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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 47ème jour de séance, 118ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 13 JANVIER 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      DÉBAT SUR LA POLITIQUE DE L'AUDIOVISUEL
      ET DE LA PRESSE EN FRANCE 2

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 32

      CRÉATION D'UNE MISSION D'INFORMATION 32

      A N N E X E ORDRE DU JOUR 33

La séance est ouverte à neuf heures trente.

DÉBAT SUR LA POLITIQUE DE L'AUDIOVISUEL
ET DE LA PRESSE EN FRANCE

L'ordre du jour appelle le débat sur la politique de l'audiovisuel et de la presse en France.

M. le Président - L'organisation de ce débat ayant été demandée par l'UDF, la parole est au premier orateur de ce groupe.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je suis particulièrement heureux d'ouvrir ce débat et je tiens à remercier le président de notre groupe, M. Hervé Morin, de nous offrir ce temps de dialogue.

Le genre humain a longtemps communiqué par la parole. Aucun message ne pouvait donc laisser de trace durable. L'écriture est venue transformer le message en un bien que l'on pouvait transmettre et conserver, mais c'est seulement après la découverte de l'imprimerie que l'écrit est devenu le vecteur privilégié de diffusion de l'information. Le journal fait connaître l'événement et participer tout le monde à la vie politique. Le besoin de nouvelles ainsi créé est si vif que le journal peut être amené à créer l'événement, et c'est toute l'organisation politique de la cité qui s'en trouve bouleversée car les grands débats sont portés à la connaissance de l'homme de la rue.

D'un stade oral individuel, nous sommes, avec l'écrit, passés à un stade organisé de la communication. Méfiant, l'Etat est alors devenu en ce domaine très centralisateur, voire censeur en certaines périodes de notre histoire. Puis, parallèlement à l'émancipation de l'écrit, la radio et la télévision ont fait leur apparition. Elles ont l'une et l'autre leurs titres de gloire, que l'on songe à l'importance de la radio pendant la seconde guerre mondiale ou à la marque laissée dans l'imaginaire collectif par certaines grandes émissions telles « Cinq colonnes à la une » ou « La caméra explore le temps ». C'était le temps du noir et blanc, mais aussi celui de la formation d'un citoyen portant un regard plus critique sur lui-même, sur notre pays et sur le monde.

Aujourd'hui, si le rôle social et politique de ces médias reste évident, le contexte économique et technique nous conduit à nous interroger. Depuis quelques années, nous assistons en effet à une accélération des évolutions avec la diversification accrue des contenus, le changement rapide des habitudes de vie des Français, la révolution permanente des contenus et des contenants, des exigences de rentabilité financière toujours plus fortes de la part des investisseurs et l'internationalisation des marchés. Dans ce contexte, les médias sont menacés de ne plus pouvoir tenir leur rôle dans le développement de l'esprit critique et de la transmission des connaissances. En tant que législateurs, nous en sommes garants et nous avons le devoir de garantir le pluralisme et l'égalité d'accès à l'information. La démocratie est à ce prix et c'est pourquoi le groupe UDF a tenu à organiser ce débat. Il importe en effet de discuter ensemble du rôle de l'Etat régulateur et garant des droits fondamentaux. Au surplus, dans un environnement économique aussi fragile et alors que les évolutions techniques sont de plus en plus soudaines, nous ne légiférons pas toujours dans les meilleures conditions. Trop souvent, les textes nous sont soumis dans la précipitation.

M. François Rochebloine - C'est vrai !

M. Pierre-Christophe Baguet - Ainsi, depuis 1986, nous faisons subir au monde des médias une succession ininterrompue de textes nationaux ou communautaires tendant à le fragiliser toujours plus. Et l'on passe parfois à côté d'enjeux essentiels, telle l'ouverture des secteurs interdits de publicité à la télévision.

M. Michel Françaix - Tout à fait !

M. Pierre-Christophe Baguet - N'est-il pas surprenant qu'elle ait été décidée sans aucun débat préalable alors que ses répercussions sur la garantie du pluralisme sont évidentes ? L'équilibre entre titres puissants et vulnérables et entre les presses de loisirs et d'opinion ne va-t-il pas s'en trouver mis à mal ?

Et il nous arrive même parfois de légiférer de façon contradictoire à quelques semaines d'intervalle ! Ainsi, lors de l'examen du budget de la communication pour cette année, nous avons voté successivement de légitimes mesures d'aide à la distribution, aux kiosquiers et aux photographes auteurs, puis une écotaxe, sans doute fondée, mais peu à même de rassurer une presse qui peine déjà à rentrer dans ses frais. Peut-on offrir son soutien un jour et le retirer le lendemain ? Un jour on encourage, le lendemain on déstabilise. Qui peut s'y retrouver ?

La communication de demain exige une action plus précautionneuse. Au lieu d'entraver le développement économique de ces secteurs, sachons respecter l'esprit d'entreprise. Les chiffres d'affaires des groupes audiovisuels et de la presse écrite représentent chacun 10 milliards d'euros et les foyers français consacrent 7 % de leur budget annuel au seul secteur de l'audiovisuel - redevance, abonnements à des chaînes payantes, dépenses en cinéma, achats de casettes vidéo et de DVD. Nos concitoyens passent en moyenne trois heures vingt-deux minutes par jour devant le petit écran et consacrent près de trois heures à l'écoute des programmes de radio ; 36 % d'entre eux lisent chaque jour un quotidien.

Parce que nous sommes profondément attachés au rôle social et politique de la radio, de la télévision et la presse écrite, nous devons plus que jamais les aider à s'adapter aux évolutions économiques. Sans réussite économique le pluralisme disparaîtra ! A nous d'aider nos groupes industriels à atteindre des seuils de développement suffisants pour résister à la concurrence internationale sans réaliser des concentrations verticales fatales à la diversité culturelle. Soutenons les entreprises à dimension humaine à devenir plus compétitives.

Mais, dans ce secteur où tout se tient, on légifère un jour avec vous, Monsieur le ministre de la culture et de la communication, le lendemain avec votre collègue du budget et le surlendemain avec votre collègue de l'industrie. Cela entraîne parfois des dommages collatéraux ! Dès lors, pourquoi ne pas reprendre la méthode introduite par François Fillon tendant à interdire toute avancée législative sans une concertation préalable approfondie avec les partenaires sociaux du secteur directement concerné ? Il ne s'agit en somme que d'appliquer un principe de subsidiarité bien compris. Après le « dialogue social préalable », place au « dialogue préalable avec tous les acteurs des médias » ! En cette période de v_ux formons ensemble celui de ne plus légiférer sans consultation de tous les partenaires de la communication. La loi ne doit plus être subie mais coproduite au plus près des besoins du terrain. Ainsi, nous n'aurons plus à supporter le lobbying désordonné de tel ou tel et l'Etat sera seul garant de la modernisation du secteur.

De leur côté, la presse écrite, la radio et la télévision doivent faire la preuve de leur capacité à entrer dans l'ère du numérique et à maîtriser l'internet. Ce quatrième média offre des opportunités exceptionnelles. Ainsi, dans le domaine de la télévision, l'arrivée de l'ADSL est une chance, sous réserve qu'on ne laisse pas filer celle de la TNT. Si la télévision numérique terrestre permet de favoriser le développement d'une offre audiovisuelle de proximité - ce qui est très positif - il ne faut pas qu'une sorte de syndication avec les réseaux nationaux s'organise au détriment des médias locaux. A nous d'y veiller en encourageant les acteurs locaux à se regrouper pour préparer des programmes et des journaux riches en contenus de proximité.

Nous devons aussi réaffirmer notre volonté d'assurer l'égal accès de nos concitoyens à tous les médias d'information. Le risque est grand que le fossé ne se creuse entre des zones urbaines largement arrosées et des campagnes abandonnées. Un premier pas vient d'être franchi en téléphonie mobile avec la couverture des zones blanches. Poursuivons l'effort, notamment en direction des trois piliers-médias.

Et si l'internet et le numérique offrent l'occasion extraordinaire de vivre l'information en temps réel, méfions-nous d'une société tout entière tournée vers l'immédiateté, au risque de l'isolement. Sachons préserver le temps essentiel de l'analyse, dont dépend notre libre-arbitre.

En matière de télévision, l'égalité d'accès n'a de sens que si elle s'accompagne d'une offre véritablement plurielle, c'est-à-dire assise sur la création, laquelle a plus que jamais besoin de l'aide de l'Etat via le compte de soutien à l'industrie audiovisuelle. A cet égard, comment ne pas s'inquiéter de la décision du Conseil d'Etat du 30 juillet 2003 rendant l'émission « Popstars » éligible à ce mode de financement ? Ne risque-t-elle pas d'ouvrir la voie à la multiplication de programmes analogues, les chaînes pouvant désormais les inclure dans leurs quotas de création alors qu'il y a tout lieu de mettre en doute leur caractère culturel.

M. François Rochebloine - Absolument !

M. Pierre-Christophe Baguet - Il faut rassurer au plus vite les acteurs d'un secteur déjà très fragile en délimitant la notion d'_uvre audiovisuelle. Il y a deux ans déjà, le CSA avait annoncé qu'en l'état de la réglementation actuelle, il ne pouvait que classer cette émission dans la catégorie des _uvres audiovisuelles. Pourquoi avoir attendu sur ce point la confirmation du Conseil d'Etat pour lancer une réforme ambitieuse ? Monsieur le ministre, nous comptons sur vous.

Parallèlement au soutien à la création, il faut poursuivre les efforts déjà accomplis au profit d'une information télévisée de qualité, sur les chaînes publiques et privées.

Les programmes d'éducation à la citoyenneté et de valorisation de la démocratie doivent également être encouragés.

J'en viens à la radio. 87 % de nos concitoyens l'ont écoutée au moins une fois dans les dernières 24 heures et 93 % au cours des dernières 48 heures ! Chaque foyer dispose en moyenne de 5,7 postes. C'est donc l'un des médias préférés des Français. Or là encore, l'égalité d'accès n'existe pas sur l'ensemble du territoire. En effet, lorsque les Français partent en vacances, ils ne sont pas sûrs de retrouver aisément leurs émissions favorites. Ils ne comprennent pas qu'à l'époque du téléphone mobile universel, on ne puisse capter partout la station de son choix. Dans mon rapport sur le budget de la communication, j'ai proposé une replanification de la bande FM. En effet, entre 2006 et 2008, près de la moitié des 3 400 autorisations de radios privées vont expirer. C'est là une chance formidable d'optimiser la gestion du spectre et d'offrir à nos concitoyens un égal accès à une offre plurielle de stations. Cette occasion ne se représentera pas deux fois ! Une décision politique forte s'impose, dans le respect de deux principes essentiels : toutes les radios existantes - y compris associatives - sont protégées et les services de radio à vocation nationale bénéficient d'une couverture nationale autour d'une fréquence maîtresse, en donnant à cet égard la priorité aux radios d'information générale et à celles du service public. Pour ces radios généralistes et publiques, je revendique en quelque sorte une discrimination positive. Aussi déposerai-je un amendement au projet de loi sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle, afin de permettre au CSA d'organiser plus librement la gestion du spectre.

Enfin, il faut respecter l'équilibre des trois tiers : un tiers de radios publiques, un tiers de radios privées, un tiers de radios indépendantes et associatives. J'ai demandé pour cela : une loi reposant sur des principes clairs ; des engagements financiers précis de l'Etat ; le renforcement de la compétence et de l'indépendance technique du CSA ; une plus grande liberté du service public de la radio vis-à-vis de TDF ; un calendrier des réformes à la veille de la redistribution des fréquences privées.

Déjà, le projet de loi sur France Télécom a mis fin au monopole de TDF et organisé le transfert de personnels de TDF au CSA. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin, d'autant que lors de la présentation de votre budget, Monsieur le ministre, vous avez annoncé une étude en partenariat avec le CSA, dont les résultats doivent être connus au début de cette année, ainsi que la constitution d'un groupe de travail sur la numérisation. Surtout, vous vous êtes engagé à nous présenter par voie d'amendements, dès le projet de loi transposant le paquet télécoms, un cadre juridique solide pour le développement futur de la radio. Ce débat devant avoir lieu dans une quinzaine de jours, peut-être pourriez-vous dès à présent nous exposer vos principales propositions ?

J'en viens à la situation de la presse écrite.

Un journal, c'est de l'histoire en route, de la science en action et de la géographie localisée. Ce sont aussi des informations plus modestes ou plus personnelles. Le journal raconte, commente, discute, explique, amuse.

Aujourd'hui la presse écrite compte 17 000 titres et plus de 50 000 salariés, pour 10,5 milliards de chiffre d'affaires. Chaque semaine de nouveaux titres se créent mais la durée de vie moyenne des titres se réduit considérablement. Le secteur est en effet en grande difficulté, pour un ensemble de raisons : érosion du lectorat, baisse des ressources publicitaires ; concurrence avec les autres médias ; relations contractuelles difficiles avec La Poste ; arrivée de journaux gratuits ; modification des habitudes de lecture ; et demain, ouverture des secteurs interdits de publicité à la télévision.

Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé un plan national d'aide à la presse. Je vous soutiens a priori pleinement dans cet effort, mais la cohérence gouvernementale doit être totale. Ce plan devra, selon moi, assurer une meilleure lisibilité des politiques publiques et remettre à plat les soutiens à la presse afin d'accroître leur efficacité.

M. Michel Françaix - Enfin !

M. Pierre-Christophe Baguet - Il devra améliorer la transparence du fonds d'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale et s'intéresser tout particulièrement aux concours à la modernisation de la distribution et de la diffusion.

Les marchands de journaux subissent une véritable hémorragie : on compte une fermeture par jour depuis quatre ans ! Pourquoi l'Etat ne favoriserait-il pas la polyvalence de ces marchands, en leur permettant de vendre d'autres produits, voire de devenir en province des points Poste ?

Il est évident que La Poste doit se moderniser, mais elle ne peut le faire au détriment de la presse. C'est tout l'enjeu de la mission conduite par Henri Paul, qui s'efforce de transformer des rapports jusqu'ici conflictuels en partenariat. La démarche n'est pas simple, mais rappelons que la contribution de la presse est passée de 286 millions en 1996, année de référence des accords Galmot, à 436 millions en 2001. Un secteur en difficulté ne saurait faire plus ! Et tout concours public à la presse doit être considéré comme une aide au lecteur, donc au pluralisme.

Pour être forte, la presse doit aussi se moderniser. Déjà, certains éditeurs proposent des montages astucieux, propices à une baisse des coûts. La modernisation peut malheureusement s'accompagner parfois de drames sociaux et humains ; l'Etat devra donc pleinement s'engager dans d'éventuels plans sociaux, que j'espère les moins nombreux possibles, et jouer un rôle essentiel dans les reconversions.

Le groupe UDF souhaite qu'à travers ce débat soit réaffirmée la volonté politique d'un égal accès de nos concitoyens à la presse écrite, la radio et la télévision. Je ne saurais conclure sans rappeler que notre savoir-faire est reconnu au plan international. Sachons donc l'exporter. Je pense notamment à l'AFP - à laquelle il faudrait que le Gouvernement paie ses dettes -, qui est l'une des toutes premières agences mondiales d'information.

M. Michel Françaix - Eh oui !

M. Pierre-Christophe Baguet - Sachons nous inspirer de cet exemple pour la future chaîne internationale française d'information. Je me réjouis à cet égard que les opérateurs retenus souhaitent être reçus par la défunte mais brillante mission parlementaire pilotée par mon collègue François Rochebloine.

Osons réaffirmer l'exigence du pluralisme et proposons une véritable pédagogie des médias, en particulier à destination des plus jeunes. L'un des buts de l'école est de construire des hommes libres. Pourquoi, comme on a organisé une semaine de l'écrit, ne pas inscrire aux programmes scolaires l'éducation à l'image et à la radio ?

Egalité d'accès, pluralité, responsabilité et humanité : c'est en ayant à l'esprit ces principes que le groupe UDF souhaite débattre de la communication de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - L'idée de la République que nous défendons donne à la culture et aux médias une place importante. Je limiterai mon propos à la presse écrite.

Depuis la Libération, la presse a perdu près d'un tiers de sa diffusion, alors que la population a augmenté d'un tiers. Toute rupture des équilibres de ce secteur pourrait être fatale à de nombreux titres, et entraîner une uniformité qui serait redoutable pour la démocratie.

La diffusion payée des différents titres a accusé une baisse globale de 4,6 % en 2002. Pour 2003, la baisse est estimée à 4,6 % pour Le Monde et 5 % pour Libération, Le Figaro se maintenant tout juste. Beaucoup parlent de marasme, et le terme n'est malheureusement pas trop fort. La patrie de Théophraste Renaudot et de la Gazette de France est l'un des pays où on lit le moins le journal... La presse française occupe la vingt-deuxième place dans le monde et la septième en Europe.

Il faut dire que les Français passent en moyenne près de trois heures et demie par jour devant leur poste de télévision. Mais il n'y a pas que cela. Les journaux subissent les évolutions politiques de la société : la chute du communisme a laissé à penser que l'on assistait à la fin des idéologies, la presse d'opinion, si puissante avant-guerre, a été durement touchée. Parallèlement, elle a été fragilisée par le profond mouvement de « déliaison » qui affecte nos sociétés : Marcel Gauchet parle de mouvement de « désertion civique », dont les journaux subissent le contrecoup.

La baisse de la diffusion manifeste également un certain manque de confiance, voire un désaveu de lectorat à l'égard d'un produit qui ne correspond plus à ses attentes : soit que le public, de plus en plus cultivé et informé n'y trouve plus son compte, soit qu'un certain journalisme ait semblé aux lecteurs censurer ou capter le débat. Selon certains professionnels, les médias d'information français, de même que les écoles de journalisme, pourraient être très sérieusement handicapés par le retard que notre pays accuse en matière d'expertise collective dans des domaines comme la gestion d'informations, la connaissance des lectorats, les techniques rédactionnelles et éditoriales, la documentation de presse ou encore la didactique du journalisme. La fédération nationale de la presse française a d'ailleurs récemment participé à une étude sur l'état de la recherche appliquée en journalisme.

Combien de titres nationaux et régionaux subsisteront dans dix ans ? La mise en régie d'un nombre croissant de titres est une dominante de l'époque. La lourdeur des coûts de fonctionnement et de distribution, l'augmentation du prix du papier pèsent sur le prix de revient. Le prix moyen des quotidiens français se situe parmi les plus élevés des pays développés à un moment où la concurrence des gratuits est de plus en plus forte.

Comment mieux défendre la diversité de la presse, la qualité de l'information, l'indépendance des titres à l'égard des groupes industriels et des régies publicitaires ? Sans doute est-il déplaisant de devoir recourir à l'Etat pour recréer le nécessaire pluralisme de la presse. Cependant les secteurs économiques ne peuvent demeurer les seuls dépositaires de cette mission d'intérêt général.

La presse écrite est un des piliers de notre démocratie. Je crois plus que jamais à la fonction irremplaçable de l'écrit, la télévision ayant presque totalement oublié les vertus de l'explication au profit d'une simple présentation des faits. On mesure encore imparfaitement à quel point la course à l'audience a appauvri l'information. La télévision, par exemple, ne fait que reproduire l'événement et instaure un lien sans échange, sans réciprocité, alors que la démocratie a besoin de citoyens actifs...

Depuis longtemps, l'Etat s'est attaché à garantir la liberté et le pluralisme de la presse. Cette année encore, la loi de finances a consolidé ce dispositif de soutien : les aides se monteront au total à près de 900 000 € et les crédits du fonds d'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires augmenteront de plus de 30 %. Néanmoins, ce secteur a besoin d'être rassuré au moment où la télévision s'ouvre à la publicité en faveur de la grande distribution. Le Gouvernement a annoncé un plan ambitieux pour évaluer l'efficacité des aides, pour faciliter la modernisation de la fabrication et pour aider à la reconquête du lectorat, mais est-il sûr pour autant qu'on saura éviter un nouveau « choc postal » ? M. Baguet n'a proposé sur ce point qu'une solution « indirecte ». La subvention au transport postal de la presse se maintiendra à 290 millions d'euros en 2004, mais nous attendons avec impatience les conclusions de la mission Henri Paul, ainsi d'ailleurs que des indications sur l'état de la réflexion du ministère.

S'agissant de la distribution, 1 600 points de vente ont disparu au cours des trois dernières années, et plus de 6 000 en quinze ans ! Or ce réseau est d'autant plus vital pour la presse que le lecteur français privilégie l'achat au numéro. La taxe professionnelle acquittée par ces diffuseurs a fait l'objet d'aménagements en décembre, mais ne pourrait-on faire davantage ?

Vous avez affirmé à plusieurs reprises, Monsieur le ministre, votre volonté de ramener les jeunes à la lecture des journaux. De fait, si 92 % des 15-25 ans reconnaissent à la presse, notamment à la presse quotidienne, une « véritable fonction informative », 37 % seulement lisent un quotidien régional et 35 % se rendent une fois par semaine à un kiosque. Avez-vous arrêté des mesures d'incitation ?

Au moment où nous nous attachons à réformer notre démocratie, la question de la presse écrite ne peut nous laisser indifférents : elle doit au contraire devenir une préoccupation majeure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Ce débat très opportun est l'occasion d'apprécier l'état d'un paysage en profonde et rapide mutation, mais aussi de préciser notre réflexion sur les perspectives d'un développement. Les médias évoluent aujourd'hui à un rythme accéléré, à l'image d'une société dont ils sont le miroir mais dont ils influencent également les métamorphoses - il n'est que de penser à la façon dont la télévision modifie les comportements, pour le meilleur ou pour le pire. Sachons donc mesurer et accompagner ces évolutions afin de consolider le secteur de la communication dans son développement économique, dans son rôle social et dans son ambition culturelle !

La presse écrite est confrontée à une culture de l'instantané, de l'image et, de plus en plus maintenant, de la gratuité. Elle doit s'attacher à reconquérir un lectorat qui s'érode, apparemment de façon inexorable. C'est un enjeu de civilisation et une nécessité démocratique. Mais cette presse doit en outre relever des défis techniques et économiques et maîtriser des charges de fabrication, de distribution et de diffusion qui, renchérissant ses prix de vente, amplifient la désaffection du lectorat.

La télévision, quant à elle, aborde une nouvelle étape avec le développement de la technologie numérique. La télévision payante par câble et par satellite s'est imposée dans plus d'un tiers des foyers et de nouvelles technologies de diffusion et de distribution apparaissent - télévision numérique terrestre, utilisation du réseau téléphonique et de l'ADSL... Parallèlement s'accomplit une révolution des programmes : développement de la télé-réalité, de la télévision interactive, de la vidéo à la demande. Tout cela pourrait demain modifier substantiellement les pratiques. Dans le domaine économique également, les difficultés ne manquent pas, liées à la conquête des marchés, au contrôle des canaux de diffusion, à la volonté de produire au moindre coût qui conduit à délocaliser les tournages. Enfin, il faut compter avec des archaïsmes, comme le faible développement des télévisions locales.

Les mutations touchent fortement les opérateurs aussi : les acteurs historiques de notre paysage audiovisuel sont entrés dans des processus de restructuration et de recomposition dont témoignent par exemple le désengagement de Suez du capital de M6 ou de Paris Première, la création ou le rapprochement de chaînes thématiques et la restructuration du groupe Canal.

La radio aussi est à une étape charnière de son développement. La saturation de la bande FM, après vingt ans d'essor, entraîne un regain d'intérêt pour les ondes moyennes, longtemps délaissées, et l'élaboration de projets de radio numérique. Les évolutions technologiques font aussi espérer une optimisation de la bande FM elle-même, ce qui pourrait faciliter demain la gestion des fréquences : des stations à vocation nationale pourront peut-être trouver là le moyen de mieux couvrir notre territoire, Monsieur Baguet.

Enfin, le développement extraordinaire de l'internet constitue un défi pour l'industrie des contenus, confrontée au piratage et à la diffusion de messages racistes, révisionnistes ou préjudiciables aux mineurs, cependant que le développement du courrier électronique s'accompagne d'une sorte de pollution nouvelle - le spam.

Mme Christine Boutin - Pollution insupportable !

M. le Ministre - Depuis dix-huit mois, le Gouvernement s'est employé à régler, dans la concertation, un certain nombre de questions en suspens et à encadrer les évolutions dans le seul souci de l'intérêt général. Il a ainsi précisé, sur des bases réalistes, les modalités de lancement de la télévision numérique terrestre : le CSA a confirmé que la première étape débuterait en décembre. Un préfinancement des opérations de réaménagement des fréquences a été mis en place, pour 32 millions d'euros, et un cadre juridique adapté a été défini par voie réglementaire. La concertation a été permanente, animée par M. Boyon, puis par M. Boudet de Montplaisir. Un groupe de travail spécialisé prépare notamment la communication en direction du grand public, communication dont dépendra largement le succès de l'entreprise. J'ai, d'autre part, indiqué que l'Etat conserverait l'un des trois canaux préemptés par le précédent gouvernement, ce qui ouvre la voie au regroupement sur un même multiplexe de l'ensemble des chaînes publiques, conformément à la loi du 1er août 2000.

Le canal conservé par l'Etat permettra d'enrichir l'offre numérique d'une chaîne publique supplémentaire par la valorisation d'une des chaînes thématiques de France Télévisions. Le Gouvernement est convaincu que la TNT a toute sa place dans notre paysage audiovisuel, aux côtés d'autres modes de distribution : télévision hertzienne, câble, satellite, ADSL. Ces technologies ne sont pas concurrentes, mais complémentaires. Gardons-nous de tout dogmatisme technologique.

Le décret fixant la liste des secteurs interdits de publicité télévisée a été modifié le 8 octobre 2003 pour tenir compte de la situation. Ce décret, qui datait de 1990, était en effet en infraction par rapport aux règles européennes relatives à la libre prestation de service. Le contentieux engagé depuis 1997 menaçait, faute de réaction des gouvernements précédents, de faire tomber brutalement l'ensemble des dispositions actuelles et de déstabiliser les secteurs concernés. La concertation menée avec l'ensemble des professionnels répond à vos v_ux, Monsieur Baguet. Elle nous a permis de trouver un nouvel équilibre. Le nouveau décret prévoit une ouverture progressive et sélective, selon des modalités respectueuses des équilibres économiques de la presse et de la radio. Elles favoriseront le développement des télévisions locales et des télévisions thématiques, tout en respectant les intérêts de la presse quotidienne, en particulier régionale.

Le secteur de la presse, qui demandait majoritairement une telle ouverture, peut depuis le 1er janvier dernier faire de la publicité à la télévision. Je suis heureux de constater que plusieurs titres, y compris des quotidiens, ont déjà utilisé cette possibilité. Les secteurs de l'édition et de la distribution ont également profité de l'ouverture qui leur était faite sur les chaînes locales ou thématiques. La distribution accédera au numérique hertzien dès son lancement et à l'analogique hertzien le 1er janvier 2007. Cette montée en puissance permet de conforter les médias les plus fragiles, à commencer par les chaînes locales et thématiques.

En revanche, je tiens à le souligner, j'ai décidé de maintenir l'interdiction de publicité pour le cinéma, de façon à préserver la diversité culturelle.

S'agissant de la distribution, les campagnes promotionnelles sont de fait réservées à la presse, seules les campagnes institutionnelles pouvant accéder à la publicité télévisée. La presse quotidienne régionale a apprécié ce choix.

Le secteur audiovisuel public, de son côté, a été recentré sur ses missions propres de service public et invité à affirmer davantage la singularité de ses programmes.

Les discussions entre l'Etat et France Télévisions concernant la révision du contrat d'objectifs et de moyens du groupe public sont très proches de leur conclusion. La stratégie de France Télévisions sera redéfinie autour des axes que j'ai définis avec son président. Le groupe va améliorer encore la qualité de ses programmes en renforçant son offre de programmes culturels en première partie de soirée. Comme l'a dit Catherine Clément, de telles émissions ne doivent pas être reléguées dans les programmations de la nuit ou de l'été. Le succès de L'Odyssée de l'espèce a montré que nos concitoyens n'étaient pas réfractaires aux programmes de qualité.

Mme Christine Boutin - C'est certain.

M. le Ministre - Enfin, il faudra tenir compte du handicap de nos compatriotes sourds et malentendants. Ces décisions sont déjà mises en _uvre par France Télévisions, sans attendre la conclusion de l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens. C'est ainsi que France 3 a lancé, en septembre dernier, sa nouvelle formule du 19/20, sur une plage horaire élargie, qui rencontre un réel succès auprès des téléspectateurs. De même, France 2 a commencé le 7 janvier dernier à sous-titrer l'intégralité de ses journaux télévisés de 13 heures et de 20 heures pour les sourds et malentendants. Je m'en réjouis. C'est une marque de respect à l'égard de nos concitoyens souffrant de troubles auditifs, qui représentent 10 % de la population.

La recherche d'une meilleure gestion du service public est encouragée, ainsi qu'une meilleure organisation des structures. Comme je l'ai indiqué tout récemment au Conseil des ministres, le rattachement du Réseau France Outre-mer au groupe France Télévisions aura lieu dans le courant de cette année, si le Parlement le veut bien. Les dispositions législatives nécessaires vous seront soumises prochainement, par la voie d'amendements au projet sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle.

Cette importante réforme permettra de développer l'offre de programmes de proximité outre-mer, d'améliorer la visibilité de l'outre-mer sur les chaînes publiques de métropole et de réaffirmer le principe républicain de continuité territoriale. Pour ce qui est de la communication publique en ligne, la loi sur l'économie numérique que vous venez d'approuver en seconde lecture pose enfin les bases nécessaires à son développement en fixant les responsabilités de chacun.

Je regrette cependant que votre assemblée n'ait pas suivi le Gouvernement, qui voulait maintenir la communication publique en ligne dans la communication audiovisuelle.

M. Pierre-Christophe Baguet - Tout à fait !

M. le Ministre - Je regrette aussi, Monsieur Baguet, qu'un député de votre formation ait défendu l'amendement à l'origine de cette décision. Si nous avons parfois des problèmes de cohérence, je constate qu'il en va de même chez les autres. Ainsi, Monsieur Dutoit, c'est votre collègue Brard qui, pendant l'examen du projet de loi de finances, avait proposé de supprimer la redevance, un mode de financement de l'audiovisuel public auquel nous sommes attachés.

M. Frédéric Dutoit - Je ne suis pas d'accord avec mon collègue sur cette question.

M. le Ministre - Je suis heureux de vous l'entendre dire.

Le Gouvernement souhaitait un cadre unique pour tous les contenus, indépendamment de la technologie de diffusion employée. Je redoute, compte tenu des progrès technologiques, que des pans entiers de la communication se soustraient aux dispositions législatives, surtout si les définitions de la radio et de la télévision que vous avez adoptées devaient être remises en question par les instances communautaires. Le débat n'est donc pas clos. Il n'est pas anormal que la télévision, la radio et la communication publique en ligne soient soumises à des règles techniques adaptées à leurs spécificités. Mais il serait dangereux que certaines questions, comme la responsabilité éditoriale, soient assujetties à des régimes trop différenciés en fonction du mode d'accès aux contenus.

Dans le domaine de la presse écrite, l'Etat a souhaité renouveler son partenariat avec l'Agence France-Presse, troisième agence de presse mondiale et outil essentiel du rayonnement de notre pays.

Un contrat d'objectifs et de moyens a été conclu le 20 novembre 2003 entre l'Etat et l'Agence pour la période 2003-2007. Grâce à un fort engagement financier de l'Etat, en contrepartie d'un effort de maîtrise des charges, un chemin clair est tracé pour l'agence : il s'agit de redresser sa situation financière tout en confortant sa vocation internationale.

Dans la logique du contrat d'objectifs et de moyens, l'Etat et la presse ont en outre fait le choix de la continuité dans la direction de l'Agence. Son président-directeur général, M. Bertrand Eveno, a été reconduit pour un nouveau mandat de trois ans, afin de mettre en _uvre le contrat qu'il a négocié avec l'Etat. La stabilité de la direction est le gage de notre confiance en l'avenir de l'Agence.

L'Etat encourage par ailleurs la modernisation des relations entre la presse et La Poste. La mission confiée par le Gouvernement à M. Henri Paul, conseiller-maître à la Cour des comptes, a permis de renouer le dialogue, comme en témoigne la récente réunion des responsables de La Poste et des principaux représentants de la presse française. Dans ce domaine aussi, M. Baguet, la concertation a été exemplaire. L'Etat a maintenu sa subvention de 290 millions d'euros au transport postal de la presse.

Le travail engagé entre aujourd'hui dans une phase décisive, qui laisse espérer une concrétisation prochaine. Un cadre pluriannuel fixera les contours de la relation tripartite entre la presse, La Poste et l'Etat. J'ai d'ailleurs observé un phénomène nouveau : La Poste, qui avait longtemps considéré l'acheminement de la presse comme une charge imposée pour des raisons de service public, se rend compte, dans un contexte concurrentiel, de l'intérêt que représente cette importante clientèle.

M. Pierre-Christophe Baguet - Il était temps !

M. le Ministre - Nous avons travaillé de manière pragmatique pour défendre le pluralisme, comme l'ont souhaité M. Baguet et le président Dubernard. Il s'agit d'encourager l'accroissement et la régionalisation de l'offre de radio et de télévision tout en aidant la presse à sauvegarder sa richesse et à accéder à de nouveaux supports.

Il est intéressant pour notre démocratie que la presse locale reste riche en Bretagne, que Le Républicain lorrain continue d'informer nos compatriotes de la Moselle, que L'Est républicain fasse de même en Meurthe-et-Moselle. La diversité de la presse quotidienne régionale et de la presse quotidienne départementale est une grande richesse pour notre pays.

Il faut promouvoir un service public de l'audiovisuel fort, singulier et de qualité.

Pardonnez-moi si je suis un peu long, mais je souhaite faire un exposé très complet de l'action du Gouvernement.

Plusieurs chantiers ont été ouverts et nous occuperont dans les prochaines semaines.

Début février l'Assemblée nationale abordera la discussion du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle - transposition d'une directive européenne. Plus de 70 articles sur la centaine que comporte ce texte concernent le droit de l'audiovisuel. Sa discussion permettra d'aborder des questions essentielles pour l'avenir du paysage audiovisuel.

La transposition des directives européennes du « paquet télécoms » sera ainsi l'occasion d'adapter la réglementation qui régit le câble afin de lui assurer une plus grande égalité dans la concurrence avec les autres réseaux de télécommunication, tant pour la diffusion de services audiovisuels que pour l'internet et la téléphonie. Compte tenu de l'ampleur des investissements dans le domaine du câble, nous avons intérêt à valoriser ce réseau.

L'allégement des contraintes qui pèsent sur les câblo-opérateurs permettra de restructurer ce secteur essentiel au développement de la société de l'information. Le vote définitif de la loi relative à France Télécom, le 31 décembre 2003, a déjà permis de supprimer le seuil de huit millions d'habitants, qui empêchait le développement et le rapprochement des câblo-opérateurs.

Le cadre juridique qui vous sera proposé permettra de prendre en compte la télévision sur ADSL. Ce projet de loi favorise également le développement des télévisions locales. Longtemps l'Arlésienne de notre paysage audiovisuel - M. Dutoit doit m'entendre avec plaisir -, elles deviennent une réalité structurante.

L'ouverture progressive et sélective des secteurs interdits de publicité télévisée favorisera leur développement, dans le respect des intérêts de la presse quotidienne, notamment régionale et départementale. Le Gouvernement a, par ailleurs, encouragé l'implication des collectivités locales et des entreprises audiovisuelles et de presse dans le développement de ces projets de télévision locale.

Les appels à projets organisés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel suscitent d'ores et déjà un très vif intérêt.

Par ailleurs, 2004 verra le lancement de la chaîne d'information internationale, comme le Président de la République l'a confirmé le 9 janvier dernier.

Après deux ans d'étude et de réflexion, cette chaîne va devenir une réalité. Votre assemblée a participé à cette réflexion grâce au travail de la mission d'information commune présidée par M. François Rochebloine...

M. François Rochebloine - Quel résultat !

M. le Ministre - ...puis grâce à la mission parlementaire confiée par le Premier ministre à M. Bernard Brochand.

M. François Rochebloine - Ce ne fut pas la meilleure chose !

M. le Ministre - Le projet élaboré par France Télévisions et TF1 peut désormais entrer dans une phase opérationnelle, et la France engagera dès cette semaine des démarches auprès de la Commission européenne pour contrôler la conformité du projet avec la réglementation communautaire, notamment en matière d'aide d'Etat.

Lors du débat budgétaire, le Parlement a insisté auprès du Gouvernement pour qu'il engage une réforme profonde de la redevance, applicable à compter du 1er janvier 2005. M. Patrice Martin-Lalande a été particulièrement pressant en ce domaine.

M. Patrice Martin-Lalande - Et je n'ai pas fini !

M. le Ministre - Comme je m'y suis engagé, ce travail sera conduit en concertation avec la représentation nationale, mais auparavant, il conviendrait que le Gouvernement confie à une personnalité reconnue une mission préparatoire sur les modalités de financement de l'audiovisuel public.

M. Michel Françaix - Un vingt-troisième rapport !

M. le Ministre - Ce n'est pas une initiative dilatoire, et le Gouvernement arrêtera son choix au printemps 2004 au plus tard, avant d'aborder le débat sur le budget 2005.

Ce travail n'empêchera pas la signature, au cours de ce trimestre, de l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, sur les bases que nous venons d'évoquer.

En sécurisant le financement de l'audiovisuel public, il s'agit de stabiliser l'un des cadres de financement de nos industries de programmes audiovisuels.

L'avenir de nos industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel, aujourd'hui menacées par les délocalisations, est une question essentielle. Nous devons tout faire pour favoriser l'ancrage en France des productions françaises et étrangères.

Nos dispositifs de soutien à la création et à la diffusion d'_uvres ayant été validés par la Commission, la notion d'_uvre ne doit plus être ambiguë. Aussi ai-je ouvert, à la suite de l'affaire que vous avez évoquée, une réflexion qu'il faudra aborder sans dogmatisme, ni cynisme. C'est une question essentielle qui ne relève pas uniquement de la rhétorique culturelle...

M. Pierre-Christophe Baguet - Exactement !

M. le Ministre - ...car la réponse que nous y apporterons aura des conséquences sur notre politique d'aide à la création et à la diffusion d'_uvres.

Je présenterai, au printemps, au Conseil des ministres, une communication sur la politique de soutien à la création audiovisuelle, qui abordera notamment les questions fiscales. Les dispositions arrêtées en matière de soutien fiscal à la production cinématographique ont suscité un vif intérêt dans le secteur de la production audiovisuelle, et l'on peut réfléchir à leur extension à ce secteur.

M. Pierre-Christophe Baguet - Excellente idée !

M. le Ministre - Cela suppose que nous préservions les dispositions essentielles de la directive « télévision sans frontières » qui fondent le soutien à nos industries de programme.

Dans le domaine de la radio, le groupe de travail conduit par le directeur du développement des médias, en liaison avec le CSA, me remettra prochainement une proposition d'adaptation de notre législation destinée à permettre le développement de la radio numérique.

Nous devons également arrêter une position définitive sur la replanification de la bande FM qui peut permettre d'attribuer des fréquences uniques à des réseaux nationaux, selon la perspective ouverte par le député des Hauts-de-Seine dans son rapport sur les crédits de la communication. Sur ce point, mes services veilleront, en liaison avec le CSA, à ce que soit menée une étude de modélisation. Faute de temps, je n'évoquerai pas les enjeux communs aux industries culturelles et au secteur de la communication, tels que le piratage, mais vous savez combien je suis mobilisé.

S'agissant de la presse écrite, le début de cette année est marquée par les travaux de la mission Paul, et par les discussions entre le syndicat de la presse parisienne et le syndicat du Livre sur les conditions de fabrication des quotidiens nationaux. Le Gouvernement y est très attentif.

Le Conseil supérieur des messageries de presse, à l'initiative de son président, M. Yves de Chaisemartin, a également relancé la discussion sur l'amélioration de la situation des diffuseurs de presse. J'y suis attentif et j'ai assisté hier à la première réunion de l'ensemble des parties prenantes.

L'adoption par le Parlement, dans la loi de finances pour 2004, à l'occasion d'un amendement de M. Martin-Lalande, d'une disposition permettant aux collectivités locales de réduire les bases de la taxe professionnelle des diffuseurs de presse est venue consacrer un travail engagé, à ma demande, entre le Parlement, mes services et la direction de la législation fiscale, attestant ainsi de l'attention portée par l'ensemble du Gouvernement, notamment par M. Lambert et moi-même, au réseau de diffusion de la presse.

Il faudra sensibiliser les maires à cette mesure, en particulier dans les grandes villes. J'ai, du reste, saisi le maire de Paris de cette question, pour qu'il vienne en aide à un réseau particulièrement sinistré dans la capitale où se multiplient les fermetures de kiosques.

D'autres sujets importants sont sur la table, comme la modernisation des aides directes à la presse ou le nouveau plan de modernisation des Nouvelles messageries de la presse parisienne.

Je souhaite également que mon ministère et les professionnels puissent annoncer, dans le courant du premier semestre, une initiative propre à encourager les jeunes à lire la presse quotidienne. Je viens de confier une mission de préfiguration à M. Bernard Spitz, maître des requêtes au Conseil d'Etat. Je l'ai rencontré hier soir, et il m'a proposé une solution qui semble conjuguer efficacité et faisabilité économique. Peut-être serons-nous en mesure, d'ici le printemps, d'annoncer une grande opération nationale de promotion de la presse auprès des jeunes.

L'ensemble de ces mesures composera le plan national pour la presse que j'ai annoncé à Bordeaux le 20 novembre dernier. Les travaux de la commission nationale pour la presse que le Premier ministre a hier appelé de ses v_ux devront en outre permettre de nourrir la réflexion.

Si l'univers des médias est en permanente mutation, il n'est pas d'enjeu important qui ne soit pris en compte. Le ministère de la culture et de la communication anticipe ces évolutions autant que faire se peut et y répond de façon rapide et pragmatique dans le respect des professionnels concernés et de l'intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Frédéric Dutoit - Je suis fort satisfait de l'organisation de ce débat.

Nous sommes attachés aux principes d'indépendance, de créativité, de pluralisme des médias.

La situation de la presse écrite d'information générale et politique, sur les plans national et régional, est incertaine. Les causes de cette crise résident dans la baisse des recettes publicitaires et de la diffusion, dans l'augmentation des coûts de production et d'acheminement. La presse spécialisée grand public et la presse d'annonces connaissent en revanche un essor régulier.

La diffusion de quotidiens, en France, est bien inférieure à la moyenne européenne - 164 quotidiens pour 1 000 habitants en France contre 402 au Royaume-Uni et 333 en Allemagne. Après la seconde guerre mondiale, il y avait en France près de 300 quotidiens régionaux et nationaux quand il n'en existe plus aujourd'hui qu'une cinquantaine.

Les grands groupes de presse achètent leurs concurrents, provoquant une concentration toujours plus grande, qui elle-même réduit l'indépendance des rédactions et le pluralisme.

En effet, les groupe hégémoniques, mais non concurrents, s'entendent pour se partager les marchés et accaparer les recettes publicitaires. La collusion entre les grands intérêts financiers et les médias n'est nulle part aussi criante qu'en France et en Italie.

Le « cela-va-de-soi » politique conduirait, si l'on n'y prenait garde, à la pensée unique. Il est en effet de plus en plus difficile, pour un journaliste, d'avoir l'audace de transgresser cette union sacrée idéologique si soucieuse de compromis et de tiédeur. Et les sujets sont de plus en plus traités de manière uniforme, et les débats politiques, scientifiques ou culturels de plus en plus frileux. Les journaux multiplient les sujets tapageurs qui font vendre bien.

Pour dégager des marges bénéficiaires, on cherche à baisser le coût de fabrication de l'information et on précarise les salariés. La situation de quelques journalistes stars ne doit pas faire oublier que les journalistes dans leur ensemble sont en voie de paupérisation.

Cette uniformisation de l'information est accentuée par l'apparition des quotidiens gratuits. Ces titres, financés par les ressources publicitaires, sont réalisés par de petites équipes dont le travail consiste principalement à reproduire les dépêches d'agences. Face au préjudice de cette concurrence déloyale, plusieurs quotidiens payants ont d'ailleurs lancé leurs propres « gratuits d'information ».

Cette inégalité sera encore renforcée par l'ouverture de la publicité à la télévision pour la presse écrite. Seuls ceux qui auront les moyens de la payer pourront en profiter.

La marchandisation de l'information, son uniformisation doivent être combattues car elles privent le lecteur de débat démocratique. La presse doit-elle forger l'esprit critique des citoyens ou les inciter à consommer ? La survie et le développement de la presse écrite devraient intéresser un peu plus un Gouvernement soucieux de lutter contre la montée des extrémismes politiques ou religieux.

Pourquoi ne pas augmenter les fonds d'aide aux journaux à faible ressource publicitaire, empêcher l'augmentation régulière des tarifs postaux, augmenter le fonds de modernisation de la presse, inciter par des mesures fiscales à l'abonnement aux journaux, ou instaurer un mécanisme de péréquation des recettes publicitaires ?

L'AFP est la première agence de presse francophone et la troisième agence mondiale. Pièce essentielle de notre « diplomatie d'influence », elle est le fruit d'une volonté politique. Son statut garantit son indépendance et l'existence de son réseau international. Elle compte près de 80 bureaux et 150 points de contacts dans le monde et produit près de 1 200 dépêches par jour.

L'insuffisance de ses moyens met en péril son rayonnement et son devenir.

Alors que le contrat d'objectifs et de moyens exige que l'Agence parvienne à un équilibre financier dans les quatre années à venir, les salariés de l'AFP redoutent d'en porter seuls la charge.

Conformément à une logique purement industrielle, il serait aussi question de replier l'activité de l'Agence sur l'Europe et de multiplier les partenariats avec des agences locales afin de fermer certains bureaux.

M. Michel Françaix - C'est scandaleux !

M. Frédéric Dutoit - Tout à fait.

La définition d'un plan concerté de développement s'impose. Notre groupe demandera d'ailleurs la constitution d'une mission d'information parlementaire à ce sujet. A l'heure où la France envisage de se doter d'une chaîne télévisée d'information internationale, nous ne pouvons tolérer que les pouvoirs publics se désintéressent d'une entreprise de presse francophone qui a toujours su se démarquer de ses concurrentes anglo-saxonnes et qui diffuse en six langues une version française de l'information.

M. Michel Françaix - Très bien !

M. Frédéric Dutoit - La future chaîne d'information nationale sera détenue par France Télévisions et financée à hauteur de 70 millions d'euros par l'Etat.

M. François Rochebloine - C'est une estimation.

M. Frédéric Dutoit - Effectivement.

Ce projet manque d'ambition. Nous attendions en effet une chaîne indépendante des sources habituelles proposant des reportages exclusifs, bien au contraire, le rapport Brochand ne préconise que des ressources free lance. Les téléspectateurs risquent bien de ne voir que des images ressassées.

De surcroît, Bernard Brochand propose un bouleversement du paysage audiovisuel public. Je cite son rapport : « La future chaîne devra ouvrir la voie au regroupement, au recentrage et à la rationalisation de l'offre audiovisuelle française ». Notre collègue propose « une suppression des capacités de traitement de l'information propres à TV5 et à Arte, qui feraient largement double emploi avec celle de la chaîne ».

Je m'insurge, avec les personnels concernés, contre cette entreprise de démolition. Il faut engager une nouvelle concertation afin de réaliser un projet ambitieux, réaliste et respectueux de l'équilibre entre l'audiovisuel privé et l'audiovisuel public.

Nous assistons à une dérive insupportable vers la télé marchande et la télé spectacle. Depuis les années 1980, on censure au nom de l'audimat la télévision et la radio. On élimine les émissions prétendues non populaires, ou on les rejette en fin de programme.

Le bon moyen pour contrecarrer la dictature de l'audimat, est de soutenir et de renforcer un pôle moderne de l'audiovisuel public. Pourquoi ne pas réfléchir à la création de sociétés de téléspectateurs et d'auditeurs qui seraient consultés sur les programmes, voire sur les orientations de gestion ? La démocratie a tout à y gagner.

Affaiblir le pôle audiovisuel public - les chaînes généralistes ont perdu 10 % de téléspectateurs - c'est empêcher la production publique intégrée et encourager son externalisation. Les pays qui ont choisi une politique de service public fort ont aussi une production intégrée forte : 53,5 % en Allemagne, 62,1 % au Royaume-Uni contre seulement 13,4 % en France, où la production indépendante privée représente en effet 86,6 %.

Cette logique favorise les producteurs-animateurs, les producteurs de fictions et de documentaires, d'ailleurs grands utilisateurs d'intermittents.

A ce sujet on aurait tout intérêt, plutôt que de morigéner le service public, à aller voir du côté du secteur privé où se cachent la plupart des abus et des fraudes. La réforme de l'assurance chômage des intermittents, appliquée depuis le 1er janvier, va priver de tout droit à indemnisation près de 25 000 professionnels sans réduire les inégalités entre ceux qui bénéficient des plus gros cachets et les autres. En considérant les intermittents comme des privilégiés, le Gouvernement prive les artistes de la stabilité d'un revenu minimum et attente à la diversité culturelle dont notre pays pouvait se targuer.

Et peut-on raisonnablement parler de privilèges alors que la moitié des allocataires touche moins de 15 € par jour ? De votre fait, leur statut confine à celui des intérimaires. Certes, le régime antérieur avait provoqué des abus au point que l'on a même dit parfois, non sans cynisme, que les ASSEDIC étaient devenues les sponsors des sociétés de production ! Il est essentiel et urgent de défendre bec et ongles le statut d'intermittent tout en réfléchissant à ses évolutions souhaitables. Las, le Gouvernement s'acharne sur le symptôme plutôt que de traiter la racine du mal et il a beau jeu aujourd'hui de proposer de décerner un label de bonne conduite aux sociétés de production qui n'abusent pas des intermittents ! N'avait-il pas reçu pour consigne de faire la chasse aux patrons voyous ?

La remarquable détermination des intermittents doit nous inciter à réfléchir au statut de l'artiste et à la place de la création dans notre société. C'est l'avenir de notre culture, et, finalement, une certaine idée de la France dans le monde qui sont en jeu. Alors Monsieur le ministre, à défaut d'écouter l'opposition, écoutez au moins les maires de France, parmi lesquels nombre de vos compagnons politiques, et, plutôt que d'appliquer un accord minoritaire sur l'intermittence renégociez-le ! Au reste, si la loi Fillon sur le dialogue social avait été adoptée plus tôt, un tel accord n'aurait pas vu le jour !

La presse et l'audiovisuel ne peuvent être régis par les seules lois du marché. La défense du pluralisme impose l'intervention régulatrice des pouvoirs publics. Alors que la mondialisation libérale menace les identités, il importe de promouvoir les valeurs universelles de l'humanité, en s'appuyant sur les spécificités léguées par l'histoire. Il ne sera pas possible de préserver les cultures nationales et régionales et ceux qui concourent à leur promotion sans mener une action résolue, propre à redonner confiance aux créateurs. A ce titre, la nature particulière des biens et services culturels doit être affirmée.

Monsieur le ministre, compte tenu de ces différents éléments, vous ne serez pas surpris que je vous dise combien votre politique de l'audiovisuel et de la presse ne nous satisfait pas (Monsieur le ministre sourit).

Nous ferons toujours entendre notre voix dès lors qu'il s'agira de faire des propositions tendant à engager notre pays sur la voie de l'émancipation de toutes les influences visant à faire passer l'humain au second plan (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Alain Joyandet - Le secteur de la communication et des médias a subi de profonds changements depuis le début des années 1980. De même, la presse écrite a été bouleversée, du fait de l'apparition de très nombreux magazines thématiques et du tassement sensible de la presse d'information générale. L'émergence de l'internet bouscule encore un peu plus les habitudes et offre de nouvelles facultés de communiquer sans passer par les médias traditionnels. Pour une large part, ces évolutions sont liées aux nouvelles technologies, appliquées tant aux anciens qu'aux nouveaux médias. L'évolution des habitudes d'écoute et de lecture de nos concitoyens dépend tout aussi directement des nouvelles offres qui arrivent sur le marché.

Toute la difficulté pour les années à venir réside donc dans le rythme et la manière selon lesquels les opérateurs et les pouvoirs publics accompagneront ces évolutions. Il s'agit au nom de la diversité, de permettre l'arrivée de nouveaux entrants, sans déstabiliser l'ensemble du secteur.

Face à de tels défis, vous avez raison, Monsieur le ministre, d'être tout à la fois ouvert à l'évolution et attentif aux difficultés conjoncturelles et structurelles auxquelles s'affrontent nombre d'entreprises de presse. Sans régulation, le pluralisme n'est pas garanti mais celle-ci doit s'exercer avec discernement, de sorte que nos entreprises réalisent un volume d'activité suffisant pour être concurrentielles à l'international, sans que cela débouche sur une situation de concentration excessive. La démocratie est à ce prix.

Au reste, la radio a réussi cette mutation. Il y a vingt ans, trois groupes se partageaient l'audience. Aujourd'hui, ils restent très dynamiques mais la plupart des nouveaux entrants ont su trouver leur place. Un grand pas a été fait sur la voie du pluralisme, même si on aurait pu souhaiter des évolutions législatives moins brutales.

La mutation de la télévision reste à faire, mais les moyens à mobiliser ne sont pas comparables à ceux qu'exige la radio. On peut toutefois tirer des enseignements de l'évolution de la radio, notamment pour ce qui concerne l'atomisation de l'audience née de la diversification de l'offre. Les mesures d'audience comparatives entre les foyers ne recevant que les chaînes traditionnelles et ceux bénéficiant des bouquets de chaînes, démontrent la faculté d'adaptation des téléspectateurs. Il y a là matière à réfléchir dans la mise en _uvre de la TNT, de la télévision par satellite ou de l'ADSL. Sans doute convient-il de retenir une stratégie globale de lancement de ces différents outils car ils auront des conséquences directes sur l'évolution des audiences, et, partant, sur la structure économique des entreprises du PAF.

L'ouverture aux télévisions régionales devra, notamment, se faire en collaboration avec la presse quotidienne régionale, afin de réaliser des économies d'échelle. Par ailleurs, l'idée de procéder par étape pour la TNT me semble digne de considération.

S'agissant de la presse écrite, je salue la détermination du Gouvernement, qui maintient les aides à la presse et ses interventions en faveur de la diffusion, soit 290 millions versés à La Poste. Le rapport confié à M. Paul nous éclairera durant les mois à venir. Le groupe d'études que j'ai l'honneur de coprésider avec M. Françaix constate pour sa part que les relations entre la presse française et La Poste sont au c_ur des préoccupations.

S'agissant de la modernisation des outils de production, veillons à ce que les investissements très importants qui s'avèrent indispensables trouvent leur financement. A défaut, ils risquent d'entraîner de nouvelles concentrations y compris dans le secteur de la presse quotidienne régionale où les situations de monopole de fait tendent hélas à se généraliser.

Tout le secteur de la communication est touché par des évolutions directement liées au progrès des techniques. Latents, les besoins de nos compatriotes se révèlent lorsque l'offre leur est faite de nouveaux services. Et s'ils demandent toujours plus d'interactivité, ils ne semblent pas toujours prêts à consacrer beaucoup de temps à l'approfondissement et au recul critique. Leur comportement révèle combien nos sociétés sont gagnées par le culte de l'instantané et de l'éphémère.

C'est un peu la quadrature du cercle. Dans un marché structurellement constant, au sein duquel les habitudes de consommation évoluent relativement vite et où les technologies sont en perpétuel bouleversement, il nous revient de fixer un cap qui permette tout à la fois d'assurer le maintien de nos grandes institutions pluralistes d'information et d'ouvrir le secteur à de nouveaux opérateurs.

Pour ma part, je me méfie du marché car ses seules vertus n'assureront pas l'avenir du secteur (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). La régulation est indispensable et c'est un rude exercice. Une des meilleures garanties d'équilibre consiste sans doute à maintenir un secteur public fort et je me réjouis de l'intelligence avec laquelle les dirigeants successifs de nos radios publiques ont anticipé les évolutions de besoin de nos compatriotes.

Je regrette que notre télévision publique n'ait pas été aussi clairvoyante et dynamique. C'est la radio publique qui a fait France Info, mais ce n'est pas la télévision publique, hélas, qui s'est engagée la première dans la télé d'information en continu.

M. Didier Mathus - C'est vous qui l'en avait empêchée !

M. Alain Joyandet - France Télévisions aurait bien fait de s'inspirer de la stratégie de Radio France !

Dans ce monde en permanente évolution, nous n'avons aucun intérêt à compliquer encore l'environnement.

J'ai été très rassuré, Monsieur le ministre, par les propos que vous avez tenus tout à l'heure au sujet de la loi pour la confiance dans l'économie numérique que nous avons votée ici même la semaine dernière. Il n'est en effet pas opportun d'élaborer un droit spécifique pour l'internet.

Dans les différents secteurs économiques, une même entreprise aura forcément des intérêts dans l'audiovisuel, qu'il soit national ou régional, dans la presse écrite et dans la communication en ligne. Nous avons donc tout intérêt à rationaliser notre droit et à homogénéiser nos organismes de régulation. Il n'y a pas d'un côté, les nouvelles technologies, et de l'autre les médias plus traditionnels : il y a les contenus et les différents supports techniques de diffusion ou de transmission. Les auteurs, quels qu'ils soient, seront confrontés demain à la multiplication des supports sur lesquels seront diffusées leurs _uvres, qu'ils s'agisse de journalistes ou de créateurs.

Un mot pour me réjouir enfin que l'homme de culture que vous êtes, Monsieur le ministre, ait, à la suite du Président de la République, à nouveau affirmé son attachement au rayonnement de la France dans le monde. Je souscris à cet égard aux propos de M. Baguet. Souhaitons que le nouveau projet de chaîne d'information internationale s'appuie sur la grande agence mondiale qu'est l'AFP...

M. Michel Françaix - Commencez par lui donner des moyens !

M. Alain Joyandet - Tout doit être fait pour garantir son avenir.

Vous êtes confronté, Monsieur le ministre, à des évolutions contradictoires : diversification des technologies et globalisation des contenus ; diversification de la demande et concentration des entreprises. C'est notre modèle culturel et notre organisation démocratique qui sont en jeu, mais personnellement je ne crois pas au grand soir. Vous venez de rappeler les diverses facettes de votre action pragmatique, intelligente et engagée, dans laquelle le groupe UMP vous soutient (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Mathus - Nous avons bien compris que ce débat, voulu par l'UDF, venait souligner les inquiétudes créées par la confusion de la politique du Gouvernement dans le domaine des médias. Je ne suis pas sûr que l'intervention du ministre ait permis d'y voir beaucoup plus clair... On a quelque mal à s'y retrouver dans le maquis des amendements qui ont été adoptés depuis deux ans dans différentes lois sous la pression de lobbies aux intérêts parfois contradictoires.

Que doit faire un gouvernement pour assurer l'indispensable régulation publique du secteur des médias ?

Première exigence : veiller au pluralisme. Pluralisme des messages, donc pluralisme des éditeurs et multiplicité des opérateurs, ainsi que transparence de leurs structures.

Deuxième exigence : maintenir et moderniser un pôle public puissant, qui constitue en lui-même un facteur d'équilibre et qui joue un rôle fédérateur de la collectivité nationale, en produisant de l'identité.

Troisième exigence : consolider des groupes audiovisuels capables de porter le développement d'une industrie de la création en langue française.

Je m'en tiendrai au domaine de la télévision, dans lequel force est de constater que vous avez échoué sur ces trois points.

L'élan numérique du service public a été brisé, sa consolidation financière compromise ; la télévision privée a sombré dans la plus extrême médiocrité avec la télé-réalité, la production française s'est affaiblie.

Le seul fil conducteur apparent de votre politique aura été une promotion méthodique des intérêts du groupe Bouygues, fût-ce au détriment de la télévision publique. Tant d'ingratitude pourrait d'ailleurs surprendre au regard des efforts déployés par le tandem dirigeant de France 2 pour être agréable au Gouvernement ! Mais il est vrai que la dette contractée pendant la campagne présidentielle par M. Chirac à l'égard du groupe Bouygues et du journal télévisé de TF1 est de celles qu'on ne finit jamais de payer.

M. le Ministre - Honteux !

M. Didier Mathus - S'agissant de la télévision publique, les mauvais coups n'ont cessé de pleuvoir. On a connu divers rapports de commande, des tentatives de déstabilisation multiples... Interdiction a été faite à la télévision publique de développer une chaîne d'information en continu, ce qui est un cas unique en Europe, afin de protéger LCI et le groupe Bouygues.

M. Alain Joyandet - C'est faux !

M. Didier Mathus - Rappelons aussi les mesquineries budgétaires : la subtilisation du milliard de francs prévu pour le développement de chaînes numériques ou l'impasse de 8 millions d'euros au budget 2004 pour l'ensemble des organismes de l'audiovisuel public...

Le coup de grâce a été porté il y a quelques semaines par la suppression de toute perspective de développement d'une chaîne nouvelle sur le numérique.

Cet acharnement est d'autant moins compréhensible que, depuis qu'un ancien membre du cabinet d'Alain Juppé dirige France 2 il n'y aura pas eu de mois sans émission spéciale avec l'épouse du Président de la République, le ministre de l'intérieur ou son épouse...

J'en viens à la télévision numérique. Il n'y a pas de raison pour que seule la diffusion échappe à la numérisation. Vous disposiez avec la loi d'août 2000 d'un cadre adapté pour lancer le numérique en France. La réussite du numérique anglais - 120 000 décodeurs vendus chaque mois - s'est appuyée sur un modèle inspiré de la loi française, avec une offre centrée sur l'opérateur public, la BBC.

La télévision numérique permet de multiplier les canaux, donc les opérateurs, à moindre coût pour le consommateur. Mais ni TF1, ni M6 ne veulent qu'on touche à ce singulier P.A.F., qui fait de TF1 la chaîne la plus hégémonique de tous les pays démocratiques - avec plus de 50 % du marché publicitaire - et de M6 la chaîne télévisée la plus rentable au monde. Tout donc a été fait pour retarder et compromettre le lancement du numérique hertzien, et vous avez, Monsieur le ministre, rempli cette mission sans faillir.

Le passage de cinq à sept chaînes par groupe prévu par le projet de loi sur la communication électronique empêchera toute remise en cause de la situation exorbitante de ces deux opérateurs si, malgré tous vos efforts, le numérique hertzien parvenait à voir le jour.

Enfin, je regrette qu'on ne parle pas plus des conséquences du retrait du groupe Suez : le Gouvernement ne peut pas s'en laver les mains. Après la décision du CSA, rien n'empêche le groupe allemand Bertelsmann, qui contrôle déjà la première radio généraliste française, de prendre le contrôle effectif de M6. Quant à Paris Première, son contrôle par un groupe allemand, alors que les opérateurs français n'ont pratiquement aucune possibilité de s'implanter en Allemagne, serait étrange !

Quelques mots encore sur la chaîne internationale. Que dire de ce psychodrame, sinon pour constater le singulier mépris du Gouvernement pour le Parlement et pour sa propre majorité ? Le rapport Brochand, commandé pour rétablir TF1 dans le jeu, aboutira à l'élimination des acteurs les plus pertinents dans le domaine extérieur - TV5, RFI, Canal + et l'AFP. Une alliance à 50/50 va se faire entre deux groupes aux cultures incompatibles ; on fait à LCI le cadeau insensé de verrouiller la diffusion sur le territoire national. Le financement sera exclusivement assuré par l'argent des contribuables, pour le plus grand bénéfice de TF1 ; et le budget prévu - 70 millions - est bien loin de celui de BBC World - 600 millions - ! Comment suffirait-il à fabriquer une chaîne internationale digne de ce nom ?

Pour conclure, je voudrais dire à Pierre-Christophe Baguet, qui a souvent eu de bonnes idées, que la fréquence unique de radio n'en est pas une. Les radios généralistes n'ont pas besoin du Parlement pour faire leur promotion et se protéger. Il reste peu de choses de l'élan lyrique suscité par la bande FM dans les années quatre-vingts ; ne lui portons pas le coup de grâce par des fréquences uniques qui priveraient de tout espace les radios indépendantes et associatives : notre rôle est avant tout d'assurer la liberté de la communication.

Vous l'aurez compris, Monsieur le ministre, à la différence du groupe UMP, le groupe socialiste ne soutient pas du tout votre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Rochebloine - Je me réjouis particulièrement de l'initiative du groupe UDF d'organiser un débat sur la politique de l'audiovisuel, et j'en remercie notre président Hervé Morin. La représentation nationale devrait ainsi pouvoir connaître la position du Gouvernement sur le projet très controversé de chaîne française d'information continue à vocation internationale.

Lancé par le Président de la République lors de la campagne présidentielle, ce projet a motivé la création, en décembre 2002, d'une mission d'information commune aux commissions des affaires culturelles et des affaires étrangères. Celle-ci a remis en mai dernier un rapport assorti de propositions précises, adoptées à l'unanimité des groupes composant notre assemblée. Il préconise la création d'un groupement d'intérêt public, regroupant l'ensemble des opérateurs publics - France Télévisions, RFI, RFO, Arte France, l'AFP, TV5, CFI - tout en étant ouvert, sur la base du volontariat, aux groupes privés qui souhaitent contribuer à la future chaîne par la mise à disposition de programmes, de personnels ou de capacités de diffusion.

Un tel schéma aurait le double mérite de mutualiser les moyens et d'éviter d'ajouter une nouvelle structure dans le secteur de l'audiovisuel extérieur, dont les financements et la tutelle, partagés entre le ministère des affaires étrangères et celui de la culture et de la communication, manquent singulièrement de cohérence.

Pourtant, à ce jour, l'exécutif n'a donné aucune suite à ce rapport, fruit du travail accompli par les parlementaires issus des différents groupes, et notamment par le rapporteur, mon collègue et ami Christian Kert.

En revanche, il a demandé à un des membres de la mission d'information de faire de nouvelles propositions, qui ont été rendues publiques en septembre. Pour ma part, et comme toute l'Assemblée sans doute, je déplore une désinvolture qui ne contribuera pas à revaloriser le rôle du Parlement. Je juge également inacceptable le contenu de ce rapport, pourtant immédiatement approuvé par le Premier ministre : n'y prévoit-on pas de constituer une société détenue à égalité par TF1 et par France Télévisions, quoique intégralement financée par le contribuable ? Le président de cette chaîne serait nommé par les deux actionnaires sans que puisse intervenir le CSA, privé de tout pouvoir de contrôle dans cette affaire. Plus étonnant encore : la chaîne ne serait pas diffusée en France ! Ce dernier point ayant suscité quelque émoi, l'idée de diffuser en France les seuls modules en langue étrangère a circulé...

Un tel projet s'explique évidemment davantage par le souci d'éviter toute nouvelle concurrence dans le secteur de l'information continue que par la volonté de créer une chaîne d'information internationale faisant référence. Les promoteurs du projet mettent en avant la crédibilité et l'indépendance dont jouirait une société audiovisuelle privée mais, outre qu'il est désobligeant pour les journalistes du service public, l'argument ne résiste pas à l'examen des faits : il suffit de comparer la couverture du conflit irakien par CNN, chaîne privée, et par la BBC, chaîne publique, pour se convaincre que le caractère privé d'une chaîne d'information ne garantit pas son indépendance. De plus, il est pour le moins curieux qu'on exclue du tour de table les seuls opérateurs ayant une expérience de cette information internationale - RFI, TV5 et CFI.

D'autre part, aucune chaîne d'information internationale existante n'est bénéficiaire, faute de marché publicitaire suffisant - pas même CNN ! Et c'est précisément pourquoi nos voisins britanniques, avec BBC-World, et allemands, avec Deutsche Welle, ont confié cette information à des opérateurs publics. La chaîne Al Jazira est de même majoritairement financée par des fonds publics. Or, dès lors qu'une mission d'intérêt général est majoritairement financée de la sorte, elle relève, dans notre pays, du service public. Le schéma actuellement retenu ignore ce principe. Dans ce cadre, la fourniture de programmes par les sociétés actionnaires donnerait même lieu à rémunération, ce qui est manifestement incompatible avec le droit de la concurrence ! Je m'étonne par ailleurs que la composition du capital de la société n'ait pas donné lieu à un appel d'offres, conformément à la loi du 29 janvier 1993 sur les délégations de service public...

M. Michel Françaix - Très bien !

M. François Rochebloine - Quelle est la position du Gouvernement sur ces deux points ?

A vrai dire, ce projet est bien mal parti.

M. Patrick Bloche - Le fait du prince !

M. François Rochebloine - Alors que la chaîne devrait commencer de diffuser ses programmes à la fin de l'année, la loi de finances ne comporte aucun crédit à cet effet. Or, il faudrait au minimum 80 à 90 millions d'euros par an pour le fonctionnement, cependant que chaque module en langue étrangère coûterait quelque 15 millions d'euros. L'arrêt de la diffusion de France 2 dans le nord de l'Italie et celui de CFI-TV à compter du 31 décembre dernier souligne la faiblesse de nos budgets publics. Le contraste avec les ambitions affichées n'en est que plus cruel.

J'ai donc déposé une proposition de loi reprenant les conclusions unanimes de la mission d'information commune, cela afin de donner un statut clair à la future chaîne en consacrant explicitement son indépendance et sa mission d'intérêt général. Ce texte clarifierait également la tutelle de l'audiovisuel extérieur, actuellement partagée entre Matignon, le Quai d'Orsay et le ministère de la communication : un Haut Conseil définirait désormais les grandes orientations stratégiques du secteur. Le Gouvernement est-il prêt à consentir à l'examen rapide de cette proposition, qui relancerait sur des bases consensuelles un projet essentiel pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste)

M. Christian Kert - Je remercie M. Baguet d'avoir proposé ce débat, mais je lui sais gré aussi de ne pas demander que nous légiférions à nouveau : le trop-plein de réglementation n'est certainement pas le moindre des maux qui affectent notre audiovisuel ! On prétend protéger ainsi la création et la vie culturelles, mais ces contraintes ne sont sans doute pas pour peu dans le manque d'intelligence et de diversité qu'il nous arrive de reprocher à notre télévision.

Alors, oui au débat, car la communication est un enjeu de société qui ne peut laisser les parlementaires indifférents, mais non à la préparation d'un énième texte qui poserait de nouveaux interdits... à moins qu'il ne s'agisse de simplifier ou de libéraliser, par exemple, les dispositions qui protègent le cinéma les mercredis, vendredis et samedis soir, ainsi que le dimanche après-midi - comme si ce n'étaient pas les télévisions qui finançaient pour moitié les films ! L'exception culturelle française souffre là de quelque ambiguïté : obliger les chaînes à regrouper la diffusion des films sur trois soirs seulement, c'est pratiquer un protectionnisme sans avenir, comme en témoigne la baisse de fréquentation des salles. J'espère parvenir, dans le cadre de la mission qui m'a été confiée, à des solutions plus novatrices.

Nous devons, dans ce débat, éviter un autre écueil : celui qui consisterait à remettre encore sur le tapis la question de l'utilité du secteur public. Ou alors, il nous faut dire ce que nous attendons de lui que ne pourraient apporter les chaînes privées ! Et gardons-nous de tout jugement hâtif : j'ai, pour ma part, le souvenir douloureux d'avoir condamné un peu rapidement l'émission « C'est mon choix » offusquant ainsi les téléspectateurs par mon refus de reconnaître aux chaînes publiques le droit de divertir... même à petit prix.

En fait, nous balançons en permanence entre plusieurs philosophies, souvent contradictoires. Quelles valeurs doit-on retrouver sur les écrans publics que l'on ne trouve pas sur ceux du privé ? Au moment de redéfinir les objectifs et modes de perception de la redevance, sans doute faudra-t-il répondre à cette question.

Libérer l'audiovisuel de certaines contraintes, voilà un premier chantier. Mais il nous faut aussi repenser l'utilité et la place de chaque opérateur et adapter le secteur à son temps. Vous allez devoir, Monsieur le ministre, corriger les erreurs du passé. En effet, est-il aucun de vos prédécesseurs qui ait réellement favorisé la création de chaînes régionales ou locales ? Il y a certes eu des tentatives, mais nous n'avons vu aucun projet à long terme. Or, vous allez affronter dans cette entreprise une difficulté qu'ils ignoraient : le CSA vient d'ouvrir le plan « télés locales » en analogique à une dizaine ou une douzaine de villes, mais l'arrivée prochaine de la TNT favorisera aussi, dans un deuxième temps, la création de telles chaînes. Comment allez-vous organiser ce démarrage à double détente, qui risque d'entraîner des difficultés pour les précurseurs que seront les utilisateurs de l'analogique ?

Le sujet qui a incité nos collègues UDF à proposer ce débat est, peut-être, la gestion du dossier de la chaîne internationale d'information en continu. Ce n'est pas vous faire offense, Monsieur le ministre, de dire que charger un membre de la mission d'information de revoir la copie de ses collègues n'a pas été du meilleur effet... De fait, la solution sur laquelle travaille le Gouvernement est éloignée de celle que nous préconisions. Il reste que vous êtes condamné à réussir : l'absence d'une telle chaîne s'est fait sentir très fort lorsqu'il s'est agi d'expliquer la position de la France dans la crise irakienne et je redoute que l'actualité ne nous repasse bientôt le plat, par exemple à propos du projet ITER : qui expliquera que le choix d'un site doit obéir à des critères scientifiques et techniques, ou dénoncera éventuellement un choix politicien ?

Les députés avaient imaginé pour cette chaîne une structure qui, tout en conservant au secteur public sa prééminence, associait au projet tous les acteurs de l'audiovisuel susceptibles d'être intéressés. Le débat sur les critères de choix étant maintenant dépassé, l'UMP insiste pour que cette chaîne parle essentiellement le français, mais aussi les langues des régions du monde. Nous voulons aussi que cette création participe d'une remise en ordre de notre audiovisuel extérieur et que cette chaîne ait les moyens de percer sur un marché déjà bien occupé.

Nos collègues UDF souhaitaient sans doute coller à l'actualité : ils sont servis avec la levée, depuis le 31 décembre, de l'interdit pesant sur la publicité en faveur de la presse, de l'édition et de la grande distribution. Le résultat ne s'est pas fait attendre : dès les quatre premiers jours de janvier, la télévision privée a diffusé 78 spots pour les titres de presse et, dans le secteur public, une campagne a été lancée le 10 janvier pour accompagner le lancement du supplément d'un grand quotidien parisien. Notre audiovisuel marque ainsi un point, en termes de liberté commerciale, et nous imaginons qu'il vous a fallu un certain courage, Monsieur le ministre, pour l'imposer - M. Mathus a été bien ingrat à cet égard !

On ne peut évoquer notre paysage audiovisuel sans évoquer le CSA, qui n'entend pas subir l'arrivée d'images venues de tous les coins du monde. Encore faut-il lui donner les moyens de s'y adapter.

La société Eutelsat, jadis publique, aujourd'hui pratiquement privée, profite d'un vide juridique pour diffuser une centaine de chaînes en Europe, dont certaines, qui émettent depuis le Moyen-Orient, posent de réels problèmes déontologiques à nos partenaires européens comme à nous-mêmes. Grâce au réseau satellitaire Hot Bird, un contrôle devrait être possible ; il ne l'est pas aujourd'hui. Un amendement à la loi de 1986 ou une modification du règlement d'Eutelsat sont nécessaires. Je ne demande pas une réglementation supplémentaire. Il s'agit simplement de se prémunir contre des chaînes qui représentent un réel danger. Il serait paradoxal que nous fassions tant d'efforts pour trouver un équilibre entre les chaînes domestiques mais que nous ne parvenions pas à contrôler des chaînes diffusées par une société née dans le secteur public !

Enfin, sans reprendre le scénario catastrophe de M. Mathus, je reconnais que nombre d'opérateurs s'inquiètent des conditions de mise en place de la TNT, notamment du modèle d'organisation de l'offre. La répartition des multiplex et le rythme de déploiement envisagé risquent de compromettre le démarrage de la TNT en France. Notre collègue Hamelin y reviendra, mais il y a là un rendez-vous dont vous savez l'importance, Monsieur le ministre, et mon groupe souhaite qu'il fasse l'objet d'une attention particulière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Françaix - J'aurais pu vous parler du projet sans ambition de chaîne d'information internationale La Voix de la France, confié à TF1, qui va fragiliser TV5 et RFI.

J'aurais pu vous parler de la TNT qui, au lieu de favoriser l'éclosion de chaînes gratuites, publiques, locales, donnera naissance à des chaînes payantes et privées, au profit de TF1 et M6. Tout va très bien ! En 2005, seulement 35 % des Français auront accès à la TNT. Il ne reste à mettre au point que les décodeurs, la distribution et les financements. Une paille !

J'aurais pu vous parler de la réforme de la redevance, toujours différée.

J'ai préféré vous parler de la presse, qui se porte mal. Vous connaissez les causes de sa mauvaise situation : les prix, les difficultés de distribution, un lectorat qui diminue, la publicité en berne, l'AFP en crise... L'autorisation donnée à l'édition et à la grande distribution de faire de la publicité et la déferlante des gratuits vont accélérer la déstabilisation de la presse écrite.

Monsieur le ministre, vous connaissez la fragilité de la presse quotidienne d'opinion dans notre pays. En Allemagne, 24 millions d'exemplaires sont vendus chaque jour ; au Royaume-Uni, 18 millions ; en France, 8,6 millions. Le taux d'achat pour mille habitants est de 385 exemplaires au Royaume-Uni, 346 en Allemagne et 180 en France. On compte 350 titres en Allemagne, 109 au Royaume-Uni et 87 en France. Les recettes publicitaires s'élèvent à 6 milliards en Allemagne, 3,3 milliards au Royaume-Uni et 1,5 milliard en France.

La part du marché publicitaire détenu par la presse quotidienne est de 32 % en Allemagne, 24 % au Royaume-Uni et 17 % en France. Le déclin des quotidiens politiques a fait chuter le tirage total de 12 à 8,6 millions d'exemplaires en cinquante ans.

Un réseau de distribution inadapté, la disparition de nombreux points de vente et le coût élevé de la production ont contraint la presse à augmenter le prix de vente des quotidiens, causant ainsi la désaffection des publics jeune et populaire. La presse française est la plus chère d'Europe, en moyenne un euro l'exemplaire, contre 0,60 au Royaume-Uni et 0,75 en Allemagne. Elle est pourtant la plus aidée.

La diffusion constitue un de ses maillons faibles. Le nombre des points de vente ne cesse de baisser : en dix ans, 4 000 d'entre eux ont disparu, sur un total de 31 000.

Sans parler des contraintes horaires, le nombre des produits proposés par les diffuseurs a explosé.

Paris compte 320 kiosques, mais 60 ont fermé en 2003. Une centaine de kiosquiers sont menacés de disparition. Seule la municipalité de Paris s'en est préoccupée.

M. Patrick Bloche - Absolument.

M. Michel Françaix - Certains n'ont pas attendu la réforme du système pour trouver de nouveaux canaux de distribution. Ainsi, Le Parisien a créé sa propre société de distribution, gagnant de la sorte 800 points de vente : c'est pourquoi, dans un marché exécrable, ce journal a résisté.

Mais je veux surtout évoquer les gratuits. Métro et Vingt minutes diffusent 800 000 exemplaires par jour. Ils touchent un lectorat délaissé par la presse payante : des lecteurs jeunes, urbains, recrutés parmi les femmes et dans les classes moyennes.

La faiblesse des femmes dans le lectorat de la presse classique est une spécificité bien française. Le droit de vote des femmes ayant été accordé tardivement dans notre pays, la presse d'information est restée très masculine. C'est en se féminisant et en rajeunissant son lectorat que la presse française assurera son renouveau.

Paradoxalement, en redonnant le goût de lire la presse à des publics laissés de côté par les grands quotidiens, les gratuits stimulent le marché de la presse, mais ils réduisent aussi les recettes publicitaires de leurs concurrents. Ce sont maintenant les magazines qui sont touchés. Le premier mensuel gratuit consacré au livre, Lecture pour tous, a été lancé le 8 janvier : 100 000 exemplaires ont été distribués. Un hebdomadaire gratuit, consacré aux sports et loisirs, a été lancé cette semaine. Le groupe Amaury et la Socpresse préparent d'autres lancements.

Cette presse gratuite, réalisée par des journalistes professionnels, doit-elle être rangée dans le domaine de la presse d'opinion ou dans celui des prospectus commerciaux à taxer ? N'est-elle que le réceptacle de la publicité ou a-t-elle le mérite d'amener de nouveaux publics à la lecture de la presse ? Voilà des questions auxquelles le Gouvernement pourrait répondre, même si c'est plus difficile que de tenir un discours convenu sur la presse.

La presse quotidienne traditionnelle est lue en Ile-de-France par 3,5 millions de personnes ; la presse gratuite a 1,5 millions de lecteurs, dont les deux tiers ont moins de 35 ans. La gratuité est devenue naturelle pour les jeunes, qui retrouvent dans cette presse le style oral de France Info et le format visuel de LCI ou du Six Minutes de M6. S'agit-il de la presse de notre temps, ou faut-il considérer avec Patrick Eveno que l'information ne peut pas être un produit gratuit ?

Depuis le 1er janvier, l'édition et la grande distribution ont le droit de faire de la publicité à la télévision. Que vous le vouliez ou non, cela va causer la perte d'éditeurs indépendants.

Le durcissement de la concurrence impose certes à la presse écrite de revoir son système de fabrication, mais considérer le coût de la main d'_uvre comme la seule cause de ses malheurs serait un contresens.

N'est-il pas anormal qu'on trouve beaucoup d'argent pour la chaîne internationale confiée à TF1 mais qu'on ignore les besoins de l'AFP, qui joue un rôle capital dans l'influence de la France à l'étranger ?

Si vous croyez à l'écrit, il faudra prévoir des aides sélectives. J'admets que vous ne puissiez augmenter le volume des aides, mais il faut alors faire des choix. Aider tout le monde, ce n'est aider personne. La presse qui s'adresse aux consommateurs ne doit pas bénéficier des mêmes aides que celles qui s'adresse aux citoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrice Martin-Lalande - Une vraie réforme de la redevance s'impose. Comme je l'ai déjà indiqué dans mon rapport pendant la discussion budgétaire, maintenir la redevance comme imposition de toute nature collectée par un service spécialisé ne saurait constituer une solution définitive. Il faut au contraire rapprocher sa gestion et son recouvrement de ceux de la taxe d'habitation, ce qui ne signifie pas faire de la redevance une taxe additionnelle : je ne propose qu'une collecte conjointe.

Cette réforme permettrait de réaliser 100 millions d'économies par an, mais aussi de collecter un produit supplémentaire de 170 millions d'euros compte tenu de l'importance actuelle de la fraude. Ce produit supplémentaire pourrait être utilisé de multiples façons : pour réduire le déficit budgétaire, pour diminuer le montant de la redevance unitaire, pour donner davantage de moyens à l'audiovisuel public, pour réduire le nombre des écrans publicitaires, ou encore pour prendre partiellement en charge le coût des décodeurs quand la TNT sera mise en place.

Le Gouvernement a accepté ce point de vue dans la discussion budgétaire et vous venez, Monsieur le ministre, de rappeler son engagement. Je prends acte de votre volonté. Il est urgent d'agir. Des décisions doivent être prises dès le printemps 2004, pour être appliquées en 2005 dans de bonnes conditions : je pense au sort des agents chargés du recouvrement de la redevance mais aussi aux contribuables, à qui nous devons expliquer cette réforme. Il faut éviter toute confusion avec la fiscalité locale.

Comme je l'ai écrit dans les lettres adressées à votre ministère et à celui du budget, cette réforme doit s'inscrire dans un calendrier serré. Vous annoncez qu'un rapport va être confié à une personnalité qualifiée. Cette décision peut être une chance pour l'audiovisuel public, mais il faut que le Gouvernement désigne cette personnalité dans les prochains jours et lui confie une double mission. Tout d'abord, préparer, en un mois au plus, un rapport qui servira de base au groupe de concertation que vous allez créer. Ensuite, être le rapporteur de ce groupe de concertation dès sa première réunion, qui doit avoir lieu avant la fin du mois de février.

Une autre solution nuirait à la réforme de la redevance car elle contrarierait l'intention du Gouvernement de s'appuyer sur le travail parlementaire, et elle retarderait la décision.

S'agissant de la redevance 2004, il pourrait manquer 8 millions d'euros, aussi faut-il poursuivre l'effort d'information sur l'utilité de la redevance.

M. Pierre-Christophe Baguet - Parfaitement !

M. Patrice Martin-Lalande - L'émission « C'dans l'air », animée par Yves Calvi, sur France Télévisions a participé à la sensibilisation des téléspectateurs. Il faut continuer en ce sens, et poursuivre la lutte contre la fraude, en se servant, à cette fin, du nouveau statut de taxe fiscale de la redevance.

Si la collecte n'était pas suffisante, il conviendrait que le Gouvernement s'engage à assurer le complément pour respecter l'augmentation de 3 %, à laquelle il s'est engagé dans le contrat d'objectifs et de moyens. Le Gouvernement y est-il prêt ? Par ailleurs, je voudrais souligner la contradiction entre le financement contractualisé du service public, et le vote annuel, par le Parlement des ressources de ce service public.

La transformation de la redevance en imposition classique dont tous les éléments sont soumis au Parlement, modifie les modalités et le calendrier de détermination du produit de la nouvelle redevance. En effet, la décision applicable l'année suivante ne sera connue qu'à compter de l'adoption du texte définitif, à savoir, en cas de recours constitutionnel, durant les derniers jours de décembre.

Par ailleurs, l'engagement pris par le Gouvernement dans le contrat d'objectifs et de moyens, avec les entreprises de l'audiovisuel public sur l'évolution des ressources publiques - essentiellement fiscales - n'est pas contraignant pour le Parlement - la discussion à l'Assemblée nationale, de l'article 20 du projet de loi de finances pour 2004, qui réforme le régime juridique de l'assurance, illustre cette difficulté.

Pour résoudre ce problème, plusieurs solutions sont envisageables : l'organisation d'un débat sur les grands traits de la politique audiovisuelle et les moyens à y consacrer, la signature de contrats d'objectifs et de moyens prévoyant différents scénarios budgétaires, ou renégociés chaque année, l'indexation automatique du barème de la redevance sur un indice à définir - mais ce choix pourrait être remis en cause chaque année, et rien ne garantit que cet indice évolue en fonction des besoins de l'audiovisuel public.

Une dernière solution, plus ambitieuse, et qu'il faudrait retenir, réside dans une discussion pluriannuelle des moyens de l'audiovisuel public, incluant le produit attendu de la redevance, voire la fixation d'un barème pour la durée du contrat d'objectifs et de moyens.

En cas de difficulté majeure, le Parlement pourrait cependant revenir sur son vote précédent. Voilà quelques réflexions sur le financement du service public audiovisuel, véritable défi que le Parlement et le Gouvernement sont prêts à relever (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Richard - Depuis dix-huit mois, les prises de position, les rapports, les lois, les transpositions de directives communautaires se multiplient, ce qui bouleverse un secteur, dont la cohérence d'ensemble n'est pas évidente à cerner. Il est donc opportun de prendre le temps de réfléchir.

Il convient d'abord de s'interroger sur les missions de notre audiovisuel public et, à ce titre, de définir un périmètre clair et ambitieux pour les chaînes publiques, qui les différencie des chaînes privées.

La question des recettes est liée à celle des contenus. La redevance, au même titre que les autres taxes parafiscales, est appelée à disparaître, aussi la loi de finances pour 2004 a-t-elle introduit une disposition transitoire, dans l'attente de la réforme de 2005. A cet égard, je souhaite que le rapport de M. Patrice Martin-Lalande guide la réflexion du Parlement et du Gouvernement. Donnons-nous à notre service public les moyens de notre ambition, sans le livrer à la seule pression publicitaire ? Avec l'une des plus faibles redevances d'Europe, comment demander au service public de prendre des risques, comme celui de s'engager plus encore dans les préconisations du rapport Clément ?

Avons-nous la capacité d'encourager une production audiovisuelle française de qualité ? Celle-ci connaît des difficultés conjoncturelles et structurelles - les ventes à l'export des programmes français, notamment d'animation, ont baissé en 2002, et le marché des producteurs souffre d'une concentration excessive - 8 % des sociétés réalisent 50 % des productions.

Si les professionnels dressent de l'année passée un bilan « globalement positif », leur situation financière reste fragile. Il faut trouver les moyens d'encourager notre production, à l'instar du crédit d'impôt, qu'il faudrait étendre à la production audiovisuelle. De même, il faudra renforcer la lutte contre la délocalisation des tournages et de la post-production.

A cet égard, les velléités de la Commission européenne ne sont guère encourageantes, et contrarient le nouveau dispositif en faveur du tournage en régions.

Quelle est la position du Gouvernement, notamment sur la nécessité de ne pas disjoindre la chaîne du cinéma ? Par ailleurs, on a beaucoup débattu de la notion d'_uvre, en 2003. L'arrêt « Popstars » nous a fait réaliser que des chaînes pouvaient recevoir des soutiens financiers publics pour des émissions de « télé-réalité », ou pour de simples émissions de plateau. La réflexion sur la redéfinition de l'_uvre a été engagée en 2003 par votre ministère et le CSA, en lien avec les professionnels. Qu'en est-il ?

Il est urgent de garantir que les fonds publics soutiennent bien des productions relevant de critères précis de création.

Il en va de la morale et de la vitalité de notre diversité culturelle, à laquelle le Président de la République a rappelé son attachement devant l'UNESCO.

Il faudrait enfin réfléchir sur les difficultés du secteur de l'animation, pourtant si talentueux. Les programmes pour la jeunesse devraient occuper une place de choix dans les grilles de programmation. Une récente étude a ainsi montré que la TNT anglaise devait son succès au lancement de deux chaînes publiques Jeunesse.

Cet exemple doit nous encourager à donner à la TNT française les moyens de réussir. L'enjeu est majeur, puisqu'il s'agit de tripler le nombre de chaînes gratuites.

Le lancement de la TNT est l'occasion de perfectionner notre système d'aides.

Dans cet esprit, ne pourrait-on encourager les chaînes à dépasser les exigences minimales des contrats d'objectifs et de moyens ? Un quart du produit de la redevance pourrait ainsi récompenser les diffuseurs qui dépassent leurs obligations en matière de diffusion d'_uvres française ou européenne.

Les enjeux sont majeurs.

Il en va de la capacité de notre audiovisuel à se moderniser, et de celle du service public à remplir ses missions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Emmanuel Hamelin - Je remercie M. Baguet de nous permettre aujourd'hui d'aborder un sujet majeur.

J'interviendrai sur le principe de la télévision numérique terrestre.

La technologie numérique bouleverse notre quotidien - photo, vidéo, courrier électronique.

La TNT a vocation à convertir prochainement au numérique la télévision hertzienne.

Ce nouveau mode de diffusion présente des avantages considérables. Il garantit un élargissement de l'offre, notamment publique, qui permettra de passer de cinq à dix-neuf chaînes publiques, dont deux ou trois chaînes locales, je le dis pour rassurer M. Françaix, qui semblait inquiet.

M. Michel Françaix - Je le suis encore.

M. Emmanuel Hamelin - La TNT permettra de développer l'interactivité puisque le téléspectateur a accès au guide des programmes et à différents services à la carte.

Elle apporte de plus une qualité d'image et de son exceptionnelle.

Au-delà, la TNT constitue un atout économique puisqu'elle permettra d'abaisser les coûts de diffusion grâce, notamment, à la compression numérique.

Enfin, elle permettra au téléspectateur de bénéficier de plus de trente chaînes.

Pourtant, certains lui prédisaient naguère encore un sombre avenir. Nos prédécesseurs avaient d'ailleurs commis un certain nombre d'erreurs stratégiques - calendrier irréaliste, aucune prise en compte de délais de construction de réseaux, sous-estimation des réaménagements préalables des fréquences analogiques.

Ce gouvernement a annoncé qu'il pré-financerait à hauteur de 32 millions les réaménagements, préfinancement remboursé par les chaînes numériques, sans intérêt, sur cinq ans.

Le CSA a annoncé que la phase de lancement de la TNT sera comprise entre le 1erdécembre 2004 et le 31 mars 2005. Il concerne dans un premier temps 40 % de la population pour une couverture, en 2005, de 60 % et un objectif final de 85 %.

Cette technologie se développe partout en Europe, aux Etats-Unis et au Japon où sont annoncées de nombreux plans d'arrêt de la télévision analogique. En Grande-Bretagne, plus de deux millions de foyers sont ainsi connectés. La ville de Berlin, en un an, est passée au tout numérique en un an.

M. Pierre-Christophe Baguet - Tout à fait.

M. Emmanuel Hamelin - Dans ce contexte favorable, deux problèmes restent néanmoins à résoudre : la distribution des offres commerciales de la TNT, le principe du must carry. Notre collègue Martin-Lalande a d'ailleurs récemment déposé un amendement auquel je suis favorable puisqu'il consiste à garantir aux nouvelles chaînes de la TNT l'accès au câble et au satellite.

Je souhaite que le Gouvernement prenne des dispositions pour assurer à ces nouveaux entrants des conditions optimales de fonctionnement.

Je remercie le Gouvernement qui s'est engagé à mettre en _uvre cette nouvelle technologie, ainsi que le CSA.

Je rends également hommage au travail accompli par Michel Boyon, qui a grandement contribué au lancement de la TNT dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrice Martin-Lalande - En effet, c'est un excellent travail ;

M. Patrick Bloche - Je remercie M. Baguet d'avoir organisé ce débat.

L'explosion de la diffusion des images et des sons grâce au haut débit et le développement prévisible des services de radio et de télévision à la demande, démontrent la complémentarité des médias audiovisuels et en ligne ; la penser, c'est inévitablement établir une communauté d'action entre culture et communication, deux administrations qui ont tant de mal à communiquer.

Alors que l'Etat déconcentre les crédits du CNC, rien ou presque n'a encore été fait pour penser une politique des médias en région. On a construit les radios libres sur l'ensemble du territoire à partir de Paris, assisté aux convulsions de la presse régionale... sans quitter le Cercle Interallié. Pourquoi ne pas donner ainsi aux médias locaux des interlocuteurs proches d'eux, et de chez eux ? D'où notre perplexité sur la fausse bonne idée du « big bang » de la bande FM. Ne reste-t-on pas en fait à un vieux schéma centralisateur ?

M. Pierre-Christophe Baguet - Non.

M. Patrick Bloche - L'heure n'est-elle pas plutôt au développement des télévisions de proximité, des radios associatives, des réseaux locaux à haut débit d'échanges et de données ? La diversité culturelle et des contenus diffusés est en jeu tout particulièrement dans le domaine audiovisuel. L'ADSL pourra d'ailleurs l'assurer mieux encore que la TNT.

M. Patrice Martin-Lalande - Mme Tasca ne voulait pas en entendre parler.

M. Patrick Bloche - La standardisation et l'uniformisation sont plutôt la règle, la concentration plus que jamais à l'ordre du jour : concentration des titres musicaux diffusés et programmés sur les ondes en raison des accords entre diffuseurs et maisons de disques, intégration verticale du secteur musical qui entraîne la création, par les chaînes de télévision ou les radios, de leur propre label de production. Rappelons-nous l'appel lancé par Jean Ferrat réclamant une « exception culturelle » pour la chanson.

Évoquons encore la régulation ratée, du fait de la position dominante d'une société productrice d'émissions pour les chaînes publiques et privées, le détournement des quotas par la qualification en _uvres de créations d'émissions qui ne le sont pas, mais aussi les graves menaces financières qui pèsent sur les professionnels du documentaire.

Loin des enjeux culturels, l'audiovisuel est dans une logique commerciale, entre « access prime time », « prime time » et télé-réalité dont on nous annonce qu'elle va se muer en télé-ruralité. Les chaînes publiques, dans ce contexte, font des choix qui laissent songeur. Ainsi, Marc-Olivier Fogiel déclare, à propos du changement d'heure de son émission, désormais diffusé le dimanche en début de soirée : « La différence, c'est qu'à 2 heures du matin, on pouvait se permettre de mettre en avant des gens dont la notoriété est faible, comme le chanteur Raphaël. Je ne suis pas sûr qu'à 20 heures 50, il ait sa place ». Et dans tout ça, Monsieur le ministre, quid de la mission que vous aviez confiée à Catherine Clément ?

Cette restriction de l'offre conduit à un formatage des _uvres. Les critères déterminés par les chaînes de télévision s'inscrivent de plus en plus dans une tendance banalement conservatrice. En septembre 2002, Jean-Luc Seigle évoquait d'ailleurs, à propos de la fiction-télé, la « surenchère de héros moralisateurs ». Sans doute faudrait-il qu'élus et responsables politiques aient les yeux moins rivés sur le Journal de 20 heures dont l'influence sur la formation de l'opinion des Français est bien moindre qu'un téléfilm.

Les scénaristes sont eux-mêmes, aujourd'hui, entrés en résistance comme l'évoquait au Sénat, en mars dernier, Emmanuelle Sardou parlant de la « pyramide de la peur ».

M. Patrice Martin-Lalande - Scénario catastrophe !

M. Patrick Bloche - Au bas de la pyramide, le scénariste, libre, astucieux, original, mais sans pouvoir. Plus il grimpe, plus il est confronté à des gens qui décident à sa place de ce que doit être son histoire, et plus ces gens ont de pouvoir, plus il a peur !

Comme législateurs, nous ne pouvons être insensibles à ces interpellations.

Ces considérations ne sauraient nous éloigner du cadre européen, surtout lorsque vient de s'y exprimer la volonté d'encadrer les systèmes d'aides publiques au cinéma et à la création audiovisuelle. Ne faut-il pas que ce système - sans doute sous une forme modernisée - soit étendu à l'ensemble de l'espace européen ? Nous devons promouvoir haut et fort l'idée d'une industrie culturelle soucieuse de pluralisme, adossée à une offre publique forte, mais encore faudrait-il procéder aux réformes nécessaires pour prouver la viabilité économique et culturelle de notre modèle et sortir d'une vision malthusienne du service public comme du soutien au cinéma.

La même ambition doit animer la puissance publique pour soutenir la distribution. A cet égard, l'idée lancée par Franck Soloveicik selon laquelle un organisme pourrait, en France, fortifier le risque pris par les entreprises du secteur, ne peut que mériter toute notre attention.

Comment ne pas considérer que notre mobilisation collective pour la diversité culturelle doit aller de pair avec l'affirmation de la présence internationale de la France et de la francophonie ? Cette préoccupation, nous la partageons, notamment quand il s'agit de l'information. Au reste, cette volonté de porter « la voix de la France » au-delà de nos frontières avait réuni la représentation nationale sur un projet audiovisuel équilibré et pluraliste. Depuis, tout a été dit, et encore ce matin, du mépris du Gouvernement à l'égard de ce travail parlementaire et de son choix partisan, pour ne pas dire sectaire, qui engage des fonds publics au bénéfice exclusif d'un opérateur privé, qui réduit des acteurs historiques de l'information à l'international, comme l'AFP et RFI, au simple rôle de prestataires de service, et qui n'offre aucune des garanties démocratiques et d'indépendance que la loi impose pourtant aux médias nationaux.

M. Michel Françaix - Très bien !

M. Patrick Bloche - L'exécutif ayant récemment confirmé sa volonté funeste d'atteindre son objectif en 2004, la question la plus pertinente qui se pose aujourd'hui est : avec quels financements, si tant est que les 70 millions d'euros prévus soient suffisants ?

J'avais interpellé le ministre des affaires étrangères à ce sujet, le 7 novembre dernier, et il avait alors répondu : « le budget du ministère des affaires étrangères ne comporte pas les moyens de financer une telle chaîne », ajoutant : « les marges de redéploiement sont inexistantes ». Alors que l'audiovisuel public n'est pas totalement financé pour l'année qui vient, doit-on craindre que le fait du prince n'accentue son manque de moyens ? Si tel est le cas, les bonnes intentions et les programmes ambitieux exprimés à son égard ce matin risquent de n'être que paroles en l'air et engagements sans lendemain. Mais, n'est-ce pas la spécialité du Gouvernement et de sa majorité, l'exemple - il est vrai - venant de haut ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bertho Audifax - Ce débat intervient alors que le Gouvernement a décidé de réformer le Réseau France Outre-mer, en vue de le doter d'un projet stratégique en l'intégrant sous forme de filiale au groupe France Télévisions. Je veux, Monsieur le ministre, vous faire part de mon enthousiasme, mais aussi de quelques craintes, face à cet ambitieux projet. Mes remarques seront celles d'un consommateur plutôt que d'un technicien.

D'abord, une réforme de RFO était-elle nécessaire ? Avec 207 millions de dotation publique, les sondages médiamétriques montrent une dégradation de l'audience de RFO, tant en radio qu'en télévision. Je suis donc persuadé que cette réforme était devenue indispensable. Fondée en 1983, par le regroupement en une société unique des stations locales de France 3, RFO est devenue le média de référence dans chaque collectivité d'outre-mer, grâce à ses deux chaînes de télévision, Télépays et Tempo, et à ses deux fréquences radiophoniques. Un programme synthétique, RFO Sat, bénéficie pour sa part d'une diffusion internationale par satellite, à raison de quatre heures par jour sur le câble en France métropolitaine.

La multiplication des radios dites libres a bouleversé le paysage radiophonique, apportant un ton nouveau mais aussi des excès sur lesquels je reviendrai. Force est de constater que radio RFO - en tout cas à la Réunion - n'a pas su s'adapter à ce nouvel univers. Le constat général est qu'on navigue entre conservatisme et tentation d'imiter, sans se référer à ce qui est le rôle essentiel, celui du service public. RFO Radio devrait être le pôle d'équilibre de modération dans le grand tohu-bohu des radios doléances populistes et démagogiques. Elle devrait affirmer son rôle socio-éducatif, indispensable dans nos sociétés fragiles, et, quoiqu'on puisse en penser, encore repliées sur elles-mêmes. Un ton résolument jeune et dynamique est-il incompatible avec une mission socio-éducative ? Le pari n'est pas simple, mais il doit être relevé par le service public.

Dans le domaine de la télévision, depuis 1990, l'évolution des technologies de diffusion et la diversification de l'offre ont bouleversé la donne.

Les chaînes thématiques satellites permettent aux spectateurs des DOM de se composer des programmes à la carte et RFO Télévision ne peut résister à cette facilité qu'en devenant le média de la réalité locale, le média de la réflexion sur les problèmes locaux, le média de la modération permettant un débat où raison et démocratie prennent le pas sur la démagogie.

Le téléspectateur des DOM a besoin de mieux comprendre les difficultés sociales, économiques et culturelles de nos microsociétés. Il est demandeur d'une information objective de qualité, et ce rôle est celui du service public. Bien entendu, ces débats doivent être constamment replacés dans le contexte national.

L'accroissement de l'offre de programme de proximité est une nécessité absolue, mais, avant qu'il ait lieu, c'est à une véritable réflexion de fond sur les programmes qu'il faut se livrer.

Quel contenu, quelle forme, comment expliquer sans ennuyer, comment faire participer sans tomber dans des excès démagogiques ? Autant de questions auxquelles aucune réponse valable n'a été apportée depuis vingt ans.

Le problème de la visibilité de l'outre-mer en métropole est aussi aigu pour la communauté métropolitaine originaire des DOM ou ayant des liens très forts avec l'outre-mer, l'insuffisance de la présence audiovisuelle de l'outre-mer en métropole étant très mal vécue. Je ne crois pas possible d'imposer des créneaux outre-mer sur nos chaînes nationales. La qualité du travail outre-mer, l'originalité des expériences socio-éducatives et culturelles, l'ouverture de grandes émissions nationales sur l'outre-mer sont seules capables de susciter l'intérêt de nos compatriotes pour nos outre-mers. N'oublions pas aussi que notre dissémination aux quatre coins du monde doit nous permettre d'être des relais rapidement efficaces des grandes chaînes nationales dans nos régions. Ne serait-il pas logique que les équipes de la Réunion soient les plus disponibles pour des reportages ou des émissions à Madagascar, Maurice, les Comores, les Seychelles ou l'Afrique du Sud. Des liens peuvent sûrement être noués entre les grandes équipes professionnelles nationales et locales (Assentiment de M. le ministre).

La nouvelle stratégie pour RFO doit procéder de toutes ces réflexions. L'enjeu n'est pas simple et votre volonté, Monsieur le ministre est, comme celle de Mme la ministre de l'outre-mer, impressionnante depuis cinq mois... si impressionnante que, bien sûr, on vous reprochera de vouloir aller trop vite !

Aucune réforme ne sera réussie sans le concours des personnels de RFO, lequel attendait depuis longtemps qu'une volonté forte s'exprime. Je me félicite en outre que vous ayez su les associer à votre projet. Pour être en relation avec de nombreux collaborateurs de RFO Réunion, je puis vous dire qu'au-delà des craintes légitimes que suscite toute réforme d'envergure, le personnel est conscient de la nécessité d'un nouvel horizon pour RFO. Il a souffert de problèmes de management, d'un manque de lisibilité de l'action souhaitée, de départs répétés des meilleurs éléments locaux, d'un manque d'échanges professionnels lui permettant de poursuivre une formation continue de qualité et enfin d'une fausse objectivité. Le personnel ne souhaite pas que les coopérations locales fassent des antennes de RFO des dépendances des pouvoirs politiques locaux. Le rôle de l'Etat doit être de veiller à l'indépendance et à l'objectivité, réelles et non simplement affichées de RFO.

Une nouvelle stratégie, le maintien de l'identité et des spécificités de RFO au sein de la holding, l'importance accordée à la radio dans le développement de RFO, l'accroissement et l'amélioration constante des programmes de proximité, l'amélioration justifiée de la visibilité de l'outre-mer en métropole, voilà bien les bases de votre projet. Croyez bien, Monsieur le ministre, que les parlementaires de la majorité seront à vos côtés pour concrétiser votre ambition pour l'outre-mer.

Permettez-moi, en terminant, d'évoquer le rôle de contrôle du CSA dans l'outre-mer. Je suis choqué de constater que l'Autorité ne réagit jamais aux émissions de type « radio-doléances ». Dans ces programmes pluri-quotidiens à la Réunion, n'importe qui, par téléphone, et sous couvert d'anonymat, peut mettre en cause un fonctionnaire ou un homme public sur un problème local. Le sujet abordé n'a pas fait l'objet d'une présentation objective, le mis en cause n'a pas droit à la parole et l'animateur est seul juge de l'orientation du débat ! On aboutit ainsi, au nom de la liberté d'expression, à une démagogie insupportable, qui prend la forme d'attaques personnelles intolérables. Les insultes en direct ne sont pas censurées et la désinformation mise au service d'une véritable intoxication politique règne en maître. Le CSA ne peut accepter sans réagir de tels lynchages médiatiques. Je vous demande, Monsieur le ministre, d'intervenir sur ce point (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard - Ce débat fort utile se tient quelques semaines seulement après la fin de la discussion budgétaire portant sur l'exercice en cours et après l'examen du traditionnel collectif de fin d'année. Deux rapports récents de la MEC - dont celui diligenté par Patrice Martin-Lalande - ont souligné les archaïsmes et les inconvénients de la redevance télévisuelle et je souhaite rappeler ce matin la volonté de la commission des finances de notre assemblée d'obtenir, conformément aux engagements pris devant elle, sa transformation au cours de cette année.

La transformation de la taxe parafiscale en imposition de toute nature, conforme aux exigences de la LOLF, a conduit le Parlement à n'accepter sa reconduction dans les mêmes termes et dans le même format que ceux retenus au titre de l'exercice antérieur qu'au bénéfice de sa totale refonte en 2004. Dès lors, je tiens à dire combien j'ai été choqué par les tentatives de certains, à la faveur de la loi de finances rectificative pour 2003 de la fin de l'année, de revenir sur les positions arrêtées par la CMP.

Outre le problème de la redevance, il convient d'engager une réflexion sur les missions de l'Etat en matière d'audiovisuel, et, plus précisément sur les moyens et le périmètre de l'audiovisuel public.

S'agissant des moyens, il convient de veiller à ce que les crédits de fonctionnement permettent de satisfaire aux exigences du cahier des charges et que les moyens en capital soient conformes aux ambitions que nous assignons au secteur - TNT, numérisation de Radio-France, chaîne francophone d'information internationale en continu nous permettant de n'être pas tributaire des seuls médias anglo-saxons. Enfin, il convient d'user des facultés nouvelles offertes par la loi organique pour prévoir une programmation pluriannuelle des moyens...

M. Patrice Martin-Lalande - Absolument !

M. Michel Bouvard - Je suis tout aussi convaincu qu'il est indispensable d'avoir l'audace de se poser la question du périmètre de l'audiovisuel public. Il n'est que temps de s'interroger sur le maintien de deux chaînes publiques, généralistes, dont l'une est particulièrement consommatrice des moyens de la redevance audiovisuelle - à hauteur de plus de 600 millions.

Ne faudrait-il pas engager une réflexion sur la présence de France 2 dans cet audiovisuel public ? L'en sortir permettrait de donner des moyens en capital aux chaînes existantes et à venir, à la radio et à l'INA. Cela permettrait aussi d'envisager la suppression de la redevance et la budgétisation de cette charge.

M. Pierre-Christophe Baguet - Eh bien !

M. Michel Bouvard - Le dialogue entre les responsables de l'audiovisuel public et le Parlement s'en trouverait renforcé.

La redevance crée une situation de confort.

M. Patrice Martin-Lalande - Relatif...

M. Michel Bouvard - Il suffit de la relever lorsqu'il y a des problèmes... Mais M. Martin-Lalande a raison, les choses ont un peu changé. Force est de constater néanmoins que le contrôle exercé par le Parlement sur la gestion des chaînes publiques a été jusqu'à présent fort limité. Dans l'esprit de la loi organique sur les lois de finances, nous devons nous acheminer vers une logique de plafonnement d'autorisations d'emplois et d'indicateurs de performance.

Telles sont les quelques réflexions personnelles que je souhaitais vous livrer.

M. Michel Françaix - On espère en effet qu'elles ne sont que personnelles !

M. Michel Bouvard - J'en ajouterai encore une, concernant les télévisions de proximité : nous devons trouver les moyens de les développer non seulement dans les zones urbaines, mais aussi dans les territoires ruraux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - A cette heure avancée, je ne puis répondre à l'ensemble des questions soulevées. Je voudrais seulement souligner l'opportunité de ce débat, qui aura été fort riche. Je me tiens bien sûr à votre disposition, à celle de la commission des affaires culturelles, du groupe d'études sur la presse, du groupe de travail que nous allons constituer sur la redevance.

M. Michel Bouvard - Et de la commission des finances ?

M. le Ministre - Bien évidemment !

Ce débat aura été respectueux de la diversité des opinions. Je regrette que M. Mathus se soit cru obligé de se livrer à des insinuations indignes sur une prétendue connivence entre le Gouvernement et un groupe de télévision privé. Seul le souci du service public et de l'intérêt général nous anime.

Ce débat utile a souligné l'intérêt que Gouvernement et représentation nationale portent à l'avenir de l'audiovisuel et de la presse. Nous n'avons pas fini de travailler sur cette question.

M. Patrice Martin-Lalande - Oh non !

M. le Ministre - Monsieur Bouvard, le périmètre actuel de l'audiovisuel public me paraît convenable. Je n'ai pas souhaité qu'il s'étende à l'occasion de la mise en place de la TNT, mais je reste persuadé que la présence d'une grande chaîne généraliste est nécessaire à la crédibilité et à la force du service public de télévision.

M. Pierre-Christophe Baguet - Très bien.

M. le Ministre - Quant à l'existence d'un mode de financement spécifique, je pense que c'est encore la meilleure solution. La budgétisation serait extrêmement risquée, mais il vous appartiendra d'en débattre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Rochebloine - Quelques mots sur la CII, s'il vous plaît !

M. le Ministre - Volontiers. Nous débattons de ce sujet depuis vingt ans. Nous avons arrêté des options ; c'est mieux que de ne rien faire...

La solution retenue est certes singulière au regard de la culture politique et économique de notre pays, puisqu'elle associe la télévision de service public, France Télévisions, et le principal opérateur privé, TF1. Je vous le dis avec tout le respect que j'ai pour le travail accompli par la mission parlementaire, il faut savoir surmonter certaines préventions et certains réflexes. L'association des savoir-faire de deux grandes sociétés de télévision et de leurs équipes rédactionnelles peut être une chance pour la mise en place rapide d'une chaîne internationale. Les questions relatives au financement et à la compatibilité avec les règles de concurrence nationales et européennes devraient pouvoir être réglées. Quant à l'autorité du CSA, elle ne s'exerce pas aujourd'hui de façon égale à l'égard de l'ensemble des sociétés du secteur. Enfin, dans les pays voisins - Allemagne, Grande-Bretagne - qui ont des chaînes d'information internationale, le parti a été pris de ne pas les diffuser sur le territoire national.

L'audiovisuel extérieur est sous la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères - de façon principale - et du ministère de la communication. Les choix arrêtés par le Premier ministre sont désormais ceux du Gouvernement dans son ensemble. Ils seront, concernant en particulier le mode de financement de la chaîne, soumis à la délibération du Parlement.

M. François Rochebloine - On aurait aimé entendre M. Brochard !

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 29 janvier inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

CRÉATION D'UNE MISSION D'INFORMATION

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé, en application de l'article 145, alinéa 3, du Règlement, la création d'une mission d'information sur la sécurité du transport aérien de voyageurs.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 29 janvier inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Projet de loi organique, adopté par le Sénat, portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

_ Projet, adopté par le Sénat, complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.

(Ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune).

MERCREDI 14 JANVIER, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 22 heures :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 15 JANVIER, à 9 heures 30 :

_ Proposition de M. Jean-Christophe Lagarde et plusieurs de ses collègues tendant à créer un crédit d'impôt pour investissement des entreprises pour favoriser l'intégration des personnes handicapées.

(Séance d'initiative parlementaire).

à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Projet relatif au développement des territoires ruraux.

MARDI 20 JANVIER, à 9 heures 30 :

_ Questions orales sans débat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures 30 :

_ Déclaration du Gouvernement sur l'avenir de l'école et débat sur cette déclaration.

MERCREDI 21 JANVIER, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures 30 :

_ Suite du projet relatif au développement des territoires ruraux.

JEUDI 22 JANVIER, à 9 heures 30 , à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

VENDREDI 23 JANVIER, à 9 heures 30 , à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 27 JANVIER, à 9 heures 30 :

_ Questions orales sans débat.

à 15 heures :

_ Questions au Gouvernement.

à 18 heures et à 21 heures 30 :

_ Suite du projet relatif au développement des territoires ruraux.

MERCREDI 28 JANVIER, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 29 JANVIER, à 9 heures 30  et à 15 heures :

_ Projet autorisant la ratification des protocoles au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Bulgarie, de la République d'Estonie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la Roumanie, de la République slovaque et de la République de Slovénie ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'annexe V à la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est sur la protection et la conservation des écosystèmes et de la diversité biologique de la zone maritime (ensemble un appendice 3 sur les critères de détermination des activités humaines aux fins de ladite annexe) ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sur la conservation des cétacés de la mer Noire, de la Méditerranée et de la zone atlantique adjacente ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres concernant le statut fiscal et douanier des établissements culturels et d'enseignement complétant l'accord de coopération culturelle, scientifique et technique entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne ;

_ Projet autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relative aux lycées franco-allemands et au baccalauréat franco-allemand (ensemble une annexe) ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République islamique d'Iran sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique fédérale d'Ethiopie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

à 21 heures 30 :

_ Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

_ Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur le projet complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

_ Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.


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