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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 43ème jour de séance, 109ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 18 DÉCEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

        PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE
        POUR 2003 -CMP- 2

        EXPLICATIONS DE VOTE 8

        ACCUEIL ET PROTECTION DE L'ENFANCE
        -deuxième lecture- 9

La séance est ouverte à quinze heures.

PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2003 -CMP-

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il soumet à l'approbation de l'Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire - La CMP, réunie hier après-midi, est parvenue au présent texte sur les cinquante article restant en discussion, les deux assemblées en ayant adopté cinquante-huit autres dans les mêmes termes. La CMP a maintenu de nombreuses dispositions introduites par le Sénat. C'est par exemple le cas de l'extension du taux réduit de TVA à la fourniture de logements et de nourriture dans les établissements pour handicapés. C'est aussi le cas du rattachement fiscal des enfants atteignant leur majorité, ou de la simplification des modalités de prise en compte des frais d'accueil de personnes âgées pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

La CMP a abouti à un dispositif équilibré quant à la contribution destinée à inciter à l'élimination des papiers résultant de la distribution gratuite d'imprimés non adressés. C'est l'occasion de rendre hommage au travail approfondi conduit depuis deux ans par le président Méhaignerie et notre collègue Jacques Pélissard. Je suis très heureux que nous ayons abouti. L'objectif du législateur est que s'organise une filière avec la participation des plus importants producteurs de ce type d'imprimés. Cela devrait permettre de désencombrer nos boîtes aux lettres, par un effet de prévention.

La CMP a dû constater que la taxe professionnelle suscitait un débat de plus en plus vif, au carrefour des critiques croissantes que lui adressent les milieux industriels et des préoccupations légitimes des collectivités locales. C'est que, comme je l'avais pensé lors de la réforme il y a cinq ans, la suppression de la part salariale, loin d'apaiser les critiques, ne fait que les aiguiser. En effet, l'assiette qui subsiste n'est autre que l'investissement, qu'il semble peu opportun de pénaliser. Les collectivités locales doivent pourtant bénéficier d'un impôt au rendement suffisant pour garantir l'équilibre de leur budget, et dont l'assiette soit clairement rattachée à leur territoire. Or, au-delà même des disparités dans l'importance des taxes imposables, la capacité des villes à défendre leurs bases imposables contre les pressions à la délocalisation de la part des entreprises est très inégale selon que ces taxes se rattachent à un tissu économique diversifié, ou que ce tissu est fortement dépendant d'un même établissement. En 2004, nous devrons réfléchir au fond sur ces problèmes de taxe professionnelle.

La CMP a maintenu la proposition d'Yves Fréville tendant à modérer les conséquences pour l'Etat de décisions des collectivités locales en matière d'abattement de taxe d'habitation. Ce qui nous rappelle, s'agissant de l'autre grand impôt local, que l'Etat est très fortement impliqué - trop, sans doute - dans l'équilibre de la fiscalité locale. Cette implication est également au c_ur du débat sur la TP. Les décisions de la CMP sur la base professionnelle des sous-traitants et des donneurs d'ordre, comme sur l'exonération des entreprises de l'audiovisuel, doivent se comprendre dans le cadre général de ce débat.

Je conclurai sur deux dispositions de ce collectif. La première concerne la bonification d'un cinquième pour la retraite au bénéfice des douaniers exerçant des missions de surveillance. Cette mesure répond à une pression qui s'exerce depuis très longtemps : il fallait la prendre. Mais, en contrepartie de ce droit, des devoirs s'imposent, concernant en particulier la continuité du service public, donc la limitation du droit de grève. Sinon nos concitoyens, à qui la réforme des retraites demande un effort important, ne comprendraient pas. Il en va de même pour l'intégration progressive, dès l'âge de 50 ans, dans la retraite des gendarmes, de l'indemnité de sujétion spéciale. Cette mesure doit également s'accompagner d'un renforcement de l'idée d'obligation qui s'attache aux missions de service public et d'intérêt général. Les parlementaires sont unanimes à penser que les droits doivent systématiquement s'accompagner d'un renforcement des devoirs : c'est l'honneur du service public.

Au bénéfice de ces observations, je propose à mes collègues d'adopter le texte de la CMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Ce projet comporte cinq axes majeurs. Le premier est de traduire l'effort sans précédent de maîtrise des dépenses de l'Etat mis en _uvre en 2003, pour respecter le plafond, que je qualifierai presque de sacré, arrêté par le Parlement en loi de finances initiale. Le deuxième est d'assurer le financement du BAPSA. Le troisième est de mettre en _uvre la loi organique, en achevant la réforme des taxes parafiscales. Le quatrième est de moderniser notre fiscalité, tout en traitant certaines situations complexes : je pense notamment à la taxe professionnelle des donneurs d'ordre et des sous-traitants. Le dernier axe est enfin de mieux encadrer le dispositif de l'aide médicale d'Etat, pour en préserver la vocation humanitaire.

Comme il est de tradition, ce projet comporte de nombreuses mesures diverses ; il a d'ailleurs été enrichi par vos travaux, et c'est l'occasion pour moi de remercier à nouveau M. Carrez pour son travail remarquable. Il a bien voulu dire hier, à propos du budget pour 2004, des choses qui m'ont touché, sur les engagements que j'avais pris devant vous et que j'ai tâché de tenir chaque fois que possible, pour nourrir la confiance nécessaire entre le Parlement et l'exécutif.

Sur nombre de points importants, le Sénat avait adopté le texte de l'Assemblée. C'est le cas sur le prélèvement des bonis de liquidation des taxes parafiscales de certains organismes agricoles au profit du BAPSA. Le Sénat a apporté un utile complément, prévoyant l'assujettissement au contrôle financier des organismes qui bénéficient de taxes parafiscales ou de taxes fiscales affectées. Réponse est ainsi donnée à une critique formulée lors de nos travaux à l'Assemblée. Ce dispositif, accepté par votre CMP, représente à mes yeux un authentique progrès.

Les dispositions relatives à l'aide médicale d'Etat ont été adoptées par les deux assemblées, conformément, je crois, au bon sens et à l'équité.

Sur proposition du Gouvernement, le Sénat a voté un redéploiement de crédits de nature à résoudre la crise sévissant sur le marché du porc ; le président Méhaignerie, breton, sait de quoi je parle. La CMP a retenu cette mesure qui permettra, dans le respect des règles communautaires, de majorer la participation de l'Etat au coût de l'équarrissage, et d'atténuer les charges des éleveurs de porcs et de volailles.

Les autres articles demeurant en discussion portaient pour l'essentiel sur des dispositions introduites au cours du débat. La CMP a ainsi confirmé le dispositif adopté à l'initiative de votre commission des finances sur le régime des imprimés non nominatifs distribués aux particuliers ou dans les lieux publics. Elle a aussi adopté les dispositions relatives à la taxe sur l'électricité introduite par le Sénat, elle a retenu la rédaction de ce dernier s'agissant de la taxe professionnelle des donneurs d'ordre et des sous-traitants.

Au total, le Gouvernement souscrit au texte de la CMP et vous propose de l'adopter sans modification, sous réserve d'un amendement technique de la commission.

Vos remarques, Monsieur le rapporteur général, à propos des douanes et de la gendarmerie rencontrent mes plus fortes convictions. Oui, l'équilibre entre droits et devoirs est au fondement du pacte républicain. Nous arrivons au terme de nos travaux budgétaires de l'automne. J'exprime ma gratitude envers l'Assemblée, sa commission des finances, tous ses services ainsi que ceux du ministère. Tous ensemble, nous avons consacré de longues heures à ce noble travail qu'est l'élaboration de la loi.

Je me permets de vous souhaiter à tous de bonnes fêtes de fin d'année, et de former des v_ux de bonheur pour 2004, pour ceux qui vous sont chers, et aussi pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean Dionis du Séjour - L'évolution de l'équilibre du budget général de 2003 marque une aggravation du déficit, due à de moindres recettes fiscales et à l'hypothèse de croissance irréaliste qu'avait retenue le Gouvernement. Ce dernier aurait été bien avisé d'écouter le groupe UDF qui en juillet 2002, lors de sa première question, l'avait mis en garde face à cette hypothèse bien optimiste. Celle qui a été retenue pour 2004 paraît plus raisonnable, le taux de croissance de 1,7 % étant confirmé par plusieurs organismes de prévision.

Nous souhaitons revenir sur le prélèvement opéré sur ARVALIS. Le débat sur ce point aurait gagné à être plus serein. Pour finir, le prélèvement a été réduit, ce qui malgré tout va dans le bon sens.

Sur la fiscalité des biocarburants, le groupe UDF se félicite de la position adoptée par l'Assemblée et par le Gouvernement. L'extension de la réduction de la TIPP à l'incorporation directe permettra à la filière agricole de développer des projets industriels prometteurs. Nous souhaitons que, dès l'an prochain, la TIPP soit identique sur le TBE et sur l'incorporation indirecte.

En première lecture, l'Assemblée a adopté l'amendement Pélissard-Méhaignerie créant une éco-contribution pour le traitement des imprimés distribués gratuitement. Le Sénat est revenu sur deux sous-amendements du groupe UDF permettant de relever le nombre minimum d'imprimés distribués pour être redevable et de baisser la taxe due s'il n'y a pas eu d'accord. Nous regrettons que, pour finir, le prélèvement s'applique à partir de 2,5 tonnes d'imprimés distribués, car il pénalisera de nombreux organismes associatifs. Le Sénat a rétabli le taux de 0,15 centime par kilo d'imprimés, alors que nous proposions 0,10 centime. Nous sommes favorables au principe de la taxe, qui incite à contribuer au traitement, mais 0,10 centime nous paraissait largement suffisant. Aller au-delà risquerait de fragiliser la presse quotidienne régionale. J'espère que nous pourrons reprendre cette discussion, notre assemblée devant débattre le 15 janvier 2004, à l'initiative du groupe UDF, de la politique de la presse en France.

Nous remercions le ministre, le président et le rapporteur général de la commission des finances, pour leur esprit d'écoute et de dialogue. Puisse cet esprit inspirer l'ensemble de la majorité et du Gouvernement ! C'est le v_u que je forme pour 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Nous avons beaucoup travaillé hier en CMP. Ce n'est pas pour autant que le texte du collectif a été transformé. Jamais budget n'a connu une exécution si mouvementée, sans être rectifié en cours de gestion, et non pas seulement à la fin. Cette loi de finances rectificative illustre l'insincérité de la loi de finances initiale. La sincérité de cette dernière n'avait été admise par le Conseil constitutionnel que sous réserve d'observations, qui auraient dû conduire le Gouvernement à déposer en cours d'exercice un projet rectificatif. En effet, alors que les prévisions de croissance étaient de 2,5 %, la réalité n'a pas dépassé 0,2 %. Les recettes fiscales sont inférieures aux prévisions de 7,5 milliards, les annulations de crédits ont porté sur 6 milliards. Nous étions bien dans l'hypothèse exposée par le Conseil constitutionnel. Vous avez dégradé, pensons-nous, la situation de nos finances publiques depuis juin 2002, au point que le déficit, de 54 milliards, a atteint un niveau historique, tout comme la dette publique, qui représente 63 % du PIB. Or vous continuez à tenir votre politique pour bonne, alors que nous en voyons les effets négatifs pour nos concitoyens et que nos finances ont été placées pour un temps sous la tutelle de la Commission européenne. Si la France, avec l'Allemagne, a pu éviter les sanctions, elle n'a pas échappé aux potions amères de la rigueur budgétaire et de la hausse des prélèvements obligatoires, car la baisse d'impôts que vous avez annoncée est illusoire pour la plupart des Français.

L'insincérité de votre loi de finances tient aussi aux gels et annulations auxquels vous avez dû procéder, vous attirant des observations de la Cour des comptes d'une sévérité sans précédent. Nous constatons que beaucoup de politiques publiques sont menacées et que les engagements de l'Etat ne sont plus respectés. Monsieur le président de la commission des finances, nous continuons à vous demander de créer une mission d'information, voire une commission d'enquête, portant sur les conditions d'exécution des contrats de plan. Nous renouvellerons notre démarche aussi longtemps que de besoin, car c'est la parole de l'Etat qui est en cause.

La situation de certains ministères s'est, elle aussi, très sérieusement aggravée, comme l'a relevé la Cour des comptes et comme la presse s'en est fait l'écho.

Aussi, voir ce matin le Gouvernement communiquer sur les, ou plutôt le, milliard consacré aux infrastructures, avait quelque chose de virtuel et de pathétique. Comment y croire alors que chaque jour révèle des engagements non respectés ? Voilà longtemps, Monsieur le ministre, que les élus locaux ne croient plus au Père Noël, et encore moins à M. Raffarin, qui n'a même pas de barbe blanche.

Beaucoup d'engagements n'ont pas été tenus. Pour les transports en commun, par exemple, en dépit des annonces du Premier ministre et du ministre des transports, il n'y a dans le collectif que des crédits dégelés : pas un euro de plus n'a été inscrit. Quant à la mesure concernant l'AME, elle choque tous ceux qui sont sensibles à la situation des plus faibles ; nous ne comprenons pas qu'alors même qu'un travail parlementaire est engagé, le Gouvernement prenne une mesure aussi brutale.

Bien sûr, la croissance va repartir : c'est difficile de faire pire que cette année... La France ne va pas rester totalement à l'écart de la reprise mondiale, mais nous craignons que votre politique n'y limite la croissance. Nous nous réjouissons de la note de conjoncture de l'INSEE, qui n'est que la confirmation des prévisions de croissance du Gouvernement pour 2004, plus raisonnables que celles de l'année dernière. Mais, comme le dit l'INSEE, le Noël reste « maigre ». Alors que notre économie avait, sous la précédente législature, connu des performances systématiquement supérieures à celles de la zone euro, l'INSEE parle d'une évolution « proche de la moyenne de la zone euro », façon de reconnaître diplomatiquement qu'elle sera inférieure à cette moyenne. L'INSEE observe aussi que le rythme d'évolution de la consommation restera modéré en raison de la faible croissance du pouvoir d'achat des ménages, qui doit même, selon lui, connaître un ralentissement en 2003 et début 2004.

Nous ne pouvons donc que voter contre ce projet. Je voudrais néanmoins, Monsieur le ministre, en saluer la dimension positive (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Je vous remercie des efforts entrepris pour mettre en application la LOLF, en souhaitant que nous puissions continuer à travailler dans un esprit constructif en janvier. Je veux également me réjouir de la courtoisie des débats et souligner la qualité du dialogue que nous avons avec vous, Monsieur le ministre, et avec vos services. Mes remerciements vont aussi au président de la commission des finances, au rapporteur général et aux fonctionnaires de la commission des finances ; à vous, Monsieur le président, et à l'ensemble des services de la séance, ainsi qu'à chacune et chacun d'entre vous.

Je m'associe aux v_ux que vous avez exprimés, Monsieur le ministre, mais je crains malheureusement que l'année qui vient soit plus difficile encore pour beaucoup de Français.

Je n'ai pas été rassuré par vos propos dans un quotidien de ce matin, qui semblent montrer qu'en matière de fiscalité locale, vous considérez que toute velléité de réforme doit être abandonnée. Je le regrette car avec les transferts de charges qui ont été opérés par l'Etat, il est plus urgent que jamais de réfléchir aux moyens de rendre notre fiscalité locale plus juste, plus efficace et plus compréhensible. Je regrette aussi que vous abandonniez l'idée de la retenue à la source, en la réservant à quelques catégories particulières de nos concitoyens.

Enfin, nous craignons que les ménages soient, dans leur grande majorité, les principales victimes des mesures fiscales prises tant dans le collectif que dans la loi de finances pour 2004.

M. Gérard Bapt - Très bien !

Mme Muguette Jacquaint - « Renforcer l'attractivité de la France est une priorité imposée par la dure réalité de la concurrence internationale » avez-vous déclaré lundi dernier au Sénat, Monsieur le ministre. Pour ce gouvernement, être compétitif consiste à comprimer les coûts salariaux, à détricoter le code du travail, à diminuer la pression fiscale sur les hauts revenus.

Conforme à cette philosophie, ce projet comporte un article portant « mesures en faveur des salariés exerçant temporairement une activité professionnelle en France ».

Il s'agit, selon Bercy, d'encourager la venue en France de cadres de haut niveau, en exonérant d'impôt sur le revenu la prime d'« impatriation » pendant cinq ans, à condition que l'intéressé n'ait pas été résident fiscal depuis dix ans. Ces primes représentant entre 20 % et 50 % du salaire des cadres, c'est un beau cadeau de Noël !

En première lecture, nous avions manifesté notre opposition vigoureuse à cette mesure, qui va instaurer des inégalités de revenus inacceptables entre cadres exerçant le même travail au sein d'une entreprise. Le principe « à travail égal, salaire égal », déjà enfreint avec les inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes, deviendra encore plus illusoire. De plus, pourquoi vouloir renforcer l'attractivité de la France alors que les études des économistes démontrent qu'elle est un pays particulièrement attractif, qui n'a rien à envier à ses partenaires européens ?

Vous vous basez sur les conclusions des rapports de MM. Charzat et Huygues, dont le seul mérite est d'être conformes au discours dominant sur le déclin de la France. Mais au-delà de ces thèses défaitistes qui ne font que réjouir la droite la plus extrême, il y a les faits. Une étude publiée le 14 octobre par l'association pour l'emploi des cadres et le cabinet Hewitt établit que les cadres français sont parmi les mieux payés d'Europe.

Si l'on considère la rémunération brute des cadres, le Royaume-Uni et l'Allemagne se classent devant la France, mais l'avantage du Royaume-Uni est largement moins marqué pour les cadres jeunes ou de bas niveau hiérarchique que pour les cadres seniors. Si l'on considère la rémunération nette après déduction d'impôts, de cotisations sociales et d'assurance retraite et ajustée au coût de la vie, le Royaume-Uni reste leader, mais les écarts se tassent et la France arrive en deuxième position. De surcroît, tout dépend de la situation familiale. Pour les célibataires sans enfant, le Royaume-Uni reste en tête, mais la France se révèle très attractive pour un cadre dirigeant senior avec deux enfants.

Monsieur le ministre, contestez-vous les résultats de cette étude ? Si oui, sur quels fondements ?

Alors que le Gouvernement annonce à grand renfort de publicité que quarante initiatives - rien de moins ! - vont être lancées pour renforcer l'attractivité de la France, on peut être surpris que les conclusions du Conseil d'analyse économique, dans son rapport intitulé « compétitivité », soient également passées sous silence. Elles montrent que le niveau de vie des Français, en termes de revenu par tête, ne se distingue pas fondamentalement de celui des grands pays de l'Union européenne.

Il est en outre établi que, dans un environnement international peu porteur, la France a bénéficié en 2002 d'une augmentation des flux d'investissements directs entrants, à l'inverse des autres pays industrialisés. La France est le quatrième pays d'accueil des investissements directs au sein de l'OCDE : ce n'est pas si mal pour un pays présenté comme un épouvantail !

Dès lors, à quoi bon se donner du mal pour inventer des dispositifs fiscaux dérogatoires lorsque l'intérêt égoïste de la France, pour reprendre une formule du ministre de l'économie, est déjà satisfait ?

Le déficit d'attractivité de la France est un mythe au nom duquel on justifie un nouveau cadeau indu aux plus hauts revenus.

A l'autre bout de l'échelle sociale, en revanche, le Gouvernement n'hésite pas à mener une politique particulièrement violente.

Ainsi, les conditions d'accès aux soins accordés aux étrangers sans-papiers seront de plus en plus restrictives. Sous couvert de réformer l'aide médicale d'Etat, la procédure d'admission immédiate est supprimée tandis qu'est instauré un délai de résidence préalable continue de trois mois.

La prise en charge gratuite des soins à l'hôpital serait désormais limitée aux seuls « soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé ».

Attendre l'aggravation des maladies pour dispenser des soins est un contresens, y compris dans une optique purement comptable, puisqu'il sera beaucoup plus coûteux de soigner les patients dans un état grave - sans compter les risques de contagion liés aux maladies infectieuses.

De plus, l'Etat opère un prélèvement de 56 millions sur le fonds pour le renouvellement urbain. Rien ne garantit que ces sommes seront effectivement utilisées pour répondre à la crise du logement. Or, il est urgent de rompre avec le désengagement de l'Etat sur l'aide à la pierre. Nous avions proposé d'affecter cette somme à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ou à la Caisse de garantie du logement locatif social. Mais la volonté de se procurer des recettes de poches - qu'illustrent par ailleurs les prélèvements opérés sur les organismes de recherche agricoles dont Arvalis-Institut du Végétal - a été plus forte que l'urgence à répondre à la pénurie de logement.

S'il est plus discret que les précédents, ce projet de loi de finances rectificative est pourtant conforme à ce qui inspire la politique du Gouvernement et de sa majorité depuis le début de la législature : toujours plus pour les nantis ; toujours moins pour la majorité de la population.

Sans surprise, nous voterons contre.

Je présente à mon tour mes v_ux à l'ensemble de mes collègues ainsi qu'au personnel de l'Assemblée nationale. Je souhaite qu'en 2004, une autre politique voie le jour.

Mme Marie-Anne Montchamp - Ce collectif budgétaire courageux et cohérent a été élaboré dans la transparence.

Il tend à l'équilibre financier par la stricte maîtrise des dépenses, contenues, je le rappelle, à 273,8 milliards, et s'inspire d'un constant souci de mise en _uvre de la LOLF.

Ce collectif vise également à développer l'attractivité de la France, notamment en adaptant nos dispositifs fiscaux.

Les débats que nous avons eus, et hier encore au sein de la CMP, montrent qu'il faut savoir parfois marquer une pause pour développer une réflexion approfondie.

Ainsi sur les modalités d'application de la taxe professionnelle pour les donneurs d'ordre et les sous-traitants ou, pour certaines communes qui ont sur leur territoire des entreprises relevant de la filière cinématographique, de l'exonération de la taxe professionnelle.

De la même façon, une réflexion sera nécessaire sur l'aide médicale d'Etat. Je soumettrai prochainement à la commission des finances un rapport d'information sur ce sujet. Un groupe référent a été constitué afin de rechercher des voies nouvelles pour aborder cette question. L'ensemble de ces informations devraient être communiquées d'ici le mois de février. Pourriez-vous donc, Monsieur le ministre, nous accorder un délai de réflexion pour préparer la réforme de ce dispositif ?

Le groupe UMP votera, bien sûr, ce projet de loi de finances rectificative courageux et volontariste.

Je présente à tous mes v_ux les plus chaleureux pour 2004, en souhaitant que nos travaux soient aussi fructueux que cette année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Avant de mettre aux voix le texte de la commission mixte paritaire, j'appelle d'abord l'Assemblée, conformément à l'article 113, alinéa 3, du Règlement, à statuer sur l'amendement dont je suis saisi.

M. le Rapporteur - L'amendement 1 est de coordination.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Gérard Bapt - Jamais l'exécution d'un budget n'avait été aussi mouvementée. Une loi de finances rectificative en cours de gestion aurait d'ailleurs été nécessaire comme l'avait souhaité le Conseil constitutionnel.

La loi de finances prévoyait une croissance de 2,5 % alors qu'elle est proche de 0 %, les recettes fiscales seront inférieures de 7,5 milliards aux prévisions, les annulations de crédit se sont élevées à un peu plus de six milliards.

J'ai d'ailleurs évoqué les difficultés des services du ministère de la santé et des personnes handicapées. Hier encore, devant la commission d'enquête de notre Assemblée sur les conséquences sanitaires de la canicule, le Dr Coquin, directeur adjoint de la Direction générale de la santé, nous a fait part des difficultés qu'il a eues pour mettre en place le numéro vert, le 11 août, en raison des dettes et des factures impayées dissuasives pour l'entreprise chargée de son installation.

En outre, nous connaissons aujourd'hui l'ampleur des grèves qui ont lieu dans nos ambassades. J'imagine les sourires ironiques de certains pays et parmi eux, de nos alliés les plus importants.

M. Jean-Michel Dubernard - L'Espagne ? (Sourires)

M. Gérard Bapt - Outre que vous avez voulu noircir le bilan pourtant positif du gouvernement précédent, vous avez tenu, en baissant l'impôt sur le revenu, à prendre en compte les promesses inconsidérées du candidat Chirac. Le déficit budgétaire a ainsi atteint un record historique puisque la dette publique s'élève à près de 63 % du PIB.

Vous essayez donc de faire des économies, mais à partir de transferts sociaux qui touchent les catégories les plus modestes.

Ainsi, en transférant une part de la charge de la CMU complémentaire sur la sécurité sociale, le Gouvernement économise 112 millions.

Concernant l'AME, vous avez là encore voulu économiser. L'an dernier, vous avez mis fin à sa gratuité. L'article 49 de ce collectif va plus loin : la fin de la gratuité est confirmée mais, surtout, la procédure d'admission immédiate est supprimée.

M. le Président - Il faut conclure.

M. Gérard Bapt - Or, cette procédure a un champ beaucoup plus vaste que celui de l'urgence médicale. Vers qui se retournent les familles françaises dont les enfants auront été contaminés par des affections dues à des enfants étrangers qui n'auront pu accéder à la prévention et aux soins ?

Les dépenses seront en outre beaucoup plus importantes lorsqu'une personne qui n'aura pu être soignée pour un ulcère à l'estomac sera admise en urgence pour une perforation.

M. le Président - Concluez. Une explication de vote ne nécessite pas une longue argumentation.

M. Gérard Bapt - Je conclus. J'ai été sensible à la requête de Mme Montchamp. Mais nous votons pour le 1er janvier 2004 : nous ne pouvons accorder un blanc-seing sur cette question.

Le groupe socialiste votera contre ce projet de loi de finances rectificative.

M. Didier Migaud - Très bien !

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l'amendement adopté, mis aux voix, est adopté.

ACCUEIL ET PROTECTION DE L'ENFANCE -deuxième lecture-

L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - Nous revenons aujourd'hui sur ce texte adopté il y a quelques semaines par le Sénat et il y a quelques jours par l'Assemblée nationale. Je serai donc succinct.

La politique de l'enfance consiste d'abord à assurer l'accueil des enfants dans de bonnes conditions. L'article premier vise ainsi à accroître l'offre de garde, tout en améliorant la situation des assistantes maternelles. L'Assemblée nationale n'a pas souhaité conserver la rédaction adoptée par le Sénat, plus restrictive que celle du Gouvernement. La réforme du statut des assistantes maternelles est un chantier complexe entamé depuis plus d'un an. Le texte en est actuellement soumis au Conseil d'Etat : nous en débattrons au prochain semestre. Nous pourrons ainsi améliorer la sécurité des enfants et la souplesse pour les familles tout en servant l'intérêt des professionnels.

La protection de l'enfance consiste aussi à assurer le droit effectif à l'éducation de notre jeunesse. Les parents et l'Etat ont le devoir d'assurer la stricte application de l'obligation scolaire introduite dans notre droit par la loi du 28 mars 1882. Le dispositif proposé répond à cette exigence.

Nous devons également repérer la maltraitance pour pouvoir la traiter et la prévenir. La création de l'observatoire national de l'enfance en danger mobilise déjà les acteurs du secteur : ce maillon essentiel de la protection de l'enfance manquait à notre pays.

Que serait la protection de l'enfance sans les associations ? Améliorer les conditions dans lesquelles les associations peuvent se constituer partie civile dans le cadre des procédures pénales impliquant des mineurs victimes était l'un des objectifs du texte. La rédaction du Sénat concilie la sagesse et la liberté.

Je me félicite donc que l'Assemblée nationale l'ait adoptée en première lecture.

Enfin, le nouveau mode de financement des mesures de protection juridique des majeurs pourra être expérimenté dès maintenant, avant une réforme globale. Je salue les avancées opérées à l'initiative des sénateurs - Mme Marie-Claude Beaudeau sur le signalement des enfants maltraités par les médecins, M. Michel Mercier sur la dispense de l'obligation alimentaire à la charge des enfants confiés durant leur minorité à l'aide sociale à l'enfance - comme des députés - Mme Martine Aurillac, Mme Henriette Martinez et beaucoup d'autres.

Le Gouvernement vous présente le texte tel qu'il a été adopté par le Sénat. Je remercie le président de la commission des affaires sociales et l'ensemble de ses commissaires qui ont contribué à l'enrichir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, suppléant Mme Henriette Martinez, rapporteure de la commission des affaires culturelles - Ce projet de loi adopté, en première lecture par le Sénat le 16 octobre et par l'Assemblée nationale le 2 décembre, s'articule autour de trois axes : la protection de l'enfance, l'amélioration de l'accueil des jeunes enfants par les assistants maternels et l'expérimentation d'un nouveau mode de financement des services tutélaires.

Le Sénat a modifié, à l'article 7, la dénomination de l'observatoire national de l'enfance maltraitée, devenu « observatoire national de l'enfance en danger ». L'Assemblée a approuvé cette prise en compte globale de la protection de l'enfance.

L'article premier concerne l'accueil du jeune enfant. Alors que le projet prévoyait de limiter l'augmentation du nombre d'enfants gardés simultanément à trois, le Sénat a fixé un plafond maximal de six enfants. L'Assemblée a souhaité revenir au texte initial, afin de répondre aux besoins immédiats à l'heure où la réforme du statut des assistants maternels est en cours de négociation.

Le Sénat a également encadré la procédure de constitution de partie civile des associations, en prévoyant à l'article 10, que celles-ci ne pourront agir de leur propre fait que pour les infractions relatives au tourisme sexuel et aux images pédo-pornographiques. L'Assemblée a adopté ce dispositif sans modification.

Quant à la réforme du financement des tutelles pour les majeurs protégés, l'Assemblée nationale a adopté conforme une disposition introduite à l'article 12 par le Sénat, qui prévoit un bilan de ce dispositif.

En première lecture, les deux assemblées ont complété le projet par quatre nouvelles dispositions. Le Sénat a adopté deux article additionnels : l'un exonérant les enfants maltraités de l'obligation alimentaire de manière automatique, sauf décision contraire du juge - article premier A devenu article 13 à l'Assemblée nationale -, l'autre renforçant la protection des médecins en cas de signalement d'actes de maltraitance - article 8 bis. L'Assemblée a ensuite adopté deux articles additionnels : le premier - article 8 ter - supprime la sanction par le conseil de l'ordre en cas de signalement d'actes de maltraitance, encore prévue dans le code de la santé publique, et le second - article 8 quater - modifie l'article 375-1 du code civil afin de préciser que l'intérêt de l'enfant doit être pris en compte dans toutes les décisions de justice le concernant.

Le Sénat a adopté le projet en deuxième lecture le 17 décembre en y apportant trois modifications. Il a supprimé l'article 6 bis relatif aux sanctions pénales pour les faits de mendicité, par cohérence avec la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Il a ajouté un alinéa à l'article 8 bis afin de maintenir le 3° de l'article 226-14 du code pénal autorisant les professionnels de santé à signaler au préfet les personnes dangereuses détenant ou ayant manifesté l'intention de détenir une arme. Enfin, il a introduit un article additionnel après l'article 14 reportant la date de mise en application de certaines dispositions de la loi du 3 janvier 2003 relative à la sécurité des piscines.

La commission a adopté ces dispositions sans modification ce matin et vous propose donc de mettre un terme à la navette parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - L'accueil et la protection de l'enfance préoccupent l'ensemble de nos concitoyens. Nous sommes donc heureux d'examiner une nouvelle fois ce texte.

Si nous nous félicitons de légiférer sur ces questions, l'intitulé du projet semble bien ambitieux au regard des quelques mesures qu'il propose. Pourquoi un texte incomplet - car transitoire - sur des sujets aussi graves ?

Chaque année, des milliers d'enfants sont maltraités et victimes d'abus sexuels. Deux fois sur trois, ces abus sont le fait d'un parent ou d'un proche. Ils engendrent de nombreux traumatismes. Mais un enfant peut aussi être victime d'exploitation ou de carences éducatives ayant pour conséquence un absentéisme scolaire répété. Il faut donc se pencher sur ce sujet, à l'heure où s'engage dans notre pays ce grand débat sur l'école.

Je me réjouis de l'abrogation du texte permettant de priver une famille de ses allocations familiales en raison de l'absentéisme de l'un de ses enfants, mesure injuste et inefficace. Mais je reste réservée sur la manière dont ce texte aborde le problème. Les causes du phénomène sont multiples. Elles tiennent pour certaines à la famille. Il faut donc renforcer les actions de prévention et de responsabilisation des parents. La création d'un délit d'absentéisme scolaire, sanctionné par une contravention de quatrième classe, ne sera cependant pas plus efficace que l'interruption du versement des allocations familiales. Selon la CNAF, le montant moyen des revenus annuels des familles concernées est de 4 818 €, soit environ 2 600 F par mois. Près de 10 % de ces familles font l'objet d'une mesure de tutelle concernant les prestations sociales, contre 0,4 % pour l'ensemble des familles. Elles comptent trois enfants en moyenne, contre 1,6 pour l'ensemble des familles. Des centaines de milliers de familles ne se maintiennent au-dessus du seuil de pauvreté que grâce aux prestations familiales. Mais nourrir, vêtir et éduquer des enfants reste un défi quotidien dans les cités et les quartiers abandonnés. Ces familles souffrent d'abord de l'injustice et de l'absence de perspectives d'avenir.

Le manquement à l'obligation scolaire relève à la fois d'une responsabilité individuelle et d'une responsabilité collective. Nombre de jeunes peinent à trouver un sens à l'école, en particulier lorsqu'ils subissent une orientation non désirée. Il faut privilégier le dépistage précoce des causes de l'absentéisme, le dialogue entre les parents et l'institution et les mesures préventives et de soutien éducatif.

L'observatoire national de l'enfance en danger permettra certes de recenser les actions sur le terrain et de promouvoir de bonnes pratiques. Mais il faudrait davantage de moyens et de personnels compétents pour mieux connaître les publics concernés. Cette nouvelle structure devrait développer une approche qualitative, et pas seulement quantitative, de l'enfance en danger.

Ce projet de loi ne fait qu'accumuler des mesures. Il aurait dû créer un lien entre la question de la maltraitance et le manque important de familles d'accueil. Des efforts auraient dû être engagés en matière de formation, afin de professionnaliser les métiers de la petite enfance, de créer des débouchés et des facultés de mobilité et de les rendre plus attractifs.

Les assistants maternels dits indépendants ne bénéficient pas du même suivi que leurs homologues qui travaillent en crèche familiale. Leur agrément peut être délivré de façon tacite et leur formation ne recouvre que soixante heures, réparties sur cinq ans ! La reconnaissance pleine et entière de leur métier passe par une formation qualifiante, une revalorisation des salaires et une retraite digne de ce nom. Il faut également prendre en compte la spécificité de cette profession exercée à domicile et qui engage donc la propre famille des assistants maternels. Une réforme de la formation, la validation des acquis, la création d'un cursus dans le cadre de l'éducation nationale sont urgentes pour répondre aux problèmes de recrutement.

Ce projet de loi est bien en deçà. On peut également s'inquiéter de sa volonté de ne développer que ce mode de garde individuel, sous prétexte qu'il serait largement plébiscité par les parents. Mais le choix se fait souvent par défaut ! L'accueil collectif ne permet de répondre ni à la demande, ni aux nouvelles contraintes des parents. Ce projet ne permet pas de diversifier suffisamment l'offre d'accueil.

A l'issue de la navette, ce texte contient des mesures positives, mais il reste incomplet. Certains des amendements que nous avons déposés ont été adoptés au Sénat, mais nous restons au milieu du gué. J'espère que ce projet ouvrira la voie à un texte beaucoup plus ambitieux. Pour l'instant, nous continuons à nous abstenir.

Mme Martine Aurillac - Une société peut se juger à l'accueil qu'elle réserve à ses enfants. Après la création de la PAJE, dans le PLFSS, vous nous présentez un projet complémentaire sur l'accueil et la protection de l'enfance, premier texte spécifique en la matière. Je n'insiste pas sur les avancées concernant l'agrément des assistants maternels et l'absentéisme scolaire. Reste le volet relatif à la maltraitance. Les chiffres sont cruels : 18 500 enfants sont maltraités, et le nombre de familles fragiles est en augmentation. Parmi les facteurs de risque, on note les carences éducatives, les conflits de couple et les problèmes psychopathologiques des parents, la précarité n'arrivant qu'en quatrième position. Il importe donc grandement d'améliorer les dispositifs de signalement. Ce sera l'une des priorités de l'observatoire national de l'enfance en danger.

Pour cette deuxième lecture, quelques amendements techniques de cohérence ont été présentés, concernant notamment la mendicité et la sécurité des piscines. Ils ont été largement acceptés par la commission. Je continue en revanche à insister sur l'impact de certaines violences sur l'enfant, comme les violences conjugales, mais aussi certaines violences morales faites à l'enfant. Le dénigrement, l'humiliation, le harcèlement peuvent être aussi destructeurs que les violences physiques. Ils peuvent se manifester en famille comme à l'école et doivent être signalés et pris en compte par les juges. Le respect de la parole de l'enfant est en effet un des principes fondateurs de la convention internationale des droits de l'enfant. A cet égard, la possibilité pour les associations de protection de l'enfance de se porter partie civile était très attendue.

Je voudrais, Monsieur le ministre, présenter une requête. Il est une autre forme d'agression vis-à-vis de l'enfance : le déferlement d'images pornographiques sur internet, qui touche des enfants parfois très jeunes. Il est impératif de renforcer les outils législatifs : la loi de 1986 est souvent contournée, sans compter les difficultés posées par la nature même du réseau internet. L'article 2 du projet de loi sur l'économie numérique devrait instaurer un dispositif spécifique d'engagement de la responsabilité des hébergeurs de sites, mais il faudrait surtout améliorer l'information des parents par les fournisseurs d'accès, qui doivent proposer des moyens efficaces de restreindre l'accès à certains services. Encore faudrait-il que les contrôles soient efficaces. Mme Fontaine et M. Sarkozy pourraient se saisir de la question.

Il faut également veiller à la formation de tous les professionnels qui interviennent dans la protection de l'enfance. Enseignants, médecins, travailleurs sociaux et policiers doivent recevoir une formation pluridisciplinaire commune qui leur permettra de mieux travailler ensemble, condition indispensable de l'efficacité de ce projet. Celui-ci établit, à côté du Médiateur des enfants, tout un arsenal pour l'accueil et la défense de l'enfance. La France, qui avait ratifié la première la convention internationale des droits de l'enfant, se devait de jouer un rôle de pointe. C'est chose faite, et le groupe UMP votera bien sûr ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilbert Gantier - Nous avons parfois quelque peine à croire que la famille, ce lieu sacré, puisse aussi être un lieu de violence plutôt que d'amour, d'affection et d'épanouissement. Mais la réalité est souvent cruelle. Face à l'enfance maltraitée, notre devoir de parlementaires, au-delà de l'indignation, est d'assurer la protection des enfants. Les principales mesures de ce texte vont dans le bon sens. Elles permettent de pallier l'irresponsabilité de certains parents, d'adapter la législation aux nouveaux comportements et de protéger les plus faibles. Le renforcement de l'offre de garde répond à une forte demande des familles, la situation des assistants maternels est améliorée, ainsi que la lutte contre l'absentéisme scolaire. Nous espérons que l'observatoire national de l'enfance en danger jouera un rôle sans précédent. Nous saluons, enfin, la possibilité pour les associations de protection de l'enfance de se constituer partie civile comme une avancée remarquable.

Nous regrettons que nos amendements améliorant la situation des assistants maternels n'aient pas été retenus par le Gouvernement. Ce projet de loi ouvre la voie à d'autres textes, sur la réforme du statut des assistants maternels ou des tutelles par exemple, que nous attendons donc avec intérêt. L'UDF n'a cessé de défendre la famille comme une valeur essentielle, un pilier de la société. Elle permet de se construire, de se donner des repères et de grandir en toute sécurité avec des parents aimants et présents. C'est un espace de vie où l'on apprend le respect et la vie en société. Le groupe UDF votera donc ce projet de loi.

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.

L'article 8 bis, mis aux voix, est adopté.

L'article 14, mis aux voix, est adopté.

Mme Catherine Génisson - C'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons examiné ce texte, car la protection de l'enfance ne se prête pas aux clivages politiques. Nous avons travaillé dans un esprit constructif et avons formulé des propositions. Le texte était largement perfectible, mais aucun de nos amendements n'a été accepté. Il se voulait par ailleurs ambitieux, notamment en ce qui concerne les assistants maternels, mais ne fait qu'entériner une situation acquise avec l'accueil de trois enfants de façon simultanée. Rien n'a été fait en ce qui concerne leur statut d'ensemble.

S'agissant de l'absentéisme scolaire, nous approuvons le durcissement pénal face au travail contraint des enfants d'âge scolaire, mais nous déplorons que l'approche ait été exclusivement axée sur l'augmentation des amendes. Nous regrettons que notre amendement ait été rejeté. La question des violences faites aux femmes n'a pas non plus avancé d'un pouce. Malgré nos efforts, ce texte reste une déclaration d'intention, un fourre-tout (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP). Le groupe socialiste s'abstiendra donc.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Le Sénat doit examiner ce soir le texte de la CMP sur le projet de loi de finances pour 2004, et le texte de la CMP sur le projet de loi de finances rectificative pour 2003. Nous ne pouvons reprendre nos travaux qu'après qu'il se sera prononcé sur ces deux textes.

Je souhaite au Gouvernement, à la commission, à tous nos collègues et au personnel de très bonnes fêtes de fin d'année.

Prochaine séance, ce soir, à 23 heures.

La séance est levée à 16 heures 30.

                  Le Directeur du service
                  des comptes rendus analytiques,

                  François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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