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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 49ème jour de séance, 125ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 15 JANVIER 2004

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

      DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX (suite) 2

      ORDRE DU JOUR DU MARDI 20 JANVIER 2004 24

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - L'annonce d'un projet relatif au développement des territoires ruraux avait suscité de multiples espoirs qui ont bientôt fait place au désenchantement.

Comment ne pas relever le caractère hétéroclite des mesures proposées et le flou de leur financement, inquiétant pour les finances locales ? Comment ne pas trouver dommage que les propositions les plus intéressantes soient noyées dans un catalogue de dispositions diverses, dont certaines ont une visée quelque peu clientéliste ?

Néanmoins ce texte a le mérite d'exister. Aussi notre groupe a-t-il cherché à l'amender plutôt que de se limiter à en dénoncer les lacunes.

Nous sommes particulièrement attachés à ce que, concernant les dégrèvements fiscaux, l'autonomie financière des collectivités territoriales soit assurée. Il serait inacceptable que ces mesures pénalisent encore davantage les collectivités les moins favorisées.

S'agissant des ZRR, si la densité de population est un élément à prendre en compte, le seuil de 31 habitants par km2 laisserait de côté nombre de cantons pourtant fragilisés. Il serait opportun de le porter à 40 ou même de s'en tenir à la notion de déprise démographique, sans seuil prédéterminé.

En ce qui concerne les maisons de services publics, je regrette que les préconisations du CNADT d'octobre 2003 n'aient pas été intégrées dans ce texte. L'accent avait été mis sur la nécessité de conduire des démarches partenariales, associant dans une dynamique de développement local les chambres consulaires, les services de l'Etat, de la région, du département. Alors que les maisons de services publics visent simplement à regrouper les services existants, cette approche transversale aurait l'avantage de susciter de nouvelles coopérations. Les « maisons du département » créées ici ou là en démontrent tout l'intérêt ; je puis en attester pour la Haute-Vienne.

Mais si les collectivités territoriales sont prêtes à se mobiliser, elles ne peuvent ni ne veulent se substituer à l'Etat. Or la grande entreprise de mise à mal du service public est engagée, notamment en zone rurale : fermetures de sections et de filières dans les établissements scolaires, restructurations postales, regroupement des trésoreries... Comment accorder crédit à votre texte, Monsieur le ministre, et penser qu'il pourra réellement contribuer à réduire les déséquilibres territoriaux, alors que ces derniers mois ont été marqués par le réduction drastique du FNDAE, la baisse de la participation de l'Etat au budget des PNR, la tendance à la réduction du produit de la DGF pour les communautés de communes rurales et la remise en cause d'infrastructures ferroviaires et routières ?

Il nous a donc fallu beaucoup de bonne volonté pour nous investir sur ce texte et pour ne pas y voir une loi de circonstance, manifestant un intérêt conjoncturel pour la ruralité à la veille des élections locales... En proposant, avant même l'adoption de ce projet, une loi de modernisation agricole pour 2004, le Gouvernement n'a-t-il pas conforté le sentiment que ce texte manquait de substance ? Oui, notre déception est à la mesure des espoirs que vous aviez fait naître, Monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean Lassalle - J'aborde ce débat avec humilité car il s'agit d'une matière difficile à laquelle j'attache beaucoup d'importance, mais sur laquelle, les uns et les autres, nous n'avons pas particulièrement brillé au cours des vingt dernières années. Nous devons faire preuve de beaucoup de détermination, mais ne pas trop nous jeter d'anathèmes : si c'était facile, les problèmes auraient été réglés.

Je ne partage pas tout à fait l'optimisme du diagnostic de certains collègues, qui se sont appuyés notamment sur les études conduites par la DATAR. Mais je sais, Monsieur le ministre de l'agriculture, tout le travail que vous avez consacré à la préparation de ce texte avec les autres ministres concernés. Vous avez une équipe formidable de chargés de mission, qui se mettent vraiment au service des élus. Ce n'est pas tout à fait le cas pour tous vos collègues.

La France, troisième pays d'Europe par son territoire, est un vieux pays de traditions. La campagne y a toujours joué un rôle incomparable ; si elle est devenue la patrie des droits de l'homme, c'est peut-être parce qu'il y a eu tout au long de l'histoire ce balancement entre les hommes des villes et ceux des champs, cette compréhension mutuelle et cette intelligence communautaire. Ne cherche-t-on pas aujourd'hui à se rassurer en créant de nouveaux zonages ? Moi, où que j'aille, je retrouve le même sentiment d'injustice, d'abandon, d'impuissance. Dans les « campagnes des villes », on me parle de la très difficile maîtrise du foncier ; dans les « nouvelles campagnes », on me parle de l'agglutinement de gens venus d'horizons très divers, qui ont quelque difficulté à trouver une trajectoire commune ; dans les « campagnes isolées », c'est un sentiment de désolation qui prévaut.

Ce qui manque à ce projet, c'est un esprit résolument nouveau, un souffle, une espérance. Il faut arriver à assigner à nos campagnes une nouvelle mission historique, comme celle qu'on leur assigna au lendemain de la guerre, en leur demandant de nourrir le pays et de préparer l'Europe.

Il faut, d'abord, se mettre au clair vis-à-vis de l'Europe. Il me semble, Monsieur le ministre, que bien souvent vous êtes entravé dans votre désir de réformer, d'adapter les textes, parce qu'on n'a pas bien défini le partenariat entre la France et l'Europe.

Beaucoup d'agriculteurs se demandent quel va être leur avenir. Ils voient leur nombre diminuer sans cesse ; ils sont 680 000, nous avez-vous dit, mais ils sont beaucoup moins à ne vivre que de l'agriculture. Et combien en restera-t-il dans dix ans ? Beaucoup moins encore.

Quant à l'Etat, sans être de ceux qui croient à l'Etat-providence, je crois en l'Etat qui a façonné notre pays. L'Etat a un rôle d'équilibre et de partage de chances sur l'ensemble du territoire. Il y a bien sûr les régions et les départements, mais j'avoue être quelque peu méfiant à cet égard : les capitales régionales notamment sont souvent portées à reproduire les schémas et clichés parisiens. Il nous faut donc commencer par définir l'Europe et la République que nous voulons pour définir le rôle que nous assignons à nos campagnes.

Quand ce sera fait, il s'agira de remettre ces territoires à la mode, de leur offrir une nouvelle perspective historique. Il faut reconstruire la France. Il faut convaincre nos jeunes concitoyens que, dans ces territoires aujourd'hui passablement abandonnés, peuvent se nouer de formidables aventures - pour peu que l'état d'esprit change.

Comme l'ont dit avec talent mes collègues, ces campagnes isolées se meurent. Tout ferme, tout s'en va. Cela sent le vieux, le deuil ! On nous rassurera, bien sûr : « Cela ira mieux... » Mais je ne pense pas qu'on puisse redresser ce pays sans décréter une ambition nationale. Il y va plus que de l'avenir de notre société : de l'avenir de notre civilisation.

Notre groupe présentera des amendements pour demander des mesures fiscales en faveur des entreprises et des particuliers. Nous attendons aussi une annonce forte, s'agissant des services publics. Dans ce domaine, cela fait quinze ans que nous ne sommes pas « bons ». Qu'avons-nous laissé privatiser des groupes dont on savait qu'on aurait besoin pour maintenir l'équilibre des territoires et pour préserver l'égalité des chances ? Désormais, il faudra, non que tout soit maintenu, mais que tout soit discuté. Enfin, nous souhaitons une majoration des dotations aux collectivités rurales en difficulté, notamment du fait de la disparition de ces services qui accroît leurs charges.

Des objectifs définis et du sort réservé à nos amendements dépendra notre vote final (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. André Chassaigne - Pour enchaîner aussi harmonieusement que possible, je commencerai par une citation. « Je ne peux plus supporter le double langage de ceux qui expliquent qu'ils veulent redonner vie à nos campagnes et qui, dans le même temps, les laissent étouffer en silence, à mesure que sont démantelés les services publics qui furent la clé de voûte de notre cohésion nationale et la garantie de l'égalité des chances pour nos territoires. » Il ne s'agit pas d'un extrait de ma question préalable, mais d'un passage d'une lettre envoyée par M. Lassalle au Garde des sceaux, le 10 septembre dernier ! (Exclamations diverses) Et notre collègue, visiblement, est resté fidèle à sa position (« Très bien » sur les bancs du groupe socialiste).

La pauvreté de ce projet est le résultat d'une approche par trop réductrice. Vous vous êtes contenté, Monsieur le Ministre, de corriger des dispositions législatives que vous jugiez inadaptées ou handicapantes pour le monde rural, mais vous n'avez pas essayé de concevoir un projet politique abouti. Vous ne vous êtes pas appuyé sur les dynamiques de développement local, portées un peu partout par la population, par les associations, par les élus et par les collectivités. Or, seule une analyse de toutes ces expériences aurait permis de dessiner les contours d'un vrai projet de développement.

Il est vrai qu'une telle démarche ne pouvait que heurter les principes qui guident ce gouvernement : elle supposait d'écouter, de consulter, d'associer la population civile à l'élaboration de la loi !

C'est en revanche celle que j'ai adoptée, à mon humble niveau. Dans ma circonscription, j'ai installé il y a un an un conseil chargé d'étudier le problème du développement rural. Une centaine de citoyens y ont réfléchi, au sein d'ateliers thématiques, à un projet politique alternatif : ce sont leurs idées que j'ai reprises dans une trentaine d'amendements.

En bons libéraux, vous ne parvenez à concevoir le développement que comme le fruit d'initiatives individuelles et la juxtaposition de revendications corporatistes. Votre politique se limite par conséquent à encourager ces initiatives individuelles, notamment par des dispositions fiscales. Malheureusement, cette logique fonctionne encore moins à la campagne qu'en ville : les zones rurales sont dominées et les richesses qui y sont créées sont accaparées par les banques et par les industries agroalimentaires. Ainsi, en Auvergne, il y a trois ans, l'excédent des dépôts bancaires sur les crédits bancaires s'élevait à huit milliards d'euros. Autrement dit, les apports financiers des Auvergnats intègrent massivement les circuits bancaires au service des marchés financiers, au lieu de nourrir le développement endogène de la région.

M. Antoine Herth - C'est une vieille histoire ! C'est ainsi qu'on a construit Paris.

M. André Chassaigne - Cette fuite de l'épargne ne peut qu'aggraver le sous-développement et les excès spéculatifs. Imaginons un instant que cet argent soit, à l'inverse, mobilisé pour l'emploi, la formation, les salaires, les collectivités territoriales...

M. Jean Dionis du Séjour - Mais il faut d'abord créer cette richesse !

M. André Chassaigne - Les industries présentes en zone rurale sont essentiellement des industries de main d'_uvre, dites à faible valeur ajoutée, non parce que leur travail est peu rentable, mais parce que le produit de ce travail est acheté à faible prix, soit par les maisons mères de ces entreprises, soit par leurs donneurs d'ordres : la valeur ajoutée ainsi créée est aussitôt accaparée par les grands centres de pouvoir cependant que les travailleurs ne font que survivre avec des salaires de misère.

Ces stratégies entraînent bien évidemment un appauvrissement des territoires. A force de sous-payer et de privilégier l'emploi sous-qualifié, le plus exposé à la concurrence internationale, on réduit toujours davantage le nombre des actifs qualifiés.

Les données sont identiques dans le secteur agricole. Le produit du travail des agriculteurs, en l'absence de prix rémunérateurs, est bien souvent acheté à des prix terriblement bas, par les centrales d'achat ou par des coopératives locales incapables de résister aux prétentions des grands groupes de l'agroalimentaire et de la grande distribution. Là encore, la valeur ajoutée ne profite qu'à ces groupes et à leurs actionnaires.

L'exploitation du travail agricole est confortée par les orientations de la politique agricole commune qui, à force d'encourager la baisse des prix, a réussi à socialiser l'agriculteur pour l'enferrer dans une logique productiviste.

A cela il faut répondre par la création de structures économiques permettant de maintenir dans nos territoires la valeur ajoutée qui y est créée, afin d'enclencher une dynamique de développement durable. Aussi l'Etat et le législateur ont-ils le devoir de soutenir les initiatives territoriales.

Les collectivités publiques en ont la possibilité, par les pouvoirs dont elles disposent. Beaucoup s'y sont essayées en recrutant de façon précaire des agents de développement. Au moment où des emplois sont menacés de disparition, elles attendent que l'Etat prenne acte de l'utilité de ces agents et reconnaisse ces métiers. L'animation territoriale est en effet un préalable au développement local.

Le vieillissement des artisans, agriculteurs et commerçants est en outre un des problème auxquels les zones rurales sont confrontées. Il est une conséquence en même temps qu'une source de la faible attractivité de ces territoires. Dans ces conditions, il est évident qu'aucun développement économique ne sera possible sans un renouvellement de ces actifs. Or votre projet n'aborde quasiment pas la question.

Quant à l'agriculture, elle appelle une politique d'installation autrement plus ambitieuse que l'actuelle. Est-il normal que près d'un agriculteur sur deux ne reçoive de l'Etat aucune aide financière à l'installation ? Tous ces agriculteurs, dits hors cadre ou hors normes, restent trop souvent considérés comme des agriculteurs de seconde zone. Il serait temps que la mentalité de l'Etat évolue !

A l'artisanat se posent la question de la formation des jeunes et celle de leur installation. Là non plus, des démarches individuelles ne suffiront pas, il faut des structures collectives de soutien financier et technique. Ne pourrait-on par exemple favoriser une multiplication des coopératives d'activités et d'emplois, qui ont fait leurs preuves ?

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Voilà !

M. André Chassaigne - Tout le démontre : les initiatives individuelles qui ne bénéficieraient pas de forts soutiens publics ou privés sont voués à l'échec. Le développement ne viendra que de démarches collectives. La construction volontariste de solidarités nouvelles est le préalable à toute dynamique économique et sociale.

C'est pourquoi il est vital de développer la vie démocratique locale. Du débat et de la confrontation d'idées pourront émerger des idées d'avenir. Il s'agit donc de conforter les lieux de débat existants en étudiant par exemple les modes de scrutin proportionnels à l'élection des communes, des délégués des chambres d'agriculture ou des administrateurs de la MSA.

Nous ne répéterons jamais assez qu'il s'agit aussi de mobiliser les ressources permettant de financer ce développement économique. Or, à force de campagnes boursières, le crédit agricole n'est plus le pôle public de financement de l'économie rurale. Ne serait-il pas souhaitable de revenir sur cette évolution de la banque mutualiste ?

Il faut également renforcer les modes de gestion collectifs des biens économiques en zone rurale ; la constitution de sociétés coopératives devrait ainsi être encouragée et les coopératives agricoles, quelles que soient leurs dimensions, devraient pouvoir être directement contrôlées par les associés coopérateurs, pour éviter qu'elles finissent par s'apparenter à des sociétés anonymes de droit commun.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Très bien !

M. André Chassaigne - Il faut enfin créer dans nos communes de nouveaux espaces de démocratie directe où traiter des questions telles que celle des services de proximité.

Evidemment, un tel projet pour le monde rural requiert, pour réussir, le ferme soutien des représentants de la nation. Le législateur doit donc autoriser certaines évolutions juridiques. J'espère que les amendements que j'ai déposés dans cette optique recevront le soutien de cette assemblée, à défaut d'avoir reçu celui de la commission.

M. Kléber Mesquida - Le nôtre vous est acquis !

M. André Chassaigne - Merci, cher camarade !

L'Etat doit, pour sa part, assumer totalement ses responsabilités, en donnant à la France rurale les mêmes chances de développement qu'à la France urbaine. Nous revendiquons surtout l'égalité des droits, et donc l'accès aux services publics pour tous les citoyens. Aussi longtemps que l'Etat laissera nos territoires se vider de leurs services de proximité, aucun projet de développement du monde rural ne sera viable : sans écoles, sans bureaux de poste ou cabinets médicaux, sans connexion aux réseaux de communication ni d'accès à la culture, nos territoires n'ont aucune chance de sortir de la spirale du sous-développement. C'est pourquoi l'absence de dispositions à ce sujet dans ce projet est extrêmement préoccupante.

La Constitution ne nous octroie pas le droit de solliciter de l'Etat un quelconque soutien budgétaire pour la France rurale. C'est pourquoi plusieurs de mes amendements relatifs à l'aide aux artisans et commerçants installés en zone rurale ou à l'installation progressive en agriculture ne pourront pas être discutés, conformément à l'antidémocratique article 40. Je conclurai donc en demandant que le vote de ce projet destiné au développement des territoires ruraux puisse aussi marquer la solidarité de la nation à l'égard de ses territoires.

Comment résister, pour finir, à citer Alexandre Vialatte ? « Le huitième jour, Dieu créa l'Auvergnat. Avec les restes. En ramassant les miettes, il lui montra les riches plaines de la terre, la vallée du Mississipi, la plaine Saint-Denis, la molle vallée du Gange.

" Seigneur, dit l'Auvergnat guidé par son instinct, si vous le permettez, je prends le Puy-de-Dôme.

- Personne n'en veut, dit Jéhovah.

- Précisément, dit l'Auvergnat, il ne faut pas la laisser perdre.

- Mais les volcans ne sont pas éteints, dit le Seigneur.

- J'attendrai donc, dit l'Auvergnat, qu'ils refroidissent".

Et il s'assit dans l'antichambre en comprimant son parapluie contre son c_ur. Il sentait bien qu'il n'y avait que lui pour faire manger les volcans à ses chèvres. Il attendait l'eau minérale. Il s'apprêtait à lancer Chaudes-Aigues, et même Deauville. Il se demandait combien consigner le quart de Vichy » (Sourires sur tous les bancs).

Monsieur le ministre, je vous le demande : ne faites pas la politique des territoires ruraux avec les restes, en ramassant les miettes (Sourires et nombreux applaudissements).

M. Jean-Pierre Decool - Trop souvent relégué au rang de simple conservatoire du patrimoine naturel et d'espace de loisirs, le monde rural éprouve un sentiment d'abandon car, depuis une vingtaine d'années, les interventions en sa faveur ont été réduites au strict minimum.

La diversité des mesures proposées reflète la diversité de la France rurale d'aujourd'hui, qui comprend des zones périurbaines, des campagnes isolées et des « nouvelles campagnes ». Dans chacune de ces zones, un dialogue doit s'instaurer entre ruraux, « néo-ruraux » et agriculteurs afin de concilier les intérêts de tous et permettre une meilleure mise en valeur des territoires.

Vivre dans le monde rural pose de nombreux problèmes, qu'il s'agisse des relations avec les administrations, de l'accès au logement, de l'offre de soins, de la spéculation foncière ou des handicaps que connaissent certains espaces naturels... Ce projet a l'ambition d'apporter des réponses à ces problèmes. Je me réjouis du constat dressé et des solutions proposées. S'agissant du volet agricole, de bonnes mesures ont été prises afin, d'une part de faciliter la vie des exploitations agricoles par des mesures de simplification et, d'autre part, d'inciter les agriculteurs aux pratiques communes d'exploitation. En outre, des outils de maîtrise foncière sont proposés pour freiner la spéculation dans les zones périurbaines.

Certes, ces mesures doivent être complétées et précisées. Vous avez annoncé, Monsieur le ministre, un projet de loi de modernisation agricole, si bien que, lors des travaux en commission, de nombreux amendements ont été rejetés ou retirés au motif que ces dispositions seraient abordées lors de la discussion de ce nouveau texte. Mais quand cette discussion aura-t-elle lieu ? Et scinder les dispositions relatives au développement rural ne risque-t-il pas de nuire à leur lisibilité ?

Le deuxième volet important est la promotion de l'attractivité économique des territoires ruraux par la modernisation juridique du dispositif des zones de revitalisation rurale, en tenant compte du dernier recensement. Ce renouveau du zonage rural a fait l'objet de nombreux débats car, ainsi que le note notre rapporteur, les dispositions fiscales correspondantes sont absentes tant du projet que de la loi de finances pour 2004 et de la loi de finances rectificative pour 2003. Je souhaite que les propositions du Gouvernement permettent d'assurer le développement économique et social des zones rurales les plus délaissées.

Le développement économique des territoires ruraux suppose aussi de promouvoir la création et la reprise d'entreprises, en simplifiant les démarches. Le rôle des collectivités locales doit être encouragé. Prenant acte du développement du tourisme rural et de la multiplication des activités des agriculteurs et de leurs conjoints, le projet encourage la pluriactivité, notamment en permettant le cumul d'un emploi public et privé, marquant ainsi que la pluriactivité est l'avenir de nos agriculteurs et que le tourisme vert doit être encouragé.

Favoriser l'emploi dans les territoires ruraux est une priorité. Il fallait donc promouvoir les groupements d'employeurs. Il en existe aujourd'hui quelque 3 500, qui emploient environ 12 000 salariés dans l'agriculture. On se félicitera que le projet permette la création de tels groupements pour le remplacement des chefs d'exploitation en cas de maladie ou d'accident. Je présenterai des amendements visant à améliorer leur fonctionnement.

Le troisième point fondamental tient aux services aux personnes. J'insiste sur le fait que la disparition des commerces accentue la désertification de nos campagnes. A cet égard, j'appelle également votre attention sur l'indispensable présence postale territoriale : il est vital pour nos villages que les bureaux de poste soient maintenus.

Je rappelle par ailleurs que la loi de juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat a soumis à autorisation préalable la création de tout magasin d'une surface de vente de plus de 300 m2. En 1996, les magasins de « hard discount », qui avaient une surface moyenne supérieure à 300 m2, étaient soumis à cette législation. Mais des communes de plus en plus nombreuses voient s'implanter de ces commerces dont la surface est de 299 m2, et qui sont donc exemptés de l'obligation d'autorisation administrative. Cette multiplication tue le petit commerce. Je présenterai un amendement destiné à abaisser le seuil d'autorisation à 200 m2. Mais je souhaite surtout qu'un débat soit engagé sur l'urbanisme commercial dans les zones rurales ou périurbaines.

En matière de service public, le projet adapte le régime juridique des maisons de service public afin de permettre l'accueil des services privés dans le respect des règles de la concurrence et d'envisager l'exécution d'un service public par une personne dont l'activité ne relève pas d'une mission de service public.

Il importe de faciliter l'installation des professionnels de santé dans nos communes rurales et je me félicite des dispositions prises en faveur des étudiants et futurs médecins. En ce qui concerne l'école, à chaque rentrée nous avons les mêmes problèmes de fermeture de classes, de scolarisation des enfants de deux ans et de carence de garde. Je souhaite que l'on trouve des solutions dès la rentrée 2004.

S'agissant de la protection des espaces naturels spécifiques, des incitations fiscales faciliteront la restructuration et la gestion durable des forêts privées, les pratiques pastorales sont encouragées et des dispositions spécifiques bénéficient aux zones de montagne. Je me réjouis également de la meilleure prise en compte des zones humides. Ces 1,7 million d'hectares ont un rôle écologique, paysager et biologique reconnu. Il est encourageant que la loi organise leur protection et leur valorisation. J'insiste sur la concertation avec l'ensemble des utilisateurs du territoire pour identifier ces zones.

Enfin ce projet contient des dispositions sur la chasse. Elle a soulevé de nombreuses suspicions. Mais les chasseurs sont des utilisateurs du territoire, participent à la maîtrise de la faune et au maintien des habitats naturels, ainsi qu'à l'économie locale. La chasse est un élément du développement durable. Elle a donc sa place dans ce texte.

Le groupe UMP soutiendra l'ensemble de ces dispositifs pragmatiques et innovants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Perez - Ce texte se résume à des effets d'annonce et ne prend en compte aucun des véritables problèmes des ruraux. Texte de circonstance, hétéroclite, il oublie complètement les aspects sociaux et fiscaux. Quelles mesures, quels moyens vont permettre de mettre en _uvre une politique de revitalisation des territoires ruraux digne de ce nom ? Vous avez déclaré en commission que « ce projet ne coûtera rien à l'Etat » . Faut-il en être fier ? Il n'aura aucun impact, faute de moyens et faute de volonté.

S'il fait l'unanimité, c'est contre lui et si vous avez réussi un tour de force, c'est de réunir les ruraux et leurs élus - y compris de la majorité - dans le mécontentement et la déception.

Aux agriculteurs, vous promettez tout lors de la future loi d'orientation agricole. Mais les viticulteurs de l'Aude n'attendront pas jusque là pour savoir comment vous comptez vous opposer au projet de taxe sur les alcools qui va les mettre un peu plus en difficulté. Pour les professions de santé, on nous annonce un texte, de même que pour la Poste. Les enjeux sont donc reportés à demain. Dès lors, à quoi sert ce texte ?

Après la loi de décentralisation, il va porter un nouveau coup aux collectivités locales. On atteint la farce quand vous leur dites : « vous avez des droits nouveaux, mais il vous faudra les payer » !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Exactement.

M. Jean-Claude Perez - Pour la solidarité, on pouvait faire mieux. Or, cette solidarité, le monde rural en a besoin. Ce texte la bafoue. Mais ce faisant, la majorité est dans la droite ligne de l'action qu'elle a engagée depuis juin 2002.

Nous attendions une véritable prospective ; il n'y en a aucune. Nous attendions des moyens de préserver les services publics, les bureaux de poste, les écoles ; c'est le néant, et l'ouverture au privé.

Vous créez la désillusion, vous ne répondez pas aux attentes des ruraux et laissez perdurer leur malaise. Une fois encore, ils auront l'impression d'être des citoyens de seconde zone (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Dionis du Séjour - « Vous avez 15 jours pour quitter Paris ». Tel est le slogan de la campagne de publicité lancée par le Lot-et-Garonne. C'est dire si nous sommes fiers de la qualité de la vie dans notre département. Terre rurale, qui compte trois fois plus d'actifs agricoles que la moyenne, il attendait ce texte, depuis au moins huit ans. En effet, la loi Pasqua, instituant les zones de revitalisation rurale, prévoyait un texte d'application spécifique pour les zones rurales en difficulté. Il n'est jamais venu.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Hélas.

M. Jean Dionis du Séjour - Ce projet permet de relancer la politique de revitalisation rurale tombée en déshérence alors que la politique de redynamisation urbaine a connu un essor remarquable.

Avec mes collègues Diefenbacher et Merly, nous avons auditionné la plupart des acteurs du monde rural du Lot-et-Garonne. Merci de nous permettre aujourd'hui de construire une nouvelle politique rurale, merci de l'avoir imposé, dans le grand mouvement de réforme en cours.

Vous avez un vrai crédit dans le monde paysan, Monsieur le ministre, mais l'honnêteté m'oblige à rendre compte du scepticisme quant à savoir si ce texte est à la hauteur des enjeux. Dans le Lot-et-Garonne, le malaise est profond et ancien. En 1992, l'adoption de la PAC provoqua dans ce département et dans le Gers de véritables jacqueries. La même année, le département rejetait massivement le traité de Maastricht. En 2002, le Front national a recueilli 25 % des voix dans la partie rurale de ma circonscription, de tradition modérée et radicale-socialiste. C'est un signal clair de la désespérance.

Cependant, il y a désormais deux campagnes. Jusqu'à 30 kilomètres autour d'Agen, s'est installée une vaste rurbanité. Jamais les villages n'ont eu autant d'enfants, jamais on n'y a déposé autant de permis de construire. S'il y a bien quelques conflits entre le coq qui chante et le voisin qui dort, s'il y a besoin d'équipements et de services - l'heure de vérité viendra avec le projet de loi sur les responsabilités locales à propos de la péréquation financière - cette France-là a de nouveau le sourire et foi en l'avenir.

M. Léonce Deprez - Très bien.

M. Jean Dionis du Séjour - Mais une autre campagne souffre. Vous parlez de 800 cantons. J'ai au c_ur les villages du Sud-Albret et du Mézinais. Moins d'habitants, moins d'emplois, le départ de l'école, de la Poste, des commerces, des habitants en colère, des élus qui se sentent impuissants. C'est cette France-là qu'il faut aider.

Quelles sont les questions clés pour le développement rural ? A l'UDF, nous en voyons trois.

D'abord, quelle vocation envisager pour nos agriculteurs ? Il n'est pas de campagne vivante sans paysans. Et ils attendent d'abord la traduction nationale de l'accord de Luxembourg. Dans mon département, 70 jeunes s'installent désormais chaque année, contre 400 autrefois. C'est dire l'ampleur du malaise. Nous n'en parlerons qu'à la fin de l'année avec la loi de programmation agricole. Le groupe UDF aurait préféré un texte unique.

Ensuite, quels sont les ruraux qui souffrent ? Il ne faut pas avoir peur d'ouvrir le débat sur une redéfinition des ZRR et les moyens que nous leur accordons. Aurons-nous le courage de ne plus saupoudrer les crédits mais de les concentrer sur les territoires les plus fragiles ? Irons-nous jusqu'à créer des zones franches rurales ? Je sais que vous n'y êtes guère favorable, mais nous sommes nombreux à l'UMP et à l'UDF à le réclamer. Certes nous allons ouvrir le débat fiscal prochainement, et il faudra bien aborder la question de la péréquation. Mais acceptez que nous vous fassions des propositions dès maintenant, car le projet relatif aux responsabilités locales n'aborde pas ce sujet.

Troisième question : quels services publics pour cette ruralité qui souffre ? Le texte apporte des réponses intéressantes, notamment pour les médecins. Mais il faut une politique d'ensemble des services publics. Les ruraux ne sont pas des citoyens un peu dépassés, qu'il faudrait accompagner psychologiquement... Ils peuvent entendre des discours de vérité - mais pas celui de la marche arrière sur tous les dossiers ! Ils peuvent accepter une réorganisation de la poste, si la qualité de la desserte est maintenue, et si internet et la téléphonie mobile apportent d'autres solutions. Ils peuvent accepter la réorganisation de la gendarmerie, si elle arrive vite quand ils en ont besoin. Oui au mouvement ! Mais pas celui du déclin ! Oui à une nouvelle modernité rurale.

Nous regrettons donc qu'on n'ait pas prévu de débattre dès aujourd'hui de ces questions centrales, et nous utiliserons notre droit d'amendement pour les défricher. Nous travaillerons avec le Gouvernement sur les textes relatifs aux responsabilités locales et à la programmation agricole, lorsqu'ils arriveront. Mais nos concitoyens ruraux ne comprendraient pas que nous ne commencions pas ce travail dès aujourd'hui.

Est-ce à dire que ce projet est sans enjeu et inutile ? Non. Il traite de problèmes réels, apporte des réponses techniques, mais utiles. Je participerai moi-même à ce travail par des amendements bien ciblés : merci, Monsieur le ministre, de m'encourager dans mes débuts de législateur impressionniste.. (Sourires)

M. François Brottes - Pointilliste, parfois !

M. André Chassaigne - Mais pas surréaliste !

M. Jean Dionis du Séjour - L'échec ou la réussite de ce texte vont se jouer au Parlement. Si nous avons l'audace de le bonifier tous ensemble, il sera utile ; sinon ce sera un échec, perçu dans nos campagnes comme un abandon supplémentaire. Il nous appartient donc de l'amender, comme le groupe UDF a commencé à le faire en commission - je salue d'ailleurs le climat qui règne dans cette commission. Jean Lassalle a indiqué ce que notre groupe considère comme prioritaire pour l'intérêt général des territoires ruraux : une vraie relance volontariste des ZRR avec la création de zones franches rurales, un redéploiement moderne des services publics en milieu rural, et la nécessité d'aller jusqu'au bout de notre démarche de confiance envers les chasseurs - les amendements de MM. de Courson et Demilly permettront notamment d'achever la réforme de l'ONCFS.

De l'audace, Monsieur le ministre, de l'audace pour nos campagnes !

M. Yves Cochet - C'est dantonesque !

M. Jean Dionis du Séjour - Elles sont un atout potentiel énorme pour notre nation. Ce serait un comble que seuls les touristes anglais et néerlandais le comprennent ! Je ne peux imaginer que nous échouions dans une tâche aussi importante (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Yves Cochet - Eh ! bien, parlons tout d'abord de la chasse ! En neuf mois seulement, le tableau de chasse du Gouvernement est lourd : arrêtés d'ouverture de la chasse suspendus au mois d'août, arrêtés de fermeture annulés en décembre, signature de deux arrêtés de dérogation en septembre...

Quelques députés UMP - Très bien !

M. Yves Cochet - Non, pas « très bien » : le Conseil d'Etat vous désavoue. Par ailleurs, il est désespérant de constater que, lorsqu'on parle de chasse, les principaux sujets abordés sont les dates, les heures et les modes de chasse. Si la nature se meurt, comme le montre l'augmentation de notre empreinte écologique française depuis vingt ans, tous nos discours sont inutiles. En un mot, Monsieur le ministre, il faut cesser d'écouter quelques extrémistes, qui se fichent d'ailleurs de la nature et de la chasse, et utilisent celle-ci à des fins électorales. Il faut dépolitiser la chasse, et écouter les chasseurs raisonnables - il y en a beaucoup, y compris la plupart des associations nationales de chasse, notamment les spécialisées.

Deuxième point : vous avez choisi de confier aux collectivités certaines responsabilités, sans accompagner ces transferts de compétences des moyens budgétaires adéquats. Cela risque d'entraîner un alourdissement de la fiscalité locale. Les mesures d'amélioration de l'accès aux services ne compensent pas le démantèlement à venir des services publics en zone rurale : suppression des bureaux de poste, fermetures de classes, abandons de lignes de chemins de fer, etc. Et l'on ne peut éviter de se demander si, derrière la modification du régime juridique des maisons de services publics, ne se dessine pas une privation sournoise des services publics en milieu rural. Votre texte donne l'impression que le Gouvernement reprend d'une main ce qu'il donne de l'autre, et excelle surtout dans l'art de la sémantique ambiguë.

Je reviens à la nature. Nous devons agir pour que les milieux naturels soient protégés. C'est votre mission, Monsieur le ministre, avec la ministre de l'écologie. J'en prendrai quelques exemples. Tout d'abord, nous avons le devoir de protéger les espaces naturels contre l'essor des sports motorisés. J'ai déposé trois amendements en ce sens. Vous devez modifier la loi du 3 janvier 1991 et interdire la circulation des véhicules en dehors des voies normales. Il est scandaleux de voir à la télévision des « 4 X 4 » dans des milieux naturels. Il ne l'est pas moins de voir le Paris-Dakar, il y a mois d'un mois, traverser une zone protégée.

Deuxième exemple : les zones humides. Je me félicite de voir adopté l'amendement - un sur trente que j'ai déposés...- qui prévoit un programme d'action en zone humide afin de préserver ces zones. Mais bien sûr, il faut aller plus loin. Par exemple il est intéressant d'étendre les attributions du Conservatoire du littoral aux zones humides et départements littoraux - et même, dans certains cas, aux départements limitrophes. Mais pour cela il faut des moyens. Or le budget du ministère de l'écologie est à nouveau en régression cette année : 860 millions d'euros prévus pour 2004, dont seulement 93 millions pour les parcs nationaux et régionaux, Natura 2000 et le Conservatoire du littoral... Que voulez-vous faire avec si peu de moyens ?

Il serait opportun de créer un Conservatoire national des zones humides, qui intègrerait l'observatoire national des zones humides, et travaillerait en concertation avec le Conservatoire du littoral. Regardez comment croît notre empreinte écologique.

Troisième et dernier point : la maîtrise de l'urbanisation dans les espaces périurbains. L'expansion des villes s'est faite de façon plus ou moins anarchique, au détriment des espaces agricoles et naturels situés à leurs portes. Ce processus de périurbanisation a lieu autour de la plupart de nos villes et se traduit par une banalisation des paysages ruraux, une destruction des ressources naturelles, une disparition des exploitations agricoles les plus fragiles ; sont notamment touchées certaines activités traditionnelles comme le maraîchage et l'arboriculture fruitière.

Je veux évoquer enfin un incident concernant la chasse et survenu ce matin dans la forêt de Saint-Leu, à vingt kilomètres d'ici. Des chasseurs ont repoussé, l'arme à la main, des jeunes qui faisaient du jogging...

Nous nous opposons à votre projet, qui ignore le développement durable, malgré les cartes de v_ux de Mme Saïfi (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

Mme la Présidente - Je pense qu'il ne s'agissait pas de vrais chasseurs, car ils ne se seraient jamais permis de repousser des jeunes de cette façon (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Antoine Herth - Vous êtes chargé par le Gouvernement, Monsieur le ministre, de coordonner les travaux sur ce projet. Vous le ferez, je le crois, avec le souci de maintenir la cohérence globale du texte, tout en permettant aux parlementaires de l'améliorer et de le rapprocher des préoccupations du terrain. Ce projet répond à une véritable attente, et je vous en remercie. En le déposant, le Gouvernement a vu juste. En travaillant comme elle l'a fait, de façon constructive, la commission, menée en connaisseur par le président Ollier, a permis à toutes les sensibilités de s'exprimer.

Parler de la ruralité, c'est se pencher sur le puzzle de la diversité française. Ce qui est vrai ici ne l'est pas forcément là. Les rapporteurs ont fait un travail considérable d'écoute et de reformulation, dont je les remercie. Nos travaux en commission ont fait apparaître un foisonnement d'idées. Nos demandes, non satisfaites parfois, nourriront nos travaux ultérieurs. Ainsi le souhait d'une législation adaptée aux particularités de chaque territoire nous renvoie à la loi sur les responsabilités locales. De même la future loi sur l'eau devra permettre de répondre à ceux qui souhaitent renforcer les outils publics de préservation des ressources naturelles. Enfin la place et le rôle de l'activité agricole en milieu rural mérite une réflexion approfondie, qui va au-là du présent texte. Trop de paramètres restent incertains. Comment et quand sera appliquée la nouvelle PAC ? Quel sera son impact sur le statut des exploitations ? Quelles conséquences en tirer pour la politique des structures ? Comment faire évoluer les outils de pilotage de l'activité agricole ? Quel sera le rôle des établissements de formation agricole ? A quel rythme les pratiques agricoles pourront-elles intégrer les attentes environnementales ? Quel rôle pour les industries agro-alimentaires, et pour les coopératives agricoles ? Quelles conséquences enfin tirer de la nouvelle PAC pour les politiques d'installation ?

A ces questions, nous devrons répondre avant de bouleverser - si c'est nécessaire - les règles du jeu fixées au début des années soixante.

Je suis surpris par les virulentes critiques adressées aux SAFER, aux ADASEA, et dans une moindre mesure aux chambres d'agriculture. Leur travail n'est certes pas parfait, mais est-ce la faute des structures ? Leurs dirigeants ont peut-être une part de responsabilité dans cette imperfection. Et l'attitude du gouvernement précédent, manifestant aux organisations agricoles une méfiance constante (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), ne les a pas encouragées à prendre toujours leurs responsabilités.

Cette loi adresse un double message au monde rural. Tout d'abord, la France n'oublie pas sa ruralité. Ensuite, l'Etat veut donner aux acteurs locaux la possibilité de s'inscrire dans une véritable dynamique de développement.

Ainsi beaucoup de nos amendements s'attachent à clarifier, à simplifier, parfois à décoincer une loi datée ou trop rigide. J'interviendrai sur plusieurs points, notamment les SIVU forestiers, pour faciliter la vie des élus et des habitants. Je forme le v_u que le Gouvernement soit sensible à cet état d'esprit, et accepte autant que possible de suivre l'hémicycle. Ce texte mûrit au fil de nos travaux. Loin de l'indigence que redoutaient les esprits chagrins, nous sommes dans l'opulence ! C'est cela aussi la ruralité : diversité et générosité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Kléber Mesquida - Nous examinons ce projet alors que la fracture territoriale s'aggrave. Certes, l'attractivité des zones rurales est réelle : 250 000 habitants en plus depuis 1990. Il faut s'en réjouir, mais ce regain crée également de nouvelles attentes, notamment en matière de services, qui peuvent susciter des frustrations ou des déceptions.

Le précédent gouvernement avait commencé à répondre à ces nouvelles attentes avec par exemple la loi sur l'orientation agricole et les CTE, mais ces textes étaient insuffisants. Un projet pour les territoires ruraux était impatiemment attendu.

Depuis près d'un an, les acteurs du monde rural réfléchissent et proposent des solutions alternatives à la désertification. Nous avons ainsi déposé des propositions de loi sur la politique en faveur de la montagne, sur l'égalité des chances et l'harmonisation des dotations à l'intercommunalité rurale ou l'obligation de services pour la téléphonie mobile et le haut débit.

Vous-même, Monsieur le ministre, n'avez pas annoncé moins de 11 groupes de travail sur des thématiques larges comme la pluriactivité, les groupements d'employeurs ou l'agriculture de groupe. Or, si nul ne doute de votre volonté, quels moyens supplémentaires proposez-vous ? Au-delà des déclarations d'intention, nous devons agir. C'est d'ailleurs le sens des nombreux amendements que nous défendrons, sur la pérennité des aides en ZRR, le renforcement du rôle des SAFER ou le maintien des services publics. Or, votre Gouvernement accentue le désengagement de l'Etat dans les services publics, dont la disparition est programmée. Selon nous, réaffirmer leur rôle en instituant des obligations légales avant les fermetures, préconiser des études d'impact, se garantir contre l'inégalité tarifaire en matière d'accès aux nouvelles technologies sont autant de garants contre la dérégulation.

Il aurait fallu prendre le temps de débattre de la notion de service public et de ses obligations, mais votre vision libérale s'applique également dans ce texte, dont la rentabilité est le seul principe. Le 1er janvier 2004, 17 perceptions ont été supprimées dans mon département de l'Hérault. Cette décision est inacceptable pour un département qui accueille 1 000 nouveaux arrivants par mois depuis dix ans. Quelle logique comptable a pu justifier une telle décision, prise en dehors de toute concertation avec les élus et la population ?

Oui, il faut une loi qui préserve la cohésion des territoires, mais la volonté législative est un peu comme l'amour : il y faut des preuves. Si nous aimons les territoires ruraux, ce projet ne doit pas être un rendez-vous manqué (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Yves Censi - Avec ce projet, le monde rural est considéré dans son ensemble et dans sa diversité. Comme l'avait promis le Président de la République, la mobilisation en faveur du développement des territoires ruraux est enfin devenue une réalité.

L'élaboration de ce projet est le fruit d'une concertation voulue par Hervé Gaymard. Vous avez su, Monsieur le ministre, refuser le cloisonnement des politiques et vous avez montré votre détermination à traiter les problématiques communes à tous les acteurs de la ruralité. Vous n'avez eu de cesse de les rencontrer. C'est en étant constamment en contact avec eux, je peux en témoigner, que vous avez su comprendre les aspirations des populations et sortir des a priori qui depuis des décennies ont freiné le dynamisme des espaces ruraux que ce projet envisage comme des ressources de dynamisme économique, social et culturel qui ne demandent qu'à être valorisées. N'en déplaise aux chantres du déclin du monde rural, nos territoires ont fait la preuve de leur capacité de rebond, et le Gouvernement montre qu'il est résolu à soutenir les initiatives locales et les projets de terrain.

Je tiens également à rendre hommage à Mme Roselyne Bachelot et à M. Jean-Paul Delevoye.

Si l'aspect législatif est important, la mobilisation de l'ensemble des acteurs, privés comme publics, dans le cadre d'un vaste projet l'est tout autant. Si l'on considère que tout sera réglé par la loi, alors, ce sera un échec. Nous devons considérer ce projet comme un moment fondateur, non comme un aboutissement. Certes, la loi est ambitieuse, mais la démarche politique doit être poursuivie.

Je sais, Monsieur le ministre, combien vous vous êtes personnellement engagé en faveur d'une mobilisation interministérielle. Ce n'est pas chose aisée face à la sectorisation excessive de nos administrations. Là encore, l'intervention de Jean-Paul Delevoye me rend optimiste quant au passage d'un Etat « administrateur » à un Etat « facilitateur ».

Permettez-moi de parler de l'expansion rurale plutôt que de développement rural. Je crois, en effet, qu'après un phénomène de concentration et d'expansion urbaine, le monde rural porte en lui ses propres capacités de développement. Je suis convaincu que leur épanouissement constitue un véritable projet pour la France entière.

Enfin, c'est aujourd'hui que se prépare la politique rurale européenne qui sera mise en _uvre après 2007, dans un contexte totalement nouveau. Si l'on veut que la France affirme sa propre conception de la politique rurale, il faut qu'un modèle « à la française » démontre son efficacité.

Ce n'est qu'à cette condition que la France gardera son leadership. Veut-on se donner les moyens d'être la première force de proposition européenne en matière de politique rurale, ou doit-on se résoudre à subir les choix politiques de nos partenaires ? Bien évidemment, c'est la première proposition qu'il faut choisir et je me félicite qu'après cinq ans d'abandon et de déni...

M. Jean Launay - Tout en finesse...

M. Yves Censi - ...notre Gouvernement, sous l'impulsion de Jean-Pierre Raffarin, ait choisi d'ouvrir un chemin conforme aux aspirations des femmes et des hommes qui vivent dans le monde rural.

Dans le cadre des discussions que nous engageons, l'enjeu n'est rien moins que celui de notre identité nationale.

M. Jean Launay - On en reparlera.

M. Yves Censi - Dans cette perspective, le défi sera de conserver une démarche cohérente en faveur du monde rural, et quel que soit le sujet - logement, transport, politique familiale ou de l'immigration, services publics, politique médicale, sanitaire et sociale - de garder le cap de l'expansion rurale. C'est pourquoi je m'étonne des critiques de l'opposition qui voudrait enfermer la ruralité dans un seul projet de loi. Vous critiquez en effet ce projet en prétendant qu'il doit tout résoudre et tout de suite. Vous savez très bien que ce n'est pas le but. M. Gaymard a parlé de « boîte à outils ». Poursuivre une politique d'expansion rurale consistera à penser la ruralité à chaque fois que nous légiférons. Je vous rappelle l'échec cuisant du vote de la loi SRU...

M. Jean Launay - Ça suffit, les donneurs de leçon !

M. Yves Censi - ...catastrophique pour l'ensemble des ruraux. Les contestations que vous formulez ne sont pas crédibles.

Par ailleurs, exiger tout et tout de suite est dangereux, voire criminel. Ce n'est pas rendre service aux territoires ruraux que de faire croire que le développement peut se décider par décret. C'est méconnaître les problématiques qui sont à l'origine de nos déséquilibres territoriaux.

M. André Chassaigne - C'est surréaliste.

M. Yves Censi - Comme nous, réjouissez-vous d'avoir aujourd'hui ce que vous n'avez jamais obtenu de Lionel Jospin et participez avec nous, en tant qu'élus ruraux, à la poursuite de la politique rurale telle que nos populations la souhaitent.

Nous assistons, aujourd'hui, dans les grandes métropoles, à un phénomène de sur-urbanisation qui annule les bénéfices que nous en attendions en termes de facilité de déplacement, voire de qualité de vie. Cette surconcentration génère des surcoûts, mais aussi des problèmes pour les territoires ruraux, avec des coûts supplémentaires, notamment pour faire face à la pénurie démographique.

Ce projet est bon car il améliore le revenu disponible des acteurs ruraux et va dans le sens d'une meilleure capacité d'organisation, d'une plus grande responsabilisation aussi.

Je vous engage à poursuivre le chemin que le Gouvernement a ouvert aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Joël Giraud - Développer les territoires ruraux, cela veut dire se préoccuper tout à la fois d'emploi, de logement, d'urbanisme, de santé, d'éducation, d'environnement, de culture, de formation professionnelle... Cela suppose aussi de reconnaître leur spécificité, leur droit à la différence comme l'exprimait la loi montagne de 1985.

Au vu des quatre articles du volet montagne, il est difficile de croire que ce projet ait l'ambition de « toiletter » cette loi de 1985 et, au-delà des amendements qui seront discutés, nous souhaitons que le Gouvernement prenne l'engagement ferme d'inscrire à l'ordre du jour du Parlement la proposition de loi de modernisation et de renouvellement de la politique de montagne et de revitalisation rurale, qui a été déposée dans les mêmes termes au Sénat et à l'Assemblée nationale par les principaux groupes politiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - On l'a attendue de votre groupe pendant cinq ans !

M. Joël Giraud - Je n'étais pas député, vous l'étiez ! Maintenant, vous voyez la politique de la montagne du Mont Valérien... (Rires)

Quels sont les problèmes rencontrés par les agriculteurs ? Le prix du foncier agricole flambe. Les jeunes agriculteurs ont des difficultés pour s'installer. Les agriculteurs installés sont parfois menacés par le phénomène de périurbanisation.

Or ce projet n'offre aucun outil satisfaisant pour faciliter l'installation de nouveaux agriculteurs en zone rurale et de montagne et lutter ainsi contre la désertification rurale. Il semble répondre davantage aux attentes des gros exploitants productivistes des plaines.

Les mesures sur la pluriactivité saisonnière et les groupements d'employeurs demanderaient à être étendues à toutes les catégories de saisonniers, et surtout à ne pas en rester au stade de la bonne intention. En effet, le cumul de plusieurs activités successives ou simultanées est un moyen d'assurer un développement équitable et durable des territoires ruraux, notamment en zone de montagne.

Nous souhaitons que le Gouvernement soutienne les initiatives tendant à mieux informer et mieux accueillir les saisonniers et pluriactifs, par la création d'un centre de ressources national ; qu'il assure une meilleure adaptation des offres et des demandes d'emplois et de logements, en tenant compte des spécificités de la pluriactivité saisonnière ; qu'il adopte, dans le cadre des unités touristiques nouvelles, des programmes de logements sociaux et de réhabilitation immobilière, une démarche spécifique pour assurer des logements décents aux saisonniers et pluriactifs. Il faut aussi qu'il facilite les déplacements des saisonniers et pluriactifs, la scolarisation de leurs enfants, la protection de leur santé et l'exercice de leur citoyenneté ; qu'il leur assure l'égalité devant les cotisations et les prestations et la simplification de leurs démarches, par la généralisation des dispositifs de guichet unique et de caisse-pivot ; qu'il adapte les systèmes d'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises saisonniers ou pluriactifs. Il doit enfin adapter les systèmes de formation pour tenir compte de la spécificité de l'économie saisonnière et encourager les initiatives tendant à la pérennisation des emplois saisonniers et à la maîtrise des complémentarités saisonnières.

Ces propositions reprennent les conclusions adoptées à l'unanimité lors des deux dernières rencontres nationales des pluriactifs et de leurs partenaires. Il ne faut pas avoir une vision passéiste des territoires ruraux, notamment en montagne ; Monsieur le ministre, donnez aux saisonniers et aux pluriactifs les moyens d'être les acteurs de leur développement économique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Bouvard - La discussion de ce projet marque une étape importante pour nos territoires de montagne, puisqu'elle est l'occasion de procéder à l'actualisation de la loi montagne de 1985. En vingt ans, le contexte a évolué, comme l'ont montré les travaux conduits tant par la mission montagne du Sénat, par la mission montagne de notre assemblée et par le Conseil national de la montagne et sa commission permanente, que j'ai l'honneur de présider.

Certes des dispositions importantes avaient été adoptées dans la loi d'aménagement du territoire de 1995, dite loi Pasqua, auxquelles je m'honore d'avoir contribué, aux côtés du rapporteur de l'époque, Patrick Ollier, dont l'intérêt pour nos territoires de montagne ne s'est jamais démenti.

La loi de 1999 aura été en revanche relativement pauvre pour la montagne. Ce sont surtout des dispositions votées à l'initiative de la commission des finances toutes sensibilités confondues, à partir du socle législatif des ZRR ou de la DSR créée en 1995, qui auront permis des avancées au cours de la précédente législature ; ou des événements dramatiques comme la catastrophe du Mont-Blanc, qui s'est produite trois semaines seulement après que Mme Voynet m'avait répondu qu'une autoroute ferroviaire dans les Alpes était une solution trop coûteuse...

Aussi avons-nous été particulièrement sensibles à la remise en place rapide du Conseil national de la montagne, en présence du Premier ministre, quelques mois seulement après sa prise de fonctions. Ce conseil a ainsi pu participer à l'élaboration de ce projet, après avoir présenté ses propositions au Premier ministre le 28 août 2003. Deux réunions du CNM en moins d'un an, cela ne s'était jamais vu ! Je veux exprimer mes remerciements à vos collaborateurs, Monsieur le ministre, et à ceux de vos collègues, ainsi qu'à la DATAR, pour avoir permis cette étroite collaboration.

De nombreuses propositions formulées par la commission permanente du CNAM ont été traduites dans des dispositions réglementaires, notamment à l'occasion du CIADT consacré aux territoires ruraux. Mais l'importance de ce projet tient notamment à la rénovation qu'il propose des outils de la politique de la montagne.

Il s'agit notamment de la refonte du rôle des comités de massif. Dorénavant coprésidés par un élu, conformément aux dispositions de la loi sur la démocratie de proximité, ils deviennent la véritable instance de pilotage du massif. Permettez-moi cependant d'observer, Monsieur le ministre, qu'il n'est pas convenable d'avoir attendu deux ans pour publier un décret d'application d'une loi votée par le Parlement. Je proposerai des amendements pour étendre encore les missions de ces comités.

La commission permanente du Conseil national de la montagne s'est clairement prononcée, au regard d'une décentralisation qui aurait pu transférer aux régions la politique de la montagne, pour un partenariat entre Etat et collectivités - régions mais aussi départements. L'Etat est le garant des équilibres, tandis que les conseils régionaux ne font pas toujours de la préoccupation montagnarde une priorité ; quant aux départements, il faut confirmer leur rôle au sein de cette coopération, qui peut se traduire dans des moyens communs consacrés au renforcement des commissariats de massif.

M. François Brottes - Très bien !

M. Michel Bouvard - Autre disposition importante de ce texte : la rénovation de la procédure UTN. Aujourd'hui, la majorité des dossiers concerne le renouvellement d'équipements existants, pour lequel une procédure lourde est pénalisante. Nous plaidons pour la simplification administrative et approuvons donc ces mesures.

Bien évidemment, cette loi ne sera pleinement efficace que si les moyens sont au rendez-vous. Nous souhaitons que les mesures fiscales proposées en faveur des ZRR soient élargies à des secteurs non pris en compte. De même, nous souhaitons que le maintien des services publics soit mieux encadré. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

Au-delà de ce texte, je souhaite l'engagement clair du Gouvernement sur deux sujets essentiels pour le devenir de la montagne.

Le premier concerne la future Constitution européenne. La reconnaissance, dans le projet de la Convention, de la cohésion territoriale constitue une avancée incontestable, dès lors qu'elle est associée à la notion de handicap naturel. Une reconnaissance constitutionnelle est indispensable pour que nos politiques nationales ne puissent pas être demain remises en cause et pour que les services publics, ou plutôt les « services d'intérêt général » puissent continuer à fonctionner. Il ne faudrait pas, pour reprendre l'expression d'un député européen membre du groupe socialiste, que la DG Concurrence crée des déserts que la DG Régions soit ensuite obligée d'arroser... Il ne faudrait pas non plus qu'elle remette demain en cause ce que nous allons voter dans les jours qui viennent.

M. le Président de la commission - Très bien.

M. Michel Bouvard - Concernant ensuite les futurs textes de décentralisation et de financement des collectivités locales, il conviendra de prendre des mesures adaptées aux territoires de montagne. La péréquation et la solidarité fonctionnent d'abord au niveau des départements ; il importe donc que les départements de montagne gardent des ressources suffisantes pour faire face aux surcoûts liés à la géographie. Pour l'évaluation des richesses, il convient de prendre en compte le critère du revenu moyen par habitant, et non pas seulement le potentiel fiscal par habitant.

Ce débat, que nous aurons à propos de la future loi de décentralisation, n'est pas moins important pour le développement rural : il s'agit en effet ni plus ni moins que d'assurer aux départements les ressources qui leur permettront de continuer à remplir leur mission historique d'aménagement.

On annonce un moratoire sur les investissements pour le calcul de la taxe professionnelle. Nous avons expérimenté cette mesure en 1986 et, de fait, elle peut contribuer à une relance de l'économie. Cependant, si on devait aller jusqu'à supprimer la taxe professionnelle elle-même, nous redoutons les effets qu'aurait la disparition des fonds départementaux car ce sont des outils de solidarité particulièrement utiles pour les communes.

Ce projet marque une étape importante dans la rénovation de la politique en faveur de la montagne, et nous le soutiendrons donc. Les élus des massifs attendent toutefois pour ces territoires sensibles des mesures plus fortes, ainsi qu'une action de l'Etat plus cohérente. Dans l'esprit de la loi de 1985, il convient d'adapter notre législation et notre réglementation aux spécificités de ces territoires que, pendant des générations, les montagnards ont su préserver et valoriser au bénéfice de la nation tout entière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yannick Favennec - Ce projet est une chance pour le monde rural, de même que la ruralité est une chance pour la France. Depuis plus de vingt ans, les habitants de nos campagnes attendaient qu'on se préoccupe de leurs difficultés et qu'on leur donne les moyens d'exister ! Ce texte répond en grande partie à cette attente et à celle des « députés des champs », et je salue donc la détermination du Gouvernement et de vous-même, Monsieur le ministre, à honorer les engagements pris par le Président de la République lors de la dernière campagne électorale.

Préserver la vie rurale implique de valoriser notre agriculture, de maintenir les écoles et les services de proximité, de faciliter l'installation de médecins, de réduire la fracture numérique et de conforter un tissu économique formé essentiellement de PME, d'artisans et de commerçants. Il faut sauvegarder les entreprises existantes et, surtout, en attirer de nouvelles. Dans ce travail d'aménagement du territoire, l'Etat a un rôle essentiel à jouer : il doit adapter ses outils à chaque territoire en accordant une attention toute spéciale à ceux qui ont été le plus longtemps délaissés.

Tel est l'esprit des dispositions visant à moderniser le dispositif de revitalisation rurale, afin de rendre ces territoires plus attractifs. J'aurais cependant souhaité que le projet aille un peu plus loin et nous serons ainsi plusieurs à vous proposer une mesure qui pourrait avoir une portée emblématique : la création de zones franches rurales, à l'image des zones franches urbaines.

M. François Brottes - Très bien ! Nous vous soutiendrons.

M. Yannick Favennec - L'an dernier, ce dernier dispositif a été relancé avec la création de 41 nouvelles zones. Il ne peut sans doute être repris tel quel dans nos campagnes, mais des adaptations sont possibles et je songe en particulier à des exonérations de taxe professionnelle, de taxes foncières, de cotisations sociales et d'impôt sur les sociétés. En bénéficieraient les entreprises, les activités libérales, commerciales et artisanales ainsi que les exploitations agricoles de moins de 50 salariés. J'espère que vous réserverez un bon accueil à nos amendements.

Le texte prévoit aussi de développer les maisons de services publics en y associant le privé mais, sur ce point aussi, nous aurions aimé qu'on aille plus loin et que, dans le respect des règles de la concurrence, on mette en place de véritables maisons de « services au public ».

Si donc j'approuve le projet dans son ensemble, il reste que je regrette l'absence de deux éléments indispensables. Le premier a trait à l'accueil de la petite enfance : si l'on devait remettre en cause l'accueil à l'école dès deux ans, comment les communes pourront-elles retenir les familles ou en inciter d'autres à s'installer ? Il conviendrait donc d'encourager les initiatives privées ou associatives.

Les associations, précisément, jouent un rôle irremplaçable dans la vie sociale et dans l'animation du milieu rural. Elles auraient donc mérité de trouver place dans ce projet, et je pense en particulier à la définition d'un statut du bénévole.

Fragile, la France rurale contribue aussi à l'équilibre de la société et à la création de richesses. Elle a été trop longtemps négligée et nous nous devons donc de lui offrir ici une chance nouvelle, au bénéfice de tous ceux qui _uvrent à une ruralité moderne, active et respectueuse de nos traditions, de nos valeurs et de nos terroirs.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - L'opposition a déjà dit les manques et les faiblesses de ce projet, qui se résument en un criant déficit de moyens propres à donner consistance à ce catalogue d'incantations et de v_ux pieux. Il est regrettable que la défense de nos territoires ruraux ne vous ait inspiré que de simples annonces - mais je veux croire que, si vous avez cédé à cette tentation opportuniste, cela n'a rien à voir avec les prochaines échéances électorales !

L'effet d'annonce est bienvenu sur certains points et je songe en particulier aux zones humides, auxquelles je consacrerai mon intervention. En effet, comme chacun le sait, les régions Poitou-Charentes et Pays de Loire se partagent la plus grande zone humide de France et d'Europe : le marais poitevin. Or, parce que nous n'avons pas su protéger celui-ci des assauts de l'agriculture intensive, notre pays pourrait bientôt se voir condamné à une astreinte de 150 000 € par jour ! Il n'y a jamais de hasard en période électorale...

Native de cette région et élue d'une partie de cette zone, je suis de ceux qui se sont mobilisés depuis des années pour la défense de ce territoire fragile, mais ô combien riche et nécessaire à l'équilibre entre l'homme, les espèces animales et végétales et l'eau - cette eau que l'on croyait avoir maîtrisée mais qui devient source ou motif de souffrance et de désespérance à chaque inondation ou à chaque épisode de sécheresse. La lutte contre l'eau, menée pour étendre l'espace cultivé, a été dans nos régions l'équivalent de ce que furent ailleurs ou en d'autres temps les défrichements, mais elle a eu des conséquences calamiteuses : réduisant considérablement les zones humides, elle a accru d'autant les risques d'inondation et détruit bien des richesses humaines et biologiques. Il n'est que temps de reconnaître la gravité de la situation et de s'employer à préserver ces zones.

Nous attendions depuis longtemps un texte-cadre à cet effet, et je me réjouissais de voir enfin aboutir, grâce à votre projet, un combat de longue date. Hélas, je n'ai éprouvé que déception à la lecture d'un texte qui manque d'ambition et de cohérence. En premier lieu, il remet en cause la définition même des zones humides en confiant à un décret en Conseil d'Etat le soin d'en proposer une nouvelle - ce qui revient à demander un blanc-seing -, comme s'il n'existait pas déjà une définition nationalement et internationalement reconnue !

Vous proposez, d'autre part, un zonage qui viendra s'ajouter aux zonages nationaux ou communautaires, ce qui ne manquera pas de conduire à un imbroglio et de nuire à l'efficacité des incitations existantes. Le projet dissocie ainsi différentes zones en contradiction avec nos engagements internationaux. Ce sur-zonage frise même l'aberration lorsqu'il en vient à consacrer des zones « stratégiques pour la gestion de l'eau » ! N'est-ce pas par définition le cas de toute zone humide ? Alors pourquoi saucissonner ainsi, sinon pour des raisons financières ?

Contradiction et incohérence encore avec une mesure que je souhaitais pourtant depuis longtemps : l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti. Vous semblez sur ce point vous accommoder de l'inconcevable, à savoir de la coexistence de deux exonérations : celle qui vise à favoriser les bonnes pratiques, en allégeant les charges pesant sur les prairies par exemple, et celle qui est attachée à la plantation de peupliers en plein, dont on sait qu'elle est, elle, dommageable aux zones humides...

J'aurais également souhaité que vous envisagiez d'interdire la maïsiculture dans les zones humides et de la réglementer strictement dans les zones périphériques ou limitrophes. On aurait pu imaginer un assolement obligatoire et une baisse des primes pour tenir compte des interactions entre la zone humide et son pourtour. L'occasion a été encore une fois manquée.

Il en est de même pour les droits à produire : vous n'organisez aucune redistribution en faveur des éleveurs, qu'il faudrait pourtant aider à se maintenir.

Il est dommage qu'aucun gouvernement n'ait eu le courage de s'attaquer à ces problèmes, car les beaux discours ne suffiront pas à sauver les zones humides. Nous avons déposé des amendements qui rendraient le texte recevable sur cette question (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Vannson - Le regain d'attractivité des campagnes, dont chacun se réjouira, ne s'opère pas de manière uniforme. Ainsi, les zones périurbaines se développent fortement, mais, dans le même temps, une partie importante du territoire continue de se dépeupler. La solidarité nationale doit donc jouer pour assurer l'égalité des chances entre les territoires.

En tant qu'élu vosgien, je pense naturellement aux zones de montagne qui représentent près de 30 % de notre territoire mais 13 seulement de sa population, et qui sont un excellent exemple de la diversité des situations, cette diversité qui explique la multiplicité des besoins et des aspirations. Je me réjouis donc, Monsieur le ministre, de la large concertation que vous avez menée avant d'élaborer ce projet.

Certes, je suis de ceux qui auraient préféré une loi spécifique à la montagne, mais je comprends les difficultés du programme de travail gouvernemental et le montagnard que je suis se réjouit qu'un titre entier du projet soit consacré à la politique de la montagne.

Ce projet marque la volonté du Gouvernement de maintenir un équilibre entre l'aménagement de nos massifs et la nécessaire préservation de nos sites.

L'ensemble des mesures du texte affirme ainsi la volonté que l'Etat demeure le partenaire des collectivités territoriales dans le cadre d'une décentralisation aboutie.

Ce partenariat est essentiel au développement et à la protection des montagnes, et les élus souhaitent qu'il se renforce.

Je me réjouis aussi de la simplification des conventions interrégionales de massif, qui acquièrent une reconnaissance législative. De même, le rôle croissant accordé au Conseil national de la montagne constitue un progrès.

Je suis donc satisfait par ce projet et par la volonté qu'affiche le Gouvernement de s'investir au profit du développement de nos territoires. Nos montagnes doivent devenir des pôles d'excellence conciliant attractivité économique et sauvegarde de l'environnement.

J'aurais cependant souhaité que ce texte aille plus loin tant pour la pluriactivité que pour les dotations en faveur des communes de montagne. Je défendrai avec mes collègues UMP et UDF du groupe d'études sur la montagne, que j'ai l'honneur de présider, une quarantaine d'amendements en ce sens.

Monsieur le ministre, vous avez démontré votre volonté d'ouverture tout au long de l'élaboration de ce texte. J'espère qu'il en sera de même lors de son examen (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Brottes - Ceux qui attendaient un texte refondateur seront déçus. Les campagnes françaises sont victimes d'un abandon caractérisé, c'est exact, mais pourquoi ? Parce que, dans tous les services déconcentrés, des postes de fonctionnaires sont supprimés ; parce que les crédits consacrés au monde rural ne cessent de baisser ; parce que l'on assiste à la dérégulation accélérée de tous les services publics. A ce sujet, l'argument que vous allez répétant sans relâche, Monsieur le ministre, selon lequel « ce n'est pas nous, c'est la faute de Lisbonne », ne tient pas et vous le savez fort bien : jamais l'Union européenne n'a demandé aux Etats membres de renoncer à la péréquation tarifaire ou aux garanties de service public minimal, et jamais elle n'a exigé la privatisation des entreprises publiques. Et que vous vous appliquiez à rabâcher l'argument ne le rend pas plus juste, même si l'on voit l'habileté de la man_uvre. En fait, vous multipliez, à ce sujet, les contrevérités. C'est bien votre gouvernement qui a tenu à ouvrir le marché de l'électricité pour les ménages à la concurrence, ce qui va dégrader le service rendu, et c'est bien votre gouvernement qui a fixé les orientations du dernier contrat de plan entre l'Etat et La Poste, qui ne garantit en rien la péréquation des tarifs ! Ce n'est pas non plus Lisbonne qui fait fermer des trésoreries et des classes en zone rurale - sauf dans la circonscription de M. Mariton, on l'aura noté ! - et ce n'est pas Lisbonne qui impose la privatisation totale de France Télécom.

De tout cela, Lisbonne n'est nullement responsable. Seulement, votre gouvernement n'assume pas la responsabilité de ces choix désastreux, qui aggraveront mécaniquement la situation des zones rurales, et qu'il camoufle avec ce texte, en laissant croire à la population rurale que l'on s'occupe d'elle alors qu'il s'agit seulement, avec une duplicité absolue, de limiter les dégâts trop flagrants d'une politique délibérément libérale.

M. le Président de la commission - Que de caricatures ! Nous vous avons connu moins doctrinaire !

M. François Brottes - Je vous donne acte que plusieurs dispositions techniques seront améliorées - vous voyez que je m'efforce d'être objectif (Sourires) - notamment pour ce qui concerne les zones de montagne, mais il reste beaucoup à faire pour rendre moins précaire la situation des saisonniers. Je suis satisfait que certaines des mesures recommandées par la mission d'information sur la modernisation de la loi montagne que j'ai eu l'honneur de présider à la demande du président Ollier aient trouvé une traduction législative. Je me réjouis aussi d'avoir contribué, avec mon groupe, à sauver les SAFER et à supprimer les prérogatives exorbitantes qui étaient initialement dévolues aux régions en matière de gestion du foncier.

Il n'empêche ! Le message que vous destinez à la population rurale risque fort d'échouer en poste restante, et vraisemblablement dans l'un de ces bureaux que vous voulez fermer (Rires).

Quelle est en effet la substance de ce texte, dont vous nous dites qu'il tend à favoriser le regain d'attractivité des territoires ruraux ? On commence par nous expliquer qu'il n'est pas destiné aux agriculteurs ; c'est une bonne chose, car les agriculteurs le trouveraient bien vide... On notera par ailleurs que la loi dite « de modernisation agricole » ne sera votée qu'après les élections...

On nous explique ensuite que le texte n'a pas non plus vocation à traiter du service public, et notamment du service public postal, au prétexte qu'un prochain texte sur l'avenir de La Poste est en préparation.

On nous dit aussi qu'il ne s'agit pas d'un projet traitant de la santé - et pour cause : des ordonnances semble-t-il en cours de rédaction devraient traiter du grand soir de l'assurance maladie.

Le texte ne doit pas davantage traiter des dotations aux collectivités locales, puisque pour cela, on attend M. Devedjian...

M. le Président de la commission - Vous avez raison de rappeler l'ampleur du programme de travail du Gouvernement.

M. François Brottes - Le plus savoureux est encore à venir : M. le ministre a eu bien raison de me dire, en commission, qu'il ne pense pas que l'efficacité d'une réforme doive se mesurer à l'ampleur des crédits qui lui sont affectés, puisque le texte ne prévoit aucune ressource nouvelle destinée aux territoires ruraux !

Enfin, le projet introduit des mesures nouvelles, par lesquelles les collectivités locales pourront décider d'exonérations fiscales sans compensation par l'Etat. Il s'agit certainement là de la première étape de la réforme de la taxe professionnelle voulue par le Président de la République. C'est une véritable provocation que ce droit donné aux communes rurales les plus pauvres de payer, par des dégrèvements d'impôts locaux non compensés par l'Etat ce que les plus riches peuvent obtenir gratuitement en raison de leur densité démographique (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Voilà donc un projet dit de développement des territoires ruraux bien singulier. Pour conclure, je dois dire mon regret que la commission n'ait pas souhaité adopter certains de nos amendements, qui reprenaient pourtant les propositions du rapporteur de la loi Pasqua...

Il n'y a aucun doute : ce texte que certains de nos collègues UMP disent destiné à « la France d'en bas » fera que cette France-là descendra encore plus bas (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Jean-Pierre Chabrol contait l'histoire de ce berger cévenol de ses amis qui refusait toujours d'allumer sa pipe avec un briquet à gaz, ne voulant pas utiliser le symbole d'un progrès qui l'angoissait. Sachez-le : la population des territoires ruraux ne pourra se contenter d'une distribution de briquets à gaz : elle veut être soutenue sans condescendance, mais avec de vrais moyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Je vous remercie, Monsieur le ministre, de nous donner l'occasion de parler d'un sujet esquivé depuis vingt ans sauf dans la loi Pasqua de 1995. Je mesure tout le travail de coordination qu'il vous a fallu effectuer au cours de ces 18 mois sur un texte de nature interministérielle, et face à la multiplicité des acteurs ruraux, parfois très revendicatifs. Mais vous avez lancé ce chantier très rapidement, trois mois après votre installation, et élaboré un projet que certains, qui n'ont rien fait pour nos campagnes, critiquaient avant même de le connaître.

Vous l'avez fait sur la base d'une étude de la DATAR montrant les évolutions de nos territoires leur diversité et leur fragilité. Sur cette base, vous avez proposé, dans le cadre d'un CIADT, des mesures réglementaires mises en _uvre depuis le 3 septembre 2003 et 76 dispositions législatives utiles. Vous avez su écouter les parlementaires, notamment un petit groupe de députés ruraux et je remercie à la fois leurs collaborateurs et les vôtres, en particulier M. Perrot, M. Boudy, M. Caron et M. Mistler.

Sur ce texte, j'ai déposé de nombreux amendements, mais dans un esprit totalement constructif. Voyez-y simplement la passion d'un jeune député rural.

Trois points me tiennent particulièrement à c_ur.

D'abord, si je comprends la nécessité d'actualiser les ZRR en fonction des évolutions démographiques et de l'intercommunalité, je m'interroge sur l'utilité de cet outil pour le développement. La DATAR a fait remarquer que le dispositif est ancien, complexe et mal évalué. J'incite donc le Gouvernement à aller plus loin pour renforcer un dispositif incitatif, qu'on l'appelle ZRR, zone franche ou autre.

En second lieu, l'Etat doit assurer une cohérence des moyens financiers et fiscaux nationaux et communautaires en instituant un guichet unique et en concentrant les crédits sur certaines zones. L'héritage du gouvernement socialiste est en effet aberrant puisque la Lozère par exemple est éligible à l'objectif 2 pour l'Union européenne, mais exclue de la PAT.

Enfin, il convient à l'avenir d'adapter les normes nationales et communautaires à la ruralité plutôt que d'adapter la ruralité à la norme. Nous éviterions ainsi bien des blocages dus à nos spécificités.

Votre réponse à ma question orale du 6 janvier me donne certains espoirs. Je plaide cependant pour la création d'un observatoire national de la ruralité dès 2004 pour suivre les dispositions qui s'appliquent au monde rural.

Sortir la ruralité d'une certaine décrépitude, la sortir même de l'oubli, c'est ce que vous avez su engager en lançant ce grand chantier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Chanteguet - Après la loi Patriat de juillet 2000, le débat de février 2003 et la loi de Mme Bachelot en mai 2003, ce texte comporte à nouveau des articles relatifs à la chasse.

Un certain nombre, de nature technique, ne soulèvent pas d'objection, et portent entre autres sur les permis, l'indemnisation des dégâts de gibier, les infractions et les gardes particuliers.

D'autre part, préciser le contenu des orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats ne leur donnera que plus de force. Il est de même utile de préciser ce qu'on entend par l'équilibre agro-sylvo-cynégétique et les moyens de l'atteindre.

Le rapporteur, M. Lemoine, nous a rappelé que ces dispositions relatives à la chasse s'inscrivent dans une logique d'apaisement et de responsabilisation. Nous ne pouvons qu'y souscrire. Mais cette vision des choses ne résiste pas aux faits.

La ministre, comme le rapporteur, après avoir accepté en mai 2003 la suppression du jour de non-chasse le mercredi, nous avaient assuré que concilier les intérêts des différents utilisateurs de la nature constituait pour eux une priorité. Ils faisaient confiance au sens des responsabilités des fédérations départementales de chasseurs pour solliciter des préfets la limitation du nombre de jours de chasse. Le 15 septembre 2003, dans une question écrite, je demandais à Mme la ministre combien de départements n'avaient arrêté aucun jour de non-chasse. Elle ne m'a toujours pas répondu. Selon mes informations, 49 % des départements ne l'avaient pas fait avant la loi Patriat, et ils sont 70 % aujourd'hui. Les usagers de la nature autres que les chasseurs ont été ignorés.

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques pour les dispositions relatives à la chasse - C'est faux.

M. Jean-Paul Chanteguet - Où est le sens des responsabilités des chasseurs auquel vous faisiez appel ?

S'agissant des dates d'ouverture de la chasse au gibier d'eau en 2003 retenues par le ministère, les principales associations de protection de la nature ont constaté qu'elles n'étaient pas encore satisfaisantes pour toutes les espèces mais constituaient une avancée notable. Par souci d'apaisement, elles n'ont donc pas déposé de recours contre ce calendrier.

Dans votre texte, il conviendrait de mieux responsabiliser les différents acteurs. Aussi serait-il judicieux d'associer à l'élaboration des orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage les associations de protection de la nature et d'autres usagers de la nature que les chasseurs et les agriculteurs.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Très bien.

M. Jean-Paul Chanteguet - En second lieu, je ne pense pas que la composition du conseil d'administration de l'Office national de la chasse proposée par le rapporteur pour que les chasseurs se réapproprient cet organisme soit de nature à apaiser le débat à son sujet...

D'autre part le groupe socialiste s'oppose fermement à la définition du jour, pour le droit de chasser le jour, comme la période qui commence une heure avant le lever du soleil au chef-lieu du département et finit une heure après son coucher. Selon le rapporteur, faute d'une telle définition, la chasse à l'approche ne pourrait avoir lieu notamment en Alsace-Moselle. Mais il ne saurait être question d'autoriser ainsi à pratiquer la « chasse de jour » la nuit, ce qui perturberait la faune et accroîtrait les risques pour la sécurité.

Enfin, le rapporteur a fait preuve d'un véritable égarement en faisant adopter par la commission un amendement qui intègre les frais engagés pour les chasses d'affaires dans les charges déductibles des entreprises, au prétexte de stimuler la chasse... Rien ne justifie cette défense d'intérêts particuliers, qui ressort d'une vision conservatrice de la chasse.

Pour notre part, nous continuerons à lutter pour une chasse progressiste dans l'intérêt du plus grand nombre, et le respect de notre patrimoine et de nos valeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Juliana Rimane - La Guyane, dont la superficie est le sixième de la France métropolitaine et trois fois celle de la Belgique, est occupée pour l'essentiel par la forêt équatoriale. Ses problèmes sont donc très spécifiques et sans commune mesure avec ceux des régions métropolitaines.

La population y croît dix fois plus vite qu'en métropole, l'immigration clandestine est soutenue. Les disparités sont très grandes puisque l'activité se concentre sur la bande littorale, en particulier à Cayenne, alors que les communes de l'intérieur, enclavées, n'ont aucune perspective de développement. Ce texte était donc très attendu pour relever de tels défis.

J'évoquerai trois points : les problèmes fonciers, le désenclavement et l'insuffisance des équipements.

Sur le plan foncier, le patrimoine privé de l'Etat représente plus de 90 % du territoire guyanais. Il serait donc opportun, au moment où l'Etat se sépare de certaines parties de son patrimoine immobilier et foncier, qu'il s'engage à l'entreprendre sans attendre en Guyane. En effet la situation actuelle n'est pas sans conséquences pour les collectivités locales, dont les finances sont fragiles et qui sont ainsi privées de ressources fiscales potentielles. Quant aux exploitants agricoles, ils ne sont pas tous propriétaires des terres qu'ils mettent en valeur, mais bénéficient simplement d'une concession de l'Etat, ou des communes, sous la forme d'un bail emphytéotique, que certains veulent d'ailleurs limiter à trente ans.

Pourtant, la situation évolue dans le bon sens. Par l'ordonnance du 2 septembre 1998, les pouvoirs publics ont souhaité favoriser l'accession à la propriété foncière des personnes qui habitent sur des terrains du domaine privé de l'Etat ou les cultivent. Malheureusement la date d'expiration pour cette régularisation des occupations foncières était fixée au 31 décembre 2003. Or le processus n'a débuté que récemment, en raison d'une situation complexe, et il est loin d'être achevé. Je demande donc que le délai soit prorogé de trois ans.

Par ailleurs, l'ordonnance ne concerne pas les agriculteurs à titre secondaire, assimilés aux pluriactifs : elle prévoit d'attribuer les terres exclusivement aux agriculteurs exerçant leur profession à titre principal. Eu égard au rôle que jouent dans la production les agriculteurs à titre secondaire et au fait qu'ils sont appelés, si leur exploitation agricole est rentable, à abandonner leurs activités annexes, ne pourrait-on envisager de leur étendre le bénéfice de l'ordonnance de 1998 ?

La mise en place de commissions communales et intercommunales permettant de traiter localement les problèmes fonciers est une mesure intéressante.

En effet, depuis très longtemps, les élus demandent à être mieux intégrés dans les instances chargées de l'aménagement foncier du territoire, mais surtout à pouvoir enfin décider et gérer au plus près des réalités locales. Cependant il est regrettable que les agriculteurs, concernés au premier chef par l'aménagement foncier rural, ne soient pas mieux représentés dans ces instances.

La loi-programme a heureusement pris des dispositions pour assurer la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole. Cependant, le désenclavement intérieur de la Guyane reste à faire. Nous aurons besoin non seulement d'infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, mais d'équipements publics de proximité, sans oublier les réseaux de télécommunications et les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Ces carences handicapent ces parties du territoire et entravent leur développement agricole, forestier et touristique.

Je me réjouis des dispositions en faveur des maisons des services publics. En effet, la situation actuelle est plus que préoccupante, surtout dans les communes de l'intérieur de la Guyane, toutes confrontées à des difficultés en matière scolaire, sanitaire, sociale et culturelle. Je me félicite également des dispositions relatives à l'installation des professionnels de santé et de l'action sanitaire et sociale, mais elles demeurent bien insuffisantes. La situation de la Guyane requiert des mesures d'incitation et de soutien beaucoup plus fortes. En effet, les indicateurs de santé sont révélateurs d'un profond retard : le taux de mortalité infantile y est de 12,5 pour 1 000, contre 4,6 pour 1 000 en métropole ; le nombre de médecins généralistes y est de 41 pour 100 000, contre 70 dans les autres DOM et 115 en métropole...

La vitalisation des zones rurales est rendue très difficile par les problèmes fonciers, l'enclavement des communes et le manque de structures administratives. Ce projet, pour utile et indispensable qu'il soit, ne répond pas pleinement aux réels besoins de la Guyane, même si des ordonnances sont prévues à cet effet.

La situation guyanaise est exceptionnelle, et exige des dispositions parfaitement adaptées. Il est indispensable d'entreprendre une évaluation objective de cette situation, d'en tirer les enseignements et de les traduire en des dispositions législatives permettant enfin à la Guyane de s'engager dans la voie du développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Prochaine séance, mardi 20 janvier, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 5 le vendredi 16 janvier.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 20 JANVIER 2004

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions orales sans débat.

2. Fixation de l'ordre du jour.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Déclaration du Gouvernement sur l'avenir de l'école et débat sur cette déclaration.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


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