. Je constate avec plaisir que le Gouvernement a tenu les engagements pris à l'époque, puisque les 65 millions annoncés lors du débat sont, semble-t-il, inscrits dans ce collectif.

M. Henri Emmanuelli - Tout est dans le « semble-t-il » !

M. Jean-Pierre Grand - Ne vous réjouissez pas !

M. Henri Emmanuelli - Nous ne nous réjouissons pas du tout ! Nous sommes consternés !

M. Jean-Pierre Grand - J'aimerais connaître avec plus de précision quelles écritures garantissent le déblocage de ces 65 millions, car le transport en site propre, et en particulier la construction de nouvelles lignes de tramway répondent à nos objectifs de développement durable.

A Montpellier, la construction de la seconde ligne de tramway concerne un certain nombre de communes périphériques, dont la mienne. Sa construction se conjugue avec la réalisation des infrastructures de contournement de nos agglomérations et s'inscrit dans la définition du schéma d'organisation des déplacements urbains.

Le transport collectif en site propre permet de répondre dans les meilleures conditions aux exigences de la SRU, qui s'impose aux communes. C'est ce que souhaite l'Etat, c'est ce qu'il nous impose. Il serait donc paradoxal que l'Etat s'affranchisse de sa participation financière à des projets et à une organisation d'ensemble qu'il sollicite et contrôle.

A Montpellier, la subvention de l'Etat en faveur de la première ligne de tramway avait représenté plus de 18 % du coût total. La deuxième ligne coûtera quelque 420 millions, et nous attendons de l'Etat qu'il nous garantisse un concours financier pluriannuel...

M. Augustin Bonrepaux - C'est ce que demande M. Frêche !

M. Jean-Pierre Grand - Il n'est pas le seul ! M. Juppé le demande également ! En ce qui concerne cette deuxième ligne de tramway, nous ne saurions nous contenter de la seule enveloppe budgétaire prévue aujourd'hui, d'autant que j'observe une différence de traitement entre les transports en commun en site propre en région parisienne et les transports en commun en site propre en province, l'enveloppe consacrée aux transports en commun de la région parisienne étant protégée, et presque sacralisée.

Je sais que les modes de financement évolueront lorsque notre collègue Christian Philip vous aura remis les conclusions de sa mission. Je vous demande toutefois, Monsieur le ministre, la confirmation de l'inscription des 65 millions, l'assurance que le tramway de Montpellier sera retenu dans la répartition des autorisations de programme, et la garantie que la dizaine de projets lancés et retenus bénéficieront, pour les exercices budgétaires ultérieurs, d'un concours significatif de l'Etat.

Il était de mon devoir, en ma qualité d'élu de l'agglomération de Montpellier, de rappeler l'impact économique, fiscal, social et humain de ces projets.

Je vous remercie pour l'inscription des 65 millions ; j'attends vos réponses et, naturellement, je voterai ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Néri - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58 du Règlement. Rien, dans ce collectif, ne permet la prise en charge des cures thermales des anciens combattants (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et, depuis septembre déjà, les crédits manquent pour honorer leurs dépenses de santé. C'est scandaleux ! Monsieur le ministre, allez-vous abonder ces crédits ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Cela n'avait rein d'un rappel au Règlement !

M. le Ministre délégué - Je remercie tous les orateurs et, en premier lieu, le rapporteur général, qui a _uvré, avec le Gouvernement, à l'exécution du budget 2003. Je lui suis reconnaissant d'avoir, comme MM. Bouvard, Auberger et d'autres orateurs du groupe UMP, souligné que le Gouvernement a scrupuleusement respecté les autorisations de dépense votées par le Parlement. Je m'y étais engagé, je vous le rappelle, en prenant pour la première fois la parole devant vous pour vous promettre de respecter votre volonté, qui est la volonté générale du peuple français. Je vous le dis tout net : je ne m'habitue pas à ce que l'on puisse ignorer les plafonds de dépense que vous avez votés !

M. Henri Emmanuelli - Ne nous prenez pas pour des enfants de ch_ur !

M. le Ministre délégué - Comme je vous l'ai indiqué, le Gouvernement a systématiquement associé la commission des finances et le rapporteur général à l'exécution du budget. Comme d'habitude, votre commission formule diverses propositions visant à améliorer le texte, dont le Gouvernement tiendra compte lors de l'examen des articles.

Marc Joulaud propose de budgéter ex ante une provision en loi de finances initiale. C'est une bonne orientation compte tenu de l'état des finances publiques et de la loi de programmation militaire.

M. Bonrepaux nous a fait redécouvrir cette vérité éternelle : mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et en mauvaise santé (Sourires sur les bancs du groupe UMP) ; il aurait pu ajouter « sous tous les gouvernements »...

M. Augustin Bonrepaux - Avec le vôtre, c'est pire !

M. le Ministre délégué - Il est aussi revenu à son raisonnement fétiche : le Gouvernement serait responsable de l'augmentation des impôts locaux du fait des transferts de compétences annoncés (Rires sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je lui répète pour la dixième fois, et je le ferai jusqu'à mes dernières forces : ce sont les transferts du précédent gouvernement qui sont en cause, notamment l'APA (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Il s'est plaint enfin que le Gouvernement opère une péréquation entre les HLM en fonction de leur situation financière. Il déplore qu'une partie de la péréquation soit destinée à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Mais je lui rappelle qu'elle intervient pour des HLM en zone défavorisée.

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas vrai !

M. le Ministre délégué - La seule bonne péréquation serait-elle celle qui avantage votre propre territoire ?

François Goulard a posé l'intéressante question du partage entre les acteurs de l'impératif maîtrise des dépenses. Ceci concerne, en effet, le Parlement et le Gouvernement dans son ensemble. Trop souvent, le Premier ministre et Bercy portent seuls cet impératif. Nous devons réfléchir à une formulation plus collégiale de la politique budgétaire, afin que chaque ministre comprenne que les crédits supplémentaires qu'il obtient sont nécessairement pris à d'autres, sauf à laisser filer le déficit ce que, je l'espère, personne ne souhaite (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Emmanuelli - 54 milliards !

M. le Ministre délégué - Je remercie Nicolas Perruchot d'avoir salué, au nom du groupe UDF, l'action du Gouvernement pour maîtriser la dépense.

En ce qui concerne la prévision de croissance 2003, je précise que, même si la croissance avait été plus forte, nous aurions dû mettre des crédits en réserve pour faire face aux aléas car certaines dépenses, comme la charge de la dette, sont plus importantes en période de croissance. Il faut nous habituer à ne plus raisonner simplement en solde mais en observant le mouvement des masses que sont les dépenses et les recettes. C'est d'ailleurs pour cela que la Commission européenne a introduit la notion de déficit structurel. Il faut maîtriser la dépense sur un cycle économique pour redresser les comptes publics.

Nous reviendrons sur Arvalis dans un moment. Notons que les 45 millions d'euros ne correspondent pas aux boni de liquidation des taxes fiscales. Deux séries de taxes ont abondé Arvalis : directement, la taxe FASC et indirectement les anciennes taxes ANDA. Les 45 millions correspondent à la première. Nous ne portons pas atteinte au rôle d'Arvalis en matière de recherche ; nous prélevons sur une trésorerie placée en obligations.

M. Sandrier a parlé de « déficit record ». Faut-il rappeler que le déficit est un solde ? Ce n'est pas par excès de dépenses qu'il augmente puisque le Gouvernement tient la dépense - et vous le lui reprochez.

M. Henri Emmanuelli - Les recettes sont insuffisantes.

M. le Ministre délégué - Etes-vous pour l'augmentation des impôts ? Les moins-values fiscales sont liées au ralentissement économique et le Gouvernement est convaincu qu'il ne fallait pas relever les impôts.

M. Didier Migaud - C'est pourtant ce que vous faîtes !

M. le Ministre délégué - Vous craignez que le Gouvernement ait sacrifié les plus pauvres, je vous rassure : la majorité des ouvertures de crédits concernent le social (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Michel Bouvard a eu raison d'insister sur l'effort du Gouvernement en faveur de l'emploi. Il a aussi évoqué la mise en _uvre de la loi organique. Je lui confirme que la maquette sera remise à votre commission des finances dès janvier. Nous avons beaucoup progressé depuis les questionnaires. Cette loi est une coproduction entre le Parlement et le Gouvernement, il en sera de même de sa mise en _uvre, je tiendrai cet engagement.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Ministre délégué - Jean-Louis Dumont veut un débat sur Arvalis, il ne sera pas déçu : on verra dans un moment qui s'intéresse à la protection sociale des agriculteurs.

M. Jean-Louis Dumont - Ça n'a rien à voir !

M. le Ministre délégué - C'est la meilleure ! Le rapport de M. Carrez montre précisément le contraire : ça a directement à voir !

M. Augustin Bonrepaux - Parce que vous le voulez !

M. le Ministre délégué - La situation du BAPSA que j'ai trouvée montre que vous ne vous souciez nullement de cette protection sociale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Bouvard - Le déficit du BAPSA ne date pas de cette année...

M. Augustin Bonrepaux - Mais c'est vous qui gouvernez !

M. le Ministre délégué - Je m'en réjouis pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

J'en viens au logement. Comment pouvez-vous nous reprocher une diminution de crédits qui n'est que la conséquence de la baisse des taux d'intérêt ? Ce gouvernement a une politique active dans ce domaine. Je confirme d'ailleurs, et cela va dans le sens des préoccupations du président Méhaignerie, qu'il y aura bien 5 000 PLA de plus en 2004.

Merci, Monsieur Auberger, d'avoir rappelé la différence fondamentale entre autorisation de dépenses et obligation de dépenses. Je me pince parfois quand j'entends que l'on devrait dépenser tout ce qui est autorisé et, si possible dépenser plus.

M. Michel Bouvard - C'est ce qui se passait avant !

M. le Ministre délégué - Imaginez ce que donnerait l'exécution budgétaire si l'on dépensait la totalité de ce que vous avez autorisé pour l'année en cours et si l'on ajoutait tous les reports consécutifs à des ouvertures de crédits destinées surtout à trouver une majorité bien aléatoire... Vouloir transformer les crédits en obligation de dépenses est une perversion de la démocratie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Le vote des crédits par le Parlement a été institué pour limiter la dépense de l'exécutif. C'est pour cela qu'il s'agit d'un plafond. Le rôle du Parlement est bien de contrôler l'usage qui est fait de l'impôt payé par les Français.

Monsieur Bapt, nous faisons dans ce collectif un premier pas important en faveur des rapatriés, en inscrivant 18 millions de crédits dans ce collectif. Un amendement précisera les mécanismes de répartition. Nous étudierons objectivement vos propositions.

S'agissant de l'aide médicale de l'Etat, l'article 49 a été rédigé en coopération avec François Fillon. La suppression de l'admission immédiate est d'autant moins scandaleuse que les malades en situation d'urgence continueront à être soignés gratuitement à l'hôpital. La suppression de l'admission immédiate et aveugle ne signifie pas celle de l'AME.

Je félicite Sébastien Huyghe pour les propositions concrètes de son excellent rapport sur l'attractivité. Le Gouvernement n'a pas tardé à y répondre en préparant la mesure spécifique en faveur des impatriés, qui fait l'objet d'un large consensus depuis la proposition Charzat en 2001 et qui est très attendue par les professionnels.

Non, Monsieur Terrasse, le Gouvernement n'est pas revenu sur les recettes prévues au profit du BAPSA qui sera doté d'une recette pérenne avec une part des droits sur le tabac. Vous ne pouvez me demander de revenir sur les « hausses de prix » : si les droits dépendent du Parlement, les prix des cigarettes sont libres, comme dans le reste de l'Union.

Je réponds à Jean-Pierre Grand, à propos des transports en commun, que l'enveloppe de 65 millions en autorisations de programme est bien là, même si le Gouvernement avait initialement envisagé d'arrêter de financer les transports en sites propres par crédits budgétaires d'Etat. Les crédits de paiement suivront au fur et à mesure des besoins.

Le Gouvernement a pris la mesure de la situation des communes du Sud-Est à la suite des inondations. Une réunion de crise, présidée par le Premier ministre, s'est tenue hier soir. Le Président de la République s'est rendu sur place dans la journée. Le ministre de l'intérieur, la ministre de l'écologie ont évalué la situation. Par ailleurs, une réunion exceptionnelle de la commission à qui il appartient de reconnaître l'état de catastrophe naturelle est d'ores est déjà prévue pour le 18 décembre prochain,...

M. Henri Emmanuelli - C'est la moindre des choses !

M. le Ministre délégué - ...ce qui devrait permettre une indemnisation rapide. Les élus ne sont pas seuls face aux difficultés actuelles, le Gouvernement se tient à leurs côtés.

J'ai essayé de répondre à chacun des intervenants.

M. Alain Néri - Et les anciens combattants !

M. le Ministre délégué - Notre dialogue se poursuivra au fil de la discussion des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Augustin Bonrepaux - Vous n'avez pas la partie facile, Monsieur le ministre, et je vous plains un peu (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Mais oui, je le plains d'être obligé de conduire une politique qui n'est pas bonne et d'avoir à trouver des arguments pour la défendre !

M. Méhaignerie est également embarrassé et nous le voyons faire acte de contrition après chaque budget, ennuyé qu'il est d'avoir à tenir la promesse démagogique de baisse de l'impôt sur le revenu faite par le Président de la République ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous nous dites, Monsieur le ministre, que vous avez respecté la volonté du Parlement. Mais nous vous avions dit dès le début que vous vous trompiez, avec votre hypothèse de croissance à 2,5 %. Vous l'avez cependant maintenue, en dépit des injonctions du Conseil constitutionnel, qui estimait que la transparence exigeait un collectif. Le Président de la République ayant dit qu'il fallait baisser l'impôt, il a bien fallu que le Gouvernement s'exécute et cela nous a valu annulations, réductions et gels de crédits en quantité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous dites, Monsieur le ministre, que le Gouvernement n'est pas responsable de la hausse des impôts locaux. Quand il ne tient pas ses engagements, si ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Prenons l'exemple de l'APA...

M. Michel Bouvard - Ah, parlons-en !

M. Augustin Bonrepaux - Si la majorité n'avait pas diminué les crédits de l'APA, la situation aurait peut-être été moins dramatique cet été ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard - Nous n'avons eu droit qu'à 23,4 % de compensation par l'Etat !

M. Augustin Bonrepaux - Vous remettez en cause l'APA ?

M. Michel Bouvard - Je remets en cause la compensation que vous nous avez laissée !

M. Augustin Bonrepaux - Qui remet en cause l'APA ? S'il y en a parmi vous qui la remettent en cause, ayez donc le courage de le dire au lieu de nous abuser avec un plan financé par la suppression d'un jour férié ! En somme, un plan financé par les travailleurs les plus modestes (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

L'APA, nous l'avons faite et nous en sommes fiers, car elle apporte un service très apprécié par les personnes âgées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Un service qui leur permet de rester chez elles ou d'être mieux soignées en établissement, un service qui en outre crée des emplois de proximité. Si vous voulez le supprimer, dites-le, et ayez le courage d'adopter un amendement à cet effet ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Il est évident, Monsieur le ministre, qu'il y aura une augmentation des impôts locaux : tous les instituts de prévision l'annoncent et le Sénat lui-même le dit. C'est une évidence puisqu'afin de diminuer l'impôt d'Etat, vous transférez des charges importantes sur les collectivités locales et que les dotations de l'Etat aux communes vont être réduites.

M. le Ministre délégué - Ce n'est pas vrai.

M. Augustin Bonrepaux - Je n'ai pas entendu beaucoup d'élus de la majorité critiquer cette baisse, je n'en ai pas entendu beaucoup expliquer dans leur département que le FNDAE allait perdre 40 % et que le fonds social du logement était en diminution ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

S'agissant du logement, vous prétendez qu'une solidarité envers les zones défavorisées est organisée. C'est peut-être vrai pour les zones urbaines...

M. Hervé Novelli - Quel rapport avec le renvoi en commission ?

M. Augustin Bonrepaux - ...car la loi Borloo transfère les crédits PALULOS à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Il n'y en aura donc plus pour les zones rurales ! Je vous vois secouer la tête, Monsieur le ministre, mais alors dites-moi à combien s'élèveront les crédits affectés aux zones rurales au titre des PALULOS !

M. le Ministre délégué - M'accordez-vous le droit de bouger ?

M. Jean-Jacques Descamps - Nous sommes en train de discuter d'un collectif, Monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux - Eh bien, je vous fais remarquer que dans ce collectif, il y a un prélèvement sur le fonds national de renouvellement urbain et ce non au bénéfice de l'ANRU mais bien du budget de l'Etat !

M. Jean-Louis Dumont - Encore un hold-up !

M. Augustin Bonrepaux - Quant à l'ANRU, elle sera alimentée par une taxe sur les offices HLM ! Je ne sais pas comment cela se passe dans vos départements, mais chez moi, dans l'Ariège, pour construire du logement social, il faut d'abord que les communes apportent le terrain...

M. François Goulard - Là-bas, ça ne vaut pas grand-chose.

M. Henri Emmanuelli - Prétentieux ! Arrogant !

M. Augustin Bonrepaux - Il faut ensuite que l'OPAC apporte 15 000 € et que le département en apporte 4 000. Cela fait tout de même cher, le logement ! Alors, quand on nous dit que l'on va prélever 15 % sur la capacité d'autofinancement des offices HLM, je me demande comment nous allons pouvoir continuer à faire du logement social dans les zones rurales ! Dites-moi donc, Monsieur Bouvard, comment vous allez construire des HLM en montagne alors que l'on prélève sur vos offices HLM de quoi financer l'ANRU.

M. Michel Bouvard - C'est une bonne question.

M. Henri Emmanuelli - Mais vous ne la posez pas !

M. Augustin Bonrepaux - Le Gouvernement prétend nous faire croire que lorsqu'il « dégèle » les crédits qu'il avait lui-même gelés, cela équivaut à une hausse des crédits. Ce n'est pas sérieux !

M. Henri Emmanuelli - C'est une rupture de la chaîne du froid ! (Rires)

M. Augustin Bonrepaux - En réalité, il n'y a rien de plus et vous avez abusé, Monsieur le ministre, certains élus en leur assurant qu'il y avait de nouveaux crédits pour le transport urbain.

M. le Ministre délégué - Vous n'avez rien compris !

M. Augustin Bonrepaux - Dans ces conditions, un renvoi en commission serait parfaitement justifié, ne serait-ce que pour apprécier les conséquences du nouveau prélèvement sur le fonds de renouvellement urbain. Nous n'avons pas eu l'occasion de vous interroger à ce sujet, Monsieur le ministre, puisque vous n'êtes pas venu en commission des finances présenter votre projet de loi de finances rectificative.

De plus, nous avons vu déferler en commission une avalanche de nouveaux amendements...

M. Michel Bouvard - Vous avez oublié la loi de finances pour 2002 !

M. Augustin Bonrepaux - Nous sommes en 2003, bientôt en 2004. Assurez donc la responsabilité de ce qui se passe aujourd'hui ! Cessez de vous défausser un jour sur l'absence de croissance, le lendemain sur l'Europe, le jour d'après sur le gouvernement précédent ; et pourquoi pas sur la pluie ou sur le beau temps ? Il y a un gouvernement, il doit assumer sa politique !

M. le Ministre délégué - Je l'assume ! Tandis que vous, vous n'avez pas voté un centime de crédits !

M. Augustin Bonrepaux - Vous ne répondez pas à mes questions, ou vous répondez de façon erronée. Vous agissez dans l'improvisation.

En effet, après avoir présenté le projet de collectif en Conseil des ministres, puis sur le bureau de l'Assemblée, et alors que la commission est réunie en article 88, vous nous envoyez une quarantaine d'amendements qui tendent ici à réduire une annulation, là à augmenter une diminution, et l'on ne s'y reconnaît plus. Quelles sont, par exemple, les conséquences de ces mesures sur le budget du logement ? C'est impossible à savoir, Monsieur le président de la commission des finances. Il y a bien lieu, face à un procédé dont vous avez dit qu'il mériterait un rappel au règlement, de revenir en commission.

Un autre motif de renvoi se trouve dans chacune des quinze observations de la Cour des comptes. Celle-ci évoque des surévaluations de crédits, qui mettent en cause la sincérité du budget soumis au vote du Parlement.

M. Hervé Novelli - Vous vous y connaissez !

M. Augustin Bonrepaux - La Cour dénonce encore le nombre important d'annulations appliquées à des crédits reportés, ce qui altère la lisibilité de la loi de finances. N'est-ce pas là un véritable réquisitoire ?

M. Richard Mallié - C'est l'hôpital qui se moque de la charité !

M. Augustin Bonrepaux - La Cour des comptes confirme les inquiétudes exprimées par Gérard Bapt, rapporteur du budget de la santé, qui a réalisé trois contrôles sur pièces et sur place. Elle signale une surestimation manifeste et répétée de certains crédits de santé présentés à notre vote, estimant qu'il s'agit là encore d'une entorse au principe de sincérité de la loi de finances.

Ces remarques ne justifient-elles pas que nous retournions en commission pour entendre Gérard Bapt sur ce que ses contrôles lui ont révélé ? Nous pourrions apprécier si les crédits pour 2003 sont insuffisants et surtout si les prévisions pour 2004 sont satisfaisantes. L'été a été difficile ; l'hiver risque de l'être aussi.

M. Philippe Auberger - Et le printemps ?

M. Edouard Landrain - C'est M. Météo !

M. Augustin Bonrepaux - Ne venez pas nous dire ensuite que nous ne vous avions pas prévenu ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

La situation des finances publiques est calamiteuse, comme le disait un Premier ministre issu de vos rangs au sujet de celle qu'il héritait de M. Balladur !

M. Hervé Novelli - C'est la situation laissée par M. Jospin qui est calamiteuse !

Vous aviez prévu 2,5 % de croissance ; atteindrons-nous seulement 0,5 % ? Le déficit était annoncé à 2,6 % ; nous en sommes à 4 %, soit une hausse de 54 %. Il faudrait remonter loin pour trouver un pareil record !

Le Gouvernement est aux abois, et vous êtes réduit à faire les fonds de tiroirs. Vous déclarez que le BAPSA est en déficit. L'an dernier, vous attribuiez ce déficit au précédent gouvernement et vous l'avez comblé en faisant les poches des mutuelles d'assurance sociale. Mais pour cette année, vous deviez le prévoir ! A présent, vous faites les poches des organismes agricoles, au point que votre majorité s'inquiète, car elle sait que les agriculteurs concernés sont aussi des électeurs. Elle préférerait prélever sur les crédits de recherche du CEA, ce qui se verrait moins. Il en va de même pour le tabac, où vous finissez par vous heurter aux réalités. La majorité ultra-libérale propose ici de supprimer des crédits, mais de retour dans ses circonscriptions elle constate les dégâts et essaie de bricoler.

Vous affirmez proposer une solution pérenne. Non ! Il s'agit de passer l'année 2003. Nous ne sommes pas sûrs que vous ne devrez pas faire les poches de « quelqu'un plus », parce que vous n'aurez toujours pas prévu les moyens suffisants.

M. le Ministre délégué - Que proposez-vous ?

M. Henri Emmanuelli - Ne pas baisser les impôts !

M. Augustin Bonrepaux - Jean-Louis Dumont a montré ce que coûtent vos expédients à des organismes utiles et bien gérés. Voilà bien une gestion imprévoyante, au jour le jour, qui consiste à creuser un trou pour en boucher un autre.

M. Didier Migaud - C'est la méthode du sapeur Camember !

M. Augustin Bonrepaux - M. Migaud a demandé au rapporteur général et au président de la commission ce que vont devenir les contrats de plan. En vérité, vous n'avez plus de politique d'aménagement du territoire.

M. Pascal Terrasse - C'est le déménagement du territoire !

M. Augustin Bonrepaux - Lorsque les collectivités locales présentent des projets de développement, des projets de contrat de pays, le représentant de l'Etat retourne ses poches : il n'a plus rien ! Où conduisez-vous le pays, où conduisez-vous les zones rurales ? Il n'y a rien dans le projet de M. Gaymard. Mes collègues de la majorité militants des zones rurales et de montagne savent désormais que les illusions du plan Gaymard ne permettront pas de revitaliser leurs territoires.

Monsieur le président de la commission, vous ne pourrez pas repousser indéfiniment notre demande de faire la clarté sur l'avenir des contrats de plan. Combien de temps faudra-t-il pour désenclaver les zones rurales et y amener les nouvelles technologies ? La solidarité nationale a disparu. Notre collègue Terrasse s'inquiète à juste raison du sort de son département face aux inondations. A force de réduire les crédits, comment venir en aide au département de l'Ardèche ? Vous allez prélever ici pour abonder là. Vous prélevez sur les agences de bassin pour combler le déficit de l'ADEME. Si vous ne corrigez pas vos décisions, la situation sera dramatique en 2004 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Pouvez-vous contester que, l'an prochain, le fonds national pour l'eau et l'assainissement baissera de 40 % ? Que le fonds social du logement diminue ?

Vos anciens collègues sénateurs, Monsieur le ministre, ont parfaitement compris quelle serait la situation des collectivités. Vous annoncez une hausse de 0,8 % des dotations, mais chacun sait qu'il n'en sera rien, du fait de la régularisation négative - instituée d'ailleurs par un amendement de M. Auberger.

M. le Ministre délégué - Nous n'avons jamais fait autant pour les collectivités.

M. Augustin Bonrepaux - Si vous avez l'intention de supprimer la régularisation négative, laquelle sera cette année à coup sûr supérieure à 1 % et réduira donc à néant l'augmentation prévue, il faut le dire. M. Devedjian ne peut pas se contenter d'effets de manche ! Dans ce contexte, les collectivités ne pourront que réduire les dépenses ou augmenter les impôts.

M. Didier Migaud - Cela vous laisse muets, chers collègues de la majorité !

M. Augustin Bonrepaux - Toutes vos mesures affaiblissent la solidarité nationale. Notre collègue Dumont a bien expliqué comment les organismes HLM allaient être pénalisés. Je prendrai, moi, un autre exemple : est-il vrai que l'Etat n'a plus les moyens de rembourser les cures thermales des anciens combattants, comme cela était la règle ?

M. François Goulard - C'est vous qui avez baissé les remboursements.

M. Augustin Bonrepaux - Si vous avez une solution, faites-nous en part, Monsieur Goulard. Je ne vois en tout cas dans ce collectif aucune mesure permettant de pallier ce manque de moyens, qui pénalisera les anciens combattants, pour lesquels vous faites déjà si peu.

Concernant les personnes âgées, je ne reviens pas sur l'APA...

M. le Ministre délégué - Il ne vaut mieux pas ! La mesure n'était pas financée.

M. Augustin Bonrepaux - Cette allocation très appréciée des personnes âgées, a permis de créer beaucoup d'emplois, et il était normal qu'elle soit financée à la fois par l'Etat et par les collectivités. Celles-ci en ont pris leur part...

M. Michel Bouvard - Plus que leur part !

M. Augustin Bonrepaux - Alors que nous avions créé l'APA, vous avez, vous, réduit les crédits des établissements pour personnes âgées dépendantes. Nous vous avions alerté dès le mois de mai sur les problèmes qui risquaient d'en résulter. Et ces baisses de crédits expliquent sans doute, en partie, l'ampleur de la catastrophe de cet été.

Vous avez promis un grand plan en faveur des personnes âgées... que nous attendons toujours.

M. Henri Emmanuelli - Ça se résume à la suppression du lundi de Pentecôte !

M. Augustin Bonrepaux - Il suffisait de ne pas diminuer l'impôt sur le revenu pour trouver de quoi financer le plan en faveur des personnes âgées. Au lieu de cela, vous avez, encore une fois, choisi de pénaliser ceux qui travaillent en les obligeant à travailler une journée gratuitement. Pour eux, ce sera double peine, puisqu'ils vont perdre un jour de congé et voir leurs impôts locaux augmenter, puisque les collectivités locales vont être obligées de cotiser à hauteur de 3 % de leur masse salariale pour financer ce plan. En revanche, vous ne demandez rien aux autres catégories sociales.

M. Henri Emmanuelli - Par exemple, aux gentils médecins.

M. François Goulard - Il est prévu de taxer les revenus financiers.

M. Augustin Bonrepaux - Pour les fonctionnaires, ce sera même triple peine, puisque leurs salaires ne seront pas augmentés.

M. Jean-Pierre Blazy - Ils n'aiment pas les fonctionnaires !

M. Augustin Bonrepaux - Est-ce donc là votre conception de la solidarité nationale ? Si vous avez oublié que l'impôt doit être payé par chacun « à proportion de ses facultés », vous reliriez avec profit la Constitution ainsi que la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Je ne m'étends pas sur l'absence de toute politique en matière de logement social ni sur la remise en question de l'aide médicale d'Etat. Cela témoigne bien de la considération que vous portez à nos concitoyens les plus modestes et aux exclus. En témoigne également votre grande loi sur le mécénat, qui est source de bien des difficultés pour des associations comme les Restos du c_ur. Vous avez souhaité encourager le mécénat, ce qui pouvait passer pour une bonne idée, mais c'est en réalité pour que des fonds privés se substituent aux aides publiques qui diminuent. Alors que vous avez refusé en commission notre amendement relatif aux associations d'aide d'urgence comme les Restos du c_ur, et si vous ne changez pas d'avis, il faudra assumer toutes vos responsabilités s'il y a des problèmes cet hiver. Ne venez pas alors nous dire que l'on n'y pouvait rien, que c'est la faute du froid !

Vous n'êtes jamais à court d'arguments pour justifier la baisse de l'impôt sur le revenu ou sur la fortune. Et le grand débat, en ce moment dans la majorité, est de savoir s'il faut ou non voter une amnistie fiscale. Voilà bien la grande préoccupation des Français, quand le chômage augmente, le pouvoir d'achat diminue, la pauvreté gagne... ! Certes, c'est sans doute une préoccupation pour ceux qui ont placé leurs capitaux à l'étranger, parce qu'ils y étaient mieux rémunérés.

M. Pascal Terrasse - De grands patriotes !

M. Augustin Bonrepaux - Vous dites qu'il n'y a pas d'amnistie. Mais ce n'est pas nous qui avons inventé le mot...

M. le Rapporteur général - C'est M. Mauroy qui l'a employé le premier !

M. Augustin Bonrepaux - Une amnistie serait de nature à faire rapatrier ces capitaux en France. Réduirez-vous l'impôt sur la fortune pour ces « pauvres » contribuables, vraisemblablement par le biais d'un amendement, si possible déposé en catimini, tard dans la nuit, au Sénat - cela sera moins voyant ? Allégerez-vous encore les charges de ceux à qui vous ne demandez déjà rien pour les personnes âgées ? Vous nous expliquez qu'il faut encourager le travail et l'emploi - on connaît la rengaine, déjà entendue lors de la baisse de l'ISF - et qu'une telle mesure est de nature à créer des emplois dans notre pays.

Mais puisque vous souhaitez renforcer l'attrait du territoire national, vous devriez, chers collègues de la majorité, écouter Mme Clara Gaymard qui a récemment exposé devant la commission quels lui paraissaient être les atouts et les faiblesses de la France pour attirer les investisseurs étrangers. Au rang des atouts, elle a cité la situation géographique de notre pays, la qualité de nos infrastructures, le faible prix de l'électricité et des appels téléphoniques, la qualité de la main-d'_uvre... mais au rang des faiblesses, l'effort insuffisant en matière de recherche-développement, secteur pourtant déterminant pour la compétitivité future du pays - c'est sans doute pour cela que le Gouvernement a réduit les crédits de la recherche ou voulait taxer le Commissariat à l'énergie atomique ! Mme Gaymard a également estimé que le poids de la fiscalité et des charges sociales était un élément défavorable (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), mais attendez - ce n'est pas moi qui parle, mais Mme Gaymard, épouse de M. Gaymard -, elle a immédiatement ajouté que la qualité et le faible coût des services publics contrebalançait ce désavantage, aux yeux des investisseurs qui ont de plus en plus tendance à trouver la France plus intéressante que le Royaume-Uni.

Réduire la fiscalité applicable aux « impatriés », c'est encore faire un cadeau fiscal. En effet, les cadres français vont se trouver en concurrence avec des cadres étrangers, et peut-être devoir s'expatrier eux-mêmes parce qu'ils auront perdu leur emploi. Tout cela pose de vrais problèmes. Chaque fois vous trouvez des arguments, mais ils sont fallacieux et nous pouvons le démontrer. Ce que je dis, c'est la réalité, telle qu'elle apparaît dans les chiffres et dans les rapports. Face à l'inquiétude des Français sur le pouvoir d'achat, la hausse du chômage, le développement de la pauvreté, que répondez-vous ? Baisse de la fiscalité pour les impatriés, amnistie fiscale pour les privilégiés, allégement de l'ISF...

M. le Ministre délégué - Si ce n'est pas de la caricature !

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas une politique de solidarité. Maintenant, si vous apportez des réponses à toutes nos questions sur le logement, les anciens combattants, l'aménagement du territoire, les collectivités locales, peut-être alors pourrez-vous prétendre que le renvoi en commission n'est pas justifié. Mais dans le cas contraire, il serait normal de revenir en commission pour travailler sérieusement et examiner à fond toutes nos propositions. Car elles ne vont pas dans le sens de la solidarité, et les plus modestes n'y trouveront pas leur compte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi.

M. Michel Bouvard - Nous avons bien compris que ces motions de procédure sont un moyen d'expression offert à l'opposition (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Je dois toutefois reconnaître qu'Augustin Bonrepaux a argumenté la sienne. Mais il a invoqué d'abord les amendements du Gouvernement déposés dans le cadre de l'article 88. Or, ce n'et pas une procédure exceptionnelle - du reste, les montants en cause n'affectent que très faiblement l'équilibre du collectif, pour ne rien dire de celui du budget. Tout cela ne justifie donc pas un renvoi en commission.

Je rappelle d'ailleurs qu'ici même, lors de l'examen de la loi de finances pour 2002, cinquante amendements de redéploiement du Gouvernement sont arrivés en séance, sans être passés en commission, pour financer les mesures concernant la gendarmerie. Nous avons demandé alors une suspension pour savoir sur quoi portaient les financements gageant ces redéploiements, car il n'y avait même pas d'exposé des motifs. Il est apparu que certains de ces redéploiements étaient opérés à partir de lignes budgétaires qui n'existaient plus ! Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs reconnu dans sa réponse à notre recours.

Il n'y a pas davantage matière à renvoi en commission dans les mesures relatives aux impatriés. Augustin Bonrepaux a d'ailleurs reconnu que nous avions tous les éléments pour en débattre, y compris le rapport de Mme Gaymard.

Concernant les dispositions pour l'hiver, M. Bonrepaux, montagnard comme moi, sait que l'hiver commence dans les derniers jours de décembre : son impact sur l'exercice budgétaire en cours est donc très faible, et ne saurait justifier le renvoi en commission... S'il nous faut en parler, ce sera peut-être dans le collectif pour 2004, pas aujourd'hui.

Quant aux collectivités locales, il serait décent de ne pas trop nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Je n'ai pas le sentiment que, dans le passé, les mesures de compensation à destination des collectivités aient été particulièrement justes. L'affaire du financement de l'APA reste présente à tous les esprits. Il n'y a pas un département de France qui ait pu éviter d'alourdir sa fiscalité pour financer l'APA ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - C'est faux !

M. Michel Bouvard - Pour toutes ces raisons, engageons sans tarder nos travaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse - La motion de renvoi en commission se justifie à bien des égards. Tout d'abord, M. Bonrepaux a eu raison de le rappeler, nous avons constaté l'absence du ministre en commission, alors que nous aurions souhaité qu'il nous présente ses orientations et ses arguments.

Ensuite, la méthode. Au titre de l'article 88, des amendements du Gouvernement ont été examinés à la va-vite, en moins d'une heure, et alors que nous étions peu nombreux. Il y a là un manque de respect envers le Parlement.

M. Bonrepaux a également raison de souligner, en se référant aux conclusions du rapport de la Cour des comptes, que le principe de sincérité de la loi de finances initiale n'avait pas été respecté sur certains points. Ainsi pour le BAPSA : oui, il y a déficit, mais la réponse apportée est-elle structurelle ? Règle-t-elle les problèmes durablement ? Non. On ne fait que racler les fonds de tiroir. On le verra bien sur Arvalis : s'il s'agit de prélever un peu moins sur cet organisme, et d'aller chercher du côté du Commissariat à l'énergie atomique, cela pose tout de même un problème. Comme l'ont remarqué aussi certains membres de l'UMP, si Cadarache a été retenu dans le cadre d'un grand projet sur lequel nous nous retrouvons tous, c'est aussi grâce au travail des chercheurs et des 15 000 salariés du CEA. Et quand on voit dans le Tricastin deux cents emplois supprimés en partie à cause des gels décidés en mars, et qui persistent dans ce collectif, j'ai vraiment des questions à poser !

Il en va de même de la taxe sur le tabac. Si vous en attendez un équilibre durable du BAPSA, on ne peut plus croire à votre politique de santé publique ! Car l'objectif de la taxation est bien de faire qu'un jour il n'y ait plus de fumeurs. Est-ce donc là une réponse au déficit du BAPSA ? C'est une politique de Gribouille.

En matière agricole, 160 millions d'euros ont été gelés, dont 100 millions sur la garantie contre les calamités agricoles. Face aux pluies et aux crues de ces derniers jours, est-ce ainsi que vous répondrez aux besoins prévisibles ?

Quant aux contrats de plan Etat-région, on connaît aujourd'hui la vérité. Les gels de crédits ont frappé des opérations déjà engagées, sur le réseau routier, les hôpitaux, etc, de sorte que les projets n'avancent pas. Ce que nous contestons particulièrement, c'est le gel et l'annulation des crédits au titre VI des ministères. Vous dites que, pour les hôpitaux locaux, il faut travailler dans le cadre du plan vieillissement. Mais à l'article 66, alinéa 12, il y a un gel de quelque 14 millions. Comment ferez-vous admettre aux élus locaux, qui demandent l'humanisation de leurs hôpitaux et de leurs maisons de retraite, qu'il y aura des engagements forts de l'Etat, quand dans le même temps le fonds d'humanisation et de modernisation des hôpitaux est largement réduit ?

Je ne reviens pas sur les gels de crédits pour les organismes HLM, notamment en milieu rural, cependant que le fonds de renouvellement urbain est amputé, et que la taxe sur les organismes HLM va les affaiblir.

Je conclurai sur l'APA. L'article 16 de la loi prévoyait de faire le point, au bout d'un an et demi, sur les recettes et les dépenses. Or, je demande depuis un certain temps qu'une étude soit faite sur cette allocation, comme le voulait la loi. J'entends bien M. Bouvard, et c'est vrai que l'APA a coûté aux départements (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Je le reconnais. Mais il y a eu participation de l'Etat. On peut la juger insuffisante ; elle a pu être de 30 % dans certains cas, de 60 % dans d'autres. Mais pour la PSD c'était zéro ! Gardez donc vos leçons. Ce projet n'est pas juste et nous demandons son renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement. Je ne veux pas allonger le débat, et nous pourrions au contraire en réduire la durée si, à chacune de nos questions, nous obtenions des réponses précises. Nous avons posé des questions sur les anciens combattants, le logement social, les contrats de plan. Quand on pose des questions aussi importantes et aussi précises, la moindre des choses serait que le Gouvernement réponde. Nous saurions alors à quoi nous en tenir, et pourrions faire porter notre effort sur les autres questions.

M. le Ministre délégué - Je répondrai aux questions qui n'ont été posées lors de l'examen des articles considérés. Nos débats n'en seront que plus vivants... (Sourires)

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

M. le Ministre délégué - Au moment où nous abordons l'examen de l'article premier, je souhaite rappeler qu'en aucune circonstance il ne faut confondre la fin et les moyens. Quelle fin poursuivons-nous ici ? La protection sociale des agriculteurs. Certains y seraient-ils opposés ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - Bien sûr que non ! Mais nous sommes contre les moyens que vous utilisez !

M. le Ministre délégué - Eh ! bien, si personne n'est contre la fin, je ne doute pas que nous trouverons un accord. Mais veillez à ce que chacun de vos arguments tende à cette finalité et à elle seule - les moyens sont une autre chose...

M. Henri Emmanuelli - Nous avons des propositions !

L'ISF par exemple !

M. le Ministre délégué - Prenez garde, sur les bancs de gauche, à ne pas vous égarer. Mais, après tout, si la mesure proposée ne vous semble pas adaptée, ne la finançons pas...

M. Jean-Louis Dumont - Mais si ! Par la solidarité nationale.

M. le Ministre délégué - Alors là, vous avez touché le gros lot ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) La solidarité nationale, elle s'exerce déjà à hauteur de 80 %, par le biais de la TVA affectée de la compensation démographique et d'une subvention du budget général. Souhaitez-vous qu'elle atteigne 100 % ? Dans ce cas, comment justifierez-vous le maintien d'un régime spécifique ? Assumez vos choix !

M. Jean-Louis Dumont - Mais enfin ! C'est vous qui gouvernez !

M. Henri Emmanuelli - C'est vous qui choisissez les moyens, mais nous avons le droit de ne pas être d'accord !

M. le Ministre délégué - Certes ! Et d'ailleurs, vous n'êtes d'accord sur rien !

Sur le fond, je rappelle que les réserves sollicitées par le collectif n'ont pas été constituées par génération spontanée mais par le biais de taxes parafiscales. Il n'est donc pas illégitime qu'elles soient employées au bénéfice de la protection sociale des agriculteurs.

Si le BAPSA est en déficit, il y a trois solutions : adopter le dispositif du Gouvernement, accroître le déficit du budget général, mais c'est un choix que l'Assemblée devra assumer ; réduire la protection sociale des agriculteurs.

Le prélèvement est donc nécessaire, et contrairement à ce qui a été avancé, il n'a rien de dangereux. D'ailleurs, en douze ans de vie parlementaire, je n'ai jamais assisté à une telle avalanche de communiqués ! Cette campagne médiatique doit être bien peu onéreuse pour qu'un organisme qu'on étrangle puisse s'offrir de pleines pages dans les journaux et y publier des lettres ouvertes, y compris à moi, qui peux pourtant recevoir son président s'il me le demande !

M. Henri Emmanuelli - C'est une question de survie !

M. Alain Néri - Et les pages de publicité du ministre de l'éducation nationale ?

M. le Ministre délégué - Je ne vous cache pas que cette médiatisation à outrance a suscité en moi quelque doute sur la manière dont Arvalis conçoit son rôle.

S'agissant de la menace supposée sur la recherche agronomique, je vous rappelle que la santé financière s'apprécie en fonction des flux de ressources et non des réserves ; or, Arvalis qui a accumulé beaucoup plus de taxes parafiscales qu'il n'en a besoin, pourra continuer d'honorer ses engagements après que le prélèvement aura été fait. Je tiens à préciser que ces fonds - publics - ne sont pas, à l'heure actuelle, destinés à des missions d'intérêt général, mais déposés en placements obligataires, et qu'ils représentent trois ans de fonds de roulement. Ce prélèvement, qui n'a rien de confiscatoire, laissera à Arvalis une trésorerie confortable et ne menacera ni l'emploi ni les programmes de recherche en cours puisque le solde des réserves sera de 40 millions, soit l'équivalent d'une année de ressources.

Comment s'explique le choix de quatre organismes désignés ? L'Assemblée peut certes décider d'en choisir d'autres. Pour sa part, le Gouvernement a décidé de n'opérer de prélèvement que lorsque les réserves excèdent quatre mois de fonds de roulement, et d'exonérer de prélèvement les organismes dont le fonds de roulement est inférieur à 3 millions. De ce fait, quinze organismes sont exonérés.

Si l'Assemblée le souhaite, elle peut décider d'exonérer de ce prélèvement les organismes céréaliers, et choisir pruneaux, tomates, vins de Champagne, de Bordeaux ou de Bourgogne, cidre ou cognac. Alors qu'elle le dise !

M. Alain Néri - Et l'ISF ?

M. le Ministre délégué - Par ailleurs, les organismes agricoles faisant l'objet du prélèvement bénéficieront des trois mesures suivantes : affectation des montants restant à recouvrer au titre des taxes parafiscales, dévolution intégrale des bonis de liquidation déduction faite des prélèvements et, enfin, exonération d'impôt sur les sociétés au titre de ces bonis en cas d'emploi à des actions d'intérêt général.

Tous les intéressés mesureront à leur juste valeur l'intérêt de ces mesures, et tout particulièrement la société Unigrains, pour laquelle l'enjeu fiscal est de 157 millions, soit le double du prélèvement opéré sur Arvalis.

M. Henri Emmanuelli - Tour de passe-passe !

M. le Ministre délégué - Voilà quelle est la proposition du Gouvernement, et ce sera l'honneur de l'Assemblée que la voter.

M. Jean-Louis Dumont - C'est un hold-up !

M. Alain Néri - Ce serait surtout l'honneur du Gouvernement de rétablir les crédits destinés au paiement des frais médicaux des anciens combattants ! Depuis septembre, les médecins et les pharmaciens qui les soignent ne sont plus payés. Voilà des effets de votre politique ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Dumont - Et voilà pourquoi vous faites les poches des agriculteurs !

M. Alain Néri - Les prélèvements que vous entendez instituer pour financer le BAPSA représentent un véritable hold-up, puisque ces réserves ont été accumulées à partir d'une taxe payée par les agriculteurs...

M. Michel Bouvard - Je connais des agriculteurs plus malheureux que les céréaliers ; les éleveurs ovins par exemple...

M. Alain Néri - Arvalis, qui a des engagements à long terme, doit disposer d'une trésorerie solide, et les prélèvements envisagés suscitent les plus vives inquiétudes sur son avenir. Les prélèvements vont mettre à mal la recherche appliquée. On a là une nouvelle preuve du peu de cas que la droite fait de la recherche. Bien sûr, on peut s'interroger sur l'adéquation des programmes avec les nouveaux objectifs que la société assigne à l'agriculture. Mais, avec cette mesure, vous cherchez simplement à trouver une ressource dans un budget étranglé par les choix du Président de la République et du Gouvernement.

M. Henri Emmanuelli - C'est vrai !

M. Alain Néri - C'est une disposition de circonstance, qui n'assurera en rien un financement pérenne du BAPSA.

M. Henri Emmanuelli - C'est vrai !

M. Alain Néri - Comme le sapeur Camember, vous creusez un trou pour en boucher un autre.

Si vous voulez vraiment équilibrer le BAPSA, que ne prenez-vous l'argent à ceux qui en ont le plus, en augmentant l'ISF ?

Pour toutes ces raisons, j'appelle nos collègues à voter notre amendement de suppression.

M. Jean-Louis Dumont - Au nom de la protection sociale des agriculteurs et afin de financer le BAPSA, vous prélevez 177 millions sur des organismes de recherche.

Pourquoi ne pas avoir choisi plutôt, comme on l'a fait jadis pour la protection sociale des mineurs de Lorraine ou pour d'autres régimes particuliers, de recourir à la solidarité nationale ?

M. Michel Bouvard - C'est la CNRACL qui a payé !

M. Jean-Louis Dumont - Pourquoi ne pas revenir à la subvention d'équilibre de l'Etat ? De 875 millions en moyenne de 1998 à 2001, elle a été ramenée à 561 millions en 2002 : la différence est plus importante que votre prélèvement d'aujourd'hui !

On comprend mal, par ailleurs, pourquoi vous reprochez à des organismes de recherche importants d'avoir constitué des réserves de précaution. Votre attitude est d'autant plus inacceptable alors qu'on ne cesse de déplorer l'état lamentable de notre recherche et d'insister sur la protection sanitaire et sur la sécurité alimentaire.

Par ailleurs, si l'on peut comprendre la logique de certains prélèvements opérés jadis sur les fonds de services publics comme La Poste, il n'y a aucune raison de s'en prendre à une association loi de 1901 comme Arvalis.

S'il y avait eu négociation, il y aurait eu contribution volontaire, mais si l'on veut faire _uvre pédagogique, mieux vaudrait expliquer aux agriculteurs l'importance de la recherche.

Au lieu de procéder à un hold-up,...

M. le Ministre délégué - Toujours rien sur la protection sociale, ça ne vous intéresse pas !

M. Henri Emmanuelli - Ce n'est pas la fin qui est en cause, ce sont les moyens !

M. Jean-Louis Dumont - ...revenez donc à la subvention du budget général au profit du BAPSA et vous parviendrez à l'équilibre que vous souhaitez.

La méthode du prélèvement est mauvaise. L'an dernier, vous aviez ponctionné le fonds national des calamités agricoles, et cela vous empêche aujourd'hui de répondre dans des délais raisonnables aux demandes des zones sinistrées. On ergote, on mégote, on lanterne. Et ce que vous vous apprêtez à faire subir à la recherche agricole est pire encore (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. David Habib - Le prélèvement est perçu comme une agression par le monde agricole auquel il est imposé sans aucune concertation. Parce que la situation budgétaire de l'Etat se dégrade, vous apportez au problème du financement du BAPSA une réponse conjoncturelle, qui n'est pas à la hauteur des enjeux, qui n'assure en rien la pérennité de ce financement.

Le prélèvement porte atteinte à quatre organismes précieux pour le monde agricole, bien gérés, qui inscrivent leur action dans le moyen et le long terme, qui _uvrent pour la compétitivité et l'indépendance de notre agriculture. C'est la filière céréalière qui en subira les conséquences.

J'ai ici des lettres que m'ont adressées les salariés d'Arvalis du Béarn. Vous me direz sans doute qu'ils ont fait ainsi du lobbying.

M. le Ministre délégué - Oui !

M. David Habib - Mais les interventions des industriels du pétrole à propos de l'amendement relatif au bioéthanol me choquent bien davantage...

Ces salariés me font part de leur angoisse. Ils attendent que ce texte soit amendé dans un sens plus respectueux de leur travail et de la recherche. Vos propres amis ont bien du mal, en province mais aussi à Paris, à expliquer cette mesure et ils vous invitent à la modifier. M. Hériaud suggère de modifier la répartition du prélèvement. M. Auberger souhaite qu'on ne pénalise pas des organismes dont la bonne gestion a permis de dégager des excédents financiers. MM. Novelli et Méhaignerie ont déposé des amendements visant à diminuer le prélèvement sur Arvalis. M. Auberger, encore lui, avoue même que « les aspects politiques devraient être pris en considération ».

A l'évidence, il faut renoncer à cette mesure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Georges Colombier - Les partenaires européens et mondiaux de la France l'ont bien compris : l'agroalimentaire est l'un des secteurs économiques les plus porteurs. Au moment où le budget de la recherche est en augmentation et où nous convenons tous que l'innovation peut accélérer le retour de la croissance, il est crucial de disposer d'outils performants en matière de recherche, en particulier dans les domaines agricole et agroalimentaire.

La Commission européenne en est d'ailleurs bien consciente, puisqu'elle a récemment alerté les Etats membres de l'Union européenne sur la nécessité de relayer l'effort du secteur public de recherche par un accroissement des investissements privés.

Dans le domaine agricole et agroalimentaire, nous disposons en France d'une structure qui mène des recherches liées à la reconnaissance du génome, mais aussi à la protection de l'environnement, à la sécurité alimentaire du consommateur et à la compétitivité agricole. Il s'agit d'Arvalis-institut du végétal, qui est d'ailleurs le premier organisme européen de recherche appliquée dans ce domaine. Cet organisme, qui dispose de réserves financières, a engagé des fonds considérables sur des opérations à long terme.

Or, l'article premier du présent projet prévoit de prélever une somme importante sur les réserves de cet institut financé par des taxes payées par les agriculteurs, notamment pour la mise en place et le développement de la recherche appliquée dans leurs secteurs de production.

La suppression des taxes parafiscales à la fin de l'année 2003 va changer la structure du financement d'Arvalis, puisque les apports de l'ADAR - qui remplacera l'ANDA - et de la cotisation volontaire obligatoire, perçue par la nouvelle interprofession du secteur des céréales, sont encore incertains. Cette suppression permet d'envisager un prélèvement de 79 millions d'euros sur les excédents d'Arvalis afin d'équilibrer le BAPSA.

Ce prélèvement semble inéquitable au monde agricole. En effet, jusqu'à cette année, tous les organismes qui bénéficiaient d'une taxe parafiscale ont pu poursuivre leurs travaux en les finançant grâce au bonus de liquidation. Or le texte que nous étudions actuellement ne prévoit de prélever une part des actifs associés à la taxe parafiscale que pour deux organismes de recherche sur 52 : Arvalis-institut du végétal et le centre technique interprofessionnel des oléagineux métropolitains. Ce prélèvement serait affecté au BAPSA mais plusieurs syndicats agricoles font remarquer que les agriculteurs participent déjà par leurs cotisations sociales à l'équilibre du BAPSA.

Je ne nie certes pas la nécessité de trouver des fonds pour financer le BAPSA et il paraît malheureusement inéluctable de prélever des actifs financiers. Mais la somme prélevée paraît trop importante et trop concentrée sur un faible nombre d'organismes. De plus, elle pénalise divers programmes de recherche.

C'est pourquoi je soutiens l'amendement de M. Auberger tendant à laisser à Arvalis une marge suffisante pour honorer ses contrats de recherche à court ou à moyen terme.

Je pense qu'il est possible d'équilibrer le BAPSA en prélevant des sommes moindres sur davantage d'organismes et je ne doute pas que des solutions équitables seront trouvées afin de préserver les capacités de recherche d'Arvalis-institut du végétal.

M. Charles de Courson - Pourquoi cet article premier ? Parce que nous prévoyons pour le BAPSA un déficit d'exécution de 264 millions d'euros. Et pourquoi avons-nous un tel déficit ? Parce que les recettes ont été surestimées et les dépenses sous-estimées. Je l'avais dit lors de la discussion du BAPSA, que je connais un peu pour en avoir été le rapporteur pendant cinq ans, et j'annonce qu'il en sera de même l'an prochain, dans des proportions sans doute plus considérables puisque les recettes tirées du tabac risquent fortement de baisser. On doit surtout se demander pourquoi l'on demande au seul secteur céréalier, qui ne représente que 20 % du revenu agricole français, de financer ce déficit !

Quand le régime spécial de la SNCF est en déficit, on fait appel à une subvention du budget de l'Etat. Je ne vois donc pas pourquoi, dans le cas du BAPSA, on concentrerait l'effort sur le seul secteur céréalier. J'ai entendu l'un de nos collègues - qui est d'ailleurs parti, maintenant - dire que l'on pourrait bien taxer les riches céréaliers...

MM. Hervé Novelli et Jean-Jacques Descamps - Il n'a pas dit cela.

M. Charles de Courson - Je l'ai bel et bien entendu.

Permettez-moi donc de lui répondre que, si le secteur marchait bien, il faudrait s'en réjouir, mais que tel n'est pas le cas, puisque le revenu agricole à l'hectare des céréaliers n'a fait que baisser depuis dix ans.

M. Jean-Pierre Blazy - Il reste de la marge !

M. Charles de Courson - Un prélèvement sur Unigrains est également prévu, mais il n'est pas de même nature dans la mesure où Unigrains est un établissement financier et dans la mesure où le Gouvernement lui laisse une partie du boni de liquidation, celui-ci étant exonéré d'impôt. D'ailleurs le président de cet établissement n'a pas protesté et un accord a été trouvé.

Quant à l'ONIC, le prélèvement de 57 millions d'euros ne lui fait certes pas plaisir mais il ne lui pose pas de problème dramatique de fonctionnement.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Charles de Courson - Il en va différemment pour Arvalis et je pensais que prélever sur un organisme de recherche afin de combler le déficit de fonctionnement d'un régime social relevait plutôt d'une politique socialiste ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Mais oui, vous n'avez fait que cela pendant des années !

Si Arvalis avait géré de façon socialiste ses budgets, vous n'auriez rien pu prélever, Monsieur le ministre, car cet institut n'aurait eu que des dettes ! Voilà d'ailleurs bien le problème : on ponctionne les bons gestionnaires ! Il faut arrêter de sanctionner ceux qui gèrent avec prudence et sérieux, il faudrait plutôt les récompenser. Sinon, vous suscitez la révolte !

M. le Président - Concluez, je vous prie.

M. Charles de Courson - Quelle somme serait-il raisonnable de prélever sur Arvalis ? Le montant du boni de liquidation correspondant à la taxe qui finançait une partie de cet institut, soit quelque chose de l'ordre de 45 millions. C'était d'ailleurs la position initiale de M. Méhaignerie, qui a finalement décidé de ne demander qu'une baisse de 20 millions du prélèvement, ramenant celui-ci à 59 millions. Je défendrai donc au nom du groupe UDF un sous-amendement qui va plus loin, ramenant le prélèvement à 45 millions.

M. le Président de la commission - Je ne reviens pas sur les arguments du ministre, nous les avons compris. Il est vrai que trois années de réserve accumulées, cela fait beaucoup et que l'on aurait pu baisser les cotisations payées par les agriculteurs. Par ailleurs, je suis sensible aux négociations que vous avez menées avec Unigraines, organisme qui a montré son utilité dans le passé.

Mais au terme d'un débat qui a duré une heure en commission, votre majorité a unanimement considéré comme excessif le prélèvement de 79 millions sur Arvalis. Cela m'a conduit à proposer un amendement qui limite ce dernier à 59 millions. Nous avons en effet voulu saluer le sérieux de la gestion de cet institut ainsi que l'effort de productivité accompli par ce secteur. Il faut bien voir aussi que le monde agricole comprenait mal que d'un côté, le Gouvernement fasse un effort sur l'impôt recherche, et que de l'autre, il prélève une somme aussi élevée sur un organisme de recherche.

Je vous remercie, Monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte cette analyse qui ne peut pas être que technique. L'agriculture a déjà fait un énorme effort d'adaptation. La réforme de la PAC lui imposera de le poursuivre. C'est pourquoi nous vous demandons de réduire de 20 millions le prélèvement sollicité sur Arvalis.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce jeudi 4 décembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heures 15.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 4 DÉCEMBRE 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003 (n° 1234).

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Rapport n° 1266)

M. Marc JOULAUD, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

(Avis n° 1267)

2. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1163), relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

M. Alfred TRASSY-PAILLOGUES, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Rapport n° 1248)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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