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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 37ème jour de séance, 92ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 9 DÉCEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      DÉBAT SUR LA CONCILIATION DE LA CONTINUITÉ
      DU SERVICE PUBLIC DES TRANSPORTS
      ET DU DROIT DE GRÈVE 2

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 31

      A N N E X E ORDRE DU JOUR 32

La séance est ouverte à neuf heures.

DÉBAT SUR LA CONCILIATION DE LA CONTINUITÉ
DU SERVICE PUBLIC DES TRANSPORTS ET DU DROIT DE GRÈVE

L'ordre du jour appelle le débat sur la conciliation des exigences de la continuité du service public des transports et du droit de grève.

M. le Président - L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe UMP, la parole est au premier orateur de ce groupe.

M. Jacques Kossowski - Ce débat est un événement particulièrement important pour notre groupe. Pour la première fois, notre assemblée se saisit de cette question concrète qui touche nombre de nos concitoyens, tant en province qu'en Ile-de-France. A cet égard, je remercie le président Jacques Barrot dont l'engagement a permis ce débat.

Je salue encore la mobilisation sans précédent de nombre de députés de la majorité - 310 députés UMP et UDF ont cosigné la proposition de loi instituant un service garanti dans les transports terrestres, que j'avais déposée en avril 2002.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir accepté de dialoguer en toute franchise avec nous, dans cet hémicycle, sur un sujet difficile sur lequel, pendant des années, la passion l'a emporté sur la raison. Le règlement du dossier des retraites prouve que l'on peut avancer quand la volonté et le dialogue sont au rendez-vous.

Nous souhaitons engager ce dialogue dans la sérénité et vous faire part de nos convictions.

Le Gouvernement doit prendre un engagement ferme pour qu'un service garanti - et non un service minimum -...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Très bien !

M. Jacques Kossowski - ...soit prochainement mis en place dans les transports publics terrestres, nationaux et régionaux.

Cette distinction entre service minimum et service garanti est primordiale. Le service minimum, en effet, existe déjà à la SNCF, à la RATP et dans les différentes régies de transport. Pendant les grèves du printemps dernier, le service n'a jamais été totalement interrompu. Des trains, des rames ont continué de circuler, mais de manière totalement anarchique. Cette situation n'est pas satisfaisante pour les usagers et les entreprises.

Une large majorité de Français est favorable à l'instauration du service garanti. Un sondage de l'IFOP pour le Journal du Dimanche, réalisé les 4 et 5 décembre, a montré que 74 % des Français souhaitaient une limitation du droit de grève et un service garanti dans les transports. Selon l'institut BVA, 81 % de nos compatriotes le demandent, dont 77 % des salariés du secteur public. Cette question transcende les sensibilités politiques. Un consensus existe et rien ne serait plus préjudiciable que l'immobilisme.

Les salariés, et tout particulièrement les plus modestes, ne supportent plus d'être la cible des conflits entre une direction et une organisation syndicale, ni d'être pénalisés par les mouvements de grève. Pensons à tous ceux qui ont dû prendre un jour de congé ou dont le salaire a été amputé à cause des retards. Que dire de la situation des entreprises, de plus en plus dépendantes des réseaux de transport en commun ?

La question du service garanti se pose depuis des années, mais rien n'a changé. Nous restons dans une situation de statu quo parce que certaines organisations syndicales craignent de perdre une partie de leur influence.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le soutien de l'opinion.

Par ailleurs, sur le plan juridique, l'adoption du service garanti rétablirait l'équilibre entre droit de grève et continuité du service public. Je rappelle à ses détracteurs que le service garanti respecte le préambule de la Constitution de 1946, selon lequel le droit de grève s'exerce « dans le cadre des lois qui le réglementent ». Il ne s'agit nullement d'attenter au droit de grève, mais de l'encadrer par un texte législatif. Les salariés conserveraient la possibilité de cesser le travail entre les deux plages horaires de service garanti : leur pouvoir de négociation serait préservé.

Mais le droit de grève n'est légitime que s'il respecte cet autre principe constitutionnel qu'est la continuité du service public. Je note d'ailleurs avec satisfaction qu'un éminent collègue de gauche l'a reconnu.

M. Alain Bocquet - Le nom ?

M. Jacques Kossowski - Jean Le Garrec.

Je regrette que l'ancienne majorité n'ait pris aucune initiative pour garantir la continuité du service public, dont le Conseil d'Etat disait déjà en 1909 qu'elle était « l'essence du service public ». Dans une décision du 29 juin 1987, le Conseil constitutionnel a rappelé que « la continuité du service public, au même titre que le droit de grève, constitue un principe de valeur constitutionnelle ». Le juge constitutionnel a même considéré que le Parlement peut aller jusqu'à priver du droit de grève les agents dont la présence est indispensable aux services dont l'interruption porterait atteinte à l'intérêt essentiel de l'Etat. La cour d'appel de Douai, tout en admettant que la grève avait pour finalité d'exercer une pression sur l'employeur, a considéré que cette pression ne devait pas être telle qu'elle empêche l'entreprise - en l'occurrence, la SNCF - de remplir sa mission.

Enfin, l'instauration du service garanti complèterait utilement la procédure d'alerte sociale mise en place à la RATP et qu'il faudrait étendre à d'autres services publics. Cette procédure a permis d'éviter des arrêts de travail, mais rien n'est prévu en cas d'échec de la négociation.

Monsieur le ministre, au nom de la représentation nationale, je souhaite que vous preniez l'engagement de mettre en place le service garanti. C'est là une promesse faite par le Président de la République aux Français. Un tel dispositif existe partout en Europe. Il serait normal de mettre fin à une triste exception française.

Vous souhaitez négocier au préalable avec les partenaires sociaux et les entreprises concernées. Nous sommes favorables à la négociation, qui fait partie de la méthode du gouvernement Raffarin. Mais après la négociation viendra le temps de l'action et il nous faut fixer une date précise. Le milieu du mois de juin prochain me semble une bonne échéance. Nous aurions ainsi le temps de voter une loi avant l'été. Sinon, il est certain qu'après avoir déjà déposé quinze propositions de loi en dix ans, les députés sauront prendre leurs responsabilités de législateurs pour que le service garanti voie enfin le jour. Nous comptons donc sur vous pour définir une méthode de travail et un calendrier précis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La continuité est nécessaire au service public. Elle est confortée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Garantie proclamée pour l'usager, contrainte supposée pour l'agent public, la continuité est en réalité dans un équilibre précaire. Entre le principe enseigné dans les facultés de droit et la réalité sur le terrain, le décalage est suffisant pour que soit ouvert un débat de fond.

Les services publics de transport représentent aujourd'hui une part déterminante des conflits en France. Il ne se passe pas de mois sans que le transport public soit en grève quelque part en France.

Les Français sont las de subir des prises d'otages à répétition. Il faut dire que les dommages de certains de ces conflits ont été particulièrement lourds : faillites et licenciements supplémentaires, jours de travail perdus, perte de recettes touristiques, allongement des délais de recherche d'emploi, baisse du PNB annualisé, hausse brutale des consultations pour asthme et maladies pulmonaires en raison des embouteillages... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Il y a une certaine disproportion entre le but recherché et les moyens employés. Les conséquences économiques et sociales sont démesurées par rapport à des revendications parfois catégorielles qui ne concernent pas toujours les usagers (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Les Français acceptent de plus en plus difficilement que le service public ne joue pas son rôle, d'autant que compte tenu de sa nature même et du soutien financier qu'il reçoit de la collectivité, il devrait avoir à c_ur d'être performant. L'image de la France dans le monde en est atteinte. Qui n'a pas été interpellé, en voyage, sur cette situation unique au monde ?

En Europe, tout en respectant un droit fondamental inscrit dans la Constitution ou la loi, la plupart des gouvernements ont pris des mesures pour que l'exercice du droit de grève ne menace aucun des intérêts considérés comme essentiels à la vie des citoyens.

En Allemagne et en Autriche, les fonctionnaires n'ont pas le droit de faire grève. Que ce soit par la voie de lois et règlements, comme en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Portugal, au Danemark et au Luxembourg, ou par le moyen d'accords conclus par les partenaires sociaux, comme en Belgique, en Finlande et en Suède, le fonctionnement des « services essentiels » est assuré. En France, l'exigence de « services garantis » est très peu développée puisqu'elle ne s'applique que dans certains secteurs et de manière ponctuelle. Par ailleurs, la notion de « services essentiels » n'a jamais été définie précisément. Nous devrons tôt ou tard passer au crible tous les secteurs pour déterminer, une fois pour toutes, le périmètre.

Si on dépasse les discours dogmatiques, il ne s'agit pas d'opposer la droite et la gauche, mais de moderniser la gestion des services de l'Etat. L'enjeu de notre débat est aussi de réfléchir à l'avenir du service public français.

M. Jacques Desallangre - Vous avez déjà réfléchi ! Vous le privatisez...

M. le Président de la commission des affaires culturelles - La qualité et la compétitivité doivent devenir des exigences majeures.

L'objectif n'est pas de remettre en question le droit de grève, qui est partie intégrante des libertés collectives, mais d'engager une réflexion de fond pour diminuer le nombre de conflits. Il faut remettre la grève à sa juste place : celle d'un moyen de pression, ni trop fort, ni trop faible, qui respecte les usagers et les nécessités du service public. Il n'y a pas de fatalité à un fort taux de grève dans une entreprise, quelle qu'elle soit.

Quant au terme de « gréviculture », il ne contribue guère à éclairer le débat. Les agents sont les premiers à souffrir de ce déficit d'image des services collectifs. Leur jeter l'anathème est facile mais ne sert à rien.

Le problème de fond tient au fait syndical dans notre pays. La France est, parmi les pays d'Europe, celui qui a le plus grand nombre de syndicats et le taux de syndicalisation le plus faible (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Cette dispersion syndicale particulièrement manifeste chez les grands opérateurs publics de transport rend plus difficile l'exercice d'un dialogue social de qualité. Résultat : un climat peu propice à la négociation et une culture de la protestation qui l'emporte sur celle du réformisme social.

Théoriquement, la grève constitue le stade ultime du conflit social. Dans la pratique, elle est presque devenue un préalable à toute négociation et apparaît plutôt aux syndicats comme le moyen d'évaluer les rapports de force avant celle-ci. Le préavis légal de cinq jours est donc rarement mis à profit pour tenter une réelle négociation.

Des préavis sont déposés à répétition pour des motifs mineurs à seule fin d'alimenter une situation de mécontentement permanent justifiant la compétition syndicale interne.

Cette situation nuit aux entreprises mais aussi au fait syndical lui-même, pourtant indispensable dans une société démocratique. Les principales organisations syndicales sont d'ailleurs bien conscientes de la nécessité de faire évoluer le panorama actuel. Il faut souligner à cet égard l'importance du projet qui sera présenté par François Fillon à la fin de la semaine. Il reprend le texte du 26 juillet 2001 signé par tous les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT. Cette réforme est essentielle pour dynamiser le dialogue social.

S'agissant de concilier continuité des services publics et droit de grève, nous savons qu'il ne suffit pas d'adopter des dispositifs juridiques. La façon dont la loi du 31 juillet 1963, qui impose un préavis légal de cinq jours, est détournée nous montre que la règle légale n'a pas toujours l'effet escompté. Cela peut nous inciter à aller plus loin et à imposer par la loi le service garanti, elle peut aussi renvoyer à une autre méthode : celle de la négociation interne.

Nous avons tous à l'esprit le dispositif « d'alarme sociale » qui existe à la RATP. En 1996, un protocole sur l'organisation du dialogue social et la prévention des conflits a été signé entre le président Bailly et la plupart des organisations syndicales, à l'exception de la CGT. Il contient un volet déontologique qui se réfère à la qualité du service rendu aux voyageurs et il a permis d'améliorer sensiblement la continuité du service.

Tout comme vous, Monsieur le ministre, je suis favorable à ce que nous tenions avant tout la ligne du dialogue social. Nous aurions tort de faire de « l'effet d'annonce » sur ce thème au détriment de la concertation. Celle-ci permettra d'arrêter des dispositions équilibrées. Faut-il que les arrêts de travail ne soient autorisés qu'entre 10 heures et 17 heures, comme le suggère Jacques Kossowski ? Faut-il qu'en zone urbaine, le transport soit assuré « au moins pendant deux durées de trois heures en début et en fin de journée », comme le propose Christian Blanc ? Il y a tout un travail de réflexion à conduire pour dessiner le contour du « service garanti ». Ce travail pourrait d'ailleurs être couronné par une loi de consensus, comme vous l'avez suggéré.

Cela étant, les attentes fortes qui se sont manifestées lors des dernières élections nous invitent à agir. Les Français ne comprendraient pas que le Gouvernement soit indéfiniment paralysé par le dialogue social. Nous avons été élus sur un projet, que nous devons engager. Si des règles ne sont pas trouvées par accord, le Gouvernement devra prendre ses responsabilités et la collectivité, « propriétaire » des services publics de transport, devra avoir le dernier mot. Dans cette affaire, je serais tenté de dire que seul le résultat compte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Bur - Au boulot !

M.  le Président de la commission des affaires économiques - L'image d'une France du travail bloquée sur les quais du métro ou de la gare fait sourire à l'étranger ! Elle est certes caricaturale, mais témoigne cependant d'une des faiblesses françaises, voire d'une exception française, comme si notre pays n'était pas capable de mettre en _uvre des mécanismes de prévention des conflits sociaux.

Mme Annick Lepetit - Mais si !

M. le Président de la commission des affaires économiques - En France, la grève n'apparaît plus comme le moyen ultime de pression, mais comme un instrument efficace et courant pour faire avancer des revendications professionnelles. S'agissant des transports publics, cette pratique est la contradiction avec le principe de la continuité des services publics et a des conséquences très néfastes pour l'économie et l'emploi.

Pour défendre leur emploi, certains salariés provoquent la mise au chômage d'autres salariés, ceux des entreprises les plus durement touchées par les grèves. Paradoxe insoutenable !

Je revendique la protection du droit de grève, mais je revendique aussi la continuité des services publics de transport. L'Europe a su concilier les deux, la France doit elle aussi s'attacher rapidement à le faire.

Rappelons qu'il s'agit de concilier des principes de même valeur juridique, à savoir une valeur constitutionnelle. Le droit de grève est en effet garanti par le préambule de la Constitution qui dit qu'il doit s'exercer « dans le cadre des lois qui le réglementent ». Quant à la continuité du service public, le Conseil constitutionnel lui a reconnu à plusieurs reprises, notamment dans la décision du 25 juillet 1979, le caractère de principe à valeur constitutionnelle.

Aujourd'hui, seule la loi du 31 juillet 1963 a une portée générale pour les services publics. Elle interdit en effet les grèves surprises et les grèves tournantes et impose le dépôt d'un préavis indiquant le motif et la durée de la grève.

Notons que la grève est interdite à certains fonctionnaires : magistrats, personnels de l'armée, de la police, des services pénitentiaires, pompiers. De fortes restrictions existent aussi pour les services de radio télédiffusion et pour la distribution de gaz et d'électricité. Il y a donc au sein du service public des différences de traitement vis-à-vis du droit de grève.

Dans les transports publics, nous voudrions réussir à organiser un service garanti plutôt qu'un service minimum. Ce dernier existe déjà et n'est guère satisfaisant pour les usagers, puisqu'il ne leur permet pas de prévoir leur temps de transport. Le service garanti obligerait, lui, à maintenir un trafic normal aux heures de pointe, l'arrêt de travail étant reporté sur les heures les moins chargées de la journée. MM. Kossowski et Blanc ont fait des propositions à ce sujet.

Le service garanti ne doit pas, selon nous, se limiter à la RATP et la SNCF, mais concerner aussi le transport collectif de province. Je pense qu'il doit aussi concerner le fret ferroviaire, car le trafic fret a une répercussion sur le trafic voyageurs et parce qu'il ne serait pas souhaitable que deux types d'organisation sociale existent à la SNCF. J'ajoute que des pans entiers de notre économie dépendent du trafic fret.

Je salue donc le travail mené par la SNCF pour réorganiser sa branche fret et pour y définir les modalités d'un service garanti, en assurant à quelques trains dits « vitaux » une priorité absolue et une traçabilité de nature à rassurer les chargeurs. Félicitons-nous du changement culturel consistant à ne plus considérer que le seul trafic noble est celui des voyageurs !

De son côté, la RATP a mis en place, dès 1992, une mission permanente de conciliation chargée de prévenir les conflits. Cette première tentative fut un semi-échec qui prit fin avec les grandes grèves de 1995. Il fallut ensuite mettre en _uvre un véritable changement culturel pour ne plus considérer la grève comme un outil banal de pression mais comme un ultime recours, lorsque la négociation sociale périodique a échoué. Cette démarche s'est traduite en 1996 par la signature d'un accord qui a fait baisser la conflictualité et qui a été complété par un nouvel accord en octobre 2001, lequel a achevé la décentralisation du droit syndical et posé des règles plus rigoureuses concernant la représentativité.

Le nombre de journées de grève est ainsi passé de un jour par agent à la fin des années 1990 à 0,26 en 2002. Désormais, dans 60 % des cas, les alarmes sociales se soldent par un constat d'accord. Dans le même temps, la négociation collective s'est constamment développée. Tout cela est très positif mais a supposé un travail de long terme qui a profondément modifié la culture interne de la RATP.

Trouver les modalités d'un service garanti exigera encore une profonde mutation des entreprises de transport, encore fortement marquées par la culture de lutte de classes et par un management très hiérarchique et centralisé. J'ajoute que le « service garanti » n'est qu'un élément du dialogue social, qui doit se traduire par des efforts de démocratisation dans la vie de l'entreprise. Sans cette mobilisation de l'ensemble du personnel, il ne sera pas possible de parvenir à une organisation plus flexible qui s'adapte aux demandes de la clientèle.

Le système mis en place à la SNCF est plus fragile, car il n'a pas été approuvé par les organisations syndicales majoritaires, mais la dynamique de négociation est lancée. Un dispositif assez proche du « service garanti » a été institué, puisqu'il permet d'élaborer en concertation avec les organisations syndicales un plan de transport adapté selon le degré de mobilisation du personnel gréviste.

Le changement culturel reste insuffisant mais chacun a néanmoins pris conscience des effets désastreux que peut avoir une grève, comme celle de 2001 qui a bien profité aux transporteurs routiers ou celle de 2002. Les deux ont causé de lourdes pertes financières à l'entreprise et l'ont beaucoup affaiblie.

Ces quelques exemples montrent que le service garanti ne sera pas aisé à mettre en _uvre et que seules des négociations d'entreprises peuvent permettre d'en définir précisément les modalités afin de concilier le service public et le droit de grève. Il semble donc préférable de laisser aux partenaires sociaux le temps de négocier, avec l'aide - pourquoi pas, en effet, Monsieur le ministre ? - d'une commission d'experts chargée de proposer des compromis en cas de blocage. Le Gouvernement pourrait, si besoin est par la loi, fixer à cette négociation un délai maximum, afin d'éviter toute tentation d'enlisement.

Je vous fais confiance, Monsieur le ministre, pour le choix des moyens et de la stratégie. Ce qui importe, c'est que le dialogue prenne le pas sur la contrainte : seule une décision librement acceptée peut être viable, en effet.

Cette volonté d'encadrer les arrêts de travail collectifs ne doit pas être perçue comme une menace contre le droit de grève : il s'agit surtout de permettre aux parties prenantes de comprendre la nécessité d'améliorer l'organisation du service public en évitant de léser les usagers. Le service garanti offre une chance de renforcer le dialogue social et de définir des procédures évitant de s'en remettre à des accords signés par des organisations syndicales minoritaires. Il suppose un large consensus et une démocratisation des mécanismes de la négociation sociale - voire des référendums dans l'entreprise.

Pour le Gouvernement, il s'agit maintenant de fixer le cadre de ces négociations, le calendrier de ce dialogue social moderne et transparent. Rendez-vous doit donc être pris et, si le dialogue échoue, la loi s'imposera.

Pour ce qui est de la représentation nationale enfin, il s'agit de manifester sa détermination à contribuer, pour sa part, à une évolution des relations sociales vers plus de confiance, pour éviter un surcroît de contraintes (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDF).

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République - A la veille de la loi de juillet 1963 sur le droit de grève dans les services publics, Jacques Fauvet, à la une du Monde, relevait : « La question est habituellement posée quand le travail cesse et non moins régulièrement quand il reprend. Facile à énoncer, elle est certes beaucoup plus difficile à résoudre ». Je ne prétends pas trancher aujourd'hui une question aussi complexe que celle qui vise à concilier, selon les termes employés par Pierre Devolvé dans son article fondateur de la Revue française de droit administratif, liberté d'aller et venir et droit de grève. Et, plutôt que de me perdre dans les blandices de discours hésitant entre dogmatismes sans chair et pragmatismes sans morale, je souhaiterais, comme c'est mon rôle, rappeler quelques points de droit.

La principe de continuité du service public a été élevé au rang de principe fondamental en 1980 par le Conseil d'Etat, qui a posé à cette occasion que tout service public doit fonctionner de façon régulière, sans interruptions autres que celles prévues par la réglementation, et s'agissant des services essentiels pour la vie sociale - service de sécurité, de santé, énergie, eau, certains types de transport - en permanence.

Ce principe avait été reconnu comme ayant valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel l'année précédente.

S'il est battu en brèche par la possibilité reconnue à l'administration ou aux gestionnaires des services publics de décider, lorsqu'ils le jugent nécessaire, de supprimer celles des prestations dont le caractère obligatoire n'a pas été reconnu par la loi, il l'est surtout par le droit de grève.

On peut distinguer schématiquement trois phases dans l'histoire de l'avènement de ce droit dans les services publics. Dans une première phase, la grève est, comme pour les salariés du secteur privé, une infraction pénale ; dans une deuxième phase, elle reste pour l'administration et le juge un « acte illicite » et il n'est peut-être pas inutile de rappeler qu'en 1894, Jean Jaurès, Jules Guesde et Marcel Sembat proposèrent de réglementer le droit de grève dans les services publics : « Ce sera la volonté régulière et pacifique du nombre remplaçant l'usage ou l'abus anarchique de la force individuelle ; ce sera l'état social succédant à l'état de nature » disait Jaurès. Dans une troisième phase, enfin, la grève devient un droit constitutionnellement reconnu.

Le Conseil d'Etat, dans sa célèbre décision Dehaene du 7 juillet 1950, a reconnu le droit de grève aux agents publics, n'imposant ce droit qu'à l'administration et laissant la faculté de requérir certains agents.

Restait une question : le législateur pouvait-il déroger au droit de grève ? Le Conseil constitutionnel répond « non ». Dans sa décision de 1979, il consacre, pour la première fois, la valeur constitutionnelle du droit de grève, tout en relevant son caractère relatif. Le législateur ne peut ainsi prévoir la suppression du droit de grève pour aucune catégorie de salariés.

Enfin, se fondant sur l'alinéa 7 du préambule de 1946, la Cour de cassation a affirmé, dès 1951, que l'exercice du droit de grève ne rompait pas le contrat de travail, mais ne faisait que le suspendre.

Les efforts accomplis pour concilier la défense des intérêts professionnels et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut porter atteinte, ont été permanents. L'objectif avait d'ailleurs été posé dans la décision Dehaene dont mon lointain prédécesseur, René Capitant, disait qu'elle était audacieuse, mais légitime et nécessaire. Le commissaire du gouvernement Gazier relevait à ce propos qu'« admettre sans restriction la grève des fonctionnaires, ce serait ouvrir des parenthèses dans la vie constitutionnelle et... consacrer officiellement la notion d'un Etat à éclipses ».

Le Conseil constitutionnel a rappelé la nécessité de cette conciliation dans ses décisions du 25 juillet 1979, du 22 juillet 1980, de 1981 sur la loi « sécurité et liberté », de 1986 sur la liberté de communication ainsi que dans celle de 1987 qui a censuré le principe d'une retenue plus que proportionnelle à la durée des grèves de moins d'une journée.

Le législateur est lui aussi intervenu à plusieurs reprises, affirmant le caractère relatif du droit de grève : interdiction pour les CRS en 1947 et pour les personnels de la police nationale en 1948, pour les personnels pénitentiaires et les magistrats en 1958, pour les personnels de transmission du ministère de l'intérieur en 1968 et pour les militaires en 1972 ; service minimum pour les personnels de la radiotélévision en 1979 et pour les personnels de la navigation aérienne en 1985 ; de manière plus générale, interdiction des grèves tournantes et préavis obligatoire dans les services publics en 1963.

Les tentatives de conciliation ont échoué. Certes, quelques entreprises publiques ont, depuis, imaginé des mécanismes innovants, tel celui dit de l' « alarme sociale », en vigueur à la RATP depuis 1996, mais la législation générale requise par le préambule de la Constitution de 1946 n'a pas été édictée, au regret du Conseil d'Etat.

La jurisprudence n'a guère pallié ce manque dans la mesure où elle a porté surtout sur des sujets tels que le caractère raisonnable des motifs de la grève, les retenues pécuniaires ou la question des sanctions disciplinaires. Tout juste a-t-elle précisé qu'en l'absence de loi, le pouvoir réglementaire pouvait intervenir à titre subsidiaire - je vous renvoie à la décision de 1984 du Conseil d'Etat, fédération nationale des PTT-CGT.

Dans sa tentative de conciliation, cette même jurisprudence est même quelquefois allée un peu trop loin : ainsi, une décision de 1998 de la chambre sociale de la Cour de cassation est revenue sur une interprétation constante des juges du fond, faisant une application sans doute trop littérale de la loi de 1963.

L'échec de ces efforts de conciliation s'explique aisément : lorsque l'autorité constituante - en l'occurrence le constituant de 1946 - est volontairement équivoque, l'autorité législative systématiquement défaillante et l'autorité gouvernementale perpétuellement hésitante, ce n'est pas le juge à lui seul qui peut redresser la situation.

Une solution consisterait, à mon sens, à promouvoir le principe d'adaptation, que certains se plaisent à appeler « mutabilité » ou « adaptabilité ». C'est en effet par ce truchement - qui apparaissait comme avant-gardiste aux grandes heures de l'école du service public - que nous arriverons à concilier continuité du service public et respect de l'expression des droits des salariés et agents publics.

Le service public ne peut perdurer en Europe, dans sa spécificité, qu'en s'adaptant aux évolutions technologiques et à la demande sociale. Si le contenu de l'intérêt général change et implique que les utilisateurs des transports, par exemple, ne pâtissent pas d'une grève, cette exigence d'adaptation devient évidente, fixant une limite à l'exigence de continuité qu'elle contribue à satisfaire.

Si nous sommes amenés à légiférer sur la question du service garanti, comme nous y autorise le préambule de la Constitution, soyons prudents et n'imposons pas à tous les services publics un carcan qui ferait fi de ce principe d'adaptation. Il conviendrait également de réfléchir à l'assouplissement des conditions de mise en _uvre de la responsabilité de l'Etat ou de la collectivité concernée, à raison des dommages causés par une grève.

Pour éviter de tomber de Charybde en Scylla et nous tenir à égale distance des « gréviculteurs » - mis en scène en 1902, Monsieur Dubernard, par Jean Drault dans une pièce donnée au Grand Guignol ! - et des thuriféraires de l'interdiction absolue, il nous faut trouver la juste mesure entre dogmatismes et pragmatismes de toutes espèces - les uns s'abritant, le cas échéant, derrière les autres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Odile Saugues - La droite française semble souffrir de manière endémique d'un étrange prurit : voici en effet la quinzième proposition de loi depuis 1992 pour imposer un « service minimum », quitte à opposer deux droits majeurs et, ce faisant, les Français eux-mêmes.

D'un côté, il y aurait ceux qui, privilégiés par leur statut, utiliseraient de façon erratique le droit de grève sans avoir jamais à redouter de sanction ; de l'autre, une partie de la population placée dans des difficultés insurmontables du fait de ces arrêts de travail répétés. Les Français qui, signalons-le au passage, sont à 73 % pour le dialogue social et à 24 % seulement pour la loi, mettent dans un pot commun tous les dysfonctionnements dont ils sont victimes, qu'il s'agisse de retard, de vétusté du matériel ou d'interruption momentanée du service. Et nous n'avons pas le droit d'accepter cette caricature, dangereuse pour la démocratie, pas plus que d'accepter que la grève soit l'unique moyen de règlement des conflits.

Le dépôt d'un préavis de grève est un constat d'échec du dialogue social, dont il marque le plus souvent l'absence. En outre, non seulement la grève touche le fonctionnement des entreprises, mais elle « pourrit » le climat et perturbe les relations sociales au-delà de sa durée effective. Je le sais pour l'avoir vécu : quand il s'agit d'un conflit dur, où chacun a donné beaucoup de lui-même, il n'est pas facile de reprendre sa place dans l'entreprise.

Le droit de grève remonte en France à 1864. Affirmé dans le préambule de la Constitution de 1946, c'est un principe constitutionnel ; il est également reconnu par la charte sociale européenne du 18 octobre 1961. C'est un droit individuel qui s'exerce collectivement. La continuité du service public, que l'on veut lui opposer, est un principe que le Conseil constitutionnel a reconnu.

Vous nous proposez d'instaurer un service minimum dans les services publics par l'intermédiaire d'une loi. C'est pour François Chérèque « la pire façon d'aborder la question », et pour le rapport du sénateur Huriet un « pis-aller ».

Monsieur le ministre de l'équipement, vous avez organisé un tour d'Europe du droit de grève, à la recherche d'exemples qui, semble-t-il, ont soulevé l'enthousiasme de certains élus de votre bord. Mais chaque pays a sa culture et son mode de dialogue social ; la culture française des services publics en a fait des outils de qualité au service de tous et, dans les transports, la sécurité est le maître mot. Point n'est besoin d'avoir vu le film de Ken Loach pour comprendre que la population anglaise aurait sûrement préféré quelques journées sans trains et un service de transports de qualité ! Cessez donc de vouloir prendre chez nos voisins européens ce qui vous arrange.

M. Jacques Desallangre - Très bien !

Mme Odile Saugues - Les Français, les salariés, les syndicalistes attendent de vous de vraies réponses en termes de dialogue social. Ils sont adultes et capables, quand les négociations sont menées de façon respectueuse des intérêts du plus grand nombre, de travailler de façon collective. En témoigne le système dit « d'alarme sociale » en vigueur à la RATP depuis 1996, renouvelé en 2001 avec l'adhésion de toutes les organisations syndicales, et qui a permis de diviser par cinq le nombre de jours de grève par salarié.

Demandez-vous honnêtement pourquoi la fonction publique, qui représente environ un quart de la population active, a été à l'origine de 64 % des jours de grève en 1995 et 61 % en 1996 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C'est par l'évolution des rapports sociaux dans l'entreprise que nous devons résoudre les conflits ; la contrainte ne saurait se substituer à la négociation. En outre, le service minimum obligerait à des choix entre divers horaires et entre diverses destinations, donc entre divers citoyens. L'expérience prouve qu'on ne pense pas toujours d'abord aux plus modestes d'entre eux : la SNCF fait le choix de faire circuler des TGV alors que les Franciliens attendent des TER.

Mais ce gouvernement ignore le dialogue social. Déjà, les 35 heures ont été rendues inopérantes par un simple décret, le RMA est passé en force, on a fait disparaître à la sauvette le principe de faveur, la suppression d'un jour férié, qu'Alain Madelin a qualifiée de « rétablissement de la corvée », a été imposée par un coup de menton du Premier ministre... Tout nous laisse craindre un « détricotage » rapide des droits chèrement acquis par des générations de salariés, alors qu'ils doivent constituer, dans l'Europe que nous voulons construire, non pas un obstacle à supprimer, mais un but à atteindre par tous.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Et les droits des usagers ?

Mme Odile Saugues - Lors des grèves du printemps, dans le débat sur les retraites, le Gouvernement n'a eu de cesse d'opposer les salariés de la fonction publique à ceux du privé et, lors du débat sur le RMA, il a eu l'impudeur d'opposer les « salariés pauvres » aux « pauvres sans salaire ». Il est vrai que le black-out ne fut total qu'en 1995 : le gouvernement d'alors avait fait tout ce qu'il fallait pour que les cheminots « tombent le sac » et que tous les salariés soient dans la rue.

La continuité du service public que vous appelez de vos v_ux, faut-il rappeler que sa casse est programmée par la suppression de lignes SNCF, de bureaux de poste en zone rurale, de lignes aériennes, au nom de la rentabilité et du libéralisme ?

M. Eric Woerth - Cela n'a rien à voir !

Mme Odile Saugues - Dois-je ajouter que la suppression du financement des transports urbains, services au public par excellence, laisse les maires brutalement démunis ? Monsieur le ministre, ne cédez pas à la tentation de l'électoralisme ! La proximité des élections régionales a poussé certains, en Ile-de-France, à faire des promesses que vous croyez devoir tenir dans la précipitation : il faut sauver le soldat Copé... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

La situation de l'emploi, l'éclatement des collectifs de travail, la précarisation, les délocalisations pèsent sur la capacité des salariés à agir collectivement par la grève. Le service public reste de fait le seul lieu où le droit de grève peut encore s'exprimer. Le jour où les salariés de la fonction publique ne pourront plus faire grève de façon efficace, c'est-à-dire, reconnaissons-le, forcément contraignante pour les citoyens, nous pourrons légitimement craindre de voir ce droit tomber en désuétude, dans un monde du travail déstructuré. Soyez persuadés que nous, socialistes, nous ne l'accepterons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Christian Blanc - Depuis quinze ans, 80 % des Français se prononcent dans les sondages pour la continuité du service public dans les transports publics. Comment la représentation nationale peut-elle depuis si longtemps ignorer la volonté des Français ? C'est en effet le Parlement, et lui seul, qui a la compétence constitutionnelle pour rendre compatibles les deux principes constitutionnels que sont la continuité du service public et l'exercice du droit de grève.

Le préambule de la Constitution dit que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » : seul le législateur est habilité à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel la grève peut porter atteinte.

Notre incapacité à répondre à l'attente des Français tient à la crainte des gouvernements et des majorités successives face à des syndicats catégoriels et des corporatismes ayant la capacité de paralyser la vie du pays. Mais on feint d'oublier une évidence : les services publics ne sont pas la propriété de leurs salariés, mais appartiennent à la nation.

C'est pourquoi j'avais déposé cet automne une proposition de loi, aujourd'hui cosignée par 160 députés et que j'ai adressée à chacun d'entre vous, qu'il soit dans la majorité ou dans l'opposition. Elle a pour objet d'assurer la continuité du service public des transports de voyageurs en conciliant le droit de grève et les autres principes constitutionnels ; elle ne concerne que les transports réguliers de voyageurs.

Elle propose une garantie de service public pour les transports urbains, trois heures en début de matinée et trois heures en fin de journée. Le droit de grève pourrait continuer de s'exprimer pleinement sur les deux tiers de l'activité quotidienne. Je voudrais faire observer que si 100 % ou même 60 % des salariés font grève entre midi et trois heures du matin, il serait malvenu de la part du dirigeant de l'entreprise de penser qu'il n'y a pas de problème ; en revanche, qu'une entreprise puisse être paralysée par la grève de 4 ou 5 % de ses salariés dans des points sensibles ne me paraît pas très démocratique.

Pour les liaisons interrégionales, nous avons préféré la notion de trajet à celle de plage horaire, afin de garantir un minimum de dessertes avec les métropoles de province et d'outre-mer.

En France, le service public n'est pas seulement un concept juridique ; c'est une conception du lien social car il exprime la responsabilité de tous envers chacun et de chacun envers la nation. Le modèle français de service public répond au désir que les activités qui sont au coeur de la solidarité nationale soient effectivement au service du public. Il n'est plus possible de qualifier une activité de « service public » simplement parce qu'elle est exercée par un organisme public.

Instaurer un service garanti dans les transports de voyageurs en cas de grève, c'est également assurer la pérennité du service public, nos collègues de gauche ont tendance à l'oublier. L'absence de continuité entraîne une désaffection croissante des Français ; cette mise en cause affaiblit lentement, mais sûrement la légitimité du service public. Nous devons réaffirmer les valeurs qui y sont liées, comme la solidarité entre les Français et les différentes parties du territoire. Elles sont à la base de notre cohésion sociale et du pacte républicain.

Dans tous les pays européens, ce sont les forces de gauche qui ont réglé l'articulation des deux principes : continuité du service public, exercice du droit de grève.

L'exaspération des citoyens est grande. La société française est en combustion lente et la classe politique perd de plus en plus sa légitimité.

J'entends dire qu'il faut donner la priorité au dialogue social. Je ne comprends pas très bien la signification d'un propos aussi vague. Je suis un homme de dialogue, je l'ai montré en Nouvelle-Calédonie, à la RATP et à Air France. Notre proposition de loi prévoit d'ailleurs, après la promulgation de la loi, six mois de concertation dans chaque entreprise sur les modalités de son application.

Mais le dialogue social n'est possible que si chacun agit dans le cadre de ses compétences. On ne peut demander à un syndicat d'être autre chose que le représentant des salariés. Chacun doit assumer ses responsabilités propres.

Même en situation de dépôt de bilan, pouvais-je demander aux syndicats d'Air France de passer un accord portant sur 6 000 suppressions de postes, un gel des salaires pendant quatre ans ? Non. J'ai dû faire appel à tous les salariés par référendum pour présenter un plan drastique qui conditionnait la survie de l'entreprise. Il a été approuvé par 83 % d'entre eux.

Imaginons que l'Etat m'ait donné instruction de trouver un accord avec les partenaires sociaux, au nom du dialogue social, sur la stratégie de l'entreprise. Si nous avions cherché un compromis avec les solutions proposées par les syndicats, Air France ne serait plus aujourd'hui qu'un glorieux souvenir.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan - Très juste !

M. Christian Blanc - Dix ans plus tard, Air France est une des meilleures entreprises mondiales, pour la fierté des salariés et de leurs syndicats.

Concernant les services publics, la compétence de l'Etat ne se négocie pas.

Oui, il y a probablement un risque social à légiférer, mais le risque politique principal serait dans une extrême prudence. Quand il y a du verglas, il est particulièrement dangereux de freiner.

Qui peut croire qu'une négociation conclue avec des syndicats sur des procédures de prévention des conflits apportera une garantie de continuité du service public - si tant est qu'une telle négociation puisse aboutir, lorsqu'il faudra définir les sanctions à appliquer en cas de non-respect des procédures d'alerte ?

Si, comme je le souhaite, le Gouvernement est appelé à délibérer sur une proposition ou un projet de loi avant mars 2004, les partis politiques et les syndicats seront confrontés à un vrai choix sur la modernisation et la pérennité du service public. Les Français, à l'occasion des élections régionales, jugeront alors les positions de chacun et, en cas de crise sociale, pourront conclure le débat.

Il faut savoir qui dirige le pays. Le peuple, que nous représentons, ou les syndicats ? Est-il possible de moderniser la France et l'Etat ? Une impossibilité conduirait à une crise de la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. André Gerin - La conciliation du service public des transports et du droit de grève cache en fait une atteinte au droit de grève par l'instauration d'un service minimum, alors que la droite est incapable d'assurer le minimum de service public en raison d'abandons successifs.

C'est un sujet auquel la droite est « accro » : onze propositions de loi ont déjà été déposées. C'est du harcèlement législatif !

Après la criminalisation de la misère avec la stigmatisation de l'immigration, il faut faire preuve d'autorité pour servir le bon peuple et mettre les salariés au pas : il faut criminaliser l'action syndicale.

Plusieurs députés UMP - Mais non !

M. André Gerin - La droite croit que le moment est venu de s'attaquer à un droit constitutionnel. Avec l'atteinte au droit de grève, c'est l'architecture du droit du travail qu'elle veut démanteler.

Les emplois stables disparaissent, le monde du travail est menacé d'atomisation, la qualité des services publics est souvent le dernier de vos soucis. Il y a quelques semaines, le Gouvernement a voulu supprimer les crédits d'Etat permettant le développement des transports en commun dans les régions...

Mme Odile Saugues - Eh oui !

M. André Gerin - ...et je ne parle pas des coupes claires dans les budgets sociaux ou, insulte suprême, de l'augmentation du budget de la défense.

Les usagers sont confrontés à la dégradation des services publics. Les déplacements du domicile au travail, dans la région parisienne et les grandes agglomérations, deviennent à certaines heures inhumaines, comme si le métro transportait des bestiaux.

Le slogan des années 1970 est toujours d'actualité : « L'Etat ne vous transporte pas, il vous roule ».

Les investissements sont régulièrement amputés, et de trop nombreux quartiers abandonnés. Les centres-villes sont privilégiés, au détriment des banlieues. Les familles les plus modestes sont logées dans les villes les moins équipées. C'est l'apartheid social, c'est la création de zones de non-droit.

Comment oser parler de continuité du service public avec des réseaux de transport de plus en plus réduits ?

Les transports deviendront rapidement dans certains de nos territoires comme ils le sont aux Etats-Unis ou en Angleterre : vétustes et mal entretenus. La suprématie de la voiture individuelle, la hausse vertigineuse des coûts de stationnement, la paralysie des villes en seront les conséquences.

Quand une partie de la droite lepénisée rêve d'interdire le droit de grève, vous organisez la détérioration des services publics qui sont considérés comme une charge, un secteur non rentable par le capitalisme financier. Aucun secteur ne doit être épargné par la financiarisation de l'économie. Les usagers doivent payer : c'est la sélection par l'argent. La situation de l'hôpital public est éloquente.

La privatisation, la libéralisation sont des armes que vous utilisez contre le service public. La semaine dernière, nous avons ainsi débattu de la privatisation de France Télécom. Le dépeçage des services publics s'accélère. La Commission européenne, le Medef l'exigent (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

Le réseau ferré de la Grande-Bretagne, en raison des privatisations, est de très mauvaise qualité.

M. Christian Vanneste - Bien plutôt en raison de l'absence d'investissements pendant des années !

M. André Gerin - Est-ce là votre modèle ? Le capital financier pourrit tout. C'est le pétainisme industriel, la pédagogie du renoncement (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président de la commission des finances - C'est de la bêtise !

M. le Président de la commission des affaires économiques - C'est ridicule !

M. André Gerin - Cela vous gêne. Vous savez très bien que nos industries sont à l'abandon.

La grève est un droit fondamental inscrit dans la Constitution de 1958. Le préambule de la Constitution de 1946, comme la déclaration de 1789, tous deux textes de valeur constitutionnelle, disposent que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Ces lois existent déjà - celle de 1963 a créé le préavis de cinq jours dans les services publics, qui n'est malheureusement jamais utilisé par les directions pour négocier avec les syndicats. La grève est devenue suspecte à vos yeux, alors que l'on juge souvent la démocratie d'un pays aux limites qu'elle lui fixe. Or, vous développez une politique liberticide et sécuritaire. Limiter le droit de grève pour préserver la liberté de circulation est un leurre et porte atteinte à la démocratie économique et sociale.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Et les Français ? Et les usagers ?

M. André Gerin - C'est du discours tarte à la crème ! Vive le dialogue social ! Le conflit du travail devient hors la loi. Vous remettez en cause la fonction publique, et en particulier le statut des fonctionnaires, jadis acquis de haute lutte.

La droite est unanime pour condamner le préjudice subi par les entreprises, mais ne se préoccupe pas des usagers, victimes de votre politique. Une politique dure pour les modestes, généreuse pour les puissants.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Caricature !

M. André Gerin - Vous prétendez, comme Le Pen, défendre les usagers (Protestations sur les bancs du groupe UMP). En réalité, vous vous moquez du peuple ! Le droit de grève et le droit des salariés sont, pour le gouvernement de droite et le Medef, incompatibles avec la liberté de licencier, de délocaliser, de privatiser (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président de la commission des affaires économiques- Discours réactionnaire !

M. André Gerin - Les atteintes au droit de grève sont indispensables pour une gestion libérale du capitalisme à la Thatcher.

La qualité du service public est au contraire un véritable défi de société qu'il faut relever. Il faudrait donner de nouveaux pouvoirs aux fonctionnaires et aux salariés pour qu'ils soient enfin acteurs des stratégies d'entreprise. Mais on ne touche pas au pouvoir sacré des dirigeants de la technostructure !

Après le 21 avril,...

M. le Président de la commission des affaires économiques - 3 % pour les communistes !

M. André Gerin - ...la droite se croit tout permis et en droit de bouleverser les acquis de notre histoire.

M. le ministre prétend apporter des réponses modérées, alors que le Gouvernement s'attaque frontalement au droit du travail. C'est tout le monde du travail qui s'en trouve humilié. Certains députés recevront même, pour leurs propos, les compliments de Jean-Marie Le Pen.

M. Jacques Kossowski - Vous ne nous aurez plus avec cette méthode !

M. André Gerin - Vous défendez le dogme du marché et oubliez les hommes. Les entreprises capitalistes ont cessé d'être les espaces stables d'une vie au travail ? Le nouvel esprit du capitalisme est de produire de la valeur pour les actionnaires et les grands de la finance.

Vous valorisez l'individualisme, au détriment des accords et des droits collectifs. En cassant le collectif, vous ébranlez le rempart des services publics à la française, pour mettre au pas les salariés, les employés, les ouvriers. Par cette proposition, vous faîtes violence à des millions d'honnêtes gens qui ont une haute idée de la France, du service public, et de la République (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous les méprisez et les humiliez.

Votre politique accentue les inégalités sociales. Vous menez la politique de l'indifférence et généralisez l'insécurité sociale. Toucher au droit de grève aurait des conséquences sociales désastreuses. Aussi sommes-nous déterminés à mettre en échec votre proposition.

Monsieur le ministre, vos propos qui se veulent rassurants nous incitent à nous mobiliser plus encore, car la tentation liberticide est là, à la droite de la droite (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Robert Lecou - Remettons-nous sur les rails de l'intérêt général et du service public.

Mon intervention s'inspire du rapport que la délégation à l'Union européenne m'a demandé sur le droit de grève dans les services publics en Europe. Permettez-moi de remercier M. Barrot qui a favorisé ce débat, ainsi que M. Lequiller, président de la délégation.

Le droit de grève est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, et remonte à 1864. Symbole de progrès social et de conquête démocratique, nous y sommes fort attachés.

La continuité du service public est un principe général du droit de la République française, reconnu par le Conseil constitutionnel. L'article 5 de la Constitution de 1958 dispose que le Président de la République assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, ainsi que la continuité de l'Etat.

Concilier droit de grève et service public est l'enjeu du débat alors que depuis quelques années, la mise en place d'un service minimum dans les services publics fait l'objet de controverses.

Cette question touche à plusieurs principes de valeur constitutionnelle : le droit de grève, la continuité des services publics, le principe de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens, auxquels on peut ajouter le droit au travail et la liberté d'aller et venir.

Si l'intérêt général commande de remédier à la multiplication des grèves, on ne peut faire l'économie d'une concertation avec l'ensemble des acteurs.

La grève est un constat d'échec du dialogue social et le service garanti ne saurait être considéré comme un remède miracle : il ne peut être qu'un moyen ultime d'assurer la continuité de service public et il doit être compatible avec le droit de grève.

Je pense, d'autre part, qu'il faut considérer l'ensemble des secteurs essentiels, et non pas seulement celui des transports.

Que se passe-t-il chez nos voisins européens ? Il est bon de faire une comparaison sans pour autant vouloir transposer.

Tout d'abord, si tous les pays européens reconnaissent le droit de grève, seule la moitié d'entre eux disposent d'un régime général de service minimum, dont le bilan est globalement satisfaisant : Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Suède, Finlande et Belgique.

En Italie, deux lois largement négociées encadrent le droit de grève. Elles dressent une liste des services publics essentiels donnant lieu à un service garanti, les conditions de mise en _uvre devant être définies par des conventions collectives. A défaut d'accord entre les partenaires sociaux sur le service minimum, une commission de garantie définit ce service et apprécie l'opportunité des prestations minimales définies par les conventions collectives. Cette commission joue par ailleurs un rôle de médiation et d'arbitrage auprès des partenaires sociaux, et peut prononcer des sanctions lorsque les conditions du service minimum ne sont pas respectées.

De surcroît, le droit italien limite le recours à la grève et le Gouvernement dispose de moyens de réquisition. Chaque secteur est donc soumis à des règles particulières adaptées à sa spécificité.

Dans les transports collectifs, la grève est ainsi interdite pendant les heures de pointe, les vacances scolaires ou les périodes d'élection. Il n'est pas possible, non plus, de cumuler deux grèves de transports - ferroviaire et aérien, par exemple - ni de mener, en même temps, une grève locale et une grève nationale.

Le bilan de l'application du service minimum, en Italie, est jugé satisfaisant.

En Espagne existe aussi un service minimum appliqué à des acteurs essentiels. Le projet de grève, soumis à un préavis de dix jours, doit être présenté au ministre du travail, qui doit l'autoriser, sauf cas flagrant d'illégalité. Pendant ce délai de dix jours, la direction de l'entreprise et les syndicats doivent poursuivre les négociations, pour décider d'arrêter la grève, ou définir les conditions d'un service minimum. En cas d'échec, le Gouvernement en fixe lui-même les conditions.

Ce régime est également satisfaisant, même si, en cas de contentieux, les jugements des tribunaux sont rendus trop tardivement.

Quant aux pays qui ne disposent pas de service minimum, ils ne sont pas, en général, confrontés à des conflits sociaux importants. Dans plusieurs pays, le recours au droit de grève est strictement réglementé, comme en Allemagne, en Autriche ou au Danemark, où les fonctionnaires n'ont pas ce droit.

Par ailleurs, la mise en _uvre de la grève peut être soumise à des conditions restrictives. Ainsi, en Allemagne, l'appel à la grève doit être approuvé par une forte majorité - autour de 75 % - des salariés syndiqués. De surcroît, ne sont autorisées que les grèves portant sur la négociation de conventions collectives, et elles doivent être précédées de négociations. Enfin, les syndicats doivent verser une indemnité aux grévistes.

Dans plusieurs pays - Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas, Irlande -, l'intensité et la qualité du dialogue social permettent souvent d'éviter les conflits.

En Belgique, en l'absence de réglementation sur le droit de grève et le service minimum dans les services publics, les partenaires sociaux s'accordent souvent pour limiter, en cas de conflit, les désagréments causés aux usagers.

La France constitue donc un cas particulier, ce qui justifie une réforme.

Selon la directive générale des affaires sociales de la Commission européenne, la situation française se singularise par un droit de grève très large, dans un pays qui ne garantit que partiellement la continuité du service public et où le dialogue social est limité.

Il convient de saluer des initiatives comme le processus d'alerte sociale, adopté en 1996 par la direction de la RATP avec l'accord de la plupart des syndicats et renouvelé en 2001 par l'ensemble des organisations. Cette procédure a permis de diviser par trois le nombre des préavis et par cinq le nombre des jours de grève. Il faudrait s'en inspirer dans une loi-cadre, pour remédier à la situation actuelle, qui ne satisfait personne : les entreprises perdent de l'argent, les salariés les plus modestes sont pénalisés parce qu'ils n'ont pas les moyens de trouver des solutions alternatives aux transports en commun, l'Etat ne parvient pas à garantir la continuité du service public et les syndiqués perdent une part importante de leur salaire sans forcément parvenir à obtenir gain de cause.

Il faut d'abord renforcer le dialogue social. Mais, rien n'assurant qu'il aboutisse, il est utile que la loi définisse un service garanti. Seule la loi, en effet, peut aménager le droit de grève, conformément au préambule de la Constitution de 1946.

La loi peut donner des délais de négociation aux partenaires sociaux, définir les services essentiels et créer une autorité indépendante judicieusement composée. Je prendrai l'initiative de déposer une proposition en ce sens. Un tel texte répondrait à l'attente des Français. Il laisserait aux partenaires sociaux la place qui est la leur et améliorerait le dialogue social. Concilier droit de grève et continuité du service public, telle est notre responsabilité. Nous pouvons y parvenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean Le Garrec - Nous abordons un problème particulièrement difficile, comme je l'avais déjà dit en mars 1999, lors de l'examen d'une proposition déposée par Dominique Bussereau, aujourd'hui au Gouvernement. Ce débat avait été intéressant et fructueux.

En dix ans, quinze propositions ont été déposées sur ce thème. Le travail fait par le Sénat en 1999 avait abouti au dépôt de plusieurs d'entre elles. Le sénateur Chériou, membre de la majorité sénatoriale, avait estimé que le service minimum dans les services publics était « difficile à mettre en _uvre en raison de la diversité des situations et des contraintes techniques ».

Le problème, en effet, est à la fois politique et technique. Le sondage publié le 7 décembre par le Journal du dimanche a bien montré sa complexité.

M. Hervé Mariton - Pas du tout !

M. Jean Le Garrec - On lit que 74 % des sondés veulent que le service minimum soit institué par la loi. Je comprends très bien leur volonté d'une certaine sécurité dans les transports. Mais 73 % des mêmes sondés souhaitent une solution négociée. On voit bien l'ambivalence de leur comportement.

M. Hervé Mariton - La question était mal posée.

M. Jean Le Garrec - Mais ceux qui répondent sont parfaitement clairs.

Le problème n'est nullement d'ordre constitutionnel. Cessons de le poser en ces termes. Nous savons que le droit de grève figure dans le préambule de la Constitution de 1946 mais qu'il est encadré par la loi. Il n'est pas nécessaire de faire de longs développements sur ce point. Nous savons en outre que le principe de continuité du service public a été reconnu dans plusieurs décisions en matière constitutionnelle.

La situation actuelle provient de notre histoire. Le droit de grève a une valeur qui résulte d'un siècle de combats. Toute démarche visant à le restreindre se heurte à cette réalité. Ainsi, le problème est d'abord politique. C'est pourquoi, en 1995, il y avait à la fois exaspération et compréhension chez les usagers. Certains ont parfois le sentiment de faire grève par délégation. Cela aussi existe.

Je comprends donc votre prudence, Monsieur de Robien, comme celle de M. Fillon, qui s'apprête à nous présenter un texte sur la réforme du dialogue social. Il a raison d'être prudent. Pour la première fois en dix-huit mois, je suis d'accord avec M. Fillon (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Outre le problème politique, il y a les difficultés techniques, liées à ce qu'on a appelé « la crise des grands systèmes ». Les entreprises de transport, ou de production d'énergie, sont devenues des systèmes d'une grande complexité gérés par des ingénieurs qui sont toujours tentés de remplacer l'homme par la technique. Il suffit dès lors qu'un seul point de la chaîne soit en crise pour que l'ensemble du système soit paralysé.

C'est en effet le personnel des services publics qui est le garant de la sécurité. On ne peut parler de service minimum sans évoquer le problème de la sécurité. La vocation fondamentale des agents, c'est de garantir en permanence la sécurité dans des systèmes de plus en plus complexes.

A la fois politique et technique, le problème que nous examinons est d'autant plus difficile qu'il faut l'étudier aussi au niveau des collectivités locales : on ne peut s'en tenir à l'échelon national.

Sur quels éléments peut-on agir ? Il faut d'abord réfléchir sur la distinction entre service public et service du public, pour reprendre l'intitulé d'un colloque que j'avais organisé en 1985. Il faut aussi s'interroger sur la responsabilité des agents et sur la pérennité du service public.

M. Lecou a parlé de la RATP. La procédure négociée en 1996 a eu des effets positifs. En 1980, on comptait un jour de grève par an par agent ; nous en étions à 0,2 jour de grève en 2002. Je vous propose par ailleurs quelques pistes, comme l'élaboration d'une charte négociée des services publics qui soit un texte fondamental pouvant être décliné localement. Par ailleurs, il faut améliorer les systèmes servant à prévenir. Les organisations syndicales sont prêtes à le faire : elles ont toutes signé, d'ailleurs, la reconduction du protocole de 1996 à la RATP.

Pourquoi ne pas créer une autorité de médiation ? Les syndicats sont également ouverts à cette démarche.

Je vous suggère enfin une consultation annuelle sur l'image de chaque service public, ce qui permettrait d'ouvrir une réflexion d'ensemble en leur sein.

Si l'on met toutes ces données sur la table, je suis sûr que nous pourrons avancer, car les organisations syndicales ont le sens des responsabilités et sont très attachées au service public. Elles sont de plus instruites par l'expérience des autres pays - je pense notamment à la Grande-Bretagne, où le transport collectif s'est dégradé, y compris du point de vue de la sécurité. On peut avancer dans la négociation, et nous nous emploierons à relancer le dialogue social à l'occasion du projet qui nous sera présenté par François Fillon en fin de semaine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président de la commission des affaires économiques - Très bien !

M. Hervé Mariton - Rien ne remplace la volonté et quand j'entends M. Le Garrec en appeler à une charte, j'ai envie de lui répondre qu'en république, il est normal de préférer la loi à une charte !

Rien ne remplace la volonté, donc, ce qui n'interdit pas d'avoir aussi du savoir-faire. Mais il nous faut avant tout savoir ce que nous voulons et si nous le voulons vraiment.

De leur côté, les Français souhaitent depuis longtemps que la continuité du service public soit assurée. Ils souhaitent aussi que le droit de grève soit respecté et ils attendent donc de nous une solution. A priori, ils préfèrent une solution « douce », mais ce qui leur importe surtout, c'est qu'une solution soit trouvée. A une question simple, ils attendent une réponse simple.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Ce n'est pas simple.

M. Hervé Mariton - Si l'on veut concilier la continuité du service public avec le droit de grève, je crois qu'il ne faut pas avoir d'ambition déraisonnable pour le service minimum ou garanti : celui-ci pourrait ainsi aller jusqu'à 50 % du service, mais pas au-delà.

Quoi qu'il en soit, il faudra une loi, car dans cette affaire, je ne crois pas aux hautes autorités mais à la responsabilité politique. Que des sages apportent leurs conseils, oui, que l'on analyse les expériences étrangères, oui, qu'on observe et discute, oui, mais à un moment, il faudra trancher. J'ajoute qu'il n'y a pas beaucoup de sujets sur lesquels il soit possible, comme ça l'est ici, de satisfaire la demande de nos compatriotes sans que cela coûte rien au budget de l'Etat. Sur un sujet politique comme celui-ci, ne gâchons pas la réponse que nous devons aux Français.

M'exprimant ici au nom de l'Union pour un mouvement populaire, j'insiste sur la dimension populaire de la demande que nous relayons aujourd'hui. Vous n'appartenez pas à l'UMP, Monsieur le ministre, nul n'est parfait (Protestations sur les bancs du groupe UMP), mais il est essentiel que vous compreniez cette dimension-là.

Faut-il une loi-cadre ou une loi de couronnement ? Si une loi du deuxième type suffit, pourquoi pas ? L'important est d'aboutir. Pour cela, il faut fixer un terme. Je souhaite donc que le Gouvernement dépose avant l'été un projet visant à assurer la compatibilité du droit de grève avec la continuité du service public et apportant à nos compatriotes la réponse qu'ils demandent et qu'ils méritent.

Mme Annick Lepetit - Pourquoi organiser un débat aujourd'hui, alors que Robert Lecou vient à peine de remettre son rapport sur le service minimum dans les services publics en Europe ?

Six propositions de loi sur le sujet ont déjà été déposées depuis dix-huit mois, et certains membres de la majorité, dont l'orateur précédent, pressent le ministre de légiférer rapidement. Mais ce matin, nous n'examinons aucun texte et il n'y aura pas de vote. Cette séance n'est donc destinée, si j'ai bien compris, qu'à calmer les ardeurs des plus fervents défenseurs du service minimum. L'urgence n'explique pas son inscription à l'ordre du jour, puisque le niveau de grève dans les entreprises publiques n'a jamais été aussi bas et que le nombre des conflits dans les services publics de transport baisse considérablement depuis quelques années. Peut-être la résurgence soudaine en cette fin d'année de la question du service minimum - déjà maintes fois débattue dans cette assemblée - s'explique-t-elle par les prochaines échéances électorales... Qui sait ? Il est vrai que le sujet a l'avantage d'être médiatique.

Nous voyons d'ailleurs de nouveau fleurir les sondages sur la question. Les Français y apparaissent plutôt favorables à l'instauration d'un service minimum mais contre une loi interdisant la grève, et ils ne sont en tout cas que 24 % à privilégier la voie législative. Mais pourquoi opposer les Français entre eux, Monsieur Mariton ?

M. Hervé Mariton - Les trois quarts des Français veulent la continuité du service public.

Mme Annick Lepetit - Les usagers ne constituent pas une catégorie à part, ils sont aussi des salariés attachés au maintien du droit de grève, de même que les salariés sont aussi des usagers attachés à la qualité du service rendu.

M. Jean Le Garrec - Très juste !

Mme Annick Lepetit - Les services publics appartiennent à tous les citoyens et les salariés des services publics, Monsieur Blanc, sont aussi des citoyens.

Contrairement à ce que voudraient faire croire certains députés de la majorité, une loi sur le service minimum n'est pas la solution miracle. Croyez-vous vraiment que l'on puisse trouver ici le juste milieu, comme le disent certains, entre le droit de grève et la continuité du service public ? Croyez-vous vraiment que la diversité des situations puisse être traitée par une seule loi alors que la question des transports collectifs ne se pose pas du tout de la même façon en région parisienne, par exemple, et en zone rurale ?

Le service minimum existe déjà bel et bien. Lors des dernières grèves - celles de 1995 exceptées -, il y a en effet toujours eu des moyens de transport en circulation. En cas de grève, il y a quand même des trains, des métros et des bus qui roulent. Mais ce service minimum se solde par des quais bondés, la cohue, des risques d'accidents de voyageurs... Le service minimum ne constitue donc pas une solution, sauf à ignorer les règles élémentaires de sécurité. D'ailleurs, un rapport du Medef daté de 2001 concluait à son caractère difficilement applicable, pour des raisons techniques.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Nous préconisons un service garanti, pas un service minimum !

Mme Annick Lepetit - Assurer un service minimum aux heures de pointe reviendrait à restreindre le droit de grève (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Mieux vaudrait se pencher sur les causes réelles du problème. Quand il y a grève, cela veut dire qu'il y a eu échec du dialogue social. C'est donc lui qu'il faut améliorer. Tout comme il faut améliorer le service public, dont les perturbations s'expliquent le plus souvent par des dysfonctionnements imputables à un manque de personnels et d'investissements. Malheureusement, ce gouvernement ne fait ni l'un, ni l'autre, et porte là une lourde responsabilité.

Ce gouvernement a supprimé des crédits destinés aux transports en commun et a réduit les moyens consacrés à la modernisation et à l'entretien des lignes d'Ile-de-France. Au contraire, et je puis en témoigner, la Ville de Paris et la région font tout pour développer et mieux organiser ces mêmes transports en améliorant la qualité du service rendu. Le syndicat des transports d'Ile-de-France a vu ses crédits diminuer depuis deux ans...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Nous allons décentraliser, ce que vous n'avez jamais fait !

Mme Annick Lepetit - Pour le moment, il est présidé par l'Etat... et il lui manquera 100 millions d'euros : 50 venant de l'Etat et 50 venant des collectivités ! En 2003, le conseil d'administration a dénoncé ce désengagement et les élus de droite eux-mêmes se sont abstenus sur ce budget. Nous verrons mercredi ce qu'il en sera pour le budget 2004...

Réduire le budget des transports en commun n'est pas le meilleur moyen de satisfaire les besoins des usagers et, de même, ce n'est pas en restreignant le droit de grève qu'on mettra fin à la saturation dans le métro ! Tous les usagers de la ligne 13, pour ne prendre que celle-là, vous diront que les rames sont régulièrement surchargées...

M. le Secrétaire d'Etat - Un nouveau système entrera en fonctionnement dans quelques semaines.

Mme Annick Lepetit - C'est mentir que prétendre qu'une loi va tout arranger. Plutôt que du service minimum, il nous faut débattre de la place à accorder aux transports en commun. Le Gouvernement et la majorité ont beau jeu de dénoncer les agents qui font grève quand eux-mêmes ne remplissent pas leur devoir vis-à-vis de l'usager ! Qu'ils assument donc leurs choix budgétaires et politiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Georges Tron - Monsieur le ministre, je me réjouis de pouvoir dialoguer avec vous de façon dépassionnée : ce sujet essentiel mérite en effet qu'on recherche avant tout la complémentarité et l'enrichissement mutuel, et je suis certain que nous y parviendrons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je veux, non prendre du recul, car j'ai trouvé les propos des uns et des autres assez modérés, mais donner mon point de vue de rapporteur du budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Je suis en effet convaincu que, derrière ces dénominations de « service minimum », de « service garanti » ou de « conciliation entre droit de grève et continuité du service public », c'est cette réforme, fondamentalement, qui est en cause. Dans ce cadre, il ne me semble pas inutile de rappeler qu'aucune réforme ne pourra se faire contre les fonctionnaires ou contre les salariés des entreprises publiques et que, dès lors, le devoir bien compris de chacun est de convaincre. Nous ne pouvons lancer aucun projet sans chercher à y associer toutes les parties.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Très bien !

M. Georges Tron - D'autre part, l'usager doit bien évidemment être placé au c_ur de la réforme de l'Etat. Toute la question, avant même de savoir s'il faut ou non une loi, est donc de défendre cet usager en convainquant les fonctionnaires et agents qu'ils trouveront dans cette défense de nouveaux moyens de s'épanouir professionnellement et personnellement.

N'ayons pas l'illusion d'innover : ce débat sur les procédures de conciliation et d'arbitrage dans les conflits du travail remonte, si je ne me trompe, à 1935 ou 1936 ! D'ailleurs, le Conseil constitutionnel nous rappelle régulièrement à nos responsabilités de législateurs - il l'a encore fait en juillet 1999, après même l'institution d'un service minimum dans l'audiovisuel, en 1979, et dans la navigation aérienne, en 1984. Or, l'exaspération de l'opinion est aujourd'hui manifeste et je ne suis sans doute pas le seul à être interpellé par mes électeurs, qui s'indignent d'arriver à leur travail avec une heure de retard, et ce jusqu'à deux fois par semaine, en raison de grèves spontanées.

La loi peut intervenir en fin de parcours et si le problème ne peut être réglé par un autre moyen, mais je suis optimiste quant aux chances d'une procédure de concertation et de conciliation. Comme beaucoup l'ont relevé, les accords conclus au sein des entreprises publiques fonctionnent : ainsi celui de juin 1996 a permis de diviser par quatre le nombre de journées de grève à la RATP. Les organisations syndicales y adhèrent de plus en plus et, par exemple, la CGT a signé l'avenant d'octobre 2001 à ce même accord. Or, ces accords sont facteurs de transparence accrue : obligeant les entreprises et les syndicats à cerner précisément leurs points de désaccord, ils facilitent l'élaboration de propositions permettant de nouveaux pas. Il n'est donc pas étonnant qu'on assiste à leur généralisation et que le projet d'entreprise de la SNCF, dans le même esprit, ait déjà conduit à une réduction du nombre de jours de grève. De plus en plus, les salariés aspirent au dialogue.

Marquons donc clairement notre volonté d'aboutir par la concertation : la réforme de l'Etat ne peut prendre d'autre voie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Bertrand - Enfin, après bien des années d'hésitation et de renoncement, la représentation nationale se saisit de ce sujet essentiel : la continuité du service public pendant les périodes de grève. Mais, à peine cette question est-elle seulement évoquée que des forces s'arc-boutent pour bloquer toute réforme. On pourrait pourtant s'interroger sur les raisons qui font que la représentation syndicale est la plus faible dans le pays où le droit de grève est le plus largement utilisé. Peut-être est-ce que les grèves, telles qu'elles sont organisées en France, ne constituent pas les bonnes réponses aux questions posées. Ce sont des constats d'échec, des signes de faiblesse, analogues en cela à une arme de dissuasion qui, trop utilisée, perd toute efficacité.

Cette solution, qui ne devrait être qu'ultime, pénalise en effet les plus faibles que ses initiateurs. N'y a-t-il pas injustice à pénaliser ouvriers et employés dépourvus de moyens de transport de remplacement ? Et combien d'entreprises modestes n'ont pu résister ?

Il faut certes préserver le droit de grève, mais comme arme ultime de légitime défense sociale, ce qui suppose qu'un juge ou un arbitre puisse en apprécier l'utilisation. Trop fins politiques - deux mille ans d'histoire forgent une conscience -, les Français souhaitent en majorité le maintien de ce droit, mais ils sont près de 80 % à souhaiter qu'il n'entrave plus leur propre droit au travail ni leur liberté de se déplacer.

Faut-il un service garanti limité aux transports ? Pourquoi pas, mais il me semble que l'effort et la difficulté ne seraient pas plus grands si on élargissait ce service garanti à tous les services essentiels. Abandonnons la fausse efficacité des vieilles recettes conflictuelles, pour ne pas dire révolutionnaires, et ouvrons davantage la voie du dialogue social, de la négociation, du compromis, où il n'y a pas de vaincus et où il n'y a de vainqueurs que les Français et l'intérêt général ! Les Français jugent vite ce qui est bon pour eux : ils savaient nécessaires la réforme des retraites et celle du droit à la formation, et ils n'ont pas fait grève. Il en sera de même avec la réforme du dialogue social ! N'oublions pas que le vote du 21 avril sanctionnait avant tout l'incapacité des forces politiques et sociales, républicaines et modérées, à réformer le pays et à l'adapter aux temps nouveaux.

Ayant posé la question de la conciliation du droit de grève et du service public, nous avons maintenant le devoir d'y répondre - et cela vaut aussi pour les représentants syndicaux. Ne bloquons plus par archaïsme, intérêt ou pusillanimité une réforme attendue par huit Français sur dix. Acceptons le dialogue et ayons confiance en nous comme nous avons confiance dans le Gouvernement pour élaborer une loi dans les six mois. Plus que de conciliation entre deux principes, il s'agit de réconciliation entre les Français et leurs élus politiques et syndicaux ! « C'est le pire des crimes que de condamner des jeunes gens à ne rien attendre de la vie », disait Roger Vaillant : osons donc l'avenir de la modernisation sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère - Ce débat est typique de votre gestion gouvernementale : vous faites croire que vous débattez alors que vous préparez un mauvais coup contre les salariés !

M. Jacques Myard - Vous jugez en expert !

M. Noël Mamère - Vous savez, Monsieur le ministre, que la précipitation est mauvaise conseillère et vous vous méfiez tellement de l'extrémisme d'une partie de votre majorité que vous nous imposez un débat sur le débat : il ne s'agit pas pour le moment de voter un texte...

Vous avez bien raison de prendre ces précautions car comme pour le déplorable amendement Garraud, les propositions de votre majorité, UMP et UDF pour une fois confondues, font fi du dialogue social que vous proclamez et vont toutes dans le même sens : restreindre le droit de grève et le droit syndical. On s'appuie indûment sur la colère réelle des usagers des transports, pour lesquels le vrai service minimum existe déjà : c'est celui que leur impose quotidiennement la SNCF à travers le démantèlement progressif du service public et la diminution des crédits affectés à la sécurité. Ce que les usagers refusent, c'est l'accumulation des retards, les arrêts injustifiés, les pannes et les agressions. C'est notamment pour cela qu'ils ont soutenu les grèves des transports en 1995 et au printemps dernier.

Quand les cheminots font grève, ils ne prennent pas le public « en otage », même si l'expression a été galvaudée par la droite et une grande partie des médias ; ils défendent une liberté fondamentale inscrite dans notre Constitution : le droit de grève.

M. Christian Vanneste - Et la liberté de se déplacer librement ? Et la liberté de travailler ?

M. Noël Mamère - Nier le droit de grève pousserait une partie des salariés vers une radicalisation qui, elle, ne serait pas bénéfique au service public, et les autres vers la résignation, qui n'est pas meilleure pour la démocratie. Les salariés ne font jamais grève pour leur plaisir ; ce sont donc les causes qu'il faut traiter. L'attaque contre le droit de grève s'inscrit dans la ligne du gouvernement Raffarin, qui s'attaque chaque jour un peu plus au code du travail et aux libertés syndicales.

M. Jacques Myard - Aux archaïsmes !

M. Noël Mamère - Ce que l'on peut appeler une contre-réforme vise en réalité à affaiblir la résistance des salariés à la politique de régression sociale menée conjointement par le Medef et par la droite (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Certains syndicalistes sont d'accord pour instituer une obligation de concertation avant la grève ; à la RATP, la procédure d' « alerte sociale » a fait ses preuves. Mais les syndicats refuseront à juste titre que des instances de concertation soient imposées en échange de l'interdiction de la grève car ce serait un marché de dupes.

Les députés verts souhaitent par ailleurs que les associations d'usagers participent au processus de concertation, qu'ils puissent s'exprimer sur les conditions de transport, et pas seulement en cas de grève. L'augmentation du prix du ticket de métro cet été ne constitue-t-elle pas une atteinte au service public, en tout cas aux droits des usagers ?

M. Jacques Myard - Demain, on rase gratis !

M. Noël Mamère - Non, mais ne faut-il pas lutter contre la fracture sociale que dénonçait le Président de la République ? Que je sache, ce ne sont ni les députés ni les ministres qui prennent le métro tous les jours ! (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP)

Messieurs les ministres et mes chers collègues, n'ajoutez pas à la liste de vos mauvais coups la limitation du droit de grève, lequel est un principe inaliénable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Françoise de Panafieu - Lors de la campagne présidentielle, Jacques Chirac avait pris l'engagement d'assurer aux Français la continuité du service public dans les transports en commun. Aujourd'hui, Monsieur le ministre, nous vous invitons à regarder avec nous comment remplir ce contrat.

C'est une exigence, à la fois parce que la continuité du service public est un principe constitutionnel, parce que 80 % des Français le réclament depuis de trop nombreuses années, enfin parce qu'aucune entreprise ne gagne à voir son image dégradée par des menaces de paralysie.

Puis-je aussi rappeler que la grève coûte cher aux Français, à travers leurs impôts ?

Mme Arlette Grosskost - Très bien !

Mme Françoise de Panafieu - Les grèves coûtent cher sur le moment, et elles coûtent cher par l'onde de choc qu'elles provoquent pendant plusieurs mois. Elles sont ainsi une explication du désamour des Franciliens pour leurs transports en commun : la fréquentation du métro est en baisse de 10 %, celle des autobus de 6,5 %. Sur les 100 millions de déficit affichés par le syndicat des transports d'Ile-de-France, un tiers est à imputer à la chute de la fréquentation. Garantir la fiabilité des transports en commun aux Franciliens serait à coup sûr les inciter à en faire bon usage. Madame Saugues, quoi de plus normal que Jean-François Copé, candidat UMP à la présidence de la région Ile-de-France, donne clairement son avis sur ce sujet puisqu'en 2005, ce sera la région et non plus l'Etat qui sera en charge de ce dossier ? Ce qui est anormal, c'est le silence assourdissant du président socialiste de la région Ile-de-France, candidat à sa propre succession. Après, on s'étonne qu'il reste un inconnu pour une majorité de la population francilienne ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Noël Mamère - Vous êtes à l'Assemblée nationale, pas en campagne pour les régionales !

Mme Françoise de Panafieu - Monsieur le ministre, pour concilier le droit de grève et les droits des usagers, vous ne souhaitez pas une loi répressive et vous avez raison. Le dialogue social dont vous parlez doit être le plus large possible - avec les entreprises concernées, les partenaires sociaux et les experts juridiques. Cette méthode a déjà très bien fonctionné pour régler le problème des retraites. Néanmoins, nous aimerions avoir quelques précisions sur le calendrier car il y a un temps pour la concertation et un temps pour la décision. C'est à nous qu'il reviendra de remédier à ce que le Président de la République appelle à juste titre une défaillance de notre système social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Myard - Qu'est-ce que le service public ? L'expression même du vouloir vivre ensemble. Le service public, ce n'est pas le service universel ; il ne s'agit pas de pallier les faiblesses du marché, et à cet égard, ne prenez pas pour argent comptant les dires de la Commission de Bruxelles. La notion de service public traduit la volonté de structurer la vie collective en assurant l'égalité des citoyens et la continuité des services rendus.

Quant à la grève, même si elle est parfois légitime au nom de certains intérêts particuliers, elle brise la notion même de service public. Prétendre le contraire est une imposture (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), même s'il est vrai que certains secteurs sont plus stratégiques que d'autres. Je pense en particulier aux transports ou à La Poste.

Je m'étonne que les services publics ne soient pas défendus aujourd'hui par ceux qui en avaient fait leur fonds de commerce il y a quelques années et qui aujourd'hui sont de véritables apostats ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Nos concitoyens en ont assez de subir au quotidien les oukases de quelques personnes qui les prennent en otages (Mêmes mouvements).

Il faut imposer la continuité du service, n'en déplaise aux tenants du Jurassic Park de la lutte des classes, et définir les secteurs stratégiques dans lesquels la grève doit être l'exception des exceptions ou même n'a pas lieu d'être. Il faut imposer dans ces secteurs des méthodes de négociation en amont, en instituant des médiateurs des conflits. Le sujet, Monsieur le ministre, est suffisamment important pour qu'il soit tranché par référendum (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Odile Saugues - Chiche !

Mme Arlette Grosskost - Je remercie le groupe UMP et son président Jacques Barrot d'avoir organisé ce débat.

Dans une proposition de loi déposée avec Jean-Michel Bertrand, Christian Blanc et Christian Vanneste, nous avons souhaité mettre en valeur la nécessité de concilier le droit de grève, qu'il n'est absolument pas question de remettre en cause, avec des principes de même valeur constitutionnelle comme la liberté d'aller et venir, la sauvegarde de l'intérêt général, la continuité du service public ou le droit au travail.

Une grève ne saurait en effet porter atteinte gravement et durablement aux besoins d'un pays et de ses habitants, notamment les plus modestes. On ne peut impunément bloquer à l'envi l'accès de nos grandes agglomérations, contraindre les familles à des solutions de dernière minute pour se rendre au travail ou conduire les enfants à l'école, et empêcher ainsi les salariés de travailler. Au nom de la défense des intérêts trop souvent catégoriels, l'économie et l'emploi sont compromis.

Mme Odile Saugues - Quelle honte !

Mme Arlette Grosskost - Une minorité ne saurait porter atteinte de façon prolongée à la liberté de circulation du plus grand nombre, ce qui constituerait un détournement du droit de grève. Force est de constater qu'en France, où domine encore la culture du conflit, le débrayage est devenu un facteur de désordre social.

M. André Gerin - C'est minable.

Mme Arlette Grosskost - Ceci nous distingue malheureusement des autres pays de l'Union européenne.

La grève constitue de moins en moins un élément de négociation dans la gestion préventive d'un conflit, mais s'inscrit trop souvent dans un comportement déviant pour en faire une arme de chantage, voire d'intimidation au bénéfice de quelques uns, souvent poussés par des motivations idéologiques.

Mme Odile Saugues - C'est honteux. Vous caricaturez lamentablement les salariés.

Mme Arlette Grosskost - Si le taux de syndicalisation est souvent le reflet d'une bonne respiration sociale de la démocratie, le faible niveau où il se situe en France ne doit-il pas nous interpeller ?

L'Etat ne serait-il pas en droit de se prémunir contre les conséquences - payées par les contribuables - ou les abus de recours à la grève ? Il a le devoir de le faire, dans la mesure où l'arrêt du fonctionnement des services publics peut être préjudiciable à l'intérêt général.

Cette pratique abusive, notamment dans les transports, accrédite l'idée d'une France duelle : celle du secteur public et des privilèges de ses agents, celle du secteur privé où les salariés sont assujettis aux règles de l'économie de marché.

Les agents du secteur public sont pourtant investis d'une responsabilité particulière. Ils ne sont pas exonérés du devoir de participer à la bonne marche économique et sociale de notre pays. Cette même responsabilité légitime un aménagement du droit de grève.

C'est donc un véritable service garanti qui doit être offert aux usagers, notamment dans les transports, et aux heures de pointe.

Il est des moments où la défense des intérêts collectifs relève de l'intérêt général. Osons dénouer les n_uds qui étranglent la France. Je souhaite que cela puisse se faire avec toutes les parties concernées, c'est-à-dire dans la concertation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. André Gerin - Le Pen sera content.

Mme Odile Saugues - Il n'est pas loin.

M. Christian Vanneste - Le dépôt de plusieurs propositions de loi aura été nécessaire pour que ce débat ait lieu. Il s'intègre dans l'indispensable modernisation de notre pays.

La défense de la continuité du service public doit être un engagement fort de la majorité. 81 % des Français sont en effet favorables à une loi visant à garantir un service minimum dans les services publics en grève. C'est une impérieuse nécessité pour les administrations, les salariés et les familles qui sont souvent les otages de grèves parfois illégitimes : grèves par procuration, grèves d'ingérence, grèves préventives, les exemples sont nombreux.

C'est paradoxalement la faiblesse du syndicalisme français qui entraîne ces débordements...

Mme Odile Saugues - A qui la faute ?

M. Christian Vanneste - ...dans les services publics jouissant d'un monopole, comme l'a montré Bernard Zimmern dans La dictature des syndicats.

M. André Gerin - C'est minable.

M. Christian Vanneste - En outre, les usagers sont plus exigeants envers les services publics. L'efficacité est un critère important, la continuité essentielle.

Le service garanti doit permettre de rendre la grève efficace en délimitant son objet et ses contours, comme c'est par exemple le cas en Allemagne.

Mme Odile Saugues - En Allemagne, les syndicalistes sont respectés.

M. Christian Vanneste - Il s'agit de définir des règles qui n'ont pu être fixées dans le cadre des négociations d'entreprises. Il appartient aujourd'hui au législateur de les mettre en _uvre.

Une solution pourrait être l'institution de périodes de non-grève, comme en Italie.

La proposition de loi que nous avons déposée vise à améliorer la vie quotidienne des Français et à moderniser la France.

Un petit nombre de personnes ne peut bloquer un pays entier. Il est scandaleux que les professions les moins exposées aux risques économiques pénalisent celles qui le sont le plus.

La France est sur bien des points terriblement archaïque et conservatrice. Toute réforme y soulève des réactions corporatistes, et c'est le mythe de la grève générale, à la Georges Sorel, qui semble encore marquer certains esprits.

Au sein de l'Union européenne, la continuité du service public l'emporte sur le droit de grève. Chaque pays, à sa manière, a trouvé une réponse appropriée. Sept de nos partenaires ont ainsi une législation spécifique.

En France, la Constitution reconnaît le droit de grève, comme la continuité du service public. Or, nous sommes le seul pays à ne pas avoir trouvé de compromis entre ces deux droits fondamentaux. Il est plus que temps que la France, à l'instar des autres Etats membres de l'Union, se dote d'un vrai service minimum. Nous attendons un engagement gouvernemental fort.

Instaurer un service garanti dans les services publics est une idée de bon sens, économiquement indispensable. En effet, la fiabilité des services publics compte parmi les critères qui motivent l'investissement, la création d'entreprises, donc l'emploi.

J'appelle donc de mes v_ux la mise en place d'un service garanti dans tous les services publics (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Etienne Blanc - Depuis 1946, date à laquelle le droit de grève a été inscrit dans le préambule de notre Constitution, le service garanti est un sujet tabou.

Durant les quatre dernières années, cette question a été abordée à 144 reprises sous différentes formes : propositions de loi, questions au Gouvernement, questions écrites ou orales. 80 % des Français plébiscitent une réglementation du droit de grève dans les services publics et la mise en place d'un service garanti.

Nos partenaires européens ont réglé cette question soit en recourant au service garanti, soit en renforçant le dialogue social dans le service public. Non seulement notre droit nous le permet, mais il nous y invite. Le Conseil d'Etat a rappelé que le Gouvernement, en cas de carence du service public, peut mettre en place un système propre à garantir le respect de l'obligation de continuité et de permanence. Le Conseil constitutionnel a rappelé que le droit de grève est un principe constitutionnel, tout comme la continuité du service public et la possibilité, pour le législateur, de réglementer le droit de grève dans le service public, notamment lorsque la grève porte atteinte aux besoins essentiels du pays.

Le moment est venu de décider.

J'entends dire qu'une loi serait trop abrupte et qu'il faudrait renvoyer aux partenaires sociaux le soin de régler cette question.

Nous pensons qu'un juste compromis est possible. Il faut que, dans les six mois, le dialogue s'engage sur l'obligation de négocier davantage avant de recourir à la grève, sur l'augmentation du délai de préavis - le délai de cinq jours étant peut-être un peu trop court -, sur la qualité du service public et l'intéressement des fonctionnaires.

Au terme de ces six mois, une loi sera nécessaire. Pourquoi, du reste, en limiter le champ aux services de transport ? En 1979, le Conseil constitutionnel a étendu la possibilité de légiférer. Or, le problème se pose aussi dans les écoles, les collèges, les lycées, pour la collecte des ordures ménagères ou au sein des grands services publics délégués.

Enfin, il faut examiner précisément le contenu de ce texte, pour définir des plages horaires durant lesquelles le service public serait soumis à certaines conditions, et imaginer une qualité minimale de ce service public.

La loi est, à cet égard, indispensable, pour ne pas donner l'impression de faire la grève du droit, ce qui serait un comble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Philip - Débattre de l'instauration d'un service garanti pour donner l'assurance à nos concitoyens d'une continuité des services publics essentiels est une nécessité, à la fois parce qu'il y a une forte demande des Français mais aussi parce que nous tenons là une occasion unique d'introduire des mécanismes favorisant un dialogue social trop souvent difficile.

Une loi sera nécessaire pour déterminer le cadre du dispositif retenu, mais il faudra, au préalable, répondre à certaines questions et entamer un dialogue avec tous les acteurs des entreprises concernées. Voilà pourquoi la méthode du Gouvernement est sage. Légiférer par principe n'est jamais bon ; donner à certains le sentiment d'une déclaration de guerre n'est guère propice à une application sereine de la loi.

Une loi, oui, mais dont il faudra préciser le champ d'application. Même si les transports constituent un service public particulier - chacun se déplace tous les jours - faut-il pour autant limiter une loi sur le service garanti à ce secteur ? M. Lecou l'a clairement affirmé dans son rapport, la question porte sur ce que nos amis québécois appellent les services essentiels. Se limiter aux transports donnerait l'impression d'une loi de circonstance et stigmatiserait un secteur qui n'est pas le seul à répondre à cette notion de services essentiels.

Une loi, oui, mais qui devra respecter trois orientations. Elle devra prévoir l'obligation et les formes minimales d'un dialogue social préalable au conflit, comme du service garanti à organiser.

Ensuite, faisons confiance aux entreprises responsables de ces services essentiels, et laissons-les, comme la RATP ou la SNCF, établir les modalités du dialogue social et, en cas d'échec, les conditions d'un service garanti. Mais la loi doit leur fixer une obligation de résultat.

Enfin, il faudra créer un organe de régulation, une autorité indépendante, à l'image du CSA, qui veillera au respect de la loi et interviendra en cas de manquement à la règle.

Une loi oui, pour garantir deux principes constitutionnels : le droit de grève et la continuité du service public. La conciliation est possible, comme en témoignent plusieurs pays européens incontestablement démocratiques et dont les systèmes retenus n'ont jamais été condamnés par la Cour européenne des droits de l'homme. Pourquoi cela ne serait-il pas possible en France ? Le Gouvernement, en exprimant sa volonté d'aboutir, après concertation avec les acteurs concernés, nous proposera une loi qui aura un grand mérite : réconcilier les Français avec la notion de service public.

La grève est le meilleur instrument de dévalorisation des services publics. Le service garanti est la seule réponse crédible à l'attente des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maurice Giro - Ce n'est jamais facile d'être le dernier moteur, car beaucoup a déjà été dit. Ce débat est important et très attendu, et je vous remercie, Monsieur le ministre, de l'avoir permis. 81 % des Français se sont prononcés, dans un sondage BVA de mai dernier, en faveur de l'instauration d'un service minimum.

Je souhaite qu'un vote à bulletins secrets ait lieu avant chaque dépôt d'un préavis de grève, dans les services publics, ou les établissements publics. Le droit de grève doit être exercé démocratiquement et ne doit pas être le fait d'une minorité. Je comprendrais mal que certains élus s'y opposent alors que Léon Trotski, dans une lettre à Boris Souvarine, en 1929, plaidait lui-même en faveur de ce procédé.

Il faut redonner toute sa place au dialogue social, pour que la grève ne soit plus utilisée comme un moyen de gérer les conflits, mais redevienne le droit ultime des salariés de cesser le travail parce que les négociations ont échoué.

Le droit de grève, liberté fondamentale, ne doit plus paralyser notre économie.

Il faut protéger les droits des usagers, notamment des plus dépendants. Qui souffre le plus d'une grève des transports publics ? Non celui qui a le choix de travailler ou de rester chez lui, qui peut prendre sa voiture ou un taxi, mais celui dont tout absence l'exposerait à un licenciement ou à une perte de salaire. Il en va de même des grèves de La Poste, qui mettent en péril les petites entreprises, du fait des retards de commandes ou de paiement. Et que dire des parents d'élèves quand les écoles ferment !

Les services publics sont essentiels dans notre vie quotidienne. Financés par chacun d'entre nous, ils doivent être au service de tous. Je défends donc l'instauration d'un service minimum garanti aux utilisateurs de tous les services publics, dont les conditions devront être définies par les organisations syndicales en accord avec les entreprises concernées.

L'Etat ne devra intervenir que si les partenaires ne parviennent pas à un accord. Nous serons à vos côtés, Monsieur le ministre, pour répondre à cette majorité de Français qui attendent que nous agissions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Je voudrais vous remercier, en particulier le président Barrot, d'avoir organisé ce débat sur la conciliation du droit de grève et de la continuité du service public. De nombreux parlementaires ont travaillé sur cette question et l'un d'entre eux, Dominique Bussereau, siège maintenant à mes côtés au banc du Gouvernement.

Je les remercie de ce travail, mais aussi de leur patience car jusqu'à l'initiative du président Barrot, ils n'avaient pu présenter leurs travaux ni confronter leurs points de vue.

Nous tous, parlementaires, partenaires sociaux, exécutif, nous devons répondre à cette demande de respect qu'ont formulée les Français, notamment les plus fragiles et les plus exposés. Oui, ce débat sur la continuité du service public est avant tout un débat d'égalité et de solidarité.

Nous devons définir avec les partenaires sociaux une méthode qui transforme nos objectifs en réalités. Nous devons tracer un chemin qui concilie deux grands principes constitutionnels : le droit de grève et la continuité du service public.

Pour que cette réforme de progrès soit réussie, pour qu'elle améliore la vie quotidienne de nos concitoyens, il faut qu'elle soit équilibrée, applicable, c'est-à-dire concertée.

Les grèves dans les secteurs publics de transport sont perçues par nos concitoyens tantôt avec fatalisme, tantôt avec révolte, parfois avec un sentiment de solidarité, mais jamais avec indifférence.

La conflictualité hors norme que nous connaissons, très bien décrite par Christian Blanc, soulève un certain nombre de problèmes.

En premier lieu, un problème social : la grève pénalise surtout les salariés les plus modestes, qui ne peuvent se payer un moyen de transport individuel, comme l'a souligné Mme Grosskost. Ils n'ont pas forcément une voiture et même s'ils en ont une, ils devront supporter un surcoût. Il n'est pas normal que les travailleurs soient victimes de l'échec des négociations. Et comme me le faisait remarquer un syndicaliste il y a peu, ce que je dis à propos des travailleurs, vaut aussi pour les mères de famille, pour les chômeurs et pour les personnes âgées. Se pose en outre un problème juridique, sur lequel le président Clément a apporté un éclairage particulier. Et le mot éclairage est faible s'agissant d'une démonstration du président Clément ! (Sourires)

Nous constatons que l'équilibre voulu par le législateur entre droit de grève et continuité du service public est rompu dans le domaine des transports. Or, cette continuité constitue, au même titre que le droit de grève, un principe constitutionnel.

En outre, ce devoir de continuité a historiquement une contrepartie : le statut protecteur des agents. Au début du chemin de fer, compte tenu des lourdes sujétions de ces nouveaux métiers, il n'était pas facile de trouver et de fidéliser du personnel. C'est pourquoi s'est imposée l'idée de donner un statut aux agents, avec un certain nombre d'avantages. Pourquoi ne pas le dire ? Ce « donnant-donnant » était légitime. Mais l'exigence de continuité a été un peu oubliée au fil du temps.

Les conflits posent aussi un problème économique aux entreprises publiques de transports, de plus en plus soumises à la concurrence, et à l'ensemble de l'économie nationale, de la très grande entreprise à la PME ou aux artisans. Déficits d'exploitation pour les premiers, pertes sèches pour les seconds, la facture économique d'une grève est à la hauteur du rôle stratégique des transports dans l'économie nationale. Il y va aussi de l'image de la France dans le monde, comme l'a justement souligné le professeur Dubernard. Parmi les critères de choix des investisseurs internationaux, la qualité de la paix sociale joue un rôle important.

J'ajoute, Madame Saugues, que les conflits pourrissent durablement le climat à l'intérieur d'une entreprise. Les blessures mettent du temps à se cicatriser. Cela aussi fait partie de notre particularisme.

Les grèves, enfin, posent un problème au service public des transports lui-même, qui perd de son attrait alors que chacun s'emploie à promouvoir les alternatives à la route. La conflictualité nuit à tous les défenseurs du service public, aux usagers bien sûr mais aussi aux agents qui voient toujours la facture de la grève sur leur feuille de paie. Je n'ose pas croire que ceux-là-mêmes qui redoutent la privatisation des services publics sous l'effet de la mondialisation ne soient pas aujourd'hui avec nous pour donner à notre service public les outils et les atouts qui garantiront son attractivité.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. le Ministre - Celle-ci est le gage de leur pérennité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP). Je suis certain que nos services publics retrouveront leurs parts de marché. Mais il faut réconcilier les Français avec les services publics, qui devront être à la hauteur des défis européens.

A cette situation de conflictualité, le Gouvernement a le devoir d'apporter des solutions. Elles existent. Il faut simplement essayer de les admettre ensemble.

D'autres que nous, à l'étranger, se sont rassemblés pour les mettre en _uvre.

C'est pourquoi, j'ai effectué cinq visites d'études dans cinq pays européens, du 15 septembre au 30 octobre. A chaque fois, dix syndicats sur quinze m'ont accompagné. Nous avons rencontré les organisations syndicales des entreprises de transport, les directions de ces entreprises et les autorités publiques de tutelle.

Les systèmes retenus sont de deux types. Dans les pays du Nord, où la qualité du dialogue social et des dispositions de prévention rendent le conflit exceptionnel, le droit de grève est beaucoup plus réglementé et limité qu'en France. Il n'y a donc pas de loi sur un service garanti. Cela dit, quand le conflit a lieu, la pagaille est totale, on l'a vu récemment en Autriche. Dans certains pays comme la Belgique, la paix sociale est si coûteuse qu'elle porte préjudice à l'emploi.

Dans les pays latins, la loi a fixé le principe d'un service minimum dans les transports avec deux variantes. Première possibilité, ce sont la loi ou le règlement qui encadrent à chaud la négociation des partenaires sociaux sur le service garanti en période de grève. Si cette négociation entre les parties échoue, c'est l'administration qui fixe un service minimum. Il s'agit donc, par nature, d'un système de régulation à chaud qui connaît fréquemment des suites juridiques. Après la fin de la grève, le juge crée une jurisprudence en matière de « service minimum ». Seconde possibilité, en Italie - mais aussi au Québec -, le législateur prévoit que le service garanti est déterminé à froid. C'est bien la moindre des choses au Québec... (Sourires) Ce sont des accords contractuels validés par une autorité indépendante qui fixent la pratique. L'autorité indépendante peut aussi dans l'attente ou en l'absence d'accords contractuels, adopter des réglementations provisoires après avoir mené des tentatives de concertation entre les parties. Elle peut aussi prendre des sanctions à l'encontre de l'une ou l'autre partie qui ne respecterait pas les « règles du jeu ». M. Mariton a souhaité que le pouvoir politique conserve ses responsabilités en la matière. Je lui précise que, dans cette option, l'autorité indépendante ne joue aucun rôle sur le fond du conflit. Elle se borne à s'assurer du bon respect des services essentiels pendant la durée du conflit. Comme beaucoup d'entre vous qui connaissez ce système, je pense à M. Lecou qui l'a analysé avec soin, j'ai été séduit par l'ingénierie sociale italienne, surtout par le rôle de cette autorité administrative, à l'origine d'accords de service garanti et gardienne respectée de leur bon usage. Il a fallu quinze ans de travail pour aboutir, dans un climat de consensus, mais le résultat est à la hauteur du travail accompli. J'en veux pour preuve, il y a quelques jours à Milan, la réaction des trois grands syndicats italiens qui se sont désolidarisés d'une grève sauvage qui ne respectait pas le règlement défini. « Violer le règlement est inadmissible. On prend en otage les autres travailleurs et on réduit le consensus pour d'autres batailles », a déclaré le leader de la CGIL.

M. Jacques Myard - Aggiornamento, Mesdames et Messieurs de la gauche !

M. le Ministre - S'il vous plaît, Monsieur Myard.

Aucun des syndicats européens auditionnés ne nous a confié avoir perdu sa force de revendication après la mise en place d'un système de continuité de service. J'observe que ces systèmes survivent aux alternances politiques. Vous devriez y réfléchir, Madame Saugues.

Deuxième leçon, aucun système n'est complet. En Europe du Nord, même s'il y a très peu de grèves, aucun mécanisme n'est proposé aux usagers en cas de conflit. Dans certains cas, la paix sociale est achetée très cher. En Europe du Sud, il y a certes un service garanti mais, faute d'outils de prévention performants, le nombre de grèves est resté élevé.

M. Le Garrec l'a rappelé avec sagesse, chaque pays a son histoire sociale. Le social est une matière vivante, une histoire d'hommes et de femmes qui s'efforcent d'avancer vers une société plus juste. Inutile donc de chercher à reproduire à l'identique tel ou tel système, d'autant qu'aucun d'entre eux n'est parfait. Construisons donc un système à la française, équilibré entre la prévention des conflits et la continuité du service public.

La démarche de prévention est la base de tout. « Toute grève est un échec », m'ont dit toutes les organisations syndicales. J'ajoute : avec une facture sociale toujours plus lourde.

« La meilleure grève, c'est celle qu'on n'a pas faite », disent les syndicats, « mais sans la grève, on n'obtient rien », ajoutent-ils. Sortons donc d'une logique d'affrontement en offrant aux partenaires sociaux de nouveaux espaces de dialogue social.

Cette volonté d'un dialogue social en amont, intense et adulte, n'a rien d'une utopie. Très majoritairement, le secteur privé y est parvenu et, dans le secteur des transports publics, la RATP a été pionnière en matière de prévention, avec, dès 1996, sa démarche concertée d'alarme sociale, dont Georges Tron a parfaitement souligné le caractère très positif. L'alarme sociale, c'est un code de déontologie reconnaissant l'importance des clients ; c'est une conception de la grève comme ultime recours, après échec du dialogue social ; c'est enfin une procédure préalable au préavis. Lorsque l'une des parties, direction ou syndicats, identifie un problème susceptible de devenir conflictuel, elle active la procédure d'alarme sociale et avertit l'autre partie par courrier. Dans un délai de cinq jours est alors organisée une réunion, qui débouche sur un constat d'accord ou de désaccord. Le constat d'accord engage les parties signataires. Tout refus doit être motivé par écrit.

Les résultats sont édifiants. Depuis 1996, le nombre de préavis déposés a été divisé par trois et le taux de participation aux arrêts de travail par cinq. Depuis 1996, on recense seulement deux journées de grève totale, l'une en 1999 pour le décès tragique d'un agent, l'autre en 2003 au sujet des retraites.

Voilà donc un dispositif qui marche.

Plusieurs députés UDF - C'est vrai !

M. le Ministre - Lors du tour d'Europe, ce cas français a souvent été cité en exemple par nos hôtes.

La SNCF s'est elle aussi engagée dans la démarche de prévention des conflits, qui a abouti en septembre à un accord signé par trois organisations.

L'amélioration du dialogue social constitue une contrainte vertueuse pour les entreprises. Elle les amène à se réformer, à décentraliser des pouvoirs, à faire primer le dialogue et le respect du client.

La prévention des conflits, c'est bien la priorité du Gouvernement. J'ai noté que c'était aussi celle de nombreux députés, dont M. Le Garrec qui a parlé des « techniques de prévenance ». Dans un premier temps, il s'agira donc de renforcer et de développer au sein de toutes les entreprises de transports terrestres de voyageurs des dispositifs négociés de prévention des conflits. L'exemple réussi de la RATP nous pousse dans cette voie.

Le Gouvernement présentera donc, après concertation, un projet de loi de prévention et d'anticipation des conflits dans les entreprises de transport. Ce texte de confiance et de progrès incitera les entreprises concernées à mettre en place un dispositif négocié de prévention des conflits avant le dépôt d'un éventuel préavis.

M. Maurice Leroy - Très bien !

M. le Ministre - Pour dialoguer, il faut être deux : direction et organisations syndicales. Le Gouvernement compte donc sur un engagement total des équipes de direction (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF). Mais quelle que soit la qualité du dialogue social, la grève restera en réalité, ne serait-ce qu'en tant que fait démocratique, inscrite dans notre histoire et dans notre Constitution. Il nous appartient donc d'offrir au usagers, quand la grève paraît inévitable, une organisation négociée de la continuité du service public.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Très bien !

M. le Ministre - Pour atteindre cet objectif, nous devons fonder notre démarche sur le dialogue, convaincre plutôt que contraindre.

Cette démarche est conforme à mon engagement politique. M. Mariton a rappelé tout à l'heure mon appartenance à telle sensibilité de la majorité. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler la sienne dans un passé pas si lointain (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Le dialogue, c'est ce qu'a demandé le Président de la République dans son discours du 5 avril 2001 à Caen. C'est de toute façon le chemin de l'efficacité. J'ai en effet la conviction, comme Françoise de Panafieu et bien d'autres, que l'on ne réussira pas en dressant une catégorie de Français contre une autre, les agents contre les clients, les syndicats contre les PME, le privé contre le public, la droite contre la gauche. Je veux au contraire trouver, par le respect mutuel et la pédagogie, le chemin, sinon d'un consensus, au moins du dialogue et de la compréhension.

Pour trouver ce chemin, il faut nuancer certaines idées, en étant bien conscients qu'un dispositif de continuité de service public est aussi complexe socialement que techniquement à bâtir. Contrairement à ce que disait tout à l'heure M. Mariton, la question posée n'est pas simple et la réponse ne saurait donc l'être non plus. D'ailleurs, la commission de garantie italienne nous racontait que certains dispositifs lui avaient demandé des mois de réflexion. Nous avons nous aussi beaucoup de questions à expertiser et clarifier. J'ai acquis la totale conviction qu'avant toute décision, un travail de fond juridique, social et technique, doit être préalablement accompli par un petit groupe d'experts...

M. Alain Madelin - Encore une commission !

M. le Ministre - La mission de ce conseil d'experts qui sera mis en place en janvier sera triple : d'abord, vérifier la faisabilité technique d'un dispositif de continuité de service, mode par mode, et dans différentes hypothèses de conflit. M. Dubernard a justement souligné la nécessité d'expertiser ce qu'on appelle le champ des « prestations indispensables ». Je retiens aussi la demande du président Ollier de disposer de simulations sur des organisations optimisées du service en temps de grève.

Ce conseil devra ensuite valider de manière précise les options juridiques possibles de mise en place d'un service garanti dans le secteur des transports. Dans l'hypothèse d'une loi, il devra préciser notamment ce qui pourra être renvoyé au règlement ou à l'accord. A ce sujet, il devra aussi préciser la forme juridique des structures qui pourraient être mises au service des partenaires sociaux pour les aider à bâtir des accords de continuité de service public. Si l'on veut convaincre le juge constitutionnel, il faudra bien vérifier que les scénarios proposés ne dépassent pas le stade des « restrictions nécessaires » précisées par le juge suprême.

Sa troisième mission sera de nouer un dialogue permanent avec les partenaires sociaux, et susciter en temps réel leur réaction sur l'avancée des travaux des deux premières missions.

Ce travail n'est pas conjoncturel, mais structurant. Il doit se faire d'une manière dépassionnée, à l'abri des joutes verbales et des campagnes électorales. En effet, l'enjeu n'est pas électoral...

M. Jacques Myard - C'est un enjeu de société.

M. le Ministre - Oui, de société. Le groupe que j'installerai auprès de moi en janvier devra rendre ses conclusions définitives au plus tard l'été prochain. Je reviendrai alors devant vous pour vous les présenter avec un premier bilan de notre politique de prévention.

La démarche du Gouvernement est résolue. Elle n'est ni partisane, ni agressive. C'est une démarche participative car rien n'est possible sans le dialogue et l'écoute, sans conjuguer prévention et respect du client. A l'inverse d'un geste hâtif, le dialogue est la marque de la confiance que met le Gouvernement en la capacité des hommes à trouver ensemble des solutions durables en faveur d'une service public efficace.

Oui, le système français est trop figé. Nous devons le faire évoluer, le réformer par le dialogue et la compréhension. Il y aura moins de grèves s'il y a plus de dialogue social.

Dans ce domaine comme en bien d'autres, l'Europe nous a d'ailleurs donné une grande leçon : celle de l'audace et de la confiance dans des rapports sociaux pacifiés (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 19 décembre, puis du mardi 6 au jeudi 8 janvier inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion de trois projets de loi autorisant la ratification de conventions internationales, inscrits à l'ordre du jour du jeudi 18 décembre.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 45.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 19 décembre, puis du mardi 6 au jeudi 8 janvier 2004 inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Projet, adopté par le Sénat, relatif à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse ;

_ Deuxième lecture du projet relatif à la bioéthique.

MERCREDI 10 DÉCEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 11 DÉCEMBRE, à 9 heures 30 :

_ Proposition de MM. Luc-Marie CHATEL et Jacques BARROT tendant à redonner confiance au consommateur ;

(Séance d'initiative parlementaire)

à 15 heures et à 22 heures :

_ Éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;

_ Projet relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

VENDREDI 12 DÉCEMBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 16 DÉCEMBRE, à 9 heures 30 :

_ Questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

_ Suite du projet relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ;

à 21 heures 30 :

_ Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2004 ;

_ Suite du projet relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

MERCREDI 17 DÉCEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ - Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 18 DÉCEMBRE, à 9 heures 30 :

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du traité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la mise en _uvre de contrôles frontaliers dans les ports maritimes de la Manche et de la mer du Nord des deux pays ;

    (Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 106 du Règlement)

_ Sous réserve de sa transmission, projet autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Commission préparatoire de l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires sur la conduite des activités relatives aux installations de surveillance internationale, y compris les activités postérieures à la certification (ensemble une annexe) ;

_ Sous réserve de sa transmission, projet autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale ;

    (Ces deux derniers textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 107 du Règlement)

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2003 ;

_ Suite du projet relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

VENDREDI 19 DÉCEMBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;

_ Éventuellement, navettes diverses.

MARDI 6 JANVIER, à 9 heures 30 :

_ - Questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ;

_ Proposition de résolution européenne sur la diversité linguistique dans l'Union ;

_ Projet, adopté par le Sénat, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques.

MERCREDI 7 JANVIER, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Proposition de résolution européenne sur le deuxième paquet ferroviaire ;

_ Deuxième lecture du projet pour la confiance dans l'économie numérique.

JEUDI 8 JANVIER, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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